Dossier

Jean-Claude Ferrandeza
Serge Theysb
Drainage manuel
Jean-Yves Bouchetc Recommandations pour une pratique basée sur les faits
Manual drainage: Guidelines for evidence-based practice

La validation d’une technique repose sur sa capacité à faire évoluer des

paramètres cliniques objectivés par des mesures, le plus souvent, instrumentales.
Diverses méthodes d’évaluation et de comparaison permettent aux MK de vérifier
l’efficacité de la pratique du DM.

Résumé
Le drainage manuel a fait l’objet de différentes expérimentations
afin d’évaluer son efficacité. Les mesures centimétriques cliniques,
réopléthysmographiques et lymphoscintigraphiques permettent
d’établir des recommandations sur la manière de l’appliquer.
L’évaluation de l’effet du drainage manuel à distance, de la traction
de la peau pendant les manœuvres, du sens de déroulement des
manœuvres et de la pression appliquée, justifie ou non leur utili-
sation dans le traitement des œdèmes.
Summary
Manual drainage has been widely investigated to evaluate its
efficacy. Clinical measures, reoplethsmography and lympho-
scintigraphy have contributed to the establishment of practi-
cal guidelines. Evaluating the effect of manual drainage after
different types of maneuvers characterized by the direction
of the massages, the presence or not of skin traction, the
pressure applied, provides evidence in favor or not of its use
for the treatment of edema.

MOTS-CLÉS KEYWORDS
Drainage manuel – Lymphoscintigraphie – Manual drainage – Lymphoscintigraphy –
Microlymphangiographie – Œdème – Pléthysmographie – Microlyphoangiography – Edema – Plethsmography –
Tonométrie – Validation Tonometry – Validation
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Introduction résorption veino-lymphatique et l’évacuation du liquide

Toutes les techniques utilisées en kinésithérapie devraient capté. Elles permettent également de déplacer l’œdème
être validées. L’époque du « je fais cela car les patients me dans le secteur interstitiel. Le choix pertinent du sens du
disent que ça leur fait du bien » est révolue. Elle doit être déroulement des manœuvres a tout son intérêt, pouvant
remplacée par « j’ai choisi d’utiliser cette technique parce faire passer l’œdème d’un territoire en insuffisance circu-
qu’elle est validée » et « je fais cela car j’objective l’effet de la latoire à un autre sain.
technique par l’amélioration de critères objectifs ». Ne nous y Aujourd’hui se posent les questions suivantes :
trompons pas, les assureurs (CPAM ou autres organismes) – le DM permet-il de réduire réellement le volume d’un
ne prendront en charge que les techniques reconnues sus- œdème ?
ceptibles d’améliorer l’état clinique du patient, y compris – s’il réduit un œdème, le DM permet-il cette réduction
pour le Drainage manuel (DM). Il est nécessaire de fonder uniquement via l’évacuation lymphatique ?
des recommandations sur la validation des effets du grand – existe-t-il différentes manières de l’appliquer ?
nombre d’applications possibles de la technique. Répondre à ces questions demande de quantifier des effets
Le drainage manuel est un massage original qui utilise cliniques.
des manœuvres réalisant sur la peau un déroulement ap-
puyé de la main ou des deux mains, d’un ou de plusieurs Variations cliniques induites
doigts, d’une simple pulpe. Leur caractère commun est de par le drainage manuel
réaliser un mouvement dit en tampon-buvard, c’est-à-dire Appréciation de la modification
de la consistance
la revue
Kinésithérapie

un déroulement effectué sans glissement qui est répété

plusieurs fois sur place. Ces manœuvres sont caractéri-
sées par un contact qui débute en amont de l’œdème et
se déroule vers l’aval, sens de la circulation de retour du
sujet. Ces manœuvres sont réalisées avec un étirement
de la peau et une pression spécifique. Elles permettent,
par augmentation de la pression tissulaire, d’améliorer la
Dans certaines conditions, les manœuvres de DM modi-
fient la consistance de l’œdème. Le développement du
sens tactile d’un kinésithérapeute entraîné lui permet de
juger de cet état par la palpation avant d’entreprendre
le traitement. À l’issue de la séance, cette consistance
est souvent modifiée et le ramollissement de l’œdème

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apprécié. Cette petite modification obtenue est le résultat

du changement de « tonus » de l’œdème témoignant de
l’effet décongestionnant.
D’une autre façon, la modification de la fermeté de
l’œdème peut être appréciée par la difficulté à froncer la
peau avant la séance, et par la facilité à la plisser ensuite.
L’observateur entraîné peut percevoir ces changements
subtils. S’ils sont réels, ils n’en demeurent pas moins dif-
ficiles à certifier. La quantification de l’effet pourrait être
réalisée par tonométrie.

