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HISTOIRE 2de
Nouveau programme 2019
Sous la direction de :
Sébastien Cote
Professeur en classes préparatoires au lycée Joffre à Montpellier (34)
Joëlle Alazard
Professeure en classes préparatoires au Lycée Faidherbe, Lille (59)
Stéphane Coviaux
Professeur en classes préparatoires au lycée Joliot-Curie, Nanterre (92)
Laurence De Cock
Professeure au lycée Guillaume-Tirel, Paris (75)
Hayat El Kaaouachi
Professeure au collège-lycée Henri-Wallon, Aubervilliers (93)
Éric Godeau
Professeur en classes préparatoires au lycée Hélène-Boucher, Paris (75)
Jean-Marcel Guigou
Professeur au lycée Germaine-Tillion, Le Bourget (93)
Delphine Lécureuil
Professeure au lycée Jules-Guesde, Montpellier (34)
André Loez
Professeur en classes préparatoires aux lycées Molière et Victor Hugo, Paris (75)
Caroline Normand
Professeure au collège Louis-Issaurat, Créteil (94)
Colin Revol
Professeur au lycée Saint-Exupéry, Lyon (69)
Introduction
La périodisation en histoire
› MANUEL PAGES 22 À 27
l’œuvre d’universitaires français, reprenant des vive », celle qui se construit et se renouvelle au fil
appellations déjà en usage chez les érudits italiens du travail des historiens.
au XVe siècle (à l’exception de la période contem- Le choix des dates bornant les périodes cano-
poraine). niques est un premier problème, évoqué page 24.
Le recours à la périodisation en quatre temps cons- Pour chacune des périodes, plusieurs bornes sont
titue depuis un facteur structurant, un repère com- possibles, les limites restent floues.
mun. Le doc 2 permet de revenir sur les débuts de
2. Comment les historiens procèdent-ils pour l’époque contemporaine et de montrer que la dé-
périodiser ? limitation des périodes dépend aussi des lieux et a
elle-même une histoire. Ainsi, 1789 est une date
Périodiser c’est découper le temps en segments qui liée à un événement de notre histoire nationale.
supposent une certaine durée. Chaque segment L’impact de cet événement a conduit parfois à en
doit posséder des caractères propres mais se défi- faire une rupture universelle. Ainsi, l’Espagne et
nit aussi par rapport à la relation qu’il entretient quelques autres pays ont retenu cette date. En
avec les périodes qui l’encadrent, permettant de revanche, dans le monde anglo-saxon, la Contem-
penser à la fois la continuité et la rupture. Le choix porary history commence plutôt en 1945, parfois
de la périodisation doit être justifié, tous les dé- en 1914, voire à la fin du XIXe siècle. L’auteur du
coupages ne se valent pas : ils doivent avoir du doc. 2 explique que pour les Soviétiques, c’est la
sens et doivent identifier des ensembles relative- révolution d’octobre 1917 qui opère la césure
ment cohérents. À l’intérieur d’une période, entre époque moderne et contemporaine. Dans la
l’homogénéité est ainsi censée prévaloir. Chine maoïste, la période contemporaine débute
Ainsi, pour justifier son « long Moyen Âge » (du en 1919, avec le mouvement étudiant du 4 mai.
IIIe à la naissance du XIXe siècle), Jacques le Goff
détermine des éléments d’unité : le niveau techno- À l’heure de la Global History et des Postcolonial
logique (« l’ère du moulin »), les famines, ainsi studies, les périodisations forgées par les Euro-
que le poids du christianisme. À l’intérieur de ce péens font l’objet de vives remises en cause.
« long Moyen Âge », il propose des sous-périodes Le débat porte aussi sur la pertinence du décou-
(IIIe-Xe siècle, Xe-XVe siècle environ, XVIe page. Le médiéviste Jacques Le Goff préfère ainsi
jusqu’au XIXe siècle) avec « d’autres critères dissoudre les temps modernes dans un « long
d’unité ». Moyen Âge », en mettant en avant la profonde
Périodiser nécessite de choisir des bornes, placées homogénéité d’une période courant jusqu’à la fin
aux extrémités de la période étudiée. De leur per- du XVIIIe siècle. Certains historiens proposent
tinence découle celle de l’opération de périodisa- aussi d’intercaler d’autres périodes entre les quatre
tion. Ce faisant, l’historien détermine aussi des « canoniques » comme l’Antiquité tardive, ou
bornes intermédiaires qui vont ponctuer les diffé- encore la Renaissance.
rentes étapes du processus étudié.
3. Montrez que nos quatre grandes périodes
peuvent être remises en cause. DOCUMENTS
Parce que la périodisation est une construction par
nature simplificatrice, elle a été l’objet de nom-
D’autres façons de découper le temps
breuses critiques, favorisées notamment par une > MANUEL PAGES 26-27
meilleure prise en compte de la pluralité des pro-
cessus, de la diversité des rythmes. Cette mise à Réponses aux questions
distance critique de l’acte de périodisation a con- 1. Montrez que la périodisation varie selon les
tribué à une relecture des périodes canoniques et lieux et les thèmes étudiés.
héritées et a conduit à repenser les passages d’une Comme les élèves ont commencé à le découvrir
période à une autre, la création de nouveaux dé- avec le doc. 2 p. 25, la périodisation varie égale-
coupages… ment selon les lieux. La périodisation japonaise est
Il faut en effet prendre garde que l’attachement bien différente de notre périodisation occidentale
aux quatre grandes périodes canoniques ne les (doc 1). Pour Jean Grataloup, « périodiser, c’est
fasse apparaître comme un donné et non comme régionaliser », les périodes ne s’appliquant qu’à
un construit. Antoine Prost oppose ainsi une pé- des espaces définis (« les périodes sont des régions
riodisation « refroidie » à une « périodisation du Monde », revue ATALA Cultures et sciences
humaines n° 17, 2014).
Il s’agit d’un système dirigé par un seul homme, d’anecdotes édifiantes et pas forcément exactes,
l’empereur, même si le fonctionnement de la Ré- puisées par Plutarque chez des auteurs antérieurs.
publique romaine, qui répartit le pouvoir entre Il nous renseigne souvent moins sur les person-
sénateurs et consuls, n’est pas officiellement aboli. nages dont il écrit la biographie que sur l’image
qui se dégageait d’eux à l’époque impériale, six
siècles plus tard dans le cas de Périclès, dont la vie
est racontée en parallèle de celle de Fabius Maxi-
COURS 3 mus « Cunctator », l’un des vainqueurs
d’Hannibal à la fin du IIIe siècle avant J.-C.
L’empire romain, une mosaïque cultu-
relle et religieuse Doc 2. et 5 Périclès fait l’éloge de la démocra-
tie athénienne / Périclès contesté au début de la
› MANUEL PAGES 36-37 guerre du Péloponnèse
Réponses au Testez-vous ! Les deux textes sont extraits de La Guerre du
Les Romains ont-ils imposé leur culture aux Péloponnèse, écrit par l’athénien Thucydide (460-
peuples conquis ? 396 av. J.-C. env.). Il est l’un des stratèges athé-
niens au début de ce conflit, mais un échec mili-
Non, les peuples conquis par Rome ont pu garder
taire le fait condamner à l’exil en 424 av. J.-C. À
leurs langues et leurs cultes, même si certains élé-
partir de cette date, il est un observateur de la
ments de la civilisation romaine comme le droit et
guerre, dont il livre un récit détaillé et marqué par
les modes de vie urbains se sont diffusés dans
un souci de recherche causale très prononcé, qui
l’empire.
s’arrête en 411 av. J.-C. Témoin et contemporain
L’empire romain est-il uni tout au long de son de Périclès, il en fait un personnage central au
histoire ? début de son texte, en reproduisant le discours
Malgré des facteurs d’unité comme le droit romain qu’il aurait prononcé pour honorer les morts athé-
et les voies romaines, l’empire tend à se diviser, niens, sans toutefois qu’il s’agisse d’une retrans-
suivant la langue majoritaire (grec à l’est, latin à cription exacte ou d’une prise de notes : l’historien
l’ouest), puis de façon plus politique avec le par- antique ne travaille pas d’après des archives mais
tage des territoires entre deux empereurs, rendu compose un discours idéalisé (doc.2).
définitif à la fin du IVe siècle de notre ère. Doc. 3 Tesson d’ostracisme portant le nom de
Par quelles étapes le christianisme est-il devenu Périclès
la religion officielle de l’empire ? Ce tesson de poterie mesure environ 7 cm sur 5
Le christianisme est d’abord une religion locale, et cm. Il fait partie des environ 11 000 ostraka (tes-
minoritaire. Il fait l’objet de persécutions des auto- sons d’ostracisme) retrouvés lors de fouilles sur
rités romaines mais tend à se diffuser principale- l’agora athénienne et dans le quartier du Céra-
ment au IIIe siècle de notre ère. Adopté et légalisé mique. Certains de ces tessons étaient dédiés à
par l’empereur Constantin à partir de 312, il de- cette pratique politique, d’autres consistaient sim-
vient la seule religion légale sous l’empereur plement à écrire un nom sur un morceau de poterie
Théodose à la fin du IVe siècle de notre ère. existant. La plupart datent des années 470-460
avant J.-C., lorsque les rivalités personnelles
étaient intenses au sein d’une démocratie athé-
nienne datant d’un demi-siècle environ et encore
DOCUMENTS POINT DE PASSAGE peu enracinée.
Périclès et la démocratie athénienne Doc 4. Périclès et l’embellissement d’Athènes
> MANUEL PAGES 38-39 La photographie montre une vue de l’acropole
d’Athènes prise depuis le sud-ouest : au fond, à
Doc 1. De prudents débuts politiques
droite, on distingue la colline du Lycabette. Il
Plutarque est un historien, biographe, philosophe existe d’autres acropoles dans le monde grec,
et moraliste grec d’époque romaine (46-125 ap. J.- comme à Corinthe : le mot acropole (formé sur
C.). Parmi ses écrits les Vies dites « Vies paral- akron, point élevé, et polis, cité) désigne une cita-
lèles », qui comparent des Grecs et des Romains delle ou hauteur surplombant une ville. Ici, il
fameux, constituent une source importante pour s’agit de la colline sacrée et fortifiée d’Athènes
les historiens, même si on y trouve beaucoup depuis l’époque archaïque. Aux yeux des Athé-
niens, on y trouve les signes de la présence divine, citoyens », y compris les plus modestes, égaux
comme l’olivier qu’Athéna aurait offert pour de- devant la loi, les tribunaux, ou le vote. Il indique
venir la déesse tutélaire de la cité. Les temples qui cependant que les élections permettent aux plus
y figurent avaient été pour partie détruits lors de méritants de diriger. Plusieurs affirmations de ce
l’invasion de la ville par les Perses en 480 av. J.- passage seraient à nuancer : l’idée d’une méfiance
C., et ils ont été reconstruits grâce au trésor de la « absente » dans les rapports quotidiens ou la vie
« ligue de Délos », à l’initiative de Périclès, au politique, alors que celle-ci est émaillée de conflits
milieu du Ve siècle avant notre ère. On voit, à et de procès ; l’idée qu’un homme « sans fortune »
gauche, les propylées (entrée à colonnes) et le peut gouverner, alors que beaucoup de dirigeants
temple d’Athéna Nikè (« victorieuse »), par les- sont, comme Périclès, issus de familles aisées et
quels on monte sur la colline, et où passent les prestigieuses.
grandes processions annuelles des Panathénées.
Celles-ci se dirigent vers le Parthénon, au centre 3. Quelle décision de Périclès transforme
de l’image. Ce dernier, qui tire son nom d’une des l’aspect d’Athènes ?
épiclèses d’Athéna (parthenos, la vierge) est un La décision de consacrer les revenus de la Ligue
temple dorique de 69,5 m sur 31 m, en marbre, de Délos à l’érection de grands monuments sur la
entouré de colonnes (périptère). Orné de frises, il colline de l’acropole, afin de fournir des emplois à
abrite une statue de la déesse Athéna ainsi que le une masse de citoyens athéniens, d’embellir la cité
trésor de la cité. On le voit sous un aspect très et d’en faire un modèle pour le reste de la Grèce,
dégradé : il a subi une explosion en 1687 au cours tout en affirmant son identité religieuse et civique
d’un combat entre Turcs et Vénitiens, et ses décors par l’hommage architectural rendu à ses divinités.
sculptés ont été transportés en Grande-Bretagne au
4. Pour quelles raisons Périclès suscite-t-il, à
début du XIXe siècle par le diplomate Lord Elgin
différents moments, de la méfiance ou de
(la Grèce en revendique aujourd’hui la restitution).
l’hostilité parmi les Athéniens ?
En bas à gauche de l’image, on voit une partie des
structures du théâtre (ou Odéon) d’Hérode Atticus, Au début de sa vie, Périclès inquiète en raison de
construit à l’époque romaine, au IIe siècle de notre ses origines familiales qui semblent l’éloigner du
ère. petit peuple ordinaire qui compose le démos athé-
nien. Par la suite, ses talents d’orateur font
Réponses aux questions craindre sa capacité à manipuler les assemblées.
1. Quels atouts personnels permettent à Périclès On critique également ses choix pour la cité :
de jouer un rôle politique de premier plan ? construction de coûteux monuments ; stratégie
Périclès est un bon orateur (« aisance et rapidité de impérialiste et navale qui met en péril le territoire
sa parole dans la discussion ») ce qui compte dans athénien.
une cité fondée sur le débat politique et la discus- 5. En quoi la situation de guerre provoque-t-
sion. Il dispose également d’une aisance financière elle une remise en cause des principes démocra-
qui lui permet de se consacrer aux affaires de la tiques athéniens ?
cité, sans être contraint de travailler pour subsister.
Il dispose d’un prestige lié à sa famille et à ses La guerre du Péloponnèse provoque de
fréquentations. Enfin il a fait ses preuves militai- l’inquiétude et du désarroi parmi les Athéniens, en
rement, ce qui constitue un devoir pour tout ci- particulier en raison des choix stratégiques de
toyen athénien, et représente un gage de compé- Périclès : il mise sur la supériorité maritime
tence pour qui veut être élu comme stratège. d’Athènes, à l’abri des Longs-Murs, ce qui im-
plique d’admettre l’invasion du territoire de la
2. De quels éléments de la démocratie athé- cité. Devant ce mécontentement, Périclès suspend
nienne Périclès fait-il l’éloge ? le fonctionnement démocratique normal
Périclès, selon la mise en scène qu’en fait Thucy- d’Athènes, en refusant de convoquer l’Ecclésia ou
dide, vante la constitution athénienne (au sens du d’autres réunions, afin d’éviter un vote défavo-
type de régime, les cités grecques n’ont pas de rable du démos à son encontre.
constitution écrite) : un régime démocratique qui 6. En vous appuyant sur les documents, mon-
contraste avec celui de Sparte, avec qui Athènes trez que la vie politique athénienne au Ve siècle
est alors en guerre, et qui repose sur un fonction- avant J.-C. est marquée par de nombreux con-
nement oligarchique dans lequel les discussions flits politiques dont Périclès est un acteur cen-
publiques sont restreintes. C’est pourquoi il défend tral.
un régime qui « sert les intérêts de la masse des
Périclès est un acteur de nombreux conflits poli- noms, depuis le secrétaire jusqu’au citoyen athé-
tiques, autour de plusieurs enjeux reliés entre eux : nien, ici Aristotélès, qui a proposé le texte) qui
partisan de la démocratie, il s’oppose aux oli- prévoient ensuite une somme d’argent prise sur le
garques ; personnalité brillante et issue d’une fa- trésor de la cité afin que le texte soit gravé sur une
mille aisée, il est soupçonné par certains d’aspirer stèle. L’emplacement de cette stèle vise à la fois à
à la tyrannie ; stratège souvent réélu et favorable à rendre visible et lisible le texte par tout citoyen, et
la politique impérialiste comme au développement à rendre solennelle la décisions prise, puisqu’elle
de la flotte, il irrite ceux qui prônent le repli sur le est ici placée à proximité d’une statue de Zeus.
territoire athénien et sa défense ; enfin, sa poli-
tique de grands travaux est jugée inutilement coû- 3. Comment la Ve République organise-t-elle,
teuse par ses adversaires politiques. Toutes ces en plusieurs temps, la discussion des lois ?
tensions, auxquelles s’ajoutent des éléments plus Il faut plusieurs étapes pour qu’une loi soit votée
personnels ne figurant pas dans les documents et discutée en France sous la Ve République. Pro-
(comme les critiques envers sa compagne, Aspa- posés par un parlementaire ou, le plus souvent, par
sie, étrangère à Athènes) font du personnage de le gouvernement, les propositions ou les projets de
Périclès un homme politique controversé, qui fut loi sont discutés publiquement par l’Assemblée
menacé d’ostracisme, illustrant le caractère con- nationale puis par le sénat. Se succèdent à la tri-
flictuel de la démocratie athénienne au Ve siècle bune des parlementaires qui s’opposent au texte
avant J.-C. ou le défendent, et peuvent également proposer
des amendements (modifications). Après le vote,
la loi devient effective avec sa promulgation par le
président de la République et sa publication au
PASSÉ / PRÉSENT Journal officiel et sur le site Legifrance.
Notre démocratie trouve-t-elle ses 4. En vous appuyant sur les documents, vous
origines au Ve siècle av. J. C. ? montrerez qu’il existe des héritages mais aussi
des différences dans le fonctionnement démo-
> MANUEL PAGES 40-41 cratique dans l’antiquité grecque et de nos
jours.
Réponses aux questions
Dans les deux cas, le processus de discussion de la
1. Où, pour quels motifs et avec quels partici- loi est réglé et encadré par des institutions qui
pants se réunit l’assemblée (Ecclésia) veillent à la distribution de la parole, puis, une fois
d’Athènes ? la loi votée, à son inscription dans l’espace public,
L’assemblée athénienne se réunit sur la colline de pour qu’elle puisse être connue de tous. La diffé-
la Pnyx, espace extérieur suffisamment vaste pour rence fondamentale réside dans le caractère direct
accueillir plusieurs milliers de citoyens et per- de la démocratie athénienne : chaque citoyen peut,
mettre la discussion publique des affaires. Cette individuellement, proposer, discuter et voter la loi,
discussion est organisée par les prytanes, 50 ci- sans intermédiaire. La Ve République est, elle, une
toyens siégeant à la Boulè (ayant donc été tirés au démocratie représentative dans lequel le pouvoir
sort), assumant, un dixième de l’année durant, la de faire la loi est délégué, par les élections législa-
direction de la cité. Parmi les quarante réunions tives, à des représentants.
annuelles, un quart concernent les questions vi-
tales pour la cité de son approvisionnement en
grain (l’ampleur de la population athénienne con-
duit la cité à importer du grain de mer noire) et de DOCUMENTS
sa défense. L’ordre du jour des autres séances La puissance maritime d’Athènes
n’est pas déterminé et les citoyens peuvent y por-
ter les affaires publiques ou privées de leur sou- > MANUEL PAGES 42-43
hait, suivant le principe fondamental de la démo-
Doc 1. L’essor de la puissance navale athé-
cratie athénienne, la liberté de parole ou iségoria.
nienne
2. Comment une loi athénienne est-elle enregis-
Diodore de Sicile est un historien grec du Ier siècle
trée et affichée ?
avant J.-C. (90-30 av. J.-C. env.), qui est surtout
Les décisions de l’ecclésia, lois, décrets, traités un compilateur d’autres auteurs antérieurs ; sa
d’alliance, sont enregistrés par les dirigeants poli- Bibliothèque historique complète et compense, sur
tiques du moment (le document énumère leurs plusieurs points importants, les lacunes des au-
teurs majeurs que sont Hérodote, Thucydide ou Les Helléniques constitue une continuation de
Xénophon. Le texte ici présenté évoque les lende- l’œuvre de Thucydide, racontant de façon fiable
mains des guerres médiques et les débuts de ce qui les événements allant de 410 av. J.-C. à 362 av. J.-
sera nommé la « Ligue de Délos ». C.
niens soit des vaisseaux, soit une somme d’argent, et droits au peuple romain (à travers le Sénat),
le tribut (phoros) en compensation. Dans certains renonçant aux pouvoirs exceptionnels qu’il avait
cas, ces cités déplorent aussi l’installation de co- obtenus durant les guerres civiles.
lons athéniens sur leur territoire, sur des lots de La monnaie ici représentée honore à la fois Octave
terre nommés clérouquies (mais cela ne figure pas pour sa victoire, et pour son respect des institu-
dans cet extrait). tions républicaines une fois celle-ci obtenue. Ce
5. Montrez comment les Spartiates cherchent à transfert de pouvoir apparent, d’Octave vers le
mettre un terme à la puissance navale athé- Sénat, a pour contrepartie le surnom honorifique
nienne. d’Auguste qu’il reçoit. Cette pièce peut donc se
lire comme la première étape de l’instauration du
Les Spartiates cherchent à mettre fin à la puissance principat, suivie quelques mois plus tard, en 27 av.
navale athénienne en supprimant ses outils fonda- J.-C., par les honneurs reçus par Octave renommé
mentaux : les fortifications reliant la ville au port Auguste, et détaillés dans le doc. 2.
du Pirée, qui sont détruites, et la flotte, qui est
limitée au strict minimum (douze navires, au lieu Doc 2. Auguste présente un bilan de son action
de deux cents environ). Imposer le retour des exi-
Les Res Gestae Divi Augusti sont un texte auto-
lés hostiles à la démocratie, partisans de
biographique attribué à Auguste, rédigé peu avant
l’oligarchie, contribue également à affaiblir la cité
sa mort en 14 après J.-C. Il a été affiché sur deux
athénienne en altérant son identité politique.
plaques de bronze devant son tombeau, et copié
sous diverses formes à travers l’empire, ce qui
nous permet d’en connaître la plus grande partie,
par confrontation de différents fragments, le prin-
DOCUMENTS POINT DE PASSAGE cipal ayant été retrouvé à Ancyre (actuelle Ankara,
Auguste et la fondation du principat / en Turquie).
L’image d’Auguste Le texte relate, année par année, ses actes poli-
tiques, les titres reçus et magistratures occupées,
> MANUEL PAGES 44-45 ainsi que ses expéditions militaires. Le passage ici
reproduit concerne les honneurs reçus par Octave
Auguste et la fondation du principat renommé Auguste par le Sénat en janvier 27
Doc 1. Pièce en or d’Octave av. J.-C.
Cette pièce en or représentant Auguste a récem- Il mentionne les raisons pour lesquelles il reçoit
ment rejoint les collections du British Museum ces honneurs : la victoire et la restauration de la
(1995). D’un diamètre de 18 mm, pesant paix, mais aussi l’abandon volontaire de ses pou-
8 grammes, il s’agit d’un aureus, soit l’unité mo- voirs étendus afin de restaurer, en apparence, le
nétaire la plus élevée sous la République romaine, fonctionnement politique de la République, fondé
valant 25 deniers ou 100 sesterces. sur une prééminence du Sénat. En échange, outre
le surnom honorifique d’Auguste, absolument
Au droit de la monnaie (côté « face ») figure un inédit et qui suggère une proximité avec les dieux,
portrait d’Octave de profil, couronné de lauriers, il reçoit des marques visibles attestant de son pou-
accompagné de la légende « Imperator, fils du voir maintenu, et désormais affichées à Rome, sur
divin César, consul pour la 6e fois ». sa propre maison ainsi que dans le Sénat : lauriers
La figure représentée au revers de la monnaie est et bouclier sur lequel figurent des vertus romaines
celle d’Octave en toge, assis sur un siège curule, traditionnelles (clémence, justice, piété).
attribué sous la République romaine aux magis- La distinction faite à la fin du texte entre « autori-
trats dotés de l’imperium (pouvoir de commande- té » et « pouvoirs » résume bien l’esprit du nou-
ment) : dictateurs, consuls et prêteurs. Il tient un veau régime : sans être officiellement placé au-
rouleau dans sa main droite et un coffret figure à dessus du système politique, Auguste dispose
ses pieds. La légende indique : « il a restauré les d’une autorité sans égale.
lois et les droits du peuple romain ».
On remarque ici qu’en dehors de la mention du
« divin César » Auguste n’est associé à aucune L’image d’Auguste
divinité. Il apparaît bien avec les attributs tradi- Doc 1. La simplicité d’Auguste
tionnels d’un magistrat romain, et son geste, rou-
leau en main, illustre la légende : il restitue les lois Suétone (70-122 ap. J.-C. env.) est un biographe
romain actif au IIe siècle de notre ère. Employé
dans l’administration impériale sous Trajan et les campagnes en Germanie des années 12 av. J.-
Hadrien, il a notamment rédigé les biographies de C. à 9 ap. J.-C.
douze chefs et empereurs, de César à Domitien, Certaines de ces victoires ont été obtenues par
dont celle d’Auguste. Chacun de ces textes, re- Tibère, ce qui permet de légitimer la succession
groupés sous le titre de Vie des Douze Césars, est impériale à venir. Ainsi, le camée a non seulement
organisé de façon thématique, racontant non seu- une fonction de glorification de l’empereur ré-
lement les hauts faits du personnage, son rôle à la gnant, mais entend aussi affermir la stabilité dy-
tête de l’empire (l’accès de Suétone aux docu- nastique de l’empire.
ments officiels pouvant lui servir d’appui) mais
aussi ses traits de caractère et les anecdotes s’y
rapportant, tels que la tradition orale et d’autres
auteurs lui avaient transmis (il rédige la biographie DOCUMENTS
d’Auguste environ un siècle après la mort de ce
dernier). Les formes de la romanisation en
Afrique du Nord
Doc 2. La glorification de l’empereur et de ses
victoires > MANUEL PAGES 46-47
Un camée est une pierre semi-précieuse composée Doc 1. Un spectacle de chasse sur une mo-
de plusieurs couches de couleurs différentes, ici un saïque
fond noir et une surface gris-bleu clair, qui est Cette mosaïque datant du IIIe siècle de notre ère
gravée avec une extrême précision, de façon à fut découverte en 1963 en Tunisie dans une mai-
utiliser ce contraste pour faire ressortir des figures. son appartenant à un notable de la province ro-
Celui-ci, très finement travaillé, fut probablement maine d’Afrique proconsulaire. De grande taille
réalisé dans l’entourage immédiat d’Auguste, et (420 x 220 cm), elle représente un spectacle alors
vers la fin de son règne en raison de la place émi- courant dans les amphithéâtres de Rome et des
nente qu’y occupe Tibère son successeur désigné à grandes villes de l’empire : une venatio, simulacre
partir de 4 ap. J.-C. La dimension modeste de de chasse aux animaux sauvages. Ici, quatre chas-
l’objet (19 x 23 cm) en fait, à la différence des seurs appelés bestiaires mettent à mort des léo-
statues monumentales d’Auguste, un véhicule pards à l’aide de lances. Les animaux portent des
idéologique approprié dans de petits cercles, qui noms (l’un deux est même nommé Romanus :
devait être montré et admiré au sein de maisons faut-il y voir une plaisanterie ?) de même que les
privées. C’est aussi ce qui expliquerait le contraste bestiaires. Ce sont des professionnels, membres
entre cette glorification et quasi-divinisation d’une guilde nommée les telegenii : le personnage
d’Auguste, et le comportement public de ce der- central porte sur un plateau les bourses destinées à
nier, qui recherchait plutôt la simplicité (cf. doc. les rémunérer, un millier de deniers chacun. En
1). raison de ces paiements et du prix des bêtes qu’il
En plus des éléments figurant dans la légende, il fallait préalablement capturer ou acheter à la li-
faut ajouter que certaines identifications sont dis- sière sud de l’Afrique romaine, un tel spectacle
cutées par les spécialistes : le personnage casqué, était extrêmement coûteux, tout comme les com-
avec une cape flottant au vent, au centre du re- bats de gladiateurs qui pouvaient avoir lieu dans le
gistre inférieur, peut représenter un soldat mais même cadre. Ils visaient donc à manifester la puis-
aussi Mars, le dieu de la guerre. sance des riches citoyens qui les finançaient, à
L’association d’Auguste avec les divinités est à l’occasion de leur entrée en fonction comme ma-
souligner : il tient dans sa main droite un lituus, gistrats ou dans le cadre du calendrier des fêtes
bâton des augures romains ; son torse est partiel- locales, et on peut penser que le commanditaire de
lement dénudé à l’image de certaines représenta- la mosaïque, Magerius, qui en fit orner le sol
tions divines, et l’aigle de Jupiter figure à ses d’une de ses demeures, était l’un d’entre eux.
pieds. L’ensemble, avec la corne d’abondance Cette idée est confirmée par l’inscription centrale
tenue par la figure assise à droite (la déesse Cérès entourant le personnage du serviteur portant les
ou Italia, suivant les interprétations), illustre la bourses : à gauche, ce que dit le crieur public
prospérité associée à la paix restaurée par Auguste. (« per curionem dictem »), et à droite les acclama-
Le registre inférieur souligne le lien entre cette tions de la foule (« adclamatum est »). Le crieur
paix intérieure et victoires extérieures obtenues insiste sur les exploits des bestiaires qu’il convient
sous son règne, non sans difficultés, notamment de rémunérer, et la foule l’approuve, indiquant que
Magerius paye (« Magerius donat »).
On retrouve donc ici des éléments caractéristiques à exaucer un vœu de la personne qui l’a comman-
de la vie urbaine romaine et de l’évergétisme dée et faite ériger.
