Article original
Reçu le :
3 décembre 2007
Accepté le :
26 mai 2008
Disponible en ligne
21 janvier 2009
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com
Summary
Introduction. Massage of the lateral pterygoid muscle according
to Cyriax’s principles is an unrecognized procedure. This procedure
was tried on patients presenting with temporomandibular joint
dysfunction syndrome.
Material and methods. Fifteen patients were treated. Pain, joint
clicking, measurement of mouth opening, lateral excursion and
propulsion were recorded. Assessment was made before and after
the massage in the same consultation.
Results. Joint clicking was solved in 80% and pain in 50% of the
cases. Mouth opening increased by 12.8%, propulsion by 11.6%
and lateral excursion by 41.3%.
Discussion. Massage of the lateral pterygoid muscle according to
Cyriax’s principles is a simple and efficient method that can be
recommended for patients presenting with temporomandibular joint
dysfunction syndrome. We performed a brief anatomical and radio-
logical MRI study supporting the feasibility of lateral pterygoid
muscle palpation.
ß 2008 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Keywords: Temporomandibular joint disorders, Massage, Pterygoid
muscles
Introduction
James Cyriax a décrit en 1976 une technique de massage
pour traiter les contractures musculaires [1–3]. Il s’agit
d’un massage transverse profond du corps et des insertions
* Auteur correspondant.
e-mail : Philippe.Barriere@chru-strasbourg.fr
0035-1768/$ - see front matter ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
10.1016/j.stomax.2008.05.010 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2009;110:77-80
Massage du muscle ptérygoı̈dien latéral
dans le SADAM aigu
Massage of the lateral pterygoid muscle in acute TMJ
dysfunction syndrome
P. Barriere1,*, S. Zink1, S. Riehm2, J.L. Kahn3, F. Veillon2, A. Wilk1
1
Service de stomatologie, chirurgie maxillofaciale, plastique et reconstructrice,
CHU de Strasbourg, 1, place de l’Hôpital, BP 426, 67091 Strasbourg cedex, France
2
Service de radiologie I, radiologie viscérale et ORL, hôpital de Hautepierre, 67098 Strasbourg
cedex, France
3
Service de morphologie appliquée à la chirurgie et à l’imagerie, hôpital civil, institut
d’anatomie normale, 1, place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg cedex, France
Résumé
Introduction. James Cyriax a décrit en 1976 une technique de
massage appliquée au traitement des contractures musculaires que
nous avons appliqué aux muscles ptérygoı̈diens latéraux de patients
souffrant de syndrome algodysfonctionnel de l’appareil manduca-
teur (SADAM).
Matériel et méthode. Quinze patients ont été traités. L’évaluation
a pris en compte la douleur, le craquement, l’amplitude d’ouverture
buccale, de propulsion et de diduction, avant et après le massage, au
cours de la même consultation.
Résultats. Les craquements articulaires ont disparu dans 80 % des
cas, les douleurs dans 50 % des cas, l’ouverture buccale a augmenté
de 12,8 %, la propulsion de 11,6 % et la diduction de 41,3 %.
Discussion. Le massage du muscle ptérygoı̈dien latéral selon la
technique de Cyriax est efficace sur les patients souffrant de
SADAM. La faisabilité de la palpation du muscle ptérygoı̈dien
latéral, contestée par de nombreux auteurs, est pourtant confirmée
par une courte étude anatomoradiologique.
ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : SADAM, Massage, Muscles ptérygoı̈diens
musculaires, qui est censé entraı̂ner un relâchement de la
contracture et une sédation des douleurs. Quelle que soit sa
cause (occlusale, édentement, dysmorphose. . .), le syndrome
algodysfonctionnel de l’appareil manducateur (SADAM)
comporte une part de contracture musculaire. Agir directe-
ment sur cette contracture permettrait de briser le cercle
vicieux qui associe habituellement contracture et dysfonc-
tion. C’est pourquoi nous avons appliqué et évalué la tech-
nique de Cyriax au SADAM.
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P. Barriere et al.
Tableau I
Données de l’examen clinique et paraclinique.
Données cliniques Paraclinique
