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Cancérologie
Ouvrage dirigé par
le Pr Philippe Giraud et le Pr Jean Trédaniel
i E C N
2 0 1 8
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2 0 2 0
CANCÉROLOGIE
ISBN : 978-2-84678-219-7
© 2017 ÉDITIONS MED-LINE
Toute représentation ou reproduction, intégrale ou partielle, faite sans le consentement des auteurs, ou de leurs ayants
droit ou ayants cause, est illicite (loi du 11 mars 1957, alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction,
par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal.
Chapitre 4 : Le médecin préleveur de cellules et/ou de tissus pour des examens d’anatomie
et cytologie pathologiques. ......................................................................................................................... 63
UE 9 - item 290
Chapitre 5 : Traitement des cancers : chirurgie, radiothérapie, traitements médicaux des cancers
(chimiothérapie, thérapies ciblées, immunothérapie). La décision thérapeutique
pluridisciplinaire et l’information du malade.................................................................................. 77
UE 9 - item 291
C’est un grand honneur et un immense plaisir de présenter le référentiel d’Oncologie du Collège National des
Enseignants en Cancérologie (CNEC) dont l’objectif premier est de développer les chapitres les plus importants
de notre discipline.
Cet ouvrage, avant tout adapté à la préparation de l’ECN informatisé, est destiné aux étudiants du deuxième cycle
des études médicales (DFASM2, 3 et 4) en leur permettant de compléter leur formation et leurs connaissances en
oncologie avec une vue transversale de la discipline. Il est centré sur l’UE9 mais également sur d’autres UE dont
les contenus concernent directement l’oncologie.
Cette approche est complémentaire de la cancérologie enseignée par les spécialités d’organe, mais surtout est
indispensable à l’appréhension et la compréhension de la maladie cancéreuse selon une approche multidisciplinaire.
Le travail accompli a été très important afin d’aboutir à un savant mélange entre une haute tenue scientifique et
l’accessibilité pédagogique des étudiants. Il propose un support pédagogique basé sur des données actualisées et
adapté à l’évolution récente des objectifs de l’ECN.
Je tiens à remercier chaleureusement tous les membres du CNEC qui ont collaboré avec plaisir et enthousiasme
à la rédaction de cet ouvrage. Les Professeurs Philippe Giraud et Jean Trédaniel doivent être particulièrement
remerciés pour la coordination sans faille, leur ténacité et leur compréhension.
En espérant que tous ces efforts aident les étudiants à réussir leur ENCi et surtout que ce manuel puisse éveiller
chez certains d’entre eux intérêt et curiosité pour notre belle spécialité.
Pr David Azria
Président du Collège des Enseignants en Cancérologie (CNEC)
Sous l’égide du Collège National des Enseignants en Cancérologie (CNEC) et spécialement conçu pour la
préparation de l’iECN, ce manuel adopte fidèlement la programme de la cancérologie aux iECN.
Il a été réalisé avec le concours d’équipes universitaires impliquées dans l’enseignement de la cancérologie,
discipline transversale s’il en est.
Les auteurs, dont l’expertise est reconnue, doivent être ici remerciés de leur implication dans la réalisation de cet
ouvrage.
Chaque item est structuré de manière identique ; les principales références et recommandations sont indiquées.
S’y ajoute le « coup de pouce de l’enseignant » et les points principaux à retenir qui ponctuent chaque item. En
dehors, des cancers de la peau, des poumons, de la prostate, du côlon et du sein, les modalités thérapeutiques sont
données à titre indicatif, le programme de l’iECN ne faisant pas mention du traitement.
Nous espérons que cet ouvrage réponde à vos attentes et vous guide au mieux pour la préparation de l’iECN.
Pr Philippe Giraud
Pr Jean Trédaniel
Coordonnateurs de l’ouvrage
C hapitre 1
Épidémiologie, facteurs de risque,
prévention et dépistage des cancers
Pr Nicolas Mounier1, Pr Jacques Robert2, Pr Philippe Giraud3, Pr Jean Trédaniel4
Service d’Onco-hématologie, CHU l'Archet, Nice
1
2
Université de Bordeaux
3
Service d’Oncologie – Radiothérapie, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris
4
Unité de Cancérologie thoracique, Groupe Hospitalier Paris Saint-Joseph, Paris
yy Le cancer est une cause majeure de morbidité et mortalité. Pour la planète prise dans son ensemble, il a été
responsable en 2012 de 14 millions de nouveaux cas (ou cas incidents) et de 8 millions de décès.
yy L’Institut National du Cancer (INCa) publie chaque année les principales données (épidémiologie, prévention,
dépistage, soins en cancérologie, la vie pendant et après un cancer, la recherche) du cancer en France.
yy Les données d'incidence proviennent du registre français des cancers, FRANCIM, qui couvre environ 18 % de la
population française. Les données de mortalité sont fournies par l’INSERM (CépiDc-Inserm).
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450
400
Taux (non standardisés) pour 100 000
350
300
250
200
150
100
Cancers, hommes
Maladies cardio-vasculaires, hommes
50 Cancers, femmes
Maladies cardio-vasculaires, femmes
0
1970 1980 1990 2000 2010 2012 2020
Figure 2. Évolution de l’incidence et de la mortalité pour tous les cancers, France, 1980-2012
450
Taux standardisés monde pour 100 000 personnes-années
400
350
300
250
200
150
100
Incidence hommes
Incidence femmes
50
Mortalité hommes
0
Mortalité femmes
1970 1980 1990 2000 2010 2012 2020
Incidence Mortalité
Hommes Hommes
55% Femmes 56% Femmes
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Figure 4. Incidence et mortalité par cancer chez l’homme, selon l’âge (France, 2005)
3500
2500
2000
1500
1000
500
Incidence
0 Mortalité
5 15 25 35 45 55 65 75 85
yy En 2015, le nombre de nouveaux cancers en France métropolitaine est estimé à 384 442 (210 882 hommes
et 173 560 femmes). Chez l’homme, les trois tumeurs solides les plus fréquentes sont celles de la prostate
(53 913 nouveaux cas), du poumon (30 401) et du côlon-rectum (23 535). Chez la femme, il s’agit des cancers du
sein (54 062), du côlon-rectum (19 553) et du poumon (14 821). Ainsi, quatre localisations tumorales (prostate,
sein, poumon, côlon-rectum) rendent compte de la moitié des nouveaux cas de cancer.
yy Le nombre de décès par cancer en 2015 est estimé à 149 456 décès (84 041 hommes et 65 415 femmes). Le cancer
du poumon est la première cause de décès par cancer chez l’homme (20 990 décès) devant le cancer colorectal
(9 337) et le cancer de la prostate (8 713). Chez la femme, le cancer du sein (11 913 décès) précède le cancer du
poumon (9 565) et le cancer colorectal (8 496).
yy L’incidence et la mortalité des principaux cancers diminuent régulièrement chez l’homme comme chez la
femme, sauf le cancer du poumon de la femme qui continue à augmenter et qui a peut-être déjà dépassé la
mortalité du cancer du sein (puisque les dernières données – standardisées – dont nous disposons sont de 2012),
devenant ainsi la première cause de mortalité chez la femme française (comme il l’est depuis 1987 chez la femme
américaine).
yy Pour l’ensemble des cancers, la survie nette diminue avec l’âge et, pour la plupart des cancers, elle est meilleure
chez la femme que chez l’homme.
yy En 2008, la prévalence partielle à 5 ans (c’est-à-dire le nombre de sujets vivants ayant eu un diagnostic de cancer
dans les 5 dernières années) est estimée à près de 1,1 million de personnes chez les 15 ans et plus. La prévalence
totale, qui regroupe tous les malades et anciens malades ayant eu un diagnostic de cancer au cours de leur vie,
est de l’ordre de 3 millions, ce qui correspond à 6,4 % de la population masculine de 15 ans et plus et 5,3 % de la
population féminine correspondante.
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Taux standardisés monde pour 100 000 personnes-années
120
100
80
60
Prostate
40
Poumon
Côlon-rectum
20
Cancers ORL
0 Mélanome
1970 1980 1990 2000 2010 2012 2020
100
Taux standardisés monde pour 100 000 personnes-années
80
60
40
Sein
Côlon-rectum
20 Poumon
Mélanome
Col utérus
Cancers ORL
0
1970 1980 1990 2000 2010 2012 2020
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50
Taux standardisés monde pour 100 000 personnes-années
40
30
20
Poumon
10 Côlon-rectum
Prostate
Cancers ORL
0 Mélanome
1970 1980 1990 2000 2010 2012 2020
Figure 10. Évolution de la mortalité par cancer chez la femme, France, 1980-2012
25
Taux standardisés monde pour 100 000 personnes-années
20
15
10
Sein
Poumon
Côlon-rectum
5
Col utérus
Cancers ORL
Mélanome
0
1970 1980 1990 2000 2010 2012 2020
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2.1. Tabac
yy Le tabac est le premier facteur de risque évitable de mortalité précoce par cancer, en France et dans le monde.
Il tue près de 6 millions de personnes chaque année, soit près de 10 % de la mortalité mondiale (dont 600 000
par tabagisme passif).
yy La fumée de tabac contient dont plus de 7 000 composés chimiques, dont plusieurs dizaines sont reconnus comme
cancérogènes (regroupés en plusieurs classes parmi lesquelles les hydrocarbures polycyliques aromatiques – « les
goudrons » –, les N-nitrosamines et les amines aromatiques).
yy En 2015, le tabagisme concernait 35 % des Français, et le tabagisme quotidien 29 %. Ces chiffres de prévalence sont
(encore) plus élevés parmi les hommes que parmi les femmes. Le tabagisme quotidien diminue chez les lycéens
(23 % de lycéens fumeurs en 2015 contre 31 % en 2011) mais, dans cette tranche d’âge, les filles sont davantage
fumeuses que les garçons.
yy Le tabac a été responsable, toutes maladies confondues, de 73 000 décès en 2013, dont 45 000 décès par cancer
(parmi lesquels 30 000 cancers du poumon). Le tabac est impliqué, à des degrés divers (on parle de fraction
attribuable – Figure 11) dans le développement de plusieurs localisations cancéreuses : cancer du poumon en
premier, mais aussi cancers ORL (cavités nasales, bouche, pharynx, larynx), cancers digestifs (œsophage, estomac,
pancréas, côlon-rectum, foie), cancers urologiques et gynécologiques (rein, vessie, sein, ovaire, col de l’utérus),
leucémies myéloïdes (Figure 12). Il n’y a pas de seuil de consommation sans risque puisque même le tabagisme
passif (ou involontaire) augmente le risque de cancer (150 cancers du poumon ont été attribués au tabagisme
passif en 2011).
yy Le « coût social » du tabac est estimé à 120 milliards d’euros chaque année, en France.
Figure 11. Fraction (%) des décès attribuables au tabagisme, selon la localisation cancéreuse, France, 2013
100
80
60
40
20
Homme
0
Femme
as
in
n
us
lon
ie
ac
Foi
ssi
mo
air
D
Re
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VA
Cô
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n
lu
Est
Po
Leu
Pa
Co
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Le cancer du poumon
Le cancer du sein
Le cancer du foie Le cancer de l’estomac
Le cancer du pancréas Le cancer du rein
Le cancer colorectal
Le cancer de l’ovaire
Le cancer du col
de l’utérus Le cancer de la vessie
2.2. Alcool
yy L’alcool est la deuxième cause de mortalité évitable par cancer.
yy L’évaluation de la consommation d’alcool est difficile (notamment du fait d’une sous-déclaration des consom-
mateurs). Néanmoins, les données disponibles montrent qu’elle diminue depuis les années 1960, essentiellement
du fait d’une diminution de la consommation de vin ; cette tendance ancienne à la baisse semble toutefois moins
forte depuis les années 1990 pour aboutir à une stabilisation voire à une ré-augmentation récente et à confirmer.
yy L’alcool a été responsable, toutes maladies confondues, de 49 000 décès en 2009, dont plus de 15 000 décès par
cancer. La consommation d’alcool augmente le risque de développer un cancer dans 7 localisations : bouche,
pharynx, larynx, œsophage, côlon-rectum, sein et foie.
yy Le risque de cancer augmente quel que soit le type de boisson alcoolisée consommée et de manière linéaire avec
la dose, sans seuil en dessous duquel le risque serait nul : même une consommation faible augmente le risque.
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3.1. Définitions
yy On estime à moins de 10 % les cancers héréditaires et à environ 40 % les cancers qui pourraient être évités
grâce à des changements de comportements et de modes de vie.
yy La prévention consiste à éviter l’apparition, le développement ou l’aggravation de maladies ou d’incapacités.
On distingue classiquement :
–– la prévention primaire qui agit en amont de la maladie (ex : action sur les facteurs de risque) ;
–– la prévention secondaire qui agit à un stade précoce de l’évolution (ex : dépistage, traitement des états pré-
cancéreux) ;
–– et la prévention tertiaire qui agit sur les complications et les risques de récidive.
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Les 3 mesures les plus importantes pour la lutte contre le tabagisme, et dont l’efficacité a été
universellement vérifiée, sont :
–– l’augmentation, forte et régulièrement répétée, des prix ;
–– l’interdiction de la publicité, directe et indirecte ;
–– l’interdiction de fumer dans les lieux publics clos.
yy Un effort particulier a été entrepris dans le cadre du Programme National de Réduction du Tabagisme (PNRT)
(objectif 10 du Plan cancer 2014-2019).
yy Le paquet neutre, avec des avertissements sanitaires agrandis, renouvelés et repositionnés est devenu au 1er jan-
vier 2017 le seul autorisé à la vente pour les cigarettes et le tabac à rouler.
yy De nouvelles professions (infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, dentistes, médecins du travail…) sont désor-
mais autorisées à prescrire des substituts nicotiniques.
yy Le forfait d’aide au sevrage a été porté à 150 € par an pour tous les assurés.
yy L’opération « Mois sans tabac », conçue pour inciter les fumeurs à arrêter de fumer durant un mois (ce qui mul-
tiplie par 5 les chances d’arrêter de fumer définitivement) a été lancée, pour la première fois, en novembre 2016 et
a pour vocation de se dérouler tous les ans.
yy Chez les malades et anciens malades, un bénéfice significatif de l’arrêt du tabac, augmentant avec la durée de
l’abstinence, a été observé pour tous les cancers majeurs associés au tabagisme. Cela est particulièrement net pour
les patients atteints d’un cancer du poumon localisé au thorax et qui sont en situation curatrice. Il est impératif,
chez eux, d’obtenir un sevrage définitif.
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yy La cigarette électronique (e-cigarette) est un dispositif permettant d’inhaler de la vapeur obtenue par chauffage
d’une solution liquide composée principalement de propylène glycol, de glycérol, d’arômes et le plus souvent de
nicotine. À la différence des cigarettes, elles ne contiennent pas de tabac, ne créent ni de fumée ni de combus-
tion. Bien que la nicotine soit addictive et – à très haute dose – néfaste pour la santé, la cigarette électronique ne
contient pas le vaste cocktail de produits chimiques cancérogènes trouvés dans le tabac combustible. Il est admis
qu’utiliser la cigarette électronique est infiniment moins nocif que de continuer à fumer du tabac.
3.2.2. Alcool
yy La lutte contre l’alcoolisme doit faire face à l’action de nombreux lobbies des producteurs. Là aussi, l’action passe
par la fiscalité et l’encadrement de la publicité. La législation sur les débits de boissons devrait également être
rénovée.
Figure 13. Nombre de cas de cancers attribuables aux différents facteurs de risque de cancer en France en 2000
Source : Les cancers en France, édition 2016, collection Les Données, Institut national du cancer
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yy Dans la médecine de soins, un sujet malade demande à être examiné et une obligation de moyens s’impose. Dans
le dépistage, on demande à examiner des sujets (qui se croient) bien portants et une obligation de résultat – dimi-
nution de la mortalité liée à la maladie dépistée – s’impose : la réussite du dépistage est le non-événement (le décès
ne se produit pas !).
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4.3.4. Autres cancers pour lesquels aucun programme de dépistage n’est organisé
4.3.4.1. Cancer de la prostate
yy Les agences d’évaluation et les autorités sanitaires considèrent qu’il n’y a pas lieu, en France, de mettre en place
de programme de dépistage systématique du cancer de la prostate par dosage du PSA (et/ou toucher rectal), ni de
recommander cette pratique, y compris pour les populations à risque.
yy Néanmoins, les recommandations concluent également qu’une information éclairée du patient sur l’ensemble
de la démarche de dépistage et ses conséquences, par le médecin, est nécessaire pour tout homme qui envisage
(malgré tout) de faire ce dosage.
4.3.4.2. Cancer du poumon
yy En 2016, les conditions de qualité, d’efficacité et de sécurité nécessaires à la réalisation du dépistage du cancer du
poumon par scanner thoracique à faible dose de rayons X (« low-dose CT scan ») chez des individus fumeurs ne
semblaient pas réunies.
▶▶ Références
yy Les cancers en France, édition 2016, collection Les Données, Institut national du cancer, avril 2017*.
yy World Cancer Report 2014, International Agency for Research on Cancer, Lyon 2014**.
* : ce rapport est en accès libre sur le site de l’Institut National du Cancer : www.e-cancer.fr
** : ce livre est en accès libre sur le site de l’Agence Internationale de Recherche sur le Cancer (International Agency for Research on
Cancer) : http://publications.iarc.fr/Non-Series-Publications/World-Cancer-Reports/World-Cancer-Report-2014
UE 9 – item 287 I É p i d é m i o lo g i e , fa c t eu r s d e r i s q ue , p r é v e n t i o n e t d é p i s ta g e d e s c a n c e r s 27
1. Toujours regarder le mode d’expression des données épidémiologiques : chiffres bruts ou taux
standardisés qui, seuls, permettent des comparaisons dans le temps et l’espace.
2. Le tabac, et non l’alcool, est le principal facteur de risque du cancer du pancréas.
3. L’efficacité d’une campagne de dépistage d’un cancer ne se juge pas sur l’augmentation de la
durée de vie des malades dépistés mais sur la diminution de la mortalité.
4. Le dépistage des cancers de la prostate et du poumon n’est pas organisé en France.
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C hapitre 2
Cancérogenèse, oncogénétique
2
Unité Fonctionnelle d’Oncogénétique, Hôpital Saint-Louis, Université Paris-Diderot, Paris
3
Unité d’Oncologie Moléculaire, Hôpital Saint-Louis, Université Paris-Diderot, Paris
4
Unité d’Oncogénétique, Institut C. Regaud et CHU de Toulouse, IUCT-Oncopôle, Toulouse
5
Unité de pathologie professionnelle, CHI Créteil, Université Paris-Est Créteil, Créteil
OBJECTIFS iECN
1. Cancérogenèse
ÎÎ Cancer : cancérogenèse, oncogénétique
1.1. Histoire naturelle du cancer
1.2. Biologie des cellules cancéreuses –– Décrire l'histoire naturelle du cancer
1.3. Génome tumoral –– Connaître les implications cliniques des données
d'oncogénétique constitutionnelle et somatique
1.4. Hétérogénéité tumorale
2. Oncogénétique constitutionnelle et génétique –– Décrire les principales étiologies professionnelles
des cancers et expliquer les principes de dépistage
moléculaire des cancers des cancers professionnels.
2.1. Oncogénétique ou génétique constitutionnelle
du cancer
2.2. Génétique moléculaire des cancers
3. Cancers Professionnels Mots clés : Amiante – BRCA – Cancers profession-
3.1. Définitions, généralités nels – EGFRr – Gène suppresseur de tumeur –
Génome tumoral – MMR – Mutation – Oncogène –
3.2. Principaux facteurs de risque
Oncogénétique – RAS.
3.3. Principes du dépistage
1. Cancérogenèse
yy Lésion pré-cancéreuse : lésion histologique associée à un risque élevé de survenue de cancer (hyperplasie aty-
pique, dysplasie, polype adénomateux colorectal…).
1.2. Biologie des cellules cancéreuses
yy Les cellules cancéreuses présentent un ensemble de caractéristiques fonctionnelles, associées de manière variable
(Tableau 1). L’acquisition de ces propriétés est facilitée par l’instabilité génétique des cellules tumorales et l’exis-
tence d’une inflammation tissulaire.
yy L’étude de cellules d’origine humaine ou murine, cultivées in vitro, a permis de définir la notion d’immortalisa-
tion cellulaire (cellule capable de proliférer in vitro indéfiniment, du fait de l’absence de sénescence réplicative) et
de transformation cellulaire (cellule immortalisée, ayant perdu l’inhibition de contact, capable de proliférer sans
ancrage et de former des tumeurs chez la souris immunodéficiente).
yy La notion de cellule souche tumorale a été établie à partir d’expériences de transplantation de cellules triées
(cellules leucémiques ou cellules issues de tumeurs solides) chez la souris immuno-déficiente. Dans ces modèles,
seules certaines cellules ont la capacité de donner naissance à une tumeur : celles-ci possèdent des propriétés
d’auto-renouvellement, de quiescence, de multiplication et de différenciation. Elles seraient à l’origine de la résis-
tance aux traitements, des rechutes tumorales et des diffusions métastatiques.
yy La transition épithélio-mésenchymateuse (EMT) définit un état transitoire des cellules épithéliales cancéreuses,
au cours duquel ces cellules perdent des caractéristiques épithéliales et acquièrent des caractéristiques phénoty-
piques de cellules mésenchymateuses, propices au développement de métastases.
Les mutations sont acquises tout au long de la vie de l’individu, depuis la conception, et dépendent de
l’exposition à des substances carcinogènes environnementales ou liées au mode de vie (alimentation, tabagisme,
profession, etc.), ou aux traitements, y compris le traitement du cancer. La plupart des mutations sont considérées
comme passagères ou accompagnatrices et témoignent de l’exposition à des substances mutagènes et/
ou de défauts de détection et de réparation des dommages à l’ADN. Seuls quelques événements génétiques
(mutations, réarrangements chromosomiques, amplifications ou délétions géniques) jouent un rôle moteur
dans le développement de la tumeur. À titre d’illustration, le noyau d’une cellule où s’accumulent des altérations
génétiques au fur et à mesure des divisions cellulaires, les évènements génétiques « pilotes / moteurs » sont figurés
par des éclairs, les évènements passagers par des étoiles ou des ronds, la couleur du symbole correspondant au
processus mutagène indiqué en bas de la figure.
–– les gènes suppresseurs de tumeurs codent des protéines contrôlant la prolifération et la survie cellulaire
(RB1 codant pour la protéine du rétinoblastome, TP53, PTEN, etc..) et la différenciation (APC) ou pour des
protéines contrôlant la stabilité du génome (gènes impliqués dans les processus de réparation des dommages
à l’ADN) ;
–– la plupart des syndromes de prédisposition génétique au cancer impliquent des gènes suppresseurs de
tumeur : un allèle est inactivé au niveau germinal (dans toutes les cellules de l’individu), le deuxième allèle est
inactivé dans les cellules tumorales.
2. Oncogénétique constitutionnelle
et génétique moléculaire des cancers
yy L’oncogénétique constitutionnelle concerne les altérations génétiques héritées : « germinales » ou « constitution-
nelles », qui peuvent être mises en évidence dans les cellules normales de l’individu. La génétique moléculaire des
cancers ou génétique somatique concerne les altérations génétiques acquises des cellules tumorales.
Le score Inserm dit « score d’Eisinger » est un score familial d’analyse de l’arbre généalogique dans une seule branche
parentale à la fois, basé sur l’âge de diagnostic, la présence de cancer du sein chez l’homme, de cancer de l’ovaire. Il permet
de graduer le risque de prédisposition génétique, et de guider ainsi l’indication à la consultation d’oncogénétique et à la
réalisation d’un test génétique.
yy Le diagnostic de syndrome BRCA implique une surveillance clinique et radiologique spécifique. Cette surveil-
lance comporte :
–– un examen clinique bisannuel des seins dès l’âge de 20 ans par un médecin référent ;
–– une imagerie mammaire annuelle dès l’âge de 30 ans par IRM (jusqu’à l’âge de 65 ans) complétée par une
mammographie numérisée plein champ, incidence unique oblique externe ± échographie ;
–– une surveillance gynécologique annuelle dès l’âge de 35 ans, avec au moindre doute échographie pelvienne et
endovaginale dont la fiabilité reste médiocre ; ainsi dès 40-41 ans pour BRCA1 et 45-47 ans pour BRCA2, une
annexectomie bilatérale est préconisée, à titre préventif.
yy Des mutations d’autres gènes, plus rares, prédisposent également au cancer du sein (PALB2, TP53, PTEN,
CDH1...) ou au cancer de l’ovaire (par exemple : syndrome de Lynch).
yy Outre les conséquences en termes de dépistage / prévention, la connaissance du statut génétique BRCA a des
implications thérapeutiques : la prescription de traitement anti-PARP est aujourd’hui conditionnée à la présence
d’une mutation (germinale ou somatique) de ces gènes (cf. 2.2.3). Ces nouvelles données ont conduit l’INCa à
recommander une consultation d’oncogénétique chez toutes les patientes présentant un cancer de l’ovaire, quel
que soit leur âge.
yy De manière plus générale, le décret intervenu le 1er septembre 2016 met en place l’exonération du ticket modéra-
teur pour les examens annuels d’imagerie chez les femmes à risque élevé de cancer du sein (avec ou sans mutation
identifiée).
Environ 5 % des cancers colorectaux surviennent dans le contexte d’un syndrome de prédisposition génétique
au cancer.
yy En cas de statut MSI ou dMMR non sporadique, une consultation oncogénétique est requise pour recherche
d’un syndrome de Lynch par identification de mutation constitutionnelle de gènes MMR.
yy Le diagnostic de syndrome de Lynch implique une surveillance clinique et endoscopique spécifique. Cette sur-
veillance comporte :
–– une coloscopie avec coloration (chromoscopie) à l’indigo-carmin tous les 2 ans (sous couvert d’une très
bonne préparation colique et sans excéder cet intervalle), dès l’âge de 20-25 ans. La colectomie prophylactique
systématique n’est pas préconisée.
–– un examen de l’utérus par échographie endo-vaginale tous les 2 ans, dès l’âge de 30-35 ans, avec prélèvement
endométrial préconisé ; compte-tenu de son efficacité, l’hystéroscopie souple avec biopsies ciblées tend
à s’imposer. L’indication d’une hystérectomie et annexectomie prophylactique est une option à évoquer et
discuter après accomplissement du projet parental.
2.1.4.2. Polypose adénomateuse familiale (PAF)
yy Due à une mutation germinale du gène APC, transmise de manière autosomique dominante, beaucoup plus rare
que le syndrome de Lynch.
yy Elle augmente fortement le risque de développer des polypes adénomateux colorectaux (> 100 dans la forme
classique), et donc de développer un cancer avant l’âge de 40 ans. Il existe aussi des adénomes duodénaux à risque
de dégénérescence et d’autres pathologies bénignes.
yy Le diagnostic de PAF implique une surveillance par coloscopie annuelle à partir de la puberté, une surveillance
digestive haute : duodénoscopie avec biopsie de la papille tous les ans à tous les 2 ans et, dans les formes typiques,
une colectomie (voire colo-proctectomie) prophylactique dès l’âge de 18-20 ans.
2.1.4.3. Autres syndromes
yy Il existe d’autre syndromes de prédisposition génétique à la survenue de polypes adénomateux et de cancers colo-
rectaux, avec des gènes identifiés (MUTYH, POLE, etc.) ou non (polypose festonnée, cancer familial de type X…).
Tableau 4. PRINCIPAUX TESTS DE GÉNÉTIQUE MOLÉCULAIRE (GÉNÉTIQUE SOMATIQUE) DES TUMEURS EN 2017
(mAb : anticorps monoclonal, TKI : inhibiteur de tyrosine kinase, ADK : adénocarcinome.
ISH : hybridation in situ. FISH : hybridation in situ fluorescente. IHC : immunohistochimie)
Mutation NRAS BM
Mutation BRAF BM
Mutation KRAS BM
yy Il est actuellement possible de rechercher les anomalies génétiques tumorales au niveau de l’ADN plasmatique.
La quantité d’ADN tumoral circulant dans le plasma varie selon le type de cancer et elle est d’autant plus élevée
que la maladie est à un stade élevé. L’analyse de l’ADN tumoral circulant est actuellement recommandée au dia-
gnostic pour les adénocarcinomes du poumon métastatiques en absence de matériel tissulaire informatif, ou lors
de la progression sous traitement ciblé anti-EGFR. Les autres utilisations possibles de l’analyse de l’ADN tumoral
circulant (marqueur pronostique, suivi de la maladie résiduelle, recherche de mutations de résistance aux traite-
ments administrés) dans les différents cancers sont en cours d’évaluation.
3. Cancers professionnels
En France, actuellement, l’immense majorité des cancers indemnisés chaque année par le régime général
de la Sécurité sociale sont les cancers broncho-pulmonaires et les mésothéliomes pleuraux liés à des
expositions antérieures à l’amiante.
Principaux facteurs de risque professionnels iden- Exemples d’autres agents ou situations d’expo-
Types/Sites de cancers tifiés, faisant l’objet de tableaux de maladie pro- sitions professionnelles « hors tableaux » mais
fessionnelle cancérogènes certains selon le CIRC
Cancers cutanés yy arsenic, HAP (goudrons, brais de houille, yy irradiation solaire (UV)
huiles minérales peu raffinées, huiles de yy rayons X ou gamma
moteur usagées, suies de combustion)
▶▶ Références
POINTS CLÉS
1. Les cellules cancéreuses sont porteuses d’anomalies génétiques multiples.
2. Les mutations acquises (ou somatiques) recommandées à visée diagnostique, pronostique ou
théranostique, doivent être recherchées au diagnostic.
3. Les mutations somatiques « driver » peuvent être ciblées par des thérapeutiques.
4. Les mutations « driver» diffèrent le plus souvent d’un tissu à l’autre.
5. 5 à 10 % des cancers sont liés à un syndrome de prédisposition génétique au cancer.
6. Les cancers liés à un syndrome de prédisposition génétique sont plus fréquents chez les sujets
de moins de 40 ans.
7. La consultation d’oncogénétique et les tests réalisés dans les laboratoires d’oncogénétique
constitutionnelle sont strictement réglementés (Lois de Bioéthique).
8. Les mutations de BRCA1/2 prédisposent aux cancers du sein et de l’ovaire.
9. Les mutations des gènes MMR sont responsables du syndrome de Lynch et augmentent forte-
ment le risque de cancer colorectal et de cancer de l’endomètre.
10. 4-8 % des cancers sont d’origine professionnelle.
11. Le nombre de cancers professionnels est sous-évalué.
12. La majorité des cancers professionnels indemnisés en France sont liés à une exposition anté-
rieure à l’amiante.
C hapitre 3
Diagnostic des cancers
Signes d’appel et investigations paracliniques,
caractérisation du stade, pronostic
Dr Benoît Rousseau1*, Dr Romain Cohen2*, Pr Christophe Tournigand3, Pr Thierry André4
*
ont participé de façon égale à la rédaction de ce chapitre
2 et 4
Service d’Oncologie médicale, Hôpital Saint Antoine, AP-HP, Paris,
1 et 3
Service d’Oncologie médicale, Hôpital Henri Mondor, AP-HP, Créteil
yy Le cancer est une pathologie fréquente potentiellement grave dont les circonstances de découverte sont le plus
souvent une symptomatologie évocatrice, une découverte fortuite chez un patient exploré pour une autre raison
ou à l’occasion d’un examen de dépistage. La vigilance du médecin face à l’hypothèse néoplasique doit donc être
constante. Une fois le cancer suspecté, des investigations cliniques et paracliniques doivent être organisées, dans
un but diagnostique, pronostique et pré-thérapeutique, l’ensemble de ces explorations étant liées les unes par
rapport aux autres.
yy Au cours de ce chapitre, nous aborderons tout d’abord les signes d’appel évocateurs de cancer, puis les éléments
permettant d’affirmer le diagnostic, les bilans d’extension et pré-thérapeutique, et enfin, les éléments permettant
d’évaluer le pronostic.
Neurologiques
Ataxie cérébelleuse subaiguë Ac anti-Hu, anti-Yo Poumon, sein, ovaire
Hématologiques
Anémie hémolytique Immunologique Thymus
Néphrologique
Glomérulonéphrite extra- Auto-immunité Poumon, estomac, ovaire, thymus
membraneuse
Immunologique
Dermatomyosite et polymyosite Auto-immunité Poumon, sein, ovaire
Ac : anticorps ; CIVD : coagulation intravasculaire disséminée ; MAT : microangiopathie thrombotique ; MVTE : maladie veineuse
thrombo-embolique ; SIADH : sécrétion inappropriée d’hormone anti-diurétique ; SNC : système nerveux central
1.1. Clinique
1.1.1. Signes généraux d’appel
yy Altération de l’état général : asthénie, anorexie, amaigrissement voire dénutrition et sarcopénie (il faut noter le
poids actuel, le pourcentage de la perte de poids par comparaison au poids de base et le délai qui a vu s’installer
cet amaigrissement).
yy Fièvre et sueurs nocturnes.
1.2. Paraclinique
1.2.1. Biologie
yy Les analyses biologiques peuvent amener à suspecter un cancer ou renforcer la suspicion de cancer en cas de
signes cliniques associés :
–– signes biologiques liés à un syndrome cachectique et inflammatoire : dénutrition (baisse de l’albumine et de
la préalbumine), élévation de la CRP, et du fibrinogène ;
–– signes biologiques liés à un syndrome de masse : perturbations de fonctions d’organe, principalement
hématologique, rénale et hépatique, élévation des LDH, hypercalcémie (par métastase osseuse), syndrome de
lyse tumorale spontanée biologique ;
–– signes biologiques liés à un syndrome paranéoplasique : hypercalcémie (par sécrétion de PTH-rp),
hyponatrémie (sécrétion inappropriée d’ADH), dosages hormonaux anormaux ou résultats évocateurs d’auto-
immunité.
yy Les signes d’appels pourront ainsi être :
–– hématologiques : anémie microcytaire ferriprive sur saignement chronique, lymphopénie (de dénutrition
ou liée à un envahissement médullaire), hyperleucocytose et thrombocytémie secondaire à une inflammation
chronique, pancytopénie d’origine centrale par envahissement médullaire, anémie hémolytique mécanique et
thrombopénie dans le cadre d’une microangiopathie thrombotique.
–– biochimiques :
➢➢ ionogramme sanguin : hyponatrémie, hypercalcémie, hyperphosphorémie ;
➢➢ fonction rénale : élévation de la créatininémie (obstacle sur les voies urinaires avec ou sans infection
urinaire, microangiopathie thrombotique, atteinte glomérulaire) ;
➢➢ fonction hépatique : cholestase ictérique ou anictérique, cytolyse, diminution des facteurs de coagulation,
hypoglycémie en cas d’envahissement hépatique massif ou d’insuffisance hépatocellulaire ;
➢➢ dans le cas des hémopathies : anomalies quantitative ou qualitative des lignées sanguines comme présence
de myélémie, de blastes, anémie, neutropénie, lymphopénie, thrombopénie centrale (aplasie), polyglobulie
(maladie de Vaquez), thrombocytémie, hyperlymphocytose, hyperleucocytose ;
➢➢ autres : élévation des LDH en rapport avec un index de prolifération élevé (lymphome, etc.), élévation
de la CRP, hypoalbuminémie, diminution de la pré-albumine (transthyrétine), apparition d’un diabète
(envahissement pancréatique), inhibition de la production d’insuline ou hyperproduction de gastrine ou
cortisol), présence de sang dans les selles (test immunologique de dépistage du cancer colorectal).
–– les marqueurs tumoraux :
Le dosage des marqueurs tumoraux permet d’identifier dans le sang, les urines ou certains tissus de l’orga-
nisme, différentes substances pouvant indiquer la présence d’un cancer. Cet examen peut s’avérer utile à
différentes étapes de la prise en charge : du diagnostic du cancer à l’évaluation de l’efficacité du traitement,
ou encore lors du suivi des patients. Certains marqueurs tumoraux sont spécifiques d'un seul type de cancer,
alors que d’autres sont associés à plusieurs types différents de cancer. Le dosage des marqueurs tumoraux
peut aussi être élevé lors d’affections non cancéreuses.
1.2.2. Imagerie
yy Certains signes à l’imagerie (radiologie ou endoscopie) peuvent faire évoquer le diagnostic de cancer, princi-
palement par la mise en évidence d’un syndrome de masse(s).
yy Il peut s’agir d’examens réalisés pour :
–– un tableau clinique évocateur de cancer :
➢➢ signes cliniques en lien avec un syndrome de masse : examens guidés par la clinique (mammographie
en cas de masse mammaire, radiographie ou scanner thoracique en cas de symptomatologie respiratoire,
endoscopie digestive et/ou imagerie abdominale en cas de symptômes digestifs, endoscopie ORL en cas
de signes ORL, colposcopie, curetage utérin ou utéroscopie, cystoscopie, thoracoscopie, voire cœlioscopie
exploratrice) ;
➢➢ signes cliniques en lien avec un syndrome de cachexie ou une hyperthermie isolées : examens d’imagerie
larges, non orientés par la clinique (scanner thoraco-abdomino-pelvien, TAP, ou radiographie thoracique
et échographie abdominale, TEP-TDM en 2e intention) ;
➢➢ signes cliniques en lien avec un syndrome paranéoplasique : examens d’imagerie larges, voire de médecine
nucléaire (scintigraphie, TEP-TDM), recherchant préférentiellement une pathologie tumorale d’origine
pulmonaire ou mammaire (par argument de fréquence) ;
–– un dépistage organisé ou individuel du cancer (mammographie, coloscopie, colposcopie).
–– une autre raison, non rattachée à une suspicion de cancer (découverte fortuite, frottis et colposcopie).
Tumeurs endocrines
Thyroïde Carcinome papillaire > vésiculaire > BRAF
médullaire
Tumeurs gynécologiques
Seins Carcinome canalaire infiltrant > carcinome RO, RP, HER2
lobulaire infiltrant
Tumeurs urologiques
Prostate Adénocarcinome -
Tumeurs thoraciques
Poumon Non à petites cellules : adénocarcinome > Métastatique : EGFR, ALK, KRAS,
épidermoïde BRAF, HER2, PD-L1
Neuro-endocrine (petites cellules) -
Thymus Thymome, carcinome thymique -
Cartilage Chondrosarcome -
Cancers hématologiques
Myéloïdes Leucémies aiguës myéloïdes -
Leucémie myéloïde chronique Réarrangement de BCR-ABL
Lymphoïdes Leucémie lymphoïde chronique -
Lymphome B diffus à grandes cellules -
> folliculaire
Myélome multiple -
VADS : Voies aéro-digestives supérieures ; RO: récepteurs des œstrogènes ; RP : récepteur de la progestérone ; MSI :
microsatellite instability ; HPV : human papilloma virus
Prostate – score d’Amico risque IRM pelvienne + TDM abdomino-pelvienne + scintigraphie osseuse
intermédiaire et élevé
Cancer digestif Endoscopie digestive pour œsophage, estomac et colorectal + TDM TAP
Poumon TDM TAP + IRM cérébrale (ou TDM cérébrale injectée) + TEP TDM
Ovaire Échographie pelvienne +/- IRM pelvienne + TDM TAP +/- coelioscopie
exploratrice
yy Trois exemples sont donnés ci-dessous pour illustrer le choix du bilan d’extension radiologique en fonction
de l’évaluation pronostique initiale.
Exemple 3 : cancer de bon pronostic : cancer du sein localisé infracentimétrique RO+ RP+
HER2- de grade histopronostique 1 selon Elston Ellis
Dans ce cas, le pronostic du cancer du sein est excellent, de l’ordre de 90-95 % de survie à 10 ans. Les
recommandations françaises (INCA juillet 2012) indiquent qu’il n’est pas licite de proposer un bilan d’extension
à distance en l’absence d’argument clinique de maladie disséminée (douleurs osseuses par exemple) et en
cas de tumeur mammaire T1-T2, N0. Le bilan pourra ici se limiter à un bilan mammaire avec mammographie
et échographie mammaire.
3.2.2.3. Fonctionnel
yy Électrocardiogramme.
yy Pour les chirurgies « lourdes », en particulier en cas d’antécédents d’athérome, de facteurs de risque (tabac), il est
fréquent de proposer une échographie cardiaque, une épreuve d’effort, parfois une coronarographie, une échogra-
phie des troncs supra-aortiques ou un écho-doppler artériel des membres inférieurs.
yy En cas de chirurgie et de radiothérapie thoraciques, une épreuve fonctionnelle respiratoire avec gazométrie arté-
rielle est, au minimum, réalisée.
1. Adapter la stratégie thérapeutique à la situation clinique à partir des recommandations qui se basent sur
ces classifications ;
2. Prévoir le pronostic ;
3. Comparer les résultats thérapeutiques dans les essais cliniques pour avoir des groupes homogènes.
yy La classification de la tumeur doit être effectuée systématiquement pour adapter au mieux le traitement pro-
posé et éviter les traitements inutiles (par exemple une chirurgie lourde alors que la maladie est métastatique).
yy La classification TNM est internationale. Elle a été proposée historiquement par un chirurgien français, Pierre
Denoix, et est régulièrement renouvelée. Elle est basée sur le degré d’extension de la tumeur primitive, l’envahis-
sement ganglionnaire loco-régional et l’atteinte métastatique à distance.
yy T (Tumor) : taille de la tumeur primitive et/ou envahissement des tissus sous-jacents, classée de T1 à T4 (échelle
propre à chaque tumeur) ;
yy N (Node) : degré d’envahissement ganglionnaire, N0 : indemne, N1 à N3 selon le nombre et/ou la localisation
des ganglions atteints (propre à chaque tumeur) ;
yy M (Metastasis) : existence ou absence de localisations métastatiques ;
yy Quand le T, le N ou le M ne sont pas précisés, on indique un x : Tx, Nx ou Mx.
yy La classification TNM est en général précédée d’une lettre minuscule indiquant par quelle méthode elle a
été effectuée. Un malade peut ainsi avoir dans son dossier plusieurs classifications TNM selon la méthode
d’évaluation.
yy Les lettres L et V peuvent être ajoutées après une évaluation pTN. « L » indique la présence d’emboles lympha-
tiques, « V » d’emboles vasculaires. Il existe également une classification PL pour l’atteinte pleurale.
yy La lettre R donnée après le pTN précise les marges de résection : R0 si les marges sont microscopiquement saines,
R1 si les limites sont atteintes microscopiquement, R2 si les limites sont atteintes macroscopiquement.
yy Une fois que la tumeur est classée selon le TNM, il est possible de proposer une stadification, parfois appelé « sta-
ging », qui regroupe des classes TNM relativement homogènes en termes de pronostic et de traitement. Ces stades
ont également une reconnaissance internationale.
Schématiquement :
yy Stade 0 : cancer in situ ;
yy Stade 1 : tumeur unique et de petite taille, pas d’atteinte ganglionnaire ou de de métastase ;
yy Stade 2 : localisation limitée à l’organe d’origine, quasiment jamais d’atteinte ganglionnaire ;
yy Stade 3 : extension loco-régionale aux organes de voisinage et/ou atteinte ganglionnaire ;
yy Stade 4 : atteinte métastatique à distance.
Stade 4 yy M1 ≤ 10 %
5. Conclusion
yy La démarche diagnostique devant une maladie tumorale est fondamentale, que ce soit pour le patient (phase
d’entrée dans la maladie cancéreuse) ou pour la prise en charge thérapeutique à venir. Elle permet d’évaluer le
retentissement de la pathologie tumorale sur différents niveaux, clinique, biologique, et en imagerie. Guidé par les
données de l’examen et de l’interrogatoire initiaux, le médecin doit proposer à la fois un bilan d’extension adapté
à la gravité de la maladie et un bilan pré-thérapeutique.
yy Le diagnostic de certitude est anatomo-pathologique, soit par une biopsie, soit directement par voie chirurgicale.
Il est de plus en plus souvent complété par une analyse moléculaire.
yy L’ensemble de ces données permet de préciser le pronostic du patient et de proposer une stratégie thérapeutique
adaptée, conforme aux recommandations nationales et internationales.
▶▶ Références
POINTS CLÉS
1. Un cancer peut être suspecté de manière fortuite, en raison d’un signe clinique évocateur ou
lors d’un examen de dépistage.
2. Le diagnostic des cancers est anatomo-pathologique.
3. La phase diagnostique cherche à évaluer le retentissement du cancer sur le plan loco-régional
et à distance.
4. Le bilan d’extension doit être adapté au type de la tumeur primitive, et affiné en fonction du
stade, les stratégies thérapeutiques pouvant différer en fonction du caractère localisé ou métas-
tatique de la tumeur.
5. Dans le cas où un traitement est envisagé, un bilan pré-thérapeutique doit être envisagé.
6. Le pronostic est évalué par de multiples critères : cliniques, classification TNM, stadification,
anatomo-pathologiques et moléculaires.
7. La stratégie thérapeutique dépend intimement de l’évaluation pronostique.
C hapitre 4
Le médecin préleveur de cellules
et/ou de tissus pour des examens d’anatomie
et cytologie pathologiques
Pr Lucie Karayan-Tapon1, Pr Pierre Levillain2, Pr Yves Allory3
1
Laboratoire de Cancérologie Biologique, CHU de Poitiers, Université de Poitiers.
2
Laboratoire d’Anatomie et Cytologie Pathologiques, CHU de Poitiers, Université de Poitiers.
3
Laboratoire d’Anatomo-pathologie, Hôpital Henri–Mondor, AP-HP, Créteil, Université Paris-Est Créteil
yy Le diagnostic de cancer – et, donc, la prise en charge thérapeutique – passe obligatoirement par une preuve
microscopique.
yy Le médecin anatomo-pathologiste, ainsi que le biologiste/pathologiste moléculaire, sont membres à part entière
de l’équipe cancérologique. Leur tâche est non seulement de valider le diagnostic mais aussi, pour un nombre
croissant de cancers, de guider la thérapeutique.
yy Ils doivent pour cela avoir pris connaissance (idéalement au cours de la Réunion de Concertation Pluridiscipli-
naire (RCP)) du dossier du patient, recevoir des prélèvements dûment identifiés et accompagnés de demandes
précises de la part des cliniciens, s’assurer de leur conditionnement et maîtriser toutes les techniques adaptées à
la question posée par le malade.
UE 9 – item 290 I Le m é d e c i n p r é l e v eu r d e c e l l u l e s e t / o u d e t i s s u s . . . . 63
Ces prélèvements cellulaires et tissulaires seront réalisés par des médecins, dans le respect des bonnes
pratiques, selon des protocoles validés, en veillant à la préservation de leur qualité et de leur quantité. Une
partie des cellules et des tissus prélevés peut faire l’objet de recherches complémentaires à l’examen anatomo-
pathologique, notamment de biologie moléculaire.