(actes de générosité publique) des puissants qui La stèle comporte trois parties : un registre infé-
paient des spectacles, sous le regard de divinités rieur où figure un animal sacrificiel (ici, un tau-
romaines ou romanisées (Diane et Dionysos) mais reau) ; un registre central où figure le dédicant
avec des animaux propres au territoire africain où (homme ou femme ayant dédié la stèle, ici repré-
s’inscrit la scène. senté avec une toge, au sein d’un temple à fronton
triangulaire et colonnes) ; enfin le registre supé-
Doc 3. L’obtention de la citoyenneté romaine rieur, celui de la divinité, où figure la déesse diffu-
en Maurétanie Tingitane sant ses bienfaits sous la forme de fruits, entourée
Il s’agit d’un document de nature épigraphique : d’autres figures humaines ou divines.
une inscription dans la pierre, retrouvée au Maroc Il était courant pour les Romains de reprendre des
actuel en 1957, qui transcrit une décision impé- divinités étrangères ou de les associer aux leurs
riale, adressée au gouverneur de la Maurétanie sous un nouveau nom : c’est la pratique de
Tingitane, province créée sous l’empereur Claude l’interpretatio romana, qui permet de combiner
au milieu du Ier siècle de notre ère. Avant même la des éléments des divinités existantes au sein des
constitution de cette province, Banasa était une populations conquises dans les provinces (en
colonie romaine fondée sous Auguste, sous le nom Gaule, en Espagne, en Afrique…) avec des formes
Julia Valentia Banasa. À la date du document, au de culte romaines. Lors de leur arrivée à Carthage,
IIe siècle de notre ère sous l’empereur Marc- les proconsuls romains consultaient ainsi l’oracle
Aurèle, on trouve donc dans la région des citoyens de Junin Caelestis.
romains mais aussi des peuples non encore inté-
grés juridiquement à l’empire, comme les Réponses aux questions
Zegrenses, qui ont le statut de pérégrins (étrangers 1. Relevez les éléments caractéristiques de la vie
libres). urbaine romaine présents en Afrique du nord.
Le document illustre donc, avant l’édit de 212 qui La vie urbaine romaine se caractérise par un urba-
attribue la citoyenneté romaine à tous les hommes nisme spécifique, et par les pratiques des citadins.
libres de l’empire, une des modalités d’accès à la On retrouve à Leptis Magna tous ces éléments :
citoyenneté : à titre individuel, sur sa « requête », lieux de la vie économique et civique (forums,
et en tant que récompense, ici, pour la loyauté marchés et port), temples, constructions impériales
envers Rome, attestée par le gouverneur qui (une basilique est, à l’origine, un vaste bâtiment
cherche à s’appuyer sur des notables (« premiers rectangulaire, ici construit sur décision de
de son peuple »). On note que Julianius est désigné l’empereur Septime Sévère) lieux de sociabilité
avec un nom latin, de même que ses enfants, mais (thermes) et de spectacles (théâtre). Ce dernier
à la différence de son épouse, et sans le système point est illustré par la mosaïque de Magerius qui
des tria nomina (triple nom) propre aux Romains, montre que les pratiques d’évergétisme (générosi-
ce qui traduit un processus de romanisation enta- té publique dans le cadre civique) et les spectacles
mé sans être entièrement achevé. sanglants comme les chasses mises en scène exis-
tent en Afrique romaine.
Doc 5. Cultes locaux et divinités romaines 2. Pour quelles raisons la citoyenneté romaine
Cette stèle en pierre mesurant environ 175 cm de est-elle octroyée à Julianius ?
hauteur et datant d’une période indéterminée (IIe s. La citoyenneté romaine est attribuée à Julianius
av. J.-C. – Ier s. ap. J.-C.) s’inscrit dans une série sur sa demande, car il fait partie des notables d’un
de dizaines de représentations comparables retrou- peuple local, qui a manifesté sa soumission envers
vées dans l’actuelle Tunisie, soit le territoire qui Rome (il a donné des noms latins à ses enfants),
avait appartenu à Carthage avant la conquête ro- comme le montre l’appui donné par le gouverneur
maine du IIe siècle avant J.-C. On y trouve donc de la province à sa requête ; pour les autorités
une association d’éléments religieux puniques romaines, il s’agit de s’appuyer sur les élites lo-
(Tanit est une divinité punique, c’est-à-dire car- cales afin de s’attacher la fidélité des populations,
thaginoise, d’origine phénicienne, associée à la et donc d’ouvrir les rangs des citoyens romains à
fécondité, à la protection divine, aux forces cé- un membre d’une tribu africaine en espérant que
lestes) et romains (la déesse Junon, ou Junon cela influe sur le comportement de l’ensemble du
Caelestis, dotée des mêmes attributs et fonctions). groupe (« que beaucoup soient incités à suivre
Il s’agit d’une stèle votive, c’est-à-dire qu’elle vise l’exemple de Julianius »).
3. De quelles façons le pouvoir impérial peut-il les Sarmates, l’arc de triomphe comportait plu-
développer ou accentuer la romanisation des sieurs panneaux sculptés. Huit ont été réemployés
provinces d’Afrique du nord ? sur l’arc de Constantin, et certains ont été retrou-
Le pouvoir impérial peut développer la romanisa- vés indépendamment, conservés à Rome, aux mu-
tion de l’Afrique du nord en y diffusant le modèle sées du Capitole.
urbain romain, par la construction ou La scène se déroule devant le temple de Jupiter
l’embellissement des villes (cas de Leptis Magna), capitolin, principale divinité civique romaine.
ainsi qu’en attribuant la citoyenneté à des peuples L’empereur est le garant du bon rapport entre les
locaux afin de les intégrer plus solidement à hommes et les dieux, à plus forte raison car il dé-
l’empire. tient le titre de grand pontife (Pontifex maximus).
Pour procéder à un sacrificie, il doit donc se cou-
4. Repérez les éléments vestimentaires et archi- vrir la tête, afin de se protéger de tout signe ou
tecturaux d’origine romaine. Peut-on parler de bruit de mauvais augure, et se tenir devant l’autel
romanisation en matière religieuse ? (ici, un simple trépied). L’homme torse nu est le
Le personnage central de la stèle porte une toge ; il sacrificateur, qu’on reconnaît à sa hache.
est encadré par les colonnes d’un temple à fronton
triangulaire comme on peut en trouver dans les Doc 2. L’organisation d’un sacrifice athénien
cités romaines ; On peut donc parler d’une roma- Ce document de nature épigraphique concerne le
nisation partielle en matière religieuse : une divini- sanctuaire d’Asclépios au Pirée, qui n’est pas en-
té locale (Tanit) est associée à une déesse romaine tièrement achevé à la date du texte (première moi-
(Junon Caelestis) et la forme du culte emprunte tié du IVe siècle av. J.-C.) comme l’atteste la men-
aux éléments locaux et aux éléments romains. tion de la « carrière de pierres du dieu ». Fils
d’Apollon suivant certains mythes, Asclépios est
5. En vous appuyant sur les documents, vous un dieu guérisseur, dont le culte, initialement situé
montrerez que la romanisation de l’Afrique du au sanctuaire d’Épidaure, connaît alors une impor-
nord est un processus qui associe des décisions tante diffusion dans le monde grec. Le maître-
du pouvoir romain et des pratiques locales. bœuf désigne l’animal qui mène une procession
La romanisation de l’Afrique du nord est un pro- lors de fêtes comportant des sacrifices.
cessus complexe et graduel, discuté par les histo-
riens, dont certains, comme Marcel Bénabou, ont Doc. 3. Représentation d’un repas collectif
souligné les oppositions qu’elle a rencontrées (La chrétien
résistance africaine à la romanisation, Paris, Les catacombes sont des nécropoles souterraines,
Maspéro, 1976). On peut toutefois considérer que où une partie de la population de la Rome antique
la tendance globale est bien celle d’une diffusion enterrait ses morts. On en compte une soixantaine,
des modes de vie romains, entre le Ier siècle avant pas seulement pour les chrétiens, même si ces
J.-C.et le IIIe siècle après J.-C., à travers des déci- derniers leur accordaient une grande importance
sions impériales (fondation de colonies et embel- avant le règne de Constantin. En effet, la loi pro-
lissement urbain ; attributions de la citoyenneté, tégeait ces sépultures, même en période de persé-
mais aussi victoires militaires sur d’éventuels re- cution ou de soupçons envers le christianisme, et
belles) et des pratiques locales qui voient des po- les conceptions chrétiennes de l’au-delà impo-
pulations adopter les noms, les cultes et les pra- saient de prêter une attention particulière aux dé-
tiques de loisir ou de sociabilité romaines comme funts. C’est pourquoi on trouve dans les cata-
les spectacles. combes romaines les toutes premières traces de
l’art chrétien (dit aussi « paléochrétien »), avec de
nombreuses fresques représentant des bergers, ou
DOCUMENTS des repas. Le document ici représenté, une fresque
très simple dans son exécution (qui reflète le statut
Sacrifices et transformations reli- social modeste des chrétiens au IIIe siècle) ne peut
gieuses en Méditerranée antique être interprété avec certitude : il peut s’agir d’une
Cène, ou dernier repas du Christ, même si le
> MANUEL PAGES 48-49 nombre de personnes représentées et l’absence de
Doc 1. L’empereur Marc Aurèle procédant à un figure rendue reconnaissable ne correspondent pas
sacrifice à Rome aux codes de représentation qui vont par la suite se
fixer. Il peut aussi s’agir d’un repas collectif chré-
Érigé sans doute en 176 ap. J.-C. pour fêter la vic- tien au cours duquel on consomme du poisson (à
toire de Marc Aurèle (qui règne de 161 à 180) sur
la fois en souvenir d’un miracle que Jésus aurait millénaire durant autour de la Méditerranée, et
accompli au lac de Tibériade, produisant une garants du bon rapport entre hommes et dieux,
pêche miraculeuse, et parce que les lettres du mot sont désormais associés à une souillure.
« poisson » en grec, « ichtus », peuvent former la
phrase « Jésus Christ Fils de Dieu Sauveur ») et du Réponses aux questions
pain. La consommation de pain est particulière- 1. Observez le déroulement des sacrifices pré-
ment importante puisqu’elle renvoie au sacrement vus à Athènes et à Rome. Quels sont leurs
de l’eucharistie institué par Jésus peu avant sa points communs ? Sont-ce les mêmes autorités
mort : « Ensuite il prit du pain ; et, après avoir qui les organisent ?
rendu grâces, il le rompit, et le leur donna, en di- L’élément central commun aux sacrifices dans le
sant : Ceci est mon corps, qui est donné pour monde grec et le monde romain est l’offrande
vous ; faites ceci en mémoire de moi » (Luc, animale faite aux dieux : le sacrifice sanglant per-
22:19). met d’instituer un rapport de bonne entente et de
Doc 4. Les chrétiens et le refus des sacrifices hiérarchie entre les dieux (à qui les animaux sont
sous l’empereur Dèce sacrifiés, dont une partie sera brûlée) et les
hommes (qui se partageront rituellement une par-
Le martyre de Pionios, prêtre de Smyrne, est un tie de la viande). Ces sacrifices sont réalisés dans
document étudié et traduit du grec par l’helléniste le cadre de la cité, inscrits dans ses structures.
Louis Robert, qui a montré qu’il avait sans doute La différence réside dans les autorités concernées :
été rédigé par ce prêtre chrétien lui-même entre là où une cité grecque implique, en plus des
son arrestation et son exécution (sur le bûcher). Il prêtres de tel ou tel dieu, toute la communauté
relate les faits ainsi que les exhortations tenues à civique, à Rome, sous le principat, les sacrifices
ses compagnons de captivité, puis les interroga- sont ordonnés et organisés par la figure de
toires subis. C’est donc une source de grande va- l’empereur, qui est en même temps grand pontife,
leur pour comprendre comment fut concrètement illustrant un basculement d’une conception collec-
mise en œuvre la persécution décidée par tive du pouvoir dans le rapport aux dieux, au
l’empereur Dèce en 250, et les réactions des chré- temps de la cité, au pouvoir personnel sous le
tiens face à elle : l’évêque de Smyrne renie son principat.
christianisme au contraire d’autres chrétiens, dont
ceux qui ont recopié le texte après la mort de Pio- 2. Quelles nouvelles pratiques religieuses et
nios. La persécution des chrétiens a été initiée en alimentaires remplacent les sacrifices sanglants
250 par l’empereur Dèce, pour rétablir la pax deo- chez les premiers chrétiens ?
rum (bonne entente avec les dieux) mise à mal par Les chrétiens organisent des repas collectifs dans
les crises qui ont précédé son règne, dans une pé- lesquels le pain, le poisson, l’eau et le vin, chargés
riode marquée par la multiplication des usurpa- de sens symboliques par les textes chrétiens, tien-
teurs et des défaites militaires. Le but de nent une place importante, au détriment des
l’empereur est d’assurer la conformité de tous aux viandes consommées rituellement dans le cadre
cultes communs, d’où l’obligation de participer des sacrifices aux anciens dieux.
publiquement aux sacrifices. Les chrétiens ne font
l’objet de violences que dans la mesure où ils refu- 3) Quels aspects traditionnels des cultes sont
sent de se plier à ces rituels, comme le fait ici Pio- interdits par l’empereur Théodose ?
nios en raison d’une conception intransigeante du
Théodose interdit plusieurs aspects des cultes tra-
monothéisme chrétien.
ditionnels : la pratique du sacrifice (« un animal
Doc. 5 L’interdiction des sacrifices par innocent ») mais aussi le fait de fréquenter les
l’empereur Théodose temples, qui figurent pourtant au centre de la vie
civique antique, et de vouer un culte aux statues
L’empereur Théodose (qui règne de 379 à 395) est
des anciens dieux, dont il souligne le caractère non
celui qui officialise le christianisme comme unique
divin, condamnant ainsi l’idolâtrie (« façonnées de
religion autorisée dans l’empire romain, par une
main d’homme »).
série de décisions étalées dans le temps, depuis
son édit de 380 jusqu’à ce texte qui porte plus 4) Pour quelles raisons les chrétiens des pre-
spécifiquement sur les formes du culte et miers siècles rejettent-ils les sacrifices ?
l’interdiction des sacrifices, des plus modestes
(encens, huile) aux plus importants, avec mise à Le rejet des sacrifices par les premiers chrétiens
mort d’animaux. Ces gestes pratiqués plus d’un s’explique par leur monothéisme strict : ces sacri-
fices sont ordonnés en lien avec le culte impérial,
or il n’existe pour eux qu’un seul dieu, l’empereur Il ne s’agit pas à proprement parler d’un édit (le
ne saurait être adoré comme un dieu. Ils jugent dès terme « édit de Milan », souvent employé, est
lors les viandes issues des sacrifices comme « im- impropre), mais d’une lettre impériale à un gou-
pures ». verneur ayant force de loi. Ce n’est pas non plus la
toute première manifestation d’une politique de
5) Montrez que l’organisation des sacrifices est tolérance religieuse, puisque l’empereur Galère
une préoccupation constante des pouvoirs dans avait déjà mis fin aux persécutions envers les chré-
l’antiquité. tiens peu avant sa mort en 311. Mais il s’agit
Durant près de dix siècles, la bonne organisation d’une véritable acceptation du culte chrétien, à
des sacrifices est une préoccupation des autorités, égalité avec les autres, impliquant une restitution
à la fois dans le cadre de la cité (en Grèce, à des biens confisqués, sans aucune indemnité, an-
Rome), et dans celui de l’empire. Les pouvoirs nulant donc des politiques impériales installées,
sont en effet garants de la bonne entente avec les avec des pauses, depuis le milieu du IIIe siècle.
dieux (ce que les Romains appellent la pax deo- Doc 2. Un empereur victorieux
rum), et veillent pour cela à ce que les sacrifices
prescrits soient bien effectués, à la date appro- L’arc de Constantin, haut de 21 mètres et large de
priée, suivant les rituels consacrés. C’est pourquoi 25, a été érigé à Rome entre le Colisée et le mont
l’empereur Dèce, en 250, dans un contexte de crise Palatin pour les decennalia de l’empereur en 315
interne et externe de l’empire où l’on pense avoir (dix ans de règne). Il surplombe la voie empruntée
besoin de l’appui divin, donne des ordres à lors des triomphes impériaux. Il comporte une
l’échelle de tout l’empire pour que des sacrifices inscription commémorant sa victoire au pont Mil-
soient accomplis, ce qui conduit à la persécution vius en 312. Plusieurs statues et motifs iconogra-
des chrétiens qui s’y refusent. Tout change à partir phiques complexes y figuraient, dont une partie
du IVe siècle avec la christianisation de l’empire seulement a été conservée, représentant la victoire
accélérée par la conversion de Constantin et le de 312, tandis que certaines parties réemploient
christianisme de plus en plus strict de ses succes- des éléments des IIe-IIIe siècles (bas-reliefs datant
seurs. Contrôler les sacrifices, puis les interdire, du règne de Marc Aurèle, en particulier). Aucune
comme le fait l’empereur Théodose, devient le référence chrétienne n’y figure, et l’inscription se
moyen de s’assurer de la conformité des compor- contente d’employer un terme neutre en matière
tements et de l’adoption du christianisme, religion religieuse : « Quod instinctu divinatis (…) rempu-
unique soutenant le pouvoir impérial. blicam ultus est », « Parce que sous l’inspiration
de la divinité (…) il a vengé l’État ».
Doc 4. Un empereur à la fois romain et chré-
tien
DOCUMENTS POINT DE PASSAGE Ce médaillon d’argent a été frappé par l’atelier
Constantin, premier empereur chré- monétaire de Ticinum (Pavie, au nord de l’Italie)
tien sur ordre de l’empereur Constantin en 315, pour
célébrer ses decennalia (dix ans de pouvoir). Il n’a
> MANUEL PAGES 50-51 pas de valeur monétaire mais était un objet pré-
Doc 1. Le christianisme toléré (313) cieux destiné à être distribué dans l’entourage
impérial.
Ce texte, dans sa version conservée par l’auteur
chrétien Lactance, est la copie d’un rescrit impé- Il représente l’empereur, dont le casque est sur-
rial pris à Milan par Constantin et Licinius, alors monté de joyaux et de décorations ; la première de
co-empereurs, et affiché en latin à Nicomédie ces décorations est le symbole « ☧ » dit « chi-
(province de Bithynie). Le texte est écrit dans un rhô », des deux premières lettres entrecroisées du
contexte de lutte maintenue pour les pouvoirs : mot « Christ » en grec. Cela correspond aux diffé-
dans la partie orientale de l’empire, un troisième rentes descriptions du signe que Constantin aurait
empereur est alors au pouvoir, Maximin Daïa, qui vu à la veille de la bataille du Pont Milvius (312),
maintient des mesures défavorables aux chrétiens. données alors par les auteurs qui encouragent la
Constantin, tout juste victorieux de Maxence en conversion de l’empereur, comme Lactance et
312, s’allie avec Licinius, en épousant la sœur de Eusèbe de Césarée. C’est la toute première mani-
ce dernier. Le texte vise donc à consolider festation visible du christianisme de l’empereur,
l’autorité des deux empereurs au détriment de dont on trouvera des prolongements sur des mon-
Maximin Daïa.
nayages d’argent à partir de 327, présentant le entre mer Noire et Méditerranée, elle est égale-
même symbole. ment proche de deux frontières difficiles à dé-
Les autres éléments iconographiques sont à noter : fendre à l’époque de Constantin : celle qui sépare
la valeur militaire de l’empereur est soulignée par l’empire des Goths, sur le Danube, au nord-ouest,
son casque, son bouclier et le cheval dont il tient et celle qui le sépare des Perses, en Arménie, à
les rênes ; le bouclier porte comme emblème la l’est.
louve, symbole traditionnel de Rome depuis sa Le prestige impérial est renforcé par le fait que la
fondation. Enfin, au-dessus du bouclier figure un ville porte le nom de l’empereur (ce qui n’est pas
objet dont l’interprétation est discutée : il peut là sans précédent : Hadrianopolis / Andrinople, fon-
aussi s’agir d’un sceptre en forme de croix (chré- dée par Hadrien au IIe siècle), et par
tienne) surmontée d’un orbe (symbole impérial l’embellissement grâce à de somptueux matériaux.
romain, qui connote la domination universelle). On note que des temples traditionnels romains
figurent, de même que des Églises, dans le pro-
Doc 5. La fondation de Constantinople gramme monumental développé sous le règne de
Zosime est un historien grec du début du VIe Constantin.
siècle de notre ère, l’un des derniers auteurs hos-
tiles au christianisme à cette date, tout en faisant 4. La conversion personnelle de l’empereur
partie de l’administration de l’empire d’orient. Constantin au christianisme est-elle publique-
Très critique envers Constantin, il est toutefois ment et directement affichée ?
bien documenté sur son règne. Malgré une politique impériale qui commence à
favoriser les chrétiens, que Constantin réunit pour
Réponses aux questions arbitrer leurs querelles doctrinales lors du concile
1. Comment la valeur militaire de Constantin de Nicée (325), l’empereur ne revendique pas
est-elle soulignée et célébrée après la bataille du ouvertement et publiquement sa conversion. Celle-
pont Milvius ? ci n’est officialisée par un baptême que peu de
temps avant sa mort en 337, et durant tout son
Constantin utilise les instruments traditionnels
règne Constantin réemploie le vocabulaire et la
classiques permettant aux empereurs de valoriser
symbolique romaine traditionnelle, car il doit en-
leurs victoires : marquage de l’espace romain par
core s’appuyer sur de larges portions des élites
un arc monumental dont les bas-reliefs célèbrent
(Sénat, administration, armée) et de la société qui
ses campagnes ; diffusion de son effigie sur des
ne sont pas converties au christianisme.
monnaies et médaillons, le représentant comme un
chef de guerre victorieux et doté d’attributs sym- 5. En vous appuyant sur les documents, mon-
boliques romains. trez l’importance des transformations engagées
dans l’Empire romain sous le règne de Cons-
2. Relevez les deux mesures prises par Constan-
tantin.
tin et Licinius en faveur des chrétiens.
L’empire romain connaît des transformations ma-
Il s’agit de la liberté de culte, accordée aux chré-
jeures sous l’empereur Constantin : il accélère la
tiens comme à tous les citoyens de l’empire, et de
la restitution immédiate et sans contrepartie des diffusion du christianisme en devenant le premier
empereur à adopter la nouvelle religion. Tout en
biens et lieux de réunion qu’ils possédaient et qui
parvenant à réunir l’ensemble de l’empire sous
avaient été saisis.
son autorité en 324, il accroît aussi la divergence
3. Quels sont les buts de la fondation de Cons- entre l’orient et l’occident en fondant la cité de
tantinople ? Constantinople, destinée à devenir une nouvelle
Zosime prête à Constantin le souhait de fonder une capitale, et rééquilibrant vers l’est les pouvoirs.
ville pour apporter la contradiction aux élites ro-
maines critiquant sa proximité avec le christia-
nisme. Il faut plutôt voir dans cette fondation la DE LA SOURCE À L’HISTOIRE
volonté de disposer d’une nouvelle résidence im-
périale en Orient, là où il vient de l’emporter (en Comment l’archéologie a-t-elle renou-
324) sur Maximin Daïa. Il s’agit moins d’une fon- velé notre connaissance de la démo-
dation que d’une reconstruction du centre de cratie athénienne ?
l’ancienne ville grecque de Byzance, dont
l’extrême importance stratégique était attestée > MANUEL PAGES 52-53
depuis plusieurs siècles : entre Europe et Asie,
source d’inspiration dans les récits littéraires qui Document 2. Les États latins d’Orient
plaisent aux grands aristocrates.
Cette carte permet de présenter ces nouveaux
Document 2. La Méditerranée, un espace royaumes établis par les Occidentaux à la suite de
d’échanges commerciaux dynamique la première croisade. Si l’objectif d’Urbain II,
lorsqu’il lance l’appel de Clermont en novembre
Ce document est une enluminure extraite d’un 1095, était la délivrance de Jérusalem, les chefs de
autre célèbre manuscrit du Moyen Âge, le livre la Croisade établissent des principautés à leur
des Merveilles de Marco Polo. Né à Venise en profit, oubliant leur serment au basileus qui atten-
1254, le plus célèbre des marchands italiens voya- dait des Francs qu’ils restituent à l’Empire ces
gea avec son père et son oncle à partir de 1271 ; territoires jadis sous contrôle byzantin. La popula-
s’il n’est pas le premier Européen à avoir atteint la tion d’origine occidentale ne constitue jamais
Chine, il est le premier à la décrire de manière qu’une minorité qui construit sa domination à
aussi circonstanciée, encourageant de nombreuses partir des villes et de puissantes forteresses mais
générations à entreprendre, à leur tour, le long aussi des ports où s’établissent de puissantes colo-
voyage vers l’Extrême-Orient. Alors que le nies de marchands italiens qui, dotées de privi-
voyage vers la Chine est essentiellement terrestre, lèges juridictionnels, attirent le trafic entre
son premier segment, qui devait le mener de Ve- l’Orient et l’Occident.
nise à Acre, nécessitait l’utilisation de navires. Le Dès mars 1098, Baudouin de Boulogne, allié des
départ de Marco Polo s’opère depuis Venise dont Arméniens, créé le premier État franc d’Orient, le
on voit les bâtiments qui sont encore aujourd’hui comté d’Édesse, transmis en 1100 à son cousin
les plus emblématiques de la ville (le palais des Baudouin du Bourcq puis en 1118 à la famille de
doges dont on reconnaît l’architecture hétéroclite Courtenay. Éloigné du rivage et des circuits com-
de marbre rose et blanc, la basilique St-Marc, les merciaux, il n’attire qu’une population franque
palais permettant l’arrimage de navires à hauteur réduite. La principauté d’Antioche naît quant à
de la lagune) et dont on perçoit la prospérité (ma- elle des ambitions de Bohémond de Tarente, chef
gnificence de la ville, présence de nombreuses des troupes normandes de la première croisade.
activités commerciales sur la place St-Marc Après la prise d’Antioche par les Croisés et la
comme sur les quais) alors que la ville compte dispersion de l’armée turque, en juin 1098, Bohé-
environ 100 000 habitants, faisant d’elle l’une des mond obtient la possession de la ville malgré
trois premières cités de la chrétienté occidentale l’opposition du basileus et de Raymond de Saint-
après Paris et Milan. Si des animaux exotiques Gilles, chef des troupes provençales. En proie aux
présents au premier plan semblent annoncer les attaques de l’émir d’Alep, il gagne l’Occident
merveilles que Marco Polo s’apprête à observer pour y chercher des renforts et lègue en 1108 la
lors de son voyage, Venise, alliée militaire de principauté à son neveu Tancrède dont les succes-
l’Empire byzantin déclinant, est bien devenue seurs doivent prêter allégeance aux empereurs
l’une des principales puissances commerciales de byzantins Jean II et Manuel Ier Comnène. Exposée
la Méditerranée des XIe - XIIIe s. en permanence à la reconquête musulmane, la
principauté ne parvient pas à résister à l’invasion
des Mamelouks d’Égypte en 1268.
REPÈRES Alors qu’il a dû quitter Antioche, Raymond de
Saint-Gilles constitue l’ébauche d’un nouveau
› MANUEL PAGES 62-63 comté latin autour de Tripoli, rapidement assiégé.
Les frises chronologiques comparées permettent Ses descendants échouent à occuper la haute val-
aux élèves de construire des repères fondamentaux lée de l’Oronte, en prise avec Nur-ad-Din et Sala-
dans chaque espace du programme (l’Empire by- din mais tiennent la principauté jusqu’en 1187,
zantin, l’Occident chrétien et le monde musulman) ensuite tenue par Bohémond IV d’Antioche et ses
tandis que les cartes soulignent les contacts sou- héritiers jusqu’en 1289. Si un hommage est rendu
vent belliqueux établis par ces trois civilisations. à l’empereur byzantin, au prince d’Antioche et au
roi de Jérusalem, le comté est indépendant et par-
Document 1. La Méditerranée au XIIe s. vient même, avec Raymond III, à jouer un rôle
Cette carte permet de situer les trois aires poli- politique décisif dans le royaume de Jérusalem.
tiques et religieuses et de localiser les foyers ma- Le royaume franc de Jérusalem est une création
jeurs de contacts et d’affrontements, au Proche- originale issu de la prise de Jérusalem en 1099.
Orient et en Espagne. Bien que les clercs de l’armée rêvent d’un État
théocratique confié au pape ou à son représentant 1. Identifiez les trois grandes civilisations si-
légal, la nécessité de défendre les lieux saints en- tuées dans le Bassin méditerranéen et relevez
traîne le choix d’un prince laïque, Godefroy de celles qui sont en expansion.
Bouillon, élu par le conseil des barons contre Les trois plages de couleur permettent d’identifier
Raymond de Saint-Gilles et « avoué du Saint- trois aires distinctes : celle de l’Empire byzantin,
Sépulcre » (signe d’une dépendance envers en violet, est en recul sur ses marges orientales,
l’Eglise de Jérusalem). Dès 1100, son frère Bau- progressivement conquises par des princes mu-
douin Ier, qui lui succède, est couronné roi de Be- sulmans. Le monde musulman, en vert, poursuit
thléem. Après quelques années de lente expansion en effet son expansion alors que l’Occident chré-
(Tyr est aux mains des Chrétiens en 1124, Ascalon tien (en orangé), en plein essor, se lance dans les
en 1153) le royaume doit résister à la reconquête guerres de croisade à la suite de l’appel de Cler-
musulmane de Nur-ad-Din et de Saladin, qui mont (1095).