La tonométrie
La palpation n’indiquant qu’une estimation qualitative,
le bilan devrait recourir à la tonométrie pour tenter de
quantifier. Cependant, son application nécessaire est chro-
Figure 1. Deux modèles de tonomètre du Dr Pierre Debelle :
nophage et d’interprétation délicate [1].
le premier, blanc, est le prototype ; le second, rouge, est la
Il existe une grande variété de tonomètres, aux caractéris-
première version commerciale.
tiques différentes (figure 1). Les résultats ne peuvent donc
pas être comparés. D’une manière générale, un cylindre
muni d’un système (le plus souvent un ressort calibré) sa marge d’erreur est connue, par exemple, au niveau du
exerce une pression constante sur le curseur mobile ; sur membre supérieur, elle reste de l’ordre de 1 centimètre
la base placée en contact avec la peau, un plateau séparé d’un examinateur à un autre et de quelques millimètres
du cylindre par des capteurs de correction stabilise la com- pour le même examinateur [2]. Peu de travaux rapportent
pression du cylindre sur la peau. Le matériel est positionné l’effet du DM en prenant compte ces variations.
verticalement sur la peau. Sous l’effet de la compression Récemment, son effet sur la réduction du volume de
constante, mais variable selon le type de tonomètre, le l’œdème du visage après extraction dentaire des 3es mo-
curseur s’enfonce dans la peau. La profondeur de son laires a été évalué [3]. Ce travail original fut réalisé sur
empreinte est alors transmise à un système de lecture 10 patients ayant subi des extractions bilatérales. Un seul
optique. côté fut traité par DM. Les variations de deux paramètres
Cette bathymétrie reste peu employée. De fait, pour ob- furent évaluées :
tenir une certaine repro- – l’intensité de la douleur ;
a. MKDE, Consultation de ductibilité, il faut que la – la mesure de différentes distances sur chacune des faces
lymphologie, Institut Sainte- force de compression soit du visage, côté traité versus non traité (tragus-jonction
Catherine, Avignon suffisante et que la com- des lèvres, tragus-pogonion, angle mandibulaire-coin
b. Chargé de cours invité de
l’université catholique de Louvain, pression dure près d’une externe de l’œil, angle mandibulaire-aile du nez, angle
Docteur en kinésithérapie, minute à chaque point mandibulaire-jonction des lèvres, angle mandibulaire-
cliniques universitaires de d’étude. L’interprétation point médian du menton).
Godinne, Yvoir, Belgique
c. Cadre supérieur de santé, CHU des résultats n’est pas en- Les mesures réalisées le lendemain de l’opération et après
de Grenoble core suffisamment codifiée 6 jours de traitement furent comparées. La différence ob-
pour être transposée à des tenue était significative (p = 0,0295).
Auteur correspondant :
Jean-Claude Ferrandez recommandations de prati-
Consultation de lymphologie, que clinique. Pour ce faire, La rhéopléthysmographie
Institut Sainte-Catherine il faudrait encore relever le En fonction de leur aspect clinique, tous les œdèmes ne
1750 chemin du Lavarin
BP 846 temps que met l’empreinte réagissent pas durant le temps d’une séance jusqu’à la li-
84082 Avignon cedex 2 à disparaître : le temps de mite mesurable par centimétrie. Seuls, les plus liquidiens
résilience. permettraient cette observation [4]. La mesure des faibles
Les auteurs ont déclaré n’avoir
aucun conflit d’intérêt en lien avec variations des circonférences d’un membre sont aborda-
la revue

Les mesures
Kinésithérapie

cet article. bles par la rhéophlésthysmographie.

Article commandé le : 18/12/2009
Article reçu le : 06/12/2010
Article relu le :
– 1er relecteur : 09/01/2011
– 2e relecteur : 09/01/2011
– 3e relecteur : 16/01/2011
Article accepté le : 15/02/2011
centimétriques
Les mesures périmétriques
des membres sont facile-
ment réalisées par l’utilisa-
tion du mètre ruban dit de
« couturière ». Cependant,
La pléthysmographie est une méthode d’exploration qui
enregistre (graphos = écrire) les variations de volume
(plethysmos = volume). Elle quantifie toute variation d’un
œdème (figure 2) et toute différence de réponse à des mo-
dalités ou traitements différents (DM antérograde versus
rétrograde, DM versus presso à pression comparable, etc.).