64 Le m é d e c i n p r é l e v eu r d e c e l l u l e s e t / o u d e t i s s u s . . . . I UE 9 – item 290
yy Les prélèvements doivent être conditionnés et transmis dans les meilleurs délais accompagnés d’une fiche de
renseignements remplie par le médecin préleveur.
yy Au même titre que l’acte médical du prélèvement, l’acheminement de l’échantillon vers le laboratoire exige un
protocole rigoureux : la transmission correcte du prélèvement engage la responsabilité médicale.
yy Les prélèvements pour examen histologique doivent être envoyés fixés dans le formol à 10 % tamponné sauf
pour les examens extemporanés, en cas de recherches particulières (étude des graisses, examen en immuno-
fluorescence directe), pour la cryopréservation sanitaire et pour la recherche.
UE 9 – item 290 I Le m é d e c i n p r é l e v eu r d e c e l l u l e s e t / o u d e t i s s u s . . . . 65
2.1. Techniques
2.1.1. Cytologie
yy Après conditionnement et fixation des liquides, les échantillons sur lames sont réhydratés puis colorés selon
diverses techniques (par exemple May-Grunwald-Giemsa pour la cytologie hématologique, Papanicolaou pour
les frottis cervico-utérins...).
yy La technique est rapide et l’étude des préparations au microscope permet d’obtenir une orientation diagnostique
qui doit souvent être confirmée par l’analyse histologique.
2.1.2. Histologie
yy Le préalable à la technique histologique standard est une fixation correcte qui exige plusieurs heures. La durée de
fixation est variable en fonction du volume des échantillons.
yy Les petits échantillons pourront être traités directement après fixation.
yy Les pièces opératoires plus volumineuses doivent faire l’objet d’une étape complémentaire de dissection et
d’échantillonnage puis de fixation complémentaire ; l’ensemble représentant en général un délai supplémentaire
de 24 heures.
yy Ensuite, les échantillons passeront par des phases de déshydratation, imprégnation et inclusion en paraffine avant
l’obtention d’un bloc de paraffine qui fera l’objet de coupes de 4 micromètres (µm) d’épaisseur environ.
yy Ces coupes seront étalées sur lames de verre puis déparaffinées, réhydratées et colorées. La coloration usuelle est
la coloration hématoxyline-éosine-safran permettant de faire l’analyse histologique du prélèvement (Figure 1).
66 Le m é d e c i n p r é l e v eu r d e c e l l u l e s e t / o u d e t i s s u s . . . . I UE 9 – item 290
2.1.3. Immunohistochimie
yy À la différence des colorations qui reposent sur les propriétés chimiques des cellules et des tissus, l’immunohisto-
chimie (IHC) utilise une réaction immunologique antigène-anticorps pour identifier et localiser des protéines sur
des lames non colorées d’histologie ou de cytologie.
yy Si l’antigène porté par la protéine est présent sur le prélèvement, il fixera l’anticorps. Ce complexe antigène-anti-
corps est visualisé au microscope par un fluorochrome (étude en fluorescence) ou un par un complexe coloré
(immunohistochimie en microscope standard).
–– La technique peut être directe : l’anticorps spécifique est alors directement fixé à un fluorochrome, on parle alors
d’immunofluorescence directe, qui est essentiellement utilisée pour la recherche de dépôts d’immunoglobulines
et de complément sur coupes congelées de biopsies cutanées et rénales.
–– La technique peut être indirecte, c’est l’immunohistochimie indirecte qui concerne notamment le diagnostic
des lésions tumorales. Le plus souvent, le complexe antigène-anticorps est révélé par un second anticorps
dirigé contre l’anticorps spécifique de l’antigène recherché. Ce second anticorps est lié à une enzyme à laquelle
on fournit un substrat. L’activité enzymatique se traduit par une coloration différente selon le substrat utilisé.
Enfin, une contre-coloration classique permet d’identifier les structures cellulaires et tissulaires et de localiser
précisément l’antigène recherché (Figure 2).
Figure 2. Récepteurs des œstrogènes dans un cancer du sein (Immunohistochimie – marquage nucléaire)
UE 9 – item 290 I Le m é d e c i n p r é l e v eu r d e c e l l u l e s e t / o u d e t i s s u s . . . . 67
yy L’immunohistochimie et les analyses par hybridation in situ ont une place incontournable dans la prise
en charge en cancérologie. Par exemple, la recherche par FISH du statut du gène ALK dans les adénocarci-
nomes pulmonaires ou du statut du gène HER2 dans les cancers du sein et de l’estomac conditionne la prise en
charge thérapeutique de ces pathologies (Figure 3).
68 Le m é d e c i n p r é l e v eu r d e c e l l u l e s e t / o u d e t i s s u s . . . . I UE 9 – item 290
yy La cytologie permet une orientation diagnostique qui doit souvent être confirmée par l’analyse histologique.
yy L’analyse histologique permet de faire un examen morphologique. Elle est basée sur l’interprétation des
images des coupes des tumeurs, colorées par l’hématoxyline-éosine-safran, par le pathologiste en fonction du
contexte clinique et éventuellement radiologique et biologique.
yy La fixation des prélèvements doit se faire dans le formol à 10 % tamponné pour une durée de 6 heures à
48 heures afin d’obtenir des résultats concluants en immunohistochimie et en FISH.
yy L’immunohistochimie directe et indirecte est une aide au diagnostic morphologique par la recherche d’ano-
malies d’expression de protéines d’intérêt.
yy La FISH permet de mettre en évidence des amplifications de gènes ou des translocations.
yy Le résultat de l’examen est consigné dans un compte rendu qui doit comporter des informations pour la prise
en charge du patient. Des données minimales sont requises par l’INCa.
UE 9 – item 290 I Le m é d e c i n p r é l e v eu r d e c e l l u l e s e t / o u d e t i s s u s . . . . 69
yy En général, 4 copeaux de 10 µm d’épaisseur, notamment pour les biopsies, sont envoyés pour des tests de biologie
moléculaire, le prélèvement devant contenir au moins 25 % à 30 % de cellules tumorales afin d’éviter des résul-
tats faussement négatifs.
yy Dans le cas d’une cellularité tumorale inférieure, une macrodissection de la région d’intérêt doit être réalisée à
partir des zones sélectionnées sur les coupes.
UE 9 – item 290 I Le m é d e c i n p r é l e v eu r d e c e l l u l e s e t / o u d e t i s s u s . . . . 71
yy La réalisation des tests moléculaires sur les prélèvements tumoraux est parfois primordiale pour la prise en
charge des patients.
yy L’extraction des acides nucléiques est faite à partir de coupes de tissus fixés et inclus en paraffine. Ces prélève-
ments doivent être fixés au formol 10 % le plus rapidement possible et le temps de fixation doit être compris
entre 6 heures et 24 heures notamment pour les biopsies.
yy Le médecin anatomo-pathologiste, après un contrôle morphologique, sélectionne des zones tumorales ; le
prélèvement doit contenir au moins 25 % à 30 % de cellules tumorales, pour éviter les faux négatifs.
yy Dans tous les cas, les prélèvements doivent être accompagnés d’une fiche de prescription selon les recomman-
dations de l’INCa.
yy Les indications des tests de biologie moléculaires sont théranostiques, diagnostiques, pronostiques.
72 Le m é d e c i n p r é l e v eu r d e c e l l u l e s e t / o u d e t i s s u s . . . . I UE 9 – item 290
yy Principales indications :
Les examens extemporanés sont essentiellement réalisés en pathologie tumorale pour décider d’une exérèse complé-
mentaire, en répondant à différentes questions dépendant du contexte chirurgical :
–– La lésion est-elle de nature tumorale ou non ?
–– S’agissant d’une tumeur, est-elle de nature bénigne, ou maligne ?
–– Les limites de résection sont-elles saines ou atteintes par la tumeur, imposant dans ce cas d’étendre la chirurgie ?
–– Le(s) ganglion(s) lymphatique(s) prélevé(s) est (sont)-il(s) sain(s), ou au contraire métastatique(s) et conduisant
soit à étendre le curage, soit à arrêter l’intervention à cause du stade avancé de la maladie ?
–– Dans le cadre d’un prélèvement diagnostique difficile à réaliser, l’échantillon est-il représentatif et suffisant
pour le diagnostic ultérieur, ou inadéquat ?
UE 9 – item 290 I Le m é d e c i n p r é l e v eu r d e c e l l u l e s e t / o u d e t i s s u s . . . . 73
▶▶ Références
yy http://www.e-cancer.fr/soins/plates-formes-hospitalieres-de-genetique-moleculaire
yy http://www.e-cancer.fr/soins/anatomopathologie
74 Le m é d e c i n p r é l e v eu r d e c e l l u l e s e t / o u d e t i s s u s . . . . I UE 9 – item 290
POINTS CLÉS
1. Les prélèvements cellulaires et tissulaires sont réalisés par des médecins, dans le respect des
bonnes pratiques, selon des protocoles validés, en veillant à la préservation de leur qualité et de
leur quantité.
2. Les prélèvements pour examen histologique doivent être transmis fixés dans le formol à 10 %
tamponné sauf pour les examens extemporanés, les recherches particulières (étude des graisses,
examen en immunofluorescence directe), pour la cryopréservation sanitaire et pour la recherche.
3. La transmission doit être faite dans les meilleurs délais accompagnée d’une fiche de renseigne-
ments remplie par le médecin préleveur. La présence du médecin pathologiste à la RCP permet au
mieux l’échange des informations et facilite la discussion des résultats.
4. L’acheminement de l’échantillon vers le laboratoire exige un protocole rigoureux : la transmis-
sion correcte du prélèvement engage la responsabilité médicale.
5. Une partie des cellules et des tissus prélevés peut faire l’objet de recherches de biologie molé-
culaire. Ces prélèvements doivent être fixés au formol 10 % le plus rapidement possible et le temps
de fixation doit être compris entre 6 heures et 24 heures notamment pour les biopsies.
6. La cytologie permet une orientation diagnostique qui doit souvent être confirmée par l’analyse
histologique.
7. L’examen morphologique est basé sur l’interprétation par le pathologiste des images des
coupes des tumeurs par la coloration hématoxyline-éosine-safran en fonction du contexte cli-
nique et éventuellement radiologique et biologique.
8. Le résultat de l’examen morphologique est consigné dans un compte rendu qui doit comporter
des informations pour la prise en charge du patient. Des données minimales sont requises par
l’INCa.
9. La fixation des prélèvements doit être le formol à 10 % tamponné pour une durée de 6 heures
à 48 heures afin d’obtenir des résultats concluants en immunohistochimie et en FISH.
10. L’immunohistochimie directe et indirecte est une aide au diagnostic morphologique par la
recherche d’anomalies d’expression de protéines d’intérêt.
11. La FISH permet de mettre en évidence des amplifications de gènes ou des translocations.
12. La réalisation des tests moléculaires sur les prélèvements tumoraux est parfois primordiale
pour la prise en charge des patients.
13. Les prélèvements à visée d’étude en biologie moléculaire doivent contenir au moins 25 % à
30 % de cellules tumorales, pour éviter les faux négatifs.
14. Les prélèvements pour l’étude en biologie moléculaire doivent être accompagnés d’une fiche
de prescription selon les recommandations de l’INCa.
15. L’extraction des acides nucléiques est faite à partir de coupes de tissus fixés et inclus en
paraffine.
16. Les indications des tests de biologie moléculaires sont théranostiques, diagnostiques, pro-
nostiques.
UE 9 – item 290 I Le m é d e c i n p r é l e v eu r d e c e l l u l e s e t / o u d e t i s s u s . . . . 75
76 Le m é d e c i n p r é l e v eu r d e c e l l u l e s e t / o u d e t i s s u s . . . . I UE 9 – item 290
C hapitre 5
Traitement des cancers :
chirurgie, radiothérapie, traitements médicaux
des cancers (chimiothérapie, thérapies ciblées,
immunothérapie). La décision thérapeutique
pluridisciplinaire et l’information du malade
Dr Céline Bourgier1, Dr Marc-Antoine Benderra2, Dr Sandrine Richard2, Pr François Guillemin3, Pr Frédéric Marchal4,
Pr David Azria1, Pr Jean-Pierre Lotz2
1
Institut de Cancérologie de Montpellier, Unicancer, Montpellier
2
Service d’Oncologie Médicale et de Thérapie Cellulaire, Hôpital Tenon, Groupe Hospitalier Est-Parisien, AP-HP, Paris
3
Institut de Cancérologie de Lorraine, Centre Jean Godinot, Unicancer, Reims
4
Institut de Cancérologie de Lorraine, Centre Alexis Vautrin, Unicancer, Vandœuvre-lès-Nancy
OBJECTIFS iECN
Mots clés : Bilan d’extension – TNM – Chirurgie
ÎÎ Traitement des cancers : chirurgie, radiothérapie, traite- carcinologique – Réhabilitation – Anatomo-
ments médicaux des cancers (chimiothérapie, thérapies pathologie – Immuno-histo-chimie.
ciblées, immunothérapie). La décision thérapeutique
Radiothérapie – Fractionnement – Facteur temps –
pluridisciplinaire et l’information du malade.
Curiethérapie.
–– Décrire les principes et risques des traitements en can-
Plans Cancer – Prévention – RCP – Dispositif
cérologie (voir item 326).
d’annonce – Programme personnalisé de soins –
–– Justifier l’utilité d’une concertation pluridisciplinaire.
Qualité de vie – Essais thérapeutiques – Soins de
–– Connaître les objectifs du dispositif d’annonce et de la support – Toxicités.
mise en place d’un programme personnalisé des soins.
yy Le traitement d’un cancer peut faire appel à plusieurs modalités thérapeutiques, isolément, simultanément ou
successivement (Figure 1). La décision thérapeutique ne peut donc reposer que sur une concertation multidisci-
plinaire. Les soins oncologiques de support ne sont pas réservés à la phase purement palliative de la fin de vie mais
font partie intégrante de la prise en charge thérapeutique du malade dès le diagnostic.
Méthodes thérapeutiques
Soins
Traitements
Chirurgie Radiothérapie Oncologiques
médicaux
de Support
Diagnostic
Prévention Traitement Réhabilitation
et bilan d’extension
1.1. La prévention
1.1.1. La chirurgie prophylactique
yy L’objectif est l’exérèse d’un organe apparemment sain, mais ayant un très fort risque de développement d’un
cancer lié à l’identification d’une mutation génétique constitutionnelle.
Exemple : Mastectomies et ovariectomies prophylactiques chez des patientes jeunes porteuses d’une
mutation BRCA1 ou 2.
Exemples :
–– Conisation en cas de carcinome in situ du col utérin.
–– Colectomie totale +/- proctectomie en cas de polypose recto-colique.
yy L’alternative à la chirurgie est la résection endoscopique ou la destruction (laser, plasma argon, hyper-fréquence…).
Une radiothérapie peut être associée à la chirurgie comme dans le CCIS de haut grade du sein.
Exemples :
–– Biopsie du col utérin sous colposcopie.
–– Castration par voie inguinale pour le diagnostic de cancer du testicule.
yy A contrario, la chirurgie peut permettre de corriger un diagnostic erroné de malignité ou de découvrir fortuite-
ment une tumeur maligne sur pièce opératoire.
yy Cette étape diagnostique se fait en collaboration avec l’anatomo-pathologiste. Le chirurgien doit indiquer la topo-
graphie des prélèvements, les orienter et préciser le degré d’urgence.
Exemples :
–– La cœlioscopie pour un cancer de l’ovaire oriente le choix du premier traitement et permet d’obtenir
une preuve histologique sur la tumeur, ses extensions et une cytologie sur le liquide péritonéal.
–– Une suspicion de carcinose péritonéale (mésothéliome, cancer de l’estomac) nécessite une cœlioscopie
de classification de l’atteinte péritonéale pour estimer les chances de résection R0.
1.3. Traitements
1.3.1. Radicalité et qualité de vie
yy Les objectifs de la chirurgie sont la guérison et le maintien d’une bonne qualité de vie. Le principe de radicalité a
pour objectif d’éviter les récidives locales ; l’exérèse du cancer doit être totale et passer en tissu sain, sans effraction
de la tumeur. L’évolution des pratiques chirurgicales a voulu préserver la radicalité du geste tout en réduisant les
séquelles fonctionnelles ou mutilantes.
Exemples :
–– Abandon de la mastectomie totale élargie à des méthodes conservatrices pour le cancer du sein.
–– Abandon des amputations et désarticulations de membre pour les sarcomes des tissus mous.
Exemples :
–– Pneumonectomie et curage ganglionnaire médiastinal pour un carcinome bronchique développé sur
une bronche souche.
–– Hémi-colectomie droite pour un adénocarcinome du cæcum.
–– Ablation de toute la glande, y compris le prolongement axillaire, en cas de chirurgie non conservatrice
pour un cancer du sein.
Exemples :
–– Lors de l’exérèse d’un cancer du sein, une marge entre 1 et 2 mm est suffisante à condition qu’il n’y ait
pas de carcinome intra-canalaire (CCIS) associé car la marge exigée serait alors de 2 mm.
–– La marge d’exérèse d’un mélanome cutané dépend de l’indice de Breslow (plus la tumeur est épaisse,
plus grandes devront être les marges).
–– Un sarcome rétro-péritonéal justifie une néphrectomie et une colectomie afin de s’assurer de marges
significatives.
yy On classe la qualité de l’exérèse en trois niveaux selon la présence ou non de foyers tumoraux résiduels
après la chirurgie :
–– R0 : il n’y a pas de résidu microscopique ;
–– R1 : il n’y a pas de résidu macroscopique, mais un très fort risque de résidu microscopique ;
–– R2 : il persiste un résidu macroscopique.
yy La juxtaposition signifie que les cibles sont différentes : la chirurgie se limite à l’exérèse du site tumoral et la
radiothérapie complète le traitement loco-régional sur les extensions locales et/ou sur les ganglions potentiel-
lement atteints. La chimiothérapie a pour objectif de réduire le risque lié à une maladie générale.
yy La superposition signifie que les cibles sont identiques. Les traitements se suivront. On parle de chimio-
thérapie d’induction (ou néo-adjuvante) quand la chimiothérapie est la première séquence du traitement. La
radiothérapie externe peut également précéder ou suivre l’acte chirurgical.
yy Les objectifs sont divers : traiter en priorité une maladie potentiellement métastatique infra-clinique, réduire le
volume de la tumeur pour la rendre extirpable ou limiter l’importance de l’exérèse chirurgicale et permettre la
conservation partielle de l’organe dans un but fonctionnel ou de qualité de vie.
Exemples :
–– Un cancer du rectum sous péritonéal > T2 justifie une radiothérapie associée à une chimiothérapie,
avant le temps chirurgical d’exérèse et sans préjuger de l’indication d’une chimiothérapie adjuvante.
–– Les métastases hépatiques des cancers colorectaux, de l’adénocarcinome du bas œsophage, des
sarcomes des membres, etc. bénéficient d’un traitement d’induction pré-chirurgical.
Exemple : La radiothérapie per-opératoire pour le cancer du sein délivre une dose unique dans le lit
opératoire. L’intérêt est de remplacer la radiothérapie externe qui s’étale sur 5 à 6 semaines (ou moins pour
un protocole de radiothérapie hypo fractionnée) par une seule séance au cours de l’intervention.
yy La chimiothérapie loco-régionale associe l’administration d’une très forte dose de chimiothérapie dans un com-
partiment limité à une hyperthermie potentialisatrice.
Exemples :
–– Traitement du pseudo-myxome (maladie gélatineuse du péritoine).
–– Perfusion de membre isolé avec le TNFα, indiquée pour les sarcomes des parties molles ou le mélanome
avec nodules en transit des membres avec comme bénéfice la possibilité de faire ensuite une chirurgie
d’exérèse conservatrice.
Exemples :
–– Radio-chimiothérapie concomitante exclusive du carcinome épidermoïde du tiers supérieur de
l’œsophage, du cancer de vessie T2 (après RTUV complète).
–– Le cancer de la prostate peut être traité par curiethérapie, par radiothérapie externe conformationnelle
avec modulation d’intensité, par cryothérapie, etc. en lieu et place de la chirurgie. Chaque technique a
des indications plus ou moins précises, mais qui dépendent également de l’accès au plateau technique
correspondant.
Exemple : La persistance de masses ganglionnaires après chimiothérapie pour une tumeur germinale
non séminomateuse du testicule de stade II (atteinte des ganglions régionaux : ganglions para-aortiques,
pré-aortiques, inter-aortico-caves, pré-caves, para-caves, rétro-caves, rétro-aortiques et le long des veines
spermatiques) peut correspondre à :
➢➢ des résidus tumoraux actifs qui vont imposer une chimiothérapie de deuxième ligne, voire une
intensification de dose ;
➢➢ du matériel nécrotique qui peut renseigner sur la nature d’images résiduelles en site métastatique
(poumon, ganglions médiastinaux) dont la surveillance sera suffisante ;
➢➢ une tumeur mature à type de tératome dont l’évolution sous forme de tératome croissant peut
donner des complications à type de compression.
Exemple :
–– Le cancer épidermoïde de la marge anale est traité en première intention par une association de radio-
chimiothérapie. Le résultat attendu est un contrôle de la maladie dans plus de 90 % des cas. L’échec
est la persistance de tumeur vivace, de douleurs et souvent une incontinence des matières et des gaz.
L’amputation ano-rectale par voie abdomino-périnéale est alors nécessaire. Elle se justifie d’autant plus
que la maladie est à un stade local et si l’atteinte ganglionnaire a été contrôlée par le traitement.
Exemples :
–– La chirurgie des métastases hépatiques des cancers colorectaux s’intègre parfaitement dans ce
raisonnement et les indications se sont considérablement étendues. On propose un protocole
commençant par la chimiothérapie, une embolisation du lobe hépatique le plus atteint (celui qui sera
réséqué) pour augmenter le volume de parenchyme résiduel controlatéral et dans le même temps
on détruit les foyers tumoraux (hyperfréquence, cryothérapie, ultra-sons focalisés, radiothérapie en
conditions stéréotaxiques) dans le lobe qui restera en place.
–– La chirurgie des métastases pulmonaires de sarcomes peut amener à la résection de plusieurs dizaines
de nodules dans les deux poumons.
Exemples :
–– Laminectomie décompressive de la moëlle épinière pour éviter une paraplégie.
–– Ostéosynthèse en prévention d’une fracture pathologique.
Exemple : La récidive locale d’un cancer du sein après traitement conservateur relève d’une chirurgie
radicale non conservatrice.
Exemple : Le grêle radique, consécutif à une irradiation abdominale peut se manifester par une nécrose
muqueuse sténosante limitée, en général en regard d’une bride adhérentielle. Il peut se manifester par des
troubles de l’absorption et des troubles du transit par fibrose d’une longue portion du grêle. La chirurgie
réalise la résection de tout le segment pathologique et s’assure d’une suture en zone saine.
yy La chirurgie est parfois nécessaire dans des situations où la complication est liée à l’efficacité de la radiothérapie
qui aboutit à la fonte tumorale et démasque une fistule, provoque un abcès sur nécrose, etc.
1.4.1.2. Complications de la chimiothérapie
yy L’extravasation des produits de chimiothérapie provoque des brûlures chimiques extensives et d’aggravation pro-
gressive dont le traitement est la lipoaspiration en urgence ou un débridement chirurgical si le patient est référé
tardivement (> 12 h). Ensuite, il faut exciser les zones nécrosées quand elles sont bien délimitées et couvrir la perte
de substance. Parallèlement, l’ablation du cathéter ou du site implantable est indispensable.
yy Le traitement par les bisphosphonates peut se compliquer d’une nécrose mandibulaire. La prévention est la mise
en état dentaire en préalable de leur prescription. À un stade avancé, on observe une nécrose muqueuse gingivale
et des séquestres osseux. Le traitement est l’arrêt des bisphosphonates, l’ablation des séquestres et la couverture
de l’os sain.
Exemples :
–– Une prostato-cystectomie totale pour un cancer de la vessie peut être compensée par une iléo-néo-
cystoplastie (reconstruction d’un réservoir in situ en utilisant le grêle « détubulé » et anastomoses
urétro-iléale et urétéro-iléales).
–– Une pharyngo-laryngectomie totale sera partiellement reconstruite en rétablissant la continuité de la
voie digestive supérieure entre la cavité buccale et l’œsophage : lambeau libre jéjunal ou lambeau libre
cutané ou plastie cutanée locale, etc.
–– Pour le cancer du sein nécessitant une mastectomie totale, il est possible de réaliser une reconstruction
immédiate :
➢➢ pour un carcinome canalaire in situ étendu ;
➢➢ pour un cancer ayant nécessité une chimiothérapie première que l’on fait suivre par une
radiothérapie. La chirurgie clôt le traitement par une mastectomie totale et une reconstruction
mammaire immédiate (RMI).
yy En chirurgie mammaire conservatrice, de nombreuses techniques dérivées de la chirurgie plastique du sein ont
été proposées. Pour les cancers du quadrant inférieur, une technique issue de la chirurgie de réduction mammaire
est utile ; elle est associée à une chirurgie controlatérale de symétrisation.
Exemples :
–– La chirurgie du plancher de bouche nécessite parfois une interruption du maxillaire inférieur. Une
reconstruction secondaire, après cicatrisation et éventuellement une radiothérapie, associe une greffe
osseuse et dans les bons cas l’implantation d’orthèses.
–– La reconstruction différée du sein est largement répandue ; le choix des techniques est large.
1.7.2. La télé-cœliochirurgie
yy La chirurgie dite « robotique » est une étape importante dans l’amélioration de la chirurgie mini-invasive comme :
–– cœlioscopie avec vision 3D ;
–– ergonomie chirurgicale : position assise et appui des avant-bras ;
–– suppression du tremblement.
yy Toutes les procédures réalisables par cœliochirurgie classique, le sont encore plus facilement par télé-cœliochirur-
gie car l’apprentissage est plus rapide et la mobilité des instruments facilite l’exécution des gestes.
Exemples :
–– La vésiculo-prostatectomie radicale par télé-cœliochirurgie devient un standard.
–– La colpo-hystérectomie totale élargie avec lymphadénectomie pelvienne par télé-cœliochirurgie tend
aussi à devenir un standard.
2. Radiothérapie oncologique
2.1. Introduction
yy C’est en 1895 que W.-C. Roentgen découvre les rayons X, mais ce n’est que vers les années 1920-1930 que la radio-
thérapie, en tant que discipline de traitement anticancéreux, va réellement se structurer. Le but de la radiothérapie
est d’utiliser les radiations ionisantes à visée thérapeutique, afin de détruire les cellules cancéreuses.
2.2. Définitions
yy Les radiations ionisantes sont des radiations capables de créer des ionisations dans la matière qu’elles traversent
par « arrachement » d’électrons aux atomes des molécules du milieu.
yy Les photons correspondent à des « grains » d’énergie sans masse, se déplaçant à la vitesse de la lumière et trans-
portés par une onde électromagnétique.
On distingue les photons gamma, produits lors de la désintégration d’atomes radioactifs naturels ou artificiels,
cobalt (Co60), iridium (Ir192), césium (Cs137), et les photons X, produits lors des interactions électrons-matière.
En radiothérapie, il s’agit de photons produits par des tubes à rayons X ou par des accélérateurs linéaires à usage
médical. À énergie égale, photons gamma ou X ont des propriétés biologiques identiques : seuls les distinguent
leurs modes de production.
yy Les électrons correspondent à des particules élémentaires de matière chargée négativement. La masse d’un élec-
tron est environ deux mille fois plus petite que celle des particules constituant le noyau de l’atome (neutrons et
protons). En radiothérapie, on utilise essentiellement des électrons produits par les accélérateurs linéaires (dans
une gamme d’énergie allant de 4 à 32 MeV).
yy Le Gray (Gy) est l’unité de dose en radiothérapie.
Il s’agit d’une unité de dose absorbée, correspondant à une absorption d’énergie d’1 joule par Kg (1 Gy = 1 J.Kg-1).
Effet compton
Effet photoélectrique
yy L’irradiation agit sur la perméabilité de la membrane cellulaire en induisant des chaînes de réactions encore
incomplètement connues, par l’intermédiaire de la dégradation des phospholipides (peroxydation lipidique) ainsi
qu’au niveau du cytoplasme sur les ribosomes et les mitochondries (ce site d’action semble peu important).
yy Ce sont avant tout les lésions de l’ADN (acide désoxyribonucléique) nucléaire qui sont responsables des effets
biologiques des radiations ionisantes (Figure 5).
En l’absence d’oxygène (hypoxie), les cellules sont moins sensibles aux radiations. La dose nécessaire pour détruire
une cellule en hypoxie est 2,5 à 3 fois plus importante que celle nécessaire pour détruire la même cellule bien oxy-
génée.
yy Le facteur temps : le fractionnement et l’étalement régissent le déroulement d’une irradiation.
–– Le fractionnement est le nombre de fractions (ou de séances) d’une irradiation. Il définit également
l’intervalle de temps entre deux fractions. Il est possible de modifier l’efficacité biologique d’une irradiation en
agissant sur les composants du facteurs temps.
Le fractionnement conventionnel délivre une fraction par jour de 2 Gy qui permet la restauration de l’ADN
des cellules normales.
Le bi-fractionnement (2 séances par jour) délivre à chaque séance une faible dose, moins toxique pour les
cellules normales qui sont capables de se réparer, et plus toxique pour les cellules tumorales qui réparent
mal. Ce mode d’irradiation protège donc les tissus sains tout en délivrant une dose d’irradiation efficace (à
condition que les deux séances soient espacées d’au moins 6 heures).
Différents protocoles de traitement utilisent soit une augmentation du nombre de fractions (hyper-
fractionnement) pour des traitements curatifs, soit une diminution du nombre de fractions (hypo-
fractionnement) pour des traitements palliatifs qui recherchent rapidement l’effet désiré (antalgique par
exemple) avec peu de séances de traitement.
–– L’étalement est la durée totale du traitement. En réduisant l’étalement (accélération), on dépasse la
prolifération des cellules tumorales permettant une destruction plus importante.
Un allongement du temps de traitement (protraction) est utilisé dans le cadre de traitements palliatifs dits en
« split-course ».
yy L’effet dose : In vitro, les cellules tumorales ne sont pas entourées de tissu sain, et de très fortes doses d’irradiation
permettent d’obtenir 100 % de stérilisation. En clinique, l’augmentation des doses se heurte à la tolérance des
tissus sains, qui est limitée. Néanmoins, il a été montré (cancers bronchiques, ORL, gynécologiques) que l’aug-
mentation de la dose totale d’irradiation, pour une même tumeur, améliore les chances de stérilisation. Cet effet
est constamment recherché en clinique pour les tumeurs radio-résistantes.
–– les effets génétiques : ils restent très théoriques dans un contexte de radiothérapie. Les doses reçues aux gonades
sont souvent faibles, voire très faibles, car les volumes irradiés se situent à distance. Ce risque génétique ne
paraît devoir être pris en compte que lorsqu’une irradiation thérapeutique est amenée à délivrer aux testicules
ou aux ovaires une dose supérieure à 0,5-1 Gy (inférieure aux doses entraînant une castration).
3.1. Chimiothérapie
3.1.1. Considérations générales
yy La chimiothérapie anti-tumorale utilise des médicaments qui entraînent un arrêt du cycle cellulaire (effet cytosta-
tique) et/ou une mort cellulaire (effet cytotoxique), principalement par apoptose.
yy Il n’y a pas de chimiothérapie possible sans preuve histologique. Seules certaines tumeurs germinales peuvent être
traitées sans preuve histologique sur la base d’arguments cliniques, radiologiques et biologiques.
yy Trois principes régissent l’utilisation de la chimiothérapie systémique :
–– une fraction constante de cellules tumorales est tuée à chaque cycle thérapeutique. Par exemple, si un
cycle thérapeutique tue 99 % des cellules d’un cancer, une masse tumorale de 1011 cellules sera réduite à
approximativement 10 cellules après 5 cycles ;
–– les cellules néoplasiques sont supposées répondre au traitement suivant une relation linéaire entre la dose et
son efficacité, ce qui justifie l’emploi de doses le plus élevées possibles, administrées aux intervalles de temps
les plus courts ;
–– l’hypothèse de Goldie-Coldman suggère que les tumeurs ont un taux spontané de mutation d’environ une
cellule pour 100 000 et par gène. Ainsi, une tumeur contenant 109 cellules (environ 1 gramme) comprendra
spontanément environ 10 000 cellules résistantes à un médicament donné. Mais la résistance simultanée d’une
cellule à deux médicaments ne s’observera que pour une cellule sur 1010. Ceci explique l’efficacité supérieure
des poly-chimiothérapies.
yy Les programmes de chimiothérapies sont établis au travers des essais conduits par des groupes nationaux ou
internationaux et suivent les recommandations des sociétés savantes (ESMO, ASCO…) ou des organisations
institutionnelles (INCa, UNICANCER…).
3.1.2. Indications
yy La chimiothérapie peut être administrée :
–– En phase curative :
➢➢ Traitement néo-adjuvant : avant le traitement chirurgical de la tumeur. Cette approche permet de traiter la
tumeur primitive en place et les micro-métastases éventuellement présentes.
➢➢ Traitement adjuvant : au décours de la chirurgie. Il diminue (mais n’annule pas) le risque de rechute et
augmente la survie.
–– En phase métastatique : l’objectif n’est plus la guérison mais la qualité de vie et le contrôle des symptômes.
On parle de chimiothérapie palliative (bien qu’elle ne soit pas administrée au moment de la fin de vie). Les
soins de support ont un rôle prépondérant durant cette phase. Dans certaines situations, la chimiothérapie
utilisée en phase métastatique peut être curative (tumeurs germinales métastatiques, cancer colo-rectal oligo-
métastatique par exemple).
–– De façon concomitante ou séquentielle à la radiothérapie (ce qui permet la coopération temporelle et spatiale
entre chimiothérapie et radiothérapie).
yy Au contraire, on trouve plusieurs classes de médicaments susceptibles d’inhiber la topo-isomérase II, parmi les-
quels :
–– les épipodophyllotoxines (ex : étoposide) ;
–– les anthracyclines (dont le chef de file est l’adriamycine ou doxorubicine).
Par exemple :
–– Un déficit complet en DHPD (dihydro-pyrimidine déshydrogénase) peut provoquer des toxicités
mortelles en cas d’administration de 5-FU. Celui-ci étant réduit par la DHPD, il s’accumule en cas de
déficit complet de l’enzyme. Un déficit partiel est possible ; il sera géré par une administration du 5-FU
à dose réduite de moitié.
–– Un déficit en UGT1A (maladie de Gilbert) entraîne des toxicités plus importantes après traitement par
l’irinotécan car l’UGT transforme le métabolite actif de l’irinotécan (SN38) en métabolite inactif.
progression biologique et/ou clinique de la maladie, qui définit les cancers de la prostate résistants à la castration,
rend compte du fait qu’il persiste au sein de la cellule cancéreuse une concentration suffisante de testostérone (ou
de son dérivé, la di-hydrotestostérone) pour que le récepteur androgénique puisse migrer vers le noyau, se fixer à
l’ADN et assurer son activité transcriptionnelle.
yy Premier représentant d’une nouvelle génération d’anti-androgènes, l’enzalutamide se fixe au récepteur androgé-
nique avec une affinité très supérieure à celle des médicaments antérieurs.
yy L’acétate d’abiratérone est un inhibiteur irréversible du cytochrome P450 CYP17 qui est impliqué dans la synthèse
in situ des androgènes au niveau testiculaire, surrénalien et prostatique.
yy La prescription de ces deux médicaments doit être associée au maintien d’une castration médicale par un ana-
logue de la LH-RH si elle n’avait pas été chirurgicale. Un suivi de la testostéronémie devra être fait régulièrement.
Une surveillance de la kaliémie et une supplémentation en cortisone est indispensable avec la prescription de
l’acétate d’abiratérone.
yy Les effets indésirables de cette nouvelle classe médicamenteuse (on parle de « checkpoint inhibitors ») résultent
d’une réponse immunitaire augmentée ou excessive dirigée contre l’organisme du malade ; ils sont définis comme
« immune related adverse events ». Ils concernent essentiellement les systèmes gastro-intestinal, hépatique, cutané,
nerveux et endocrinien (notamment au niveau de l’hypophyse et de la thyroïde) mais ils peuvent atteindre toutes
les fonctions de l’organisme. Ils apparaissent pour la plupart pendant la phase d’induction du traitement mais
peuvent également être retardés. Un diagnostic précoce et une prise en charge appropriée, par corticothérapie à
forte dose éventuellement associée à un traitement immunosuppresseur, sont essentiels pour minimiser les com-
plications menaçant le pronostic vital.
yy Ainsi le transfert adoptif de lymphocytes T infiltrants (tumour-infiltrating lymphocytes), consiste à prélever des
lymphocytes T d’un patient à partir d’échantillons de sa tumeur, à sélectionner les plus efficaces en vue d’une
expansion en laboratoire, et à les lui réinjecter à des fins anti-tumorales.
yy Une autre approche consiste à modifier génétiquement les cellules immunitaires. Il s’agit du transfert adoptif de
lymphocytes T génétiquement modifiés. Dans ce type de traitement, les lymphocytes T prélevés dans le sang du
patient, sont génétiquement modifiés pour exprimer des récepteurs spécifiques à leur surface. On parle de récep-
teur antigénique chimérique. Ces récepteurs permettront aux cellules modifiées (CAR-T), de repérer des anti-
gènes présents sur les cellules tumorales. Ces cellules sont cultivées en laboratoire jusqu’à ce qu’elles prolifèrent
par millions puis sont réinjectées au patient. Continuant à se multiplier in vivo, elles vont pouvoir reconnaître et
détruire spécifiquement les cellules cancéreuses.
7. L’après-cancer
yy Le Plan Cancer (2014-2019) ambitionne de préserver au maximum l’autonomie, la continuité et la qualité de
vie des personnes atteintes d’un cancer, pendant et après la période des traitements. Cela passe par une réduc-
tion des risques de séquelles (douleurs, difficultés psychologiques, altération de la fertilité) et de second cancer
(accompagnement au sevrage tabagique, activité physique adaptée, alimentation équilibrée, réduction de la
consommation d’alcool). Les conséquences économiques et sociales sont elles aussi au centre de ce plan cancer :
notion du « droit à l’oubli » avec accès facilité à l’assurance et au crédit, dispositifs d’aménagement de la scolarité
pour les enfants et adolescents malades, mise en place d’observatoires/baromètres pour actualiser les connais-
sances sur l’après-cancer.
▶▶ Références
yy Mise en œuvre des traitements
–– www.afsos.org : référentiels AFSOS (Association Francophone des Soins Oncologiques de Support)
–– Recommandations HAS 2014 RCP
–– INCa Plan Cancer 2014-2019 et Plans Cancers I à III
yy La chirurgie des cancers
–– Site de l’INCA : www.e-cancer.fr (http://www.e-cancer.fr/)
–– Site de l’HAS : www.has-sante.fr (http://www.has-sante.fr/)
–– Chirurgie oncologique concepts et techniques Serge Evrard, François Guillemin, Jacques Dauplat John Libbey Eurotext 2006
yy Radiothérapie
–– Pourquoi les radiations ionisantes sont-elles thérapeutiques ? Hennequin C. La Revue du Praticien, N° : 1, Pages : 74, Rubrique
éditoriale : Dossier, Radiothérapie. 2011-01-18
–– Les grandes indications de la radiothérapie. Maingon P. La Revue du Praticien, N° : 1, Pages : 79, Rubrique éditoriale : Dossier. 2011-
01-18
–– Effets indésirables de la radiothérapie. Henni M., Ali D. La Revue du Praticien, N° : 4, Pages : 461-6, Rubrique éditoriale : Pratique
Médicale. 2012-04-16
yy Chimiothérapie et Thérapies ciblées
–– Site de l’INCA : www.e-cancer.fr (http://www.e-cancer.fr/)
–– Site de l’HAS : www.has-sante.fr (http://www.has-sante.fr/)
–– Les médicaments du cancer, Trédaniel Jean, ESKA, 2015
yy Hormonothérapies
–– Site de l’INCA : www.e-cancer.fr (http://www.e-cancer.fr/)
–– Site de l’HAS : www.has-sante.fr (http://www.has-sante.fr/)
–– Site de l’Association française d’Urologie (www.urofrance.org/nc/science-et-recherche/base-bibliographique/article/htlm/
recommandations-en-onco-urologie-2013-du-ccafu-cancer-de-la-prostate.htlm)
yy Immunothérapie
–– Site de l’INCA : www.e-cancer.fr (http://www.e-cancer.fr/)
–– Site de L’HAS : www.has-sante.fr (http://www.has-sante.fr/)
–– Tumor immunotherapy directed at PD-1, Ribas, A, et al.: New England Journal of Medicine, 2012, 366, 2517-9.
1. Ce chapitre a pour but de vous expliquer les grands principes des traitements du cancer. L’ob-
jectif n’est pas de vous faire devenir des experts en cancérologie, mais de mettre en exergue
les points importants dans la prise en charge des cancers, particulièrement susceptibles d’être
abordés à l’ECN et qui « peuvent faire très mal »… en particulier la RCP, les complications des
traitements…
2. Le principe de la stratégie thérapeutique est le même pour chaque cancer : déterminer en
premier lieu le stade et le traitement ne posera pas de difficulté :
–– localisé/localement avancé : chirurgie +/- radiothérapie et/ou chimiothérapie, le but du
traitement est CURATIF ;
–– métastatique : traitement systémique (chimiothérapie), le but du traitement est PALLIATIF.
3. Cinq cancers sont à connaître sur le bout des doigts, TNM compris : sein, prostate, poumon,
côlon, mélanome. Pour les autres, même si la TNM n’est pas à connaître, il faut avoir une idée des
stades qui font changer le traitement…
C hapitre 6
Prise en charge et accompagnement
d'un malade cancéreux
à tous les stades de la maladie
Pr Laurent Zelek, Pr Guilhem Bousquet, Dr Boris Duchemann
Service d’Oncologie, CHU Avicenne, Bobigny
OBJECTIFS iECN
ÎÎ Prise en charge et accompagnement d’un malade cancé-
reux à tous les stades de la maladie dont le stade de soins
palliatifs en abordant les problématiques techniques,
1. L’entrée dans la maladie : aspects psycho-sociaux relationnelles, sociales et éthiques. Traitements sympto-
matiques. Modalités de surveillance.
2. La prise en charge personnalisée : du diagnostic à
–– Expliquer les principes de la prise en charge globale
la surveillance
du malade à tous les stades de la maladie en tenant
2.1. Le programme personnalisé de l’après-cancer compte des problèmes psychologiques, éthiques et
2.2. Surveillance carcinologique et prévention tertiaire sociaux.
3. Des soins de support aux soins palliatifs –– Comprendre et intégrer la notion de discussion collé-
3.1. La douleur en cancérologie giale pour les prises de décision en situation de com-
3.2. Soins oncologiques de support plexité et de limite des savoirs.
3.3. Les soins palliatifs et l’arrêt des traitements actifs
Introduction
yy Le parcours de soins d’un patient atteint d’un cancer est codifié. Certains aspects font l’objet de dispositions
réglementaires sous l’égide de l’Institut National du Cancer comme le « dispositif d’annonce » ou le « programme
personnalisé de l’après-cancer ».
yy La possibilité de guérison de nombreux cancers est aujourd’hui élevée et la survie des formes métastatiques
peut se chiffrer en années. De ce fait, de nouveaux besoins doivent être pris en compte. Les soins de support ont
une importance croissante à tous les stades de la maladie. Lors de la phase de surveillance, il convient d’intégrer
au projet de soins une dimension globale de prise en charge de la personne (prévention tertiaire).
yy En cas de rechute, les soins de support contribuent à améliorer la qualité de vie et à optimiser l’efficacité du trai-
tement spécifique. Dans tous les cas, la dimension psychosociale doit être prise en compte.
yy La cancérologie a connu plusieurs évolutions au cours des dernières décennies : dépistage et diagnostic pré-
coces, amélioration des traitements spécifiques avec apparition de nouveaux agents actifs, définition de mar-
queurs biologiques prédictifs, amélioration des traitements symptomatiques et des soins de support, meilleure
prise en compte des besoins psycho-sociaux et, enfin, apparition d’un cadre réglementaire régissant l’exercice de
la spécialité.
yy Pour certains cancers, comme par exemple le cancer du sein, les taux de guérison sont désormais supérieurs
à 80 %, ce qui conduit à une vision globale de la prise en charge et non plus uniquement centrée sur le traitement
antitumoral. Cela pose la question de la prévention tertiaire et de la prise en charge de l’après-cancer avec des
mesures d’ordre médical (lutte contre la sédentarité, sevrage des addictions) et psycho-social (réinsertion sociale ;
droit à l’oubli, qui facilite l’accession au crédit des patients considérés comme guéris).
La coordination entre les différents professionnels est donc cruciale et doit être mise en œuvre le plus
tôt possible. Il ne s’agit pas uniquement d’une coordination intra-hospitalière mais également « entre la ville et
l’hôpital ». Par exemple, la demande d’exonération du ticket modérateur (= prise en charge à 100 % au titre de
l’affection de longue durée) doit être faite par le médecin traitant (une procédure dérogatoire est possible en cas
d’urgence si le diagnostic a été posé en milieu hospitalier ; mais une régularisation doit être faite à 6 mois par le
médecin traitant).
OMS/ECOG Description
0 Asymptomatique (activité normale : aucune restriction à poursuivre les activités précédant l’affection).
Symptomatique (gêné pour les activités physiques soutenues mais capable de se déplacer seul et
1
d’assurer un travail léger ou sédentaire, par exemple un travail de bureau ou le ménage).
Symptomatique, alité plus de 50 % de la journée, sans y être confiné (capable de prendre soin de soi-
3
même de manière limitée, alité ou confiné au fauteuil plus de 50 % de la journée).
Confiné au lit (totalement dépendant, incapable de prendre soin de soi-même, confiné au lit ou au
4
fauteuil).
yy La réponse tumorale, le plus souvent appréciée sur les examens d’imagerie, n’est qu’un critère d’évaluation de
l’état du patient. L’évolution des symptômes lui est associée (état général, douleur, état nutritionnel) et permet in
fine d’adapter le projet thérapeutique.
yy Celui-ci doit tenir compte du rapport risque-bénéfice propre à chaque situation :
–– en situation de curabilité, un traitement toxique est acceptable s’il augmente significativement les chances de
guérison ;
–– en situation palliative, les objectifs de qualité de vie priment et la toxicité des traitements doit être réduite.