écrase l’armée franque en 1187 à Hattîn : seule la
région de Tyr reste aux mains des Francs. Si la 2. Localisez les lieux saints de cet espace ne
troisième croisade permet la reconstruction par- précisant à chaque fois s’il s’agit d’un lieu de
tielle du royaume, désormais limité à une étroite pèlerinage chrétien ou musulman.
bande côtière dont Acre est la capitale. Jérusalem Si Nazareth et Bethléem, liés à la naissance et à la
est recouvrée par Frédéric II lors du traité de Jaffa vie de Jésus, sont des lieux saints pour les chré-
(1229) mais définitivement perdue en 1244 alors tiens, Jérusalem est une ville sainte pour les Chré-
que les mercenaires au service de l’Égypte, les tiens comme pour les musulmans. Plus au sud se
Khwarizmiens, s’en emparent. Le royaume, en trouvent la Mecque et Médine, principales villes
proie à la division (les barons s’opposent à Frédé- saintes de l’islam.
ric II), se maintient grâce à la croisade de Louis IX
mais les Sultans mamelouks d’Égypte entrepren- 3. Situez les principales zones de contact de cet
nent, à partir de 1265, la reconquête de la Syrie espace méditerranéen.
franque : celle-ci s’achève avec la reconquête Les principales zones de contact sont situées au
d’Acre et des dernières forteresses franques en Proche-Orient, sur les rives de la Méditerranée
1291 qui tombent aux mains du sultan al-Ashraf. orientale et dans l’Espagne de la Reconquista où
Dans ces États, l’Église latine s’appuie sur les les royaumes chrétiens combattent et repoussent
deux patriarcats de Jérusalem et d’Antioche mais progressivement vers le sud les royaumes musul-
n’impose ni les dogmes ni les rites romains. Les mans.
ordres militaires – Templiers, Hospitaliers – tien-
nent les forteresses des principaux États latins où
les échanges intellectuels et artistiques demeurent COURS 1
assez réduits.
Trois civilisations en Méditerranée au
Document 3. L’Espagne de la Reconquista XIIe siècle
Cette carte permet d’évoquer l’autre grande région › MANUEL PAGES 64-65
d’affrontements méditerranéenne. La « Reconquis-
ta », (« reconquête » en espagnol) de l’espace pé- Réponses au Testez-vous !
ninsulaire ibérique par les Chrétiens commence au Quelles sont les menaces extérieures contre
milieu du XIe s. et s’achève avec la capitulation de l’empire byzantin au XIIe siècle ?
Grenade en 1492 (avec un mouvement général du
Nord, où des royaumes chrétiens avaient réussi à Les menaces extérieures viennent d’Occident
demeurer lors de l’extension musulmane, vers le comme d’Orient : les Normands, installés en Italie
Sud où de brillantes cours musulmanes se sont du Sud et en Sicile, sont de redoutables combat-
développées). Parce qu’elle tenait à la fois de tants sur mer ; les Turcs Seldjoukides attaquent
l’entreprise militaire et économique de conquête et pour leur part les frontières orientales de l’Empire,
de peuplement, et croisade ou guerre sainte contre avançant leur position en Asie mineure.
l’Infidèle, il s’agit d’un événement majeur de Qu’est-ce que la féodalité en Occident ?
l’histoire médiévale occidentale, déterminante
La féodalité apparaît lorsque le pouvoir royal est
dans les évolutions ultérieures de l’histoire hispa-
en difficulté, entre le Xe et le XIIe siècles. Elle
nique.
consiste en un ensemble de principautés et de fiefs
Réponses aux questions qui constituent des unités politiques de base. Les
fiefs sont concédés par des seigneurs à des L’objectif originel des croisades était de permettre
hommes qui deviennent ainsi leurs vassaux, c’est à aux Chrétiens de pouvoir se rendre sur les lieux de
dire qui s’engagent en établissant un lien person- pèlerinage en Palestine, et notamment à Jérusalem
nel et privé. Le vassal devient progressivement sur le tombeau du Christ. Mais la croisade, dé-
l’homme du seigneur, celui qui s’est recommandé clenchée par l’appel d’Urbain II en 1095, ne se
à lui. Le vassal est celui qui doit le service mili- contente pas de « libérer » Jérusalem en 1099 ; les
taire mais aussi celui qui est capable de s’armer et Croisés fondent en effet les États latins d’Orient,
d’équiper un cheval. Il est par conséquent recruté des principautés rapidement menacées par les
dans des couches sociales aisées de la population princes musulmans.
rurale. Se dessine alors, dans la société médiévale,
une hiérarchie qui repose sur des réseaux de fidéli- Quels sont les foyers de tensions dans l’espace
té dans lesquels droits et devoirs réciproques en- méditerranéen ?
gagent fortement les puissants seigneurs. Au Les foyers de tension du bassin méditerranéen
sommet de cette société politique se trouvent les sont multiples : si des transferts culturels existent
rois : seigneurs des seigneurs, ils ne tiennent leur entre Chrétiens et musulmans, et parfois même
fief de personne. Ils doivent promettre et assurer la entre Juifs, Chrétiens et musulmans, le Proche-
protection aux hommes qui se placent sous leur Orient est au temps des croisades une région de
autorité. On trouve ensuite les vassaux directs des fortes tensions et de guerres sans cesse renais-
souverains : ce sont des princes territoriaux impor- santes ; l’Espagne de la Reconquista est aussi une
tants (comtes, ducs). Viennent ensuite les arrière- terre majeure d’affrontements dont pâtissent les
vassaux, c’est-à-dire les vassaux des vassaux du mozarabes (chrétiens en terre d’islam) comme les
seigneur. Au dernier échelon de cette pyramide, mudéjars (musulmans des territoires chrétiens).
les vavasseurs ne sont les seigneurs de personne.
Quels sont les principaux acteurs des échanges
Néanmoins, certains peuvent être prestigieux ou
commerciaux en Méditerranée ?
riches et donc influents localement. Tous ces
hommes doivent à leur seigneur le conseil (conci- Si les marchands sont nombreux en Méditerranée,
lium) et l’aide ou assistance militaire (auxilium). les Italiens occupent une place particulièrement
stratégique : les Vénitiens, dont la flotte croît de
Quels types de divisions traversent le monde manière décisive après les privilèges obtenus en
musulman au XIIe siècle ? 1082 sont les principaux. Exemptés des taxes dans
Le monde musulman est divisé politiquement mais tous les ports de l’Empire d’Orient, ils sont ensuite
aussi religieusement : de grandes dynasties sont concurrencés par les Génois et les Pisans qui
apparues et affirment leur pouvoir sur une partie n’obtiennent pas, toutefois, de privilèges aussi
du monde musulman (les Almoravides puis les importants qu’eux.
Almohades au Maghreb et en Espagne, les Fati-
mides en Égypte, les Turcs Seldjoukides en Anato-
lie et au proche Orient). Si l’essentiel du monde
musulman est composé de sunnites (ils se récla-
DOCUMENTS
ment de la Sunna, la tradition), une minorité se Le monde musulman : religion et civi-
réclame du chiisme : ils considèrent Ali, gendre du lisation
prophète, comme le successeur légitime du pro-
phète et suivent donc ses successeurs. Cette frac- > MANUEL PAGES 68-69
ture perdure au XXIe s. Réponses aux questions
1. Recensez les obligations auxquelles doit se
soumettre chaque musulman.
COURS 2 Le Coran fixe la liste des pratiques et des dévo-
Contacts, échanges et conflits en Mé- tions obligatoires à cinq : ce sont les « cinq piliers
de l’islam » : la profession de foi ou « Chahada »
diterranée que l’on prononce quand on se convertit à l’islam,
› MANUEL PAGES 66-67 les cinq prières par jour, alors que le fidèle
s’oriente, en état de pureté rituelle, vers la
Réponses au Testez-vous ! Mecque ; l’aumône (ou « zakât »), évoquée plus
À l’origine, quels sont les objectifs des Croi- de 70 fois par le Coran, le jeûne du Ramadan,
sades ? pratiqué du lever au coucher du soleil durant le
mois où le Coran a été révélé. Reste le pèlerinage
à la Mecque (« hajj »), lieu de naissance du pro- célèbre manuscrit arabe achevé en 1237 illustrant
phète où se trouve la Kaaba et principale ville les Séances (« Maqâmât ») de l'écrivain arabe al-
sainte de l’islam. Harîrî (1054-1122), présente le maître (assis à
droite) face à ses disciples, à gauche. Les visages
2. La mosquée est-elle seulement un lieu de et les mains sont animés, témoignant de la qualité
prière ? Justifiez. et de la densité des échanges et des apprentissages.
2. La mosquée n’est pas qu’un lieu de prière, ce Comme Le Caire où l’on enseigne à Al-Azhar
que l’on perçoit bien à travers l’étude du plan de la depuis 988, Bagdad est l’une des villes les plus
grande mosquée de Kairouan, fondée vers 670 par importantes du Moyen-Orient médiéval, une ville
Oqba Ibn Nafi alors que l’Afrique du Nord est une de pouvoir et de culture.
terre de conquête et Kairouan la quatrième ville
sainte de l’islam : au-delà du minaret qui permet 4. Pourquoi Averroès est-il surpris lors de sa
l’appel à la prière par le muezzin et le rassemble- rencontre avec l’émir ?
ment des fidèles dans la salle de prière, la mosquée Averroès (Cordoue, 1126- Marrakech 1198) est
est un lieu d’enseignement où se trouvent les ma- l’un des plus importants penseurs arabes du
drasas (ou medersas, les écoles coraniques). Moyen Âge. Philosophe, théologien, médecin et
juriste, Ibn Rochd de Cordoue (Averroès est son
3. Montrez que les villes musulmanes connais- nom latinisé) souligne dans toute son œuvre
sent une phase d’essor économique et culturel. l’apport des sciences profanes et rédige un traité
Les villes musulmanes, souvent décrites dans les de médecine (Colliget) qui lui apporte la notoriété.
récits de voyage comme celui d’Al-Mogadassi, Mais ce sont surtout ses commentaires d’Aristote,
connaissent une phase d’essor économique et cul- auquel il consacre l’essentiel de sa vie et qui
turel soutenu qui frappent tous ceux qui les décou- l’amènent à séparer radicalement raison et foi, qui
vrent : alors que le désert est souvent associé aux l’ont rendu célèbre. Condamné par la religion
représentations de l’islam, la ville, point d’appui musulmane qui lui reproche de déformer les pré-
de la conquête musulmane et cadre du regroupe- ceptes de la foi, Averroès doit vivre dans la clan-
ment des fidèles, permet l’essor d’une brillante destinité et la pauvreté jusqu’à ce qu’il soit rappelé
civilisation. à Marrakech où il meurt réhabilité en 1198. Ses
La diffusion de l’islam suscite en effet un grand principes se diffusent en Occident, se diffusent
mouvement d’essor urbain, observable dès les dans les écoles médiévales avant d’être condam-
VIIe - VIIIe s. et permettant l’apparition nés par l’Église en 1240. Interrogé par l’émir des
d’organismes urbains d’une taille peu commune à croyants sur les philosophes grecs antiques, Aver-
l’échelle des sociétés médiévales; les villes pré- roès craint sans doute d’être inquiété par ce prince
existantes connaissent un renouveau démogra- garant de l’orthodoxie musulmane ; il s’avère
phique rapide alors que d’autres naissent très tôt surpris par la qualité de ses connaissances et son
de la terre, rassemblant jusque 200 000 habitants : ouverture philosophique ; loin d’être inquiété par
c’est le cas de Bagdad, capitale de l’empire califal ce puissant, Averroès est gratifié d’argent, de vê-
abbasside de 762 à 1258, mais aussi du Caire, dont tements d’apparat et d’un cheval.
il est question dans le document 2. Celle-ci, dont
5. Synthétiser
le voyageur signale qu’elle surpasse la capitale
impériale historique, a été fondée dès 969. Sur ses La réponse devra montrer que les villes musul-
700 hectares, elle connaît un brillant développe- manes, plus peuplées qu’en Occident, sont des
ment et se voit dotée de toutes les structures qui foyers de dynamisme économique – grâce aux
favorisent le commerce et qui font d’elle un puis- marchands, au commerce – et culturel, dotées de
sant carrefour du monde méditerranéen : un grand mosquées qui sont des lieux de prière mais aussi
port dont le dynamisme transparaît à travers la des lieux d’enseignement où sont formés de nom-
mention des innombrables navires, des marchés – breux savants dans toutes les sciences dont les
souks – où se trouvent toutes les richesses de apports gréco-arabes sont encore aujourd’hui
l’Orient, de nombreuses et hautes habitations (à nombreux.
quatre ou cinq étages, dont des palais) et, parmi de
très nombreuses mosquées qui permettent aux
fidèles de se réunir, la grande mosquée du Caire DOCUMENTS POINT DE PASSAGE
dont les splendeurs marquent également les visi-
teurs. Bernard de Clairvaux et la deuxième
Le document n°4, une enluminure extraite d’un croisade (1146-1149)
> MANUEL PAGES 70-71 la lutte menée par les Francs pour la protection des
lieux saints ne saurait se traduire par des violences
Bernard de Clairvaux (1090-1153) est l’une des
contre les juifs d’Europe.
figures majeures de l’Occident médiéval. Conseil-
ler de nombreux puissants, surnommé « lumière de 2. Identifiez et classez les principales forces en
l’Occident » du XIIe s., canonisé par l’Église, celui présence.
qui propagea l’ordre de Cîteaux – fondé en 1098 Les armées croisées qui se dirigent vers l’Orient
par Robert de Molesme – refusa toute haute digni- sont celles de Louis VII, roi de France entre 1137
té de l’Église et tint à demeurer l’abbé de Clair- et 1180 et de Conrad III (1138-1152) ; elles sont
vaux, qu’il avait fondée en Champagne. Son ac- accueillies dans l’Empire – non sans tensions) de
tion est protéiforme (« Aucune des affaires de Manuel Ier Comnène. Les armées croisées combat-
Dieu ne m’est étrangère » écrit-il dans la lettre 20) tent les Turcs seldjoukides au Nord mais sont
mais il fut durablement marqué par l’échec de la bientôt confrontées aux forces de l’émir d’Alep,
croisade qu’il avait prêchée à la demande du pape Nur-ad-Din et rembarquent durant l’été 1148,
Eugène III qui la lance en 1145, après la chute alors que la croisade s’est traduite par un fiasco
d’Édesse en 1144. pour les Croisés.
Alors que le document 1 permet d’expliquer avec
les élèves le phénomène de la prédication et peut 3. Qui participe à la croisade ? Comment se
permettre de saisir les raisons qui poussent les termine-t-elle ?
hommes à se croiser et à gagner l’Orient, le docu- Les Croisés ont beau être appuyés par Louis VII et
ment 2 permet de mesurer les efforts mis dans Conrad III, suivis par de nombreux puissants, ils
cette prédication menée en 1146-1147 par le essuient de terribles revers. Après avoir traversé le
moine de Cîteaux ; le document 4 permet de voir Bosphore, les armées germaniques et françaises
que le roi de France Louis VII s’engage dans la sont rapidement mises en difficulté par les Turcs :
croisade, entouré d’une foule immense venue as- Conrad subit un grave revers à Dorylée, en Asie
sister à la prédication ; le document 3 permet de mineure, dès octobre 1147 ; les armées de Louis
retracer l’itinéraire des armées de Louis VII et de VII, attaquées par les Turcs, peinent à passer
l’empereur Conrad III qui prit aussi la croix mais l’hiver et reprochent à l’empereur byzantin
aussi de constater l’échec de la croisade qui l’insuffisance de son aide, notamment pour les
s’achève par le rembarquement des combattants vivres : la bataille du Mont Cadmos (janvier 1148)
durant l’été 1148. fut particulièrement difficile et éprouvante pour
elles. Si les Croisés peuvent atteindre Adalia en
Réponses aux questions janvier 1148 grâce à l’appui des Templiers qui
rétablissent la discipline, la flotte byzantine censée
1. Localisez les principaux lieux où Bernard les amener jusqu’en Syrie se révèle trop petite et
prêche la Croisade. Louis doit abandonner une partie de ses troupes
Bernard ne compta pas ses efforts pour prêcher la dont beaucoup d’hommes échouent ensuite à at-
croisade : alors que les positions franques étaient teindre Tarse par voie de terre. Une fois en Syrie,
menacées en Palestine (il s’agit prioritairement de Louis renonce à son projet de reprendre Édesse et
reprendre Édesse), Bernard prononce sa première décide d’aller accomplir son vœu à Jérusalem et à
prédication à Vézelay, en 1146 (un grand succès la fin du printemps 1148, la plus grande partie des
puisque le roi de France Louis VII prend la croix) troupes se rassemble en Palestine. L’échec du
et voyage beaucoup dans les marges orientales du siège de Damas, en juillet 1148, catalyse la catas-
royaume de France et dans l’Empire où Conrad trophe et précipite le retour des Croisés en Occi-
III, à la suite du roi de France, prend lui aussi la dent : ceux-ci rembarquent durant l’été à partir
croix (Spire, décembre 1146). Si la prédication d’Acre.
commence à Vézelay, elle se poursuit à Châlons, à
Arras, à Ypres, Bruges, Liège, Spire, Strasbourg, 4. Quelles sont les raisons invoquées par Ber-
Constance, Fribourg, Worms, Mayence, Cologne, nard de Clairvaux pour inciter les hommes à
Étampes, Metz, Francfort, à Clairvaux, à Lyon ou combattre en Terre sainte ?
à Dijon. Alors que les esprits s’enflamment à Les neuf premières lignes de l’extrait rappellent la
l’idée de combattre l’infidèle en Orient, Bernard se difficile situation des Croisés en Orient : après la
rend sur les terres d’Empire où des communautés chute d’Édesse qui entraîne un nouvel appel à la
juives sont en proie à des violences quotidiennes et croisade du pape Eugène III, les positions des
met fin aux massacres (pogroms) : pour Bernard, Francs dans les États latins d’Orient semblent bien
le peuple juif est porteur de l’humanité de Jésus ; fragiles. Initialement lancée pour permettre l’accès
des Chrétiens aux lieux saints, Jérusalem, conquise individus ou un groupe d’individus mais pour
par les Francs en 1099, est de nouveau menacée toute la cité (« privilège » vient de lex privata en
par les musulmans. Bernard de Clairvaux appelle latin).
donc toutes les forces combattantes d’Occident, Les Vénitiens peuvent se déployer dans le quartier
celle des milites, à ceindre la croix pour aller dé- de Pérama qui devient le quartier vénitien de
fendre, sans faillir, les lieux saints de nouveau Constantinople, le lieu où l’on trouve leurs établis-
menacés. Il ne s’agit pas de laisser les seigneurs et sements et une grande concentration de mar-
chevaliers perdre leurs forces dans des guerres chands ; les produits sont acheminés sans taxes
intestines causées par la volonté de s’enrichir ou (les Vénitiens ne paient pas le kommerkion ni au-
d’accroître son pouvoir (2e et 3e paragraphes) mais cun droit de douane) par les trois « échelles » –
bien de mettre toutes les forces chrétiennes au accès portuaires – que leur attribue le chrysobulle.
service d’une cause essentielle de la Chrétienté, Au-delà de Constantinople, les Vénitiens ont un
garantissant le Salut de ceux qui viendraient à accès libre à tous les ports de l’Empire (appelé
périr. Romanie dans les sources byzantines, car il s’agit
5. Synthétiser de l’Empire romain d’Orient) ; comme dans la
capitale, ils sont exemptés de toutes les taxes pe-
La deuxième croisade est un échec majeur pour les sant habituellement sur les marchandises achemi-
combattants occidentaux. Alors que les Croisés nées vers l’Empire. Ces concessions économiques
souhaitent reprendre Édesse et consolider les posi- de nature et d’ampleur inédites permettent à Ve-
tions des États latins d’Orient apparus à la suite de nise d’entrer dans une ère de grande prospérité ;
la première croisade, ceux-ci subissent nombre de elles sont confirmées en 1148 et en 1187, alors
revers dès qu’ils arrivent en Asie mineure (bataille que la cité des Doges est devenue une grande
de Dorylée, du Mont Cadmos, octobre 1147- puissance méditerranéenne.
janvier 1148). Les armées, divisées durant le trajet
et insuffisamment soutenues par l’empereur by- 2. Quels éléments nous montrent le caractère
zantin Manuel Ier Comnène, parviennent en Syrie sacré de l’empereur et de l’impératrice ?
et en Palestine déjà considérablement affaiblies Le caractère sacré du couple impérial byzantin se
par les Seldjoukides. Insuffisamment préparées à traduit par leur présence, alors qu’ils sont encore
combattre les forces de Nur-ad-Din, les armées vivants, aux côtés de la Vierge et de l’enfant qu’ils
croisées échouent lors du siège de Damas et doi- entourent, sur un fond de mosaïque dorée (l’or,
vent rembarquer entre juillet et septembre 1148. dans l’iconographie byzantine, renvoie au monde
Le fiasco de ce deuxième « pèlerinage en armes » éternel et au domaine céleste) mais aussi par le
marque durablement Bernard de Clairvaux qui port du nimbe, par leur nom qui figure, comme
l’avait activement prêché en 1146-1147. celui des personnages sacrés représentés sur les
icônes, les fresques, les enluminures ou les mo-
saïques, juste à côté d’eux. Jean II Comnène
DOCUMENTS (1118-1142), vêtu de bleu et de pourpre, porte une
longue et large écharpe (le loros) et ceint le kame-
L’empire byzantin et l’Occident laukion, la couronne hémisphérique surmontée
> MANUEL PAGES 72-73 d’une croix. De ses deux mains, il présente une
bourse à la Théotokos (mère de Dieu). Irène,
Réponses aux questions d’origine hongroise, porte un vêtement pourpre et
1. Identifiez les privilèges obtenus par les Véni- rouge luxueusement décoré ainsi que le loros. Elle
tiens devenus les alliés militaires de l’empire est parée de somptueux bijoux, dont une couronne
byzantin. ornée de pierres précieuses. Elle présente à la
Vierge et à l’Enfant un chrysobulle, acte officiel
En devenant les alliés militaires de l’Empire by-
scellé d’un sceau d’or.
zantin, mal armé pour une confrontation maritime,
contre les troupes normandes de Robert Guiscard, 3. Localisez sur le doc. 5 quelques lieux décrits
les Vénitiens acquièrent de l’empereur byzantin dans le doc. 2.
Alexis Comnène d’importants privilèges conférés Le plan permet de localiser bon nombre de bâti-
par chrysobulle. Acte le plus solennel de la diplo- ments évoqués par Eudes de Deuil alors que les
matie byzantine, le chrysobulle est revêtu d’un combattants de la deuxième croisade sont accueil-
sceau en or et porte la signature pourpre de lis à Constantinople : Sainte-Sophie et le Palais
l’empereur qui confère le privilège, c’est-à-dire impérial à l’extrémité de la Corne d’Or mais aussi
des droits exceptionnels valables ici non pour un
le palais des Blachernes sis à proximité des mu- aussi les églises dotées d’un riche matériel litur-
railles de Théodose. Plus modernes, plus récents et gique (calices, ciboires, reliquaires ou manuscrits
mieux entretenues que le vieux palais de Constan- ornés de pierres précieuses….) et la première
tin, les constructions formant le palais des Bla- d’entre elles, Sainte-Sophie. La violence se répand
chernes permettaient à l’empereur de quitter rapi- dans la ville ; la croisade est détournée de son
dement la ville, qu’il s’agisse de la guerre ou de la objectif liminaire : si le schisme de 1054 n’était
chasse. Il n’en reste que peu de vestiges archéolo- pas insurmontable, le sac de 1204 marque une
giques aujourd’hui (le palais du Porphyrogénète, rupture définitive pour les Orthodoxes.
pour l’essentiel).
6. Synthétiser
4. Pour quels motifs les Occidentaux sont-ils Proposition de plan
nombreux dans l’Empire byzantin ?
Problématique : comment les relations entre By-
Les Occidentaux sont très nombreux dans zance et les Occidentaux s’enveniment-elles
l’Empire, essentiellement pour des raisons com- jusqu’à aboutir au sac de 1204 ?
merciales : les échanges de produits, qu’il s’agisse
I : Un riche Empire sur le déclin
de produits alimentaires ou de produits de luxe
rares en Occident, sont nombreux en Méditerra- II : Des alliances militaires et des privilèges éco-
née. La part des marchands italiens va d’autre part nomiques
en s’accroissant : l’Empire byzantin, attaqué par III. De la multiplication des litiges au sac de Cons-
les Normands en Epire ou sur ses frontières orien- tantinople.
tales par les Seldjoukides, a besoin d’alliés mili-
taires qu’il trouve en Venise puis avec Gênes et
Pise, autres grandes puissances de la péninsule DE LA SOURCE À L’HISTOIRE
italienne qui se voient octroyer des privilèges éco-
nomiques et commerciaux extraordinaires par le Comment les historiens expliquent-ils
biais des chrysobulles (libre accès aux ports de le patrimoine archéologique et mo-
l’Empire, absence ou faiblesse des taxes perçues
sur les produits occidentaux… Pise voit ses droits
numental de la ville de Jérusalem ?
de douane abaissés dès 1111, Gênes en 1155 mais > MANUEL PAGES 74-75
elles ne sont jamais totalement exemptées de taxes
L’objectif de cette double page est de comprendre
comme les Vénitiens depuis le chrysobulle de
les grandes lignes du palimpseste de pierre qu’est
1082). Les marchands italiens sont donc particu-
la vieille ville de Jérusalem : en effet, même si les
lièrement nombreux dans les ports de l’Empire et à
élèves n’ignorent pas que la ville est trois fois
Constantinople où l’on voit fleurir un quartier
sainte, il est plus difficile de retracer, au moins en
vénitien, un quartier pisan et un autre génois. La
partie, les états successifs de la ville et de ses prin-
domination économique des Italiens est de plus en
cipaux édifices religieux, de se départir des projec-
plus mal vécue par les populations de l’Empire qui
tions religieuses et mémorielles sur la ville et de
s’en prennent régulièrement, à la fin du XIIe s.,
comprendre comment les hommes ont fait de Jéru-
aux marchands italiens. Mais ces privilèges entraî-
salem un « lieu saint ».
nent, en retour, un essor économique soutenu des
cités commerçantes italiennes qui se parent de
somptueux bâtiments. Réponses aux questions
5. Pourquoi le sac de Constantinople est-il un 1. Montrez que ce lieu unique a une histoire
choc pour les Byzantins ? complexe.
Le sac de Constantinople constitue un choc pour Cette ville unique est l’issue d’une histoire reli-
les populations de l’Empire : il est mené par les gieuse et politique complexe. Simple bourgade
Croisés accueillis, malgré de nombreuses tensions sous l’Antiquité, la ville abrite le Temple des Hé-
et des différends, dans la capitale de l’Empire. breux qui fut le premier lieu saint de la ville.
Alors que ceux-ci devaient mener le combat contre Construit sous Salomon au Xe s. avant notre ère,
les Infidèles en terre sainte (les « Sarrazins » du détruit par le roi babylonien Nabuchodonosor II,
texte), les Croisés s’en prennent à toutes les ri- reconstruit par le roi de Judée Hérode, au Ier siècle
chesses de la ville : dans le texte célèbre de la avant J.-C., il fut quasiment détruit – à l’exception
chronique du grand historien byzantin Nicetas d’un seul mur, à l’origine mur de soutènement du
Choniates, les Croisés, appâtés par le gain, ne second temple, aujourd’hui « mur occidental » ou
pillent pas que des maisons ou des palais mais « mur des Lamentations » – par l’empereur romain
Titus, réprimant alors une révolte des juifs en 70 construite. Mais le rocher de la fondation est aussi,
ap. J.-C. Ce mur devient un lieu de mémoire et le selon les Hadiths, la roche à partir de laquelle le
lieu de prière le plus sacré des juifs, car proche de prophète Muhammad aurait été élevé au ciel par
l’endroit qui constituait le « saint des saints ». l’intervention divine. Sur cette même « esplanade
Affaiblie et privée de ses murailles, Jérusalem est des mosquées » (« Mont du Temple » pour les
reconstruite sous l’empereur Hadrien, qui dote la Juifs), se trouvent d’autres bâtiments historiques
ville de temples romains et provoque un nouveau dont la mosquée Al-Aqsa édifiée dès le début du
soulèvement entre 132 et 135. VIIIe s. L’imbrication des lieux de sacralité est
Le Saint-Sépulcre (ou « basilique de la Résurrec- réelle, rendant illusoire toute partition de la ville.
tion ») est le second lieu saint de Jérusalem : la 2. Pourquoi les chrétiens tiennent-ils à faire de
ville, après la visite d’Hélène, mère de Constantin, Jérusalem la capitale du royaume fondé à la
venue identifier les lieux saints, connaît une nou- suite de la prise de la ville en 1099 ?
velle phase de construction. La basilique voit le
jour en 335 et devient le pôle de sacralité de la Les chrétiens font de Jérusalem une capitale après
ville byzantine. Incendié comme les autres églises la violente prise de la ville par les Croisés, le 15
de la ville par les Perses de Chosroès en 614, juillet 1099 : c’est en effet à Jérusalem que Jésus a
l’édifice est restauré sous Héraclius qui reprend la vécu sa Passion, est mort, serait ressuscité : le
ville en 630. Les Abbassides, qui conquièrent la Saint-Sépulcre, église édifiée sur l’emplacement
ville en 638, protègent les églises chrétiennes des présumé du tombeau du Christ dès Constantin, en
destructions ou de la transformation ; ce ne fut pas partie détruite par le calife Hakim en 1009, restau-
le cas des Fatimides : en octobre 1009, le St- rée par l’empereur byzantin en 1048 et remaniée
Sépulcre fut entièrement détruit par le calife, en- après 1099 est le pôle de sacralité majeur de la
traînant de vives réactions en Occident. Recons- ville et de l’État latin de Jérusalem. Si l’on ignore
truit entre 1030 et 1048 à la suite d’un accord de quelle fut la première résidence royale des Francs
paix signé par l’empereur byzantin, son accès est dans la cité, l’on sait que Baudouin Ier décida en
interdit aux Chrétiens par les Turcs Seldjoukides 1104 d’installer ses quartiers dans la mosquée Al-
en 1090, ce qui fut l’une des causes essentielles de Aqsa désaffectée (qui devint le Templum Salomo-
la croisade. L’édifice, qui abrita le sacre des rois nis des Latins). Dans un piètre état, celle-ci fut
de Jérusalem au XIIe s., connaît de profondes abandonnée en 1160 pour un véritable palais ur-
transformations mal documentées par l’écrit, dans bain, la Curia Regis dont d’importants vestiges ont
le demi-siècle qui suit la prise de Jérusalem : sous été mis à jour depuis 1971 dans les jardins actuels
l’enveloppe des hauts murs du bâtiment roman qui du patriarcat arménien. Mais l’essentiel de
abrite le tombeau du Christ (l’édicule) se cache l’identité du royaume franc de Jérusalem ne se
l’ensemble des lieux saints associés à la Passion jouait pas à la Curia regis mais bien au Saint-
du Christ. Ce « grand chantier du Saint-Sépulcre Sépulcre de Jérusalem où s’installe le patriarcat
fut en quelque sorte le couronnement de la domi- latin de Jérusalem, qui se substitue au patriarcat
nation franque sur Jérusalem » (Julien Loiseau, grec dont le titulaire est mort quelques jours avant
Jérusalem, Histoire d’une ville-monde, sous dir. la prise de la ville.