Présence de douleur à l’ouverture
Présence de craquement Orthopantomogramme
à l’ouverture
Ouverture buccale (mm) Clichés de profil des
Diduction droite (mm) condyles mandibulaires,
Diduction gauche (mm) en position bouche
Propulsion ouverte et bouche fermée
Matériels et méthode
L’étude a inclus 15 patients (14 femmes) consécutifs. Ces
patients consultaient pour des douleurs ou des craquements
de l’articulation temporomandibulaire évoluant depuis plu-
sieurs mois. L’âge moyen était de 37 ans (15–64 ans). L’examen
clinique était complété par un orthopantomogramme et des
clichés de profil des condyles mandibulaires en bouche
ouverte et bouche fermée. L’examen clinique était normal
en dehors des signes du SADAM et de ses causes habituelles
(édentement partiel, trouble occlusal, dysmorphose. . .). L’exa-
men radiologique n’a retrouvé aucune lésion organique de
l’articulation temporomandibulaire ou du reste de la mandi-
bule. Les données relevées sont indiquées dans le tableau I.
L’évaluation a pris en compte la douleur, le craquement,
l’amplitude d’ouverture buccale, de propulsion et de diduc-
tion, avant et après le massage, au cours de la même
consultation. Les amplitudes ont été mesurées au pied à
coulisse.
La possibilité de palpation endobuccale du muscle ptérygoı̈-
dien latéral (MPL) a été contestée dans la littérature [4–6]. Cela
nous a donc conduit à réaliser une étude anatomique complé-
tée par une étude radiologique et IRM (collaboration du Pr
Veillon et du Dr Rhiem, du service de radiologie viscérale et ORL
de l’hôpital de Hautepierre, à Strasbourg) chez un volontaire
sain qui a massé son MPL lors de l’acquisition des clichés.
La technique de massage
Le massage de Cyriax du MPL a été réalisé sur un patient assis
et prévenu du caractère douloureux aigu de la manœuvre. Ce
massage était unilatéral, effectué sur le côté ressenti comme
le plus contracté lors de l’examen clinique. Le praticien plaçé
à côté du patient posait son doigt ganté dans le vestibule
supérieur (fig. 1). La pulpe de l’index était placée sur l’os
alvéolaire en regard de la seconde molaire maxillaire (17 ou
27). On remontait alors lentement le doigt en haut et en
arrière après avoir demandé au patient de se relâcher, sans
exercer d’effort de fermeture ou d’ouverture. De cette façon,
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Figure 1. Position du praticien et de son patient pour la réalisation du
massage de Cyriax du muscle ptérygoı̈dien latéral (MPL).
le doigt glissait sur les insertions maxillaires antérieures du
faisceau inférieur du MPL, objectivant la contracture dou-
loureuse, préalablement notée à l’examen clinique. À ce
stade, le praticien exerçait une pression de latéral en médial
et de bas en haut, en réalisant un geste de friction avec la
pulpe de son index. Pendant cette manœuvre, le crâne était
immobilisé par la main opposée. La durée de la manœuvre
était d’environ 30 secondes, au cours desquelles le patient
ressentait une douleur vive. Une façon de faire supporter la
manœuvre était d’inviter le patient à souffler lentement par
la bouche. La zone douloureuse palpée se détendait pro-
gressivement au bout d’une dizaine de secondes. La pression
était prolongée une vingtaine de secondes supplémentaires
tout en exagérant le mouvement de friction vers le haut et le
dedans, jusqu’à obtenir une sédation complète de la contrac-
ture. En raison du caractère douloureux de cette manœuvre,
une durée maximale de 30 secondes est suffisante. À la fin
du massage, le doigt est retiré de la bouche en maintenant la
mandibule en occlusion et en demandant au patient de se
relâcher au maximum. On demandait ensuite au patient
d’effectuer une ouverture lente de la bouche. Le soulage-
ment était immédiat dans la plupart des cas.
Résultats
Les craquements ont disparu immédiatement chez 80 % des
patients. Les bruits articulaires étaient améliorés chez 13 %
des patients.
Tous les patients ont confirmé le caractère douloureux de
cette procédure. La douleur était brève (de 30 secondes à une
minute).
 Massage du muscle ptérygoı̈dien latéral dans le SADAM aigu