–– On privilégiera par exemple des associations de chimiothérapies dans le premier cas et des mono-
chimiothérapies dans le second.
yy Il existe néanmoins des situations « intermédiaires » de plus en plus fréquentes, où la maladie n’est pas curable
mais où l’espérance de vie se chiffre en années, justifiant un traitement agressif s’il est susceptible d’améliorer la
survie. Ainsi, les cancers du sein métastatiques HER2+ pour lesquels la survie médiane est proche de 5 ans avec
les traitements ciblant HER2, ou les cancers coliques avec métastases hépatiques opérables pour lesquels la survie
à 5 ans est supérieure à 30 %.
3.2.2. Hématotoxicité
yy Les chimiothérapies sont toxiques sur les trois lignées sanguines :
–– la neutropénie est une complication fréquente qui est observée vers le J8 post-chimiothérapie. Elle est
considérée comme sévère si les polynucléaires neutrophiles (PNN) sont < 500/mm3 induisant un risque élevé
de fièvre (on parle de neutropénie fébrile qui est une urgence oncologique).
–– l’anémie survient au cours des semaines suivant le début du traitement. Elle est observée plus fréquemment
avec certaines chimiothérapies (organoplatines). Elle est généralement multifactorielle car il s’y associe souvent
une carence martiale et une composante inflammatoire.
–– la thrombopénie est plus rare dans le traitement des tumeurs solides qu’en hématologie. Elle survient un peu
plus tardivement que la neutropénie, souvent après le J10 et peut nécessiter des transfusions plaquettaires
(selon le contexte et le risque hémorragique, habituellement si les plaquettes sont < 20 000/mm3 ou en cas de
saignement actif).
yy La toxicité hématologique des chimiothérapies est une indication aux traitements symptomatiques :
–– Neutropénie :
➢➢ prophylaxie primaire par G-CSF à partir du J2 post-chimio (pendant 8-10 j ou en une injection unique si
prescription d’un G-CSF à longue durée d’action) ;
• en cas de risque de neutropénie sévère > 20 % (par exemple, bithérapie par un sel de platine et l’étoposide
pour le traitement des cancers bronchiques à petites cellules) ;
• à discuter selon le contexte clinique (pathologies associées, sujet âgé, isolement…) en cas de risque compris
entre 10 et 20 %.
➢➢ prophylaxie secondaire en cas de neutropénie < 500/mm3 ou de neutropénie fébrile au cycle précédent.
ATTENTION : LA TOLÉRANCE DE L’ANÉMIE (et donc les indications d’EPO ou de transfusion) S’ÉVALUE
CLINIQUEMENT +++ (une anémie à 8 g/dl d’installation progressive peut être bien mieux tolérée qu’une anémie
à 9 g/dl d’apparition rapide).
yy Certains traitements, comme les inhibiteurs de l’Epidermal Growth Factor Receptor (EGFR), mais aussi d’autres
thérapeutiques ciblées, peuvent être responsables de rash cutané, d’éruption acnéiforme, d’irritation palmo-
plantaire ou de xérose cutanée. Pour ces patients, l’éducation thérapeutique est essentielle : choix des produits de
toilette, application de crèmes émollientes. Certains services ont recours aux compétences d’une psycho-socio-
esthéticienne ayant une formation spécifique pour ce type de situations.
3.2.5. Oncofertilité
yy La préservation de la fertilité (recueil de sperme, congélation ovocytaire…) doit être proposée avant tout traite-
ment en particulier chez l’enfant et l’adulte jeune.
POINTS CLÉS
1. Les progrès thérapeutiques actuels améliorent la survie des formes métastatiques (chronicisa-
tion).
2. Le parcours de soins fait l’objet de dispositions réglementaires concernant l’entrée dans la maladie
et la prise en charge des besoins spécifiques du patient (PPS, PPAC).
3. Le PPAC est un document personnalisé qui donne les éléments d’une prise en charge globale.
4. La pluridisciplinarité est la règle ; l’information doit circuler entre les établissements de soins et
le médecin traitant.
5. Dès l’annonce du diagnostic, il faut introduire l’évaluation des besoins en termes de soins de
support. Ils font partie intégrante du projet thérapeutique et tout patient doit pouvoir y avoir accès.
6. Les soins de support imposent une coordination entre de multiples spécialistes (y compris les
soignants non médecins). Il faut en connaître les différentes modalités au même titre que les traite-
ments antitumoraux.
7. Les soins palliatifs doivent être introduits précocement chez les patients non curables.
PORTES D’ENTRÉES : PHASE DIAGNOSTIQUE RÉUNION DISPOSITIF TRAITEMENTS SURVEILLANCE APRÈS CANCER
CANCERO-INT.indb 117
Bilan en 1 jour DE CONCERTATION D’ANNONCE PRÉSERVATION DE LA Consultation alternée Chirurgie
Rdv multidisciplinaires PLURIDISCIPLINAIRE Mesure 40 FERTILITÉ avec oncologue réparatrice à la fin
••Circulaire DHOS/SDO 1er Plan Cancer Avant le début des radiothérapeute / des traitements :
••Gynécologues ••Évaluation clinique
du 22 février 2005 traitements spécifiques oncologue médical /
••Radiologues par un gynécologue Avec les résultats Reconstruction ou
••Recommandations (chimio/radioth) gynécologue.
••Autres praticiens des ••Imageries anatomo- plastie proposée à
de l’INCa. Tous les 3-4 mois
établissements complémentaires : pathologiques CHIRURGIE 1 an du traitement
−−Mammographie ••Mise à disposition : L’ensemble de la chirurgie en alternance pour
N° d’appel dédiés : complets de la biopsie les deux premières initial.
−−Tomosynthèse −−Référentiels et le bilan d’imagerie mammaire carcinologique
−−Gynécologie années puis tous les S’assurer d’une
−−Échographie ciblée −−Liste des essais est proposé et réalisé (GS,
−−Radiologie ••Consultation 6 mois pendant 5 ans continuité de la
−−Microbiopsie avec cliniques oncoplastie, reconstruction
possibilité d’examen d’annonce médicale mammaire immédiate) et au moins une fois qualité de vie :
••Composition : −−Remise du PPS
extemporané pour par an. −−Autonomie
Gynécologue Prise en charge en
résultat dans la ••Consultation kinésithérapie post-opératoire Imagerie : 1/an −−Santé physique,
Chirurgien d’annonce soignant psychologique et
journée + cytologie Prise en charge du
Oncologue Pose du port-à-cath en sociale
ganglionnaire si −−Présentation des lymphœdème si
(médical et ambulatoire ou lors de
quorum
besoin soins de support besoin
radiothérapeute) l’intervention.
−−IRM mammaire
••Consultations Anti-aromatases et
••Gynécologues Le médecin traitant Pour les cas Réseau de santé RADIOTHÉRAPIE Suivi alterné avec le Réseau de santé
••Radiologues est destinataire d’une complexes, recours à territorial en SOINS DE SUITE MT ou le gynécologue en cancérologie
synthèse écrite et un centre expert : cancérologie de ville
••Médecins traitants UNITÉ DE SOINS PALLIATIFS ••Accompagnement
documentée −−RCP cancer et Centre de référence
••Autres Prestataires : ••À domicile: à l’ouverture des
grossesse pour la prise droits
établissements −−Prothèses capillaires −−IDE libéraux
−−RCP tumeur rare du en charge du
••Patientes −−Prothèses −−HAD ••Aide au retour à
sein lymphœdème si
mammaires l’emploi avec :
−−Oncogénétique ••Réseaux de soins besoin
−−Requalification
Associations de
−−Aménagement du
patients
poste de travail
27/10/2017 17:23
CANCERO-INT.indb 118 27/10/2017 17:23
UE 10 Item 294
C hapitre 7
Cancers de l’enfant
Particularités épidémiologiques, diagnostiques
et thérapeutiques
Dr Maryline Poirée1, Pr Nicolas Sirvent2, Dr Guillaume Vogin3, Pr Gilles Vassal4, Pr Marc-André Mahé5
1
Unité d’Oncohématologie pédiatrique, CHU Nice
Unité d’Oncologie pédiatrique, CHU Montpellier
2
3
Département de Radiothérapie, Institut de Cancérologie de Lorraine - Alexis Vautrin, Vandoeuvre-Les-Nancy
4
Département de Recherche clinique, Institut Gustave Roussy, Villejuif
5
Département de Radiothérapie, Institut de Cancérologie de l’Ouest-René Gauducheau, Nantes-Saint-Herblain
1. Épidémiologie
yy Les cancers de l’enfant et de l’adolescent sont des maladies rares qui représentent 1 % de l’ensemble des cancers.
yy Leur incidence est en moyenne de 120/million d’enfants par an, répartis en 1 700 nouveaux cas entre 0 et 15 ans
et 700 nouveaux cas chez les AJA (Adolescents et Jeunes Adultes) entre 15 et 20 ans. Ainsi, un enfant sur 440 va
développer un cancer avant l’âge de 15 ans et un sur 300 avant l’âge de 20 ans.
yy Ils représentent la deuxième cause de mortalité entre 1 et 14 ans, après les accidents, soit 20 % des décès.
yy Certaines formes de cancers sont spécifiques à l’enfant et, inversement, la plupart des cancers de l’adulte
n’existent pas chez l’enfant. Globalement, les cancers de l’enfant diffèrent de ceux de l’adulte par leurs caractéris-
tiques cliniques, biologiques, anatomo-pathologiques et leur sensibilité thérapeutique élevée.
yy Leur pronostic est bien meilleur que celui des cancers de l’adulte puisque le taux de guérison, tous cancers
confondus, est de l’ordre de 80 %. Une maladie métastatique peut être curable. On estime actuellement en France
à 50 000 le nombre d’adultes survivants d’un cancer traité avant l’âge de 20 ans et concernés par les possibles effets
tardifs de la maladie et des thérapeutiques reçues.
yy La répartition des principaux cancers de l’enfant est indiquée dans le tableau suivant :
Neuroblastomes 6% Rétinoblastomes 2%
SYNTHÈSE
yy L’incidence des cancers de l’enfant et de l'adolescent est de 2 400/an en France.
yy Le taux de guérison est de l’ordre de 80 %.
yy Les tumeurs les plus fréquentes sont hématologiques et cérébrales.
yy
2. Facteurs étiologiques
yy L’étiologie de la plupart des cancers de l’enfant reste encore mal connue.
yy Ainsi, la constatation de certaines malformations congénitales doit alerter sur le risque accru de cancer
spécifique :
–– aniridie congénitale et néphroblastome ;
–– cryptorchidie et tumeurs germinales ;
–– hémi-hypertrophie corporelle et néphroblastome.
SYNTHÈSE
yy La grande majorité des cancers de l’enfant survient de façon sporadique.
yy Le rôle de l’environnement et des facteurs génétiques est faible.
yy Il n’y a pas de place pour le dépistage, sauf dans les syndromes de prédisposition.
3. Particularités diagnostiques
3.1. La clinique
yy Deux particularités fréquentes propres aux tumeurs de l’enfant, en particulier celles de type embryonnaire,
doivent être soulignées :
–– la rapidité souvent extrême de leur croissance, parfois en quelques jours, qui n’est pas synonyme de gravité
spécifique et qui peut laisser présager au contraire d’une grande sensibilité à la chimiothérapie. En corollaire,
l’affection peut être révélée par des signes d’appel de gravité amenant à une consultation en urgence : dyspnée
aiguë, syndrome hémorragique, CIVD, hypercalcémie, HTIC d’installation rapide, compression médullaire,
syndrome cave supérieur ;
–– la conservation d’un bon état général apparent, en dehors du cas des leucémies et de certains cancers à
l’origine d’une atteinte de la moelle osseuse.
yy Les signes d’appel dépendent de la taille de la tumeur et de sa localisation. L’attention doit être attirée lorsqu’ils
persistent plus de 15 jours.
–– Il peut s’agir de signes directs :
➢➢ palpation d’une masse périphérique même de petite taille (membres, cou), ou profonde et souvent
volumineuse (abdomen, pelvis) ; grosse bourse ;
➢➢ adénopathies persistantes fixées, non inflammatoires, en dehors d’un contexte infectieux loco-régional ;
➢➢ reflet blanc pupillaire imposant la réalisation d’un fond d’œil ;
➢➢ exophtalmie, strabisme, diplopie.
–– Il peut s’agir de signes indirects :
➢➢ douleurs persistantes, en particulier osseuses, dont le caractère insomniant doit être particulièrement
alarmant et dont il faut savoir déceler la traduction chez le nourrisson (diminution de l’activité, atonie
psycho-motrice…) ;
➢➢ boiterie, troubles de la marche, gestes maladroits ;
➢➢ signes neurologiques dont la nature dépend de la localisation des lésions (hypertension intracrânienne,
déficits moteurs et/ou sensitifs, troubles de la déglutition, modification du comportement, perte de
l’acquisition [langage, propreté]) ;
➢➢ symptomatologie compressive (voies respiratoires, axe digestif) ;
➢➢ syndrome hémorragique : hématurie, méléna, rectorragies, saignement vaginal ;
➢➢ syndromes paranéoplasiques qui sont exceptionnels dans les cancers de l’enfant (syndrome opso-
myoclonique des neuroblastomes) ;
➢➢ cachexie : syndrome de Russel (ou « cachexie diencéphalique ») lié à la présence d’une tumeur dans la région
hypothalamique, responsable d’une cassure des courbes staturo-pondérales, avec perte du panicule adipeux.
3.2.1. Imagerie
yy Il faut souligner l’importance de la qualité de l’imagerie initiale qui permet une évaluation de l’extension loco-
régionale et un bilan d’opérabilité (Figure 1).
yy Le choix de l’examen le plus judicieux va dépendre de la localisation tumorale ; à titre d’exemple :
–– échographie abdominale pour une tumeur abdomino-pelvienne ;
–– radiographies osseuses simples pour les tumeurs osseuses ;
–– imagerie par résonance magnétique pour les tumeurs cérébrales et osseuses ;
–– scanner pour la recherche de localisations secondaires pulmonaires...
yy Certaines explorations isotopiques permettent d’affirmer le diagnostic et/ou de participer au bilan d’exten-
sion : scintigraphie à la méthyliodobenzylguanidine spécifique des tumeurs sympathiques et carcinoïdes, scinti-
graphie osseuse au technetium pour les métastases osseuses.
yy La tomographie par émission de positons (ou TEP-TDM) est un examen scintigraphique, réalisé après l’injec-
tion intraveineuse d’un traceur faiblement radioactif (généralement le 18F-fluorodéoxyglucose, analogue du glu-
cose) qui permet d’obtenir des renseignements sur le fonctionnement et l’activité des organes. Le TEP-TDM, bien
que non spécifique d’une pathologie, est devenu un examen important dans le bilan d’extension et la surveillance
de certains cancers de l’enfant (lymphomes, sarcomes...).
4. Particularités thérapeutiques
yy La prise en charge des cancers de l’enfant fait appel aux mêmes moyens thérapeutiques que chez l’adulte
(chimiothérapie, chirurgie, radiothérapie, immunothérapie, thérapie ciblée...). Après analyse soigneuse des
facteurs pronostiques, la stratégie thérapeutique est élaborée de façon pluridisciplinaire selon des protocoles
(inter)nationaux. Les tumeurs pédiatriques doivent être considérées comme des urgences thérapeutiques, sans
pour autant négliger la qualité du bilan pré-thérapeutique.
yy La prise en charge des enfants et adolescents atteints de cancer doit s’effectuer uniquement au sein des centres
spécialisés en cancérologie pédiatrique. Ceux-ci doivent disposer d’un environnement spécifique adapté inté-
grant les dimensions familiale, psychologique, sociale et scolaire spécifiques à cette population. Le parcours du
patient doit être coordonné du centre spécialisé aux centres hospitaliers généraux et avec les professionnels inter-
venant au domicile. La radiothérapie des patients de moins de 16 ans doit s’effectuer au sein de centres spécialisés.
yy Dans la majorité des cas, même en cas maladie métastatique, le contrôle local est fondamental. Globalement,
les cancers pédiatriques s’opèrent rarement en première intention, à l’exception des tumeurs cérébrales.
yy Il faut insister chez l’enfant sur le rôle majeur de la chimiothérapie, particulièrement efficace sur les tumeurs
embryonnaires, et dont les avancées ont complètement modifié la place des autres modalités thérapeutiques.
L’amélioration des résultats, liée en grande partie à la pratique d’essais cliniques contrôlés satisfaisant aux exi-
gences de l’éthique médicale, permet d’obtenir globalement des taux de guérison de l’ordre de 80 %.
yy D’une manière générale, les facteurs pronostiques sont le stade de la maladie au diagnostic, mais aussi et parfois
plus importants, l’âge de l'enfant, le profil immuno-histochimique et génétique, le contrôle local, la réponse aux
traitements néo-adjuvants et la qualité de la prise en charge initiale.
yy Il est capital de toujours penser aux séquelles dans l’élaboration de la stratégie thérapeutique qui, par ailleurs,
a tendance à globalement s’alléger pour les stades localisés avec un affinement des classifications pronostiques.
4.1. La chimiothérapie
yy La chimiothérapie est adaptée au poids et à l’âge de l’enfant (posologies réduites chez le nourrisson de moins
de 1 an, en particulier).
yy Il s’agit souvent, chez l’enfant, dans les tumeurs solides, d’une chimiothérapie néo-adjuvante dont l’objectif
principal est la réduction du volume tumoral permettant un traitement local ultérieur moins dangereux et carci-
nologiquement satisfaisant (neuroblastome, néphroblastome...). La chimiothérapie première permet également
d’apprécier la réponse tumorale au traitement, dont l’importance pronostique va conditionner la stratégie théra-
peutique ultérieure (sarcomes d’Ewing, ostéosarcomes). La chimiothérapie adjuvante, délivrée chez un enfant
sans maladie résiduelle apparente après un traitement local ou loco-régional, a pour but de prévenir la survenue
et/ou de traiter d’éventuelles localisations secondaires. Dans certains cas, la chimiothérapie résumera le traite-
ment : leucémies, lymphomes.
yy Basé sur le concept de dose-intensité (corrélation entre l’efficacité de la chimiothérapie et la quantité de drogue
administrée), le traitement de certaines tumeurs malignes à très haut risque pourra comporter des chimiothé-
rapies à hautes doses, sous couvert d’autotransfusion de cellules souches hématopoïétiques.
yy Chez l’enfant, les effets secondaires précoces de la chimiothérapie sont :
–– les complications hématologiques : aplasie, anémie, thrombopénie ;
–– les complications digestives : vomissements, dénutrition, mucite ;
–– les complications infectieuses : bactériennes, fongiques, parasitaires ou virales, dont la prise en charge répond
aux mêmes principes que chez l’adulte. Elles doivent être surveillées d’autant plus attentivement que l’enfant
est jeune.
yy Certaines complications peuvent se manifester avec des délais variables : maladies cardiovasculaires, cérébro-
vasculaires, troubles neurocognitifs, troubles endocriniens (croissance, fonction thyroïdienne), troubles de la
fertilité et des seconds cancers. Le suivi doit être personnalisé, adapté à chaque patient et dépend du type de la
tumeur primitive, des traitements anticancéreux administrés, mais aussi des facteurs génétiques associés éven-
tuels. Le risque de développer des complications à long terme augmente avec le temps et peut être exacerbé par les
comorbidités liées à l’âge et aux facteurs environnementaux (tabac, alcool, obésité, sédentarité).
4.2. La radiothérapie
yy Même si ses indications diminuent, la radiothérapie, qui est une modalité thérapeutique loco-régionale, s’in-
tègre dans la stratégie thérapeutique des cancers de l’enfant dans près de 1/3 des cas, et dans 80 % des tumeurs
cérébrales. La radiothérapie pédiatrique se caractérise d’emblée par l’importance de la mise en condition psycho-
logique afin d’obtenir une bonne coopération de l’enfant, indispensable au bon déroulement du traitement et au
respect d’une stricte immobilité. Les méthodes d’irradiation comportent, comme chez l’adulte, la radiothérapie
externe, la plus utilisée, et de façon beaucoup plus exceptionnelle, la curiethérapie. Si la détermination du volume
tumoral se fait de la même façon que chez l’adulte, elle diffère en fonction de l’âge de l’enfant, du type de tumeur
et de la dose à délivrer. Certaines complications de la radiothérapie sont particulières à l’enfant ; le développement
de nouvelles techniques, et tout particulièrement la protonthérapie, vise à limiter au maximum les conséquences
à moyen et long terme.
yy Les effets secondaires de la radiothérapie dépendent surtout des facteurs suivants : volume à traiter, topographie
de la région à traiter, dose totale à délivrer, dose par séance (fractionnement).
yy Tout comme chez l’adulte, on distingue des effets secondaires précoces qui surviennent dans les 3 mois qui
suivent l’initiation du traitement et guérissent généralement intégralement sous soins de support et les toxicités
tardives qui peuvent aboutir à des séquelles d’autant plus invalidantes que l’enfant est jeune au moment de son
traitement. Leur dépistage et leur prise en charge s’avèrent fondamentaux, y compris lorsque l’enfant devien-
dra adulte.
Ainsi faut-il citer :
–– le ralentissement de la croissance lié à l’irradiation des cartilages de conjugaison à l’origine de troubles de la
statique vertébrale (irradiation du rachis) et/ou d’un raccourcissement des os longs, inesthétique et responsable
d’un handicap fonctionnel ;
–– l’existence de séquelles intellectuelles, après irradiation cérébrale. D’apparition retardée et progressive, doses
dépendantes, elles sont d’autant plus sévères que l’irradiation survient tôt (particulièrement avant l’âge de 4
ans). Elles se traduisent par un retard du quotient intellectuel, un ralentissement des acquisitions motrices...
–– les séquelles endocriniennes : insuffisance hypophysaire, à l’origine d’une cassure de la courbe staturale,
insuffisance thyroïdienne, insuffisance gonadique ;
–– les seconds cancers dont, hors les proliférations malignes hématologiques, plus de 60 % se développent en
territoire antérieurement irradié.
En aucun cas le geste chirurgical ne peut être un geste technique ou thérapeutique isolé.
yy Initialement, pour déterminer la nature d’une tumeur solide, une biopsie chirurgicale est, sauf exception,
indispensable. Elle peut parfois être avantageusement remplacée par une aspiration biopsie à l’aiguille fine, réali-
sée sous repérage radiologique, moins invasive. Le matériel prélevé doit être cependant suffisant pour permettre,
en sus de l’examen anatomo-pathologique qui affirmera le diagnostic, une analyse complète de la biologie tumo-
rale (cytogénétique conventionnelle, analyses de biologie moléculaire...) qui peut constituer un facteur pronos-
tique déterminant dans le choix du protocole thérapeutique (neuroblastome...).
yy Lors de l’exérèse tumorale, le geste chirurgical intervient après concertation entre l’oncologue médical, l’onco-
logue radiothérapeute et l’opérateur pour déterminer le moment de la chirurgie au sein du protocole de trai-
tement, décider de l’opérabilité de la tumeur et prévoir les complications post-opératoires et/ou les séquelles
fonctionnelles. L’exérèse tumorale doit être, autant que faire se peut, complète et conservatrice. Elle est parfois
mutilante, parfois impossible.
SYNTHÈSE
yy Les traitements principaux des cancers de l’enfant sont la chimiothérapie, la chirurgie et la radiothérapie.
yy Chaque traitement comporte des risques de complications aiguës et tardives.
SYNTHÈSE
yy La phase palliative concerne 20 % des enfants atteints de cancer.
yy Les traitements réalisés doivent rester raisonnables, sans tomber dans l’acharnement thérapeutique.
yy Les principaux symptômes pris en charge sont la douleur, les phénomènes compressifs, les phénomènes
hémorragiques et l’anxiété.
SYNTHÈSE
yy Le risque de séquelles est d’autant plus important que les enfants sont jeunes au moment du traitement.
yy La toxicité à long terme peut toucher tous les organes et fonctions.
yy Un programme de suivi à long terme a été mis en place au niveau national.
▶▶ Références
C hapitre 8
Tumeurs de la cavité buccale,
naso-sinusiennes et du cavum,
et des voies aérodigestives supérieures
Pr Christophe Le Tourneau1, Pr Jean-Pierre Delord2, Pr Anne Laprie3, Pr Philippe Maingon4
1
Département d’oncologie médicale, Institut Curie, Saint-Cloud
2
Département d’oncologie médicale, Institut Universitaire de Cancérologie de Toulouse – Oncopole, Toulouse
3
Département d’oncologie radiothérapie, Institut Universitaire de Cancérologie de Toulouse – Oncopole, Toulouse
4
Département de radiothérapie, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris
OBJECTIF iECN
Mots clés : Alcool – Tabac – HPV – Lymphophilie
ÎÎ Tumeurs de la cavité buccale, naso-sinusiennes et du – Panendoscopie sous AG – Pluridisciplinarité
cavum, et des voies aérodigestives supérieures. – Chimiothérapie – Chirurgie – Radiothérapie –
–– Diagnostiquer une tumeur de la cavité buccale, naso- Radio-chimiothérapie – Soins dentaires – Nutrition
sinusienne ou du cavum, ou des voies aérodigestives – Orthophonie – Assistance sociale.
supérieures
yy Les cancers de la sphère cervico-maxillo faciale présentent de grandes disparités selon leur origine, leur locali-
sation, leur retentissement sur les fonctions aéro-digestives, et leurs modalités thérapeutiques.
yy Classiquement, on distingue les cancers de la cavité buccale et de l’oropharynx, voies communes du tractus
aéro-digestif, et les cancers du larynx et de l’hypopharynx, spécifiques respectivement des voies aérienne et
digestive. Ces cancers sont principalement observés chez des patients éthylo-tabagiques. La double intoxication
multiplie les risques connus de l’une et de l’autre des intoxications. Un changement radical de l’épidémiologie de
ces cancers est constaté avec l’émergence récente de cancers de l’oropharynx associés au virus HPV.
yy Les cancers des sinus de la face constituent une entité clinique particulière et doivent faire rechercher une
origine toxique. Les cancers du cavum (encore appelé rhinopharynx ou nasopharynx) sont associés au virus
Epstein-Barr (EBV). Ils se caractérisent par une épidémiologie particulière avec des zones de forte endémie
comme la Chine du Sud, des zones intermédiaires comme le pourtour méditerranéen et des zones d’endémie plus
faible comme l’Europe occidentale.
yy Chaque type tumoral correspond à une segmentation anatomique précise pour laquelle les risques d’extension
sont spécifiques à l’anatomie loco-régionale. Les probabilités d’extension ganglionnaire, corrélées au site tumoral
primitif, à la taille tumorale et aux caractéristiques anatomo-pathologiques de la tumeur, sont décrites avec leurs
localisations précises.
1. Rappel d’anatomie
Les cancers des voies aéro-digestives supérieures (VADS) les plus fréquents touchent les structures suivantes
(Figure 1) :
Sinus paranasaux
Fosses nasales
Oropharynx Pharynx
Épiglotte
Glandes salivaires
Hypopharynx
Larynx
Trachée Œsophage
–– la cavité buccale : limitée par la voute palatine en haut, les arcades dentaires latéralement et le plancher buccal
en bas ;
–– l’oropharynx : situé en arrière de la cavité buccale ; il comporte le voile du palais en haut, les loges
amygdaliennes sur les côtés, la base de langue en avant, et la paroi pharyngée postérieure en arrière ;
–– le cavum : situé en arrière des fosses nasales et du voile du palais, il remonte jusqu’à la base du crâne ;
il comprend l’orifice des trompes d’Eustache (ce qui explique l’otite séromuqueuse unilatérale en cas
d’obstruction) ;
–– les sinus ethmoïdaux : cavités aériennes paires et médianes situées dans l’os ethmoïde entre les 2 orbites, en
arrière des os du nez et sous l’étage antérieur de la base du crâne ;
–– l’hypopharynx : conduit musculo-membraneux vertical, en avant du rachis, étendu de la base du crâne à la
partie supérieure du cou ;
–– le larynx : situé là où l’appareil respiratoire et l’appareil digestif se séparent dans le cou. Le larynx se trouve en
avant de l’œsophage et relie le pharynx à la trachée. Le larynx mesure environ 5 cm de longueur. Il se divise
en 3 régions :
➢➢ L’étage sus-glottique est situé dans le haut du larynx, au-dessus de la glotte. Sa principale composante est
une languette cartilagineuse mobile appelée épiglotte.
➢➢ La glotte constitue la partie centrale du larynx. Elle contient les cordes vocales (parfois appelées replis
vocaux). Les cordes vocales sont formées par une paire de muscles situés de chaque côté de l’ouverture de la
trachée. Elles sont recouvertes d’une muqueuse.
➢➢ L’étage sous-glottique est situé à la base du larynx, entre la glotte et la trachée.
Le larynx est constitué de différents types de cartilage. Le cartilage thyroïde est situé à l’avant du larynx et
forme une bosse dans le cou qui est couramment appelée pomme d’Adam. Le cartilage cricoïde est un anneau
cartilagineux qui relie le larynx à la trachée. Le cartilage cricoïde et le cartilage thyroïde protègent la glotte et
l’ouverture de la trachée. L’épiglotte est attachée au cartilage thyroïde et à l’os hyoïde et protège l’ouverture
de la glotte. L’os hyoïde, qui est en forme de U, est attaché à la partie supérieure du larynx. Plusieurs muscles
et ligaments sont attachés à l’os hyoïde. Ces muscles relient le larynx à la mâchoire et au crâne. Ils relient aussi
les cartilages du larynx les uns aux autres. Ces muscles et ligaments font bouger le larynx durant la déglutition
et la phonation.
–– les fosses nasales : cavités limitées par l’orifice piriforme en avant, l’orifice choane en arrière, l’os nasal et
l’ethmoïde en haut, le maxillaire, l’ethmoïde et le cornet nasal inférieur latéralement, le palais (os maxillaire et
os palatin), qui le sépare de la cavité buccale.
2. Anatomo-pathologie
yy Types histologiques les plus fréquents en fonction de la topographie :
Topographie Histologie
Cavité buccale Carcinome épidermoïde
Oropharynx
Larynx
Hypopharynx
Fosses nasales et sinus Adénocarcinome
yy Le risque de développer un cancer de la cavité buccale, du pharynx ou du larynx augmente avec la consom-
mation d’alcool. On estime que le risque de développer ces cancers chez les grands consommateurs d’alcool est
multiplié par 45. Il a été démontré que le risque de développer un cancer des voies aérodigestives supérieures
diminue après 10 ans d’arrêt de la consommation d’alcool et qu’après 20 ans, il ne diffère plus significativement
de celui des personnes qui n’ont jamais bu.
yy Le risque de développer un cancer de la cavité buccale, du pharynx ou du larynx est lié au nombre de cigarettes
fumées chaque jour mais surtout à la durée durant laquelle on a fumé.
yy L’infection par HPV est une maladie sexuellement transmissible.
yy Le diagnostic de l’infection par HPV est fait à partir d’un prélèvement tumoral, soit par PCR qui est la méthode
de référence, soit en recherchant l’expression en immunohistochimie de la protéine p16 (mais dont la corrélation
n’est pas parfaite).
yy Les facteurs de risque d’une infection par HPV sont les rapports bucco-génitaux et la multiplicité des parte-
naires sexuels.
yy Certains patients ont une intoxication éthylique et/ou tabagique et sont infectés par l’HPV.
yy À noter que beaucoup plus de personnes sont infectées par HPV que de patients qui ne développent un cancer
lié à l’HPV.
yy La recherche de l’EBV se fait par hybridation in situ à partir d’un prélèvement tumoral pour le cancer du cavum.
4. Épidémiologie
yy Les cancers des VADS sont au 5e rang des cancers les plus fréquents en France.
yy Ils surviennent principalement chez l’homme (80 %).
yy Avec un pic de fréquence entre 60 et 70 ans.
yy Chez des patients ayant le plus souvent un niveau socio-économique bas.
yy On observe une baisse de l’incidence chez l’homme (- 5,3 % par an en moyenne sur la période 2005-2012) due à
la baisse du tabagisme et de la consommation d’alcool.
yy Mais une augmentation de l’incidence chez la femme (+1,1 % par an en moyenne sur la période 2005-2012) du
fait d’une augmentation du tabagisme et de la consommation d’alcool.
yy En 2008, parmi les personnes qui ont eu un cancer diagnostiqué dans les 5 dernières années et toujours en vie,
46 000 ont eu un cancer des VADS. La mortalité est estimée à un peu moins de 4 000 décès en 2015.
yy Répartition topographique des cancers des VADS :
Topographie Répartition
Cavité buccale 20-25 %
Oropharynx 10-15 %
Larynx 30-35 %
Hypopharynx 25-30 %
Fosses nasales et sinus <1%
Cavum <1%
5. Circonstances de découverte
yy Les cancers des VADS sont souvent pauci-symptomatiques.
yy Principaux signes cliniques selon la topographie tumorale :
yy Le caractère unilatéral et/ou la persistance dans le temps de ces signes doivent faire évoquer l’hypothèse d’un
cancer.
yy Un cancer des VADS doit également être suspecté en cas d’altération de l’état général et/ou d’amaigrissement
chez un patient à risque.
6. Bilan diagnostique
6.1. Diagnostic de certitude
Il repose sur l’examen histologique de biopsies réalisées sous endoscopie des VADS :
(Attention : élément fondamental à ne jamais oublier)
yy l’examen est systématique ;
yy il se fait sous anesthésie générale ;
yy il explore la cavité buccale, l’oro (Figure 2) et l’hypo-pharynx, le larynx (Figure 3), et la partie supérieure de
l’œsophage ;
yy il permet la réalisation de biopsies guidées ;
yy il s’accompagne d’un compte rendu avec schéma daté et signé et éventuellement d’un enregistrement vidéo.
Figure 2. Examen direct de la cavité buccale et de l’oropharynx : carcinome épidermoïde amygdalien droit
(Se souvenir : plutôt IRM au-dessus de l’os hyoïde, plutôt scanner en dessous de l’os hyoïde).
yy Tomographie par émission de positons (TEP) : elle est indiquée devant un ganglion métastatique d’un cancer
primitif inconnu ou en cas de maladie à haut risque métastatique (> N2b).
yy Le bilan comporte également un bilan pré-thérapeutique :
–– Bilan orthophonique ;
–– Bilan odontologique : consultation spécialisée avec réalisation d’un orthopantomogramme. Des soins
conservateurs, voire des avulsions dentaires, doivent être effectués si nécessaire.
–– Bilan nutritionnel ;
–– Bilan respiratoire : le scanner thoracique est fait de façon systématique, éventuellement complété par une
épreuve fonctionnelle respiratoire (EFR) ;
–– Bilan cardiovasculaire ;
–– Bilan biologique complet ;
–– Bilan gériatrique (au-delà de 70 ans), le cas échéant.
7. Classification TNM
yy La classification TNM varie selon les localisations.
yy Les classifications sont données à titre d’exemple pour les cancers de la cavité buccale, de l’oropharynx, du larynx
et de l’hypopharynx.
yy Les cancers du cavum ont une classification à part.
yy Une classification récente a été rédigée pour les cancers de l’oropharynx liés à l’HPV.
yy Le statut M est simple, M0 signifiant l’absence de métastase à distance, et M1 la présence de métastases à distance.
yy Cavité buccale et oropharynx :
T1 ≤ 2 cm
T2 2 à 4 cm
T3 > 4 cm
T4 Envahissement du voisinage
yy Larynx et hypopharynx :
T1 1 seule localisation du pharynx ou du larynx avec mobilité laryngée conservée (cordes vocales
mobiles)
T2 Plusieurs localisations du pharynx ou du larynx avec mobilité laryngée conservée
T3 Plusieurs localisations du pharynx ou du larynx avec une ou les 2 cordes vocales fixées
T4 Extension aux structures du voisinage (cartilage, os, peau)
yy La classification N est commune aux cancers de la cavité buccale, de l’oropharynx, du larynx et de l’hypopharynx :
N0 Pas d’adénopathie
N1 1 adénopathie homolatérale ≤ 3 cm
N2a 1 adénopathie homolatérale entre 3 cm et 6 cm
N2b Adénopathies multiples homolatérales ≤ 6 cm
N2c
Adénopathies bilatérales ≤ 6 cm
N3 Adénopathie(s) > 6 cm
8. Évolution et pronostic
9. Diagnostics différentiels
10. Prévention
yy La lutte contre le tabagisme et l’éthylisme chronique est un objectif de santé publique afin de diminuer la préva-
lence des cancers des voies aérodigestives supérieures.
yy Concernant les cancers de l’oropharynx liés à l’HPV dont la prévalence augmente, il est certain qu’un programme
de vaccination des garçons et des filles serait souhaitable afin de tenter d’éradiquer complètement l’infection par
l’HPV.
11.1.2. Radiothérapie
yy La radiothérapie est utilisée dans 95 % des cancers ORL en traitement exclusif ou post-opératoire, seule ou
associée à une chimiothérapie concomitante. Elle est fractionnée et s’étale sur 6 à 7 semaines selon qu’elle est
post-opératoire ou exclusive.
yy La toxicité aiguë intervient après 3 semaines de traitement et comporte principalement 5 effets principaux :
–– La radiomucite (qui disparaît un mois après la fin de la radiothérapie) ;
–– La radiodermite (qui disparaît également un mois après la fin de la radiothérapie) ;
–– La dysgueusie (qui disparaît plusieurs mois après la fin de la radiothérapie) ;
–– L’hyposialie (qui disparaît 2 ans après la fin de la radiothérapie s’il y a eu traitement en radiothérapie
conformationnelle en modulation d’intensité (RCMI). En cas d’irradiation conventionnelle, elle est définitive) ;
–– L'hypothyroïdie.
yy La toxicité tardive n’est pas systématique et peut survenir plusieurs années après le traitement. Il peut s’agir :
–– d’ostéoradionécrose, favorisée par des gestes d’avulsion dentaire ;
–– de fibrose buccale et cervicale.
11.1.3. Chimiothérapie
yy La chimiothérapie des cancers ORL peut être prescrite dans plusieurs circonstances :
–– En situation néo-adjuvante dans un contexte le plus souvent de tentative de préservation d’organe (carcinome
épidermoïde du larynx). Il s’agit d’un traitement faisant appel ici à une poly-chimiothérapie par cisplatine,
5 fluoro-uracile (5FU) et docétaxel dont l’objectif est de réduire la taille tumorale de 80 % à l’issue des 3 premiers
cycles pour envisager alors l’irradiation de la tumeur dans un objectif curatif.
–– De façon concomitante à la radiothérapie, soit en post-opératoire (pour les carcinomes épidermoïdes à haut
risque de rechute), soit dans le cadre d’une radio-chimiothérapie exclusive (lorsque la tumeur est en place). Ici,
on utilise une mono chimiothérapie par cisplatine seul.
–– Dans un contexte palliatif : pour un cancer métastatique d’emblée ou en raison d’une rechute (loco-régionale
et/ou métastatique). Le traitement de référence en première ligne associe le cisplatine, le 5FU et le cetuximab
(anticorps monoclonal ciblant l’EGFR). L’immunothérapie par inhibiteur de PD1 est devenue la référence en
2e ligne et devrait être disponible prochainement en France.
Dans tous les cas, le taux élevé de comorbidités des patients ORL nécessite que ces traitements soient délivrés
en milieu spécialisé par des oncologues ayant l’expérience de ces patients.
▶▶ Références : recommandations
yy HAS – Guide ALD 30 – Cancers des voies aérodigestives supérieures – Novembre 2009
1. Ne pas oublier que les otalgies sont un symptôme fréquent de découverte des tumeurs ORL.
2. Le diagnostic de certitude d’un cancer des VADS repose sur l’examen histologique en anatomo-
pathologie de biopsies réalisées sous endoscopie des VADS.
3. Une imagerie par IRM est plutôt recommandée pour les tumeurs situées au-dessus de l’os
hyoïde, tandis que le scanner est recommandé pour les tumeurs situées au-dessous de l’os hyoïde.
4. Ne pas oublier qu’aucune décision thérapeutique ne peut être prise sans un bilan complet des
patients : pan-endoscopie, imagerie, évaluation globale du terrain.
5. Le projet de soins doit absolument être établi en réunion de concertation pluridisciplinaire.
6. L’évaluation préalable des conséquences à long terme des traitements sur les fonctions diges-
tive, respiratoire et de communication est à effectuer par des équipes spécialisées.
7. Ne pas oublier que l’évaluation bucco-dentaire est cruciale avant chirurgie et surtout radiothé-
rapie (risque d’ostéo-radionécrose).
8. Ne pas oublier l’évaluation du statut viral des tumeurs du cavum (EBV) ou de l’oropharynx
(HPV).
C hapitre 9
Tumeurs intracrâniennes
Pr Bruno Chauffert1, Pr Georges Noel2, Pr Olivier Chinot3, Pr Elisabeth Cohen-Jonathan Moyal4
1
Service d’Oncologie Médicale, CHU Amiens.
2
Service de Radiothérapie, Centre Paul Strauss, Strasbourg.
3
Service de Neuro-Oncologie, AP-HM, CHU Timone, Marseille.
4
Département de Radiothérapie, Centre Claudius Regaud, Toulouse.
1. Définitions, nosologie
1.1. Les tumeurs intracrâniennes primitives OBJECTIF iECN
1.2. Les métastases (tumeurs secondaires)
ÎÎ Tumeurs intracrâniennes
2. Épidémiologie
–– Diagnostiquer une tumeur intracrânienne
2.1. Pour les tumeurs primitives du SNC
2.2. Pour les métastases –– Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise
en charge
3. Physiopathologie, histoire naturelle
3.1. Susceptibilité génétique
3.2. Facteurs environnementaux
4. Diagnostic
4.1. Formes et symptômes cliniques
4.2. Anatomo-pathologie, biologie, marqueurs
spécifiques
4.3. Imagerie Mots clés : Tumeurs cérébrales - Glioblastome
4.4. Bilan d’extension - Métastases cérébrales - Hypertension
4.5. Diagnostic différentiel intracrânienne - Épilepsie tumorale
5. Évolution, pronostic
5.1. Pronostic des gliomes
5.2. Pronostic des métastases
6. Principes thérapeutiques
6.1. Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) et
Plan Personnalisé de Soin (PPS)
6.2. Chirurgie
Remerciements pour l'iconographie et la relecture
6.3. Radiothérapie au Pr Patrick Toussaint, Dr Mathieu Boone
6.4. Chimiothérapie et radio-chimiothérapie et Dr Alexandre Coutte (CHU d’Amiens).
6.5. Soins de support
6.6. Situations d’urgence
yy Les tumeurs intracrâniennes forment une large gamme de maladies rassemblant des tumeurs bénignes n’impac-
tant pas la survie et des tumeurs malignes, d’agressivité variable, mais ayant souvent un mauvais pronostic à
court terme.
yy Il faudra distinguer :
–– les tumeurs de l’encéphale des tumeurs des annexes ;
–– les tumeurs primitives des tumeurs secondaires (métastases) ;
–– les tumeurs fréquentes des tumeurs rares ;
–– les tumeurs sus-tentorielles des tumeurs infra-tentorielles.
yy Certaines tumeurs touchent principalement les enfants, les adolescents et les adultes jeunes (AJA) ; d’autres
tumeurs ne se développent que chez les adultes. La classification 2016 de l’OMS des tumeurs primitives du sys-
tème nerveux central, basée sur des critères histologiques et moléculaires, rassemble ainsi 9 grandes entités et près
de 80 sous-types. Cette complexité peut effrayer l’étudiant ou le médecin non spécialiste qui aborde le domaine.
On verra que ces tumeurs partagent en fait des points communs et qu’elles peuvent être diagnostiquées et parfois
traitées par des méthodes assez proches.
UE 9 – item 296 I T u m eu r s intracrâniennes 141
2. Épidémiologie
Les crises comitiales complexes (exemple des crises temporales) peuvent faire errer le diagnostic.
yy Le déroulement bref, résolutif et surtout stéréotypé de ces épisodes, doit faire évoquer une origine épileptique.
yy Crises généralisés d’emblée ou secondairement.
Toute première crise comitiale doit faire demander une IRM cérébrale et un EEG (qui peut cependant être
normal en intercrise).
4.1.5. Les signes évocateurs d’une localisation et/ou d’un type tumoral
yy Des troubles de l’équilibre, des vertiges, une ataxie et/ou un syndrome cérébelleux cinétique évoquent une tumeur
de la fosse postérieure.
yy Des atteintes des paires crâniennes (surtout si elles sont multiples) font rechercher une tumeur du tronc cérébral
ou une atteinte méningée.
yy Un déficit auditif unilatéral doit faire évoquer un neurinome du nerf auditif (VIII).
yy Un adénome hypophysaire peut se traduire par un déficit du champ visuel lié à une compression chiasmatique
ou un syndrome endocrinien d’hypersécrétion (adénome à prolactine, adénome corticotrope avec syndrome de
Cushing, adénome à somathormone avec acromégalie). L’adénome hypophysaire peut être non secrétant après
un bilan endocrinien complet.
yy Une polyglobulie peut conduire au diagnostic d’un hémangioblastome du cervelet.
1p/19q
codélété
Grade II Grade III
Oligodendrogliome
IDH-muté
1p/19q
non codélété
Gliomes
diffus Grade II Grade III Grade IV
Astrocytome IDH muté, 1p/19q non codélété
1p/19q
IDH-wild type non codélété
Le grade est basé sur des arguments morphologiques (mitoses, prolifération endothélio-capillaire, nécrose). La
classification OMS 2016 impose la détermination de deux anomalies moléculaires qui ont une valeur diagnostique
et pronostique majeure (mutations de IDH1 ou de IDH 2 et codélétion au niveau des chromosomes 1p et 19q).
D’autres anomalies, analysables en immuno-histochimie ou en biologie moléculaire, peuvent aider au diagnostic
(recherche de mutation de p53, de la télomérase…).
Les glioblastomes peuvent survenir de novo ou résulter de l’aggravation histologique d’un gliome de grade inférieur
II ou III.