Vincent Lemire, p. 214 et sq.) 3. Comment l’historien doit-il se comporter
C’est sur « l’esplanade des mosquées » (« Haram- face au patrimoine religieux ?
al-Sharif » ou « noble sanctuaire » pour les mu- L’historien essaie de se départir des projections
sulmans) que se situent les pôles de sacralité mu- mémorielles de la ville et étudie le patrimoine
sulmane de la ville, élevés sur les décombres du religieux en restituant l’histoire des différents
Temple hébraïque antique. Le dôme du Rocher (ou édifices, en étudiant leur site, leur situation, la
Mosquée d’Omar), commandé par le Sultan Abd- manière dont ils ont polarisé et construit l’espace
al-Malik et construit par des artisans byzantins, qui autour d’eux, les circulations, les pratiques litur-
l’achèvent en 691, s’élève sur les hauteurs de la giques, les événements politiques. Il s’agit de res-
ville, conquise par les musulmans en 637. Cette tituer les états successifs de la ville, de contextua-
mosquée à la coupole dorée est puissamment sym- liser la construction d’une sainteté rendue toujours
bolique : située au-dessus du lieu où Abraham plus complexe par les hommes. Comme l’explique
faillit sacrifier son fils Isaac, là où se trouvait le Vincent Lemire, historien de Jérusalem, dans le
temple hébraïque avant sa destruction, il abrite le document 2 : « les lieux saints ne sont pas im-
« rocher de la fondation », la pierre d’assise du muables. Leur géographie a évolué. Certains
saint des saints du temple hébraïque antique ; même ont été proprement « inventés » comme le
l’esplanade, en ruines, n’avait pas encore été très
Jardin de la Tombe (de Jésus) localisé seulement de distinguer l’essentiel des ports de commerce où
en 1894 ». prospère le commerce vénitien. Exemptés de toute
taxe (et surtout du kommerkion) dans les ports de
4. Montrez que la vieille ville de Jérusalem l’empire byzantin depuis leur alliance militaire
abrite aujourd’hui de multiples patrimoines avec les Byzantins et l’aide décisive apportée
imbriqués. contre les Normands de Robert Guiscard (cf. le
Les édifices cultuels ou leurs vestiges sont au- chrysobulle de 1082, doc 1 p. 72 : on voit ici par-
jourd’hui complètement imbriqués dans l’espace mi les grands ports mentionnés ceux de Dyrra-
restreint de la vieille ville, cernée de hautes mu- chion, Nauplie, Thessalonique, Constantinople ou
railles, de tours et de portes. L’esplanade des mos- Antalya), Venise est aussi présente en Méditerra-
quées surmonte le mur des lamentations alors que née occidentale, qu’il s’agisse des rives septen-
le Saint-Sépulcre, auquel on accède par la Via trionales (Gênes, Valence, Carthagène, Grenade)
Sacra, le chemin processionnel, se situe à ou méridionales de celle-ci (Tunis, Alger, Tripoli).
quelques centaines de mètres. La densité du bâti
est très importante dans ce berceau partagé des 2. Relevez les routes commerciales empruntées
trois récits monothéistes où l’on souhaite conser- par les Vénitiens et la nature des produits
ver le passé le plus ancien pour s’assurer de échangés dans la Méditerranée orientale.
l’avenir le plus lointain. La Méditerranée est une mer dangereuse et diffici-
lement navigable l’hiver mais ses grandes routes
commerciales sont bien connues des marchands
vénitiens des XIIe-XIIIe s. Les produits échangés
DOCUMENTS POINT DE PASSAGE avec la Méditerranée orientale peuvent être des
Venise, une puissance maritime et produits de première nécessité pour les popula-
tions (des céréales provenant des Balkans ou
commerciale
d’Asie mineure) mais sont aussi des marchandises
> MANUEL PAGES 76-77 particulièrement précieuses : des draps de haute
qualité, des épices, de la soie et des pierres pré-
Venise est après Paris et Milan la troisième ville
cieuses qui peuvent elles-mêmes avoir été ache-
de la chrétienté occidentale aux XIIe-XIIIe s. Ce
minées d’Asie par caravansérails. Venise, avec ses
« miracle de pierre », cette ville issue des longs
galères et ses nefs qui sillonnent la Méditerranée,
travaux d’aménagement de la lagune (ceux-ci dé-
devient donc un acteur décisif du commerce médi-
butent tardivement, au haut Moyen Âge, alors que
terranéen, un trait d’union entre l’Orient et
l’occupation était très limitée jusqu’au VIe s. et
l’Occident.
s’accélèrent aux XIe-XIIe s.) devient le grand port
de la Méditerranée et celui par lequel on embarque 3. Comment se manifeste ici l’influence byzan-
le plus souvent pour la terre sainte. On retrouvera tine et l’enrichissement de la cité par le com-
posée, dans cette double page, la question de la merce avec l’Orient ?
relation à l’Empire byzantin et le rôle des Véni- L’influence byzantine est encore très sensible dans
tiens dans le sac de 1204. l’Italie du haut Moyen Âge où certains territoires
sont sous domination byzantine (Exarchat de Ra-
Réponses aux questions venne, Catépanat d’Italie) mais celle-ci se renou-
1. Comment ces deux documents (doc. 1 et 2) velle entre le XIe et le XIIIe s. à travers les contacts
témoignent-ils du formidable dynamisme com- noués entre Venise et l’Empire romain d’Orient.
mercial de Venise au XIIe siècle ? Les fines mosaïques coûteuses qui ornent
l’ensemble de la basilique St-Marc constituent le
La documentation issue des compagnies véni-
témoignage le plus important de ces liens qui enri-
tiennes, tout comme les testaments des marchands
chissent la cité de la lagune. Héritées de
vénitiens nous permettent de mesurer
l’Antiquité gréco-romaine, les mosaïques des
l’organisation, le dynamisme, l’extension, la pros-
églises, racontent sur fond d’or, depuis le IVe s.,
périté mais aussi les inquiétudes des marchands
les grands épisodes bibliques. Ce riche programme
vénitiens qui opèrent dans tout le bassin méditer-
iconographique de St-Marc fut d’abord exécuté
ranéen. Si le premier document nous permet
par des artistes grecs du XIe s. mais fut ensuite
d’approcher un exemple d’organisation (Domeni-
prolongé par des artistes vénitiens des XIIe et XIIIe
co Sisinulo était marchand à Constantinople, en-
s. : ceux-ci s’étaient formés à la technique et
voyant et recevant le capital de la Compagnie par
s’inspiraient de prestigieux manuscrits grecs dont
Vitale Voltani établi à Thèbes), la carte 2 permet
la Genèse de Cotton qui, datée des Ve-VIe s., avait
été transférée à Venise après le sac de Constanti- population byzantine (ce qui contribue à expliquer
nople en 1204, comme nombre d’objets liturgiques aussi, en partie, le sac de Constantinople en avril
ou d’œuvres encore aujourd’hui dans la basilique 1204, comme on l’a vu avec le doc. 4 p. 73).
(de prestigieux vases ornés de pierres précieuses
parfois gravées, des reliquaires ou encore le qua- 5. Synthétiser
drige issu de l’hippodrome de Constantinople). La synthèse, dont le plan est déjà fourni, pourra
être problématisée : comment l’essor de Venise en
4. Montrez que l’enrichissement de Venise sus- Méditerranée conduit-il à l’enrichissement de
cite des tensions dans l’Empire byzantin. celle-ci mais aussi à la dégradation rapide de ses
Si le XIIe s. est souvent présenté comme le « siècle relations avec l’Empire byzantin ? Les élèves
d’or » du commerce vénitien à Byzance, la pré- ayant travaillé sur les documents p. 72-73 pourront
sence de nombreux marchands vénitiens enrichis par ailleurs mettre à profit l’étude du chrysobulle
par le commerce avec l’Empire devient une source de 1082 ou les documents sur le sac de 1204 pour
de tensions, alors que les croisades dégradent les bien comprendre les relations complexes qui se
rapports diplomatiques entre les deux parties de la nouent tout au long du XIIe s.
chrétienté. Ces violences réciproques sont à la fois
documentées par les historiens grecs Jean Kinna- Itinéraire 2.
mos, Nicétas Choniates ou Eusthate de Thessalo- - Les élèves travaillant à reconstituer le possible
nique mais aussi par quelques témoignages de quotidien de Domenico Sisinulo devront mettre en
marchands vénitiens comme c’est ici le cas dans le avant son enrichissement lié au commerce dans
document 3. l’Empire mais aussi sa capacité à agir et à transfé-
Le basileus Jean II (1118-1143) avait commencé rer biens et capitaux dans un large rayon d’action
par refuser de confirmer les privilèges accordés et son rôle au sein de la compagnie vénitienne
par Alexis Comnène : il ne cède aux Vénitiens pour laquelle il œuvre.
qu’en 1126, parce que ceux-ci ont mené une cam- - Les élèves travaillant au récit du quotidien d’un
pagne d’intimidation en Adriatique et en Égée, capitaine de navire devront se documenter sur la
allant jusqu’à piller des villes côtières byzantines navigation en Méditerranée, les navires vénitiens
en 1124-1125. Bien que d’autres marchands ita- utilisés en fonction des transports et des distances,
liens, de Pise et de Gênes, soient encouragés à les dangers qui menacent ces hommes aux vies
concurrencer les Vénitiens dans l’Empire, la pré- intranquilles et parfois périlleuses.
sence de ces derniers ne cesse de s’accroître au - Les groupes travaillant sur Enrico Vidal pourront
cœur des villes portuaires de l’Empire, ce qui être incités à retracer la genèse des tensions qui
exaspère les élites byzantines : ces marchands aboutissent aux arrestations et aux violences de
latins s’enrichissent rapidement mais sont aussi 1182, un siècle après l’octroi du chrysobulle qui
jugés arrogants et peu respectueux de permit l’essor commercial de la cité vénitienne
l’administration impériale souvent agacée des dans l’Empire.
importants privilèges conférés aux Italiens. Ma-
nuel Ier fait ensuite arrêter, en 1171, tous les mar-
chands vénitiens de l’Empire, témoignant de
l’efficacité policière de cet État impérial dont PASSÉ / PRÉSENT
s’affranchissent trop régulièrement les marchands. Pourquoi peut-on dire que la Méditer-
L’événement le plus grave se situe onze ans plus
tard, en 1182. Comme en témoignent Enrico Vidal
ranée est un espace majeur de migra-
et Giacomo Badoer dans le document 3, les mar- tions ?
chands latins, au premier rang desquels les Véni-
> MANUEL PAGES 78-79
tiens, sont arrêtés, jetés en prison par le pouvoir
(ici à Raidestos, près de la capitale de l’Empire) Réponses aux questions
tandis que leur cargaison est saisie. Ce que le texte
1. Pourquoi Ibn Jubayr voyage-t-il ?
ne dit pas, c’est que les fonctionnaires impériaux
qui arraisonnent le navire piloté par Domenico di Ibn Jubayr (1145-1217) est un fonctionnaire de
Gregorio ne sont pas les seuls acteurs de ces vio- cour et un grand savant d’Al Andalus connu pour
lences faites aux Latins : à Constantinople, la vio- ses Relations de voyages dans lesquelles il narre
lence populaire qui se déchaîne contre les mar- ses étapes de voyages jusqu’à la Mecque, lieu du
chands latins aboutit à des massacres, témoignant pèlerinage que tout fidèle musulman doit effectuer
de la haine des Latins largement répandue dans la au moins une fois dans sa vie. Son récit est édi-
fiant car il nous permet de mieux saisir les rela-
tions entre musulmans et chrétiens dans le bassin quotidiens influencés par l’Orient, leur pouvoir
méditerranéen mais aussi le dynamisme commer- économique lié à la possession des terres et à
cial des marchands italiens (en 1183, Ibn Jubayr l’activité marchande. Les grands ports méditerra-
s’embarque dans un navire génois pour gagner néens du document 4, s’ils ont dû affronter dans la
Alexandrie depuis Valence) ainsi que la dangerosi- seconde moitié du XXe s., les aménagements né-
té de la navigation au XIIe s. cessaires liés à la révolution de la conteneurisa-
tion, ont donc bien souvent une activité fort an-
2. D’après vos connaissances et en vous ap- cienne.
puyant sur le texte 2, expliquez la présence en
Orient de ces chrétiens. 5. Quelles sont les motivations des migrants ?
Ce célèbre extrait de la chronique de Foucher de Les motivations des migrants sont multiples : elles
Chartres (1046-1127) fait référence aux « Pou- peuvent être économiques et politiques comme
lains », ces chrétiens durablement installés au elles l’étaient déjà chez les Francs établis dans les
Proche-Orient au terme de la croisade, dans le États latins d’Orient, descendants des croisés ve-
cadre des États latins d’Orient dont on a déjà pré- nus libérer le tombeau du Christ mais par la suite
senté l’histoire – cf. Repères, doc. 2 p. 63. Em- installés sur les rives de la Méditerranée orientale.
blématiques d’une fusion culturelle entre Orient et Au début du XXIe s., l’instabilité politique en
Occident, ces « Poulains » devenus polyglottes et Afrique et au Moyen-Orient (établissement d’un
vivant de manière de plus en plus orientale, ayant nouveau califat et d’un État autour de Daech qui,
souvent pris femme et fondé famille sur place, ne en refluant, essaime et propage le terrorisme isla-
furent cependant pas très nombreux et ne doivent miste en plein essor depuis la fin du XXe s. ; ter-
pas masquer la réalité des violences interconfes- ribles guerres interconfessionnelles et intereth-
sionnelles au Proche-Orient. niques en Afrique, guerre de Libye ou encore la
guerre qui ravage la Syrie depuis 2011) poussent
3. Quelles sont les principales destinations tou- des populations qui n’ont plus rien à perdre et
ristiques en Méditerranée ? souvent menacées de mort si elles restent dans leur
Les rives sud de la Méditerranée étant très ins- pays à tenter de franchir la Méditerranée pour
tables à cause d’un contexte politique tendu dans essayer de reconstruire une vie meilleure en Eu-
lequel les attentats se sont multipliés, les princi- rope. Les passeurs, souvent violents, s’enrichissent
pales destinations touristiques se situent à présent alors que le voyage est dangereux (les naufrages
plus exclusivement sur les rives septentrionales de sont nombreux) et que l’accueil en Europe est de
la Méditerranée : en Espagne, France, Italie, en plus en plus compromis.
Croatie, en Grèce ou en Turquie. Les îles méditer-
ranéennes restent par ailleurs des destinations
éminemment touristiques, alliant capital culturel
(villes et sites historiques) et capital naturel
(longues plages de sable, possibilités de randon-
nées).
4. Montrez que la Méditerranée est une région
ancienne d’échanges commerciaux.
La Méditerranée est une région ancienne marquée
par les échanges commerciaux : déjà importants
sous l’antiquité gréco-romaine, les contacts com-
merciaux moins nombreux au haut Moyen Âge
s’intensifient entre les XIe et XIIIe s. Les mar-
chands italiens qui prospèrent en Méditerranée et
notamment dans sa partie orientale, à la suite des
privilèges obtenus de l’Empire byzantin par les
Vénitiens puis les Pisans et les Gênois profitent
aussi de l’établissement des États latins d’Orient.
Le document 1, montrant des marchands italiens
embarquant pour Acre, rappellent ainsi la vitalité
des échanges entre les grands ports méditerran-
néens tandis que le document 2 relatant le mode de
vie des « Poulains » dit, au-delà des modes de vie
• Pierre Chaunu, Conquête et exploitation des grant. On y décèle surtout l’intense activité du port
nouveaux mondes, PUF, 2010 de Lisbonne, pris au XVIe siècle par le dynamisme
• Serge Gruzinski, L’aigle et le dragon : démesure de ses activités marchandes et impériales. Rappe-
européenne et mondialisation au XVIe siècle, lons que le Portugal pratique déjà la traite négrière
Fayard, 2012 sous la forme d’un commerce triangulaire impli-
quant le Brésil, colonie en gestation. La représen-
• Thomas Gomez, Droits de conquête et droit des
tation du port témoigne de ces activités continues
Indiens, la société espagnole face aux populations
avec en arrière-plan la ville dont le caractère reli-
amérindiennes, Armand Colin, 2014
gieux se lit à travers le nombre de clochers, et au
• Nathan Wachtel, La vision des vaincus : les In- premier plan, l’image d’une transaction commer-
diens du Pérou devant la conquête espagnole, ciale entre deux marchands et de l’opulence des
Folio histoire, 1992 produits visible à travers les tonneaux à quais.
• Nathan Wachtel, Paradis du nouveau monde, L’image est également l’occasion de décrire les
Fayard, 2019. navires affrétés en direction du large. En arrière-
plan, la touche religieuse de l’auteur apparaît à
travers l’image du soleil levant et rayonnant sym-
bolisant l’attraction du « nouveau monde ».
OUVERTURE Les deux images mise en parallèle sont destinées à
› MANUEL PAGES 86-87 passer d’une rive à l’autre. D’un côté (droite), les
préparatifs enthousiastes des marchands-savants-
Document 1. Batailles entre les Aztèques et conquérants, et de l’autre les effets concrets de la
les conquistadors violence coloniale.
De nombreux Codex représentent des scènes
d’affrontements entre conquistadors et Aztèques.
Ici, il ne s’agit pas de l’original du codex méso- REPÈRES
américain mais de sa copie, par un observateur › MANUEL PAGES 88-89
religieux européen chargé de convertir les popula-
tions conquises. Le chapitre relève d’une approche géo-historique
La page du codex correspond à la partie des an- si l’on veut comprendre les effets de dilatation de
nales historiques. Elle met particulièrement en la connaissance du monde. C’est pourquoi notre
valeur les armes, l’armure et les animaux (che- choix s’est porté sur des cartes historiques et sur
vaux) des Espagnols, principales raisons de leur un jeu d’échelles. La première carte, à l’échelle
victoire. Comme dans tous les codex, il y a à la mondiale, permet de visualiser concrètement deux
fois un souci de représentation réaliste et une liber- phénomènes : la multiplication des explorations, et
té prise avec les faits. Le temps est concentré sur leurs effets sur la connaissance de nouveaux terri-
une même image où l’on distingue des scènes de toires.
combats mais aussi de négociations (en bas à La seconde carte change d’échelle et rend compte
droite) et de fuite. Les Aztèques sont représentés du phénomène de la colonisation sous toutes ses
en position majoritairement défensive, ce qui ac- formes : l’existence de populations antérieures,
centue l’impression de leur infériorité. Ils sont nus organisées dans des cadres étatiques et les appro-
et vulnérables et la scène de la barque insiste sur la priations politiques, économiques et religieuses
dimension familiale. par les Européens.
Comment s’est posée et a été tranchée la ques- Christophe Colomb décrit ses premiers contacts
tion de leurs droits ? avec les populations amérindiennes comme s’il
La question des droits des indigènes se pose dès le s’agissait d’un peuple pur et primitif. Il insiste sur
début et donne lieu à des correspondances impor- des détails physiques (nudité, cheveux, la couleur
tantes entre la papauté et autres dignitaires reli- de peau) et sur l’atmosphère générale d’innocence
gieux. C’est finalement lors de la controverse de qui se dégage de la scène générale de rencontre.
Valladolid qu’elle est tranchée par la reconnais- 4. Pourquoi les États européens sont-ils en con-
sance de l’humanité des Amérindiens. currence pour les explorations ?
L’Espagne et le Portugal se livrent à une véritable
course aux explorations. Le texte évoque la raison
commerciale : il s’agit d’ouvrir des routes incon-
DOCUMENTS nues afin d’avoir accès aux richesses d’or et
Les voyages de découvertes et d’épices, notamment asiatiques. Les deux
l’ouverture atlantique royaumes jouent ainsi leur influence économique
en Europe et dans le monde.
> MANUEL PAGES 96-97
5. Montrez que ces voyages traduisent un désir
La double page a pour vocation de montrer à la d’exploration autant qu’un objectif de con-
fois ce qui rend possible les voyages de décou- quête.
vertes, notamment les progrès scientifiques, mais
L’ensemble des documents témoignent bien des
aussi le déroulé de ces voyages, leur importance et
deux aspects principaux motivant les explorations
les traces dont nous disposons pour les connaître.
du XVIe siècle : la soif d’exploration, et l’objectif
Les documents iconographiques sont des gravures
de conquête. Les outils techniques de navigation
ou illustrations d’époque qui témoignent de la
ont été améliorés pour permettre d’aller plus loin,
conscience des bouleversements en cours. Les
plus vite, et à moindre risque. Les monarchies
textes, eux, permettent de saisir le quotidien d’un
espagnoles et portugaises savent que le maintien
voyage d’exploration ainsi que les enjeux diplo-
de leur influence passe par le contrôle de toujours
matiques que tout cela soulève.
plus de routes commerciales, afin d’accentuer le
commerce des épices mais aussi d’accéder à plus
Réponses aux questions de quantité d’or. Dans le journal de Christophe
Colomb, le désir de conquête n’est pas flagrant
1. Localisez les principales étapes des voyages mais le souci de retranscrire son aventure cons-
de Christophe Colomb. ciencieusement, les tentatives successives de
Christophe Colomb a accompli quatre voyages voyages et la description fascinée de son premier
entre 1492 et 1504. Le premier le mène aux Ba- contact avec les populations montrent que la cu-
hamas et les trois suivants lui font arpenter les îles riosité l’anime. En réalité, à cette époque, les deux
des mers Caraïbes, et notamment Cuba. finalités des explorations sont indissociables.
2. Quels progrès techniques ont facilité les ex-
plorations ?
Les progrès techniques ayant facilité les explora-
tions tiennent essentiellement à la connaissance
DE LA SOURCE À L’HISTOIRE
des mers, à l’orientation et à la maniabilité des Comment les cartes anciennes per-
navires. Les caravelles, navires plus petits, sont mettent-elles aux historiens de mesu-
facile à conduire et plus rapides. Les progrès ef-
fectués dans les calculs des longitudes (table de
rer les transformations des représen-
longitude) et dans la confection des boussoles tations du monde ?
rendent les voyages moins aléatoires et permettent > MANUEL PAGES 98-99
à leur tour d’effectuer des relevés géographiques
améliorant la cartographie. Ces deux documents peuvent être analysés comme
des sources géo-historiques. La géohistoire con-
3. Comment Colomb décrit-il son voyage puis le siste à mêler les approches spatiales et temporelles
premier contact avec les populations rencon- pour analyser un phénomène. Ici, ce sont deux
trées ? représentations cartographiques, à quelques an-
nées d’intervalle, mais qui rendent compte à la
fois de la façon dont on imaginait le monde et dont trois continents à la manière de la géographie pto-
on souhaitait en laisser trace, mais aussi des avan- léméenne. Par ailleurs, la dimension religieuse est
cées lentes et progressives de la connaissance géo- importante et se lit à travers la représentation des
graphique. Ces deux cartes permettent ainsi de sphères célestes qui accentuent le caractère central
faire l’histoire des sciences et techniques tout au- de la Terre aux confins de laquelle se trouve le
tant que de l’histoire culturelle. Elles témoignent paradis terrestre. Les différences avec le portulan
d’univers géographiques autant que d’univers Teixeira sont flagrantes car ce dernier a davantage
mentaux. le souci du détail et de la vérité. Entre-temps, le
continent américain a fait son apparition et la re-
Réponses aux questions présentation de la Terre sous la forme d’un planis-
phère s’est imposée. Même s’il subsiste quelques
1. Montrez la précision des connaissances géo- détails religieux dans le portulan (représentation
graphiques de Teixeira en 1573. de Jérusalem et du Golgotha), on voit bien que le
Le portulan de Teixeira a été réalisé en 1573. Il est souci de la précision l’emporte. Les éléments natu-
surprenant de précision. On y trouve représentés rels (fleuves, reliefs) sont dessinés et les côtes sont
des éléments de nature politique tant que géogra- ponctuées de repères. On mesure que le portulan
phique. Ainsi, le partage de Tordesillas de 1494 vise vraiment à améliorer l’orientation des naviga-
séparant les possessions espagnoles des posses- teurs et qu’il se présente comme un outil scienti-
sions portugaises figure-t-il sur le document. Les fique et politique quand la carte de Colomb
continents sont bien dessinés, avec des précisions montre une représentation plus spirituelle du
sur les fleuves mais surtout un souci du détail monde.
quant au découpage des côtes. Les lignes de vents
sont également mentionnées pour faciliter
l’orientation. Enfin, on comprend le caractère con-
currentiel des revendications territoriales grâce à la DOCUMENTS
mention des différents blasons européens et à la
présence de caravelles portugaises. La violence de la conquête / Divisions
et résistances des Amérindiens
2. Comment peut-on les expliquer ?
La cartographie est un enjeu de pouvoir à > MANUEL PAGES 100-101
l’époque. Maîtriser les connaissances géogra- Les deux pages font miroir et se répondent afin de
phiques permettait en effet de pousser toujours montrer l’ampleur de la violence de la conquête
plus loin les explorations et donc les débouchés mais aussi les formes de résistance et les divisions
économiques. C’est pourquoi les cartes étaient qui sont à l’origine de la victoire finale des con-
gardées précieusement, sous le contrôle du roi. Les quérants.
cartographes étaient ainsi dotés d’une véritable La première image montre la conquête de Cuzco
responsabilité : assurer la renommée du royaume en 1532 et le texte évoque l’un des nombreux
de tutelle. La carte devient un instrument politique massacres, ici à Caonao, sur l’île de Cuba, relaté
et centralise le plus d’informations utiles possible. par Bartolome de Las Casas.
3. À quoi peut-on identifier la mainmise des La question incite à croiser les deux documents
Espagnols et Portugais sur une grande partie pour déterminer les manifestations de cette ex-
des continents américain et africain ? trême violence.
La carte est emplie de blasons à l’effigie de En suivant les conseils méthodologiques, on peut
l’Espagne ou du Portugal qui témoignent de la répondre à la question de la manière suivante.
concurrence que se livrent ces deux puissances
pour la mainmise sur les territoires. De même, une La violence de la conquête
caravelle portugaise est représentée au sud-est du
continent africain. Les Espagnols qui entreprennent la conquête le
font à la suite des premiers arrivants, aux Ca-
4. En comparant les deux cartes, montrez les raïbes, notamment Christophe Colomb, qui n’ont
avancées des connaissances géographiques et de pas tenu compte de l’hospitalité préalable des
leurs représentations au cours du XVIe siècle. populations locales et ont préféré procéder par la
La seconde carte est attribuée à Christophe Co- force pour s’emparer des territoires et surtout de
lomb. C’est un détail d’une carte beaucoup plus leur richesse en or. Chronologiquement, c’est avec
grande. On constate que ne sont représentés que le texte de Bartholomé de Las casas qu’il faut
commencer. Ce dernier évoque des soldats espa- L’image est, elle, une autre gravure de Théodore
gnols qui, sans aucune pitié, égorgent et éventrent de Bry dont nous avons déjà parlé plus haut. Elle
hommes, femmes et enfants indiens, à la manière représente une scène de guerre entre Espagnols et
d’animaux. Le texte témoigne de l’horreur et de Indiens, mais, chose peu commune, l’image insiste
l’affliction éprouvée par l’auteur. Il insiste sur la cette fois sur l’organisation des Indiens, armés
quantité de sang versé, qui ruisselle. Les espagnols (arcs) et prêts à résister aux Espagnols suréquipés.
frappaient à l’aveugle, ce qui permettait également Les Indiens sont nombreux et fort proches des
de manifester leur supériorité, laquelle se lit aussi Espagnols, montrant par là leur absence de peur.
dans la qualité de la lame des épées utilisées. Ils se défendent et ne sont pas en position de fuite
La gravure représentant la prise de Cuzco con- ou de déroute même si on connaît l’issue du com-
firme l’horreur du texte même s’il s’agit là d’une bat. La bataille est ici plus équilibrée.
scène de guerre proprement dite. Pizarro, conquis-
tador espagnol, marche dans les pas de Cortès au En équipes !