Tableau II
Résultats fonctionnels sur la série totale et sur le sous-groupe
présentant une diduction inférieure à 10 mm.
Gain (%) Gain (%) (8 patients
(15 patients) avec diduction initiale
inférieure à 10 mm)
Ouverture buccale 12,8 15,7
Diduction 41,3 67,6
droite + gauche
Propulsion 11,6 22,2

Figure 3. Massage de Cyriax, étude radiologique. Notez le rapport direct

de l’extrémité de la pulpe du doigt avec la tubérosité maxillaire, et la
fissure ptérygomaxillaire.

Figure 2. Dissection de la région temporomandibulaire. Notez la

proximité du chef inférieur du muscle ptérygoı̈dien latéral (PLI) avec le
vestibule supérieur.

Les douleurs ont disparu dans 51 % des cas à l’issue du

massage. Elles étaient améliorées dans 72 % des cas. Qua-
tre-vingt-treize pour cent des patients notaient une amélio-
ration des douleurs à l’ouverture buccale.
L’amplitude d’ouverture buccale a été augmentée de 12,8 %,
la diduction de 41,3 % et la propulsion de 11,6 %. Le gain
d’ouverture buccale a été plus grand chez les patients les
plus limités avant le massage. Le tableau II compare les
résultats de la série complète avec le sous-groupe des huit Figure 4. Massage de Cyriax et IRM. Notez la position de la pulpe du doigt
directement contre le muscle ptérygoı̈dien latéral (MPL) droit.
patients dont l’amplitude de diduction avant massage était
inférieure à 10 mm. Dans ce sous-groupe, les gains d’ampli-
tude ont été de 15,7 % pour l’ouverture buccale, de 67,6 %
pour la diduction et de 22,2 % pour la propulsion. Discussion
La dissection de la région temporomandibulaire a montré
que le MPL était accessible par voie vestibulaire supérieure Le massage du MPL des patients souffrant de SADAM selon la
(fig. 2). Le cliché standard, réalisé en cours de massage, a méthode de Cyriax doit être recommandé en raison de sa
montré qu’il était possible d’atteindre la région tubérositaire simplicité et de son efficacité sur les douleurs, la limitation
latérale supérieure du maxillaire et la fissure ptérygomaxil- des mouvements mandibulaires et les claquements.
laire (fig. 3). L’imagerie par résonance magnétique montrait Le MPL comporte anatomiquement deux faisceaux, l’un
que le corps musculaire du MPL était accessible au doigt et supérieur, l’autre inférieur. Le faisceau inférieur, ou chef
qu’il se déformait sous la pression de ce doigt (fig. 4). ptérygoı̈dien, s’insère sur la face latérale de l’aile latérale