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 Drainage manuel
Figure 2. Pléthysmographe à jauge de mercure (en bas) sous un
enregistreur graphique sur lequel deux sondes ont été posées.
Pendants devant le tableau graphique, les deux fils électriques
terminés par le support des bornes A et B des jauges de Hg
(non visibles sur l’image).
La pléthysmographie est un examen externe, non invasif
et donc répétitif. Elle mesure en continu la moindre va-
riation de volume du segment étudié. Les données sont
recueillies par différents moyens de mesure. La jauge de
mercure donne le plus de renseignements. Celle-ci est
constituée d’un fin tube élastique contenant du mercure
(Hg) (figure 3). Sa flexibilité permet de bien se mouler aux
reliefs du membre. Elle est placée autour du segment du
membre à étudier.
À chacune de ses extrémités, se trouve une borne élec-
trique. Un milli-ampérage y circule durant toute la du-
rée du test. Le temps que met le courant à passer de la
borne A à la borne B est mesuré et traduit en variations
volumétriques :
– plus le temps est raccourci, plus le volume de l’œdème
diminue ;
– plus il s’allonge, plus il augmente.
En d’autres mots, toute variation de volume modifie la
longueur de la jauge et produit une variation de l’impé-
dance électrique, de la résistance au passage du courant.
Différentes procédures d’application du DM ont été réali-
sées par Theys et al. dans de nombreuses situations, et per-
mettent de recommander le mode d’application du DM.
Ainsi, l’approche rétrograde [5], caractéristique du DM,
réduit le volume (-0,11 % GVol/min) de lymphœdèmes
(n = 13) importants (volume +46 %) et anciens (7 ans)
du bras, apparus dans les 30 mois après un traitement
radio-chirurgical du cancer du sein. Le même résultat
(-0,11 % GVol/min) se retrouve par un drainage pneu-
matique rétrograde (DPR) utilisant une pression de 30
mmHg. Un constat analogue est retrouvé au niveau de
lymphœdèmes (n = 10) et de phlébœdèmes (n = 7) du
membre inférieur : -0,07 % GVol/min avec le DM versus
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Figure 3. Une jauge de mercure est placée autour et au-dessus
de la cheville gauche d’une patiente.
0,06 avec le DPR [6, 7]. Soulignons que l’abord rétro-
grade n’a toujours pas montré sa nécessité. En effet, avec
le même groupe de patients, l’abord inverse, antérograde,
qui débute à la périphérie, double quasiment la réponse
(-0,20 % GVol/min en antérograde versus -0,11 % GVol/
min en rétrograde) [8].
Un autre caractère du DM est d’associer une légère trac-
tion cutanée lors des manœuvres. Contre toute attente,
la diminution de phlébœdèmes du membre inférieur (n
= 18) double lorsque ce coulissage cutané se fait en cen-
trifuge [9].
Il n’en va pas de même dans les lymphœdèmes des mem-
bres inférieurs (n = 21) : le résultat est semblable (-0,09 %
GVol/min avec un coulissage centripète versus -0,09 %
GVol/min avec le classique coulissage centripète) [10].
Le manque d’efficacité du
DM a été aussi retrouvé Le DM réduit-il un
lors du premier jour de
œdème uniquement
traitement chez 13 femmes
présentant un important
via l’évacuation
(+74 % GVol) et ancien (85 lymphatique ?
mois) lymphœdème du
membre supérieur [11]. Le DM donnait 0,02 % GVol/min.
Le DPR obtenait le double (-0,05 % GVol/min) avec une
pression de 30 mmHg et beaucoup plus (-0,59 % GVol/
min) avec 90 mmHg. Ceci manifeste qu’en fonction de la
consistance et du volume de l’œdème, il faut employer des
pressions élevées.
Variations lymphoscintigraphiques
induites par drainage manuel
la revue
Kinésithérapie
L’application des manœuvres de DM a plusieurs effets
vasculaires veineux, interstitiel et lymphatique.
• L’effet de drainage veineux superficiel obtenu par DM est
comparable à celui du bandage ou du bas de compression.
L’augmentation de la pression tissulaire induite par la pres-
sion manuelle augmente la pression tissulaire et active la
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 Dossier