Mexique qui, quelques années plus tôt, avait fait Équipe 1
tomber Tenochtitlan. Sur cette image, la supériori- Les indices de la violence :
té technique est encore plus flagrante puisqu’est - épée très aiguisée
représentée l’artillerie lourde utilisée contre les - éventrations
Indiens : canons et armes à feu. À différents en- - sang qui coule
droits de l’image, on observe des scènes de vio- - blessures
lences sur les corps dénudés des Incas, et l’image - agonies, morts ; armes à feu
de débâcle est renforcée par la fuite forcée de - corps fendus
l’Empereur au centre de l’image. On voit bien que
ce n’est pas la supériorité numérique qui fait la
différence car les Indiens sont nettement plus Équipe 2
nombreux ; ce sont les armes et techniques de Les divisions des Amérin- Les résistances des Amé-
guerre des espagnols. diens rindiens
Tlaxcala alliés de Cortès Des Indiens armés
Divisions et résistances des Amérin- La guerre préalable entre Des Indiens nombreux et
diens les Tarasques et les Az- organisés
tèques Des Indiens groupés
Sur la seconde page, la problématique est diffé- contre les Espagnols
rente car il s’agit de montrer deux autres aspects
moins connus de la conquête : les divisions préa- Des batailles rangées
lables entre tribus indiennes, et les résistances
qu’ils ont opposées aux conquérants. Mise en commun
Le premier point se trouve dans le texte. La scène Faites une petite fiche que vous concevez collecti-
se situe cette fois au Mexique lors de la conquête vement. La fiche ne doit pas être entièrement rédi-
par Cortès de la ville de Tenochtitlàn. L’empereur gée, seules figurent des idées organisées. Celui qui
Moctezuma envoie chercher de l’aide contre les prend la parole doit répéter et s’entraîner à lier les
Espagnols auprès des Tarasques. Les messagers idées entre elles sans lire les phrases de la fiche.
racontent alors l’horreur de la scène et décrivent
des Espagnols invincibles sur leurs « cerfs » (che-
vaux). Ils précisent également que la tribu des
Tlaxcala, autre tribu du Mexique, s’était alliée aux
DOCUMENTS POINT DE PASSAGE
espagnols. Mais les Tarasques refusent d’aider L’or et l’argent des Amériques
Moctezuma, prétextant qu’ils sont en guerre contre > MANUEL PAGES 102-103
Tenochtitlan et qu’il préfère donc voir gagner les
Espagnols. Le texte est intéressant car déjoue nos Le but de cette double page est d’insister sur l’une
représentations de peuples amérindiens unis contre des motivations et conséquences de la conquête :
l’envahisseur. En réalité, la conquête rencontre la quête de métaux précieux. L’ensemble des do-
une géopolitique de conflits préexistants et sur cuments témoigne donc à la fois du caractère con-
lesquels les Espagnols vont s’appuyer pour facili- cret de cette quête et des modalités d’exploitation
ter leurs conquêtes. de l’or et de l’argent des Amériques, mais aussi
des conséquences de cet afflux de métaux pour les
économies européennes.
convaincre qu’il n’y a rien de moralement repro- conquérir n’a rien de moralement répréhensible et
chable dans ceci car les Amérindiens sont nés pour il faut poursuivre la politique telle quelle.
être esclaves. Deux visions s’affrontent ainsi au
cœur desquelles se joue la légitimité de la con- 4. Quel est l’objectif final commun du pape et
quête, de la colonisation, et surtout de la conver- de Las Casas ?
sion forcée au christianisme des Indiens. Afin Comme pour le pape, la position de Bartolomé de
d’adopter une décision officielle et définitive, Las Casas relève surtout de la légitimation de la
l’Empereur Charles Quint, un proche de Sepùlve- mission religieuse de conversion qui accompagne
da, organise une controverse à Valladolid où doi- toute colonisation. Le document 5 en témoigne car
vent être discutées ces questions. Les arguments on y voir un moine baptisant un Aztèque de ma-
mobilisés sont donc l’occasion de saisir différentes nière apparemment assez brutale.
visions de l’humanité portées par deux dignitaires
5. Synthétiser
religieux, et de comprendre en creux comment
s’instaure l’idée d’une inégalité des races devant La controverse de Valladolid est un moment im-
servir la cause coloniale. portant de mise au jour des positions et politiques
européennes confrontées à l’altérité radicale. On
voit bien que s’entremêlent des considérations
Réponses aux questions humaines, morales, religieuses et stratégiques. Le
1. Que montre le codex sur le traitement des problème est complexe car il en va de l’avenir de
Amérindiens ? la puissance européenne et notamment espagnole.
Le codex représente un encomendero espagnol, La conquête s’est faite par des violences considé-
c’est-à-dire un propriétaire d’esclaves dans le rées comme légitimes et normales. Pourtant, la vie
cadre d’un territoire attribué officiellement par le au contact de ces populations a fait naître chez
Roi. Les encomiendas sont les premières formes certains Européens des doutes : ces populations
d’esclavagisme colonial. Le maître a tout pouvoir n’aiment-elles pas leurs enfants comme les
sur ses esclaves. Ici, on le voit torturer des es- autres ? Ne montrent-elles pas des signes
claves possiblement égorgés comme en témoignes d’intelligence ? d’organisation ? etc. C’est ce
la représentation du sang qui coule. pragmatisme du quotidien qui a réinterrogé les
certitudes sur la légitimité de la conquête et colo-
2. Quelle est la position de la papauté sur nisation. Ces aspects sont donc au cœur de la con-
l’humanité des Amérindiens ? troverse.
En 1537, la papauté publie une bulle (prise de
Itinéraire 2 Préparer un exposé oral
position publique du pape ayant caractère de loi
pour l’Église) dans laquelle il reconnaît l’humanité Pour un exposé oral, il faut s’approprier les idées
des Indiens. Cela s’explique aussi par son désir de principales à développer publiquement. Cela sup-
les convertir au christianisme. À quoi bon tenter pose un travail de préparation sous la forme de
de convertir ce qui n’est pas humain ? Cette déci- fiches qui recensent les principaux arguments. Ici,
sion est donc surtout un appel intéressé à la prédi- on donne les trois étapes. Il suffit donc soit de
cation. faire un tableau, soit des petites fiches correspon-
dant à chacune des étapes :
3. Quelles sont les positions respectives de Las - les violences faites aux Amérindiens : enco-
Casas et Sepùlveda sur la légitimité de la con- mienda, torture, conversions forcées ;
quête et la réduction en esclavage des Amérin-
diens ? - arguments et objectifs de Bartolomé de Las Ca-
sas : ce sont des humains dotés de morale et rai-
Pour Bartolomé de Las casas (document 4), la son. Il faut les convertir par la persuasion et cesser
conquête n’est pas admissible car il est tout à fait l’usage de la force ;
possible de convertir sans violence, ce que, du
reste, les Chrétiens font déjà dans d’autres con- - arguments et objectif de Sepùlveda : ce sont des
trées explique-t-il. La violence à l’encontre des êtres inférieurs par nature : cela ne sert à rien de
Indiens doit donc cesser. chercher la persuasion douce, il faut poursuivre la
conquête et convertir sans états d’âmes.
Pour Sepùlveda (document 3), c’est le contraire. Il
tente de montrer que les Indiens sont nés pour être
esclaves et qu’ils auraient ainsi intériorisé complè-
tement leur situation d’infériorité. Dès lors, les
DOCUMENTS POINT DE PASSAGE verain portugais d’en savoir davantage sur les
habitants des contrées lointaines ; enfin, le docu-
Traite négrière portugaise et écono- ment 4 rend compte du caractère cosmopolite de la
mie de plantation ville de Lisbonne puisqu’on distingue sur la partie
du tableau, des populations noires, hommes et
> MANUEL PAGES 106-107
femmes, totalement intégrées à la vie urbaine. Ce
Les Portugais sont les précurseurs de la traite né- peuvent être des esclaves mais aussi des affran-
grière transatlantique qui commence à la fin du chis.
XVe siècle. Ils passent par des étapes intermé-
diaires en instaurant des comptoirs de fabrication 4. Pourquoi la traite négrière connaît-elle un
et exportations de sucre dans les îles de Madère, essor au XVIe siècle ?
canaries, Açores, Cap vert et à Sao-Tome. Les La traite négrière connaît un essor au XVIe siècle
premiers navires partaient donc longer la côte pour plusieurs raisons. La première est le choix du
atlantique africaine pour aller capturer des es- souverain d’accentuer la capture d’esclaves
claves qui étaient amenés sur ces îles ou au Portu- puisqu’il en a compris l’opportunité en termes de
gal lui-même, notamment à Lisbonne qui devient profits. La seconde est liée à l’ouverture vers
une ville peuplée de nombreux Noirs dont certains l’Atlantique depuis les explorations et la volonté
sont même affranchis. À la suite de la conquête du portugaise de s’arroger une partie de l’empire
Brésil littoral, les esclaves sont progressivement colonial en construction. La prise de possession du
amenés à travers l’Atlantique. Ils exploitent le bois Brésil lui donne alors l’opportunité d’un colossal
puis la canne à sucre dans le cadre de plantations changement d’échelle pour le trafic d’esclaves et
qui deviennent les principales sucreries chargées du sucre. La mise en place de sucreries est de plus
d’approvisionner l’Europe. Le nombre d’esclaves en plus demandeuse de main-d’œuvre et incite à
est multiplié par dix tout au long du XVIe siècle. augmenter le trafic.
Au siècle suivant, le relais sera pris par les autres
5. Synthétiser
puissances européennes, lançant le plus gros trafic
commercial d’êtres humains de l’histoire de Lisbonne, capitale du Portugal, a connu son siècle
l’humanité. d’or au XVIe siècle. C’est à la fin du XVe siècle
que le royaume décide d’intensifier son commerce
Réponses aux questions en mettant à contribution ses déjà nombreux
comptoirs de la côte ouest africaine. Le roi décide
1. Localisez les possessions portugaises dans
de saisir l’opportunité d’une main-d’œuvre gra-
l’Atlantique aux XVe-XVIe siècles.
tuite en amplifiant l’achat et la revente d’esclaves
La carte permet de localiser les possessions portu- africains. Des îles se spécialisent dans la produc-
gaises dans l’Atlantique qui forment un Empire au tion de sucre mais le rayon d’action du Portugal
XVIe siècle. Les premiers territoires sont littorali- augmente au fur et à mesure de l’avancée de leurs
sés tout le long de la côte ouest-africaine et rivaux espagnols. Le continent américain devient
s’étendent progressivement vers l’Ouest Atlan- le nouveau débouché du trafic d’esclaves dès que
tique jusqu’au Brésil qui devient une colonie. les Portugais s’installent au Brésil. Ce faisant,
2. Relevez les raisons de la capture d’esclaves à c’est un immense empire commercial reposant sur
cette date. des comptoirs et sur une première colonisation qui
s’officialise au XVIe siècle.
Le document 3 expose les raisons pour lesquelles
il est décidé d’amplifier la capture d’esclaves. Il Itinéraire 2 Réaliser un schéma
s’agit d’emblée de pratiquer le commerce (rachat
Personnes impliquées :
et servitude) d’êtres humains qualifiés de « créa- Les causes de la traite :
souverain espagnol
tures ». décision royale
quête du profit navigateurs marchands
colonisation du Brésil propriétaires d’esclaves
3. Montrez que Lisbonne est une ville ouverte vendeurs africains
sur le monde.
Plusieurs indicateurs permettent de mesurer le Traite négrière portugaise
niveau d’ouverture sur le monde de la ville de
Lisbonne. La carte 1 montre les nombreuses routes Les conséquences au Portugal, Afrique, Amériques :
Lisbonne cosmopolite
maritimes qui en partent en direction des côtes enrichissement de Lisbonne
africaines, des îles atlantiques et du Brésil. Par multiplication des comptoirs commerciaux
ailleurs, le texte 3 témoigne d’une volonté du sou- colonisation du Brésil
esclavagisme colonial
> MANUEL PAGES 108-109 4. Montrez que la maladie doit être, au même
titre que les autres échanges, prise en compte
Les maladies sont l’une des causes de la dispari- pour comprendre le phénomène de mondialisa-
tion de la plupart des Amérindiens en moins d’un tion.
siècle. C’est l’occasion d’interroger les épidémies
On appelle mondialisation l’intensification des
comme l’un des vecteurs de la mondialisation hier
échanges et des circulations à l’échelle mondiale.
et aujourd’hui puisqu’il y a bien, comme pour les
La mondialisation repose sur des acteurs et des
hommes, animaux, produits, des mouvements de
vecteurs qui agissent dans différents domaines.
circulations. Les épidémies poussent à décloison-
On a coutume de penser aux marchandises, aux
ner nos analyses car les maladies ne s’encombrent
êtres humains et aux modes de transports favori-
pas des frontières. À l’échelle du monde, et sur le
sant toutes ces circulations. Toutefois, les mala-
temps long, les épidémies ont contribué aux
dies accompagnent toutes ces dynamiques.
grandes transformations mondiales mais aussi aux
L’amplitude des épidémies est donc aussi un si-
progrès de la connaissance médicale et thérapeu-
gnal du fonctionnement de l’humanité à un mo-
tique.
ment donné : quels contacts, quelles formes de
relations ? Quels comportements démogra-
Réponses aux questions phiques ? Quels progrès médicaux ? On voit bien
1. Comment sont décrits l’évolution de d’ailleurs que toute prévention ou thérapie appelle
l’épidémie de variole et ses effets sur les Amé- une coopération internationale si l’on veut réduire
rindiens ? les risques. C’est le rôle désormais de
l’Organisation Mondiale de la Santé. Le phéno-
L’épidémie de variole est décrite dans ce dessin
mène de mondialisation n’est donc pas compré-
par les symptômes les plus spectaculaires :
hensible sans l’intégration de ces données médi-
l’apparition de tâches et pustules rouges qui cou-
cales.
vrent le corps entier. À ce stade de la maladie, le
mal est fait depuis longtemps. Les victimes repré-
sentées semblent également éprouver une grande
souffrance.
2. Pourquoi les maladies sont-elles liées à la
conquête espagnole ?
Les maladies sont liées à la conquête espagnole
car le virus responsable de la variole a été amené
par les Européens. Mais ce n’est pas la seule ma-
ladie dont meurent les Amérindiens même si elle
est la plus spectaculaire. Ces derniers sont aussi
morts de syndromes grippaux face auxquels ils
n’avaient développé, contrairement aux Euro-
péens, aucun anticorps.
3. Expliquez cette phrase du doc 5 : « Les mala-
dies infectieuses sont les compagnes éternelles de
l’histoire humaine ».
Le texte revient sur les principales pandémies
(épidémie de grande ampleur) qui ont touché
l’humanité depuis l’ère préhistorique. Il va de soi
que les virus et microbes, en tant qu’organismes
vivants et souvent transportés par des animaux et
humains, n’ont cessé d’accompagner les princi-
pales étapes de développement de l’humanité et de
L’édition des lettres de Jérôme commence pour lui, ses écrits la montreront, 1526 » (on y trouve
Érasme par une entreprise de recomposition et de également le monogramme du peintre, l’œuvre
recollection du texte original. Avant de commen- illustrant ainsi le statut nouveau de l’artiste à la
cer à traduire le texte et à le commenter, Erasme Renaissance). On trouve donc ici la référence à la
s’est procuré différents exemplaires des lettres, redécouverte de l’Antiquité qui constitue l’un des
pour la plupart en mauvais état, qu’il a comparés fondements de la pensée humaniste. D’autres por-
entre eux. C’est par une étude comparatiste, cri- traits d’Érasme, le plus souvent à sa table de tra-
tique et philologique qu’Érasme entend retrouver vail, dans son studiolo, ont été réalisés par les
un texte débarrassé de ses erreurs. peintres Hans Holbein et Quentin Metsys.
La méthode d’Érasme, dans la mesure où elle est 4. Doc 1 à 3. De quelles manières Erasme parti-
extrêmement rigoureuse nécessite pour lui de faire cipe-t-il à la diffusion des savoirs et des idées
appel à d’autres érudits, tels que les fils Amerbach humanistes ?
à qui il rend grâce dans sa lettre-dédicace.
Érasme nous a légué une œuvre monumentale à la
2. Doc 3. Quelle est sa conception de fois en tant qu’éditeur, traducteur, commentateur
l’éducation ? En quoi est-ce une conception et écrivain. Il a en effet traduit de nombreux textes
humaniste ? anciens païens et chrétiens (doc 1) ; il a écrit des
Les humanistes mettent l’Homme au centre de livres de pédagogie et de morale (Adages, L’Eloge
leurs préoccupations et de l’univers. Par la puis- de la folie), des ouvrages de conseils aux princes
sance de son esprit, il a la capacité de penser par (L’Institution du prince chrétien).
lui-même et de prendre en main son destin. Par Éternel voyageur, il passe la plus grande partie de
son intelligence, il doit se perfectionner. sa vie à circuler entre les grands centres de
L’éducation est donc primordiale pour les huma- l’humanisme, en Italie, en Angleterre, en Suisse,
nistes qui prônent de nouvelles formes en France, dans le Saint Empire. Il y enseigne,
d’enseignement. Les humanistes, dont Érasme étudie, écrit et rencontre de très nombreuses per-
(que J.-C. Margolin appelle le « précepteur de sonnalités : des érudits comme Budé (un des fon-
l’Europe ») ont consacré de nombreux écrits à la dateurs du Collège royal de Paris), des théologiens
question de l’éducation et de la pédagogie. Dans humanistes comme Lefèvre d’Etaples (le premier
ses ouvrages, Érasme critique les méthodes traducteur de la Bible en français), des philo-
d’enseignement traditionnelles et préconise ici une sophes comme Thomas More, des éditeurs comme
sélection des contenus enseignés au regard de Josse Bade, Johannes Froben et Alde Manuce, des
l’âge de l’élève, le recours à des méthodes lu- artistes comme Quentin Metsys ou Albrecht
diques pour les plus jeunes, nécessitant la bienveil- Dürer ; il entretient avec eux une très abondante
lance et l’habileté pédagogique du maître. L’élève correspondance.
doit ainsi découvrir le plaisir de l’étude. Les documents proposés illustrent ces différents
3. Doc 4. Comment Dürer cherche-t-il à faire le aspects de la vie d’Érasme (sa correspondance, ses
portrait d’un grand humaniste ? voyages, son travail intellectuel), l’importance des
relations qu’il a nouées dans différents pays
Cette gravure au burin, réalisée par Albrecht Dürer d’Europe, et ainsi l’influence dont il jouit.
(1471-1528), célèbre peintre-graveur allemand, est
un portrait d’Érasme, vêtu d’une toge de profes- Les humanistes correspondent entre eux, voya-
seur. On notera son regard concentré, la sévérité et gent, se rencontrent dans les universités, les aca-
le sérieux de son visage, marqué par les rides (il démies ou les ateliers d’imprimerie. Ils donnent
est alors à la fin de sa vie). L’atmosphère est stu- ainsi naissance à une République des lettres, c’est-
dieuse et dépouillée. Au premier plan, des livres à-dire une communauté d’intellectuels unis par
épais et reliés, objets d’étude (marque-page dans l’échange des connaissances et des réflexions. La
l’ouvrage de droite). Érasme est installé à sa table carte des voyages d’Erasme (doc. 1) met en évi-
de travail, utilisant un écritoire pour rédiger une dence ces grands foyers de l’humanisme autour
lettre. Seul le vase fleuri égaie un peu la scène : ce desquels s’organise la République des lettres.
bouquet de violettes et de muguet symbolise la 5. Synthétiser
fragilité de l’apparence et de la vie terrestre. Au
À partir de vos réponses aux questions, rédigez
fond est placé un cadre sur lequel sont rédigées
un texte structuré montrant pourquoi Érasme
des inscriptions en latin et en grec signifiant :
est une figure emblématique de l’humanisme.
« portrait d’Érasme de Rotterdam, dessiné d’après
nature par Albrecht Dürer. La meilleure image de On peut organiser le texte autour des idées sui-
vantes :
- rejet de la période médiévale et travail rigoureux vures de ce genre sont diffusées au XVIe siècle,
sur les textes anciens ; soulignant le caractère capital de cette révolution à
- place centrale accordée à l’Homme et à la fois technique et intellectuelle.
l’éducation ; Au Moyen Âge, les ouvrages étaient recopiés à la
- Érasme, un membre éminent de la République main par des moines ne possédant pas nécessaire-
des lettres, reconnu par ses contemporains. ment une grande érudition et cela entraînait la
rareté des livres et de nombreuses fautes de copie.
Itinéraire 2 Rédiger une lettre Au début du XVe siècle, on sait déjà reproduire
S’appuyer sur la lecture des lettres écrites par des images et des textes à partir d’une planche de
Érasme dans le manuel (doc. 2 p. 126, doc 3 p. bois gravée et encrée, à l’aide d’une presse (xylo-
127, doc 3 p. 129), pour la forme et le fond. graphie). L’invention des caractères mobiles, in-
Érasme parle de lui à la première personne et tu- dépendants les uns des autres, rassemblés pour
toie souvent ses amis humanistes ; il commence composer des mots, constitue une invention déci-
certaines de ses lettres en soulignant les qualités de sive. C’est Gutenberg, très averti des progrès ré-
son correspondant (voir la lettre qu’il adresse à cemment réalisés dans l’art du métal qui en est à
l’imprimeur et humaniste Alde Manuce : doc 2 p. l’origine. Pour former un caractère mobile, on
129). L’élève pourra se documenter sur l’œuvre de taille un poinçon en métal dur à l’extrémité duquel
l’humaniste choisi comme destinataire de sa lettre. le signe est inscrit en relief. Puis on frappe une
matrice en métal moins résistant avec le poinçon
On pourra rappeler aux élèves que le terme « hu- pour y inscrire le signe en creux. On glisse ensuite
maniste » n’est employé qu’à partir du XIXe siècle un moule afin de fondre une série de caractères.
pour désigner les lettrés et les savants de la Re- Pour imprimer un livre, il suffit alors de placer les
naissance. Érasme ne l’employait donc pas pour se caractères sur des cadres, de façon à composer des
qualifier. mots, de les enduire d’encre et de les appliquer sur
La lettre pourra s’organiser selon le plan suivant : des feuilles à l’aide d’une presse. Cette technique
- le regard d’Érasme sur la période médiévale ; permet de réutiliser les mêmes caractères d’un
- son travail sur les textes de l’Antiquité ; ouvrage à l’autre. Désormais, les textes sont re-
- l’importance qu’il accorde à l’éducation ; productibles à volonté, sans erreurs et à moindre
- la façon dont les idées d’Érasme et plus large- coût. Ainsi, le savoir est rendu massivement dis-
ment le travail et la pensée des humanistes se dif- ponible et gagne en pérennité grâce à la multipli-
fusent (voyages, correspondances, développement cation des exemplaires. L’imprimerie permet de
de l’imprimerie…). diffuser des copies plus conformes au texte
d’origine notamment grâce au travail des impri-
meurs humanistes comme Guillaume Fichet ou
DOCUMENTS Alde Manuce qui procèdent par un méticuleux
travail de confrontation et de correction des diffé-
La révolution de l’imprimerie / rents manuscrits. Le livre imprimé est aussi plus
L’imprimerie et la diffusion des idées facile à consulter : moins volumineux, il se ratio-
humanistes nalise : page de titre, pagination, tables, index,
polices de caractères…
> MANUEL PAGES 128-129
Équipe 2
En équipes ! Présentez Alde Manuce et montrez en quoi il
Équipe 1 participe à la diffusion des idées humanistes.
Relevez les différentes étapes de la fabrication Les imprimeurs sont souvent des humanistes pas-
d’un livre et les avantages de l’imprimerie. sionnés par les langues anciennes et les nouveaux
À l’intérieur de l’atelier d’imprimerie, le travail est savoirs. C’est le cas par exemple de Froben et
réparti entre maître et compagnons en fonction de Amerbach à Bâle ou d’Alde Manuce à Venise. Les
leurs compétences et selon une véritable division ateliers d’imprimeurs réunissent ainsi souvent
du travail. Cette gravure montre les différentes auteurs, philosophes, traducteurs, grammairiens et
opérations techniques : les typographes composent savants, à l’image de l’atelier de Manuce. Ce der-
la plaque d’impression à l’aide des caractères mo- nier fonde en 1500 l’Académie aldine à laquelle
biles, les plaques sont ensuite encrées puis pres- Érasme participe, académie qui décide des textes à
sées. Les feuilles sont mises à sécher puis corri- publier et travaille sur leur édition. Alde Manuce,
gées par un relecteur. Un grand nombre de gra- pendant ses études, apprend le latin à Rome, le
grec à Ferrare et devient le précepteur des neveux conquête de nouveaux publics (baisse des coûts de
de l’humaniste Pic de la Mirandole qui l’aideront fabrication). Dans la seconde moitié du XVe
plus tard financièrement dans son projet de publier siècle, des ateliers d’imprimerie essaiment dans
les grands classiques grecs en Italie. Érasme em- différents pays européens (doc. 1 p. 129 : réseau
ploie pour désigner Manuce les termes « très sa- rhénan à l’origine, puis Italie septentrionale, Al-
vant », « ton génie », « ton éminente science », lemagne méridionale, foyers français autour de
reconnaissant ainsi ses qualités intellectuelles. En Paris et Lyon…). Les villes universitaires figurent
bon humaniste et philologue, on apprend qu’il parmi les premières à se doter d’ateliers perma-
publie beaucoup de textes anciens, grecs et latins, nents en raison de la stabilité de la clientèle
des ouvrages de médecine, les œuvres de grands qu’elles offrent. La mise en place d’une économie
humanistes. Érasme célèbre ici également le génie pré-capitaliste et la mobilité des artisans contri-
technique de cet imprimeur dont il vante les « im- buent fortement à rendre possible la fabrication du
pressions d’une finesse sans égale » (on lui doit la livre imprimé. Les ouvrages sont plus faciles à
création des caractères italiques). consulter et favorisent le passage à la lecture si-
lencieuse, incitant le lecteur au retour sur sa
Mise en commun propre pensée. Le livre gagne en qualité : travail
Rédigez ensemble un texte montrant que critique des éditeurs, redécouverte des textes an-
l’imprimeur de la Renaissance est à la fois un tiques traduits avec soin, reproduction contrôlée
artisan et un humaniste et comment il contri- par des lettrés…Tout cela concourt à faire du livre
bue à la diffusion des idées nouvelles. imprimé le véhicule privilégié des connaissances
- L’imprimeur est un artisan qui supervise le tra- scientifiques, des idées des humanistes, qui prô-
vail en équipe dans son atelier (doc. 1 p. 128). Des nent, par ailleurs, un accès plus large à la connais-
imprimeurs fameux comme Gutenberg sont à sance et de la Réforme protestante. La nature des
l’origine d’innovations techniques comme les ouvrages imprimés évolue dans ce sens.
caractères mobiles d’imprimerie (info p. 120) ; ils
mettent au point des encres épaisses à séchage
rapide, adaptées à l’impression recto-verso et à DOCUMENTS POINT DE PASSAGE
l’utilisation de la presse. Ils font évoluer la typo-
graphie dans un souci économique de réduction Michel-Ange peint le plafond de la
des caractères et une volonté de lisibilité. Dans son chapelle Sixtine
atelier, Alde Manuce réalise toutes les étapes de la
fabrication d’un livre : il fabrique lui-même son > MANUEL PAGES 130-131
encre et fait relier les ouvrages qu’il commercia- Réponses aux questions
lise. Manuce s’attache également à faire dessiner
et fondre des caractères d’imprimerie. Il est le 1. Doc 1 et 2. Comment le peintre essaie-t-il de
premier à faire usage des caractères italiques, imi- représenter ses personnages de façon réaliste ?
tant l’écriture cursive des manuscrits humanistes. Michel-Ange concrétise ici le thème au cœur de
Il crée des livres de petit format, moins chers et toute sa création artistique : le corps humain en
plus pratiques à utiliser (doc. 3 p. 129). mouvement. C’est l’occasion pour lui de mobiliser
- L’imprimeur est aussi souvent un humaniste, à ses connaissances en anatomie, nourries par les
l’image de Guillaume Fichet, qui introduit en 1470 dissections qu’il a pu pratiquer (doc. 3). L’artiste
un atelier d’imprimerie à la Sorbonne ou d’Alde dépasse toutefois la simple exactitude anatomique,
Manuce à Venise. L’atelier de Manuce fonctionne au profit d’une anatomie au service de
comme une véritable académie, un lieu d’échanges l’expression. Torsion des corps, couleurs et ex-
intellectuels intenses. Fichet, Manuce, Robert Es- pressions, technique du trompe-l’œil, tout con-
tienne (1503-1559), auteur d’un Dictionnaire la- court à donner vie à ses personnages.
tin-français sont de véritables érudits et contri- 2. Doc 1, 2 et 4. Montrez que Michel-Ange
buent à la restauration des textes des Anciens, s’inspire de l’Antiquité
chère aux humanistes.