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P. Barriere et al.
du processus ptérygoı̈de [7], mais aussi sur la face latérale de
la tubérosité maxillaire, par ses expansions les plus inférieu-
res, comme l’ont rappelé Couly et Fontaine [8,9]. Il est donc
possible de palper le MPL.
Le massage de Cyriax produit un effet décontracturant, que
l’on agisse sur le corps ou sur les insertions musculaires, ce
qui rend ce principe applicable au MPL, même si l’on ne peut
accéder cliniquement qu’à ses insertions antérieures et
basses.
Johnstone et Templeton [4], Stratmann et al. [5] et Türp et
Minagi [6] considèrent que le muscle ptérygoı̈dien n’est pas
palpable. Mais ces trois études ont été effectuées sur cada-
vre. La rigidité cadavérique limite l’amplitude de palpation.
Stratmann et al. [5] et Türp et Minagi [6] effectuent le
massage bouche ouverte. Dans cette position, le bord anté-
rieur du ramus empêche latéralement la pulpe du doigt de
glisser jusque sur la tubérosité maxillaire. Le massage proné
par ces deux auteurs est effectué de bas en haut depuis la
commissure intermaxillaire, il se veut rétrotubérositaire pour
accéder au bord inférieur du MPL. Mais en ouverture buccale,
le raphé ptérygomandibulaire, mis en tension, barre cette
région ; ce qui a pu expliquer les échecs constatés par ces
auteurs.
Il n’est pas fait mention dans la littérature de l’application
du massage de Cyriax dans le SADAM. Pourtant, sa simplicité
d’exécution et ses résultats spectaculaires sont à prendre en
considération dans cette pathologie. Le critère formel d’indi-
cation de ce massage était une douleur exquise associée à
un empâtement de la région ptérygomaxillaire à la palpa-
tion. Il convient de différencier la simple gêne à la mise en
place de l’index dans cette région, de la douleur vraie de
contracture. L’apprentissage de cette sensation clinique est
assez rapide.
L’information préalable du patient se doit d’être claire en
signalant bien le caractère douloureux du massage du MPL.
Des refus ont été constatés dans notre pratique. Ces résul-
tats permettent de motiver ces patients à accepter la suite
du traitement. Il associe une « autokinésithérapie » de
mobilisation des articulations temporomandibulaires, la cor-
rection éventuelle des malocclusions, ou la compensation
par prothèse d’un édentement partiel. L’autokinésithérapie
comporte des séances pluriquotidiennes de relaxation man-
80
Rev Stomatol Chir Maxillofac 2009;110:77-80
dibulaire, au cours desquelles on demande au patient de
relâcher complètement ses muscles masticateurs, puis de
réaliser des mouvements lents de propulsion centrée devant
un miroir, suivis de mouvements de diduction. Tous ces
mouvements sont poursuivis jusqu’à l’apparition d’une
gêne, la position atteinte étant maintenue 30 secondes.
Dix mouvements sont demandés dans chaque direction.
Le mouvement ne doit pas être poursuivi jusqu’à la survenue
de douleur pour ne pas déclencher de contracture réflexe qui
annulerait le bénéfice de la séance préalable.
Le bénéfice du massage de Cyriax est plus important chez les
patients présentant un blocage articulaire sévère. Le blocage
était lié à l’importance de la contracture du MPL. Quand le
blocage était unilatéral, on retrouvait fréquemment un
important craquement controlatéral à l’ouverture. Ce cra-
quement était lié à la course exagérée du condyle mobile
pour compenser le côté bloqué. La contracture affectait le
ptérygoı̈dien latéral du côté bloqué, et c’est bien ce côté, et
non celui qui claque à l’ouverture qu’il a fallu masser.
Habituellement, cette manœuvre était suivie de la remise
en mouvement du condyle bloqué et de la disparition du
craquement controlatéral.
Références
1. Cyriax J. Deep massage. Physiotherapy 1977;63:60–1.
2. Cyriax JH. Textbook of orthopaedic medicine, vol I : diagnosis of
soft tissue lesions, 1982, 8th edition ; Ballière Tindall.
3. Cyriax JH. Textbook of orthopaedic medicine, vol II : treatment
by manipulation, massage and injection. 1984, 11th edition ;
Ballière Tindall.
4. Johnstone DR, Templeton C. The feasibility of palpating the
lateral pterygoid muscle. J Prosthet Dent 1980;44:318–23.
5. Stratmann U, Mokrys K, Meyer U, Kleinheinz J, Joos U, Dirksen D,
et al. Clinical anatomy and palpability of the inferior lateral
pterygoid muscle. J Prosthet Dent 2000;83:548–54.
6. Türp JC, Minagi S. Palaption of the lateral pterygoid region in
TMD – where is the evidence? J Dent 2001;70:475–83.
7. Rouvière H, Delmas A. 12ème ed., Traité d’anatomie humaine
descriptive topographique et fonctionnelle, Tome 1, 12ème ed.
Paris: Masson; 1985.
8. Couly G. La loge manducatrice et son contenu. Les espaces de
glissement masticateurs ou sysarcoses. Encycl Med Chir (Paris).
Stomatologie, 4-3-11,22001 B 15.
9. Fontaine C. In: Chevrel JP, Fontaine C, editors. Anatomie
clinique, Tome 3. Springer Verlag; 1996.