La méthylation du promoteur de la méthyl-guanine-méthyl transférase (MGMT) est un critère de meilleur pronostic
et de meilleure sensibilité au témozolomide.
yy Les méningiomes doivent être gradés selon la classification histologique de l’OMS qui reflète le risque de réci-
dive :
–– grade OMS I (bénin) ;
–– grade OMS II (atypique) ;
–– grade OMS III (anaplasique).
yy Le risque de récidive dépend aussi de la topographie (résection difficile des méningiomes de la base du crâne) et
de la qualité de la résection selon la classification de Simpson :
–– grade 1 : exérèse macroscopiquement complète intéressant l’attache durale et de l’éventuel envahissement
osseux ;
–– grade 2 : exérèse macroscopiquement complète avec coagulation de l’insertion durale ;
–– grade 3 : exérèse macroscopiquement complète sans coagulation de l’insertion durale ou sans résection de
l’envahissement osseux ;
–– grade 4 : exérèse incomplète ;
–– grade 5 : simple biopsie.
yy Pour les médulloblastomes, il faut chercher les mutations sonic hedge hog (SHH) qui ont une valeur pronostique
et théranostique (indication de médicaments inhibiteurs des SHH).
yy Pour les tumeurs germinales (tumeurs de la région pinéale ou supra-sellaire chez l’enfant ou l’adulte jeune), il
faut doser les marqueurs alpha-foetoprotéine et HCG dans le sang et le liquide céphalorachidien pour le diagnos-
tic et pour le suivi thérapeutique.
4.3. Imagerie
4.3.1. La tomodensitométrie
La tomodensitométrie avant puis après injection de produit de contraste, est un examen de débrouillage rapide mais
insuffisant.
Une image, même caractéristique, doit être complétée par une analyse histologique obtenue par exérèse ou
biopsie stéréotaxique en cas de tumeur maligne appelant une radiothérapie et/ou une chimiothérapie.
5. Évolution, pronostic
yy L’évolution et le pronostic des tumeurs intracrâniennes est variable selon leur nature, leur agressivité histologique
et les possibilités thérapeutiques.
yy Certaines tumeurs peuvent être guéries par la chirurgie seule (astrocytome pilocytique de l’enfant, méningiome
de grade 1), par la chirurgie associée à la radiothérapie et à la chimiothérapie (médulloblastome des enfants et des
AJA, germinomes), par la chimiothérapie seule (lymphome).
yy D’autres tumeurs sont plus ou moins rapidement mortelles malgré les traitements (gliomes de haut grade).
yy La combinaison de ces facteurs pronostiques définit des sous-groupes de patients dont la médiane de survie varie
de quelques mois (glioblastome) à plus de 10 ans (oligodendrogliome de grade II avec mutation IDH et codélétion
1p19q).
6. Principes thérapeutiques
6.2. Chirurgie
yy Le neurochirurgien intervient dans le diagnostic, la prise en charge de l’urgence, le traitement des tumeurs ini-
tiales et des récidives.
yy La biopsie s’impose quand l’exérèse tumorale ne paraît pas possible d’emblée. Le choix entre biopsie stéréo-
taxique et biopsie chirurgicale sera guidé par la localisation et le risque hémorragique.
yy La résection chirurgicale optimale débute la séquence thérapeutique lorsqu’elle est possible.
–– L’exérèse doit être la plus large possible, tout en respectant les fonctions neurologiques dont l’altération
compromettrait la qualité de vie post-opératoire. Des aides techniques (IRM fonctionnelle et IRM en tenseur de
diffusion préopératoires, neuronavigation, stimulation per-opératoire du cortex et des faisceaux de substance
blanche, cartographie per-opératoire en chirurgie éveillée, IRM per-opératoire, fluorescence per opératoire par
la 5-ALA) peuvent aider à optimiser l’exérèse chirurgicale.
–– L’évaluation de la qualité de la résection doit être effectuée par une IRM post-opératoire précoce dans les
48 heures.
–– L’exérèse chirurgicale seule est souvent curative dans les tumeurs à histologie favorable (astrocytome pilocytique
de l’enfant, épendymome, méningiome). Elle doit être suivie d’un traitement complémentaire pour les gliomes,
les médulloblastomes, les métastases.
Un avis neuro-chirurgical doit être pris en urgence en cas de syndrome de masse avec engagement qui
peut nécessiter une exérèse tumorale partielle ou en cas de trouble de l’écoulement du LCR (hydrocéphalie)
qui exige une dérivation externe ou interne (vers le péritoine) ou une ventriculocisternostomie endoscopique.
ATTENTION : en cas de suspicion de lymphome primitif du SNC, les corticoïdes sont formellement contre-
indiqués avant la biopsie (sauf urgence vitale) : il y a un risque de négativation du diagnostic histologique dans
50 % des cas et donc de retard d’une thérapeutique adaptée avec perte de chance.
L’état de mal épileptique (durée de plus de 5 minutes si crises convulsives ou de plus de 30 minutes en
l’absence de convulsions) est une urgence devant faire discuter l’admission en service de réanimation pour
administration d’une benzodiazépine IV (+/- autres anti-épileptiques, voire sédation par barbituriques).
POINTS CLÉS
1. Les tumeurs cérébrales primitives (TCP) sont moins fréquentes (1,2 % des cancers) que les métas-
tases cérébrales qui sont très fréquentes en pratique oncologique.
2. Les TCP peuvent survenir à tous les âges de la vie.
3. La nature histologique est fortement liée à l’âge :
–– les médulloblastomes, épendymomes, astrocytomes pilocytiques et tumeurs germinales touchent les en-
fants et les adultes jeunes ;
–– les gliomes touchent tous les âges ;
–– les oligodendrogliomes touchent plus particulièrement les sujets jeunes (< 40 ans) ;
–– les glioblastomes touchent les patients âgés de 60 ans et plus ;
–– les méningiomes, lymphomes et neurinomes touchent les adultes et les personnes âgées.
4. Les seuls facteurs de risque identifiés sont des facteurs génétiques (neurofibromatose, sclérose
tubéreuse de Bourneville) et des antécédents d’irradiation (gliomes et méningiomes radio-induits)
qui n’interviennent que dans moins de 5 % des cas de TCP.
5. Les tumeurs cérébrales évoluent dans un volume contraint qui explique le tableau commun
d’hypertension intracrânienne (HTIC).
6. Les signes d’appels des TC incluent HTIC, crises d’épilepsie, déficits neurologiques, avec installa-
tion progressive en tâche d’huile, troubles cognitifs.
7. L’IRM cérébrale est l’examen clef pour le diagnostic. Ne pas se contenter d’un scanner. Être exi-
geant sur la qualité.
8. Connaître les signes de gravité cliniques (troubles de la vigilance, rapidité d’évolution des défi-
cits) et sur l’IRM (œdème extensif, effet de masse, engagements).
9. L’évolution d’une tumeur cérébrale peut être compliquée d’une HTIC par œdème ou trouble de
circulation brutal du LCR (hydrocéphalie), d’une hémorragie intratumorale, d’une dissémination
méningée ou d’un engagement.
10. Le diagnostic de certitude repose sur l’examen histologique.
11. La classification histo-moléculaire OMS 2016 doit être utilisée.
12. Les dossiers doivent être discutés en RCP spécialisée de neuro-oncologie à tous les stades de
la maladie (diagnostic, premier traitement, récidive).
13. Le traitement symptomatique repose sur les anti-épileptiques, les corticoïdes et la rééducation
(fonctionnelle et orthophonique).
1. Ne pas se laisser désarçonner par le nombre des types histologiques. La plupart sont des
tumeurs rares et sont prises en charge par des équipes spécialisées.
2. Connaître les tumeurs fréquentes : gliomes de l’adulte, méningiomes et métastases.
3. Diagnostiquer une tumeur intracrânienne
yy Connaître les circonstances de découvertes fréquentes :
–– hypertension intracrânienne (HTIC) ;
–– rattacher un déficit moteur à une tumeur cérébrale (diagnostic différentiel avec les accidents vascu-
laires plus fréquents) ;
–– demander facilement une imagerie : scanner injecté en urgence mais surtout IRM, sans puis avec injec-
tion et séquences en T1 et T2 flair.
yy Savoir rattacher des syndromes complexes à une tumeur cérébrale :
–– troubles du comportement rapidement progressifs ;
–– épilepsie complexe (crises temporales, crises sensorielles).
yy Vérifier la concordance des données clinico-radiologique :
–– symptôme focal et localisation anatomique ;
–– syndrome méningé et épaississement ou nodules méningés.
4. Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge
–– Prise en charge d’urgence d’une hypertension intracrânienne ;
–– Prise en charge d’une première crise d’épilepsie et d’un état de mal.
C hapitre 10
Tumeurs du col utérin,
tumeurs du corps utérin
Pr Jérôme Alexandre1, Dr Céline Bourgier2, Dr Frédéric Guyon3, Pr Didier Peiffert4
1
Service de Cancérologie Médicale, Hôpitaux Universitaires Paris Centre, site Port Royal
2
Département de Radiothérapie Oncologique, ICM, Montpellier
3
Département d’Oncogynécologie, Institut Bergonie, Bordeaux
4
Service Universitaire de Radiothérapie, Institut de Cancérologie de Lorraine, Vandoeuvre-les-Nancy
OBJECTIFS iECN
1. Tumeurs du col utérin
1.1. Épidémiologie ÎÎ Tumeurs du col utérin, tumeur du corps utérin
1.2. Prévention –– Diagnostiquer une tumeur du col utérin et du corps
1.3. Anatomo-pathologie utérin.
1.4. Diagnostic du cancer du col utérin
1.5. Bilan pré-thérapeutique
1.6. Principes du traitement
1.7. Principes de la surveillance
2. Tumeurs du corps utérin Mots clés : Col de l’utérus – HPV – Frottis cervico-
2.1. Épidémiologie utérin – Vaccination – Carcinome épidermoïde -
2.2. Anatomo-pathologie Adénocarcinome – Colposcopie – IRM – TEP-TDM
2.3. Diagnostic de l’adénocarcinome de l’endomètre – Curage cœlioscopique.
2.4. Bilan pré-thérapeutique Endomètre – Œstrogènes – Syndrome de Lynch
– Métrorragies – Hystéroscopie – IRM – Curage
2.5. Principes du traitement
cœlioscopique.
2.6. Principes de la surveillance
1.1. Épidémiologie
1.1.1. Épidémiologie descriptive
yy Le cancer du col est le quatrième cancer féminin dans le monde avec plus de 500 000 cas incidents et près de
300 000 décès en 2012.
yy Ce cancer est surtout fréquent parmi les populations des pays à faibles ressources. C’est le premier cancer de la
femme dans 39 pays, principalement situés en Afrique sub-saharienne, en Amérique centrale et en Asie du Sud-
Est. 20 % des cas de cancer du col dans le monde surviennent en Inde.
yy Son incidence est la plus faible en Europe de l’Ouest, en Amérique du Nord et en Australie.
yy En France, en 2015, le cancer du col de l’utérus représente 1,6 % de l’ensemble des cancers incidents féminins et
est responsable de 1,7 % des décès féminins par cancer. L’âge médian au diagnostic est de 51 ans, ce qui en fait
un enjeu de santé publique.
yy La survie nette à 5 ans est actuellement estimée à 62 % et a tendance à se dégrader. Cette dégradation est liée à
une proportion plus importante de cancers de mauvais pronostic qui ont échappé au dépistage et à la moindre
fréquence des lésions de bon pronostic qui ont été supprimées de la population suivie grâce au dépistage.
yy Le taux de survie relative à 5 ans est de 91,5 % à un stade local, 57,7 % à un stade régional et 17,2 % à un stade
métastasique.
yy Une centaine de types d’HPV a été caractérisée mais les HPV de types 16 et 18, dits oncogènes, sont pré-
sents dans plus de 70 % des cas de cancer invasif du col utérin en France (HPV 16 : 55 %, HPV 18 : 15 %).
yy yy Ils sont également associés à d’autres cancers : canal anal, vulve, vagin et certains cancers ORL.
yy L’HPV est principalement transmis par contact sexuel. L’infection se produit le plus souvent dès le début de la
vie sexuelle. La prévalence de l’infection est maximale avant 30 ans, avec un taux de 17 %.
yy La majorité des femmes exposées aux HPV développe une immunité suffisante pour éliminer le virus (clairance
virale). Cependant, celui-ci persiste chez certaines femmes et cette persistance peut conduire au développement
d’une lésion précancéreuse.
yy Il existe plusieurs stades successifs de lésions précancéreuses, appelées néoplasies cervicales intra-épithéliales
(CIN) ou dysplasies, du CIN1 (bas grade) au CIN3 (haut grade). Ces lésions peuvent régresser spontanément (le
plus souvent), persister ou bien encore évoluer vers un cancer du col de l’utérus.
À partir de l’infection persistante, l’évolution vers un cancer invasif du col utérin met en moyenne 15
ans à se produire, laissant donc une fenêtre d’action importante pour pouvoir détecter précocement (et
traiter) les lésions précancéreuses et cancéreuses du col.
yy Certaines caractéristiques de la vie sexuelle sont associées à un risque accru d’infection à HPV oncogénique :
–– précocité des premiers rapports sexuels ;
–– partenaires sexuels multiples ;
–– antécédents de maladies sexuellement transmissibles.
yy Le bas niveau socio-économique et le faible niveau d’éducation sont associés à une moindre compliance au dépis-
tage et à la vaccination, responsables d’une plus grande fréquence des stades localement avancés et d’une mortalité
plus élevée.
1.1.2.2. Co-facteurs
yy Ils favorisent la persistance de l’infection ou interviennent dans la carcinogénèse :
–– tabagisme actif (à la fois facteur de risque et facteur pronostique) ;
–– co-infection à Chlamydiae ou par un virus de l’herpès ;
–– utilisation au long cours (plus de 5 ans) de contraceptifs oraux ;
–– déficit immunitaire acquis (dont l’infection par le VIH).
1.2. Prévention
yy Elle repose sur la combinaison de deux démarches complémentaires : la vaccination contre les HPV 16 et 18 et le
dépistage par frottis du col utérin.
1.2.1. La vaccination
yy La vaccination permet de prévenir l’infection persistante par les HPV 16 ou 18. Pour un maximum d’efficacité,
elle doit être réalisée avant la survenue d’une première contamination, et donc avant les premiers rapports sexuels.
Elle diminue le risque de dysplasie modérée et sévère (CIN2 et 3).
La vaccination préventive est recommandée pour toutes les jeunes filles de 11 à 14 ans, et en rattrapage
vaccinal entre 15 et 19 ans révolus.
yy Elle repose sur une démarche individuelle (il n’y a pas de campagne de vaccination organisée) et est prise en
charge à hauteur de 65 % par l’Assurance maladie.
yy Deux vaccins sont actuellement disponibles :
–– Gardasil®: vaccin quadrivalent (contre HPV 16, 18, 6 et 11) qui protège aussi des condylomes liés aux HPV 6
et 11 ;
–– Cervarix® : vaccin bivalent (contre HPV 16 et 18).
yy En France, la couverture vaccinale est faible : 17 % à l’âge de 16 ans en 2014. Sur la durée du Plan cancer 2014-
2019, l’objectif des autorités de santé est d’atteindre une couverture vaccinale de 60 % grâce à des campagnes
d’information.
yy La vaccination contre les HPV n’entraîne pas d’augmentation du risque global de survenue de maladies auto-
immunes, mais une augmentation de l’incidence des syndromes de Guillain-Barré a été observée (1 à 2 cas pour
100 000 filles vaccinées).
yy Cependant les différents plans de gestion des risques concluent en une balance bénéfice/risque de la vaccination
en faveur du bénéfice.
yy Un vaccin nonavalent (dirigé contre 9 sérotypes oncogéniques) est en cours de mise au point et devrait être com-
mercialisé très prochainement, ce qui pourrait améliorer l’efficacité de la vaccination.
La vaccination ne confère qu’une protection partielle contre l’infection à HPV, limitée aux virus 16, 18 les plus
oncogéniques. Elle ne dispense pas du dépistage triennal par frottis.
La Haute Autorité de Santé recommande que le FCU soit réalisé chez les femmes de 25 à 65 ans (sauf celles
n’ayant jamais eu de rapport sexuel) tous les 3 ans, après deux FCU normaux à un an d’intervalle.
Le dépistage n’est pas recommandé avant 25 ans car il détecterait des lésions qui, pour la plupart, n’évolueront
pas vers le cancer et il entraînerait des traitements inutiles.
yy Les anomalies cytologiques sont classées selon le système de Bethesda (Tableau 2). En fonction de leur sévérité,
plusieurs types d’explorations complémentaires sont recommandées (Figure 1):
–– en cas d’atypies des cellules malpighiennes ou glandulaires de signification indéterminée : recherche d’HPV
oncogène par génotypage. Si celui-ci est présent ou si les anomalies persistent au frottis, un examen du col à la
loupe binoculaire (colposcopie) est nécessaire ;
–– en cas d’anomalies cytologiques plus sévères, une colposcopie avec biopsies est nécessaire d’emblée.
Négatif Positif
1.3. Anatomo-pathologie
1.3.1. Carcinome épidermoïde
Le risque d’évolution vers le carcinome invasif est plus important pour les CIN2-3 (10-15 %) que pour les CIN1
(1 % des cas).
yy La présence d’emboles tumoraux lymphatiques ou vasculaires est un important facteur pronostique d’évolution
métastatique.
1.3.2. Adénocarcinome
yy Il est plus rare (20 % environ).
yy Il se développe à partir de l’épithélium cylindrique qui recouvre le canal endocervical ou endocol.
yy Il est également précédé de lésions précancéreuses mais, à la différence des cancers épidermoïdes, il n’a pas été
établi de niveaux de sévérité.
1.3.3. Extension
yy La progression tumorale loco-régionale s’effectue de proche en proche :
–– vers le bas : vagin ;
–– latéralement : espace paracervical et paramètres. Ces derniers sont riches en vaisseaux lymphatiques et
contiennent les uretères ;
–– vers le haut (endocol et corps utérin),
–– l’atteinte des organes de voisinage, vessie et rectum, est plus tardive.
yy Les métastases ganglionnaires (pelviennes puis lombo-aortiques) sont les plus fréquentes et les plus précoces.
Les métastases viscérales sont surtout pulmonaires.
Examen clinique
Biopsie à la pince
Conisation*
IRM abdomino-pelvienne
Examen clinique (sous AG si suspicion de tumeur avancée)
Cystoscopie et rectoscopie si cliniquement indiqué
Biologie standard, VIH, SCC
Tumeur limitée au col, taille ≤ 4 cm (maximum IB1) Tumeur étendue au-delà du col et/ou > 4 cm (IB2 à IV)
Pas d’adénomégalie en IRM et/ou adénomégalie en IRM
La conisation est systématique dans les formes infracliniques ou endocervicales pour préciser la taille
maximale, la profondeur de l’infiltration stromale et la présence d’emboles vasculaires tumoraux. Elle doit être
précédée de l’IRM abdomino-pelvienne.
C’est la technique d’imagerie la plus fiable pour le bilan d’extension loco-régionale. Elle est systématique quel
que soit le stade.
yy Elle comprend au minimum : des séquences en pondération T2 sans saturation de la graisse, en pondération dif-
fusion et en pondération T1 avec saturation de la graisse après injection de gadolinium.
yy Elle permet de visualiser la tumeur, d’apprécier sa taille et son extension locale (vers les paramètres, l’utérus, la
vessie, le rectum), de rechercher des métastases ganglionnaires pelviennes et lombo-aortiques et une dilatation
urétérale (Figure 3).
C B
yy Dans les stades infra-cliniques, elle doit être réalisée avant mais aussi après la conisation afin de vérifier que cette
dernière n’a pas laissé en place une partie de la tumeur.
1.5.1.2. Cystoscopie et rectoscopie
yy Elles sont réalisées, lors de l’examen clinique sous anesthésie générale, uniquement en cas de suspicion clinique
ou radiologique d’extension vésicale et/ou rectale.
L’IRM et le TEP-TDM ont un risque de faux négatifs pour la détection d’une extension ganglionnaire. Or
celle-ci a une importance pronostique mais intervient également pour les choix thérapeutiques. Un curage
ganglionnaire est donc préconisé dans tous les cas sauf si l’imagerie a déjà mis en évidence des métastases
ganglionnaires ou autres.
yy Dans les formes localisées, candidates à la chirurgie : réalisation d’un curage ganglionnaire pelvien avec
examen extemporané. S’il est positif, il sera complété dans le même temps opératoire par un curage lomboaor-
tique et la chirurgie curatrice sera contre-indiquée.
La technique de détection des ganglions sentinelles par double repérage colorimétrique et isotopique est une tech-
nique prometteuse en cours de validation.
yy Dans les formes localement avancées qui seront traitées par radio-chimiothérapie pelvienne : réalisation d’un
curage lombo-aortique cœlioscopique (sans curage pelvien).
Sur le plan pronostique et thérapeutique, il est important de distinguer deux grandes catégories de
tumeurs :
yy les tumeurs localisées : ≤ 4 cm sans atteinte du paramètre ou du vagin (IA et IB1) et sans métastase ganglion-
naire ;
yy les formes localement avancées > 4 cm ou associées à une atteinte du vagin ou des paramètres (stade IB2, II, III,
IVA) ou présentant des métastases ganglionnaires.
2.1. Épidémiologie
2.1.1. Épidémiologie descriptive
yy C’est le cancer gynécologique le plus fréquent en France. L’incidence et la mortalité estimées en 2015 étaient
respectivement de 8 150 nouveaux cas (au 4e rang des cancers féminins) et de 2 180 décès (5e cause de décès par
cancer chez la femme).
yy Deux tiers des cas surviennent dans les pays développés, probablement du fait qu’il atteint préférentiellement les
femmes âgées et de son lien avec la surcharge pondérale.
yy Ce cancer survient en effet après la ménopause avec un pic de fréquence entre 60 et 70 ans (âge moyen lors du
diagnostic de 68 ans).
yy Dans 70 % des cas, il est limité au corps utérin. La survie relative à 5 ans est d’environ 75 % et atteint 95 % en cas
de stade localisé.
yy Plusieurs situations peuvent être associées à une exposition accrue aux œstrogènes et à un déséquilibre hor-
monal :
–– une longue durée de la période ovulatoire définie par l’âge de la ménopause – âge de la puberté – nombre de
mois de grossesse – nombre de mois sous contraception orale combinée ;
Une puberté précoce, une ménopause tardive et la nulliparité sont donc des facteurs de risque.
–– la prise prolongée d’œstrogènes en monothérapie dans le cadre d’une contraception séquentielle ou d’un
traitement hormonal substitutif de la ménopause (d’où la nécessité d’associer systématiquement un progestatif) ;
La surcharge pondérale est le premier facteur étiologique du cancer de l’endomètre. Elle serait
responsable de 40 % des cancers de l’endomètre.
yy Son effet cancérigène est lié en partie à l’hyperœstrogénie induite : en préménopause, elle favorise une exposition
continue de l’endomètre aux œstrogènes en induisant des cycles anovulatoires. En postménopause, elle favorise
l’aromatisation des androgènes surrénaliens en œstrogènes.
yy L’insulino-résistance induite par la surcharge pondérale, et le manque d’activité physique favorisent également le
développement tumoral. Le diabète de type 2 est ainsi associé à un risque accru de cancer de l’endomètre.
2.1.2.3. Facteurs génétiques
Les formes familiales rentrent le plus souvent dans le cadre du cancer colique familial sans polypose (HNPCC
ou syndrome de Lynch). Elles représentent moins de 5 % des cancers de l’endomètre.
yy L’HNPCC est lié à la présence d’une mutation germinale hétérozygote sur un des gènes impliqués dans la répara-
tion des mésappariements de l’ADN (mismatch repair – MMR) : le plus souvent MSH6, MSH2, PMS2 ou MLH1.
La déficience du système MMR est plus fréquemment somatique (30 % des cancers de l’endomètre environ), c’est-
à-dire présente uniquement dans la tumeur et non transmissible.
yy La détection d’un défaut du MMR se fait d’abord dans la tumeur. Deux techniques sont disponibles dont aucune
n’est fiable à 100 % : détection de la perte d’expression d’une des protéines impliquées par immunohistochimie ou
mise en évidence d’une instabilité des séquences microsatellites par une technique de PCR.
yy Il est recommandé de réaliser les deux techniques en parallèle en cas de suspicion d’HNPCC selon les critères
suivants :
–– âge de survenue inférieur à 50 ans (la recherche peut se discuter entre 50 ans et 60 ans) ;
–– présence d’antécédents personnels ou familiaux (au premier degré) de cancer colorectal ou de cancer(s) du
spectre du syndrome de Lynch (endomètre, intestin grêle, urothélium, voies biliaires, estomac, ovaire).
yy Si un défaut du MMR est confirmé dans la tumeur, une consultation d’oncogénétique est nécessaire pour recher-
cher une mutation constitutionnelle.
yy Le syndrome de Cowden, lié à une mutation inactivatrice hétérozygote du gène suppresseur de tumeur PTEN,
est une cause plus rare de cancer familial de l’endomètre.
2.2. Anatomo-pathologie
2.2.1. Classification anatomo-pathologique
yy Le cancer du corps de l’utérus est généralement un adénocarcinome développé aux dépens de la muqueuse
endométriale.
yy On distingue classiquement deux grands types de cancers de l’endomètre (types 1 et 2) qui se distinguent par leurs
caractéristiques histologiques et cliniques ainsi que leur pronostic (Tableau 4) :
yy Si cette classification reste très utile en pratique courante, elle doit être relativisée par les données récentes d’ana-
lyse génomique des tumeurs. Ainsi, certains carcinomes endométrioïdes, de type 1 sur le plan histologique, se
rapprochent en fait des carcinomes séreux sur le plan moléculaire. Ils en partagent alors le mauvais pronostic.
yy Le carcinosarcome regroupe un contingent d’adénocarcinome et un contingent sarcomateux de différenciation
très variable (léïomyosarcome, rhabdomyosarcome, synovialosarcome…). Il est actuellement considéré comme
un carcinome métaplasique dont le pronostic et la prise en charge se rapprochent des autres carcinomes de type 2.
Il ne s’agit pas d’un sarcome.
yy Les sarcomes sont des tumeurs rares du corps utérin : sarcome du stroma endométrial ou léïomyosarcome. Ils
ne seront pas détaillés ici.
2.2.2. Extension
yy Elle se fait principalement vers le myomètre, jusqu’à la séreuse puis la cavité péritonéale. Le risque de métastase(s)
ganglionnaire(s) (pelviennes puis rétropéritonéales) est dépendant du degré d’extension au myomètre et de la dif-
férenciation (grade ou type 2).
yy En surface, l’extension se fait vers l’isthme et le col, plus rarement jusqu’au vagin, ou – via les trompes – jusqu’aux
annexes et la cavité péritonéale.
yy Les métastases viscérales sont rares.
Après la ménopause toute métrorragie est un cancer de l’endomètre jusqu’à preuve du contraire et doit
toujours être explorée.
yy Spontanées, indolores et souvent peu abondantes ; parfois moins évocatrices, faites de pertes brunâtres.
yy C’est le symptôme révélateur dans 90 % des cas : les métrorragies surviennent précocement, à un stade où – le plus
souvent – la tumeur reste confinée à l’utérus.
2.3.1.2. Leucorrhées
yy Hydroleucorrhée rosée et fétide, évocatrice mais rare.
2.3.1.3. Douleurs pelviennes
yy Elles traduisent souvent une lésion évoluée :
–– surinfection et rétention utérine ;
–– envahissement au-delà de l’utérus.
yy Elles peuvent s’accompagner de troubles urinaires ou rectaux.
2.3.1.4. Plus rarement
yy Le cancer est découvert sur la cytologie d’un frottis cervical de dépistage, dans le bilan étiologique d’une carence
martiale, devant des métastases symptomatiques.
yy Réalisée le plus souvent en ambulatoire sous anesthésie locale, après avoir éliminé une infection cervico-vaginale.
yy Elle permet de :
–– visualiser les lésions endométriales : lésion végétante, friable, parfois ulcérante saignant au contact ;
–– préciser leur topographie, leur extension vers l’isthme et l’endocol ;
–– guider les biopsies.
yy Elle est complétée par un curetage biopsique étagé de l’endocol, puis de la cavité utérine.
yy Les risques sont faibles : perforation utérine, infection, embolie gazeuse (< 1 %).
yy L’hystéroresection, du fait de son risque de dissémination péritonéale, n’est pas recommandée en cas de suspicion
de cancer de l’endomètre.
–– La classification anatomo-chirurgicale de la FIGO (2009) est le principal facteur pronostique (Tableau 5).
Elle prend en compte le degré d’infiltration du myomètre (< ou > à 50 %), l’extension au col, la présence ou
non d’adénopathies.
–– Il peut exister des différences d’évaluation entre le stade évalué lors du bilan pré-thérapeutique (IRM ++) et celui
issu des données anatomo-pathologiques des pièces opératoires, en particulier concernant l’envahissement du
myomètre et l’atteinte ganglionnaire. Ces discordances peuvent être la source de modification du plan de
traitement et parfois de reprise chirurgicale.
–– Type histologique (2 versus 1) ;
–– Pour les types 1, endométrioïdes : grade histopronostique élevé à 3 (versus 1-2) ;
–– Présence d’emboles tumoraux vasculaires ou lymphatiques.
2.5.2. Radiothérapie
yy Elle est réalisée principalement en post-opératoire. Deux modalités sont possibles :
–– une radiothérapie externe pelvienne sur un volume centro-pelvien (fond vaginal et loge d’hystérectomie) et les
aires ganglionnaires pelviennes si celles-ci sont atteintes. Son but est d’éviter les récidives pelviennes profondes
en cas de facteur de mauvais pronostic. Une irradiation lombo-aortique peut être associée en cas d’atteinte
ganglionnaire à ce niveau ;
–– une curiethérapie vaginale à haut débit de dose, réalisée en ambulatoire, seule ou en complément de la
radiothérapie externe : son but est d’éviter les récidives sur la cicatrice vaginale et le 1/3 supérieur du vagin.
2.5.2.1. Chimiothérapie
yy Elle consiste en l’association d’un sel de platine avec un taxane.
2.5.2.2. Indications (Hors programme ECN)
À partir des caractéristiques histologiques (type 1 versus 2 et grade) et du stade FIGO, 5 catégories pronostiques
ont été définies (risque faible, intermédiaire, intermédiaire fort, fort, avancé) qui permettent d’orienter la
thérapeutique (Tableau 6).
Radiothérapie Optionnel
externe NON OUI (à visée
hémostatique)
Chimiothérapie NON
adjuvante OUI
▶▶ Références
yy Les cancers en France, Edition 2015. Institut National du Cancer, Avril 2016. (téléchargeable sur www.e-cancer.fr)
yy World Cancer Report 2014. International Agency for Research on Cancer (http://publications.iarc.fr/Non-Series-Publications/World-
Cancer-Reports/World-Cancer-Report-2014).
yy Prévention et dépistage du cancer du col de l’utérus. Collection fiches repères, Institut National du Cancer, Juin 2013. (Téléchargeable
sur www.e-cancer.fr)
yy Référentiel Cancers du col utérin. Cancer AP-HP, Juin 2016.
yy Référentiel Cancer de l’endomètre. Cancer AP-HP, Novembre 2016.
yy Prise en charge initiale des cancers gynécologiques : Référentiels de la Société Française d’Oncologie Gynécologique.
yy Cancer de l’endomètre : Recommandations professionnelles. Institut National du Cancer, Novembre 2010. (Téléchargeable sur
www.e-cancer.fr)
yy Tests somatiques recherchant une déficience du système MMR au sein des tumeurs du spectre du syndrome de Lynch, Institut
National du Cancer, Juin 2016. (Téléchargeable sur www.e-cancer.fr).
1. Cancer du col :
yy La vaccination contre les HPV n’entraîne pas d’augmentation du risque global de survenue de maladies
auto-immunes, mais une augmentation de l’incidence des syndromes de Guillain-Barré a été observée.
yy Un col macroscopiquement normal à l’examen au spéculum n’élimine pas le diagnostic. Il peut s ‘agir d’une
forme micro-invasive ou d’un cancer de l’endocol.
yy Une insuffisance rénale aiguë et/ou une urétéro-hydronéphrose chez une femme présentant des métrorra-
gies doit faire songer à ce diagnostic.
yy La maladie VIH est un co-facteur important de l’HPV pour la genèse du cancer du col qui doit être systéma-
tiquement recherché.
yy Il est nécessaire de proposer aux patientes un dépistage des autres sites pouvant présenter des tumeurs
liées à l’HPV (sphères ORL et anale).
2. Cancer du corps :
yy Le tamoxifène, utilisé dans le traitement adjuvant du cancer du sein, induit surtout des carcinosarcomes de
l’endomètre. Ceux-ci doivent être considérés comme des carcinomes agressifs et non comme des sarcomes.
yy Après la ménopause toute métrorragie est un cancer de l’endomètre jusqu’à preuve du contraire et doit
toujours être explorée.
yy La biopsie et l’IRM abdomino-pelvienne sont les deux explorations fondamentales pour classer la tumeur,
évaluer son pronostic et décider de la thérapeutique. Les informations fournies devront parfois cependant
être corrigées par l’analyse de la pièce opératoire.
yy Dans la surveillance, le seul examen complémentaire systématique est la mammographie, du fait de la fré-
quence de l’association cancer du sein – cancer de l’endomètre et de l’âge des patientes.
C hapitre 11
Tumeurs du côlon et du rectum
Pr Thierry André1, Pr Jaafar Bennouna2, Pr Nicolas Magné3, Pr Yann Parc4, Pr Christophe Tournigand5
1
Oncologie médicale, Hôpital Saint-Antoine, AP-HP, Paris
2
Oncologie médicale, Centre Hospitalier Universitaire, Nantes
3
Radiothérapie, Institut de Cancérologie de la Loire Lucien Neuwirth, Saint Priest en Jarez
4
Chirurgie digestive, Hôpital Saint-Antoine, AP-HP, Paris
5
Oncologie médicale, Hôpital Henri Mondor, AP-HP, Créteil
1. Épidémiologie
yy En 2015, le cancer colorectal (CCR) était le 3e cancer de l’homme diagnostiqué en France (après les cancers de
la prostate et du poumon) et le 2e chez la femme (après le cancer du sein). Tous sexes confondus, il est au 4e
rang des cancers les plus fréquents.
yy Il y a eu 1,4 million de nouveaux cas de CCR dans le monde en 2012 (9,7 % du total des cancers incidents).
yy 43 000 nouveaux cas ont été diagnostiqués en France en 2015 (dont 55 % chez l’homme, sexe-ratio en
faveur d’une légère prédominance masculine) : 11 % des cas incidents.
yy Environ 35 % des CCR sont des tumeurs du rectum (défini comme une tumeur dont l’extrémité distale
est située à une distance ≤ 15 cm de la marge anale mesurée par rectosigmoïdoscopie rigide). Les can-
cers du côlon représentent 65 % des CCR (rapport 2/3 – 1/3 entre côlon gauche et côlon droit).
yy Il a été responsable de 18 000 décès en France, 2e cause de mortalité par cancer en France (après le cancer
du poumon) : 12 % de la mortalité par cancer.
yy Entre 1980 et 2005, l’incidence a augmenté (0,5 %/an chez l’homme et 0,3 %/an chez la femme). Entre 2005 et
2012, l’incidence a diminué, chez l’homme comme chez la femme, de 0,3 % par an en moyenne.
yy Les taux de mortalité (standardisés à la population mondiale) diminuent depuis 20 ans. Sur la période 2005-2012,
la mortalité a diminué de 1,5 % par an en moyenne chez l’homme et de 1,1 % chez la femme.
1.2.1. L’âge
Le principal facteur de risque d’avoir un cancer colorectal est l’âge supérieur à 50 ans (90 % des cancers co-
lorectaux). À partir de 50 ans, le risque d’avoir un cancer colorectal entre 50 à 74 ans sans autre facteur de risque que
l’âge est de 3,5 %.
yy Le syndrome de Lynch prédispose à d’autres cancers (principalement endomètre, voies urinaires, intestin grêle
mais également ovaire, estomac, voies biliaires, pancréas, tumeurs cérébrales, adénomes sébacés et kérato-acan-
thomes, et de façon plus discutée cancer du sein).
Les indications de la réalisation d’un test MSI doivent être systématiques dans les situations suivantes
(recherche d’un syndrome HNPCC) :
–– tout cancer du spectre diagnostiqué avant 60 ans ;
–– ≥ 2 cancers du spectre diagnostiqués chez un même individu ;
–– ≥ 2 cancers du spectre diagnostiqués chez deux individus apparentés au premier degré.
L’indication d’une consultation d’oncogénétique est retenue en cas de suspicion de syndrome de Lynch :
–– 3 cas de CCR dans la même branche familiale, dont 1 avant 50 ans ;
–– malade ayant un antécédent personnel de cancer du spectre HNPCC ;
–– CCR avant 40 ans (quel que soit le résultat du test MSI) ;
–– cancer colorectal avec test MSI positif.
yy L’analyse du statut MSI permet de sélectionner les patients auxquels il est proposé une analyse génétique consti-
tutionnelle. Deux méthodes sont disponibles pour déterminer le statut MSI d’un cancer colorectal :
–– l’immuno-histochimie, avec des anticorps spécifiques (MLH1, MSH2, PMS2 et MSH6) peut montrer une
perte d’expression protéique au niveau des cellules tumorales. L’absence d’expression de l’une de ces protéines
au niveau tumoral est fortement suggestive d’un statut MSI. En cas d’extinction de MLH1, la recherche de
la mutation BRAF V600E est recommandée. Sa présence signifie que le cancer est sporadique, et donc le
séquençage du gène MMR n’est pas nécessaire. En l’absence de la mutation BRAF V600E ou d’emblée en cas
d’extinction de MSH2 ou MSH6 un séquençage des gènes MMR peut être proposé.
–– par technique de biologie moléculaire (PCR) après extraction d’ADN à partir de matériel tumoral. La
confirmation de la mutation germinale (propre à chaque famille) repose sur l’identification longue et délicate
de la mutation (séquençage des gènes MMR). Cette altération sera recherchée par une prise de sang. Si elle est
retrouvée, elle permettra de faire le diagnostic de syndrome HNPCC chez les apparentés.
yy La surveillance d’un sujet HNPCC impose un suivi régulier et spécifique :
–– coloscopie complète tous les 2 ans dès l’âge de 20 ans avec chromoendoscopie par indigo-carmin (pour
détecter les adénomes plans) ;
–– pour les femmes atteintes du syndrome de Lynch, surveillance de l’endomètre dès l’âge de 30 ans avec
échographie endo-vaginale tous les 2 ans et prélèvements pour analyse anatomo-pathologique à la recherche
de cancer de l’endomètre.
1.2.3.2. La Polypose Adénomateuse Familiale (PAF)
yy La polypose adénomateuse familiale (PAF) est une maladie héréditaire autosomique dominante liée à une muta-
tion du gène APC (5q2121 – q22) dont la pénétrance est quasi complète (la présence de la mutation entraîne quasi
constamment l’apparition du phénotype).
yy Le risque de transmission à la descendance est de 50 % pour chaque enfant. La mutation génétique est variable
d’une famille à l’autre. La prévalence de la maladie est d’environ 1/5 000. La PAF est rare (1 % des cancers colo-
rectaux).
yy La PAF est caractérisée par le développement de centaines ou de milliers d’adénomes colorectaux dès l'adoles-
cence. Individuellement, ces polypes ne sont pas plus susceptibles de devenir cancéreux que les polypes observés
chez une personne non atteinte de PAF. Cependant, en raison de leur nombre élevé, le risque que l’un d’entre eux
devienne cancéreux s’accroît avec une dégénérescence systématique à partir de 40 ans.
yy Les tumeurs associées à la PAF sont :
–– adénomes duodénaux et ampullaires à risque de dégénérescence (indication éventuelle d’une duodéno-
pancréatectomie céphalique) et polypes gastriques bénins ;
2. Anatomo-pathologie
Le siège de la tumeur est défini à partir de son extrémité inférieure (bas rectum : 0 à 5 cm de la marge anale ou à
2 cm ou moins du bord supérieur du sphincter ; moyen rectum : > 5 à 10 cm de la marge anale ou de > 2 à 7 cm du
bord supérieur du sphincter ; haut rectum > 10 à 15 cm de la marge anale ou à plus de 7 cm du bord supérieur du
sphincter (Figure 2).
5. Traitement
▶▶ Références
yy Épidémiologie des cancers – données INCa (www.e-cancer.fr)
yy Cancer colo-rectal (http://www.has-sante.fr/)
yy Dépistage et prévention du cancer colo-rectal Dépistage et prévention du cancer colo-rectal (http://www.proinfoscancer.org/sites/
default/files/2013-06_2013)
yy Thésaurus National de Cancérologie digestive (TNCD)
POINTS CLÉS
1. En France, tous sexes confondus, le CCR est le 4e cancer le plus fréquent (42 000 nouveaux cas/an)
après les cancers du sein, de la prostate et du poumon.
2. Le CCR est sporadique dans 85 % des cas. Les formes familiales avec antécédents familiaux au
premier degré n’ont pas d’anomalie génétique identifiée dans 10 % des cas ; les 5 % restants corres-
pondent au syndrome HNPCC et à la polypose adénomateuse familiale (PAF).
3. Les polypes adénomateux ou adénomes sont à l’origine de 80 % des CCR.
4. Le dépistage dans la population générale (risque modéré) est indiqué entre 50 et 74 ans : utilisa-
tion d’un test immunologique de recherche de sang dans les selles pratiqué tous les 2 ans.
5. Le risque élevé (15 à 20 % de la population générale) correspond à des individus avec un antécé-
dent personnel (adénome ou CCR), ou un antécédent familial au 1er degré (CCR ou adénome de plus
de 10 mm avant 60 ans), ou une maladie inflammatoire chronique (Crohn, RCH). La coloscopie est
l’examen de référence.
6. Le risque très élevé correspond aux individus atteints de PAF (1 % des CCR) ou de syndrome
HNPCC (Lynch, 4 % des CCR).
7. Une consultation d’onco-génétique est indiquée en cas de suspicion de syndrome de Lynch : 3 cas
de CCR dans la même branche familiale, dont un avant 50 ans, antécédent personnel de cancer du
spectre HNPCC, CCR avant l’âge de 40 ans, CCR avec test MSI positif.
8. Les circonstances de découverte d’un CCR sont : fortuites (dépistage), lors d’une anomalie biolo-
gique (anémie ferriprive), à la suite de signes fonctionnes digestifs (douleurs abdominales, troubles
du transit, méléna, rectorragies, épreintes, ténesmes) ou de complications digestives (occlusion, per-
foration, péritonite).
9. La coloscopie avec biopsies permet le diagnostic de certitude du CCR.
10. Le bilan d’extension métastatique comporte essentiellement un scanner thoraco-abdomino-
pelvien (foie, péritoine, poumon).
11. Dans les cancers du moyen et du bas rectum, le bilan d’extension loco-régional pré-thérapeu-
tique comporte une écho-endoscopie rectale (surtout pour les petites tumeurs T1, T2) et une IRM
pelvienne (surtout pour les grosses tumeurs T3, T4).
12. Les CCR de stade I (T1 ou T2, N0) sont guéris par résection endoscopique ou chirurgicale.
13. Les tumeurs de stade II (T3 ou T4, N0) sont guéries dans 80 % des cas par la chirurgie seule.
14. Les tumeurs de stade III (N+) rechutent dans environ 50 % après chirurgie de la tumeur primitive.
L’indication d’une chimiothérapie adjuvante doit être retenue.
15. Les tumeurs de stade IV (M+) ont des survies inférieures à 10 % à 5 ans.
16. Malgré le progrès des chimiothérapies et les thérapies ciblées, seule la résection chirurgicale des
métastases peut parfois guérir les patients. Elle devra toujours être discutée en réunion de concer-
tation pluridisciplinaire.
17. En situation métastatique, et quand les métastases ne peuvent être reséquées, l’utilisation de
thérapies ciblées (anti-angiogéniques, anticorps anti récepteurs de l’Epidermal Growth Factor, EGFR)
associées aux chimiothérapies (fluoropyrimidines, oxaliplatine et/ou irinotécan) permet d’obtenir,
avec des stratégies comprenant plusieurs lignes, des médianes de survie de 25 à 30 mois chez des
patients avec métastases non résécables.
C hapitre 12
Tumeurs cutanées épithéliales
et mélaniques
Dr Luca Campedel1, Pr Bernard Dubray2, Dr Émilie Andrieu3, Dr Luis Teixeira4
Sénopôle Saint Louis, Hôpital Saint Louis, AP-HP, Paris
1
3
Département de Dermatologie, Hôpital Charles Nicolle, Rouen
4
Sénopôle Saint Louis, Service d’Oncologie Médicale, Hôpital Saint Louis. AP-HP, Paris
OBJECTIFS iECN
ÎÎ Tumeurs cutanées, épithéliales et mélaniques Mots clés : Carcinome – Tumeurs cutanées –
–– Diagnostiquer une tumeur cutanée, épithéliale ou Nævus – Mélanome – UV – HPV– Braf – Ras –
mélanique. Immunothérapie.
–– Planifier le suivi du patient.
yy La plupart des tumeurs cutanées se développent aux dépens des kératinocytes et des mélanocytes de l’épiderme.
Seules seront abordées dans cet item les tumeurs épithéliales bénignes (verrues à HPV) et malignes (carcinome
épidermoïde et basocellulaire cutanés) et les tumeurs mélanocytaires bénignes (nævus) et malignes (mélanome).
yy Toutes ces tumeurs, sauf les verrues à HPV, partagent un facteur de risque commun, l’exposition au rayonnement
ultraviolet (UV).
yy Pour ce qui est des tumeurs malignes, les tumeurs épithéliales sont de loin les plus fréquentes, le cancer basocel-
lulaire de la peau étant même la tumeur humaine la plus fréquente, et en général de bon pronostic. À l’inverse, le
mélanome, quand il devient métastatique, a un pronostic très sombre, même si les nouvelles thérapies ont révo-
lutionné son pronostic.
Pour comprendre : les UV sont définis en UV A/B/C en fonction de leur longueur d’onde (de la plus longue à
la plus courte, de A à C). Via des mécanismes différents, directs ou indirects, ces trois types d’UV peuvent être
responsables de lésions cutanées bénignes ou malignes liées à la photoexposition. Ils ne seront donc pas
différenciés par la suite.
1.1. Définition
yy Elles correspondent aux lésions dues à HPV (Human papillomavirus) dont il existe plus de 120 génotypes diffé-
rents.
1.2. Épidémiologie
yy Elles touchent environ 10 % de la population générale et sont plus fréquentes en cas d’immunodépression au long
cours (greffes d’organe).
1.4. Diagnostic
yy Le diagnostic est clinique et il n’est en aucun cas nécessaire de réaliser une biopsie en cas de lésion typique.
yy Il existe différents types de verrues :
–– les verrues plantaires : on distingue :
➢➢ la myrmécie liée à HPV1, la plus fréquente, profonde, douloureuse spontanément et à la pression,
circonscrite par un anneau kératosique dont la surface de la zone centrale est le siège de micro-hémorragies
(ponctuations noirâtres), généralement unique ou peu nombreuses ;
➢➢ ou la verrue en mosaïque, liée à HPV2, superficielle, moins fréquente et non douloureuse, formée de
multiples verrues regroupées en un placard kératosique. La coexistence de ces deux types de lésions est
exceptionnelle.