L’Antiquité est convoquée dans les éléments
- La circulation des humanistes à la Renaissance d’architecture et les statues qui forment les co-
est finalement peu de chose au regard de la circu- lonnes, ainsi qu’à travers la représentation de la
lation des textes que rend possible l’imprimerie. nudité et la torsion des corps, à l’image de
On parle de « révolution de l’imprimerie » car on l’Apollon du Belvédère.
assiste à la massification de la production
d’ouvrages imprimés (doc. 2 p. 129) ainsi qu’à la
3. Doc 1 et 4. Quelle est la place de l’humain d’une architecture fictive en trompe-l’œil aux
dans cette œuvre ? Pourquoi peut-on dire que proportions harmonieuses qui renforce
Michel Ange s’inspire de la pensée humaniste ? l’impression de relief de la fresque, accentuée par
Sur la fresque qui orne la voûte de la Sixtine, Mi- la maîtrise de la perspective, le drapé des vête-
chel-Ange interprète le texte de la Genèse comme ments et les jeux d’ombre et de lumière. Michel-
un mythe sur l’origine de l’homme. L’artiste envi- Ange, artiste complet, s’est aussi illustré comme
sage la création et le péché comme des drames de poète et même ingénieur en fortifications. Il per-
l’humanité entière. La doctrine néo-platonicienne sonnifie l’union de l’art et de la pensée et incarne
le porte à une conception de l’homme qui se rat- l’artiste humaniste par excellence.
tache à une pensée profondément intérieure. La 5. Synthétiser
position centrale de l’épisode de la création Les fresques qui ornent le plafond de la chapelle
d’Adam est délibérée et fait figure de symbole. La Sixtine, peintes par Michelangelo Buonarroti
scène est centrée sur Adam et Dieu le père. On (1475-1564), sculpteur, peintre, architecte et poète
notera l’utilisation d’un « effet-miroir » qui ren- sont caractéristiques de la Renaissance à plus d’un
voie au passage de la Genèse (I, 27) : « Dieu créa titre :
l’homme à son image ». Daniel Arasse, dans son - le mécénat (le pape Jules II, passionné par les
ouvrage, Le sujet dans le tableau, écrit à ce sujet : arts et les lettres demande à Michel-Ange de réali-
« l’effet de miroir, magnifie la créature « à l’image ser la décoration de la voûte) ;
de Dieu » et [symbolise] la participation de - l’artiste : un artiste complet, qui mêle ici ses
l’homme à l’essence divine ». L’artiste a disposé dons de peintre, de sculpteur et d’architecte ;
les masses de façon à concentrer l’attention du - l’inspiration de l’Antiquité ;
spectateur sur le contact entre les deux doigts, - la peinture d’un sujet religieux mais traité de
celui de Dieu, vigoureux et puissant, et celui façon novatrice (inspirée du courant humaniste)
d’Adam, encore inerte, prenant vie sous l’effet de avec une humanité magnifiée par la représentation
l’esprit divin. L’œuvre met particulièrement en des corps nus et expressifs, l’émotion rendue par
valeur les corps : Adam est représenté sous les le mouvement.
traits d’un adolescent nu, exprimant à la fois un
idéal esthétique et une valeur morale répondant à Itinéraire 2 Commenter la fresque de la voûte
l’idée qu’un beau corps exprime une belle âme. de la chapelle Sixtine
Beauté païenne et foi chrétienne sont ici mêlées, L’objectif du commentaire de l’œuvre de Michel
exprimant l’idéal humaniste des hommes de la Ange est de montrer en quoi elle constitue un
Renaissance. Les autres nus sont remarquables chef-d’œuvre emblématique de la Renaissance.
aussi par leurs expressions qui vont de la contem-
On peut commencer par une présentation de
plation muette au hurlement désespéré et par
l’œuvre (lieu, date d’exécution, dimensions, tech-
l’harmonie de leurs proportions.
nique employée, sujet représenté), de l’artiste et de
4. Doc 1, 3 et 4. Quels talents Vasari prête-t-il à son commanditaire ainsi que du contexte intellec-
Michel-Ange ? Comment la fresque en est-elle tuel et artistique dans lequel la fresque a été réali-
l’expression ? sée.
G. Vasari, dans son ouvrage Vies des plus excel- On peut ensuite décrire l’œuvre (composition,
lents peintres, sculpteurs et architectes (1550), dessin, personnages, éléments d’architecture) puis
écrit de Michel-Ange : « son génie fut reconnu dès l’interpréter en répondant à la probléma-
son vivant (…). Cela n’arrive qu’aux hommes tique (montrer que Michel Ange est un artiste
d’un mérite grandiose comme le sien, où la conju- complet qui met la diversité de ses talents au ser-
gaison des trois arts [peinture, sculpture et archi- vice de son art, qu’il s’inspire de l’Antiquité et que
tecture] créait l’état de perfection, que Dieu n’a la fresque est un reflet des théories humanistes).
accordé, durant les siècles de l’Antiquité comme
dans les modernes, à nul autre que lui ». Ce sont
ces trois talents associés qui font de cette fresque
une œuvre d’art unique. L’auteur souligne dans
PASSÉ / PRÉSENT
l’extrait proposé ici la maîtrise de la technique du Pourquoi et comment La Joconde de
dessin de l’artiste et ses connaissances en anato- Léonard de Vinci est-elle devenue la
mie, mises au service de son art. Le sculpteur nous
est révélé par la peinture des statues et le modelé
peinture la plus célèbre du monde ?
des corps, tandis qu’il représente les éléments > MANUEL PAGES 132-133
1. Doc 1 et 2. Qu’est-ce qui fait de La Joconde un billet de un dollar et peint un fond jaune évoca-
un chef-d’œuvre selon le peintre Vasari ? teur de l’or. Monna Lisa, symbole de l’art devient
Commencé en 1503 (on ignore à quelle date il fut ainsi un symbole de l’argent. Jean Michel Bas-
achevé), ce tableau est le portrait de la jeune quiat, dans son style empruntant au graffiti, utilise
femme de Francesco del Giocondo, Lisa, dite aussi ici La Joconde pour dénoncer les financiers qui
« Monna Lisa », diminutif de Madonna Lisa. G. ont envahi le milieu de l’art afin d’y spéculer. Les
Vasari (1511-1574), peintre et architecte, considé- dessins de Léonard de Vinci et La Joconde exer-
ré comme le fondateur de l’histoire de l’art, rap- cent un fort attrait sur Basquiat, comme en témoi-
porte que le peintre a fait venir des chanteurs et gnent plusieurs de ses œuvres comme Leonardo
des musiciens pour rendre Monna Lisa joyeuse, de da Vinci’s Greatest Hits (1982) ou Lye (1983) où
façon à pouvoir rendre des émotions (son sourire) est représentée une Joconde, Monna Lisa (1983).
et non une pose sans vie. Ce sourire est ainsi tra- Si Basquiat semble ainsi revendiquer l’héritage de
vaillé, comme le reste du tableau, pour lui donner Léonard de Vinci c’est parce qu’il considère,
l’aspect de la vie même. En témoignent les pas- comme les artistes new-yorkais des années 1980,
sages : « ses yeux limpides avaient l’aspect de la que l’art occidental moderne est mort et qu’il est
vie » ; « les sourcils… ne pouvaient être plus un des artisans d’une renaissance de l’art contem-
vrais » ; « le nez… était la vie même » ; « au creux porain.
de la gorge… le battement des veines ». La Jo- 4. Montrez pourquoi et comment La Joconde
conde est ainsi une réalisation exemplaire, grâce est devenue une icône de la peinture.
aux subtils effets de la lumière sur les chairs et au
caractère irréel du paysage à l’arrière-plan. Le Le portrait de Monna Lisa fait immédiatement
modelé du visage est étonnamment réaliste. Les forte impression du vivant de Léonard de Vinci,
glacis superposés, savamment travaillés, mettent comme en témoignent les écrits de Vasari, en rai-
en valeur les effets d’ombre et de lumière sur le son de l’originalité de la technique employée (le
visage grâce à la technique du sfumato. « Le bon sfumato), de sa composition pyramidale très tra-
peintre a essentiellement deux choses à représen- vaillée, qui confère au tableau, malgré sa petite
ter : le personnage et l’état de son esprit » écrit taille, un caractère monumental, et de la nouveauté
Léonard de Vinci. qui réside dans la pose du modèle. Nombre
d’artistes s’emploient alors à incorporer ces carac-
2. Doc 3 à 5. Montrez que La Joconde est au- téristiques dans leurs œuvres. Au fil des siècles,
jourd’hui un des tableaux les plus célèbres. l’impression d’étrangeté et de mystère qui se dé-
La Joconde est aujourd’hui l’un des tableaux, gage du tableau de Léonard de Vinci vient renfor-
voire le tableau le plus célèbre du monde, comme cer son attrait. On ne sait pas très bien si La Jo-
en témoignent les œuvres des artistes qui s’en sont conde est triste ou joyeuse, si elle sourit ou non et
inspiré, son exploitation par les publicitaires, les ce que signifie ce sourire.
déclinaisons du tableau sur quasiment tous les Après la mort de Léonard de Vinci en 1519, La
supports imaginables (« mugs », « tee shirts », Joconde intègre la collection du roi de France et
« timbres »…). Depuis 2005, elle est installée dans est exhibée devant visiteurs et artistes. Durant
une salle du Louvre réaménagée expressément deux siècles après la mort de l’artiste, une soixan-
pour l’accueillir. Il s’agit du tableau le plus proté- taine de copies de La Joconde sont réalisées. Le
gé du monde. Aux 6 personnes qui le surveillent terme de Joconde en vient alors à désigner tout
en permanence, s’ajoutent des caméras. Elle est portrait de femme dont la pose évoque un tant soit
protégée par une épaisse vitre, à l’abri d’un cais- peu l’original. Si au XVIIIe siècle la renommée de
son anti-vibration et anti-humidité. 15 à 20 000 La Joconde semble s’affaiblir, tout change avec la
personnes viennent admirer La Joconde chaque Révolution française et l’entrée de cette œuvre
jour soit plus de 7 millions par an. dans l’ancien palais du Louvre qui devient musée
public. Napoléon lui voue une véritable passion et
3. Doc 3. Quels éléments du tableau de Léonard la retire même du Louvre pendant quelques années
de Vinci retrouve-t-on dans le tableau de Bas- pour la placer dans sa chambre à coucher, jusqu’à
quiat ? Que symbolise La Joconde ici ? son couronnement. Depuis lors, l’histoire de la
On retrouve ici la composition globale du tableau Joconde est inséparable de celle du Louvre. Le
de Léonard de Vinci, la posture de Monna Lisa, un milieu du XIXe siècle inaugure un regain d’intérêt
élément de décor à l’arrière-plan à droite, une évo- pour La Joconde et, à la fin du siècle, Léonard de
cation du sfumato et une dominante de teintes Vinci est devenu l’archétype du génie de la Re-
ocres et noires. Basquiat transforme le tableau en naissance. Le tableau fait à nouveau l’objet de
blancs, en référence à sa pureté. Les paons, der- 4. Qu’ont en commun les deux tableaux ?
rière le chancelier, évoquent la vie éternelle. Les Qu’est-ce qui les différencie ?
deux petits personnages nous tournent le dos et Ces deux œuvres représentent une Vierge à
guident notre œil vers le troisième plan. l’Enfant. Dans le tableau de 1310, elle est repré-
Au troisième plan, au-delà de la muraille crénelée, sentée en majesté, assise sur un trône, entourée
se déploie un vaste paysage, sorte de fenêtre ou- d’anges et présentant l’enfant Jésus sur ses ge-
verte sur le monde, fourmillant de détails. noux. Cent-vingt-quatre années séparent la réalisa-
La succession des trois plans, les lignes du carre- tion de ces deux œuvres. Sur chacun de ces ta-
lage convergeant vers un point de fuite, les cou- bleaux, les commanditaires sont représentés en
leurs et les contours qui s’estompent en position de prière. Par certains côtés, le tableau de
s’éloignant du premier plan, la diminution de la 1310 renvoie à l’art byzantin : forte symétrie ré-
taille des personnages et certains éléments du pay- gissant la composition et accentuant le hiératisme
sage comme le fleuve qui coule dans le lointain de la Vierge, fond d’or symbolisant la lumière
contribuent à rendre la perspective et donc la pro- divine, stylisation de certains détails anatomiques
fondeur. (dessin du nez à l’arrête très accusée, dessin des
mains aux longs doigts fins)… Mais dans ce ta-
3. Montrez que ce tableau combine des élé- bleau, on commence déjà à discerner un certain
ments religieux et profanes et manifeste un nombre de nouveautés. L’artiste cherche déjà à
grand sens du détail transcrire sur la surface plane les volumes des
Le tableau est organisé de part et d’autre d’un axe corps et des objets (dessin du trône, carnation des
qui délimite le monde terrestre et le monde céleste. personnages modelée par la lumière, traitement
À gauche, on voit une ville composée des étoffes). Le peintre cherche à insuffler à ses
d’habitations, entourant un édifice religieux. Der- personnages une expression de gravité, appropriée
rière s’étendent des vignobles, rappelant peut-être au futur destin tragique du Christ sur terre.
les possessions du chancelier Rolin. A droite sont Mais on est encore bien loin du tableau de Jan Van
représentés une multitude d’églises et de clochers Eyck. Au fond d’or finement travaillé du tableau
autour d’une cathédrale gothique. Le fleuve sépare de 1310 s’oppose la peinture d’un intérieur
les deux mondes. Mais le pont, où circulent de s’ouvrant sur le monde chez Van Eyck. Dans le
nombreux personnages à cheval ou à pied, les tableau du Petit Palais, la perspective est encore en
relie, de même que des barques et une île. La croix partie hiérarchique (la Vierge est bien plus grande
érigée sur le pont symbolise le sacrifice du Christ, que les anges et les donateurs Paci, tandis que
permettant de passer du monde terrestre marqué Rolin est représenté au même niveau et de la
par le péché, au monde céleste synonyme de salut. même taille que la Vierge). Chez Van Eyck la
Les couleurs des ailes de l’ange font référence à perspective se fait linéaire et l’effet de profondeur
l’arc-en-ciel, reliant le monde céleste au monde est renforcé par la succession des trois plans et les
terrestre, image de l’alliance entre Dieu et les couleurs estompées dans le lointain.
hommes. Alors que le tableau de Van Eyck mêle des élé-
Le chancelier Rolin est richement vêtu d’un man- ments profanes et religieux, manifeste un grand
teau de brocard, bordé de fourrure, attaché par une souci de réalisme et du détail, le tableau du Petit
ceinture noire ornée d’or. Il est agenouillé sur un Palais exprime davantage le sacré. On pourra
prie-Dieu sur lequel est posé un livre d’heures. comparer le costume et l’attitude des deux Vierges
Dans une attitude d’humilité et de dévotion, il et enfants, mais aussi la place respective des
adresse ses prières à la Vierge. Son regard est commanditaires dans chacune des œuvres.
plongé dans le lointain, ce qui suggère que la
Vierge à l’enfant est une sorte de vision intérieure. 5. Montrez comment la confrontation de ces
On notera le grand réalisme avec lequel le peintre deux tableaux peut renseigner l’historien sur
représente le chancelier. les évolutions culturelles et artistiques qui mar-
quent la Renaissance (techniques, place et re-
La Vierge, jeune et délicate, est assise. Elle est
présentation de l’être humain, des paysages,
vêtue d’un grand manteau de velours rouge, bordé
rapport à la religion…).
d’un galon sur lequel des prières la glorifiant sont
brodées au fil d’or. Sur ses genoux, l’enfant Jésus La Renaissance reflète le mouvement humaniste.
bénit le chancelier de sa main droite. Il tient un La représentation de l’Homme est plus proche de
globe de cristal surmonté d’une croix, qui figure sa la réalité (anatomie des corps, attention portée aux
puissance sur l’univers. Un ange vient rappeler sentiments, aux attitudes et aux gestes qui sont
l’épisode du couronnement de la Vierge. plus harmonieux et naturels). Grâce à la maîtrise
avec Dieu. Comment le peintre Cranach a-t-il sept, décors plus sobres des édifices religieux,
représenté cette idée ? rejet du culte de la Vierge et des saints…). Elle est
Musique et arts figuratifs sont mis à contribution donc réduite à l’essentiel et fondée sur le retour au
afin de toucher les gens simples qui n’ont pas ac- texte seul qui est lu et commenté par les pasteurs.
cès à l’écrit. Les images de Luther se multiplient Itinéraire 2 Réalisez un exposé sur Martin Lu-
ainsi que les gravures opposant Église catholique ther et la Réforme
et Église protestante. La Réforme devient ainsi une
guerre d’images comme l’illustre la légende de L’élève pourra élaborer une courte introduction en
l’œuvre de Lucas Cranach, peintre et graveur ré- exposant le contexte dans lequel Martin Luther
formé : « la différence entre la vraie religion du initie la Réforme, à l’aide du cours p. 124 et adop-
Christ et l’enseignement fallacieux et idolâtre de ter la problématique suivante :
l’antéchrist ». La gravure est composée sur le « Pourquoi et comment Martin Luther rompt-il
mode de l’opposition : le registre de gauche pré- avec le catholicisme et initie-t-il la Ré-
sente la « vraie foi », la réformée, associée au forme protestante ? »
calme et à la simplicité du message biblique et des Il pourra ensuite montrer comment un chrétien
sacrements conduisant directement à Dieu et au peut accéder au salut selon Luther, en quoi Luther
Christ ; celui de droite représente l’Église chré- rejette le clergé catholique et ses pratiques et enfin
tienne, associée au désordre et à la confusion, pro- qu’il défend une religion plus simple, fondée sur
voquant la colère de Dieu. L’artiste y mêle toutes la Bible et un rapport plus direct avec Dieu.
les critiques adressées à l’Église : l’abondance et Dans sa conclusion, il pourra ouvrir sur les consé-
l’argent (moines ventripotents, sacs d’argent), le quences de la Réforme luthérienne en s’appuyant
trafic des indulgences, les formes de dévotion sur les parties B et C du cours pages 124-125.
condamnées par les protestants qui y voient de
vulgaires superstitions (processions, pèlerinages, Il pourra, au-delà des ressources proposées par le
baptême d’une cloche), l’assistance au mourant... manuel, trouver nombre d’informations sur le site
On y voit même le diable (A). du musée virtuel du protestantisme :
www.museeprotestant.org/notice/qui-est-martin-
Luther, dans la chaire (3), inspiré par la colombe luther/.
du Saint Esprit, prêche un extrait de la Bible et
désigne l’Agneau de Dieu qui symbolise le sup-
plice du Christ sur la croix, et le Christ lui-même
priant Dieu. L’inscription en allemand, qui relie DOCUMENTS
Luther à Dieu, indique que le Christ est le seul La réforme catholique
intercesseur pour les hommes. C’est donc une
relation plus directe à Dieu que préconise la Ré- > MANUEL PAGES 138-139
forme. Sur le registre de droite, renvoyant à
Réponses aux questions
l’Église catholique, c’est saint François d’Assise,
élevant ses mains marquées par des stigmates qui 1. Doc 1, 3 et 4. Identifiez les acteurs de la ré-
vole sa place au Christ qui devrait être le seul in- forme catholique.
termédiaire entre Dieu et l’homme. Ainsi Lucas Face à la diffusion des réformes protestantes,
Cranach reprend les idées de Luther selon les- l’Église catholique ne reste pas inerte et répond
quelles la prédication du pasteur, fondée sur la par ce que les historiens nomment la Contre-
lecture de la Bible, vise à amener les fidèles à une Réforme. Paul III réorganise l’Inquisition par la
prise de conscience personnelle de leur foi. création du Saint Office en 1542. La montée de la
Réforme conduit Charles Quint à demander la
5. Synthétiser
réunion d’un concile. Paul III lance une première
La Réforme propose une nouvelle conception du convocation en 1536 mais le concile ne se réunit
christianisme fondée sur le rapport direct du fidèle qu’en 1545 à Trente. Tenu sous le règne de quatre
à Dieu. Le protestant croit que seule la grâce de papes, il se déroule en 25 sessions, ponctuées
Dieu et donc la foi et non les œuvres peuvent le d’interruptions, durant 18 ans. Le concile permet à
sauver (« justification par la foi »). l’Elise de clarifier ses positions sur les plans du
Cette relation plus directe avec Dieu passe alors dogme et de la discipline. Ce faisant, elle se ré-
par une mise en cause du clergé catholique et de sa forme de l’intérieur, tâchant de prendre en compte
hiérarchie (idée du « sacerdoce universel »). les aspirations des fidèles. La mise en œuvre de
La pratique religieuse réformée est donc plus cette réforme doit beaucoup à l’action de certains
simple et dépouillée (deux sacrements au lieu de évêques comme celle de Charles Borromée, ar-
chevêque de Milan. Ce dernier réside dans son L’Église catholique, à travers les décrets du Con-
diocèse et le parcourt, rétablit la discipline, fonde cile de Trente, entend à la fois lutter contre les
des hôpitaux et des écoles. Les ordres religieux réformes protestantes et se réformer de l’intérieur.
jouent aussi un rôle important, en particulier Elle clarifie ses positions sur les plans du dogme
l’ordre des jésuites, fondé en 1540 par Ignace de et de la discipline. Les membres du clergé sont
Loyola. Peu à peu, la Compagnie de Jésus devient engagés à davantage visiter, instruire, prêcher.
un outil de la lutte contre le protestantisme en rai- L’Église et les princes catholiques organisent la
son de la qualité de la prédication qu’il délivre et répression en recourant aux tribunaux de
de son engagement dans l’éducation via de nom- l’Inquisition. Les ouvrages hérétiques sont prohi-
breux collèges. Les artistes sont également mis à bés et le pape s’appuie sur la Compagnie de Jésus,
contribution. Le peintre Andrea Pozzo (doc 3) est qui mène des missions de reconquête des esprits et
né à Trente en 1642. Il suit une formation de fonde de nombreux collèges à proximité des con-
peintre et d’architecte et entre dans la Compagnie trées protestantes. L’art est mis au service de la
de Jésus en 1665. Maître de la peinture des pla- Contre-Réforme. Face à la montée de la critique
fonds et de l’art du trompe l’œil, il met ses talents protestante, l’Église réaffirme en effet la fonction
au service de l’Église catholique et travaille pour rhétorique de la peinture, en lui fixant la triple
les jésuites dans de nombreuses villes italiennes. mission d’enseigner, d’émouvoir et de convaincre.
Pour cela, elle a recours à l’art baroque, qui sait
2. Doc 2. Relevez les types de livres interdits. parfaitement exprimer le triomphe du catholi-
Le concile de Trente crée une commission perma- cisme.
nente chargée de rédiger un catalogue (index en Au centre de la fresque d’Andrea Pozzo, le Christ
latin) des livres prohibés, jugés immoraux ou con- ressuscité constitue le point de fuite vers lequel
traire à la foi. Le premier index est publié en 1564. tout converge. Les traits de lumière émanant du
Au départ, cet index vise à contrer la Réforme Christ rejaillissent ensuite du cœur de Saint Ignace
protestante. Sont proscrits dans cet extrait tous les de Loyola, fondateur de la Compagnie de Jésus,
livres prohibés par l’Église avant 1519 ainsi que vers les quatre parties du monde, figurant
les ouvrages écrits par les réformateurs après cette l’universalité du salut. La technique du trompe
date, de même que les ouvrages d’auteurs protes- l’œil, utilisée par le peintre, agrandit l’espace à
tants ayant trait aux questions religieuses. La lec- l’infini. L’impression de continuité entre la terre et
ture de la Bible en langue vernaculaire est globa- le ciel est rendue par le travail sur la perspective :
lement proscrite, à l’exception de quelques cas il s’agit d’inviter l’observateur à lever les yeux
particuliers (règle 4). Lors de la 4e session du con- vers le ciel qui semble crever la voûte de l’église.
cile de trente, en 1546, les évêques déclarent défi- La fresque illustre la gloire de Saint Ignace, em-
nitivement la Vulgate latine comme le texte au- porté au ciel sur une nuée soutenue par des anges.
thentique de l’Écriture. Les quatre continents, placés aux quatre coins de
3. Doc 1. Que nous apprend ce texte sur les pra- la voûte témoignent du rôle primordial du jésuite
tiques encouragées ou condamnées par l’Église dans la diffusion de la foi catholique dans le
catholique ? En quoi cela s’oppose-t-il aux ré- monde. Les continents, représentés par des figures
formes protestantes ? féminines, triomphent des géants symbolisant
l’hérésie. Sur cette fresque, illustrant parfaitement
Les Décrets du concile de Trente entendent impo-
le baroque, tout n’est que profusion, mouvement
ser au clergé un ordre moral plus austère et insis-
et couleurs. Il s’agit bien ici d’éblouir le fidèle.
tent sur la formation du chrétien et de
l’intermédiaire. L’autorité de l’Église est réaffir- 5. Synthétiser
mée, ainsi que sa hiérarchie, s’opposant au « sa- À l’aide de vos réponses aux questions, rédigez un
cerdoce universel » prôné par les luthériens. En- développement structuré montrant comment
tendant lutter contre les réformes protestantes, l’Église réagit à la diffusion des réformes protes-
l’Église réaffirme les sept sacrements, là où les tantes.
protestants n’en retiennent que deux (le baptême et Après avoir rappelé rapidement le contexte des
la communion) ainsi que le culte des images, du réformes protestantes, l’élève pourra identifier les
Christ, de la Vierge et des saints, rejeté par les acteurs de la Contre-Réforme ainsi que les moyens
adeptes du culte réformé. qu’ils emploient pour lutter contre la diffusion du
protestantisme, avant d’expliquer que l’Église
4. Doc 1 à 4. Quels sont les moyens employés
par l’Église catholique pour lutter contre les catholique cherche aussi à se réformer pour ré-
pondre aux aspirations des fidèles.
réformes protestantes ?
l’affirmation de l’absolutisme. Elle mobilise les tient entièrement (cf. la formule « car tel est notre
villes, la noblesse de robe et la noblesse d’épée. plaisir » et le sceau, qui développe un véritable
programme politique). De manière plus concrète,
l’affirmation de la souveraineté royale passe par la
limitation des compétences de la justice ecclésias-
COURS 3 tique, qui ne peut s’exercer que sur les clercs (ar-
L’État au temps de l’absolutisme ticle 1).
triomphant (1661-1715) Le second objectif de l’ordonnance est de rendre
la justice plus efficace, ce qui doit servir la cause
› MANUEL PAGES 154-155 du roi auprès de ses sujets, sans doute en
Réponses au Testez-vous ! l’identifiant à l’image de Dieu, qui est le juge su-
prême. C’est ce qui explique l’article 51, qui
Comment Louis XIV renforce-t-il le pouvoir oblige les curés à tenir des registres paroissiaux.
royal ? L’objectif n’est pas de fournir à l’administration
Le renforcement du pouvoir royal passe par royale le moyen de compter les populations mais
l’instauration du gouvernement personnel en 1661, de fournir des preuves utiles notamment dans les
la lutte contre les contre-pouvoirs, la diffusion procès liés à des affaires matrimoniales. C’est ce
d’une culture de l’obéissance. Il repose également qui explique aussi les articles 110 et 111, toujours
sur la guerre et sur la lutte contre les protestants. en vigueur de nos jours, et qui valent à
l’ordonnance sa célébrité. Ils fixent l’obligation de
Comment Louis XIV met-il en scène son pou- faire rédiger en français tous les actes administra-
voir ? tifs, sachant que le latin n’était pas intelligible de
La mise en scène du pouvoir royal passe par la tous. S’il ne s’agit que de systématiser une pra-
guerre, par l’installation de la cour à Versailles et tique déjà attestée avant cette date, l’ordonnance
par la mobilisation des artistes, appelés à célébrer de Villers-Cotterêts fait bien du français la langue
la gloire de Louis XIV. officielle non pas de la France en tant que telle
mais du pouvoir et de l’administration.
Quelles sont les limites de l’autorité de Louis
XIV ?
Conseils
La politique religieuse de Louis XIV suscite des
oppositions. La dureté de la fin du règne, marqué À quelles difficultés était confrontée la justice
par d’épouvantables famines, suscite une mise en royale ?
cause de l’absolutisme. La justice royale est confrontée à la concurrence
de la justice ecclésiastique. L’usage du latin dans
les décisions de justice la rend parfois incompré-
hensible.
DOCUMENTS POINT DE PASSAGE
Comment l’ordonnance permet-elle concrète-
L’ordonnance de Villers-Cotterêts et ment de renforcer l’autorité du roi ?
l’administration de l’État / Les rois et En tant que telle, l’ordonnance est une démonstra-
la langue française au XVIIe siècle tion du pouvoir du roi, parce qu’elle affirme clai-
rement sa volonté et sa souveraineté. Elle donne
> MANUEL PAGES 156-157 ainsi une image de sa puissance. Elle doit égale-
ment renforcer l’autorité du roi en améliorant le
L’ordonnance de Villers-Cotterêts et fonctionnement de la justice : les compétences des
l’administration de l’État juges d’Église sont fixées précisément et revues à
la baisse ; les curés doivent tenir des registres de
Doc 1. L’ordonnance de Villers-Cotterêts
naissance pouvant servir de preuves dans les pro-
La grande ordonnance de Villers-Cotterêts, prépa- cès relatifs aux mariages ; le latin doit laisser place
rée par le chancelier Poyet et promulguée par au français, de manière à ce que les sentences et
François Ier en août 1539, promeut une réforme de les actes administratifs soient compréhensibles de
la justice, visant clairement deux objectifs. tous.