résorption veineuse. L’augmentation du retour veineux dans clichés lymphoscintigraphiques avant et après une cure de
les veines superficielles est très facilement objectivable par 20 séances de DM. L’amélioration du temps d’ascension du
Doppler posé sur une veine située en aval de la manœuvre en colloïde témoignait de l’efficacité du DM.
tampon-buvard. Une pression plus appuyée donne le même • En 1996, Ferrandez et al. rapportaient aussi l’effet du DM
effet sur le réseau veineux profond. Cet effet se rapproche de dans le lymphœdème du membre supérieur post-radio-
celui d’une pression glissée ou d’une pressothérapie. chirurgical au traitement d’une tumeur mammaire sur un
• L’effet de drainage dans l’interstitiel est le déplacement groupe très homogène de 48 patientes [19]. Par comparai-
de l’œdème dans le secteur sus-aponévrotique. Cet effet son de clichés effectués avant et après une séance de DM
est possible sous condition d’une adéquation entre la pres- de 30 minutes, l’étude montrait une amélioration très ob-
sion exercée et la viscosité de l’œdème. Plus l’œdème est jective du drainage du colloïde injecté (figures 4 et 5). Cette
fluide, plus ce déplacement est possible. Il peut s’agir d’un efficacité témoignait du dépassement du niveau de blocage
déplacement de l’œdème sans résorption [12]. initial du colloïde. Le mode de stimulation du système
• L’effet spécifique du DM sur le système lymphatique est lymphatique par DM était bien observé. Le colloïde ainsi
objectivable par la lymphoscintigraphie, qui permet de ascensionné pouvait progresser par des voies anatomiques
tester la résorption des substances de haut poids molécu- ou des voies de vicariance. Ce passage par des voies aty-
laire (SHPM). piques fut montré plusieurs fois. Le DM permettait parfois
La lymphoscintigraphie est l’examen qui approche au un drainage vers les nœuds controlatéraux.
mieux la fonction lymphatique par injection en sous-cu- • En 2006, Kafedjian-Haddad et al. étudièrent l’effet du DM
tané d’une faible quantité sur 16 patients porteurs de lymphœdèmes des membres
Sur le même groupe d’un produit résorbable inférieurs : 4 lymphœdèmes secondaires et 12 primitifs
électivement par voie lym-
de patients, l’abord
phatique. Le produit injecté
antérograde double est un colloïde marqué par
quasiment le résultat. le technétium 99 dont la
gamma caméra enregistre
le rayonnement. L’analyse informatique du rayonnement
est ensuite traitée pour créer une image. Les arguments
critiques de cet examen isotopique sont nombreux. En-
tre autres, il ne permet d’apprécier que la fonction du
territoire qui a été injecté et non l’ensemble du membre
œdématié. Malgré cette restriction, il reste l’examen de
référence [13].
• En 1985, Moreau-Dahyot et Robert publièrent la courbe
de la lymphoscintigraphie d’une patiente sous DM [14]. a
• En 1988, Leduc et al. expérimentèrent l’influence du drai-
nage lymphatique manuel par lymphographie isotopique
sur 8 sujets (7 étaient des sujets sains et un seul présentait
un œdème) [15]. Ce travail ne présentait pas de résultats
statistiques, mais illustrait l’intérêt de la technique.
• En 1989, l’effet du DM dans les œdèmes chroniques
bilatéraux des membres inférieurs a été observé par Bou-
chet et al. [16]. L’étude mettait bien en évidence la mo-
dification des images lymphoscintigraphiques de patients
porteurs d’une réelle insuffisance lymphatique montrée
par lymhoscintigraphie préalable.
• En 1991, l’effet du DM dans le cadre des insuffisances
circulatoires de retour des membres inférieurs a été appro-
b
la revue
Kinésithérapie

ché par Dubois et al. [17]. Mais le traitement incluait des

techniques associées.
• En 1992, l’effet du DM sur des patientes porteuses d’une
symptomatologie banale de fatigue des membres inférieurs
accompagnée de lourdeur et gonflement des chevilles et
des jambes a été apprécié par de Grotte et al. [18]. Le tra-
vail, portant sur un groupe de 13 patients, comparait les
Figures 4a et 4b. Lymphoscintigraphie d’un lymphoedème
après curage axillaire (a). Notez la migration vers des noeuds
lymphatiques dans le creux axillaire par un trajet anatomique.
Lymphoscintigraphie de la même patiente après une session de
drainage manuel (b). Notez l’efficacité de la technique par la
concentration plus importante du traceur dans ces nœuds.