–– les verrues vulgaires : uniques ou multiples, infracentimétriques, sous forme d’élevures hémisphériques ou
aplaties avec saillies villeuses kératosiques, situées le plus souvent sur la face dorsale des mains et des doigts et
dues à HPV2. L’atteinte péri-unguéale ou sous-unguéale entraîne des douleurs et une dystrophie unguéale ;
–– les verrues planes communes, dues à HPV3, sous forme de papules roses, jaunes, brunes ou chamois, à surface
lisse, siégeant le plus souvent sur le visage, mais aussi sur le dos des mains et sur les membres.
Il n’existe pas de moyen d’éradiquer le virus HPV. Les papillomavirus humains (HPV) sont retrouvés de façon
ubiquitaire dans les tissus épithéliaux humains.
yy Le traitement est celui de la lésion et doit dans tous les cas éviter d’être trop agressif, en particulier chez les enfants.
yy En cas de persistance des lésions, on peut envisager différents traitements :
–– destruction chimique par kératolytiques, simple et non douloureuse ;
–– cryothérapie ;
–– laser CO2.
yy Le traitement préventif comprend l’éviction des situations à risque (salles de sport, douches communes…) et les
soins d’hygiène dans les familles dont un membre est atteint.
1.8. Suivi
yy Pour les patients immunodéprimés, une surveillance dermatologique annuelle est préconisée.
2. Carcinomes cutanés
yy Les cancers épithéliaux de la peau se développent à partir des kératinocytes de l’épiderme. Ce sont les cancers les
plus fréquents dans les deux sexes. Ils surviennent préférentiellement chez les sujets de plus de 60 ans et sur les
zones exposées au soleil, qui est le principal facteur étiologique.
2.1.2. Épidémiologie
yy Les carcinomes épidermoïdes apparaissent le plus souvent après 60 ans. L’âge moyen de découverte est de 76 ans.
L’incidence annuelle en France est estimée à 30/100 000 dans la population générale. La prise en charge est sou-
vent complexe du fait des comorbidités, de la présence de troubles cognitifs et de l’isolement social de patients très
âgés (fréquence des lésions négligées).
2.1.4. Diagnostic
yy Les cancers épidermoïdes siègent préférentiellement au niveau des zones photo-exposées (tête, cou, dos des mains
et des bras). Un examen clinique de l’ensemble du revêtement cutané est cependant indispensable à la recherche
d’autres lésions cancéreuses ou précancéreuses, en particulier chez les patients immunodéprimés.
yy L’aspect est celui d’une tumeur bourgeonnante, indurée, saignant facilement, avec un centre ulcéré recouvert de
croûtes (Figure 1). En cas de kératose ou de maladie de Bowen préexistante, la survenue d’un cancer épidermoïde
est suspectée devant une ulcération, une surélévation, une induration ou un saignement.
yy Dans tous les cas, une analyse anatomo-pathologique est indispensable au diagnostic.
Pour comprendre : la classification des phototypes de Fitzpatrick, qui ne sera pas détaillée, définit 6 types de
phototypes, le type 1 le plus clair correspondant à un individu qui ne bronze pas, attrape systématiquement
des coups de soleil, a la peau très claire avec des taches de rousseur et des cheveux blonds ou roux.
2.2.2. Épidémiologie
yy Le cancer basocellulaire de la peau est la tumeur humaine la plus fréquente dans les deux sexes. Il représente
près de 30 % de l’ensemble des cancers. Il survient dans la plupart des cas après 50 ans. La fréquence des cancers
basocellulaires chez les personnes âgées (voire très âgées) entraîne des prises en charge parfois très complexes
(comorbidités, troubles cognitifs), à l’instar des carcinomes épidermoïdes (voir plus haut).
2.2.4. Diagnostic
yy La lésion typique est un nodule cutané surélevé siégeant sur la face, le cou, le décolleté, c’est-à-dire les zones
photo-exposées. Le carcinome basocellulaire n’atteint jamais les muqueuses.
yy En relief par rapport à la peau avoisinante, le nodule a un aspect translucide imitant une perle avec de fines
télangiectasies. Souvent, une fine croûte recouvre l’ulcération néoplasique, qui saigne après son ablation. Dans les
formes ulcéro-bourgeonnantes, on trouve sur – le bourrelet périphérique – l’aspect perlé caractéristique.
yy Les variantes cliniques sont multiples :
–– le carcinome basocellulaire nodulaire, forme la plus fréquente, qui prend la forme d’une papule translucide
ferme, bien limitée, lisse, perlée et recouverte de télangiectasies (Figure 2) ;
–– le carcinome basocellulaire sclérodermiforme a un aspect de cicatrice fibreuse blanchâtre indurée aux limites
imprécises. L’extension profonde et en surface est plus importante que la partie visible, justifiant des marges
chirurgicales et des volumes irradiés plus larges ;
–– le carcinome basocellulaire superficiel est une plaque erythématosquameuse plane, bien limitée, bordée de
perles en périphérie.
2.2.9. Suivi
yy Le suivi repose sur un examen clinique annuel pendant au moins 5 ans à la recherche de récidive ou de nouveau
cancer cutané ; ce délai pouvant être raccourci pour les patients à risque.
yy Le patient doit être formé à l’auto-dépistage qui correspond à l’examen régulier de l’ensemble du revêtement
cutané et signaler au médecin l’apparition d’une nouvelle lésion ou la modification d’une lésion ancienne.
yy La prévention primaire repose sur la diminution de l’exposition solaire, la protection solaire (surtout vestimen-
taire, moins par les écrans solaires) en particulier pendant l’enfance et l’adolescence.
yy Une surveillance cutanée rapprochée (annuelle) doit être réalisée chez les patients immunodéprimés (prévention
primaire).
Le Tableau 1 synthétise les caractéristiques comparées du carcinome épidermoïde et du carcinome basocellulaire.
3.1. Physiopathologie
yy Les nævus correspondent à une prolifération ou une accumulation mélanocytaire anormale : ce sont des tumeurs
bénignes. À l’état basal, les mélanocytes, situés entre les kératinocytes et la jonction dermo-épidermique, sont
chargés de fabriquer la mélanine, pigment protecteur des rayonnements ultraviolets. Les cellules mélanocytaires
se regroupent en amas ou thèques, pour former les nævus, qui peuvent être jonctionnels (couche basale de l’épi-
derme), dermiques, ou mixtes.
3.2.6. Remarques
yy Il est important de retenir que ni les micro-traumatismes répétés, ni l’exposition solaire ne sont des facteurs de
risque de transformation des nævus. Par contre, un nævus qui saigne doit faire discuter le diagnostic alternatif de
mélanome.
3.7. Suivi
yy Il n’y a pas d’intérêt à surveiller de manière systématique tous les individus. Par contre, l’auto-surveillance doit
être enseignée et encouragée, en s’appuyant sur la règle ABCDE (développée dans le chapitre sur les mélanomes),
et une information doit être délivrée sur les risques de l’exposition solaire prolongée.
yy Les patients porteurs de plusieurs nævus atypiques ou ayant des facteurs de risque de mélanome doivent bénéfi-
cier, en plus de l’auto-surveillance, d’un examen cutané annuel.
4.1. Définition
yy Les mélanomes sont des tumeurs malignes développées aux dépens des mélanocytes.
yy L’évolution est, dans un premier temps, horizontale et intra-épidermique, puis, dans un second temps,
verticale avec envahissement du derme superficiel (phase micro-invasive), enfin du derme profond et de l’hy-
poderme (phase invasive).
4.2. Épidémiologie
yy Le mélanome représente entre 2 et 3 % de l’ensemble des cancers et se situe au 11e rang des cancers les plus
fréquents chez l’homme et au 9e rang chez la femme.
yy L’âge moyen au diagnostic est de 50-60 ans (en baisse).
yy L’incidence est en augmentation régulière de 10 % par an, depuis 50 ans.
yy C’est le premier des cancers en termes d’augmentation de fréquence.
yy L’incidence est directement corrélée au phototype et à l’exposition solaire, plus élevée chez les sujets à la peau
claire (notamment en Australie), et plus faible dans les pays asiatiques ou dans les populations à la peau noire.
4.4. Diagnostic
yy Il est extrêmement important de diagnostiquer le mélanome de manière précoce afin d’augmenter les chances
de guérison.
Le diagnostic doit être évoqué à l’examen clinique devant la présence de plusieurs (généralement 3, 4 ou 5) des
caractéristiques suivantes (règle ABCDE) (Figure 3) :
–– Asymétrie
–– Bords irréguliers
–– Couleur inhomogène
–– Diamètre supérieur à 6 mm
–– Evolution récente
yy L’examen visuel doit être aidé par la dermoscopie ou « microscopie en épiluminescence », et est confirmé par
l’examen anatomo-pathologique. Ce dernier est fait après exérèse complète afin de pouvoir déterminer l’épaisseur
de la lésion. La biopsie est exceptionnelle car elle peut conduire à des erreurs diagnostiques.
Le pronostic est extrêmement différent en fonction de la présence ou non d’une atteinte métastatique.
La probabilité de survie à 5 ans chute de 88 % pour les formes localisées à 18 % pour les formes métastatiques.
yy La classification anatomo-clinique des mélanomes au stade localisé permet de définir le profil évolutif en
deux catégories :
–– les tumeurs avec phase d’extension horizontale, après biopsies éventuellement répétées (cartographie) en cas
de suspicion clinique pour exclure un foyer de micro-invasion. Elles regroupent :
➢➢ le mélanome superficiel extensif (SSM), le plus fréquent (60-70 % des cas) ;
➢➢ le mélanome de Dubreuilh avec une phase d’extension horizontale pouvant durer plusieurs années (10 %
des cas) ;
➢➢ le mélanome acral lentigineux des paumes, des plantes, des bords latéraux des doigts et des orteils, et sous
les ongles (2 à 5 % des cas) (Figure 4) ;
➢➢ plus rarement, les mélanomes des muqueuses buccales et génitales (bouche, nez, fosses nasales et pharynx,
vagin et anus) et le mélanome uvéal (cancer de l’œil le plus fréquent chez l’adulte) ;
–– les tumeurs sans phase d’extension horizontale : il s’agit du mélanome nodulaire d’emblée, rapidement invasif
(10 à 20 % des cas).
Toute décision thérapeutique est discutée en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) et annoncée au
patient lors d’une consultation d’annonce.
yy Les schémas thérapeutiques sont fonction de l’extension de la maladie (Tableau 2), faisant distinguer les atteintes
localisées (stades I/II), les atteintes métastatiques loco-régionales cutanées ou ganglionnaires (stades III) ou à
distance (stades IV).
Stade IIIB Tumeur sans ulcération, métastases macroscopiques dans 1, 2 ou 3 ganglions lymphatiques
régionaux ou métastases « en transit »
Tumeur avec ulcération, métastases microscopiques dans 1, 2 ou 3 ganglions lymphatiques
régionaux ou métastases « en transit »
Stade IIIC Tumeur avec ulcération, métastases macroscopiques dans 1, 2 ou 3 ganglions lymphatiques
régionaux
Tumeurs avec ou sans ulcération (tous pT), métastases dans 4 ganglions lymphatiques régio-
naux ou plus ou métastases en transit avec métastase(s) ganglionnaire(s) régionale(s)
Stade IV Métastases à distance
yy Le bilan initial pour les stades I et II est avant tout clinique, comprenant un examen de l’ensemble du revêtement
cutané (seconde localisation ?) et la palpation des aires ganglionnaires (échographie de l’aire de drainage à envi-
sager pour les stades II). Aucune imagerie n’est indiquée à ce stade, hormis pour les mélanomes de plus de 4 mm
ulcérés.
yy Le traitement de la tumeur primitive consiste en une exérèse chirurgicale dont les marges sont conditionnées par
l’épaisseur tumorale (Tableau 3). Les mélanomes superficiels de Dubreuilh nécessitent une marge de 1 cm. Un
curage ganglionnaire est associé pour les stades III.
▶▶ Références
1. Haute Autorité de Santé - UE 9 : Cancérologie - Onco-hématologie (287-317) [Internet]. [cited 2017 Oct 9]. Available from: https://
www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2615053/fr/ue-9-cancerologie-onco-hematologie-q287-317
2. Cancers de la peau - Recommandations et outils d’aide à la pratique | Institut National Du Cancer [Internet]. [cited 2017 Oct 9].
Available from: http://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Recommandations-et-outils-d-aide-a-la-pratique/Cancers-de-la-
peau
POINTS CLÉS
La caractérisation de chaque lésion est indispensable en raison du pronostic propre à chaque entité. Au
moindre doute, une biopsie doit être réalisée.
1. Tumeurs épithéliales bénignes à HPV (ou verrues)
yy Le diagnostic est clinique ; la biopsie n’est pas indiquée.
yy La transmission d’HPV se fait par contact direct.
yy Il est impossible d’éradiquer l’HPV.
yy Le traitement ne doit jamais être agressif, l’évolution étant le plus souvent spontanément favorable.
2. Carcinomes cutanés
yy Ce sont les cancers les plus fréquents dans les deux sexes.
yy L’examen de tout le revêtement cutané est indispensable.
yy L’auto-dépistage doit être encouragé.
1. Les stratégies thérapeutiques ne font pas partie des objectifs de l’ECN concernant les tumeurs
dermatologiques. Il faut donc bien connaître les aspects diagnostiques. Par contre, des questions
peuvent être posées sur tel ou tel traitement (en relation avec l’item 291) proposé dans le dérou-
lement d’un dossier clinique. N’oubliez pas que les premières preuves de l’efficacité de l’immuno-
thérapie « moderne » (anti-PDL1, anti-CTLA4) et des médicaments inhibiteurs de BRAF et MEK ont
été apportées par des essais sur des tumeurs cutanées.
2. La complexité de certaines situations cliniques (immunodéprimé, personnes très âgées…) se
prête bien à des dossiers transdisciplinaires, par exemple insuffisance veineuse – ulcère chronique
– cancérisation ou troubles cognitifs – polypathologie – cancer – consentement.
C hapitre 13
Tumeurs de l’estomac
Pr Christophe Tournigand1, Pr François Guillemin2, Pr Frédéric Marchal3
Service d’Oncologie médicale, Hôpital Henri Mondor, AP- HP, Créteil.
1
2
Département de chirurgie, CRAN, UMR 7039, Reims
3
Département de chirurgie, Institut de Cancérologie de Lorraine, CRAN, UMR 7039, Reims
1. Épidémiologie
1.1. Epidémiologie descriptive
1.2. Epidémiologie analytique OBJECTIFS iECN
2. Histoire naturelle du cancer ÎÎ Tumeurs de l’estomac
2.1. Lésions gastriques prédisposantes –– Diagnostiquer une tumeur de l’estomac.
2.2. Helicobacter pylori
2.3. Évolution clinique
3. Anatomo-pathologie
3.1. Les différents types histologiques
3.2. Formes intestinales et formes diffuses
3.3. HER2 et cancer de l’estomac métastatique
4. Diagnostic du cancer de l’estomac
4.1. Circonstances de découverte Mots clés : Cancer de l’estomac – Helicobacter pylori
4.2. Examen clinique – CDH1 – Oncogénétique – Gastrectomie – Endos-
4.3. Bilan biologique copie – Chimiothérapie.
4.4. Bilan diagnostique
5. Bilan d’extension
6. Bilan d’opérabilité
7. Stadification
8. Principes de traitement
8.1. Traitement à visée curative
8.2. Traitement palliatif
9. Pronostic Sincères remerciements pour la relecture
10. Formes particulières et l’iconographie aux :
10.1. Adénocarcinome superficiel Professeur Jean-Charles Delchier, service de gastro-
entérologie de l’Hôpital Henri Mondor, Créteil.
10.2. Linite gastrique
Docteur Michaël Levy, service de gastroentérologie,
10.3. Lymphomes gastriques primitifs
Hôpital Henri Mondor, Créteil.
10.4. Tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST)
10.5. Tumeurs endocrines
yy Les tumeurs de l’estomac sont principalement malignes et largement dominées par l’adénocarcinome primi-
tif (95 % des tumeurs malignes de l’estomac).
yy Malgré une diminution progressive de son incidence depuis 30 ans, l’adénocarcinome gastrique demeure l’une
des dix premières causes mondiales de mortalité liées au cancer en raison de son diagnostic souvent trop tardif.
yy La reconnaissance du rôle carcinogène de l’infection par Helicobacter pylori est la principale avancée de la
dernière décennie. Une prévention de l’infestation par ce germe serait peut-être susceptible de faire diminuer
l’incidence de ce cancer. L’incidence des cancers distaux diminue en raison de la baisse de la prévalence de l’infec-
tion par Helicobacter pylori. En revanche, les cancers proximaux, et notamment du cardia, sont plus fréquents. Le
surpoids est un facteur favorisant ces derniers cancers.
1. Épidémiologie
Malgré une incidence en baisse, la mortalité par cancer de l’estomac reste élevée.
2.2.3. Chez qui chercher Helicobacter pylori dans le cadre de la prévention du cancer ?
yy Antécédent de résection localisée d’un cancer gastrique.
yy Mutation des gènes de réparation de l’ADN (syndrome de Lynch).
yy Lymphome de MALT.
yy Lésions muqueuses gastriques prénéoplasiques (atrophie-métaplasie-dysplasie).
yy Traitement par inhibiteurs de la pompe à protons au long cours (au moins 6 mois).
yy Avant by-pass gastrique (car une endoscopie ultérieure sera de réalisation difficile).
2.2.4. Comment ?
yy La méthode habituelle est celle de l’endoscopie avec biopsies.
yy Chez les apparentés d’un patient ayant un cancer gastrique, les méthodes de recherche de l’infection à Helicobac-
ter pylori seront choisies en fonction de l’âge :
–– Âge < 40 ans : test respiratoire à l’urée marquée au carbone 13 (C13) ou par sérologie Helicobacter pylori ;
–– Âge > 40/45 ans : endoscopie et biopsies.
yy Test respiratoire à l’urée marquée (Helikit®) : Helicobacter pylori est capable de transformer l’urée en dioxyde de
carbone (CO2) et en ammoniac. Le test respiratoire à l’urée consiste à faire ingérer de l’urée marquée avec du C13,
puis à mesurer le C13 expiré. En cas d’infection à Helicobacter pylori, le CO2 expiré contiendra du C13, ce qui n’est
pas le cas en l’absence d’infection.
Figure 1. Traitement probabiliste d'Helicobacter pylori (en l'absence d'étude de sensibilité aux antibiotiques)
NÉGATIF
POSITIF POSITIF Infection
éradiquée
TRAITEMENT QUADRITHÉRAPIE
CONCOMITANT BISMUTHÉE
14 jours 10 jours
2.2.5.1.2. Lorsqu'on dispose d'une étude de la sensibilité aux antibiotiques chez un patient, le traitement
recommandé est une trithérapie guidée associant un inhibiteur de la pompe à protons et deux antibiotiques
pendant 10 jours.
3. Anatomo-pathologie
3.1. Les différents types histologiques
yy Il s’agit le plus souvent d’un adénocarcinome (95 % des cas) :
–– adénocarcinome tubuleux ;
–– adénocarcinome papillaire ;
–– adénocarcinome mucineux (colloïde muqueux) ;
–– adénocarcinome à cellules indépendantes (cellules en bague à chaton).
yy Plus rarement :
–– carcinome adéno-squameux ;
–– carcinome épidermoïde ;
–– carcinome à petites cellules ;
–– carcinome indifférencié ;
–– lymphome de MALT.
yy La linite gastrique est une forme diffuse, touchant plus souvent les sujets jeunes et de pronostic péjoratif. La
paroi est rigide, blanchâtre, épaissie, ayant l’aspect du lin avec à l’examen anatomo-pathologique un aspect d’adé-
nocarcinome peu différencié infiltrant, constitué le plus souvent de cellules indépendantes dites « en bague à
chaton », envahissant les différentes couches de la paroi sans les détruire, et un stroma fibreux. L’aspect est évoqué
à l’endoscopie (paroi rigide), à l’échoendoscopie (épaississement pariétal), au scanner et au TOGD. Les bio-
psies doivent être profondes, multiples et étagées pour confirmer le diagnostic car la muqueuse est souvent saine.
L’envahissement est intramural avec une diffusion ganglionnaire et péritonéale fréquentes.
yy Les cellules en bague à chaton, bien que plus souvent présentes dans les formes linitiques, peuvent se voir dans une
forme locale indifférenciée sans aspect de linite.
Figure 3. Linite : gros plis épais, indurés, pas d’expansion de l’estomac lors de l’insufflation ;
paroi épaisse en échoendoscopie de façon globale
4.4.3. L’échoendoscopie
yy Elle n’est pas systématique, mais elle est utile :
–– en cas de suspicion de linite avec hypertrophie des plis gastriques sans histologie positive ;
–– pour évaluer l’extension des lésions sur l’œsophage, le pylore et le duodénum en cas de linite ;
–– pour évaluer les tumeurs superficielles afin de déterminer les indications de mucosectomie ;
–– pour déterminer l’infiltration pariétale d’une tumeur lorsqu’on envisage un traitement néo-adjuvant. Elle
permet d’apprécier l’infiltration pariétale en visualisant les 5 couches de la paroi gastrique : épithélium, lamina
propria, sous-muqueuse, musculeuse, sous-séreuse, séreuse (stade T de la classification TNM).
yy Cette échoendoscopie doit être réalisée dans des délais courts.
5. Bilan d’extension
yy Il comporte :
–– un scanner thoraco-abdomino-pelvien, sans et avec injection, à la recherche de localisations secondaires
hépatiques, pulmonaires, ganglionnaires, peritonéales ;
–– une laparoscopie éventuelle en cas de volumineuse tumeur. La laparoscopie permet une exploration précise
de la cavité abdominale pour identifier des nodules tumoraux et faire un lavage péritonéal pour une étude
cytopathologique. Une atteinte péritonéale contre-indique l’exérèse chirurgicale. De petites métastases
hépatiques superficielles passées inaperçues au scanner peuvent être visualisées. Cet examen peut éviter une
laparotomie inutile jusqu’à 38 % des patients, notamment en cas de diagnostic de carcinose péritonéale ou de
métastases hépatiques.
yy Le TEP-TDM n’est pas systématique. Il peut être discuté au cas par cas.
6. Bilan d’opérabilité
yy Le bilan d’opérabilité consiste à apprécier :
–– l’état nutritionnel (pourcentage d’amaigrissement, protidémie et albuminémie) ;
–– l’âge physiologique avec éventuelle évaluation cardiologique (ECG, échocardiographie) et pulmonaire
(exploration fonctionnelle respiratoire) en fonction du terrain du patient.
7. Stadification
yy Le stade TNM (Tumor Nodes Metastases) est établi de façon sûre et définitive après la chirurgie (pTNM =
envahissement tumoral établi sur la pièce opératoire après examen anatomo-pathologique).
Tis Carcinome in situ : tumeur intra-épithéliale sans invasion de la lamina propria (dysplasie de haut
grade)
T1 Tumeur limitée à la muqueuse ou à la sous-muqueuse (cancer superficiel)
T4b Tumeur envahissant un organe de voisinage (rate, côlon transverse, foie, diaphragme, pancréas,
paroi abdominale, surrénale, rein, intestin grêle, rétropéritoine)
N0 Pas de signe d’atteinte des ganglions lymphatiques régionaux
70 cm
9. Pronostic
yy Le pronostic dépend de l’extension tumorale pariétale et ganglionnaire qui est à la base de la classification TNM
et du stade. Le nombre de ganglions examinés sur la pièce opératoire est primordial ; en effet un ratio « nombre
élevé de ganglions envahis/nombre total prélevé » a une valeur pronostique péjorative.
yy Tous stades confondus, le pronostic est mauvais avec une survie à 5 ans de 15 %.
yy Après exérèse chirurgicale à visée curative, le pronostic dépend surtout de l’envahissement ganglionnaire :
–– en l’absence de ganglion envahi (N0), la survie à 5 ans est de 60 % ;
–– si N1, la survie à 5 ans est de 35 % ;
–– si N2 la survie à 5 ans est de 10 %.
▶▶ Références
yy http://globocan.iarc.fr/.http://publications.iarc.fr/Non-Series-Publications/World-Cancer-Reports/World-Cancer-Report-2014
yy Projection de l’incidence et de la mortalité par cancer en France métropolitaine en 2015, novembre 2015.
yy Thesaurus National de Cancerologie Digestive (http://www.tncd.org/)
yy Groupe d’Etudes Français d’Helicobacter (GEFH) (http://www.helicobacter.fr)
POINTS CLÉS
1. 5e cancer le plus fréquent dans le monde.
2. Mauvais pronostic avec moins de 30 % de survivants à 5 ans.
3. Responsabilité d’Helicobacter pylori dans 80 % des cas.
4. Diminution de l’incidence dans les pays occidentaux grâce à la prévention primaire (alimenta-
tion plus riche en légumes-fruits, mode de conservation des aliments).
5. Diminution des localisations distales au profit des localisations proximales.
6. Lésions gastriques prédisposantes (anémie de Biermer, gastrite atrophique…) et forme fami-
liale héréditaire (mutation germinale du gène CDH1 avec perte de fonction de la protéine E-
cadhérine).
7. Adénocarcinome dans 95 % des cas.
8. Formes particulières : linite gastrique (biopsies profondes), lymphome gastrique primitif
(MALT), tumeur stromale gastro-intestinale (GIST), tumeur endocrine.
9. Rechercher l’expression du récepteur HER2 en cas de tumeur métastatique.
10. Signes non spécifiques : dysphagie lorsque tumeur proximale, vomissements alimentaires
pour une tumeur distale sténosante.
11. Extension ganglionnaire, par contiguïté (péritoine), hématogène (foie, poumon) ; tumeur de
Krükenberg (métastase ovarienne).
12. Bilan diagnostique : fibroscopie œsogastroduodénale avec biopsies multiples et recherche
d’Helicobacter pylori, échoendoscopie si petite tumeur pour connaître le stade exact.
13. Bilan d’extension : scanner thoraco-abdomino-pelvien +/- laparoscopie en cas de volumi-
neuse tumeur pour éliminer une carcinose péritonéale infraclinique.
14. Traitement curatif : chirurgie +/- chimiothérapie péri-opératoire.
15. Surveillance clinique (poids) et radiologique, œsogastroscopie au-delà de 15 ans si gastrec-
tomie des 4/5e.
16. Recherche et supplémentation d’une anémie par carence en vitamine B12 si gastrectomie
totale.
1. Un régime riche en fruits et légumes a un effet protecteur pour le cancer gastrique. Cet effet
pourrait être lié à la vitamine C.
2. La consommation de sel en grande quantité augmente le risque de cancer gastrique.
3. Le tabac majore le risque de cancer gastrique.
4. Les biopsies doivent être multiples et profondes pour ne pas passer à côté d’une forme diffuse
(ou linite).
5. Tumeur de Krükenberg : correspond à une métastase ovarienne d’un adénocarcinome gas-
trique.
6. Penser à rechercher une infection à Helicobacter pylori, la traiter et éradiquer HP dans l’entou-
rage.
7. Ne pas oublier de rechercher les cas familiaux. Une consultation d’oncogénétique doit être
proposée s’il existe dans une famille au moins deux cas de cancer gastrique de type diffus chez
des apparentés au premier ou au deuxième degré, dont un cas diagnostiqué avant 50 ans, ou bien
trois cas chez des apparentés de premier ou deuxième degré quel que soit l’âge pour rechercher
une mutation constitutionnelle de CDH1 ou en cas d’histoire familiale évoquant un syndrome de
Lynch.
8. La chimiothérapie péri-opératoire est le traitement de référence de la plupart des cancers gas-
triques opérables.
9. Une surveillance endoscopique est justifiée en cas de gastrite atrophique sévère.
10. En cas de splénectomie, ne pas oublier l’antibioprophylaxie par pénicilline G et vaccinations
contre le pneumocoque, l’Haemophilus influenzae B, le méningocoque et la grippe.
11. En cas de gastrectomie totale, ne pas oublier la supplémentation en vitamine B12.
C hapitre 14
Tumeurs du foie,
primitives et secondaires
Pr Michel Ducreux1, Pr Serge Evrard2, Pr Françoise Mornex3, Pr Michel Rivoire4
1
Service d’Oncologie Digestive, Institut Gustave Roussy, Villejuif
2
Groupe des Tumeurs Digestives, Institut Bergonié et Université de Bordeaux, Bordeaux
3
Département de Radiothérapie Oncologique, Centre Hospitalier Lyon Sud, Lyon
4
Unité de Chirurgie Digestive, Centre Léon Bérard, Lyon
1. La démarche diagnostique
Figure 1. Métastase hépatique d’un cancer du côlon à l’échographie avec injection de produit de contraste
1.4. Biopsie
yy Le plus souvent écho-guidée ou scanno-guidée.
yy Elle est nécessaire quand la séquence d’imagerie ne permet pas de retenir un diagnostic formel.
yy Elle est médico-légale pour déclencher un traitement oncologique comme une chimiothérapie, une radiothérapie
sauf dans certains cas particuliers de carcinome hépatocellulaire (voir plus loin).
yy On peut s’en passer si une indication chirurgicale est retenue d’emblée car elle va entraîner une vérification patho-
logique a posteriori.
yy On peut s’en dispenser dans le cadre d’un raisonnement uniciste. Par exemple, un patient présente plusieurs
lésions en cocarde dans le cadre du suivi d’un cancer colorectal avec une élévation de l’ACE. La biopsie ne sera le
plus souvent pas jugée nécessaire pour déclencher un traitement spécifique.
yy La biopsie est strictement contre-indiquée en cas de suspicion de kyste hydatique. Elle laisse place à l’enquête
épidémiologique et sérologique.
3.1.2. Imagerie
yy L’échographie permet souvent une première approche. Elle est toutefois opérateur dépendant. Les images sont
typiquement décrites en cocardes.
yy Le scanner spiralé est l’examen de base. S’il existe des différences en fonction des étiologies, globalement les
métastases apparaissent hypodenses, ne se rehaussant pas au temps artériel.
yy L’IRM est nécessaire en cas de doute persistant, pour rechercher de plus petites lésions qui n’auraient pas été
vues au scanner et surtout après chimiothérapie où le scanner devient moins performant. L’IRM est globalement
plus sensible pour les lésions hépatiques et apporte des éléments de caractérisation souvent utiles (diagnostic de
carcinome hépato-cellulaire, diagnostic différentiel tumeur bénigne versus métastase dans le suivi d’un cancer
opéré) (Figure 3).
yy Le TEP-TDM au FDG n’est indiqué que si son résultat peut modifier la décision thérapeutique. Il est plus utilisé
pour rechercher des métastases extra-hépatiques qu’intra-hépatiques.
3.2.1.1. Épidémiologie
yy En France : rare, il survient après 45 ans et a touché 9 500 patients en 2015, soit 2 % de l'ensemble des cancers,
incidence annuelle de 10 pour 100 000 chez l’homme et 2 pour 100 000 chez la femme (sexe-ratio = 6). Il induit
2 300 décès annuels.
yy Développé principalement sur cirrhose éthylique. L’incidence croit en raison de l’infection à virus C, mais devrait
diminuer à partir de 2020 en raison du traitement disponible.
yy En revanche, des carcinomes hépatocellulaires sur stéatose hépatique non alcoolique (NASH) dans le contexte
d’un syndrome dysmétabolique apparaissent en raison de l’incidence croissante du surpoids dans la population.
yy Le carcinome hépatocellulaire représente 80 % des tumeurs primitives du foie. Il est très fréquent en Afrique
Noire et en Asie : jusqu’à 150 cas pour 100 000, développé sur cirrhose post-hépatite B le plus souvent.
3.2.1.2. Diagnostic clinique
yy Facteurs prédisposants
La cirrhose hépatique, qu’elle soit d’origine alcoolique ou due au virus C, comme en Europe le plus souvent, ou
d’origine virale (hépatite B surtout mais aussi hépatite C) comme en Afrique ou en Asie. Mais aussi sur cirrhose
d’autres origines, en particulier hémochromatose, mais aussi sur cirrhose biliaire primitive et maintenant sur
NASH.
Rôle possible des toxines alimentaires, comme l’aflatoxine (farines, arachides) ou la lutéoskyrine (riz).
yy Physiopathologie
Il faut distinguer les carcinomes hépatocellulaires survenant sur cirrhose ou sans cirrhose préexistante :
–– Sans cirrhose, le mécanisme le mieux connu concerne le virus de l’hépatite B qui est un virus à ADN. Le
génome du virus est capable de s’intégrer à l’ADN de la cellule hépatique du patient infecté entraînant des
modifications génétiques conduisant au cancer (plus ou moins rapides en fonction de l’emplacement de l’ADN
où le génome viral s’est intégré). L’aflatoxine donne également des carcinomes hépatocellulaires sur foie sain
en provoquant des mutations de p53.
–– Sur cirrhose, les mécanismes impliqués sont moins bien connus et multiples. Les phénomènes de nécrose/
régénération semblent impliqués ; il existe également des altérations des mécanismes de réparation de l’ADN.
yy Symptomatologie, examen clinique
–– Les signes fonctionnels ou généraux sont au premier plan : douleurs abdominales, troubles digestifs, fièvre,
altération de l’état général.
Toute image nodulaire sur cirrhose est un CHC jusqu’à preuve du contraire.
yy Dosage de l’alpha-fœto-protéine
–– Seul marqueur en cancérologie digestive qui a une certaine valeur diagnostique quand il est supérieur
à 400 ng/mL sur foie cirrhotique (mais ne suffit pas à porter le diagnostic de CHC).
–– Normal dans 30 % des cas, n’élimine pas le diagnostic.
yy Examen de débrouillage : l’échographie
–– Montre un nodule sur un foie cirrhotique, une extension de ce nodule obstruant la veine porte.
–– Recherche des nodules filles. Elle évalue la possibilité de réaliser une biopsie.
yy L’examen suivant est le scanner thoraco-abdomino-pelvien
–– Réalisation d’un temps artériel, un temps portal, un temps tardif.
–– Mise en évidence des signes évocateurs de CHC : nodule hypo ou iso-dense rehaussé au temps artériel et se
lavant au temps portal et tardif (wash-out) (Figure 4).
–– Permet le bilan d’extension à distance, reste du foie, vaisseaux portes (Figure 5) et veines sus-hépatiques,
poumon, ganglions loco-régionaux, os.
yy L’IRM est ensuite systématique sauf si la maladie est déjà caractérisée comme métastasée ou avec une contre-indi-
cation évidente à un traitement, compte tenu d’un état général altéré ou d'une fonction hépatique trop perturbée.
–– Caractérise plus précisément les lésions hépatiques, en particulier un aspect typique d’angiome.
–– Le CHC est habituellement en hyposignal/isosignal T1, se rehaussant à l’injection de gadolinium puis à
nouveau en hyposignal au temps tardif (confirmant le wash-out) (Figure 6).
yy L’examen anatomo-pathologique d’une biopsie hépatique n’est pas obligatoire pour affirmer le diagnostic si :
–– patient cirrhotique et un examen d’imagerie (scanner ou IRM) évocateur, critères suffisants pour affirmer le
diagnostic de CHC, biopsie dans les autres cas ;
–– décision de transplantation sur nodule apparu sur cirrhose à fonction hépatique perturbée.
< 1 cm ≥ 1 cm
Image
hypervascularisée
Stabilité
avec wash-out
Non Oui
Augmentation
diamètre/modification
d’aspect
Autre examen Ou PBH
(TDM/IRM)
CHC
Ref : Blanc JF, Barbare JC, Boige V, Boudjema K, Créhange G, Decaens T, Farges O, Guiu B, Merle P, Selves
L, Trinchet JC. «Carcinome hépatocellulaire». Thésaurus National de Cancérologie Digestive, juin 2015, en
ligne [http://www.tncd].
yy Prélèvements hépatiques : par ponction biopsie hépatique échoguidée, ou guidée par scanner ou per-opératoire.
En foie tumoral et en foie sain si cirrhose non connue, afin de préciser l’état du parenchyme hépatique non tumo-
ral. Après contrôle de l’hémostase, chez un patient informé des risques (saignement, ensemencement tumoral du
trajet de ponction).
yy La TEP-FDG ou mieux la TEP-choline : dans le cas d’une localisation hépatique isolée, peut aider à faire le
diagnostic différentiel entre une métastase hépatique, un cholangiocarcinome et une tumeur bénigne (rarement
utilisée).
Biologie pré-thérapeutique
yy En cas de transplantation hépatique : bilan exhaustif prétransplantation.
yy En cas de cirrhose :
–– Bilan étiologique si non fait.
–– Endoscopie digestive haute à la recherche de varices œsophagiennes.
–– NFS et électrophorèse des protéines sériques.
Classification de la cirrhose : score de Child-Pugh et score anatomo-pathologique (score de Knodell ou Métavir en
cas d’hépatite C).
1 seul nodule yyTransplantation hépatique si lésion < 5 cm, quel que soit le stade Child-Pugh.
yyChirurgie d’exérèse si Child-Pugh A.
yyTechniques transcutanées si Child-Pugh A-B et lésion < 5 cm.
yyChimio-embolisation si Child-Pugh A-B.
yyRadiothérapie en conditions stéréotaxiques.
CHC MÉTASTATIQUE
yyLe sorafenib (Nexavar®) a démontré son intérêt en termes de survie globale en première ligne de traitement du CHC
sur cirrhose stade A-B de Child-Pugh ou sur foie sain. Le regorafenib (Stivarga®) va être probablement accepté en 2017
comme traitement de seconde ligne après échec du sorafenib.
yyTraitement symptomatique dans les autres cas de figure.
3.2.1.10. Résultats
yy Survie à 5 ans : < 20 % en cas de résection chirurgicale (apparition d’autres CHC sur le foie restant). Meilleurs
résultats pour la transplantation : 75 % environ de survie à 5 ans dans les bonnes indications.
POINTS CLÉS
1. Les examens d’imagerie ont des intérêts différents :
–– l’échographie dépiste ou débrouille ;
–– le scanner fait le diagnostic mais est surtout indispensable pour le bilan d’extension ;
–– l’IRM est l’examen diagnostique de référence ;
–– le TEP-TDM sert surtout à éliminer d’autres lésions qu’hépatiques pouvant interférer avec le
traitement (si pas de modification du traitement possible, pas de TEP-TDM).
2. En l’absence de certitude diagnostique, la biopsie a le dernier mot pour déclencher un traite-
ment spécifique.
3. Le foie concentre de nombreuses métastases dont il faut connaître toutes les origines poten-
tielles.
4. La connaissance de la maladie hépatique sous-jacente est essentielle pour le diagnostic et le
traitement d’un hépatocarcinome sur cirrhose.
1. Proposer une ponction diagnostique d’un abcès pour lequel l’origine hydatique n’a pas été
éliminée par une sérologie est une faute grave qui coûtera cher dans un dossier.
2. La démarche uniciste qui consiste à relier sans biopsie une ou des lésions hépatiques appa-
rues après un diagnostic de tumeur primitive autre n’est pas frappée dans le marbre pour tous les
auteurs ; notamment le délai admissible entre les deux diagnostics. Dans le doute, ne pas hésiter
à proposer une biopsie.
3. Si le traitement du carcinome hépatocellulaire n’est pas au programme, sa prévention repose
sur des interventions utiles qu’un médecin généraliste doit connaître.
C hapitre 15
Tumeurs de l’œsophage
Pr Pierre-Emmanuel Colombo1, Dr Julien Edeline2, Dr Jérome Doyen3, Dr Stéphanie Servagi Vernat4
1
Département de Chirurgie oncologique, ICM Val d’Aurelle, Montpellier
2
Service d’Oncologie digestive, Centre Eugène Marquis, Rennes
3
Service de Radiothérapie, Centre Antoine Lacassagne, Nice
4
Service de Radiothérapie, Institut Jean Godinot, Reims
1. Épidémiologie
1.1. Épidémiologie descriptive
1.2. Formes histologiques
OBJECTIFS iECN
1.3. Épidémiologie analytique : facteurs de risque et
lésions précancéreuses ÎÎ Tumeurs de l'œsophage
2. Histoire naturelle –– Diagnostiquer une tumeur de l'œsophage
3. Diagnostic d’un cancer de l’oesophage
3.1. Circonstances de diagnostic
3.2. Diagnostic de certitude
4. Bilan pré-thérapeutique
4.1. Examen clinique
4.2. Les examens complémentaires du bilan
d’extension
4.3. Classification TNM des cancers de l’œsophage
4.4. Bilan d’état général et d’opérabilité ++
5. Particularité des tumeurs de la jonction Mots clés : Cancer de l’œsophage – Dysphagie
œsogastrique organique – Carcinome épidermoïde –
6. Prise en charge thérapeutique Adénocarcinome – Panendoscopie des VADS –
6.1. Règles générales Dénutrition – Alcool – Tabac – Radio-chimiothérapie
6.2. Présentation des différents traitements – Opérabilité – Comorbidité.
6.3. Traitements : arbre décisionnel
6.4. Effets indésirables des traitements
6.5. Prise en charge nutritionnelle
6.6. Surveillance
1. Épidémiologie
Le cancer de l’œsophage est une tumeur d‘incidence relativement faible, de mauvais pronostic, touchant plus
particulièrement les hommes de plus de 50 ans.
1.1.2. En France
yy L’incidence est en diminution progressive depuis 30 ans avec environ 4 550 nouveaux cas diagnostiqués chaque
année (données 2015).
yy L’incidence est relativement faible par rapport aux autres cancers : 15e cancer solide, il représente 2 % des cancers
et 10 % des cancers digestifs.
yy L’incidence est en diminution chez les hommes alors qu’elle est stable ou en légère augmentation chez les
femmes.
yy Malgré cette diminution, la fréquence reste relativement élevée en France par comparaison aux autres pays euro-
péens. On observe une variabilité régionale importante avec une incidence plus élevée dans le nord et le nord-
ouest du pays (Bretagne et Normandie ++). Néanmoins, c’est dans ces régions que la baisse d’incidence est la plus
importante (liée à la diminution de la consommation d’alcool).
yy C’est une maladie à prédominance masculine : 75 % des patients atteints sont des hommes (le sexe-ratio est
de 3/1).
yy La majorité des cas sont diagnostiqués après 50 ans. L’âge moyen au diagnostic est de 65 ans pour les hommes
et de 73 ans pour les femmes.
1.1.3. Pronostic
yy Le pronostic général des cancers de l’œsophage est sombre. Il est responsable de 3 320 décès par an (données
2015). Le taux de mortalité a diminué ces dernières années parallèlement au taux d’incidence.
yy La survie globale à 5 ans tous stades confondus est de l’ordre de 10 %-15 %. Ce mauvais pronostic est lié notam-
ment à son extension au diagnostic (> 60 % des cas sont diagnostiqués à un stade localement avancé ou métas-
tatique). La survie reste mauvaise même en cas de stade localisé au diagnostic (taux de survie < 40 % à 5 ans), les
récidives pouvant être locales ou métastatiques. Elle est quasiment nulle à 5 ans en cas de stade métastatique (taux
de survie < 5 % à 5 ans).
1 EBO : Endobrachyoesophage
yy Les autres types histologiques sont rares : tumeurs neuro-endocrines, tumeurs stromales : léiomyome (tumeur
bénigne) ou léiomyosarcomes…
1.3.1.1. L’alcool
yy Lien direct avec la consommation alcoolique avec un risque × 20 en cas d’alcoolisme chronique ;
yy Risque accru pour les alcools consommés chauds.
1.3.1.2. Le tabac
yy Risque × 5 en cas de tabagisme actif.
1.3.1.3. L’association alcool - tabac ++
yy Principal facteur de risque des cancers épidermoïdes ++ ;
yy Synergie du risque cancérigène : le risque est multiplié par 100 !
yy Responsable de 90 % des carcinomes épidermoïdes ;
yy Lien direct entre le risque et l’importance de l’intoxication alcoolo-tabagique.
1.3.2. Adénocarcinome
yy Il provient le plus souvent de la transformation d’un endobrachyœsophage (EBO ou œsophage de Barrett) lui-
même secondaire à un reflux gastro-œsophagien (RGO) chronique.
yy L’adénocarcinome œsophagien est plus fréquent chez les patients en surpoids, obèses et/ou diabétiques de
type 2. Il est alors lié à l’excès alimentaire, aux calories d’origine animale et à l’insuffisance d’activité physique.
yy Le rôle du tabac est discuté dans ce type histologique.
RGO chronique → œsophagite peptique → EBO (= métaplasie, sans dysplasie) → EBO avec dysplasie
bas grade → EBO avec dysplasie de haut grade → dégénérescence en adénocarcinome
2. Histoire naturelle
yy Le cancer de l’œsophage se développe à partir de l’épithélium œsophagien puis a une extension en profondeur
dans la paroi infiltrant progressivement les différentes couches de l’organe jusqu’au tissu médiastinal péri-
œsophagien. L’extension se fait alors vers les structures et organes médiastinaux adjacents (Figures 1a-1b-1c).
Tumeur du tiers-supérieur
Tumeur du tiers-moyen
Pet - scanner
Tumeur du tiers-inférieur
Pet - scanner
yy L’extension est également longitudinale le long de l’organe vers le haut ou le bas (atteinte possible de la jonction
œsogastrique et de l’estomac) avec possibilité de ponts de muqueuse saine.
yy L’extension lymphatique est fréquente vers les ganglions péri-œsophagiens, médiastinaux, puis vers la petite
courbure et la région cœliaque vers le bas ou les ganglions sus-claviculaires ou cervicaux vers le haut.
yy L’extension par voie hématogène avec métastases à distance (poumon, foie, principalement puis os, cerveau…).
yy Le développement de la tumeur entraîne une altération de l’état général et une dénutrition sévère jusqu’à la
cachexie par dysphagie et évolution tumorale. Des infections médiastinales et pulmonaires et des pneumopathies
d’inhalation sont fréquentes (fausses-routes, fistule œso-trachéale ou bronchique). Des hématémèses sont pos-
sibles par rupture d’un gros vaisseau médiastinal.
Toute AEG importante chez un patient alcoolo-tabagique doit faire rechercher un cancer de l’œsophage.
yy Fibroscopie œsogastrique ++
–– Patient à jeun, informé, après vérification du bilan d’hémostase, sous anesthésie locale ou générale.