Le premier est d’affirmer la souveraineté royale,
ce qui se lit pour une part dans le caractère solen-
nel de l’acte, qui exprime l’idée que le roi la dé-
Les rois et la langue française au XVIIe majesté. Il essaie également de montrer les effets
positifs de l’action culturelle du roi en multipliant
siècle les symboles renvoyant à la prospérité (les enfants
Doc 1. La fondation de l’Académie française et les nombreux livres au premier plan du tableau).
par louis XIII
La fondation de l’Académie française, en 1635,
résultat d’une initiative du cardinal de Richelieu, En équipes
présentée et proposée à Louis XIII. Il s’agissait de Equipe 1
créer un cénacle de beaux esprits et d’hommes de Le discours adressé au roi François Ier doit être
lettres, chargés de normaliser la langue française, construit de manière logique. Pour ce faire, il im-
de lui donner des règles précises. Ils furent no- porte, d’adopter un plan logique :
tamment chargés de réaliser un dictionnaire, dont - une adresse déférente ;
la première édition date de 1694. La création de - l’exposé de l’objectif du discours (renforcer
l’Académie illustre de manière spécifique la vo- l’autorité du roi en réformant le royaume, et en
lonté du roi de contrôler la vie intellectuelle et particulier la justice) ;
culturelle, ce qui se manifesta par ailleurs par la - l’exposé des difficultés auxquelles la justice du
création d’autres académies, comme l’Académie roi est confrontée ;
royale de peinture et de sculpture (1648). Cette - l’exposé des remèdes qu’il convient d’y appor-
politique culturelle était intrinsèquement liée à la ter ;
construction de la monarchie absolue, la normali- - une conclusion expliquant pourquoi le roi doit
sation de la langue épousant métaphoriquement la recourir à une ordonnance solennelle pour mettre
mise en ordre du royaume. en œuvre ces réformes.
Equipe 2
Doc 2. Louis XIV et l’éloquence
Le discours adressé par Richelieu au roi Louis
René-Antoine Houasse (1645-1710) fut un peintre XIII doit être composé de la même façon que le
français de la seconde moitié du XVIIe siècle, précédent, en suivant un plan logique :
élève de Lebrun et membre de l’Académie royale - une adresse déférente ;
de peinture à partir de 1673. Une partie de son - un préambule exposant au roi la nécessité de
œuvre fut donc vouée à la glorification de Louis mener une politique linguistique ;
XIV, ce que l’on voit très bien sur ce tableau, qui - une présentation des problèmes que pose la
est une allégorie de l’éloquence. Le tableau asso- langue française au temps de Louis XIII ;
cie la gloire et la prospérité de la France, représen- - la solution proposée : la création de l’Académie
tée au premier plan par les enfants et par les livres, française, chargée de normaliser la langue et de
parmi lesquels on reconnaît les œuvres de Blaise servir la gloire de la France et du roi.
Pascal, à l’existence de l’Académie française.
Celle-ci est représentée à gauche, sous la figure Mise en commun
tutélaire du roi, et à droite, au Louvre, où Colbert Au terme de la lecture des deux discours, qui por-
l’installa en 1672. tent sur des matières différentes, les élèves doivent
prendre conscience de ce qui les unit : le lien entre
la langue française et le renforcement du pouvoir
Conseils des rois. C’est donc de cela qu’il faut partir pour
Quelle mission Louis XIII confie-t-il à rédiger le texte de synthèse.
l’Académie française et dans quel but ?
Louis XIII charge l’Académie française de donner
des règles à la langue française, c’est-à-dire d’en
normaliser l’orthographe, la grammaire et la syn- DE LA SOURCE À L’HISTOIRE
taxe. Il en escompte un essor de la vie de l’esprit et Comment les portraits permettent-ils
le développement des vertus, c’est-à-dire de la
morale publique.
à l’historien de comprendre le pouvoir
royal ?
Comment le peintre montre-t-il que l’Académie
française renforce la puissance du roi ? > MANUEL PAGES 158-159
Le peintre associe sur le tableau la figure du roi Doc 1. François Ier en majesté
trônant et l’allégorie de l’éloquence, elle-même en
Ce très célèbre tableau, réalisé par Jean Clouet 3. Quelles similitudes voyez-vous entre les por-
vers 1527-1530, est le premier grand portrait de traits de François Ier et d’Henri IV ?
François Ier. Il fut très souvent imité par la suite. On note une certaine similitude dans la position du
Peint après le désastre de Pavie, qui vit la capture corps des deux rois, l’un et l’autre représentés de
du roi par Charles Quint, il a sans doute vocation à trois quarts, et dans le contraste entre leur visage,
restaurer son image. Pour ce faire, Jean Clouet a qui est celui d’hommes âgés, et leur corps, jeune
choisi d’une part de souligner la puissance phy- et athlétique.
sique de François Ier et son opulence et d’autre part
de représenter, par un jeu de symboles, ses diffé- 4. Montrez que Bosschaert n’a pas voulu faire
rentes fonctions. Il insiste tout particulièrement sur un portrait réaliste mais allégorique du roi
sa fonction militaire (cf. l’épée dont on voit la Henri IV.
garde, le collier de l’ordre de saint Michel) et sur Le portrait d’Henri IV n’est pas réaliste, car le
sa mission religieuse (cf. le médaillon représentant corps du roi ne concorde pas avec ses traits, qui
saint Michel terrassant le dragon). Voir sont ceux d’un homme âgé. Son costume n’est pas
http://expositions.bnf.fr/francoisIer/ celui d’un roi de France mais celui d’un dieu an-
tique, en l’occurrence le dieu guerrier Mars. Le
portrait présente allégoriquement Henri IV comme
Doc 2. Portrait d’Henri IV un roi de guerre, brisant la discorde.
Moins connu que le précédent, ce tableau repré-
sentant Henri IV en dieu Mars se trouve actuelle-
ment au château de Pau. Peint dans les premières
années du XVIIe siècle, il souligne la puissance de DOCUMENTS
Henri IV et célèbre la pacification du royaume L’État et la guerre au XVIIe siècle
dont il fut responsable. C’est ainsi qu’il faut inter-
préter l’armure qu’il foule du pied gauche, dans > MANUEL PAGES 160-161
laquelle il faut sans doute voir l’allégorie des
La guerre fut sans doute au XVIIe siècle une cala-
guerres de religion, auxquelles il a mis fin en pro- mité pour les sujets du roi, contribuant à donner à
mulguant l’édit de Nantes en 1598. Les traits du
ce siècle la réputation de « siècle de fer ». Elle
roi, et notamment le sourire qu’il esquisse, mettent
n’en fut pas moins essentielle dans la construction
en évidence sa bienveillance et son caractère pro- de l’absolutisme, ce qui explique pour une bonne
videntiel.
part son omniprésence à partir des années 1630.
L’étude entend mettre en évidence ces deux as-
pects de l’histoire de la guerre.
Réponses aux questions
1. Comment le corps de François Ier exprime-t- Doc 1. Les guerres de Louis XIV
il sa puissance ? Ce tableau montre les conséquences financières
Jean Clouet a voulu donner une image de la puis- des guerres du XVIIe siècle : le budget de l’État
sance du roi en rendant compte de sa remarquable est structurellement déficitaire. En creux apparaît
puissance physique (François Ier mesurait presque la nécessité d’augmenter les impôts. De fait la
2 mètres). Le vêtement qu’il porte souligne tout charge fiscale augmenta considérablement tout au
particulièrement la largeur de ses épaules et de son long du siècle, notamment à partir des années
cou. La force du roi fait de lui un être d’exception. 1630.
2. Comment le peintre Jean Clouet met-il en Doc 2. La construction d’une frontière au Nord
évidence les différentes fonctions du roi ?
La carte met en évidence une des fonctions de la
Le peintre met en évidence les fonctions du roi par guerre au temps de Louis XIV : non seulement
un jeu de symboles assez discrets. Sa souveraineté étendre l’autorité du roi sur des régions riches
est évoquée par la couronne, qui se trouve sur le mais aussi et surtout normaliser le dessin de la
fond rouge, derrière la tête du roi. Sa fonction frontière. On y voit comment, patiemment, Louis
militaire est évoquée par l’épée et par le collier de XIV a réussi à conquérir de nombreux territoires
l’ordre de saint Michel. Sa fonction religieuse – (Artois, Flandre, Hainaut) ainsi que des villes
contribuer au salut de ses sujets – est évoquée par florissantes comme Lille. La carte permet aussi de
le médaillon sur lequel on voit saint Michel terras- comprendre ce qu’on appelle la doctrine du « pré
sant un dragon, ce qui constitue une allégorie clas- carré », théorisée par Vauban. Il s’agissait de forti-
sique de la lutte du bien contre le mal.
fier la frontière par une double ligne de forte- Doc 5. La guerre et la noblesse : éloge de Tu-
resses. renne (1611-1675)
Doc 3. La résistance des populations à la guerre Henri de La Tour d’Auvergne, vicomte de Tu-
renne, maréchal de France, fut l’un des grands
Ce document a été réalisé à partir d’archives judi- généraux des rois Louis XIII puis Louis XIV, au
ciaires étudiées par l’historien Jean Nicolas. Il
service duquel il mourut, tué par un boulet de ca-
permet d’avoir une idée de la manière dont les non lors de la bataille de Salzbach (1675). Il fut
populations vivaient la contrainte de la guerre, de honoré après sa mort et inhumé à Saint-Denis, aux
plus en plus pesante au fil du siècle. Elles côtés des rois de France. Son oraison funèbre fut
s’opposaient au racolage, c’est-à-dire au recrute- prononcée par le prédicateur Jules Mascaron.
ment de volontaires par des sergents royaux, parce L’extrait qui en est proposé, au-delà de la célébra-
que ce recrutement prenait en temps de guerre des tion des qualités militaires de Turenne, peut être
formes contraignantes, allant jusqu’à l’enlèvement compris comme un discours adressé à la noblesse,
des recrues. Elles s’opposaient aussi à la milice, dessinant un idéal de comportement que résume la
qui pesait sur les communautés villageoises depuis formule « dévoué au service du prince et de la
1688. Par tirage au sort, chaque paroisse devait
patrie ».
fournir des jeunes gens pour compléter les effec-
tifs de l’armée du roi, ce qui était vécu comme une
ingérence insupportable. Les populations Réponses aux questions
s’indignaient aussi du logement des gens de 1. À quoi sert la guerre dans le nord de la
guerre, c’est-à-dire à l’obligation qui leur était France ?
faite d’accueillir chez eux les soldats du roi et de
Dans le nord de la France, la guerre est à la fois un
les nourrir, ce qui constituait l’héritage du vieux
moyen d’élargir l’autorité du roi, par la conquête
droit de gîte médiéval.
de terres et de villes riches et un moyen de dessi-
À la différence des deux premiers problèmes, ce- ner une frontière cohérente, protégeant efficace-
lui-ci semble moins aigu à la fin qu’au début du ment le reste du royaume.
règne de Louis XIV. Cela s’explique sans doute
par le développement de l’encasernement des sol- 2. Quelles sont les conséquences de la guerre
dats du roi. pour les sujets du roi ?
Pour les sujets du roi, la guerre signifie augmenta-
Doc 4. Louis XIV, le « roi de guerre »
tion de la pression fiscale, pour alimenter les
Cette formule, empruntée à l’historien Joël Cor- caisses de l’État, et réquisitions humaines.
nette, illustre fort bien le tableau de Pierre Mi-
gnard intitulé Louis XIV couronné par la Victoire, 3. Relevez les qualités royales que le peintre
peint en 1673, pendant la guerre de Hollande Mignard fait ressortir.
(1672-1678). Cette guerre fut largement liée à des Le peintre Mignard met en évidence le contrôle
objectifs économiques : il s’agissait d’affaiblir les que le roi exerce sur lui-même et sa puissance
Provinces-Unies, qui étaient une grande puissance victorieuse, qui fait de lui une sorte de nouvel
maritime rivale de la France. Le tableau évoque empereur romain.
précisément le siège et la prise de la ville de
4. Expliquez à l’aide du texte 5 la relation entre
Maëstricht, en 1673, auquel Louis XIV participa
la noblesse, le roi et la guerre.
en personne, parce que la guerre de siège, très
technique, était de nature à mettre en valeur Dans l’éloge qu’il fait de Turenne, Mascaron ex-
l’habileté et la puissance du roi. Le tableau n’est plique à la noblesse que c’est en servant le roi par
pas réaliste pour autant, Louis XIV étant représen- les armes qu’elle parviendra à la gloire et qu’elle
té en empereur romain, dont la tête est surmontée réalisera sa mission sociale. Il ne faut pas oublier
d’une couronne de laurier. Peut-être peut-on y voir que, quelques années auparavant, une partie des
l’aspiration à une hégémonie sur l’Europe. On nobles s’était révoltée contre le roi, au cours de la
peut aussi voir dans ce tableau le reflet d’un dis- Fronde.
cours moral sur le roi : il se tient parfaitement droit 5. Synthétiser
sur un cheval cabré, ce qu’on peut lire comme
Le texte de synthèse doit être organisé en plusieurs
l’illustration de sa capacité à maîtriser les pas-
temps :
sions.
- un paragraphe introductif, partant du constat de
l’omniprésence de la guerre, et conduisant à une
pension du roi absolu à revenir sur les coutumes et Doc 2. Colbert défend la nécessité de dévelop-
privilèges anciens ; per le commerce maritime
- elle devient rapidement un mouvement dominé On considère souvent le Mémoire sur le Com-
par les parlementaires : la Fronde exprime alors merce, présenté par Colbert à Louis XIV le 3 août
l’aspiration à une monarchie tempérée, dans la- 1662, comme un manifeste mercantiliste. Le mi-
quelle les élites politiques, détentrices d’un savoir nistre y proposait au roi un vaste ensemble de
et d’une compétence administrative, conseillent le mesures destinées à favoriser l’essor du com-
roi, sans être uniquement les instruments de sa merce. L’objectif était moins économique au sens
volonté ; strict du terme, comme le montre le premier para-
- à partir de 1650, elle devient un mouvement no- graphe, que politique : assurer par le biais des
biliaire, dans lequel des femmes de haute nais- échanges la puissance de la France.
sance s’illustrent : elle exprime alors la nostalgie
d’une ancienne forme de monarchie, dans laquelle Doc. 3. Louis XIV fonde la Compagnie des Indes
les nobles conseillaient et assistaient le roi dans orientales (1664)
son gouvernement. Colbert préconisait notamment la création de
grandes compagnies commerciales, comme il en
existait par exemple à l’époque dans les Pro-
vinces-Unies. Il s’agissait de grandes sociétés,
DOCUMENTS POINT DE PASSAGE dont le capital était constitué de dépôts faits par
Colbert et la politique maritime de la des particuliers, qui recevaient le monopole du
commerce avec une colonie et qui étaient égale-
France ment chargées d’administrer ce territoire. Elles
> MANUEL PAGES 166-167 bénéficiaient d’une délégation de souveraineté. La
Compagnie des Indes orientales, par exemple,
Sous le règne de Louis XIV, la quête de la puis- devait assurer le monopole du commerce avec les
sance passa par le contrôle des mers, ce qui fut au comptoirs que la France possédait en Inde. Basée
cœur de la politique de Colbert. Contrôleur général à Lorient, elle fut la seule compagnie française à
des finances, secrétaire d’État à la Marine, il fut connaître un certain succès.
sans doute par excellence l’homme de confiance
du roi. On lui doit la définition d’une forme fran- Doc 4. Le commerce colonial français
çaise de mercantilisme, le colbertisme, associant La carte permet de comprendre la logique du
développement des manufactures, essor colonial, grand commerce français. Il s’agissait de drainer
promotion du commerce et développement d’une vers la métropole des matières premières, desti-
flotte de guerre. Les documents présentés doivent nées à être ensuite partiellement réexportées, ce
permettre de comprendre la logique de cette poli- qui permettait d’assurer l’enrichissement de la
tique. France par le commerce. On note dans ces
échanges la présence d’esclaves : c’est ce qu’on
Doc 1. Un navire de guerre au temps de Col- appelle le système de la traite, qui permettait de
bert. faire fonctionner les plantations que l’on trouvait
Cette tapisserie, réalisée d’après un carton du dans les îles à sucre.
peintre Charles Le Brun, illustre de deux manières
Doc 5. La flotte de guerre française et ses ri-
différentes ce que fut la politique de Colbert. Par
son sujet, tout d’abord : on y distingue un navire vales au temps de Colbert
de guerre de grandes dimensions, doté de trois Le document permet de prendre la mesure de
mâts et d’une double galerie de canons. Ces l’énorme effort de construction navale que la
grands navires, construits dans les arsenaux France consentit à l’époque de Colbert. Il fut assu-
comme Brest ou Rochefort, avaient vocation à ré par les arsenaux, qui étaient des chantiers na-
assurer à la France la maîtrise des mers. Par sa vals ne travaillant que pour le roi. Il fallait les
nature : les tapisseries, produites à la manufacture alimenter en bois, en fer et en chanvre, ce qui sti-
royale des Gobelins, furent l’un des produits in- mula l’économie des arrière-pays. À la fin du
dustriels qui assurèrent à la France de Louis XIV XVIIe siècle, la France dominait les mers, sa seule
sa renommée européenne et nourrirent ses exporta- véritable rivale étant l’Angleterre.
tions.
Réponses aux questions
1. Que préconise Colbert pour développer le de la flotte de guerre, qui doit assurer la sécurité
commerce ? des mers. La puissance de la France résultera se-
Pour développer le commerce, Colbert préconise lon Colbert des richesses accumulées grâce à
différents types de mesures : des mesures symbo- l’essor du commerce. C’est ce qu’on appelle le
liques, pour signifier l’importance du commerce mercantilisme ou, dans le cas particulier de la
(recevoir des marchands à la cour) ; des mesures France, le colbertisme.
économiques (il soutient la nécessité de barrières Itinéraire 2 Composer un discours
douanières élevées) ; des mesures structurelles
(soutenir le développement des grandes compa- Pour composer le discours de Colbert à Louis
gnies, en incitant les plus riches du royaume, et XIV, une première étape consiste à en déterminer
notamment les membres de la noblesse, à y inves- le plan, qui doit être logique. Le plus simple est de
tir une part de leur fortune). procéder ainsi :
- commencer par expliquer au roi l’objectif pour-
2. Qu’est-ce qu’une compagnie commerciale ? suivi : la puissance de la France en Europe.
Une grande compagnie est une organisation com- - poursuivre en lui expliquant quel doit en être le
merciale dont les capitaux ont plusieurs origines moyen : le développement du commerce
(la fortune des marchands, les capitaux investis par
- entrer ensuite dans les détails : le rôle central des
d’autres). Elle dispose d’un monopole commercial
colonies, où l’on produit des matières premières
avec une région particulière de l’Empire colonial
dont la France peut espérer tirer des richesses ; la
français. En plus de sa fonction économique, elle y
nécessité de développer les grandes compagnies
reçoit une délégation de souveraineté, c’est-à-dire
commerciales, qui permettent de drainer ces ma-
qu’elle y exerce au nom du roi des pouvoirs poli-
tières premières tout en administrant les colonies ;
tiques.
la nécessité de faire le choix du protectionnisme ;
3. Décrivez la politique de Colbert en matière la nécessité d’honorer les marchands
militaire. - expliquer pour finir que cette politique commer-
Colbert s’est efforcé de doter la France d’une im- ciale suppose le développement d’une marine de
pressionnante flotte de guerre, qui fit d’elle à la fin guerre.
de sa vie la plus importante puissance navale Une fois le plan construit, on peut rechercher
d’Europe. Elle devait assurer la sécurité des mers quels supports pourraient permettre d’étayer sa
et contribuer à l’essor du commerce. démonstration. On peut par exemple songer aux
globes de Coronelli, qui furent réalisés pour Louis
4. Montrez les liens entre la politique commer- XIV dans les années 1680.
ciale préconisée par Colbert et le développe-
ment de l’économie coloniale. http://classes.bnf.fr/rendezvous/pdf/Coronelli.pdf
Les colonies constituent la clé de voûte du colber- Il ne reste plus qu’à soigner la forme. Comment
tisme. La plupart d’entre elles ont vocation à four- s’adresse-t-on au roi de France ? Une piste con-
nir des matières premières qui doivent être expor- siste à rechercher sur internet ou dans des antholo-
tées vers la France, avant d’être pour partie reven- gies de textes du XVIIe siècle des exemples de
dues en Europe. Dans l’esprit de Colbert, cette lettres et à s’en inspirer (par exemple, des lettres
activité doit être largement aux mains des grandes de Molière à Louis XIV).
compagnies commerciales. Les comptoirs que la
France possède en Afrique ont vocation à fournir
des esclaves qui, dans le cadre de la traite, sont DOCUMENTS POINT DE PASSAGE
transportés d’une rive à l’autre de l’Atlantique
pour travailler dans les plantations, où l’on produit Versailles et la cour
notamment le sucre (Antilles). > MANUEL PAGES 168-169
5. Synthétiser L’étude a pour vocation de faire comprendre le
La politique maritime de Colbert consiste à déve- rôle joué par la cour dans la construction de
lopper la flotte de commerce, notamment dans le l’absolutisme, phénomène qui a été largement
cadre des grandes compagnies, et à honorer les étudié, notamment par Norbert Elias. Elle porte
négociants. Il leur revient de développer les spécifiquement sur le château de Versailles, où
échanges entre la France et ses colonies et de Louis XIV a transporté la cour au début des an-
fournir à ces dernières les esclaves dont elles ont nées 1680, rompant alors avec Paris, dont il crai-
besoin. Cela s’accompagne d’un développement
gnait le caractère tumultueux, lui qui, enfant, avait 2. Identifiez la raison principale pour laquelle
connu la Fronde. la marquise de Sévigné a une bonne opinion de
la cour de Versailles.
Doc 1. Le château de Versailles
La marquise de Sévigné se plaît à Versailles parce
Cette photographie permet de repérer les différents qu’elle y a la possibilité de côtoyer le roi. La cour
espaces que constitue le complexe de Versailles : est donc pour elle un endroit où la prédominance
le château, dont la symétrie apparaît très claire- sociale de la noblesse s’exprime.
ment ; les jardins, marqués par le même esprit de
régularité ; la ville, organisée autour de grands 3. Que reproche le duc de Saint-Simon à la
axes rectilignes, semblables aux rayons du soleil. cour ?
À l’inverse, Saint-Simon considère que la cour est
Doc 2. Madame de Sévigné raconte son séjour
un lieu dans lequel la noblesse est soumise à une
à Versailles.
forme de tyrannie royale. Chacun est obligé d’y
Le témoignage de la marquise de Sévigné, extrait paraître et d’y faire bonne figure, faute de quoi il
de sa célèbre correspondance, permet de voir risque la disgrâce. Il montre que l’étiquette sert à
comment une partie de la haute noblesse, à la- domestiquer la noblesse.
quelle elle appartenait, put vivre le développement
de la vie de cour à Versailles, au moment où Louis 4. Analyser la manière dont la cour permet au
XIV s’y installa définitivement. Elle ne vit pas la roi d’affirmer son autorité sur la haute no-
cour comme un lieu de contrainte, mais comme un blesse.
lieu où la prééminence sociale de la noblesse La cour permet au roi d’affirmer son contrôle sur
s’exprime clairement, par la possibilité qui lui est la noblesse de trois manières différentes :
donnée de partager la vie du roi. - en l’impressionnant (cf. l’architecture monumen-
tale et les jardins) ;
Doc 3. Le roi et sa cour dans les jardins de Ver- - en la distinguant (cf. les divertissements de
sailles cour) ;
Étienne Allegrain, disciple de Poussin, fut l’un des - en la domestiquant (cf. la rigueur de l’étiquette).
grands paysagistes français de la fin du XVIIe
5. Synthétiser
siècle et du début du XVIIIe siècle. Il a peint à
plusieurs reprises les jardins de Versailles, et c’est Pour répondre efficacement à la question clé et
de l’un de ces tableaux que provient la scène ici utiliser efficacement les termes indiqués, un préa-
représentée. On y voit le roi au milieu de ses cour- lable consiste à l’analyser.
tisans, dans une forme de sociabilité qui illustre - la question porte sur le « projet absolutiste » de
assez bien le sentiment que pouvait avoir la mar- Louis XIV. Il faut donc s’interroger sur le sens de
quise de Sévigné. cette formule. L’absolutisme désigne une forme de
monarchie dans laquelle le roi est absolument
Doc 4. Saint-Simon juge la cour de Louis XIV souverain, émancipé de tous les contre-pouvoirs,
Le duc de Saint-Simon (1675-1755) était un per- dont la noblesse, qui a été parfois agitée, notam-
sonnage de la très haute noblesse, qui a fréquenté ment sous la Fronde.
la cour à la fin du règne de Louis XIV. Dans ses - cela impose le contrôle de cette noblesse, assuré
Mémoires, il en laissé une image assez négative. par le développement de la vie de cour. La no-
Versailles apparaît sous sa plume comme un lieu blesse y partage des divertissements avec le roi
d’emprisonnement pour la noblesse. (doc 2 et 3) mais est soumise aux rigueurs de
l’étiquette (doc. 4).
Réponses aux questions - le château de Versailles en est le lieu et le sym-
1. Quelle image le château de Versailles donne- bole (doc 1) : par sa monumentalité et sa régularité
t-il du pouvoir du roi ? il est l’image de la puissance du roi.
Le château de Versailles, tout comme les jardins, Itinéraire 2 Organiser une exposition de photos
est marqué par la symétrie d’une part, par la mo- Il est essentiel que l’exposition de photographies
numentalité, d’autre part. Cela reflète l’idéal royal ne soit pas un simple collage d’images mais
sous Louis XIV : un idéal de puissance et l’illustration d’une démonstration articulée. Il
d’équilibre. convient donc de construire cette démonstration
avant d’aller rechercher des photographies sur le
site du château de Versailles. Celles-ci doivent
être peu nombreuses et choisies avec soin, en évi- tâche qui relevait de la mission royale. Ils ne résul-
tant tout ce qui ne date pas du règne de Louis XIV taient donc pas d’un relativisme religieux. On le
(comme le Hameau de la Reine ou la Galerie des mesure aux extraits proposés ici, qui montrent
Batailles) : que, si les protestants se voyaient reconnaître par-
- commencer par expliquer ce qu’est le projet ab- tout la liberté de conscience, leur liberté de culte
solutiste de Louis XIV et pourquoi il est essentiel était limitée. Par exemple, elle ne leur était pas
de contrôler la noblesse ; accordée à Paris, la ville du pouvoir.
- cela suppose de l’impressionner, ce qui se reflète
dans la façade du château, dans les peintures de la Doc 3. Richelieu encourage Louis XIII à lutter
galerie des glaces, dans l’organisation des jardins contre les protestants
(photos) ; Principal ministre de Louis XIII, Richelieu a été
- cette image le conduit à vouloir contrôler la no- un ardent partisan de la lutte contre les protestants,
blesse, ce qui passe par le développement de la vie ce qui eut pour conséquence notamment le siège et
de cour, dans laquelle les nobles partagent la vie la prise de La Rochelle, en 1626-1627. Le mé-
du roi (photo des grands appartements, gravures moire qu’il adressa au roi en 1625 permet de com-
ou dessins représentant les fêtes royales …). prendre la cause de cette hostilité. Bien que Riche-
lieu soit un homme d’Église, elle ne semble pas
résider dans des considérations religieuses. Ses
causes sont politiques : le cardinal redoute une
DOCUMENTS POINT DE PASSAGE alliance entre les protestants français et l’Espagne,
L’édit de Nantes (1598-1685) dirigée par les Habsbourg, qui est la principale
puissance rivale de la France. Dans ce contexte,
> MANUEL PAGES 170-171
les places de sûreté posent problème.
e
Au cours du XVII siècle, la situation des protes-
tants français se détériora lentement, jusqu’à la Doc 4. Des persécutions contre les protes-
révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV (édit tants : les dragonnades
de Fontainebleau, 1685). Bien que les réformés Au lendemain de sa victoire contre les Provinces-
français aient fait constamment le choix de la fidé- Unies, lors de la guerre de Hollande (1672-1678),
lité au roi, ce que l’on voit bien par exemple au Louis XIV se lança dans des persécutions contre
moment de la Fronde, leur présence fut de plus en les protestants, qui préparèrent l’édit de Fontaine-
plus clairement pensée comme un problème. bleau. Cela prit la forme d’une législation particu-
L’objectif de l’étude est de mettre en évidence la lièrement répressive, mais aussi de l’intimidation
détérioration de leur situation, d’en mesurer les physique, sous la forme des dragonnades. Le
rythmes et d’en comprendre les causes, qui relè- phénomène commence dans le Poitou, en 1681, à
vent de considérations politiques. l’instigation de l’intendant, René de Marillac. La
dragonnade consiste à loger des dragons, c’est-à-
Doc 1. Les places de sûreté dire des soldats montés, chez les protestants, en
La carte permet de prendre la mesure de vertu de l’obligation faite à tous les sujets du roi
l’implantation du protestantisme en France : elle de loger les gens de guerre. Accompagnés de
met en évidence ce qu’on appelle le « croissant Capucins, ils font pression sur les familles
réformé » (forte présence des protestants dans les protestantes pour qu’elles se convertissent. Cela
régions allant de l’Aunis aux Cévennes). Elle per- occasionne de très nombreux pillages, des
met également de localiser les places de sûreté et destructions, et des abjurations massives.
les places fortes accordées aux protestants par
Henri IV en vertu de l’édit de Nantes, de manière Doc 5. Louis XIV révoque l’édit de Nantes
d’ailleurs temporaire. Elles constituaient peur eux Par l’édit de Fontainebleau (18 octobre 1685),
d’éventuels refuges, certaines étant dotées de gar- Louis XIV révoque et annule l’édit de Nantes,
nisons royales. concédé par son grand-père aux protestants. Le
préambule, dont on a ici retenu des extraits signi-
Doc 2. L’édit de Nantes, un édit de tolérance ficatifs, permet de comprendre la cause profonde
Promulgué par Henri IV le 30 avril 1598, l’édit de des persécutions dont ces derniers furent victimes.