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Figure 5. À gauche: Lymphoscintigraphie d’un lymphoedème
après curage axillaire. Notez l’absence d’imprégnation des nœuds
axillaires. À droite: Lymphoscintigraphie de la même patiente
après une session de Drainage Manuel. Notez l’efficacité de la
technique avec migration par des voies internes et externes qui
permettent la visualisation d’un nœud lymphatique.
[20]. Deux examens lymphoscintigraphiques furent réali-
sés. Le premier permit d’obtenir une image au repos à la
45e minute, sans qu’aucune manœuvre de massage n’ait
été réalisée. Une semaine plus tard, le même examen était
réalisé, puis, après la lymphoscintigraphie, un protocole de
DM particulier fut appliqué : les membres inférieurs furent
enduits de vaseline (sic) et des manœuvres de massage
doux, réalisées de façon rétrograde, précédées de manœu-
vres en cercle appliquées sur les aires inguinales bilatéra-
les. Toutes les manœuvres furent dirigées en direction des
veines saphènes. Indépendamment de la diminution du
volume, les résultats obtenus montrèrent l’amélioration
des images lymphoscintigraphiques par l’application du
DM sur 6 patients sur 16.
DM et débit lymphatique :
évaluation avec micro-
lymphangiographie de fluorescence
La micro-lymphangiographie de fluorescence consiste
en l’injection des macromolécules marquées avec de la
fluorescéine dans l’espace sous-cutané. Une lumière ul-
traviolette permet de visualiser, à travers la peau et grâce
à une lentille grossissante, le captage de ces molécules
par les lymphatiques initiaux. L’opacification progressive
du réseau lymphatique apparaît de façon dynamique sur
l’écran d’un ordinateur.
Très exceptionnel, et réservé aux centres de recherches, cet
examen a objectivé le caractère directionnel des manœu-
vres manuelles.
En 2010, Belgrado et al. [21] ont filmé les effets fonction-
nels du drainage lymphatique chez des patientes grâce à
cette technique d’imagerie dynamique non ionisante.
Analyse critique des effets validés
du drainage manuel
Observé par lymphoscintigraphie, le DM produit parfois
les mêmes effets que les simples mobilisations sur le flux
lymphatique. On pourrait conclure rapidement que les
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mobilisations remplacent avantageusement le DM dans le
traitement des œdèmes ; or, la clinique prouve le contraire.
La différence entre ces deux modes d’activation du système
lymphatique tient au fait que l’activité augmente la charge
lymphatique en même temps qu’elle favorise son évacua-
tion. De ce fait, elle diminue peu, voire augmente, l’œdème.
Ainsi, on peut supposer que le DM reproduit les mêmes
effets que la mobilisation sur l’accélération de la circulation
lymphatique sans augmenter les échanges responsables
de l’augmentation de la charge. La seule observation de
l’augmentation du flux lymphatique par une technique ne
permet pas de conclure sur
son efficacité pour traiter un L’effet de drainage
œdème. En effet, les brûlu- veineux superficiel obtenu
res, les chocs, les aspirations
par DM est comparable à
associées à un pli roulé de
celui du bandage ou du
peau, par exemple, accen-
tuent le débit lymphatique bas de compression.
proportionnellement à la fil-
tration qu’ils induisent. Ces techniques ne représentent pas
pour autant des outils de décongestion, bien au contraire.
Par ailleurs, aucun effet rémanent sur la circulation lym-
phatique n’est noté par des mobilisations ou du DM. Dans
certains lymphœdèmes, ni la mobilisation ni le DM ne font
apparaître une activité lymphatique et, pourtant, le traite-
ment physique fait diminuer l’œdème de la même façon
que lorsqu’il y a une activation lymphatique.
Le DM après injection entraîne une mobilisation des mo-
lécules marquées dans les espaces tissulaires ou dans les
lymphatiques initiaux avec une diffusion de la radioacti-
vité sur une superficie très large. Ainsi, est mise en évi-
dence la capacité d’induire une orientation directionnelle
avec des manœuvres spécifiques de DM. Le transport des
macromolécules vers des zones de drainage lymphatique
plus efficace est objectivé par la lymphoscintigraphie, qui
montre une radioactivité de zones de drainage hors des