–– Visualisation de la tumeur œsophagienne : aspect, étendue sur la circonférence, franchissable ou non (une
tumeur non franchissable par l’endoscope est très souvent de stade ≥ T3 selon la classification TNM [voir ci-
dessous]).
–– TOPOGRAPHIE (distance / arcades dentaires), hauteur de la lésion, distance par rapport à la ligne Z
(= jonction des muqueuses œsophagienne et gastrique).
–– Permet la réalisation de biopsies multiples ++ avec examen anatomo-pathologique ++ : type histologique,
grade selon l’OMS, évaluation de l’expression d’HER2 par immunohistochimie (pour les adénocarcinomes de
la jonction œsogastrique métastatiques).
–– Cancers superficiels et dépistage en cas de lésions précancéreuses : le diagnostic est parfois difficile (intérêt des
colorations ++ : bleu et Lugol, colorations virtuelles [NBI = narrow band imaging]).
4. Bilan pré-thérapeutique
C’est une étape primordiale de la prise en charge des cancers œsophagiens, car les modalités du
traitement dépendent de paramètres essentiels que sont le type histologique, l’extension du cancer, l’état
général et nutritionnel et les comorbidités du malade.
Tableau 3. BILAN D’EXTENSION D’UN CANCER DE L’ŒSOPHAGE : INTÉRÊT DES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
3 signes cliniques sont évocateurs de tumeurs localement évoluées ou métastatiques non opérables :
yy Toux à la déglutition ;
yy Dysphonie (voie bitonale) par paralysie de la corde vocale gauche (envahissement du récurrent gauche) ;
yy Adénopathie sus-claviculaire gauche (Troisier).
Signes cliniques
Doute sur une extension métastatique TDM TAP Extension métastatique évidente
Écho-endoscopie
PROJET OPÉRATOIRE ?
TEP-TDM
4.2.3. TEP-TDM
yy Examen non systématique.
yy Non indiqué en cas d’extension métastatique évidente au scanner TAP.
yy Imagerie morphologique et métabolique après injection de FDG marqué au fluor (TEP-TDM au 18-FDG).
yy Participe au bilan d’extension loco-régional (adénopathies médiastinales) et à distance (adénopathies cervicales
et cœliaques, métastases foie, poumon, os…).
M Métastases à distance
N’étant pas directement au programme de l’ECN, les différents éléments spécifiques du traitement des cancers
de l’œsophage sont donnés à titre indicatif.
Néanmoins, il nous a paru important de rapporter les grands principes de la prise en charge, les effets secondaires
des traitements et également les modalités des traitements symptomatiques (cf. items 248 et 291).
Le traitement des cancers de l’œsophage est multidisciplinaire. Il varie en fonction de l’extension, du stade de
la tumeur et également de l’état général du patient.
yy Chaque dossier sera discuté en RCP (réunion de concertation pluridisciplinaire) avant toute prise en charge
thérapeutique :
–– Élaboration du PPS : programme personnalisé de soin remis au patient et adressé au médecin traitant.
–– Information du malade :
➢➢ sur l’histoire naturelle de sa maladie ;
➢➢ sur le rapport bénéfice / risque des actes thérapeutiques ainsi que les alternatives possibles ;
➢➢ dispositif d’annonce médical et infirmier.
–– Une évaluation oncogériatrique sera faite pour tout patient âgé de plus de 70 ans.
6.6. Surveillance
yy Le cancer de l’œsophage est associé à un fort risque de récidive après traitement à visée curative. Cependant, la
plupart des récidives ne sont pas accessibles à un traitement curatif. Pour cette raison, l’intérêt de la réalisation
d’examens complémentaires systématiques est débattu.
yy En plus de la réapparition de symptômes, on s’attachera à vérifier le bon état nutritionnel. Chez les patients pou-
vant bénéficier d’un traitement de rattrapage (reprise chirurgicale, radiothérapie), une surveillance endoscopique
(fibroscopie œsogastrique) et par scanner TAP peut être proposée.
Il conviendra également de dépister un deuxième cancer métachrone (surtout ORL) chez les patients
atteints de cancer épidermoïde (examen ORL annuel).
yy Chez ces patients, la prise en charge s’efforcera également de limiter l’exposition aux facteurs de risque, notam-
ment par les conseils de prise en charge du tabagisme et de la consommation excessive d’alcool.
▶▶ Références
yy Estimation nationale de l’incidence et de la mortalité par cancer en France entre 1980 et 2012. Partie 1 – Tumeurs solides Œsophage
- M. Robaszkiewicz, S. Bara, G. Launoy.
yy G. Lledo, C. Mariette, J.-L. Raoul, L. Dahan, B. Landi,T. Conroy, G. Piessen, D. Tougeron, G. Créhange, V. Lepillez, P. Artru, A. Drouillard, J.-F.
Bosset. « Cancer de l’œsophage ». Thésaurus National de Cancérologie Digestive, 09-2016, [En ligne] http://www.tncd.org
yy Recommandations SNFGE : Diagnostic et surveillance de l’endobrachyœsophage, SFED, 2007 .
yy http://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Les-cancers/Cancers-de-l-oesophage/Le-cancer-de-l-oesophage-points-cles
yy Cancer de l’œsophage, référentiel de l’INCA et de l’HAS, septembre 2011.
POINTS CLÉS
1. Cancer peu fréquent touchant plus particulièrement l’homme, de pronostic péjoratif même
pour les formes localisées.
2. Deux formes cliniques :
–– celle liée à l’alcool et au tabac, entraînant l’apparition de carcinome épidermoïde et qui
nécessite la détection des cancers associés (cancers ORL et pulmonaires) ;
–– celle liée au RGO qui entraîne une œsophagite chronique, qui se complique parfois d’EBO, qui
se complique parfois d’adénocarcinome ; cette forme ne nécessite pas de détection d’autres
cancers.
3. La circonstance de découverte la plus fréquente est la dysphagie d’allure organique.
4. Le bilan initial comprend systématiquement une endoscopie œsogastrique et un scanner tho-
raco-abdominal.
5. Le sevrage alcoolo-tabagique est systématique.
1. Ne pas confondre les 2 formes cliniques qui ont une histologie, un bilan initial et une prise
en charge différents.
2. Les marqueurs tumoraux ne sont pas utiles au diagnostic mais parfois pour le suivi.
3. La prise en charge nutritionnelle est indispensable avant de débuter le traitement étiolo-
gique car ces traitements sont associés à une morbidité et mortalité importantes.
C hapitre 16
Tumeurs de l’ovaire
2
Centre Val d’Aurelle, Montpellier
3
Institut de Cancérologie de l’Ouest, Nantes
4
Centre François Baclesse, Caen
1. Introduction
2. Facteurs de risque
2.1. Facteurs environnementaux OBJECTIFS iECN
2.2. Facteurs de risque familiaux ÎÎ Tumeurs de l’ovaire
3. Dépistage –– Diagnostiquer une tumeur de l’ovaire
4. Présentation clinique
4.1. Symptômes
4.2. Examen clinique
5. Bilan paraclinique
5.1. Imagerie
5.2. Rôle des marqueurs biologiques
6. Diagnostic de certitude
7. Diagnostic différentiel
8. Classification des cancers de l’ovaire et pronostic Mots clés : Oncogénétique – CA 125 – Échographie
8.1. Classification anatomo-clinique – Carcinose péritonéale – Preuve histologique
8.2. Classification histologique
9. Prise en charge
1. Introduction
yy Le cancer de l’ovaire est une tumeur rare (avec 4 400 cas/ an en France). C’est le 7e cancer de la femme. L’inci-
dence est de 15/100 000 femmes. Une femme sur 70 fera un cancer de l’ovaire. C’est la première cause de décès
par cancer gynécologique en France (3 400 décès annuels) et les pays développés.
yy Les cancers épithéliaux de l’ovaire (adénocarcinomes, qui représentent plus de 90 % des cancers de l’ovaire) sur-
viennent le plus souvent chez la femme ménopausée avec un âge moyen de 65 ans au diagnostic. Cependant, les
tumeurs ovariennes peuvent se voir à tout âge de la vie et même dès l’enfance. Les tumeurs dérivées de la lignée
germinale sont généralement rencontrées chez des femmes jeunes.
yy Malgré une diminution de l’incidence de 8 % sur les 10 dernières années et de 1,8 % de mortalité par an, le pro-
nostic des tumeurs épithéliales reste sombre avec un taux de survie à 5 ans de 35 %.
yy Cette gravité est le fait d’un diagnostic souvent tardif (70 % des cas sont diagnostiqués à un stade avancé) et de
l’absence de symptômes spécifiques précurseurs. Il n’y a pas de possibilité de dépistage efficace dans la population
générale.
yy Pourtant, lorsque le diagnostic est précoce (alors que la tumeur est limitée aux ovaires), les chances de guérison
sont réelles avec une survie à 5 ans de l’ordre de 90 %.
yy Les tumeurs germinales sont de meilleur pronostic que les tumeurs épithéliales et le diagnostic est plus souvent
fait à un stade précoce.
yy Il est important devant toute symptomatologie abdominale et/ou pelvienne mal expliquée, de savoir penser au
cancer de l’ovaire et de pratiquer un examen gynécologique approprié complété par une échographie abdo-
mino-pelvienne qui est le maître examen du diagnostic de cette affection.
3. Dépistage
yy Le dépistage de masse n’est actuellement pas préconisé dans le cancer de l’ovaire.
En effet, les moyens de dépistage disponibles (dosage du CA125 et échographie) ne sont pas assez spécifiques
en regard de la faible prévalence du cancer par rapport aux lésions bénignes de l’ovaire. La généralisation des
échographies conduirait à un trop grand nombre d’explorations chirurgicales inutiles (laparoscopie) pour
parvenir à un diagnostic histologique de certitude.
yy Un dépistage est proposé uniquement aux familles à risque lors de la consultation d’oncogénétique, quand une
prédisposition génétique a été détectée chez une femme de la famille atteinte du cancer (ce qui représente 10 à
15 % des cas).
yy La recherche de mutation génétique (essentiellement les gènes BRCA 1 et 2) est systématiquement préconisée
dès le diagnostic pour toutes les patientes présentant un cancer de l’ovaire quel que soit leur âge. Elle est réalisée
avec deux objectifs :
–– rechercher une prédisposition génétique ce qui permet, en cas de positivité, d’informer, d’étendre la recherche
aux autres membres de la famille et de proposer dans certains cas des chirurgies prophylactiques (ablation
préventive des trompes et des ovaires) ;
–– personnaliser le traitement : cette recherche est maintenant recommandée pour les tumeurs épithéliales
de haut grade en raison du développement de nouvelles thérapies (les inhibiteurs de PARP qui ciblent la
réparation de l’ADN en cas de mutation des gènes BRCA). Ces traitements sont indiqués en complément de la
chimiothérapie en situation de rechute.
4. Présentation clinique
4.1. Symptômes
yy Du fait de la situation profonde des ovaires, ces tumeurs peuvent atteindre un volume important avant de
provoquer des symptômes qui sont très variés et ne sont jamais spécifiques. Trois quart des cas sont diagnos-
tiqués à un stade avancé de carcinose péritonéale. Un cortège clinique d’ascite, de masse pelvienne fixée et de
nodules palpables au niveau de la paroi abdominale est très évocateur de cancer de l’ovaire.
yy Les principaux symptômes sont les suivants :
–– des douleurs pelviennes ou abdomino-pelviennes irradiant dans les régions lombaires ou inguinales ;
–– une augmentation progressive du périmètre abdominal pouvant être due au volume tumoral et/ou à de l’ascite ;
–– des saignements ou des pertes génitales anormales ;
–– des troubles dus à la compression des organes adjacents, provoquée par la tumeur plus ou moins enclavée dans
le petit bassin : troubles du transit, syndrome sub-occlusif, dysurie, pollakiurie, plus rarement œdèmes des
membres inférieurs, phlébite des membres inférieurs ou sciatalgie ;
–– une dyspnée en cas d’épanchement pleural concomitant à de l’ascite ;
–– parfois, il s’agit simplement d’un inconfort abdominal associé à une discrète altération de l’état général.
yy Devant une symptomatologie aussi vague et peu caractéristique notamment après la ménopause, il faut savoir
penser au cancer de l’ovaire et procéder à un examen gynécologique.
L’examen clinique à lui seul ne permet pas d’affirmer le caractère malin d’une masse pelvienne
ou annexielle. En revanche, 4 éléments cliniques permettent de fortement l’évoquer :
–– la présence d’une ascite ;
–– la fixité et la dureté aux touchers pelviens ;
–– des nodules palpables de la paroi abdominale, de l’ombilic ou du cul-de-sac de Douglas ;
–– –– l’altération de l’état général.
yy Cas particuliers :
–– En cas de découverte d’une tumeur ovarienne chez une jeune fille ou une jeune femme, il faut penser à la
possibilité d’une tumeur de la lignée germinale et faire pratiquer les dosages des marqueurs biologiques
spécifiques de ces affections (cf. 5-3) : α-fœtoprotéine (αFP), hormone gonadotrophine chorionique (HCG) ;
on peut y associer le dosage de la lacticodeshydrogénase (LDH) et de la Neurone Specific Enolase (NSE).
–– Certaines formes rares développées à partir des cordons sexuels peuvent entraîner des troubles endocriniens
(puberté précoce, troubles des règles, imprégnation œstrogénique anormale en postménopause) et il faudra
faire des dosages appropriés des hormones sexuelles qui peuvent avoir un intérêt diagnostique et dans la
surveillance ultérieure (comme l’inhibine B ou l’AMH).
5. Bilan paraclinique
5.1. Imagerie
5.1.1. Échographie
–Devant
– une masse ovarienne, l’échographie pelvienne est un examen diagnostique clé.
5.1.1.1. Technique
yy Elle doit se faire par voie sus-pubienne à vessie pleine et par voie transvaginale à vessie vide. Elle doit être complé-
tée par une échographie abdominale. Elle peut éventuellement bénéficier de l’apport de l’écho-doppler couleur.
yy Elle permet d’explorer les ovaires et l’utérus, ainsi que la cavité péritonéale, le foie, les reins et dans des circons-
tances favorables les chaînes ganglionnaires rétropéritonéales.
5.1.1.2. Résultats
yy C’est un examen très sensible ; cependant seule l’analyse histologique de la lésion affirmera son caractère bénin
ou malin.
yy L’échographie permet le plus souvent de faire le diagnostic de masse annexielle et de caractériser sa structure :
–– aspect liquidien pur en faveur de kystes ;
–– solide, plus ou moins homogène ;
–– mixte, plus ou moins hétérogène.
yy Le signe majeur en faveur de la malignité est la présence d’irrégularités des parois interne ou externe de la
masse qui peuvent prendre l’aspect de végétations plus ou moins épaisses et plus ou moins confluentes (Figure 1) .
yy L’écho-doppler est intéressant pour explorer la vascularisation du kyste, de ses cloisons et/ou de ses végétations :
la néovascularisation qui accompagne les lésions néoplasiques se caractérise par sa richesse (hypervascularisation)
et la vitesse de circulation sanguine (diminution de la résistivité).
Figure 1. Échographie
yy La constatation de signes suspects, en particulier l’hétérogénéité et les végétations, doit faire compléter l’explo-
ration aux niveaux pelvien et abdominal.
yy L’autre ovaire et l’utérus doivent être examinés, car la bilatéralité des lésions malignes est fréquente et des méta-
stases au niveau de l’endomètre sont possibles.
yy Le cul-de-sac de Douglas doit faire l’objet d’une attention particulière, car du liquide d’ascite peut s’y accumuler
et l’on peut y retrouver des nodules de carcinose.
yy L’exploration abdominale doit être complète et rechercher un épanchement liquidien à l’étage supérieur (rétro-
et sous-hépatique, espace de Morisson) ainsi que des nodules de carcinose au niveau des coupoles diaphragma-
tiques, du péritoine pariétal et de l’épiploon.
yy Le foie doit être examiné ; il est souvent le siège de nodules sur la capsule de Glisson, plus rarement de métastases
intra-parenchymateuses.
yy Les reins sont rarement intéressés ; on recherchera cependant une dilatation de leurs cavités par compression des
uretères pelviens.
yy Enfin, si la morphologie le permet, une exploration des chaînes ganglionnaires rétro-péritonéales peut mettre
en évidence des adénomégalies pelviennes ou lombo-aortiques.
Figure 2. Clichés IRM montrant des masses annexielles solides et liquides se réhaussant après injection
2a. Coupe coronale
Masse solide
Masse liquide
Masse solide
Masse liquide
Masse pelvienne
Nodules de carcinose
Ascite
5.1.3. Scanner
yy Lorsque l’échographie et ou l’IRM sont fortement suspects de malignité, la réalisation d’un scanner thoraco-
abdominal est nécessaire pour le bilan d’extension (Figure 3).
yy Il permet d’apprécier au mieux l’importance et la distribution de la carcinose péritonéale surtout à l’étage supé-
rieur de l’abdomen et d’explorer les chaînes ganglionnaires rétro-péritonéales, pelviennes et lombo-aortiques.
yy Les coupes abdominales hautes permettent d’évaluer l’étendue de l’atteinte sus-mésocolique, en particulier au
niveau de l’espace inter-hépato-diaphragmatique.
yy Les coupes thoraciques complètent le bilan d’extension à la recherche notamment d’un épanchement pleural,
fréquemment associé dans les stades IV, et/ou de ganglions médiastinaux voire sus-claviculaires.
Figure 3. Reconstruction coronale montrant de l’ascite en abondance et des nodules en regard du diaphragme
Nodule
Ascite
Nodules de carcinose
5.1.4. TEP-TDM
yy Le TEP-TDM n’a pas d’indication en routine dans le cadre du diagnostic du cancer de l’ovaire. Il peut être utile
dans le suivi, en cas de suspicion de rechute avec un scanner normal et pour faire le bilan d’extension en cas de
récidive (si une chirurgie est envisagée).
6. Diagnostic de certitude
yy Comme pour tout cancer solide, le diagnostic de certitude est histologique.
yy Dès que le diagnostic de masse annexielle organique est évoqué, une exploration chirurgicale – au minimum
par cœlioscopie – s’impose pour permettre les biopsies et reconnaître une lésion maligne (Figure 4).
Il est essentiel de savoir qu’il existe une CONTRE-INDICATION ABSOLUE à la réalisation d’une biopsie
trans-pariétale ou trans-vaginale d’une masse annexielle suspecte isolée. Elle peut être responsable
d’un risque de dissémination et de propagation ++.
7. Diagnostic différentiel
yy Devant une ascite avec suspicion de carcinose péritonéale, il faut éliminer :
–– une origine tumorale autre que le cancer de l’ovaire (cancer du côlon, cancer de l’estomac, cancer du sein…) ;
–– une ascite transsudative (insuffisance cardiaque ou cirrhose hépatique) ;
–– une tuberculose péritonéale (qui peut se présenter sous la forme d’une miliaire) ;
–– le syndrome de Demons-Meigs qui associe un fibrome ovarien, une ascite réactionnelle et un épanchement
pleural.
yy Dans certains cas, il est difficile de trancher car l’ovaire peut être le siège de métastases secondaires à :
–– un cancer de l’estomac (tumeur de Krükenberg) ou à d’autres cancers digestifs ;
–– un cancer de l’endomètre.
yy Il existe également des carcinoses primitives du péritoine dont l’aspect histologique est identique à celui des carci-
nomes séreux ovariens sans que les ovaires soient vraiment tumoraux. Dans ce dernier cas, la conduite thérapeu-
tique est la même que pour un cancer primitif ovarien.
UE 9 – item 303 I T u m eu r s d e l ’ o va i r e 271
Tumeurs ovariennes
yy La lignée germinale peut être à l’origine de séminomes, de dysembryomes plus ou moins matures et de chorio-
carcinomes ; ces tumeurs surviennent plus volontiers chez la femme jeune.
yy Les tissus de soutien et les thèques sont à l’origine des tumeurs des cordons sexuels et du stroma gonadique
comme les tumeurs de la granulosa, les fibrothécomes ou de tumeurs à cellules de Leydig ou de Sertoli qui sont
souvent responsables d’une sécrétion hormonale anormale.
yy Enfin, l’ovaire peut être le siège de tumeurs secondaires, métastases d’autres cancers.
8.2.1.2. Histoire naturelle
yy Les carcinomes ovariens sont le plus souvent kystiques ou mixtes. Dès que des cellules néoplasiques apparaissent
à la surface de l’ovaire, elles sont susceptibles de « desquamer » dans la cavité péritonéale qu’elles vont rapi-
dement ensemencer au gré des mouvements imprimés à cette cavité par la respiration diaphragmatique. Des
implants tumoraux péritonéaux vont proliférer au niveau de l’épiploon et du péritoine pariétal jusqu’aux coupoles
diaphragmatiques pour constituer une carcinose péritonéale avec ascite (le diagnostic est le plus souvent porté à
ce stade).
yy L’extension se fait également par contiguïté sur les organes pelviens adjacents (utérus, rectum…), par voie lym-
phatique (vers les ganglions pelviens, mais également directement vers la région lombo-aortique et les ganglions
sous-rénaux gauches en suivant les pédicules lombo-ovariens ++).
yy L’extension hématogène est plus rare et tardive dans l’évolution de la maladie (métastases parenchymateuses du
foie, de la rate, de l’encéphale…).
Figure 6. Modifications moléculaires en fonction des sous-types histologiques des cancers de l’ovaire
(et caractère pronostique)
yy .
yy Ainsi les carcinomes séreux de haut grade présentent dans plus de 90 % des cas une mutation du gène P53 et une
inactivation des gènes BRCA1 /2 par mutation ou par hyper-méthylation, alors que les carcinomes séreux de bas
grade présentent plutôt des mutations de Kras, Braf et ERB2. Pour les carcinomes mucineux, on retrouve des
mutations de Kras ; et pour les cancers endométrioïdes des mutations de PI3KCA et de PTEN
9. Prise en charge
yy La prise en charge est pluridisciplinaire : tous les dossiers avec suspicion d’un cancer de l’ovaire doivent être dis-
cutés avant tout acte thérapeutique en réunion pluridisciplinaire incluant des chirurgiens et oncologues médicaux
habitués à la prise en charge de cette pathologie.
yy Évaluer l’étendue de la maladie par l’imagerie, l’exploration chirurgicale et faire un diagnostic histologique
de certitude est indispensable pour décider de la prise en charge. L’objectif est d’obtenir autant que possible
une exérèse chirurgicale complète en lui associant, avant ou après la chirurgie, une chimiothérapie à base de
sels de platine.
POINTS CLÉS
1. Cancer épithélial de l’ovaire, le plus fréquent, de mauvais pronostic du fait d’un diagnostic souvent
tardif.
2. Prédisposition génétique à rechercher chez toutes les femmes âgées de moins de 70 ans présen-
tant un cancer de l’ovaire.
3. Diagnostic clinique difficile. Échographie abdomino-pelvienne : examen initial pour orienter le
bilan.
4. Les symptômes sont généraux, abdominaux, souvent digestifs, une ascite, mais rarement gynéco-
logiques. Il faut y penser devant une symptomatologie abdominale, digestive, une ascite, chez une
femme ménopausée et proposer rapidement une échographie.
5. L’échographie est le premier examen à pratiquer devant une masse ovarienne.
6. Seule une preuve histologique permet le diagnostic.
7. Les classifications anatomo-cliniques, histologiques et cytologiques sont pronostiques, et donc
indispensables dans tous les comptes rendus.
8. Prise en charge pluridisciplinaire spécialisée indispensable comprenant chirurgien, oncologue,
radiologue et anatomo-pathologiste.
C hapitre 17
Tumeurs des os
primitives et secondaires
Pr Jean-Yves Blay1, Pr François Gouin2, Dr Marie-Hélène Vieillard3, Pr Jean-Michel Coindre4, Pr Nicolas Penel5
1
Centre Léon Bérard, Lyon
2
Service Orthopédie, CHU Nantes
3
Service de Rhumatologie, CHRU de Lille
4
Institut Bergonié, Bordeaux
5
Centre Oscar Lambret, Lille
OBJECTIF iECN
Mots clés : Sarcomes – Ostéosarcome – Sarcome
ÎÎ Tumeurs des os primitives et secondaires d'Ewing – Chondrosarcome – Tumeurs bénignes –
–– Diagnostiquer une tumeur des os primitive Métastases – IRM – TDM – Prédisposition génétique.
et secondaire
yy Les cancers osseux primitifs sont rares et rassemblent des types histologiques différents. Leur incidence est
< 0,7/100 000/an. Les tumeurs osseuses primitives bénignes sont plus fréquentes et hétérogènes. Elles peuvent
rarement se transformer en tumeurs malignes.
yy Les tumeurs bénignes ou malignes des os affectent le plus souvent des enfants ou des adolescents et adultes jeunes,
mais peuvent cependant survenir à tout âge.
yy Les facteurs de risque des cancers osseux primitifs sont : une prédisposition génétique (mutation germinale de
Rb, TP53), une radiothérapie antérieure (cancer en territoire irradié), une tumeur bénigne préexistante, isolée ou
dans le cadre d’un syndrome (maladie des exostoses multiples, maladie d’Ollier).
yy Les facteurs de risque de développer des métastases osseuses dépendent de la tumeur primitive.
yy Pour les cancers osseux primitifs ou pour les tumeurs bénignes primitives des os, l’obtention du type anatomo-
pathologique précis est indispensable au choix du traitement.
yy Le diagnostic d’une tumeur osseuse est une des étapes clé de la prise en charge, et doit être réalisé par une équipe
entrainée. L’Institut National du Cancer a labellisé des centres de référence pour la prise en charge clinique des
sarcomes, pour la relecture anatomo-pathologique des sarcomes, et pour la prise en charge des sarcomes osseux
(réseaux NETSARC, RREPS et RESOS). La prise en charge doit se faire dans les centres de ces réseaux.
yy La prise en charge diagnostique comprend l’examen clinique, un bilan d’imagerie adaptée, une biopsie par une
équipe entraînée. Une procédure diagnostique inadéquate peut conduire à une réduction importante des chances
de guérison, ou imposer une chirurgie mutilante.
UE 9 – item 304 I T u m eu r s des os primitives et secondaires 277
1. Épidémiologie
2.2. Ostéosarcome
yy Les ostéosarcomes sont des sarcomes osseux qui produisent une matrice ostéoïde anormale (Figure 3).
yy L’ostéosarcome peut affecter tous les os mais survient principalement sur les os longs, au niveau de la méta-
physe. Chez l’adolescent, il survient le plus souvent, « près du genou et loin du coude », sur l’extrémité inférieure
du fémur, l’extrémité supérieure du tibia, l’extrémité supérieure de l’humérus. Les ostéosarcomes peuvent cepen-
dant affecter tous les os longs et tous les os plats.
yy Les ostéosarcomes sont le plus souvent (90 %) des cancers de haut grade histologique, avec un risque métas-
tatique élevé en l’absence de traitement par chimiothérapie (80 % de risque de rechute métastatique sans chimio-
thérapie).
yy 10 % des ostéosarcomes sont de bas grade histologique. Leur risque de rechute métastatique est limité (les ostéo-
sarcomes de bas grade sont traités habituellement par chirurgie seule).
yy Le traitement classique des ostéosarcomes de haut grade comporte plusieurs cures de chimiothérapie néo-adju-
vante (c'est-à-dire avant la chirurgie radicale) avant l’intervention chirurgicale : l’examen histologique effectué sur
la pièce de résection de la tumeur permet de déterminer le pourcentage de cellules tumorales résiduelles viables
après chimiothérapie, ce qui est un facteur pronostique majeur.
yy Sur le plan moléculaire, les ostéosarcomes présentent fréquemment des mutations de p53 et/ou Rb, ainsi que de
multiples anomalies génomiques encore mal comprises.
yy Le sarcome d'Ewing peut affecter tous les os mais survient plus souvent que l’ostéosarcome sur les os plats,
bassin, vertèbre, omoplate. Sur les os longs, il peut avoir une topographie diaphysaire ou métaphysaire. Le sar-
come d'Ewing peut affecter cependant tous les os longs et tous les os plats.
yy 30 % des sarcomes d'Ewing surviennent dans les parties molles ou dans les viscères. Leur examen histologique
et leur traitement sont les mêmes quel que soit la topographie de la tumeur primitive.
yy Les sarcomes d'Ewing sont toujours des cancers de haut grade histologique, avec un risque métastatique élevé
en l’absence de traitement par chimiothérapie (80 % de risque de rechute métastatique sans chimiothérapie).
yy Sur le plan moléculaire, les sarcomes d'Ewing présentent une translocation spécifique caractéristique, qui est
un outil diagnostique. Cette translocation (11, 22) juxtapose le gène EWS et un gène appelé Fli1, donnant lieu
à un gène codant pour un facteur de transcription anormal. Cette anomalie génomique est caractéristique et est
utilisée à visée diagnostique (FISH ou PCR). De nombreuses translocations variantes sont décrites : certaines sont
associées à un pronostic différent.
yy Le traitement classique des sarcomes d'Ewing, comme pour les ostéosarcomes, comporte plusieurs cures de
chimiothérapie néo-adjuvante avant l’intervention chirurgicale : l’examen histologique effectué sur la pièce de
résection de la tumeur permet de déterminer le pourcentage de cellules tumorales résiduelles après chimiothéra-
pie, ce qui est un facteur pronostique majeur. C’est une tumeur sensible à la radiothérapie qui peut, dans certains
cas, être proposée.
2.4. Chondrosarcome
yy Les chondrosarcomes sont des sarcomes osseux qui produisent une matrice cartilagineuse anormale (Figure 5).
yy Le chondrosarcome peut affecter tous les os mais survient principalement sur les os plats (bassin, vertèbres,
omoplates, l’extrémité supérieure du fémur et de l’humérus).
yy Les chondrosarcomes sont beaucoup plus hétérogènes que les ostéosarcomes : on distingue les chondrosar-
comes de grade 1, 2, et 3, et des formes rares (dédifférenciés, mésenchymateux, myxoïdes). Leurs pronostics
respectifs sont totalement différents.
yy Ils peuvent survenir sur une tumeur bénigne pré-existante : maladie exostosante (ou exostoses multiples),
enchondromes multiples (ou maladie d’Ollier) sont les plus fréquentes.
yy Les chondrosarcomes sont le plus souvent (70 %) des cancers de bas grade histopronostique avec un risque
métastatique très faible. L’examen histologique permet parfois difficilement de le distinguer d’un enchondrome,
tumeur bénigne dont la topographie est similaire.
yy Le diagnostic des chondrosarcomes de grade 1 repose sur des critères histologiques, mais aussi cliniques (dou-
leurs) et radiologiques (érosions corticales). Douleurs et érosions corticales les distinguent des tumeurs cartilagi-
neuses bénignes.
yy Très rarement les chondrosarcomes surviennent en dehors des os, dans les tissus mous ou les viscères.
yy Sur le plan moléculaire, les chondrosarcomes présentent des mutations très différentes selon les sous types his-
tologiques et le grade (mutations IDH1 et 2, p53, translocations…).
yy Sur le plan thérapeutique ces tumeurs sont peu ou pas sensibles à la chimiothérapie et à la radiothérapie. Leur
traitement repose donc essentiellement sur la chirurgie.
yy L’anamnèse identifie l’absence d’antécédent de cancer (un antécédent de cancer n’exclut pas une tumeur pri-
mitive osseuse).
yy Le tableau clinique évocateur doit conduire à un bilan sans délai.
yy L’examen radiologique simple doit être le premier examen.
yy Il est recommandé de rechercher d’éventuels documents radiologiques antérieurs.
yy La biopsie ne doit être entreprise qu’après avis d’une RCP spécialisée dans les tumeurs osseuses et des parties
molles.
Noter la topographie métaphysaire, l’ostéolyse mal limitée, la rupture corticale, et l’envahissement des parties
molles adjacentes (6 a et 6 b) ainsi que l’image en feu d’herbe qui correspond à un tissu ostéoïde tumoral dans les
parties molles (6 b), bien visible sur la pièce de résection (6 c).
L’aspect radiologique est ici caractéristique avec épaississement cortical et élargissement du canal médullaire, appo-
sitions périostées (dépôts de couches parallèles au cortex : aspect en bulbe d’oignon).
yy Aucun dosage de marqueur tumoral n’est indiqué pour le diagnostic (ou l’évaluation pronostique). Les hyper-
calcémies sont exceptionnelles en cas de tumeur osseuse primitive (contrairement aux métastases osseuses).
yy Une NFS et CRP peuvent être pratiquées s’il existe un doute avec une ostéite ou une ostéomyélite, diagnostic
différentiel des tumeurs osseuses primitives.
yy Il sera complété après réception de l’examen histologique en fonction de la nature de la maladie.
yy Une biopsie mal réalisée peut affecter les chances de chirurgie conservatrice du fait de la contamination régio-
nale et augmenter les risques de rechute locale et métastatique.
yy La biopsie est indispensable : aucun traitement ne peut être entrepris sans diagnostic histologique.
yy Les prélèvements histologiques doivent être fixés dans le formol. Une partie peut être congelée pour analyse
moléculaire.
À NE PAS FAIRE : L'enclouage ou la mise en place de matériel orthopédique (vis, plaque) sur un os fracturé
suspect de tumeur osseuse primitive est absolument proscrit, car il expose à la contamination loco-régionale
et/ou de tout l’os. Un tel geste majore le risque de rechute et peut contraindre à une amputation ou une
désarticulation pour un cancer primitif qui aurait été candidat à un traitement conservateur du membre.
5. Bilan pré-thérapeutique
T2 Tumeur de plus de 8 cm
M1 Présence de métastase(s) :
M1a : Pulmonaires exclusives
M1b : Autres sites
Grade histologique
Gx Grade histologique non évaluable
Stade IA T1 N0 M0 G1, 2
Stade IB T2 N0 M0 G1, 2
Examen radiologique, biopsie première, et analyse du dossier en RCP avant biopsie si possible sont
les éléments clés de la prise en charge des cancers primitifs des os.
C hapitre 18
Tumeurs du pancréas
Pr Thierry Conroy1, Pr Jean-Marc Régimbeau2, Pr Michel Ducreux3
1
Département d’Oncologie médicale, Institut de Cancérologie de Lorraine, Vandœuvre-lès-Nancy
2
Département de chirurgie digestive, CHU d’Amiens
3
Département de Médecine Oncologique, Institut Gustave-Roussy, Villejuif
yy Le terme « tumeurs du pancréas » comprend les tumeurs bénignes ou malignes, solides ou kystiques, développées
à partir du tissu exocrine ou endocrine.
yy Les tumeurs neuro-endocrines (TNE) sont le plus souvent bénignes et hautement curables.
yy Parmi les cancers, 2 groupes bien distincts sont définis : les TNE malignes (2-4 %) et les tumeurs issues du pan-
créas exocrine (95 %), dominées par l’adénocarcinome canalaire.
1.1.2. En France
yy 6e cancer le plus fréquent ; 4e cause de décès par cancer chez la femme et 5e chez l’homme.
yy Estimation 2015 : 11 300 nouveaux cas.
yy Incidence : + 3 % par an depuis 1980 (Figure 1), + 250 % entre 1980 et 2012.
yy Âge médian au diagnostic : 71 ans.
yy Sexe-ratio de 1,1 (prédominance masculine).
yy Survie nette à 5 ans : 7 à 8 % pour la période 2005-2010 (INVS).
Incidence Mortalité
1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010
Année Année
20 30 40 50 60 70 80 90
Âge en 2012
yy Tabagisme : 1re cause du cancer du pancréas (qui explique 20 % des cas), avec un risque relatif (RR) de 1,74 pour
le fumeur et de 1,20 pour les anciens fumeurs.
yy Obésité : un BMI > 30 kg/m2 est associé à un RR de 1,72.
yy Pancréatite chronique : le risque de transformation néoplasique augmente avec la durée de la pancréatite (RR
14,4). Le risque est encore plus élevé en cas de pancréatite chronique héréditaire et est potentialisé par le tabac.
yy Diabète de type 2 : RR 1,12. Le diabète de type 1 n’est pas un facteur de risque.
yy Hépatite B : facteur de risque possible, à confirmer.
yy Facteurs alimentaires et alcool : pas de rôle démontré hors obésité et pancréatite chronique.
yy Facteurs protecteurs : activité physique, groupe sanguin O, antécédents personnels allergiques.
yy Formes à prédisposition familiale : environ 10 %. Mutations constitutionnelles prédisposantes :
–– gène BRCA2 (plus rarement BRCA1) associé au cancer du sein et de l’ovaire ;
–– mésappariement des gènes de réparation de l’ADN (syndrome de Lynch) ;
–– gène CDKN2a (mélanome malin familial syndrome FAMMM) ;
–– gène de l’ataxie télangiectasie ;
–– gène STK11 (syndrome de Peutz-Jeghers) ;
–– gènes PRSS1 ou PRSS2, SPINK1 et pancréatites chroniques héréditaires.
1.3. Cancérogenèse
yy Les précurseurs reconnus du cancer du pancréas sont :
–– les néoplasies intra-épithéliales pancréatiques (PanINs), progressant d’un bas grade PanIN1 à un haut grade
PanIN3 ;
–– les tumeurs intra-canalaires papillaires et mucineuses du pancréas (TIPMP) ;
–– et les tumeurs mucineuses kystiques.
yy Ces lésions sont susceptibles de progresser vers un cancer invasif, suite à l’accumulation de mutations dans les
gènes KRAS (> 90 % des cas), TP53, p16/CDKN2a et SMAD4. Les classifications moléculaires proposant des sous-
types de cancer du pancréas restent à valider.
1.5.1. Symptômes
yy Le diagnostic est le plus souvent tardif ; la symptomatologie diffère selon le siège de la tumeur.
yy Douleur :
–– signe révélateur le plus fréquent (70-75 %) ;
–– souvent de type solaire, transfixiante, insomniante et favorisée par le décubitus (tumeur du corps) ;
–– elle témoigne d’un envahissement des plexus nerveux cœliaques ;
–– elle peut se projeter sous les côtes et parfois uniquement dans le dos (certains patients consultent d’abord un
rhumatologue).
yy Ictère :
–– présent au diagnostic une fois sur deux ; il révèle la plupart des tumeurs de la tête ;
–– « nu », sans fièvre, ni colique hépatique (diagnostic différentiel avec la lithiase biliaire) ;
–– cholestatique, avec urines foncées et selles décolorées, puis prurit et lésions de grattage ;
–– lentement progressif, il évolue sans rémission ;
–– il peut évoluer vers une angiocholite (fièvre, frissons, septicémie).
yy Altération de l’état général : anorexie, fatigue, amaigrissement souvent rapide et important. L’origine est multi-
factorielle : anorexie, douleurs, ictère, production de cytokines, diabète et stéatorrhée. Un avis nutritionnel ou
diététique doit être demandé.
yy Autres symptômes :
–– phlébites migratrices et récidivantes et embolies pulmonaires ;
–– vomissements, en particulier par sténose duodénale. Obstruction digestive haute parfois révélatrice ;
–– pancréatite aiguë révélatrice (1-5 % des cas) ;
–– diarrhée avec ou sans stéatorrhée ;
–– syndrome dépressif ou anxiété fréquemment associés. Prise en charge adaptée à prévoir ;
–– douleurs, occlusion révélatrices de métastases (foie, péritoine…) ;
–– par hasard à l’occasion d’un examen d’imagerie, ou lors de la surveillance d’une lésion kystique du pancréas.
1.6.1. Biologie
1.6.1.1. Marqueurs tumoraux
yy Il n’existe pas de marqueur tumoral permettant le dépistage ou le diagnostic.
yy CA 19-9 : valeur pronostique
–– sialoglycoprotéine onco-fœtale, c’est un déterminant antigénique du groupe sanguin Lewis a.
3 à 7 % de la population est Lewis a- b- et ne peut synthétiser le CA 19-9 (qui est alors toujours négatif) ;
–– valeur normale < 37 U/ml ;
–– sensibilité 81 % ;
–– spécificité 90 % et faible valeur prédictive positive ; il existe de nombreux faux positifs :
➢➢ autres adénocarcinomes (voies biliaires, estomac, côlon-rectum et mucineux de l’ovaire) ;
➢➢ hémochromatose, diabète, pancréatites, mucoviscidose (généralement < 100 U/ml) ;
➢➢ cholestase y compris bénigne (hépatite, lithiase biliaire, cirrhose). Le dosage doit donc être répété après
résolution d’une hyperbilirubinémie.
–– un taux élevé de CA 19-9 a une valeur pronostique défavorable. Il n’y a pas de consensus sur une valeur seuil
qui exclurait une exérèse chirurgicale, bien qu’une valeur élevée (> 400 U/mL ?) soit prédictive d’évolution
métastatique précoce. Il est corrélé à la masse tumorale en cas de maladie métastatique.
1.6.1.2. Bilan biologique
yy Cholestase : élévation de la bilirubine totale, libre et conjuguée, des phosphatases alcalines et des γGT, en cas de
cancer obstructif de la tête.
yy Lipase et amylases : pas d’intérêt sauf si pancréatite révélatrice.
yy Hyperglycémie : 15 à 50 % des cas.
yy Syndrome inflammatoire.
yy Coagulation (taux de prothrombine TP, TCA, taux de plaquettes) : TP abaissé en cas de cholestase prolongée
(coagulation à vérifier et normaliser avant toute biopsie ou geste interventionnel).
yy Créatininémie, clairance calculée (avant scanner).
yy Préalbumine et albuminémie pour évaluer la dénutrition.
Une dénutrition sévère est définie par une perte de poids supérieure à 15 % du poids de référence en 6 mois ou
supérieure à 10 % en un mois ou, sur le plan biologique, par un taux d’albuminémie inférieur à 25 g/l ou de préal-
bumine inférieur à 50 mg/l. En cas d’ictère avec dénutrition, il faut réaliser un drainage biliaire pré-opératoire et une
renutrition avant la chirurgie.
1.6.2. Imagerie
1.6.2.1. L’échographie abdominale
yy Examen d’imagerie de 1re intention, elle est opérateur dépendant, et donc non recommandée isolément.
yy Sensibilité : 55 à 90 %. Ininterprétable dans 20 % des cas (obésité, interposition digestive). Sa normalité n’exclut
pas le diagnostic de cancer du pancréas.
yy Signes échographiques de cancer :
–– tumeur = formation hypoéchogène, à contours flous, déformant ou non les contours de la glande, rarement
avec partie kystique ;
–– signes indirects : dilatation de l’ensemble des voies biliaires intra et extra-hépatiques, grosse vésicule (une fois
sur deux), dilatation du canal de Wirsung > 2 mm, adénopathies, ascite, métastases hépatiques, thrombose
portale.
yy Principales limites de l’échographie :
–– tumeurs < 2 cm ;
–– tumeurs de la queue ;
–– lésions diffuses à tout le pancréas.
1.6.2.2. TDM TAP
Le scanner TAP (avec protocole pancréas) est l’examen indispensable pour le diagnostic et le bilan d’extension.
yy Objectifs :
–– évoquer le diagnostic de cancer du pancréas ;
–– effectuer le bilan d’extension à distance et le bilan loco-régional pour évaluer la résécabilité R0.
1.6.2.3. Echo-endoscopie
yy Examen de 2e ou 3e intention, opérateur-dépendant, et nécessitant une sédation.
yy Impossible en cas de sténose digestive infranchissable ou d’antécédent de gastrectomie partielle.
yy Sensibilité : 72 %.
yy Spécificité : 90 % pour les tumeurs T1-T2 ; c’est le meilleur examen pour les tumeurs < 2 cm et pour le diagnostic
d’envahissement ganglionnaire.
yy Elle aide à préciser l’envahissement vasculaire si le scanner est douteux.
yy Surtout utilisée pour obtenir une preuve cytologique ou histologique par cytoponction transgastrique ou trans-
duodénale d’une tumeur non-résécable.
T – Tumeur primitive
Tis Carcinome in situ
T1 Tumeur ≤ 2 cm
T1a Tumeur ≤ 0,5 cm
T1b Tumeur > 0,5 cm et < 1 cm
T1c Tumeur > 1 cm et ≤ 2 cm
T2 Tumeur > 2 cm et ≤ 4 cm
T3 Tumeur > 4 cm
N – Adénopathies régionales
M – Métastases à distance
M0 Pas de métastase à distance
1.9. Anatomo-pathologie
yy Aspect macroscopique :
–– Nodule mal limité, induré, scléreux, pouvant déformer les contours de la glande.
–– Le pancréas d’amont peut être le siège d’une pancréatite ou de lésions de type PanIN.
yy Aspect microscopique :
–– Adénocarcinome canalaire ou ductal (90 % des cas). Les cellules tumorales expriment les cytokératines 7 et
19, mais la cytokératine 20 est négative. Des emboles périnerveux et/ou un abondant stroma desmoplastique
sont caractéristiques.
–– Un grade histologique est établi selon la différenciation glandulaire, la production de mucus, l’index mitotique
et les atypies nucléaires. Il a une valeur pronostique.
–– Carcinomes neuro-endocrines (1-2 %), développés à partir des îlots de Langerhans.
yy Situation au diagnostic :
–– 10 à 15 % de tumeurs d’emblée résécables.
–– Environ 5 % de tumeurs à la limite de la résécabilité, nécessitant un traitement d’induction pour éviter
une résection incomplète (R1).
–– Environ 30 % de tumeurs « localement avancées » en raison d’un envahissement vasculaire rendant la
tumeur non résécable, du moins sans traitement d’induction.
–– 50 % de maladies d’emblée métastatiques.
2.1. Épidémiologie
yy Tumeurs rares : 0,32/100 000 habitants.
yy 2-4 % des tumeurs du pancréas.
yy Elles surviennent plutôt entre 30 et 60 ans.
yy Elles sont associées dans 10-20 % des cas à des syndromes de prédisposition familiale tels que les néoplasies endo-
criniennes multiples de type 1 (NEM 1, pouvant associer TNE hypophysaires, parathyroïdiennes, duodénales,
pancréatiques, bronchiques, thymiques, gastriques, et cortico-surrénaliennes), la maladie de von Hippel-Lindau
et plus rarement la sclérose tubéreuse de Bourneville. Leur potentiel évolutif est très hautement variable.
yy Certaines sécrétions tumorales (insuline, gastrine) peuvent mettre la vie en danger.
2.2. Diagnostic
yy À l’exception de l’insulinome1 (risque métastatique de 10 %), les TNE du pancréas sont malignes dans plus de
60 % des cas.
yy Les TNE regroupent des entités très différentes par leur agressivité (niveau de différenciation, grade tumoral),
l’extension locale ou métastatique et les symptômes.
yy On distingue des tumeurs dites fonctionnelles (25 %) s’il existe des symptômes liés à la sécrétion tumorale et « non
fonctionnelles » (75 %) en leur absence, même si la tumeur est sécrétante.
yy Diagnostic tardif :
–– Interrogatoire et recueil des antécédents familiaux ;
–– Symptômes peu spécifiques : amaigrissement, douleur abdominale, ictère ;
–– Découverte fortuite, parfois à l’occasion de symptômes spécifiques liés à la production d’une hormone (par
exemple, hypoglycémie dans le cas d’un insulinome) ;
–– À l’occasion du bilan d’une forme familiale.
2.3.2. L’imagerie
yy Elle repose sur :
–– Le scanner TAP, examen de référence, recherche le caractère vascularisé de la tumeur (temps artériel précoce et
temps portal). Certaines tumeurs bien différenciées et très vascularisées ne sont visibles qu’à la phase artérielle
de l’injection.
–– IRM hépatique : elle est plus sensible que la TDM pour diagnostiquer et cartographier des métastases
hépatiques.
–– IRM au minimum du rachis, voire corps entier à la recherche de métastases osseuses.
–– TEP au fluorodéoxyglucose :
➢➢ intérêt surtout pour les carcinomes de haut grade ou si Ki67 > 10 % ;
➢➢ aucun intérêt dans les tumeurs bien différenciées.
–– TEP des récepteurs de la somatostatine (TEP DOTATOC Gallium) :
➢➢ Examen de référence pour les TNE pancréatiques bien différenciées ;
➢➢ Sensibilité proche de 100 %.
–– La tomographie par émission de positons à la 18F-DOPA n’a pas d’intérêt en raison de la fixation physiologique
du pancréas. La scintigraphie au pentétréotide, un analogue de la somatostatine marqué à l’indium 111
(OctréoScan), n’est plus utilisée que pour connaître l’intensité de fixation permettant de recommander ou non
un traitement par radiothérapie métabolique.
–– L’écho-endoscopie est l’examen le plus sensible pour les tumeurs de petite taille (insulinomes, gastrinomes) et
permet la réalisation de ponction-biopsie en cas de doute diagnostique. Elle est réalisée systématiquement en
cas de gastrinome, pour explorer la paroi duodénale et la tête du pancréas.
–– La gastroscopie avec examen du duodénum et réalisation de biopsies fundiques (hyperplasie des cellules ECL
et TNE fundiques) est demandée en cas de suspicion de gastrinome.
–– Éventuellement repérage écho-guidé per-opératoire.
yy Résultats :
–– Tumeur solide bien délimitée, mais sans capsule ;
–– Absence de dilatation du canal pancréatique ;
–– Multiplicité possible (60 % des gastrinomes, moins de 10 % des insulinomes) ;
–– Hypervascularisation ;
–– Malignité radiologiquement difficile à apprécier ; la probabilité augmente si taille > 2 cm.
2.5. Anatomo-pathologie
yy La localisation des TNE du pancréas est pancréatique sauf pour :
–– l’insulinome : extra-pancréatique dans 2 % des cas ;
–– le gastrinome : 45 % des cas intrapancréatique, 45 % dans paroi duodénale et 10 % ailleurs.
yy Microscopie : diagnostic morphologique :
–– cellules néoplasiques avec des caractéristiques structurales, phénotypiques et fonctionnelles rappelant les
cellules endocrines normales ;
–– disposition en îlots entourés de fins capillaires ;
–– le degré de différenciation doit être évalué car il a une valeur pronostique : bien différencié (80 %) versus peu
différencié (20 %).
yy L’immunohistochimie est essentielle au diagnostic de certitude :
–– positivité nécessaire de 2/3 marqueurs : CGA, synaptophysine, ou NCAM (CD56) ;
–– des marqueurs spécifiques peuvent être recherchés, selon le contexte clinique ou le type de sécrétion : insuline,
gastrine, VIP, glucagon, etc.
yy Évaluation de l’agressivité tumorale par l’index mitotique (nombre de mitoses / 10 champs à fort grossissement)
et l’index de prolifération (Ki-67 labelling index).
yy La classification OMS sépare :
–– les TNE bien différenciées grade 1 ;
–– les TNE bien différenciées grade 2 ;
–– les TNE bien différenciées grade 3 ;
–– les carcinomes neuro-endocrines peu différenciés grade 3.
2.6.1. Symptômes
yy Le plus souvent, il est révélé par une hypoglycémie, qui peut engager le pronostic vital et s’accompagner de mani-
festations neuropsychiatriques trompeuses. Le diagnostic est généralement tardif, car les signes de l’hypoglycémie
chez l’adulte non diabétique sont polymorphes et peu typiques.
2.6.4. Biologie
yy Glycémie : hypoglycémie à jeun ou au moment d’un malaise.
yy Insulinémie généralement élevée.
yy Pro-insuline : taux élevé > 5 pmol/L lors d’une hypoglycémie.
yy Dosage du peptide-C : il oriente vers un insulinome si taux > 0,6 ng/ml au moment d’une hypoglycémie. Ce
dosage permet le diagnostic différentiel avec des auto-injections d’insuline (en ce cas, le peptide-C a des taux bas
alors que l’insulinémie est élevée).
yy L’épreuve de jeûne de 72 h est à réaliser en milieu hospitalier sous surveillance médicale stricte. Réalisation d’une
insulinémie, du dosage du peptide-C et de la pro-insuline lors d'un malaise avec hypoglycémie. Une hypoglycémie
associée à une insulinémie et un peptide-C augmentés ou non freinés sont en faveur d’un insulinome.
yy Recherche d’une NEM 1 : voir chapitre TNE.
2.6.6. Anatomo-pathologie
yy Le plus souvent de petite taille < 15 mm, unique et bénin. L’insulinome peut être extra-pancréatique dans 2 % des
cas (pancréas aberrant, duodénum, antre, hile de la rate).
yy Immunohistochimie : marquage de la tumeur par CGA, synaptophysine, insuline, pro-insuline. Il faut évaluer
l’index mitotique et l’indice de prolifération Ki67 comme pour les autres TNE.
3.1. Généralités
yy Les lésions kystiques du pancréas sont pour 90 % d’entre elles des pseudo-kystes pancréatiques compliquant des
pancréatites aiguës ou chroniques.
yy Les tumeurs kystiques du pancréas représentent les 10 % restants et 5 % des tumeurs du pancréas.
yy La découverte fortuite de lésions kystiques pancréatiques est de plus en plus fréquente.
yy Prévalence :
–– 2,4 % ;
–– elle augmente avec l’âge : 10 % après 70 ans.
yy Pour le malade, c’est une situation stressante, marquée par un risque de multiplication d’examens.
Figure 6. Kyste mucineux non dégénéré du corps (TDM injecté ; IRM en coupe coronale et T2 FS ;
échoendoscopie) : lésion unique, parois fines, sans cloisons ni bourgeon endokystique (flèches)
3.3.3. TIPMP
yy Il survient vers 65 ans et touche les 2 sexes.
yy Ce sont des lésions fréquentes, survenant jusqu’à 2 % des adultes et plus de 10 % des personnes ≥ 70 ans.
yy 50 % des TIPMP sont de découverte fortuite lors d’une imagerie et moins d’un tiers sont révélés par une pancréa-
tite aiguë. Révélation possible par des douleurs solaires, une stéatorrhée, un diabète, voire des signes cliniques de
tumeur maligne.
3.3.3.1. Imagerie
Scannographie avec injection de produit de contraste, IRM et écho-endoscopie, ponction peu contributive.
yy Objectifs : mettre en évidence :
–– la communication entre le kyste et un canal pancréatique ;
–– la présence ou non de bourgeons (= cancer) ;
–– le caractère multiple ou multifocal de l’atteinte canalaire : caractéristique, surtout au niveau du crochet et de la
queue du pancréas ;
–– des calcifications, présentes dans 10 à 15 % des cas.
yy Résultats d’imagerie :
–– Atteinte du canal pancréatique principal (Figure 7) :
➢➢ dilatation du canal de Wirsung > 3 mm, pathognomonique si > 15 mm, augmentant vers la papille
(accumulation du mucus dans le sens du flux) ;
➢➢ sans image de sténose ;
➢➢ atteinte diffuse ou segmentaire ;
➢➢ atrophie parenchymateuse dans 1/3 des cas.
–– Au total :
➢➢ atteinte isolée du canal principal rare ;
➢➢ atteinte des canaux secondaires : 30 % des cas ;
➢➢ atteintes du canal principal et des canaux secondaires : > 2/3 des cas.
yy L’endoscopie visualise une béance papillaire avec écoulement pathognomonique de mucus.
yy L’écho-endoscopie confirme la communication entre les canaux secondaires ectasiques et le canal de Wirsung.
Elle recherche des nodules muraux (dégénérescence) et fait le diagnostic différentiel avec des bouchons de mucus.
3.3.3.2. Diagnostic différentiel
yy En cas d’atteinte du canal principal, le diagnostic différentiel en imagerie se fait avec l’adénocarcinome et la pan-
créatite chronique.
yy En cas d’atteinte des canaux secondaires, le diagnostic différentiel se pose avec un cystadénome séreux ou muci-
neux, mais surtout avec un pseudo-kyste.
3.3.3.3. Diagnostic de malignité
yy Envahissement du parenchyme pancréatique.
yy Présence d’un bourgeon tissulaire endocanalaire ou d’un nodule mural (carcinome in situ).
yy Prise de contraste de la paroi du canal pancréatique principal.
yy Envahissement vasculaire veineux de contiguïté.
yy Infiltration de la graisse péri-pancréatique, atteinte ganglionnaire.
3.3.3.4. Conduite à tenir
yy L’atteinte du canal principal amène un risque de dégénérescence à 5 ans de 50 %, d’où une indication opératoire
formelle.
yy En cas d’atteinte isolée des canaux secondaires, le risque de dégénérescence à 5 ans est de 5 à 15 %.
▶▶ Références
POINTS CLÉS
1. Cancer du pancréas exocrine
yy Épidémiologie :
–– incidence en augmentation dans les pays développés ;
–– facteurs de risques majeurs : âge, tabagisme, obésité, pancréatite chronique, prédispositions
familiales.
yy Diagnostic : douleurs, ictère, altération de l’état général.
yy Examen clinique : état général, grade OMS, perte de poids, dénutrition, comorbidités, grosse vésicule.
yy Bilan pré-thérapeutique :
–– scanner TAP dédié pour le pancréas pour évaluer la résécabilité (étude de l’espace graisseux
péri-artériel et de l’axe veineux mésentérico-portal) ;
–– écho-endoscopie si nécessité d’obtenir une preuve cytologique ou histologique pour un
cancer inopérable.
yy Preuve histologique à obtenir en cas de maladie localement avancée inopérable, de traitement néo-
adjuvant ou de maladie métastatique.
yy Après RCP, déterminer clairement si le but du traitement est curatif ou palliatif.
1. Piège 1 : poser rapidement une prothèse biliaire en cas d’ictère : une prothèse biliaire n’est
mise en place qu’après une imagerie complète et de qualité. L’indication de drainage biliaire doit
être posée en RCP en présence de chirurgiens spécialisés.
2. Piège 2 : biopsier une tumeur résécable chez un patient opérable. C'est une perte de temps
inutile et un risque potentiel.
C hapitre 19
Tumeurs du poumon,
primitives et secondaires
Pr Jean Trédaniel1, Pr Philippe Giraud2
1
Unité de cancérologie thoracique, Groupe Hospitalier Paris Saint-Joseph, Paris. Université Paris Descartes.
2
Service d’oncologie – radiothérapie, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris. Université Paris Descartes.
1. Épidémiologie
1.1. Épidémiologie descriptive
OBJECTIFS iECN
1.2. Épidémiologie analytique
2. Anatomo-pathologie et biologie moléculaire ÎÎ Tumeurs du poumon, primitives et secondaires
2.1. Classification anatomo-pathologique –– Diagnostiquer une tumeur du poumon primitive
2.2. Sous-types moléculaires et secondaire
3. Diagnostic du cancer bronchique –– Planifier le suivi du patient
3.1. Circonstances de découverte
3.2. Examen clinique
3.3. Bilan biologique
3.4. Radiographie thoracique
3.5. Tomodensitométrie thoracique
3.6. Confirmation histologique
4. Bilan pré-thérapeutique
4.1. Bilan d’extension loco-régionale
Mots clés : Adénocarcinome – ALK – Cancer
4.2. Bilan d’extension métastatique
Bronchique Non à Petites Cellules (CBNPC) –
4.3. Bilan général
Cancer Bronchique à Petites Cellules (CBPC) –
4.4. Classification TNM Carcinome épidermoïde – Chirurgie – EGFR –
5. Particularités du cancer bronchique à petites EFR – Fibroscopie bronchique – Immunothérapie –
cellules Maladie professionnelle – Radio-chimiothérapie –
6. Principes des traitements des cancers du poumon TDM – TEP-TDM – Thérapie ciblée.
6.1. Cancer bronchique non à petites cellules
6.2. Cancer bronchique à petites cellules
7. Principes de la surveillance
8. Tumeurs secondaires du poumon
yy Le cancer du poumon, ou cancer bronchique primitif, est la première cause de mortalité par cancer en France, en
Europe et dans le monde.
yy Le tabagisme est le principal facteur de risque, mais des cancers bronchiques surviennent en nombre croissant
chez des non-fumeurs.
yy On sépare les cancers bronchiques en cancers non à petites cellules, les plus fréquents, et en cancers à petites cel-
lules dont les stratégies thérapeutiques diffèrent.
yy L’obtention du type microscopique précis est indispensable au choix du traitement ; la recherche de mutations
conductrices, relevant de traitements spécifiques, est obligatoire en cas d’adénocarcinome métastatique.
yy 40 % des cancers du poumon sont localisés au thorax au diagnostic et relèvent d’une stratégie à visée curatrice, par
chirurgie ou association radio-chimiothérapie concomitante.
yy 60 % des cancers du poumon sont métastatiques au diagnostic.
yy Il est indispensable d’encourager et d’accompagner le sevrage tabagique en prévention primaire.
yy La poursuite du tabagisme, après traitement, majore le risque de complications des traitements, augmente le
risque de second cancer et diminue la survie.
yy Le poumon est un site privilégié pour la dissémination métastatique de nombreux cancers. Les stratégies diagnos-
tiques et thérapeutiques dépendent du tableau clinique et de la localisation du cancer primitif.
yy En 2013, le cancer du poumon était le second cancer diagnostiqué chez l’homme dans le monde (16 % de
tous les cancers) et le 3e chez la femme (8 % du total).
yy Il y a eu 1,8 million de nouveaux cas de cancer du poumon en 2013 (12 % du total des cancers incidents) et
presque 1,7 million de décès (21 % du total de la mortalité par cancer).
yy 45 000 nouveaux cas ont été diagnostiqués en France en 2015, plaçant le cancer du poumon au 3e rang
des cancers incidents (derrière les cancers du sein et de la prostate). Il a été responsable de 30 500 décès, au
premier rang de la mortalité par cancer.
yy Il représente 12 % des cas incidents et 20 % de la mortalité par cancer (25 % chez l’homme, 15 % chez la femme).
yy C’est encore une maladie majoritairement masculine (67 % des cas incidents et 69 % des décès surviennent chez
l’homme), mais la proportion de femmes atteintes augmente régulièrement, alors que la tendance est à la stabilité
de l’incidence et à la diminution de la mortalité chez l’homme (Figure 1).
60
50
40
30
20
10
0
1980 1990 2000 2005 2010 2012
yy D’une façon générale, l’incidence du cancer bronchique est élevée dans les pays à forte consommation taba-
gique alors que, au contraire, elle décroit dans les pays où les campagnes anti-tabac ont été instituées précocement
(Etats-Unis, Grande-Bretagne). L’augmentation de l’incidence et de la mortalité est particulièrement marquée
dans les pays émergents où l’épidémie tabagique s’est installée récemment (par exemple, plus d’un tiers des cas
incidents est survenu en 2012 en Chine).
yy En France, l’âge médian au diagnostic était, en 2012, de 66 ans chez l’homme et 65 ans chez la femme ; l’âge
médian au décès était de 68 ans chez l’homme et 67 ans chez la femme. La survie nette (standardisée sur l’âge) était
à 5 ans, sur la période 2005-2010, de 17 % (20 % chez la femme et 16 % chez l’homme). A 10 ans, sur la période
1989-2010, la survie était de 10 % (13 % chez la femme et 9 % chez l’homme). La prévalence totale était en 2008
de 79 000 sujets (dont 76 % d’hommes).
yy L’initiation précoce du tabagisme (qui provoque des cancers chez des malades jeunes) associée à la prise en
charge de sujets âgés a entraîné un étalement important de la pyramide des âges des patients traités.
Le tabagisme est la principale cause des cancers du poumon. La fraction des décès par cancer du poumon
attribuable au tabagisme était, en France en 2013, de 90 % chez l’homme et 65 % chez la femme.
yy La fumée de tabac contient plus de 7 000 composants chimiques dont plus de 60 sont reconnus comme can-
cérigènes (notamment les hydrocarbures polycycliques aromatiques, dont le benzo(a)pyrène, les nitrosamines
spécifiques de la fumée de tabac, le benzène, le formaldéhyde et des composés radioactifs, comme le polonium).
Ces composants de la fumée de tabac contribuent à la carcinogenèse par de multiples voies, incluant la liaison à
l’ADN et la survenue de mutations, l’inflammation, le stress oxydatif, la survenue de modifications épigénétiques.
yy C’est la combustion du tabac et l’inhalation de la fumée, rendue possible grâce à l’introduction au XXe siècle des
cigarettes manufacturées, qui est responsable de l’épidémie de cancers du poumon.
yy Le risque relatif de cancer du poumon associé au tabagisme est considérable, évalué selon les études entre 10 et
20, par rapport au risque du non-fumeur (qui est défini comme ayant fumé moins de 100 cigarettes au cours de
la vie), par convention égal à 1 (or, passer d’un risque relatif de 1 à 2 signifie augmenter le risque de 100 %). Le
risque augmente de façon linéaire avec la consommation quotidienne (ou cumulée, exprimée en paquets-années)
mais surtout de façon exponentielle avec la durée du tabagisme (Figure 2) ; de ce fait, même une consommation
quotidienne « faible », mais étalée sur une longue durée, expose le fumeur au risque de cancer du poumon. Il n’y
a pas de seuil de consommation en dessous duquel le tabagisme serait sans risque.
RR RR
yy Le sevrage tabagique est bénéfique à tout âge mais le risque ne revient jamais au niveau de celui des non-fumeurs.
Le rôle cancérigène du tabagisme involontaire, ou tabagisme passif, est reconnu dans la survenue de
cancers du poumon chez les non-fumeurs. L’exposition passive à la fumée de tabac augmente le risque de
cancer du poumon d’environ 25 % (risque relatif = 1,25). Le tabagisme passif serait responsable d’environ 25 %
des cancers du poumon du non-fumeur.
Globalement, on estime – sans préjuger de la consommation tabagique des malades – que 10 % des cancers
du poumon chez l’homme et 5 % chez la femme seraient attribuables à une exposition à un ou plusieurs
parmi 8 produits cancérigènes (amiante, arsenic, béryllium, cadmium, chrome hexavalent, composés du
nickel, silice cristalline et fumées diesel).
yy En France, l’estimation est de 11 % des cancers de l’homme et 4 % des cancers de la femme qui seraient d’ori-
gine professionnelle (quel que soit par ailleurs le tabagisme des malades).
yy La participation de ces expositions professionnelles (qui donnent droit à réparation au titre des maladies pro-
fessionnelles) est sous-estimée, notamment du fait du rôle confondant du tabagisme souvent associé. Elle justifie
un interrogatoire professionnel systématique lors du diagnostic de tout cancer bronchique.
Les cancers du poumon sont séparés en cancers bronchiques non à petites cellules (qui représentent 85 % des
cas) et cancers bronchiques (neuro-endocrines) à petites cellules (15 %).
yy Les cancers bronchiques non à petites cellules doivent eux-mêmes être distingués entre adénocarcinomes
(50 % de la totalité des cancers) et cancers épidermoïdes (25 %). Cette distinction a une importance prédictive
de la réponse au traitement (le pémétrexed est contre-indiqué dans les cancers épidermoïdes ; les mutations de
l’EGFR et les translocations ALK sont plus fréquentes dans les adénocarcinomes) et de sa toxicité (le bévacizumab
est contre-indiqué dans les tumeurs épidermoïdes).
yy L’appellation carcinome à grandes cellules doit être réservée aux pièces opératoires où la tumeur est suffisam-
ment échantillonnée pour exclure toute différenciation (en adénocarcinome ou épidermoïde) ; dans le cas des
prélèvements biopsiques, c’est l’acronyme NSCLC-NOS (non small cell lung cancer – not otherwise specified) qui
doit être employé.
yy L’immunohistochimie permet le plus souvent, associée à l’aspect morphologique, la distinction entre adé-
nocarcinome et épidermoïde. Le marquage de la tumeur par le TTF1 signe l’adénocarcinome bronchique; le
marquage par p40 (les marqueurs p63 et cytokératine 5/6 sont moins spécifiques) signe le cancer épidermoïde.
En l’absence de signature morphologique conventionnelle, une tumeur positive pour TTF1 et négative pour
p40 est classée comme cancer bronchique non à petites cellules, en faveur d’un adénocarcinome ; une tumeur
positive pour p40 et négative pour TTF1 est classée comme cancer bronchique non à petites cellules, en faveur
d’un carcinome épidermoïde. Lorsque tous les marqueurs sont positifs, le cancer est dit adénosquameux.
Lorsque tous les marqueurs sont négatifs, la tumeur est considérée comme un carcinome à grandes cellules.
2.1.2. Adénocarcinome
yy La plupart des adénocarcinomes sont diagnostiqués en périphérie du poumon (ils sont donc souvent inacces-
sibles à l’exploration par fibroscopie bronchique et leur diagnostic repose sur la ponction sous scanner).
yy La classification des adénocarcinomes sépare des lésions pré-invasives, avec invasion minime et invasives
(Tableau 1).
yyLésions pré-invasives
––Hyperplasie adénomateuse atypique
––Adénocarcinome in situ (AIS ≤ 3 cm)
➢➢Non mucineux
➢➢Mucineux
yyAdénocarcinome avec invasion minime (AIM ≤ 3 cm): tumeur à prédominance lépidique mais présentant une zone
invasive ≤ 5 mm
yyAdénocarcinome invasif
––À prédominance lépidique
––À prédominance acinaire
––À prédominance papillaire
––À prédominance micro-papillaire
––À prédominance solide
yy L’adénocarcinome in situ mesure moins de 3 cm dans son grand axe et a une croissance purement lépidique (le
long des parois alvéolaires), donnant au scanner une image en verre dépoli pur (Figure 3). Plusieurs adénocarci-
nomes in situ sont souvent reconnus de façon synchrone ou métachrone.
yy L’adénocarcinome avec invasion minime présente le même aspect en verre dépoli de moins de 3 cm de grand axe
mais contient un composant solide de moins de 5 mm (Figure 4).
Figure 4. Adénocarcinome avec invasion minime (zone invasive - solide - de moins de 5 mm,
au sein d’une plage en verre dépoli < 3 cm)
yy Un adénocarcinome est invasif dès qu’existe au moins une zone solide de plus de 5 mm. Il doit être classé selon
son sous-type prédominant : lépidique, acinaire, papillaire, micro-papillaire ou solide prédominant. Plusieurs
sous-types sont habituellement présents dans la même tumeur et leur proportion respective doit être indiquée
dans le compte rendu ; ceci doit permettre, en cas de tumeurs multiples synchrones ou métachrones, de distinguer
des carcinomes indépendants les uns des autres par rapport à des métastases d’un cancer primitif unique.
yy Il existe une corrélation entre le sous-type de l’adénocarcinome et la survie marquée par des catégories de pro-
nostic favorable (carcinome in situ, avec invasion minime ou lépidique prédominant), intermédiaire (acinaire,
papillaire) ou plus péjoratif (micro-papillaire et solide).
yy Le marquage par les cytokératines 7 et 20 peut parfois aider à la distinction entre un adénocarcinome bron-
chique primitif (CK7+, CK20-) ou métastatique d’une tumeur digestive (CK7-, CK20+).
yy Ce sont, en fait, des cancers bronchiques non à petites cellules qui ont une morphologie neuro-endocrine
mais des caractéristiques cytologiques de cancer non à petites cellules (cellules de grande taille, cytoplasme abon-
dant). Ils expriment en immunohistochimie les marqueurs neuro-endocrines. Les zones de nécrose sont étendues.
yy L’index mitotique est élevé (au minimum, 10 mitoses / 2 mm2, en moyenne supérieur à 60 mitoses / 2 mm2).
yy L’index de prolifération, évalué par le marquage immunohistochimique de l’antigène Ki-67, est également élevé,
le plus souvent entre 40 et 80 %.
Ils partagent avec les cancers à petites cellules la plupart de leurs caractéristiques biologiques et évolutives
agressives et sont généralement traités comme eux.
Elles représentent moins de 1 % des tumeurs bronchiques et ne sont pas associées au tabagisme.
yy On distingue :
–– les tumeurs carcinoïdes typiques qui ont moins de 2 mitoses / 2 mm2 et pas de nécrose. Elles mesurent plus
de 5 mm ;
–– les tumeurs carcinoïdes atypiques qui ont de 2 à 10 mitoses / 2 mm2 et/ou des foyers de nécrose.
yy Il n’y a pas de continuum évolutif entre les différentes tumeurs neuro-endocrines (les tumeurs carcinoïdes ne
sont pas les précurseurs des tumeurs neuro-endocrines de haut grade de malignité, carcinomes bronchiques à
petites cellules et carcinomes neuro-endocrines à grandes cellules).
Figure 5. Répartition (%) des mutations conductrices dans les adénocarcinomes métastatiques
yy La recherche des mutations peut être demandée dans le cas, rare, d’un cancer épidermoïde survenant chez un
non-fumeur.
Tous les signes en rapport avec une extension loco-régionale éliminent d’emblée un recours chirurgical, à
l’exception parfois de l’envahissement pariétal.
Ils peuvent précéder l’apparition radio-clinique du cancer et doivent inciter à ne pas relâcher la surveillance chez
les patients à risque. Ils peuvent évoluer ensuite pour leur propre compte indépendamment du cancer primitif.
yy Certains se rencontrent plus fréquemment dans les cancers bronchiques non à petites cellules :
–– hippocratisme digital d’apparition récente ou, plus rarement, tableau complet de l’ostéoarthropathie
hypertrophiante pneumique - OAHP - (de Pierre Marie) associant un hippocratisme digital, des douleurs
des articulations des membres (prédominant sur les segments distaux) et radiologiquement une périostose
engainante à ne pas confondre avec des métastases osseuses (liseré radio-opaque doublant la corticale osseuse
au niveau des os longs) ;
–– hypercalcémie (par production tumorale d’un peptide PTH-like) parfois symptomatique (nausées, douleurs
abdominales, polyurie, syndrome confusionnel) ; cependant, l’hypercalcémie est plus souvent secondaire à une
lyse osseuse métastatique ;
–– dermato-polymyosite.
yy D’autres sont plus évocateurs du cancer bronchique à petites cellules :
–– syndrome de sécrétion inappropriée de l’hormone anti-diurétique - SIADH - (ou syndrome de Schwartz-
Bartter : hyponatrémie avec natriurèse conservée) ;
–– syndrome de Cushing (plus souvent biologique que clinique) ;
yy Il comprend au minimum :
–– un bilan de la fonction rénale pour permettre l’injection de produit de contraste ;
–– un bilan d’hémostase (NFS-plaquettes, TP-TCA) pour permettre les prélèvements biopsiques ;
–– aucun dosage des marqueurs tumoraux n’est indiqué pour le diagnostic (ou l’évaluation
pronostique) du cancer du poumon.
yy Il peut être complété par un bilan hépatique, un dosage de la calcémie et de l’albuminémie.
–– une opacité périphérique arrondie non systématisée, dense, à limites irrégulières, parfois excavée par nécrose
centrale (Figure 7).
Figure 8. Tumeur lobaire supérieure droite, spiculée et présentant des raccordements pleuraux.
Adénopathie de la loge de Baréty (latéro-trachéale droite)
yy Il peut mettre en évidence des anomalies associées (emphysème, fibrose, calcifications coronaires, etc).
yy L’examen scanographique permet également la détection des quelques petites tumeurs à radiographie normale
ou sub-normale et peut dans certains cas guider la stratégie diagnostique.
4. Bilan pré-thérapeutique
C’est une étape essentielle de la prise en charge des cancers bronchiques car les modalités du traitement
dépendent, outre de la nature non à petites cellules (et, au delà, du type épidermoïde ou adénocarcinome)
ou à petites cellules du cancer, de paramètres essentiels que sont l’extension du cancer, l’état général et les
comorbidités du malade (Tableau 3).
Figure 9. Fracture sur métastase de la 6e côte droite et métastase sur la 6e côte gauche
yy Ce bilan est aujourd’hui fondamentalement identique quelle que soit la nature microscopique du cancer
(petites cellules ou non à petites cellules). Il doit permettre d’aboutir à la classification TNM du cancer.
Évaluation du N :
TEP-TDM
Tumeur centrale,
Hypermétabolisme Doute sur un envahissement
ganglionnaire médiastinal hilaire et/ou ganglion > 10 mm
(petit axe) en TDM
yy En cas d’épanchement pleural présumé d’origine tumorale, le TEP-TDM peut montrer la fixation hyperméta-
bolique des feuillets pleuraux. Si la tumeur est, par ailleurs, potentiellement accessible à une résection chirurgicale,
une exploration par thoracoscopie première sera proposée (après négativité cytologique d’au moins deux ponc-
tions pleurales). La thoracoscopie permet par ailleurs la réalisation d’une symphyse pleurale, indiquée dès lors
qu’il existe une pleurésie néoplasique de grande abondance et/ou récidivante.
yy L’IRM thoracique n’a que des indications restreintes et, comme le TEP-TDM, n’est jamais demandée en pre-
mière intention : elle est utile en cas de suspicion d’envahissement pariétal ou vertébral pour le bilan d’extension
précis des tumeurs de l’apex, en cas de suspicion d’envahissement du cœur et des gros vaisseaux.
yy Toute image métastatique apparemment isolée doit faire l’objet d’une preuve histologique.
yy La réalisation d’un bilan exhaustif est inutile en cas de tumeur d’emblée métastatique puisque sans incidence
thérapeutique. En particulier, un TEP-TDM n’est pas recommandé en cas de tumeur d’emblée métastatique sur
l’examen tomodensitométrique. Le bilan est alors fonction de la symptomatologie (par exemple, une scintigraphie
peut être demandée en cas de localisation osseuse si son résultat peut conduire à un changement de traitement).
T1 Tumeur de 3 cm ou moins dans ses plus grandes dimensions, entourée par du poumon ou de la plèvre
viscérale, et n’atteignant pas la bronche souche :
T1a < 1 cm
T2 Tumeur de plus de 3 cm mais moins de 5 cm et/ou envahissant la plèvre viscérale, envahissant une
bronche souche ou s’accompagnant d’une atélectasie (lobaire ou pulmonaire) :
T3 Tumeur de plus de 5 cm et moins de 7 cm ou atteignant la paroi thoracique (ce qui inclut les tumeurs du
sommet), atteignant le nerf phrénique, la plèvre pariétale ou le péricarde ou nodules tumoraux distincts
mais dans le même lobe
M1 Présence de métastase(s) :
M1a atteinte du poumon controlatéral et/ou nodules tumoraux pleuraux ou péricardiques et/ou pleurésie ou
péricardite tumorale
yy Toute tumeur localisée au thorax peut bénéficier d’un traitement à visée curatrice, que ce soit par
chirurgie ou association radio-chimiothérapie concomitante.
yy La stratégie thérapeutique fait appel à plusieurs modalités de traitement (tableau 6). Elle diffère selon
qu’il s’agit d’un cancer bronchique non à petites cellules ou à petites cellules. Les cancers non à petites cel-
lules peuvent (environ 20 % des cas) relever d’un traitement chirurgical. Un cancer à petites cellules n’est
qu’exceptionnellement opérable.
yy La prise en charge optimale du cancer broncho-pulmonaire ne se conçoit qu’au travers d’une étroite colla-
boration multidisciplinaire, regroupant chirurgien, oncologue radiothérapeute, oncologue médical, anatomo-
pathologiste et pneumologue. Elle est définie en RCP et fait l’objet d’un Programme Personnalisé de Soins
(PPS) remis au patient lors de la consultation d’annonce.
yyChirurgie
yyRadiothérapie
yyChimiothérapie
yyThérapies biologiques « ciblées »
yyImmunothérapie
yyTraitement symptomatique (« best supportive care »)
Cancer anatomiquement
et fonctionnellement opérable
Option : chimiothérapie
première (= d’induction,
= néo-adjuvante)
Figure 15. Traitement en 1re ligne des cancers bronchiques non à petites cellules métastatiques
Présence Absence
d’une mutation activatrice de mutation activatrice
Doublet à base
d’un sel de platine
(préférence cisplatine Doublet à base d’un
+ pémétrexed) +/- sel de platine
anticorps anti-VEGF (pémétrexed et
(bévacizumab) bévacizumab sont
x 4 cycles, puis contre-indiqués)
maintenance x 6 cycles
pémétrexed
+/- bévacizumab
yy La prise en charge thérapeutique repose le plus souvent sur une chimiothérapie. La plupart des chimiothérapies
proposées en première ligne font appel à un doublet à base de platine (cisplatine plus que carboplatine). L’agent
cytotoxique associé au platine est choisi parmi la vinorelbine, la gemcitabine, le pémétrexed (qui est cependant
réservé aux cancers non épidermoïdes), le paclitaxel ou le docétaxel. En l’absence de contre-indication (cancer
épidermoïde, hémoptysie, envahissement médiastinal), du bévacizumab (anticorps monoclonal dirigé contre le
VEGF) peut être associé à la chimiothérapie. Un maximum de 4 à 6 cures est délivré.
yy À l’issue de cette phase d’induction, essentiellement en cas de cancer non épidermoïde, un traitement de main-
tenance par le médicament associé au platine peut être proposé au patient.
yy En cas de métastase unique, il faut discuter – en RCP – un traitement bifocal (cancer bronchique primitif et
métastase) à visée curative, associé ou non à une chimiothérapie.
yy Les patients âgés (> 70 ans), en bon état général, bénéficient d’un doublet par l’association carboplatine –
paclitaxel.
yy Au moment de la rechute, le traitement de seconde ligne fait appel à l’immunothérapie (par un anticorps mono-
clonal anti-PD1, nivolumab ou pembrolizumab) si elle n’a pas déja été donnée en première ligne.
yy Les poussées ultérieures sont traitées par docétaxel, pémétrexed (si cancer non épidermoïde) ou erlotinib.
yy Chez les patients qui ont été traités à visée curative, l’obtention du sevrage tabagique est impérative.
POINTS CLÉS
1. Le cancer du poumon est la première cause de mortalité par cancer en France, en Europe et
dans le monde.
2. Le tabagisme est le premier facteur étiologique. C’est la durée de l’exposition au tabac qui est
le déterminant principal du risque (plus que la consommation cumulée).
3. Cependant, 10 % des cancers bronchiques surviennent chez des non-fumeurs. C’est dans cette
population que l’on retrouve, chez plus de 50 % des malades, les mutations conductrices (EGFR et
ALK) qui relèvent d’une thérapie ciblée spécifique.
4. 60 % des cancers sont métastatiques au diagnostic.
5. Les cancers non à petites cellules (adénocarcinome et épidermoïde) représentent 85 % des
cancers du poumon. L’obtention du type histologique est indispensable pour le choix du traite-
ment.
6. Les adénocarcinomes sont marqués en immunohistochimie par le TTF1 ; les épidermoïdes par
p40.
7. Tous les cancers non-épidermoïdes métastatiques doivent faire l’objet d’une analyse molécu-
laire (comprenant au minimum la recherche des mutations de EGFR, ALK, ROS1, KRAS, HER2,
BRAF).
8. Tout signe respiratoire persistant chez un fumeur ou un ex-fumeur doit faire évoquer le diag-
nostic.
9. Le bilan doit être entrepris sans délai.
10. Le diagnostic repose sur la preuve histologique du cancer qui est obtenue par bronchoscopie
souple ou ponction transpariétale guidée par le scanner.
11. En cas de tumeur apparemment localisée au thorax, le bilan doit comprendre un TEP-TDM et
une IRM cérébrale (ou un scanner cérébral à condition qu’il y ait injection de produit de contraste).
12. Toute localisation métastatique apparemment isolée doit faire l’objet d’une vérification his-
tologique.
13. Les marqueurs tumoraux sanguins ne sont d’aucune utilité pour le dépistage, le diagnostic
et le suivi des cancers bronchiques.
14. La stratégie thérapeutique dépend du bilan d’extension et du bilan fonctionnel (état général,
fonction respiratoire).
15. Après chirurgie, la chimiothérapie adjuvante est indiquée si la tumeur mesure 4 cm ou plus
et/ou s’il y a envahissement ganglionnaire N1 ou N2.
16. La radiothérapie médiastinale adjuvante est formellement contre-indiquée en cas de tumeur
pN0 ou pN1.
17. Le sevrage tabagique est indispensable après traitement à visée curatrice.
18. Le risque de second cancer lié au tabagisme justifie une surveillance définitive.
19. Le poumon est un site privilégié de dissémination métastatique.
▶▶ Références
yy Les cancers en France, Les Données, INCa, édition 2015*.
yy Cancer du poumon, Bilan initial, INCa, juin 2011*.
yy Cancer bronchique non à petites cellules, référentiel national de RCP, INCa, mars 2015*.
yy Cancer bronchique à petites cellules, référentiel national de RCP, INCa, mars 2015*.
yy World Cancer Report 2014, International Agency for Research on Cancer, Lyon 2014**.
* Ces documents sont en accès libre sur le site de l’Institut National du Cancer : www.e-cancer.fr
**Ce livre est en accès libre sur le site de l’Agence Internationale de Recherche sur le Cancer (International Agency for Research on
Cancer) : http://publications.iarc.fr/Non-Series-Publications/World-Cancer-Reports/World-Cancer-Report-2014
C hapitre 20
Tumeurs de la prostate
OBJECTIFS iECN
ÎÎ Tumeurs de la prostate Mots clés : Cancer de la prostate – Récepteur des
–– Diagnostiquer une tumeur maligne de la prostate. androgènes – Hormonothérapie
–– Planifier le suivi du patient.
Introduction
Le cancer de la prostate est le premier cancer en France et le deuxième cancer responsable de décès en Europe. Du
fait de son évolution portant souvent sur des décennies, des centaines de milliers de patients vivent avec un cancer
de la prostate en France, si bien que tout médecin sera amené à prendre en charge au moins l’un d’entre eux. Cela
souligne l’importance majeure pour les étudiants en médecine de bien connaître cette maladie et sa prise en charge.
–– La fixation des androgènes sur le récepteur des androgènes entraîne la dimérisation de celui-ci, son
internalisation dans le noyau de la cellule, et sa fixation à l’ADN sur des gènes cibles qui sont ainsi activés
(le récepteur des androgènes est un facteur de transcription) ;
–– La transcription des gènes cibles induit une résistance à l’apoptose (mort cellulaire), permettant ainsi aux
cellules cancéreuses de survivre et de proliférer.
Secrétion
« autocrine »
Récepteur Abiratérone
des androgènes
Le dilemme du dépistage :
yy L’emploi du PSA comme outil de dépistage fait l’objet d’un débat intense depuis 20 ans. Trois essais randomi-
sés ont testé la question :
–– l’essai américain PLCO est ininterprétable ;
–– l’essai européen ERSPC (160 000 hommes) montre une réduction significative du risque relatif de décès
par cancer de la prostate de 29 % (il faut dépister 37 cancers pour sauver une vie) ;
–– l'étude de Göteborg (20 000 hommes) montre une réduction significative du risque relatif de décès par
cancer de la prostate de 44 % (il faut dépister 12 cancers pour sauver une vie).
yy L’interprétation pratique de ces données reste débattue car :
–– la mortalité par cancer de la prostate est très faible au cours des 10 premières années de suivi ;
–– la plupart des cancers mis en évidence par le dépistage sont en fait indolents, si bien que le dépistage
aboutit à un sur-traitement massif.
yy À ce jour, aucun système de santé au monde ne recommande de dépistage organisé. La réalisation d’un dosage
(au besoin unique) du PSA vers l’âge de 50 ans pourrait aboutir à une clarification de la situation : le dépistage
ne serait alors poursuivi que pour les hommes ayant déjà à cet âge un taux de PSA au-dessus de la médiane.
3. Diagnostic
3.1. Mode de révélation
3.1.1. Les signes fonctionnels
yy Le cancer de la prostate est très souvent asymptomatique dans les formes localisées et précoces de la maladie :
–– L’évolution intra-prostatique de la tumeur peut induire des symptômes principalement urinaires : le
plus souvent une dysurie et une pollakiurie, plus rarement une rétention aigue d’urine, une incontinence,
une hématurie, ou une hémospermie. Ces troubles urinaires irritatifs ou obstructifs peuvent être liés à une
compression de l’urètre intra-prostatique ou, dans les formes plus avancées, à un envahissement du trigone
vésical.
Les symptômes restent cependant peu spécifiques et peuvent ne pas être liés au cancer mais à un adénome
prostatique associé (fréquemment présent en raison de l’âge des patients).
–– En cas de métastases, différents symptômes sont possibles : altération de l’état général, douleurs osseuses,
révélatrices de métastases osseuses, signes neurologiques en lien avec une compression médullaire par des
métastases rachidiennes. En France, des métastases osseuses ou ganglionnaires sont présentes dans environ
10 % des cas au moment du diagnostic.
yy Elles permettent de :
–– faire le diagnostic de cancer par la mise en évidence de cellules cancéreuses ;
–– préciser l’agressivité de la tumeur par le score de Gleason (cf. § 3.3), la présence d’une infiltration périnerveuse
ou une atteinte de la capsule (rarement visible sur les biopsies) ;
–– apporter des information sur l’extension tumorale intra-prostatique : nombre de biopsies positives sur la
totalité des biopsies réalisées, longueur d’envahissement du cancer sur les biopsies.
yy Le nombre de biopsies recommandé est de 12 : 2 à la base, 2 à la partie moyenne et 2 à l’apex dans chacun des
deux lobes de la prostate. Elles sont réalisées en consultation par voie transrectale, sous guidage échographique,
sous anesthésie locale (Figure 2). Une antibioprophylaxie et un lavement rectal doivent être réalisés avant le
geste. Les 12 biopsies peuvent être complétées par des biopsies ciblées sur une lésion visible en IRM.
yy La réalisation des biopsies peut être source de complications : douleurs pelviennes, rétention d’urine, rectorragie,
hémospermie, hématurie (en particulier en présence d’un traitement anticoagulant ou antiagrégant plaquettaire),
prostatite aiguë (2 % des biopsies) pouvant se compliquer d’une septicémie et exceptionnellement d’un décès.
3.3. Anatomo-pathologie
yy La forme anatomo-pathologique de très loin la plus fréquente (> 95 %) est l’adénocarcinome. Il se développe
principalement dans la partie périphérique de la prostate. De manière beaucoup plus exceptionnelle, il peut être
retrouvé un carcinome à petites cellules, un carcinome à cellules spumeuses, un carcinome mucineux, un carci-
nome basaloïde, ou un sarcome.
3.4. Le score histopronostique de Gleason (Figure 3)
yy Au sein de la prostate, des foyers cellulaires tumoraux d’architecture et d’agressivité différentes (différenciation
cellulaire) peuvent
Prostate être présents.
– Figure Un graderadicale
13 – Prostatectomie histologique allant de 1 à 5 a été créé pour caractériser le stade de dif-
férenciation de ces foyers. Toutefois, les anatomo-pathologistes considèrent actuellement que les cancers de prostate
sont au moins de grade 3 et que les grades 1 et 2 ne doivent plus être retenus (ce ne sont en fait pas des cancers).
yy Sur les biopsies : le score de Gleason est obtenu en additionnant le grade le plus représenté + le grade le plus
élevé.
yy Sur la pièce de prostatectomie, si celle-ci est effectuée, le score de Gleason est obtenu en additionnant les deux
grades les plus représentés.
Adénocarcinome prostatique
Grade histologique Somme des 2 contingents les plus représentés :
Grade contingent A
1
+ Grade contingent B
= Score de Gleason
Importance pronostique ++
yy S’il n’y a qu’un grade présent, il est doublé (3+3, 4+4, 5+5).
Le score de Gleason 6 (3+3) correspond au cancer le plus différencié et est associé à un excellent pronostic
(presque aucun décès).
Le score de Gleason 10 (5+5) correspond au cancer le moins différencié et est associé au pronostic le plus grave
(il est presque systématiquement léthal).
Le score 7 se divise en 3+4 (lorsque le grade 3 est prédominant) ou 4+3 (lorsque le grade 4 est prédominant) ayant
une agressivité différente. De manière plus générale, la présence d’un grade 4 prédominant ou d’une grade 5 signe
une tumeur agressive.
Pronostic/stadification ++ Utile
Très variable
Réponse aux autres traitements systémiques ++
Dépend du traitement
4. Bilan d’extension
Cancer de la prostate
Rupture capsulaire
Prostate saine
yy En cas de ré-élévation du PSA après traitement local, trois facteurs pronostiques principaux permettent d’identi-
fier les rechutes graves :
–– un temps de doublement du PSA court (< 6 mois) ;
–– un score de Gleason ≥ 8 ;
–– un délai court entre le traitement local et la rechute (< 2 ans).
354 T u m eu r s d e l a p r o s tat e I UE 9 – item 307
6. Diagnostics différentiels
yy Une élévation du PSA sérique est fréquemment observée en cas de prostatite, parfois à un taux très élevé (par
exemple 50 ng/mL) et, en bien moindre mesure, en cas d’hypertrophie bénigne de la prostate (typiquement
PSA<10 ng/mL).
yy Les symptômes urinaires du cancer de la prostate (pollakiurie nocturne, dysurie) ne sont pas spécifiques et
peuvent en particulier être observés en cas d’hypertrophie bénigne/adénome de la prostate.
yy Enfin, la découverte d’un tableau métastatique osseux ou ganglionnaire n’est bien sûr pas spécifique et une
preuve de l’origine primitive prostatique doit être apportée (biopsie des métastases avec immuno-marquage pour
le PSA ou le récepteur des androgènes par exemple).
yy La radiothérapie externe peut aussi être employée à la suite d’une prostatectomie radicale :
–– soit comme traitement adjuvant (c’est-à-dire pour prévenir une rechute chez un patient dont le PSA est
indétectable après chirurgie), en particulier en cas de marge positive significative et/ou extension extra-
prostatique ;
–– soit comme traitement de rattrapage d’une récidive biologique (augmentation du PSA au-delà de 0,2 ng/ml).