schémas anatomiques lymphatiques traditionnels. Cette
mobilisation des molécules marquées se fait à plusieurs
niveaux :
– dans les fentes tissulaires extravasculaires et dans les
lymphatiques initiaux où l’on trouve une radioactivité
diffuse se propageant dans différentes directions, en
fonction de l’orientation des manœuvres manuelles ;
– dans les collecteurs lymphatiques qui restent fonction-
nels et montrent une fixation radioactive des ganglions
encore opérationnels, situés soit en racine du membre
homolatéral soit controlatéral.
la revue
Kinésithérapie
Ces deux modes d’action sont probablement combinés.
Lorsque l’on place un bandage sur un lymphœdème, on
constate après plusieurs heures que le volume du membre
diminue, qu’il se déforme et que sa texture se modifie
de façon très irrégulière. On se trouve en présence de
zones indurées et d’autres plus souples. Il reste souvent
des sillons profonds avec des berges très dures. Elles sont
45
 Dossier
traitées par DM. La construction du traitement ne se fait
plus en fonction de règles dogmatiques basées sur un en-
seignement anatomique, mais en cherchant à harmoniser
la tension tissulaire et à rendre les formes plus proches de
la morphologie naturelle. La répétition des manœuvres
manuelles répond aux informations tactiles reçues par le
kinésithérapeute.
De la même façon, la pression est adaptée à l’état de ten-
sion des tissus [22-24]. Elle peut s’avérer beaucoup plus
forte que celle décrite habituellement dans les ouvrages
sur le DM.
Enfin, la mécanisation du conduit thoracique par mas-
sage abdominal de la citerne de Pecquet reste un vœu
pieux, compte tenu de son inexistence quasi perma-
nente chez l’homme [25]. Si elle a été trop longtemps
recommandée pour des effets théoriques, cette mécani-
sation ne se traduit pas par une augmentation du débit
lymphatique.
La remise en cause de l’intérêt du DM a été faite à plusieurs
reprises, souvent par des non-kinésithérapeutes. Cette re-
mise en cause non déontologique supposerait d’abord de
définir quel type de DM était pratiqué.
Afin d’effectuer une étude randomisée sur les effets du
DM dans le lymphœdème, il conviendrait de mieux définir
le type de manœuvres appliquées, l’intensité de pression
exercée, la répétitivité des séquences, la durée de la séance
de drainage. En l’absence d’une telle rigueur, une condam-
nation trop rapide de la technique pourrait faire perdre
aux patients le bénéfice de réduction de leur œdème.
Conclusion
Les travaux réalisés avec la rhéophléthysmographie per-
mettent d’émettre 6 recommandations pour bien appli-
quer cette technique :
– abandon des manœuvres abdominales pour mécaniser
la citerne de Pecquet ;
– abandon des manœuvres dites « d’appel » réalisées à
distance préalablement au drainage de l’œdème ;
– application du drainage manuel essentiellement sur la
zone de l’œdème ;
– choix d’une traction de la peau spécifique ;
– adaptation de la pression du massage en fonction de la
consistance de l’œdème ;
– déroulement des manœuvres dans un sens anatomique
ou en cherchant des voies de substitutions.
Par ailleurs, nous n’avons pas retenu de preuve de l’effica-
cité des manœuvres de stimulations manuelles des nœuds
la revue
Kinésithérapie
lymphatiques chez le vivant.
En appliquant ces 6 recommandations, on peut conclure
que le DM :
– participe activement à la réduction d’un œdème et ré-
sorbe les SHPM ;
– réduit l’œdème en utilisant à la fois les voies lymphati-
que, veineuse et interstitielle ;
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Points à retenir
• Sans méthodes d’objectivation, toute technique n’est qu’une « re-
cette de guérisseur ».
• Un concept thérapeutique a beau être attrayant, il faut avant tout
que son effet puisse être validé.
• La réalisation du DM dépend de l’examen clinique. Chaque patient
bénéficie donc d’un DM personnalisé.
• La pression du DM dépend de la consistance de l’œdème.
• Le DM presque parfait est celui dont on connaît bien les possibilités
et les limites.
– est efficace en considérant l’aspect clinique de
l’œdème.
Ce dernier point nécessite de nombreuses adaptations
déduites de l’examen clinique réalisé par le seul kinési-
thérapeute. ■
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