La dose de radiothérapie est de 60 Gy (radiothérapie adjuvante) à 66 Gy (radiothérapie de rattrapage) en 6 à
6,5 semaines (2 Gy par jour). Une technique de RCMI et IMRT est recommandée. Les volumes irradiés sont la
loge de prostatectomie et, au cas par cas, les aires ganglionnaires pelviennes.
yy Les effets secondaires de la radiothérapie peuvent être :
–– précoces : asthénie modérée, dysurie, pollakiurie et accélération du transit en cours d’irradiation. Une
majoration des fuites urinaires peut se voir en cas d’irradiation adjuvante après prostatectomie radicale. Ces
symptômes régressent habituellement dans les 3 semaines suivant la fin du traitement.
–– tardifs : ils apparaissent plusieurs mois à plusieurs années après le traitement et sont définitifs : dysurie
chronique, rectite sous forme de traces de sang dans les selles, troubles de l’érection, cystite hémorragique. Les
traces de sang dans les selles (5 à 10 % des patients) imposent la réalisation d’une exploration endoscopique afin
d’éliminer une autre pathologie (tumeur du rectum).
Sphincter Sphincter
urétral
urétral Prostate Vessie Vessie
Uretère
Bandelettes
vasculo-nerveuses
Options :
Options :
- Surveillance active Options :
- Prostatectomie
- Curiethérapie - Radiothérapie
- Radiothérapie
- (Radiothérapie) + Hormono 3 ans
(+ hormono 6 mois)
- (Prostatectomie)
yy Pour les cancers de faible risque, la surveillance active doit être proposée chaque fois qu’elle est possible et
indiquée. En cas de nécessité d’un traitement à visée curative (nombre de biopsies positives ou longueur des
biopsies trop important), il est alors proposé soit une curiethérapie, soit une radiothérapie externe, soit une pros-
tatectomie radicale. La curiethérapie est privilégiée chez les patients souhaitant conserver une activité sexuelle
et/ou éviter les fuites urinaires (patients actifs, sportifs…). La prostatectomie est plus volontiers proposée à des
patients présentant des symptômes urinaires. Les trois traitements ont des taux de probabilité de contrôle de la
tumeur identiques (90 à 95 % à 5 ans).
yy Pour les cancers de risque intermédiaire un traitement s’impose. Les deux traitements de référence sont la pros-
tatectomie radicale et la radiothérapie externe. La radiothérapie externe est le plus souvent associée à une hormo-
nothérapie de 6 mois. La curiethérapie à bas débit est limitée à des formes de risque intermédiaire « faible » (PSA
< 15 ng/ml ou Gleason 3+4).
yy Pour les cancers de haut risque, le traitement de référence est l’association d’une radiothérapie externe à une
hormonothérapie de 2 à 3 ans. La prostatectomie radicale peut être discutée dans le cadre d’une prise en charge
multidisciplinaire (en association à une hormonothérapie et une radiothérapie), dans des cas sélectionnés en réu-
nion de concertation pluridisciplinaire, notamment chez des sujets jeunes.
yy Quel que soit le niveau de risque, plusieurs règles sont indispensables à respecter :
–– le patient doit bénéficier d’une information éclairée et honnête des différentes alternatives thérapeutiques
adaptées à son cas, ainsi que de leurs effets secondaires (Figure 12).
yy Quel que soit le traitement initial : une rechute ganglionnaire isolée ou associée à une récidive locale peut, au
cas par cas, faire discuter un traitement des aires ganglionnaires par une association radiothérapie plus hormo-
nothérapie (sous réserve qu’une radiothérapie des chaines ganglionnaires n’ait pas été réalisée lors du traitement
initial).
Taux de testostérone
Temps
2-3 semaines
Co-prescription systématique d'un inhibiteur du récepteur des androgènes
Cholestérol
Prégnénolone Aldostérone
Abiratérone
17OH-
Prégnénolone Cortisol
Abiratérone
Androgènes
Epidurite
▶▶ Références
yy Hamdy FC, Donovan JL, Lane JA, et al. 10-Year Outcomes after Monitoring, Surgery, or Radiotherapy for Localized Prostate Cancer. N
Engl J Med 2016; 375: 1415-1424.
yy Donovan JL, Hamdy FC, Lane JA, et al. Patient-Reported Outcomes after Monitoring, Surgery, or Radiotherapy for Prostate Cancer. N
Engl J Med 2016; 375: 1425-1437.
yy Gillessen S, Omlin A, Attard G, et al. Management of patients with advanced prostate cancer: recommendations of the St Gallen
Advanced Prostate Cancer Consensus Conference (APCCC) 2015. Ann Oncol 2015; 26: 1589-604.
C hapitre 21
Tumeurs du rein
1. Épidémiologie
OBJECTIF iECN
1.1. Épidémiologie descriptive
1.2. Facteurs de risque et formes génétiques ÎÎ Tumeurs du rein
2. Physiopathologie –– Diagnostiquer une tumeur de rein
2.1. Anatomie et physiologie
2.2. Cancer dépendant de l’angiogenèse
2.3. Histoire naturelle
3. Signes cliniques
3.1. Signes cliniques loco-régionaux
3.2. Les symptômes liés aux métastases Mots clés : Angiogenèse – Biopsie – Carcinome
3.3. Syndromes paranéoplasiques à cellules claires – Grade nucléolaire –
3.4. Interrogatoire et examen clinique Immunothérapie – Néphrectomie – VHL.
4. Examens complémentaires
4.1. Biologiques
4.2. Iconographiques = imagerie
5. Diagnostic
5.1. Biopsies
Remerciements : Nous tenons à remercier pour
5.2. Anatomo-pathologie et facteurs pronostiques
toute l’aide qu’ils ont pu apporter à la rédaction
5.3. Stadification TNM de ce document, que ce soit par leur relecture,
5.4. Les kystes rénaux : classification de Bosniak leurs critiques ou l’aide pour la réalisation des
5.5. Petite masse rénale de découverte fortuite figures : Dr Isabelle Bedgedjian (anatomo-
6. Modalités et stratégies thérapeutiques pathologiste), Dr Philippe Montcuquet (oncologue
6.1. Généralités médical), Mme Marie-Justine Paillard (CCA
6.2. Maladie localisée oncologue médicale), M. Fabien Calcagno (CCA
6.3. Maladie métastatique oncologue médicale), Mme Elodie Klajer (interne).
1. Épidémiologie
Au sein des tumeurs solides, le cancer du rein n’est pas parmi les plus fréquents en termes d’incidence ou de
mortalité ; toutefois il n’est pas non plus à considérer comme rare.
2. Physiopathologie
2.1. Anatomie et physiologie
yy Les reins sont deux organes rétro-péritonéaux situés à proximité des gros vaisseaux, en avant des premières ver-
tèbres lombaires (Figure 1).
yy Ils sont responsables de la fabrication de l’urine.
yy Ils jouent un rôle fondamental dans la régulation hydro-électrolytique et le volume de l’environnement interne
(volume sanguin par exemple).
yy À travers une fonction d’épuration, ils sont capables d’extraire puis d’excréter dans les urines des déchets métabo-
liques (créatine, urée, acide urique…) ainsi que des substances chimiques (médicaments, pesticides…).
A C
6
7
4
2
8
1
5 7
3
10
9
rd
rg
10 11
9
rd
rg
B
A. TDM axiale injection artérielle : aorte brillante
6
hyperdense, bonne différenciation cortico-
7
médullaire rénale; B. TDM axiale injection portale;
4
2 1 C. TDM en reconstruction coronale.
5
3 rd = rein droit, rg = rein gauche, 1 = aorte, 2 = veine
cave inférieure, 3 = artère rénale gauche, 4 = veine
9 rénale gauche, 5 = veine rénale droite, 6 = artère
rd mésentérique supérieure, 7 = foie, 8 = coupole
rg diaphragmatique droite, 9 = muscle psoas droit, 10
= cortex rein gauche, 11 = cavité pyélocalicielle rein
gauche
*TDM = tomodensitométrie.
3. Signes cliniques
4. Examens complémentaires
4.1. Biologiques
yy Généraux. Hémogramme, bilan de coagulation, créatininémie (avant imagerie avec injection de produit de
contraste - importance de la fonction rénale dans le choix thérapeutique). Bilan hépatique, calcémie corrigée
peuvent orienter quant au siège de potentielles métastases.
yy Des examens optionnels peuvent être demandés selon les besoins en fonction des orientations thérapeutiques et
du tableau clinique.
Figure 2. Iconographie de masses rénales. A. Volumineux carcinome à cellules claires avec thrombus vasculaire remontant
jusque dans la veine cave inférieure (flèche rouge) ; B. Carcinome tubulopapillaire de type 1 ; C. Carcinome à cellules
claires accessible à une néphrectomie partielle ; D. Tumeur bénigne avec composante hémorragique et nécrotique :
angiomyolipome du rein gauche ; E. Kyste bénin de type Bosniak 1.
Figure 3. Métastases d’un cancer du rein. A. Métastase osseuse sur scanner injecté ; B. IRM injectée du même patient que A ;
C. Métastases pulmonaires sur scanner en fenêtrage parenchymateux ; D. Métastases hépatiques sur scanner injecté ;
E. Rechute ganglionnaire à proximité de la loge de néphrectomie.
A B
5. Diagnostic
5.1. Biopsies
yy La biopsie d’une masse rénale permet d’obtenir une confirmation histologique de la nature de la tumeur. Elle se
réalise le plus souvent sous anesthésie locale, sous contrôle échographique ou TDM, à l’aide d’une aiguille dite
« couverte » pour protéger le trajet de ponction transcutanée d’un éventuel ensemencement tumoral.
yy Plusieurs variantes histologiques (Figure 4) peuvent être rencontrées dans le CR dont les 3 principales
identifiées sont :
–– le cancer du rein à cellules claires (70 - 80 %) ;
–– les cancers papillaires, de type 1 ou 2 (10 - 15 %) ;
–– les cancers chromophobes (3 - 5 %).
yy Les carcinomes à cellules claires semblent avoir un pronostic plus sombre que les autres histologies. La dédiffé-
renciation de type sarcomatoïde est un facteur pronostique de rechute et de moins bonne réponse aux traitements
systémiques. Comme tous les autres organes le rein peut être le siège de métastases issues d’autres tumeurs. Les
tumeurs primitives du bassinet sont de type carcinome urothélial (cf. item cancer de vessie 311). Les carcinomes
du rein à translocation, les cancers du rein de type médullaire ou des tubes collecteurs (= tumeur dites de Bellini)
sont très rares.
yy Parmi les facteurs pronostiques histologiques, l’évaluation du grade nucléolaire de l’ISUP (International
Society of Urological Pathology), anciennement grade nucléaire de Fuhrman, est essentielle. Il s’agit d’un grade
histopronostique fondé sur l’atypie des noyaux tumoraux. Il varie de I à IV (gravité croissante). Sa valeur, indiscu-
table pour le carcinome à cellules claires, est discutée pour les carcinomes papillaires et chromophobes.
yy Les tumeurs bénignes du rein à retenir sont : l’oncocytome, l’adénome papillaire (moins de 5 mm de grand axe),
les tumeurs métanéphriques ainsi que l’angiomyolipome (risque hémorragique).
Figure 4. Principaux types histologiques des tumeurs rénales malignes. A. Carcinome rénal à cellules claires Fuhrman 2 ;
B. Carcinome rénal à cellules claires Fuhrman 3 ; C. Carcinome rénal avec dédifférenciation de type sarcomatoïde ;
D. Carcinome rénal chromophobe ; E. Carcinome rénal tubulopapillaire de type 1 ;
F. Carcinome rénal tubulopapillaire de type 2.
A B
C D
C D
E F
Tumeur (T)
Tx Le statut tumoral ne peut être défini
T1a Tumeur de taille ≤ à 4 cm, localisée au rein
T1b Tumeur > à 4 cm et ≤ 7 cm, localisée au rein
T2a Tumeur > 7 à ≤ 10 cm, localisée au rein
T2b Tumeur > 10 cm, localisée au rein
T3a Envahissement du tissu adipeux périrénal et/ou du tissu adipeux hilaire mais pas du
fascia de Gerota et/ou thrombus macroscopique dans la veine rénale ou dans l’une
de ses branches
T3b Thrombus dans la veine cave sous le diaphragme
T3c Tumeur s’étendant dans la veine cave au-dessus du diaphragme ou envahissant la
paroi musculaire de la veine cave
T4 Tumeur infiltrant au-delà du fascia de Gerota et/ou envahissement par contiguïté de
la surrénale
Aspect radiologique
Intérêt des biopsies Classification de Bosniak
Terrain / comorbidités
Critères de taille
Bilan opérabilité :
anesthésie, biologie, clinique
Chirurgie d’exérèse
- privilégier chirurgie Surveillance
Ttt ablatif Surveillance
conservatrice active
- néphrectomie élargie
*AAq = antiangiogéniques ; IMT = immunothérapie ; mTORi = inhibiteurs de mTOR ; SNC = système nerveux central ;
TAP = thoraco-abdomino-plevien ; TDM = tomodensitométrie ; Ttt = traitement.
L’exérèse chirurgicale de la tumeur rénale primitive est le traitement standard des maladies localisées ou
localement avancées.
yy Les voies d’abord classiques (lombotomie, voie sous-costale) sont en train d’être supplantées par la voie cœliosco-
pique et la chirurgie robotique. La préservation du capital néphronique (néphrectomie partielle) se doit d’être
envisagée pour les tumeurs T1 voire T2 si elle est techniquement réalisable.
yy Il n’y a pas de traitement systémique recommandé à la phase adjuvante ou néo-adjuvante.
▶▶ Références
yy Possibilité de consulter les recommandations ou « guidelines » sur ces sites, parfois nécessité de s’inscrire.
yy En français :
–– INCA : www.e-cancer.fr
–– AFU : http://urofrance.org
–– Epidémiologie des cancers : site de l’INCA
–– http://www.e-cancer.fr/Actualites-et-evenements/Actualites/Les-cancers-en-France-2016-une-edition-100-interactive
POINTS CLÉS
1. La prise en charge des masses rénales est pluridisciplinaire.
2. La première étape de la démarche diagnostique est de différencier une masse liquidienne
d’une masse solide.
3. L’examen clé est le scanner avec injection de produit de contraste iodé.
4. La biopsie est informative et permet le plus souvent d’avancer dans la démarche diagnostique
avec une bonne corrélation avec la pièce opératoire lorsqu’elle est contributive.
5. L’histologie cancéreuse la plus fréquente est le carcinome rénal variante à cellules claires. La
mutation inactivatrice du gène VHL est un élément clé de l’oncogenèse.
6. Le facteur pronostique histologique à retenir est le grade nucléolaire de l’ISUP (anciennement
grade nucléaire de Fuhrman).
7. Le risque de malignité d’un kyste rénal est évalué par la classification de Bosniak.
C hapitre 22
Tumeurs du sein
Dr Elsa Curtit1, Pr Yazid Belkacemi2, Dr Céline Bourgier3, Dr Marc Espié 4, Pr Joseph Gligorov5, Pr Christophe Henne-
quin6, Pr Gilles Houvenaeghel7, Pr Michel Marty4, Pr Thierry Petit8, Pr Xavier Pivot1
1
Service d'Oncologie médicale, CHRU de Besançon, Institut Régional Fédératif du Cancer de Franche-Comté
2
Service d'Oncologie Radiothérapie, Hôpitaux Universitaires Henri Mondor, AP-HP Centre Sein Henri Mondor, Créteil
3
Service de Radiothérapie oncologique, Institut du cancer de Montpellier
4
Sénopôle Saint Louis, territoire cancer nord, AP-HP
5
IUC-UPMC, Hôpital Tenon, AP-HP, Paris
6
Service de Cancérologie-Radiothérapie, Hôpital Saint-Louis, AP-HP, Paris
7
Institut Paoli Calmettes et CRCM, Marseille
8
Service d'Oncologie médicale, Centre Paul Strauss, Strasbourg
yy Avec plus de 50 000 nouveaux cas par an en France et 12 000 décès, le cancer du sein est le 1er cancer chez la
femme, à la fois en incidence et en mortalité. Le diagnostic est généralement fait dans deux contextes différents : le
dépistage par mammographie ou la présence de signes cliniques, au niveau mammaire ou plus rarement au niveau
ganglionnaire ou à distance.
yy Le diagnostic positif est affirmé par l’histologie ; il nécessite donc une biopsie avec un examen anatomo-
pathologique. Le type histologique le plus fréquent est le carcinome infiltrant de type non spécifique (également
appelé carcinome canalaire infiltrant). Le diagnostic s’accompagne toujours de l’évaluation de l’expression des
récepteurs hormonaux (récepteur aux œstrogènes et récepteur à la progestérone) et de HER2 (Human Epidermal
growth factor Receptor 2).
yy Pour connaître les indications thérapeutiques dans les cancers du sein, il faut à l’issue du diagnostic : savoir s’il
s'agit d'un cancer hormono-sensible, HER2 positif ou triple négatif ; avoir défini les facteurs pronostiques.
En France* :
–– 1 femme sur 8 à 10 développera un cancer du sein ;
–– il y a environ 54 000 nouveaux cas par an ;
–– il y a environ 12 000 décès par an ;
–– l’âge médian au diagnostic est de 61 ans.
*(d’après les données de l’INCa, Institut National du Cancer, « Projection de l’incidence et de la mortalité par cancer en France
métropolitaine en 2015 »).
yy Dans le monde, on estime le nombre annuel de nouveaux cancers du sein à environ 1,7 million et celui des décès
à 500 000.
BRCA1 et BRCA2
yy Ce sont des gènes suppresseurs de tumeurs impliqués dans la réparation de l’ADN. La mutation d’un allèle de
l’un de ces deux gènes entraîne une prédisposition à développer des cancers du sein et de l’ovaire. En cas de
suspicion de mutation (cancer du sein avant 35 ans, cancer du sein bilatéral ou association cancers du sein et de
l’ovaire, cancer du sein chez l’homme, antécédents familiaux évocateurs), la patiente sera orientée en consulta-
tion d’oncogénétique. Ces mutations sont présentes dans moins de 5 % des cas.
yy Une patiente porteuse d’une mutation BRCA doit avoir une surveillance spécifique avec une proposition de
mastectomie bilatérale prophylactique et d’annexectomie bilatérale (comme Angelina Jolie !).
Attention !
L’existence de lésions bénignes mammaires ne représente pas un facteur de risque (sauf pour les hyperplasies
atypiques, cf. 1.2).
Carcinome
in situ
Extension hématogène :
Extension par contiguïté Métastases (os, peau, foie
(T4) poumons, plèvre, système
nerveux central)
Extension lymphatique
Adénopathies des chaînes axillaire, sous et sus-claviculaire, mammaire interne
Métastases
yy La mammographie n’affirme pas le diagnostic et doit entraîner la mise en œuvre d’autres explorations en cas
d’image suspecte. Toute image anormale doit faire l’objet d’exploration complémentaire.
ou
Figure 6. Majoration du volume du sein + léger érythème = sein inflammatoire (PEV 2) (+ rétraction du mamelon)
Figure 8. Nodule de perméation ulcéré (situé dans le prolongement axillaire de la glande mammaire)
Figure 9. Squirrhe mammaire (dans ce cas, tumeur d’évolution lente négligée sur plusieurs années)
yy Puis la palpation s’effectue dans les mêmes positions, en comprimant la glande contre le gril costal par petits mou-
vements circulaires (quadrant par quadrant) à la recherche d’une masse. En cas de détection d’une telle lésion,
il faudra préciser sa position dans le sein (quadrant atteint), sa taille, sa dureté, sa mobilité par rapport au plan
superficiel et aux plans profonds musculaires.
3.1.2.2. Recherche d’adénopathies et de signes évoquant des métastases à distance
yy Un examen clinique régional recherche des adénopathies axillaires homolatérales et sous et sus-claviculaires.
yy Un examen clinique général recherche des signes cliniques de métastases très rarement présentes d’emblée (1 à
35 % selon les cohortes).
3.2. Imagerie
3.2.1. Mammographie et échographie mammaire
yy La mammographie bilatérale associée à l’échographie mammaire bilatérale et des aires ganglionnaires sont réali-
sées systématiquement devant toute suspicion clinique ou radiologique de tumeur mammaire. Deux incidences
au minimum sont réalisées, correspondant aux incidences du dépistage de masse : cliché de face (aussi appelé
crânio-caudal) et cliché oblique (aussi appelé oblique externe ou médiolatéral oblique). Des clichés de profil strict,
centrés ou agrandis sur l'anomalie détectée peuvent être faits en complément.
yy Les images suspectes à la mammographie peuvent être notamment des opacités spiculées, irrégulières ou des amas
de microcalcifications irrégulières (Figure 10). Les macrocalcifications évoquent des lésions bénignes.
yy Les images mammographiques sont classées avec la classification BI-RADS de l’ACR (Breast Imaging-Reporting
And Data System de l’American College of Radiology).
ACR 3 Images évoquant une lésion probablement bénigne pour laquelle une surveillance à court
terme est conseillée
ACR 4 Images évoquant une anomalie potentiellement suspecte qui nécessite une vérification
histologique
ACR 5 Anomalie extrêmement évocatrice d’un cancer qui nécessite une vérification histologique
–– Le statut HER2. HER2 est un oncogène qui code pour une protéine transmembranaire de type récepteur
tyrosine kinase impliquée dans la survie et la prolifération cellulaire. La recherche d’une surexpression de
la protéine HER2 est faite en immunohistochimie ; l’amplification du gène HER2 est recherchée par des
techniques d’hybridation in situ (cf. 290). HER2 est un facteur à la fois pronostique et prédictif de la réponse
au trastuzumab.
–– Le Ki67, qui traduit la prolifération cellulaire (protéine exprimée lors du cycle cellulaire), est également évalué
en immunohistochimie.
2) Sur la pièce opératoire
–– Une fois le diagnostic et le type histologique confirmés, l’anatomo-pathologie précisera :
➢➢ le nombre de tumeurs ;
➢➢ la taille de la (les) tumeur(s) ;
➢➢ la présence ou non de métastases ganglionnaires axillaires ;
➢➢ la présence d’emboles vasculaires ;
➢➢ la qualité de l’exérèse : l’envahissement des marges d’exérèse augmente le risque de récidive locale et
nécessite une reprise chirurgicale ;
➢➢ en cas de chimiothérapie néo-adjuvante, l’examen anatomo-pathologique permet d’évaluer l’efficacité du
traitement (pourcentage de tumeur résiduelle, atteinte ganglionnaire).
–– L’ensemble de ces éléments permet d’établir la classification pTNM ou ypTNM (cf. item 289).
Grade HER2
(grade III = mauvais pronostic) (= mauvais pronostic)
Taille (T)
(≥ T2 = mauvais pronostic)
Âge
(< 35 ans = mauvais pronostic)
Inflammation
(= mauvais pronostic)
Emboles
(= mauvais pronostic)
Âge HER2
(élevé = mauvais pronostic) (mauvais pronostic compensé par les traitements
anti-HER2)
4.2.2. Classifications
À l’issue du bilan d’extension, le cancer pourra être classé selon la classification TNM en cTNM (cf. item 289).
Tumeur de toutes tailles avec extension directe à la paroi thoracique (a) et/ou à la peau (b) (ulcération
T4
ou nodules cutanés)[2]
T4c À la fois 4a et 4b
1
La micro-invasion est l’extension des cellules cancéreuses à travers la membrane basale dans les tissus adjacents sans former
de foyer > 0,1 cm dans sa plus grande dimension. Lorsqu’il s’agit de multiples foyers de micro-invasion, on ne tient compte que
du plus grand pour la classification (ne pas additionner la taille de tous les foyers). La présence de multiples foyers de micro-
invasion doit être notée, comme c’est le cas pour les tumeurs invasives multiples.
2
L’invasion du derme seul ne classe pas en T4. La paroi thoracique comprend les côtes, les muscles intercostaux et grand den-
telé, mais ne comprend pas le muscle pectoral.
Nx Appréciation impossible de l’atteinte ganglionnaire (du fait, par exemple, d’une exérèse antérieure)
HER2
Positif* Négatif*
15 %
Cancer du sein HER2 positif
(quel que soit le statut des Récepteurs hormonaux
récepteurs hormonaux)
Positif** Négatif**
70 % 15 %
Cancer du sein Cancer du sein
hormono-sensibles triple négatif
Figure 12. Traitements loco-régionaux et traitements systémiques dans le cancer du sein localisé
Oncologie
Chirurgie Radiothérapie
médicale
Traitements systémiques
Traitements loco-régionaux yy Chimiothérapie à base
yy Chirurgie mammaire + procédure du d’anthracyclines +/- taxanes
ganglion sentinelle ou curage axillaire yy Hormonothérapie : tamoxifene
yy Radiothérapie externe (sein +/- aires et anti-aromatase
ganglionnaires) yy Thérapies ciblées : trastuzumab
(anti-HER2)
yy La chirurgie (du sein et des ganglions axillaires) est indiquée dans tous les cas. La radiothérapie est systématique
en cas de traitement chirurgical conservateur ; en cas de mastectomie, elle sera indiquée selon les facteurs pronos-
tiques de récidive loco-régionale. Les traitements systémiques seront indiqués en fonction des facteurs pronos-
tiques de dissémination métastatique et prédictifs de réponse à un traitement.
Cancers Si récepteurs
HER2- Après chirurgie Toujours Toujours
hormonaux positifs
positifs conservatrice :
systématique
Cancers
triple- Après Toujours Jamais Jamais
Chirurgie
négatifs mastectomie :
mammaire
indication de
et axillaire
radiothérapie
homolatérale
très fréquente
Cancers (tient compte Si facteurs
hormono- des facteurs de mauvais Toujours** Jamais
sensibles de mauvais pronostic*
pronostic)
*Cf. tableau 2 ; dans ce cas, les indications ne sont pas consensuelles, mais en cas d’envahissement ganglionnaire ou de
grade III, la chimiothérapie est proposée.
**Si une tumeur présente l’ensemble des facteurs de bon pronostic chez une patiente ménopausée, on peut se passer d’hor-
monothérapie adjuvante (non consensuel).
yy L’étude du ganglion sentinelle a pour but de prélever les premiers relais ganglionnaires de drainage afin d’épargner
un curage extensif et de limiter les effets secondaires. En cas d’absence d’atteinte ganglionnaire significative, le
curage pourra être évité. La technique la plus fiable comporte une injection la veille de l’intervention d’un traceur
radioactif à proximité de la tumeur, puis le jour de l’intervention d’un colorant vital et seul(s) le(s) ganglion(s)
coloré(s) et/ou radioactif(s) et/ou suspect(s) cliniquement est (sont) prélevé(s) et examiné(s). En cas d’atteinte
histologique, le curage ganglionnaire sera complété de façon à préciser l’importance de celle-ci.
yy Les effets secondaires sont fréquents et traités dans l’item 291. Pour mémoire, les principaux sont :
–– toxicité veineuse justifiant la mise en place d’un site d’accès veineux central ;
–– toxicité hématologique (leucopénie et neutropénie) avec un risque d’infection ;
–– toxicité cutanée, muqueuse et sur les phanères (alopécie, quasiment constante) ;
–– nausées et vomissements dont la prévention est assurée selon les chimiothérapies prescrites, par l’emploi de
sétrons, de corticoïdes et d’un inhibiteur NK1 ;
–– ménopause induite dépendant de l’âge au moment du traitement et altération de la fertilité ;
–– neurotoxicité pour les taxanes ;
–– syndrome d’hyperperméabilité capillaire pour le docetaxel ;
–– les anthracyclines ont une cardiotoxicité dépendant de la dose cumulative ;
–– risque de leucémie secondaire dépendant des types de chimiothérapies et des doses utilisées.
1. Pour comprendre ces chiffres très variables : dans les cohortes de patientes pour lesquelles le cancer est découvert par mam-
mographie de dépistage, c’est < 5 % de patientes métastatiques d’emblée ; dans les cohortes de patientes suivies en oncologie
médicale, cela peut atteindre 35 % !
Toujours
Possible en relai
(trastuzumab
Cancers de la chimiothérapie
Toujours et/ou autres Jamais
HER2-positifs si récepteurs
thérapies anti-
hormonaux positifs
HER2)
Systématique
Cancers Possibilité d'anti-
si métastases
triple- Toujours Jamais Jamais angiogénique +
négatifs osseuses
chimiothérapie
Possible si maladie
Cancers progressant sous Possibilité
Traitement
hormono- hormonothérapies Jamais de thérapie ciblée +
préférentiel
sensibles ou agressive (crise hormonothérapie
viscérale)
7.3. Chimiothérapie
yy Il utilise souvent une mono-chimiothérapie. Les molécules suivantes peuvent être utilisées : anthracyclines,
taxanes, capecitabine (prodrogue orale du 5-fluorouracile), vinorelbine, éribuline…
▶▶ Références
yy Guide - affection longue durée - Tumeur maligne, affection maligne du tissu lymphatique ou hématopoïétique : Cancer du sein,
Janvier 2010. HAS
http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_927251/fr/ald-n-30-cancer-du-sein
yy Cancers du sein/Du diagnostic au suivi. Mars 2016. INCa
http://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Recommandations-et-outils-d-aide-a-la-pratique/Cancers-du-sein
yy Item 309 : Tumeurs du sein. Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF). 2011
http://campus.cerimes.fr/gynecologie-et-obstetrique/enseignement/item159/site/html/1.html
yy World Cancer Report 2014, International Agency for Research on Cancer, Lyon 2014.
http://publications.iarc.fr/Non-Series-Publications/World-Cancer-Reports/World-Cancer-Report-2014
UE 9 – item 309 I T u m eu r s du sein 403
N, grade, taille, âge, inflammation, emboles, Age, OMS, chimio pour un stade localisé, délai de
récepteurs hormonaux (RE / RP) et HER2 récidive, crise viscérale, récepteurs hormonaux (RE / RP)
et HER2
C hapitre 23
Tumeurs du testicule
Pr Stéphane Culine1, Dr Aude Fléchon2, Pr Nicolas Mottet3, Pr Karim Fizazi4
1
Service d’Oncologie Médicale, Hôpital Saint-Louis, Faculté Paris-Diderot, Paris
2
Département d’Oncologie Médicale, Centre Léon Bérard, Lyon
3
Service d’Urologie, CHU, Faculté Jacques Lisfranc, Saint-Etienne
4
Département de Médecine Oncologique, Gustave Roussy, Faculté Paris-Sud, Villejuif
1. Nosologie
yy La très grande majorité (> 90 %) des tumeurs du testicule correspond à des tumeurs germinales (Tableau 1).
yy Les tumeurs non germinales (< 10 %) constituent un groupe de tumeurs très hétérogènes, bénignes ou malignes,
principalement issues des tissus de soutien du testicule.
Circonstances de découverte
Le plus souvent
Signes locaux (augmentation de volume, douleur)
Plus rarement
Gynécomastie (penser tumeur germinale +++)
Signes de dissémination métastatique
Échographie scrotale
Nodule hétérogène intra-testiculaire
Orchidectomie
Séminome pur
Tumeur germinale non séminomateuse
Stadification
Stade localisé
Marqueurs tumoraux sériques normaux ou normalisés
et TDM thoraco-abdomino-pelvienne normale
Stade métastatique
Marqueurs tumoraux sériques non normalisés
et/ou TDM thoraco-abdomino-pelvienne anormale
yy Il s’agit d’un cancer qui touche l’homme jeune avec un pic de fréquence autour de la troisième décennie.
yy Les principaux facteurs de risque identifiés sont décrits dans le tableau 2.
yy Les tumeurs germinales du testicule ont la particularité d’être associées à un très bon pronostic, avec une
survie à 5 ans de plus de 95 % tous stades confondus. Le nombre de décès en France a été de moins de 100 par an
au cours des dernières années, soit un taux de mortalité de 0,2/100 000 hommes, en constante diminution. Ces
données illustrent les progrès thérapeutiques très importants réalisés au cours des dernières décennies, notam-
ment depuis l’utilisation du cisplatine dans les protocoles de chimiothérapie.
3. Histoire naturelle
yy Les tumeurs germinales du testicule dérivent des gonocytes primordiaux, précurseurs embryonnaires des gamètes
de l’adulte, et partagent une lésion pré-cancéreuse commune appelée néoplasie germinale intra-tubulaire indiffé-
renciée. La carcinogénèse est mal connue. Les premières étapes sont possiblement en relation avec une exposition
maternelle à des perturbateurs endocriniens.
yy Après un développement le plus souvent local, la dissémination tumorale peut s’effectuer par voie sanguine ou
lymphatique. La voie lymphatique suit les pédicules vasculaires spermatiques, qui naissent directement de l’aorte
lombaire et se jettent dans la veine cave inférieure à droite et la veine rénale à gauche, tandis que la voie hémato-
gène est celle de la veine spermatique. Les premiers sites métastatiques atteints sont donc les ganglions rétro-
péritonéaux (Figure 2) et les poumons.
Tableau 3 : LA PLACE DES MARQUEURS TUMORAUX SÉRIQUES DANS LA PRISE EN CHARGE DES TUMEURS GERMINALES DU TESTICULE
yyRôle diagnostique
–– Avant l’orchidectomie, l’élévation de l’AFP et/ou de l’hCG confirme quasiment avant l’anatomo-pathologie le
diagnostic de tumeur germinale.
–– Leur élévation peut être suffisante comme critère diagnostique pour engager un traitement sans réaliser
l’orchidectomie si le tableau clinique le justifie (métastases menaçantes).
yyRôle dans la stadification de la maladie
––Si la tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne est normale, la normalisation des marqueurs est nécessaire
pour conclure au stade localisé de la maladie.
yyRôle pronostique
–– Lorsque la tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne montre des métastases, le niveau d’élévation des
marqueurs permet d’intégrer le patient dans un des groupes pronostiques de la classification internationale pour les
tumeurs germinales non séminomateuses (cf. Tableau 5).
yyRôle dans la surveillance après traitement
––Après traitement, la surveillance des patients repose sur l’examen clinique, l’imagerie et le dosage régulier des
marqueurs tumoraux sériques.
4.4. Imagerie
yy L’examen de référence est l’échographie scrotale. Elle permet, outre de confirmer l’origine testiculaire de la masse
scrotale, d’explorer le testicule controlatéral. L’aspect échographique d’une tumeur germinale se présente volon-
tiers sous la forme d’un nodule hypoéchogène, possiblement hétérogène, volontiers hypervascularisé en mode
doppler.
4.5. Orchidectomie
yy Le diagnostic positif final d’une tumeur germinale du testicule repose sur l’analyse anatomo-pathologique de la
pièce d’orchidectomie.
yy Une tumeur testiculaire ne doit jamais être biopsiée : toute découverte d’une masse intra-testiculaire est un
cancer jusqu’à preuve anatomo-pathologique du contraire et doit conduire à la réalisation d’une exploration
scrotale par voie inguinale. Celle-ci se fait sous anesthésie générale ou sous rachianesthésie, après clampage haut
et premier du cordon spermatique à l’orifice inguinal profond pour éviter toute dissémination hématogène lors de
la mobilisation de la masse. La pièce opératoire comporte ainsi le testicule, ses annexes et le cordon spermatique
jusqu’à l’orifice inguinal.
yy Une prothèse testiculaire peut être mise en place dans le même temps ou à distance.
yy Un recueil de sperme pour cryoconservation doit être systématiquement proposé au patient, au mieux avant
l’orchidectomie, au sein d’un CECOS (Centre d’Étude et de Conservation des Œufs et du Sperme humain). Il
s’agit d’une mesure médico-légale dans la mesure où la maladie elle-même et les traitements peuvent être respon-
sables de troubles de la fertilité.
yy Une orchidectomie partielle peut être proposée dans des circonstances particulières, comme par exemple en cas
de testicule unique.
4.6. Anatomo-pathologie
yy Le compte rendu anatomo-pathologique apporte le diagnostic positif de tumeur germinale et précise les diffé-
rentes composantes observées. La prise en charge clinique impose de distinguer les séminomes purs d’une part
et les tumeurs non séminomateuses d’autre part. Le stade pT est également précisé (Tableau 4).
Stade pT
pTis yyNéoplasie germinale intra-tubulaire indifférenciée
5. Stadification et pronostic
Pronostic intermédiaire
Mauvais pronostic
Survie à 5 ans : 48 %
6. Diagnostics différentiels
yy Le principal diagnostic différentiel est l’orchi-épididymite, qui se distingue par la présence de signes infectieux
pouvant être marqués (fièvre, douleur), de troubles urinaires ou d’un ECBU positif, et un signe de Chevassu
négatif.
yy En cas de doute, l’échographie testiculaire pourra trancher en mettant en évidence un épaississement et un aspect
hypervascularisé de l’épididyme.
yy L’hydrocèle vaginale est facilement reconnaissable par son aspect régulier et de consistance hydrique.
yy Les autres diagnostics différentiels peuvent facilement être éliminés cliniquement ou à l’échographie (kyste de
l’épididyme, varicocèle, hernie inguino-scrotale…).
▶▶ Références
1. Toute tumeur du testicule de l’adulte jeune est un cancer (une tumeur germinale) jusqu’à
preuve du contraire.
2. Une gynécomastie ou des douleurs lombaires chez l’adulte jeune doivent faire évoquer le dia-
gnostic de tumeur germinale du testicule.
3. Les séminomes purs ne s’accompagnent jamais d’une élévation de l’AFP.
4. L’imagerie par TEP-FDG n’a pas de place dans le bilan d’extension de la maladie.
5. Sur le plan anatomo-pathologique, il faut séparer les séminomes purs (50 % des tumeurs envi-
ron) d’une part et les tumeurs non séminomateuses d’autre part.
6. Les tumeurs non séminomateuses peuvent être pures (1 seul composant) ou mixtes (plusieurs
composants dont possiblement du séminome).
7. La définition du stade localisé ou métastatique de la maladie inclut la tomodensitométrie
abdomino-pelvienne ET les marqueurs tumoraux sériques (AFP, hCG, LDH).
8. Dans la classification internationale des formes métastatiques, le niveau d’élévation des mar-
queurs tumoraux sériques est déterminé lors du nadir post-orchidectomie et non avant l’orchidec-
tomie.
C hapitre 24
Tumeurs vésicales
Dr François Audenet1, Pr Catherine Durdux2, Pr Nadine Houede3,
Pr Marc-Olivier Timsit1, Pr Stéphane Oudard4
1
Service d’Urologie, Hôpital Européen Georges Pompidou
2
Service d’Oncologie Radiothérapie, Hôpital Européen Georges Pompidou
3
Service d’Oncologie médicale, Centre Hospitalier Universitaire de Nîmes
4
Service d’Oncologie médicale, Hôpital Européen Georges Pompidou
yy Les tumeurs vésicales représentent une entité hétérogène, avec deux formes cliniques extrêmement différentes en
termes de prise en charge et de pronostic.
yy Ces tumeurs résultent le plus souvent du contact prolongé entre la muqueuse vésicale et les carcinogènes présents
dans les urines, au premier rang desquels on retrouve le tabac.
yy Toute la démarche diagnostique et thérapeutique repose sur la distinction entre une tumeur de vessie n’infiltrant
pas le muscle vésical (TVNIM) et une tumeur de vessie infiltrant le muscle (TVIM). Par conséquent, il est primor-
dial, lors de l’évaluation initiale, d’obtenir un diagnostic histologique précis, dont dépendra le bilan d’extension,
le choix éventuel d’un traitement radical ou d’un traitement adjuvant, ainsi que les modalités de surveillance.
yy Si les TVNIM sont habituellement prises en charge par les urologues, les TVIM nécessitent une prise en charge
multidisciplinaire impliquant urologues, oncologues médicaux et oncologues radiothérapeutes.
yy Cependant, malgré l’émergence de nouveaux traitements, le pronostic reste sombre dans les formes localement
avancées et métastatiques.
FACTEURS DE RISQUE
2. Anatomo-pathologie
yy L’urothélium ou épithélium transitionnel est l’épithélium de recouvrement de l’arbre urinaire. La maladie urothé-
liale peut donc toucher, de manière synchrone ou métachrone, calices, bassinets, uretères, vessie et urètre.
yy La vessie est plus fréquemment atteinte en raison de la surface importante de l’urothélium et du temps de contact
prolongé avec les carcinogènes urinaires.
TYPES HISTOLOGIQUES
yy Deux critères pronostiques majeurs doivent être renseignés lors de l’examen anatomo-pathologique : le stade
tumoral et le grade tumoral.
yy Le stade tumoral correspond au degré de pénétration dans la paroi vésicale (Figure 1, Tableau 1).
–– Les cancers de stade pTis, pTa et pT1 sont des tumeurs de vessie n’infiltrant pas le muscle vésical (TVNIM).
–– Les cancers de stade pT2 à pT4 sont des tumeurs de vessie infiltrant le muscle vésical (TVIM).
yy Le grade tumoral : les TVNIM peuvent être de bas grade ou de haut grade ; le haut grade étant associé à un risque
plus élevé de récidive et de progression. Par définition, les TVIM sont toujours des tumeurs de haut grade.
Figure 1. Schéma des différents stades tumoraux (d’après l’Institut National du Cancer)
TVNIM TVIM
Ta Tis T1 T2 T3 T4
Muqueuse
Sous-muqueuse
Muscle superficiel
Muscle profond
Graisse périvésicale
Organes voisins
Stade N
Stade M
yy N’est pas nécessaire avant la résection endoscopique au bloc opératoire lorsqu’un examen d’imagerie (échogra-
phie vésicale ou TDM) montre un aspect caractéristique de tumeur de vessie.
Le diagnostic anatomo-pathologique de la RTUV permet de faire la distinction entre TVNIM et TVIM, dont
dépend la suite de la prise en charge.
4. Bilan d’extension
4.1. TVNIM
yy Uroscanner : rechercher une localisation tumorale synchrone dans le haut appareil urinaire (tumeur de la voie
excrétrice urinaire supérieure : TVES).
yy Aucun bilan d’extension nécessaire.
4.2. TVIM
yy TDM thoraco-abdomino-pelvienne avec injection de produit de contraste (en l’absence de contre-indication ;
créatininémie normale) avec temps tardif excrétoire.
yy Recherche :
–– Une dilatation des cavités pyélo-calicielles en cas d’obstruction urétérale par la tumeur (Figure 3).
–– Une tumeur synchrone dans le haut appareil urinaire.
–– Une extension loco-régionale et à distance de la tumeur : envahissement de la graisse péri-vésicale et des
organes de voisinage, adénopathies pelviennes ou rétro-péritonéales, métastases (foie, poumon, os).
yy Autres examens uniquement en cas de point d’appel clinique (scintigraphie osseuse, scanner cérébral).
5. Bilan pré-thérapeutique
yy Évaluation du terrain (comorbidités associées du patient tabagique) +++.
yy Fonction rénale.
yy PSA en cas de chirurgie radicale ou de radiothérapie.
6. Évolution et pronostic
TVNIM TVIM
Fréquence lors du 75 % 25 %
diagnostic initial
Diagnostic RTUV RTUV
Risque évolutif Récidive locale (50 %) Évolution métastatique (50 %), létale
Progression vers une TVIM (15 %)
7. Bases du traitement
▶▶ Références
yy Rouprêt M., Neuzillet Y., Masson-Lecomte A., Colin P., Comperat E., Dubosq F., Houédé N., Larré S., Pignot G., Puech P., Roumiguié M.,
Xylinas E., Méjean A.. Recommandations en onco-urologie 2016-2018 du CCAFU : Tumeurs de la vessie. Prog Urol. 2016 Nov 1;27:S67–
S91.
yy Masson-Lecomte A., Neuzillet Y., Tumeurs vésicales in Référentiel du Collège Français des Urologues. Elsevier/Masson 2015.
yy Recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) – Institut National du Cancer. Cancer de la vessie. Mai 2010.
POINTS CLÉS
1. Le diagnostic de tumeur de vessie doit être évoqué devant toute hématurie macroscopique
en raison de sa fréquence et de sa gravité.
2. Le tabagisme est un facteur de risque majeur.
3. Des facteurs de risque professionnels doivent être systématiquement recherchés.
4. Dans 90 % des cas, les tumeurs de vessie sont des carcinomes urothéliaux.
5. On distingue deux stades au profil évolutif et au pronostic différents :
–– Tumeurs de vessie n’infiltrant pas le muscle (TVNIM) : risque de récidive et de progression.
–– Tumeurs de vessie infiltrant le muscle vésical (TVIM) : risque d’évolution métastatique.
6. Le bilan diagnostique initial repose sur la cytologie urinaire et la cystoscopie sous anesthésie
locale.
7. La résection trans-urétrale de vessie (RTUV) est le premier temps de la prise en charge :
c’est un geste chirurgical à la fois diagnostique (examen anatomo-pathologique) et thérapeutique
(pour les TVNIM).
8. Le sevrage tabagique est primordial.
9. Le traitement des TVNIM repose sur la RTUV associée aux instillations endovésicales en
fonction du risque. La surveillance doit être prolongée.
10. Le traitement des TVIM localisées comprend la cystectomie avec curage ganglionnaire
pelvien étendu et dérivation des urines.
11. La chimiothérapie néo-adjuvante à base de cisplatine est recommandée.
12. L’association radio-chimiothérapie est une alternative à la chirurgie chez des patients sélec-
tionnés.
13. Les TVIM métastatiques relèvent d’un traitement par chimiothérapie palliative.
14. L’immunothérapie donne des résultats très prometteurs dans les TVIM localement avancées
ou métastatiques, notamment en deuxième ligne post-chimiothérapie à base de sels de platine.
HÉMATURIE
Tumeur de vessie
1. La découverte d’une tumeur de vessie doit faire systématiquement rechercher une exposition
professionnelle pour permettre une déclaration en maladie professionnelle.
2. La RTUV est le premier temps de la prise en charge des tumeurs de vessie : elle permet de faire
le diagnostic anatomo-pathologique et constitue une étape essentielle dans le traitement des
TVNIM.
3. Le but des instillations endovésicales est de diminuer le risque de récidive et de progression
des TVNIM.
4. Il faut toujours rechercher une atteinte synchrone de la voie excrétrice supérieure par un
uroscanner et surveiller l’ensemble de l’urothélium après traitement.
5. Pour les TVIM métastatiques, le traitement est palliatif et repose sur la chimiothérapie ±
immunothérapie.
6. La radiothérapie vésicale peut avoir un rôle palliatif en cas d’hématurie abondante.