Nantes n’est que le dernier des édits de tolérance Il s’agissait pour Louis XIV de reconstituer l’unité
concédés par le pouvoir royal au cours des guerres religieuse du royaume, ce que l’on doit mettre en
de religion. L’objectif de ces textes était, en fonc- relation avec l’idéologie absolutiste.
tion du rapport de force, de favoriser une forme de
coexistence religieuse et de rétablir la paix civile,
sécession des treize colonies britanniques d’avec La période qui se conclut en 1689 est caractérisée
la Grande-Bretagne, suite au refus des colons de par plusieurs changements : une guerre civile qui
subir la lourde fiscalité imposée par le Parlement. se termine avec l’exécution du roi Charles Ier en
En réalité, le titre est trompeur, car il s’agit ici de 1649, suivie par la mise en place d’un régime de
la présentation d’un projet de déclaration par un type républicain (1649-1660), puis par la restaura-
comité de 5 représentants, le 28 juin 1776 par le tion de la monarchie avec Charles II (1660-1685),
comité de cinq hommes chargé de la rédiger. Ces puis Jacques II (1685-1688).
cinq hommes sont au centre de l’image : il s’agit,
de gauche à droite, de John Adams, de Roger 3. Quelle est la singularité du régime politique
Sherman, de Robert Livingston, de Thomas Jeffer- anglais au XVIIIe siècle ?
son et de Benjamin Franklin. Face à eux, assis, le Le régime politique anglais au XVIIIe siècle est
président du Congrès, John Hancock : il signa le l’unique monarchie parlementaire en Europe. Ce
premier la copie officielle de la Déclaration n’est qu’en 1809, en Suède, qu’un tel régime est
d’indépendance, adoptée le 4 juillet 1776. Dans ce aussi adopté.
tableau, 47 personnages sont représentés, presque
tous signataires de la Déclaration d’indépendance.
Cette huile sur toile est devenue, aux États-Unis,
une image populaire de ce moment clé de la nais-
REPÈRES
sance du pays : exposé dans la rotonde du Capi- La naissance des États-Unis
tole, elle est aujourd’hui reproduite au verso du d’Amérique
billet de deux dollars. En construisant cette image,
Trumbull insiste sur le processus à l’œuvre dans la › MANUEL PAGES 182-183
fondation des États-Unis : une décision collective, Réponses aux questions
fondée sur l’accord passé entre les représentants
des treize colonies britanniques d’Amérique du 1. Quelle évolution le territoire sous contrôle
Nord. britannique connaît-il entre 1763 et 1783 ?
La confrontation de ces deux tableaux permet de Le document 1 présente l’évolution politique de
comprendre comment le Congrès, en se séparant l’est de l’Amérique du Nord entre 1763 et 1783.
de la Grande-Bretagne, s’inspire des principes En 1763, la Grande-Bretagne domine cet espace.
politiques définis par la Grande-Bretagne. Des On y trouve les treize colonies. En effet, à partir
représentants élu, assemblés, discutent et débattent du XVIIe siècle, la Grande-Bretagne fonde des
avant de décider par un vote. Trumbull, pourtant, colonies en Amérique du Nord. Elles se peuplent
ne met pas en scène l’opposition des idées : il in- de Britanniques fuyant les crises du royaume :
siste davantage sur l’unanimité de la décision, et guerre civile, tensions religieuses, famines… Elles
donc la légitimité de l’indépendance. s’organisent sur le modèle politique britannique.
Le roi nomme les gouverneurs, mais chaque colo-
nie possède une assemblée élue qui décide des
REPÈRES impôts. Le droit de vote y est aussi plus étendu
qu’en Grande-Bretagne, bien que réservé aux
La Grande-Bretagne et l’Europe au hommes blancs propriétaires. À l’ouest de ces
XVIIIe siècle colonies, des territoires que le traité de Paris de
1763 fait passer de la domination française au
› MANUEL PAGES 180-181
contrôle britannique. En effet, à partir du XVIe
Réponses aux questions siècle, les puissances européennes exportent leurs
rivalités en Amérique. Le contrôle d’un empire
1. Par quels moyens les idées des Lumières se
colonial est un signe de puissance et une source de
diffusent-elles ?
revenus. Si les Britanniques débarquent les der-
Entre 1763 et 1783, le territoire sous contrôle bri- niers en Amérique du Nord, ils dominent peu à
tannique se réduit. Les Britanniques perdent leurs peu l’espace. L’Espagne se cantonne au sud. En
13 colonies américaines, mais conservent leurs 1763, à la fin de la guerre de Sept ans, la France
possessions canadiennes. doit y abandonner ses possessions : la Louisiane
passe aux Espagnols, le Canada aux Britanniques.
2. Caractérisez la période qui se conclut en À la même date, le gouvernement britannique
1689 par l’instauration de la monarchie parle- décide de réserver une partie de ces territoires (en
mentaire en Angleterre. hachures sur la carte) aux Amérindiens. Confron-
tés à une rébellion, les Britanniques cherchent à confiée à un planteur de Virginie, ancien militaire
apaiser les peuples amérindiens en interdisant aux britannique : George Washington. Comme lui, les
colons de s’établir à l’ouest des Appalaches : c’est membres du Congrès déterminent bientôt un nou-
la Proclamation de 1763. Mais cette mesure ren- veau but à la guerre : la rupture définitive avec la
contre l’opposition des colonies, qui souhaitent Grande-Bretagne. Le 4 juillet 1776, ils signent la
s’étendre vers l’ouest. Déclaration d’indépendance.
En 1783, la situation a profondément changé : les Pour Louis XVI, la rébellion des colons affaiblit la
États-Unis ont été créés, et le traité de Paris signé Grande-Bretagne : son commerce colonial est
à cette date en est la reconnaissance officielle par désorganisé, et sa puissance militaire amoindrie.
la Grande-Bretagne, la France et son alliée Aider les Américains, c’est donc permettre de se
l’Espagne. La domination britannique a diminué : renforcer face au rival britannique. Le gouverne-
outre les territoires attribués aux États-Unis, la ment appuie d’abord discrètement les Américains :
Floride est passée sous contrôle espagnol. La en mai 1776, il autorise ainsi la vente de poudre et
Grande-Bretagne n’est donc plus présente qu’au de munitions aux colons. Mais Louis XVI ne sou-
Canada. Les États qui composent maintenant les haite pas encore entrer en guerre. Ainsi, lorsqu’en
États-Unis se sont également agrandis, vers 1777, le marquis de La Fayette, séduit par la révo-
l’Ouest et le Nord, tandis que les territoires à lution, part combattre aux côtés de Washington, il
l’ouest des Appalaches sont encore en réserve, désobéit aux ordres du roi. Mais en décembre
mais soumis à leur convoitise. 1777, les Américains battent les Britanniques à
Saratoga. Louis XVI décide alors de reconnaître
2. Que sont devenues les 13 colonies en 1783 ? leur indépendance et, en février 1778, signe un
Expliquez cette transformation en vous aidant traité d’alliance et un traité de commerce avec les
de la frise chronologique. États-Unis. La France parvient aussi à s’allier avec
En 1783, les treize colonies se sont donc transfor- l’Espagne et les Provinces-Unies, isolant ainsi la
mées en treize États, et ont fondé les États-Unis Grande-Bretagne. Elle participe financièrement et
d’Amérique. La frise chronologique permet d’en militairement, comme à la victoire décisive de
comprendre la création ou, au moins, d’en étudier Yorktown en octobre 1781. À la signature du trai-
les principales étapes. té de paix à Paris en 1783, les États-Unis sont
Au sortir de la guerre de Sept ans en 1763, la officiellement reconnus comme indépendants.
Grande-Bretagne connaît une crise financière. Le
3. Montrez que la Constitution des États-Unis
Parlement de Londres décide donc de taxer le
est fondée sur la séparation des pouvoirs.
commerce de ses colonies.
Le document 2 est un schéma qui présente les
Or le droit britannique veut que tout impôt soit
institutions fédérales des États-Unis telles que
fondé sur la souveraineté du peuple : ses représen-
définies par la Constitution de 1787. Il ne présente
tant doivent d’abord l’accepter. Pourtant, bien que
donc pas la totalité des institutions politiques,
britanniques, les colons ne sont pas représentés au
puisque la constitution définit un équilibre entre
Parlement. Ils rejettent donc cette atteinte à leurs
les pouvoirs de l’État fédéral et ceux de chacun
droits et à leur autonomie.
des États, qui restent souverains. Chacun d’eux
Jusqu’en 1775, la résistance des colons s’accentue. possède une Constitution propre, un pouvoir exé-
Leurs assemblées protestent, ils boycottent les cutif, des chambres législatives et des cours de
produits britanniques. Des affrontements éclatent, justice. En revanche, les institutions et les lois
comme à Boston en 1770. Pourtant, la Grande- fédérales s’imposent aux États, dans les domaines
Bretagne poursuit sa politique. définis par la constitution.
En 1773, des colons déguisés en Indiens jettent du La Constitution est fondée sur la séparation des
thé anglais dans le port de Boston : c’est la Boston pouvoirs, puisque chacun d’eux est détenu par des
Tea Party (16 décembre 1773). Le Parlement bri- institutions distinctes. Le pouvoir exécutif est
tannique vote alors des lois punitives. En réponse, détenu par le président, assisté d’un vice-
les colonies se réunissent en Congrès, et réaffir- président. Le pouvoir législatif est bicaméral, et
ment leur opposition. Les colons s’arment. En défini pour respecter l’équilibre entre État fédéral
avril 1775, une première bataille contre l’armée et États : le Sénat représente les États de manière
britannique a lieu à Boston. C’est le début de la égale, car chacun y envoie deux représentants,
guerre d’indépendance américaine. quelles que soient leur population ou leur étendue.
Un nouveau Congrès se réunit en juin 1775 : c’est En revanche, le nombre d’élus de la chambre des
le second Congrès continental. Il crée une armée représentants est proportionnel à la taille de cha-
cun des États, permettant la représentation de Pourquoi la déclaration du 4 juillet 1776 en-
l’ensemble des Américains. Enfin, le pouvoir judi- traîne-t-elle la création d’un nouveau régime
ciaire fédéral est détenu par la Cour suprême et les politique ?
cours fédérales. La déclaration du 4 juillet 1776 est une déclaration
Les instruments de contrôle d’un pouvoir sur les d’indépendance. En la proclamant, les représen-
autres sont rares. Si les juges fédéraux sont choisis tants des treize colonies britanniques d’Amérique
par le pouvoir exécutif (et confirmés par le Sénat), du Nord affirment ne plus reconnaître l’autorité du
ils le sont à vie : ils ne dépendent donc plus du roi et du gouvernement britannique. Ils affirment
président. De la même manière, la procédure de donc que leur Congrès décide l’indépendance de
destitution par le Congrès (impeachment) est com- chacune des colonies, et leur transformation en
plexe, et le président ne peut dissoudre les État.
chambres du Congrès. Par là, ces nouvelles entités politiques se retrou-
vent sans système de gouvernement. Les États
doivent donc définir la manière dont ils se gouver-
COURS 1 nent : chacun rédige donc une Constitution diffé-
rente, mais tous adoptent les même principes poli-
Les révolutions anglaises au XVIIe tiques républicains (séparation des pouvoirs, sou-
siècle veraineté du peuple exercée par des représentants
élus). À cette date, ces États s’unissent dans le
› MANUEL PAGES 184-185 cadre d’une confédération : tout en restant souve-
Réponses au Testez-vous ! rains, ils s’associent pour coopérer et mener des
politiques communes. Au Congrès, chaque État
Pourquoi Charles Ier est-il éxécuté en 1649 ? dispose d’une seule voix.
Charles Ier est exécuté en 1649 car il est accusé de
trahison après avoir causé l’explosion d’une san- Quelles sont les caractéristiques de la Constitu-
glante guerre civile, entre ses partisans, favorables tion de 1787 ?
à une monarchie absolue, et ceux du Parlement, Le système de la confédération soulève de nom-
appelant à un pouvoir mieux partagé. breuses critiques. Le Congrès dépend trop des
intérêts particuliers des États, qui s’opposent par-
Qu’est-ce que la « Glorieuse Révolution » ? fois. Il ne parvient pas à faire entendre la voix des
La « Glorieuse Révolution » désigne la transfor- États-Unis dans les relations internationales. Son
mation politique de l’Angleterre, qui de monarchie autorité n’est pas toujours respectée au sein des
absolue devient monarchie parlementaire, avec États. Nait alors un débat entre fédéralistes, parti-
l’acceptation par Marie Stuart et Guillaume sans d’un pouvoir central plus fort, et antifédéra-
d’Orange du Bill of Rights. listes, hostiles à la diminution des droits de chaque
État.
Que change le Bill of Rights pour le régime poli-
tique anglais ? Une convention se réunit alors à Philadelphie.
Présidée par George Washington, elle adopte le 17
Le Bill of Rights est un texte qui définit la réparti-
septembre 1787 une constitution qui établit un
tion des pouvoirs entre la monarchie et le Parle-
État fédéral. C’est un texte de compromis entre
ment. Désormais, le roi doit composer avec l’avis
fédéralistes et antifédéralistes : il crée un équilibre
du Parlement dans plusieurs domaines et ne peut
entre pouvoirs de l’État fédéral et pouvoirs des
imposer systématiquement sa volonté.
États. Le Congrès est constitué de deux assem-
blées : le Sénat représente les États, la chambre
des représentant l’ensemble des Américains. Le
COURS 2 pouvoir exécutif fédéral est confié à un président,
mais son élection se fait dans le cadre des États.
La révolution américaine et ses ou- Les lois fédérales s’imposent aux États dans cer-
bliés tains domaines (finances, armée, diplomatie), mais
ils conservent le reste de leur législation.
› MANUEL PAGES 186-187
Réponses au Testez-vous ! Quels sont les exclus et les oubliés de la révolu-
tion américaine ?
On peut distinguer dans la population des États- D’autre part, les élites politiques et philosophiques
Unis trois groupes qui entrent dans cette catégorie. sont séduites par cette révolution américaine qui
Les Noirs et les esclaves sont un sujet de discorde est une mise en pratique des idéaux des Lumières :
entre les États. L’esclavage reste du ressort des égalité, liberté, souveraineté du peuple, séparation
États : certains le conservent, au nom de la préser- des pouvoirs.
vation d’une agriculture d’exportation fondée sur Quel impact la révolution américaine a-t-elle
leur exploitation. D’autres, en revanche, sur la situation économique et politique de la
l’abolissent rapidement comme la Pennsylvanie en France ?
1780.
La révolution américaine impacte directement la
Avant 1776, les Britanniques protègent les Amé- situation économique et politique de la France : le
rindiens, leurs alliés contre la France. Ils interdi- financement des troupes envoyées Outre-
sent ainsi l’extension des colonies vers l’ouest. Atlantique coûte cher et cela s’ajoute au prêt aux
Pendant la guerre d’indépendance, de nombreux insurgés de 34 millions de livres, jamais rembour-
peuples soutiennent les Britanniques. Les Améri- sé. De plus, le succès de la révolution américaine
cains les considèrent donc à la fois comme des valorise les idéaux américains de remise en cause
ennemis et un obstacle à leur expansion vers d’un pouvoir monarchique absolu et d’une société
l’ouest. Ils n’accèdent pas à la citoyenneté et, d’ordres.
après 1783, sont progressivement repoussés vers
l’ouest par des pratiques qui mêlent achat, saisie et
vol de leurs terres, accompagnées de guerres et de
massacres. DOCUMENTS POINT DE PASSAGE
Enfin, les femmes sont les oubliées de la révolu- L’Habeas corpus et le Bill of Rights
tion. Elles ont, dès les premiers troubles en 1763,
participé aux débats et aux actions (boycott, pro- > MANUEL PAGES 190-191
testations…). Elles participent à la révolution,
Réponses aux questions
jusqu’à, pour certaines, combattre. D’autres parti-
cipent aux débats politiques qui entourent la cons- 1. Comment un accusé est-il protégé par
truction des États-Unis, comme Abigail Adams. l’Habeas Corpus ?
Pourtant, leur participation est rapidement oubliée, L’Habeas Corpus limite la détention en garde à
et elles ne bénéficient pas du droit de vote. vue d’un prisonnier à 5 jours. En effet, l’accusé
peut présenter une ordonnance d’Habeas Corpus
au sherif qui le détient captif. Celui-ci a alors 3
jours pour le présenter à un juge. Si le motif de
COURS 3 l’emprisonnement n’est pas considéré comme
L’influence du modèle britannique et légal, le juge devra le libérer au bout de 2 jours
de la révolution américaine maximum.
Expliquer ensuite ce que représente, à leurs yeux, Les documents évoquent la même idée, la néces-
la révolution américaine (sur quels principes est- saire protection des droits des colons face à la
elle construite ?). volonté britannique de les réprimer. Ils affirment
Rappeler ensuite l’enthousiasme qu’elle suscite que les actions de Washington sont fondées sur la
(quelle diffusion connaît-elle ? Réfléchir pour cela défense de la liberté américaine, menacée par la
à la nature des doc 1 et 2 p. 195). Grande-Bretagne.
Expliquer ensuite comment la lutte des États-Unis 3. Montrez que ces trois documents mettent en
peut susciter l’intérêt, l’envie des Français (quel avant le rôle du président Washington dans
est le régime de la France en 1776 ?). Attention : l’unité des États-Unis.
les élèves doivent se rappeler que, dans le contexte Ces trois documents montrent que les deux man-
politique français, il n’est pas possible de porter dats de président de George Washington servent à
une critique directe et explicite (s’inspirer pour renforcer l’unité des États-Unis, après les débats
cela du doc. 1 p. 195). politiques féroces entre fédéralistes et antifédéra-
Mise en commun listes qui ont précédé l’adoption de la Constitution
de compromis de 1787.
Le passage à un texte de synthèse demande que les
élèves réfléchissent à la différence entre des dis- Le portrait de Washington réalisé par Gilbert
cours incarnant des points de vue et un argumen- Stuart rappelle son rôle de général en chef pendant
taire historique. Ils doivent donc, pour exposer les la guerre d’indépendance (l’épée et le recueil
critiques et les enthousiasmes, indiquer à chaque d’ordres militaires) ainsi que la forme du régime
fois quels sont les acteurs qui les portent. politique (Constitution et recueil des débats au
Congrès). Surtout, l’unité est évoquée à la fois par
le faisceau, soutien de la table, l’ornement du fau-
teuil et l’arc en ciel qui se dessine à l’arrière-plan.
Le faisceau est un symbole hérité de l’Antiquité
DOCUMENTS POINT DE PASSAGE romaine : les liens qui enserrent les baguettes évo-
George Washington, héros de quent la force donnée par l’unité. Au sommet du
l’indépendance des États-Unis dossier du fauteuil, les 13 étoiles blanches sur
fond bleu et les 13 bandes rouge et blanches évo-
> MANUEL PAGES 196-197 quent l’unité des 13 États qui composent les États-
Unis. De la même manière, si l’arc en ciel évoque
Réponses aux questions l’espoir, il est aussi l’union de couleurs diffé-
1. Expliquez ce que pense Washington de l’idée rentes.
d’indépendance en 1774, puis en 1776. La gravure qui montre « Washington, premier
Le document 3 (L’évolution politique de George président des États-Unis » est aussi fondée sur
Washington) permet de comprendre comment l’affirmation de l’unité des Américains. Sont re-
change l’attitude de Washington vis-à-vis de la présentés les sceaux des 13 États entourés chacun
Grande-Bretagne. d’un cercle qui imite les anneaux d’une chaîne : ils
En 1774, George Washington reproche à la sont entrelacés les uns aux autres. Le sceau des
Grande-Bretagne de ne pas respecter les droits des États-Unis, au sommet de cette chaîne, joue le rôle
colons, droits semblables à ceux de tous les Bri- d’un fermoir, superposé aux deux sceaux qui
tanniques. Mais il rejette l’idée même de l’entourent. Le portrait de Washington, au centre
l’indépendance des colonies. Pour lui, l’intérêt des de l’image, semble affirmer le rôle de président
colons est de rester sujets de la couronne britan- comme celui d’un trait d’union entre les différents
nique. Il s’agit donc de convaincre le gouverne- États.
ment. Enfin, dans la lettre qu’il adresse aux Américains
En 1776, en revanche, Washington ne croit plus à à la fin de son mandat, Washington insiste lui-
la possibilité d’une évolution de la politique bri- même sur l’unité nécessaire des États aux sein des
tannique. Il affirme même que des négociations ne États-Unis. Il la fonde sur des caractéristiques et
pourraient être qu’« arts de l’illusion », détournant une histoire commune à presque tous les Améri-
l’attention de la préparation d’une répression bru- cains.
tale. 4. Expliquez selon quels principes les États-
2. Relevez les principes à l’origine des actions Unis sont gouvernés.
de Washington.
amérindiens lors de la signature d’un tel traité. et illimitées, des États-Unis en matière de gouver-
Elle montre Washington partageant un calumet nement aussi bien que de commerce ».
avec un dirigeant amérindien. Le traité qu’il évoque est fondé sur un principe
4. Quelles sont, d’après l’auteur, les motiva- d’égalité et de réciprocité. Aucun avantage parti-
tions de la révolte de Shays ? culier n’est donc accordé à l’un ou l’autre des
pays, permettant aux États-Unis d’établir les
Le document 2 révèle la mauvaise situation éco- mêmes termes pour d’autres pays.
nomique qui suit la guerre d’indépendance. Les
tensions sociales augmentent alors. Ceux qui 2. Expliquez quelle est l’image que donne cette
échouent à rembourser leurs dettes dans ce con- porcelaine de la relation entre la France et les
texte perdent leurs terres. Des révoltes éclatent États-Unis.
alors. Ainsi, en septembre 1786, des fermiers du Cette porcelaine représente Louis XVI remettant à
Massachussetts réclament plus d’égalité : c’est la Benjamin Franklin le traité d’amitié et de com-
révolte de Shays. Si la révolution de 1776 a été merce, symbolisant ainsi les relations officielles
politique, elle n’a pas changé l’organisation so- établies entre la France et les États-Unis. Cette
ciale. Henry Knox, l’auteur du document 2, ex- porcelaine est française : elle montre un Louis
plique ainsi que certains Américains souhaitent XVI en armure, droit, plus grand que Franklin et
une meilleure redistribution des richesses. Pour debout sur une estrade, alors que l’ambassadeur
eux, à l’égalité politique devrait s’ajouter une des États-Unis est légèrement courbé. Le principe
forme d’égalité sociale. d’égalité affirmé par Franklin n’est donc pas ici
5. Synthétiser représenté.
Il s’agit, dans cette synthèse, de montrer que les 3. En 1793, l’alliance entre la France et les
principes qui fondent la révolution américaine ne États-Unis est-elle respectée ?
s’étendent pas à tous les habitants des États-Unis. Lorsque Washington fait paraître la Proclamation
Les esclaves noirs, les Amérindiens ne bénéficient de neutralité le 22 avril 1793, la situation politique
pas de la citoyenneté américaine, et des principes française a radicalement changé. La France est une
de liberté et d’égalité. De la même manière, la République, Louis XVI a été jugé et guillotiné, et
révolution politique ne s’étend pas à la sphère la guerre fait rage. George Washington, président
sociale : les Américains touchés par la crise finan- des États-Unis depuis 1789, assure alors que son
cière et économique de l’après-guerre ne voient gouvernement n’est plus tenu par les traités signés
pas le gouvernement mener une politique de trans- en 1778. Il affirme une parfaite impartialité envers
formation de l’organisation sociale. tous les États en guerre, et déclare qu’aucun Amé-
ricain intervenant dans cette guerre ne pourra ar-
guer de la protection des États-Unis. Le souvenir
de La Fayette, bravant les ordres de Louis XVI
PASSÉ / PRÉSENT pour aller combattre auprès de Washington,
La France et les États-Unis entretien- semble bien loin.
nent-ils des relations privilégiées de- 4. Confrontez ces documents pour expliquer
puis le XVIIIe siècle ? l’état des relations entre la France et les États-
Unis dans ces trois moments.
> MANUEL PAGES 200-201 Tout au long du XXe siècle, les relations entre la
Réponses aux questions France et les États-Unis varient.
1. D’après Franklin, quel est l’objectif du traité Le doc. 4 rappelle l’entrée en guerre des États-
entre la France et les États-Unis, et sur quel Unis auprès des pays de l’Entente, en 1917, et la
principe est-il fondé ? manière dont le personnage de La Fayette est mis
en avant pour affirmer l’existence d’un lien privi-
Après la victoire américaine de Saratoga en février légié entre les États-Unis et la France. L’arrivée
1777, Louis XVI décide de reconnaître des troupes américaines est vue comme un miroir
l’indépendance des États-Unis. C’est en février de l’aide militaire française lors de la guerre
1778 que sont signés deux traités entre la France et d’indépendance. Il faut pourtant rappeler que si les
les États-Unis, l’un de commerce et l’autre États-Unis entrent en guerre en avril 1917, les
d’alliance. Benjamin Franklin en reprend les combats ont débuté pour la France en août 1914.
termes lorsqu’il explique qu’il s’agit « d’établir la
liberté, la souveraineté et l’indépendance, absolues
En équipes !
Conseil pour réaliser la carte mentale : classer les - Une bonne affiche doit comporter plus d’image
idées proposées dans la rubrique « Mise en com- que de texte ; le texte doit en outre être classé en
mun » en deux catégories : rubriques. Chercher sur Internet des illustrations
- des progrès et des avancées liées à une approche différentes de celles proposées dans cette double
scientifique de l’agriculture ; page.
- la diffusion des idées et des pratiques. - Équipe 1 : Recenser le travail et l’apport scienti-
fique d’Émilie du Châtelet et de Marie-Marguerite
Bihéron.
- Équipe 2 : Dresser une liste des canaux et des
DOCUMENTS POINT DE PASSAGE moyens permettant à Émilie du Châtelet et à Ma-
Émilie du Châtelet, une femme de rie-Marguerite Bihéron de vulgariser et de diffuser
leurs savoirs.
sciences au siècle des Lumières / Ma-
rie-Marguerite Bihéron, une anato-
miste au siècle des Lumières
DE LA SOURCE À L’HISTOIRE
› MANUEL PAGES 222-223
Comment faire l’histoire des sciences
Émilie du Châtelet, une femme de sciences à travers la représentation des cabi-
au siècle des Lumières
nets de curiosités du XVIIIe siècle ?
Émilie du Châtelet (1706-1749) est une physi-
cienne, astronome et mathématicienne qui prend › MANUEL PAGES 224-225
part aux grands débats de son temps et contribue à Le choix de proposer une double page sur les ca-
renouveler la physique et les mathématiques. On binets de curiosités sous la rubrique De la source à
lui doit notamment les Institutions de physique en l’histoire, approche « ARTS » s’explique de deux
1740, une somme des savoirs astronomiques et manières. D’une part, les cabinets de curiosités,
physiques de son temps. Émilie du Châtelet est très en vogue au siècle des Lumières, pouvaient
connue également pour sa traduction des travaux renfermer des objets ayant un caractère artistique ;
de Newton : elle a vulgarisé l’œuvre du grand d’autre part, ils furent l’objet de nombreuses re-
astronome et contribué à diffuser sa théorie de la présentations artistiques (peintures ou gravures).
gravitation universelle. Amie de Voltaire ou de
Maupertuis, elle entretient une riche correspon- Réponses aux questions
dance avec les grands savants de son temps. Elle
est l’exemple même du rôle important joué par les 1. Quelle est la nature de ce document ?
femmes dans les progrès et la diffusion des Ce document est une gravure, réalisée par le cé-
sciences au siècle des Lumières. lèbre illustrateur William Skelton, représentant un
cabinet de curiosités. Elle fut diffusée dans la
Marie-Marguerite Bihéron, une anatomiste presse londonienne en 1787.
au siècle des Lumières 2. Que nous montre-t-il ? dans quel pays ?
Conseils pour la présentation orale Ce document montre l’intérieur d’un cabinet de
- Au terme d’une courte introduction, organiser curiosités à Londres (Angleterre), l’une des capi-
l’oral en deux temps : tales scientifique et artistique du XVIIIe siècle.
1. Expliquer l’œuvre de scientifique de Marie-
Marguerite Bihéron ; 3. À qui s’adresse-t-il et dans quel but ?
2. Relever les éléments de la page qui évoquent la Il s’agit d’une sorte de document publicitaire qui a
diffusion et le retentissement de ses travaux. pour ambition d’attirer les visiteurs dans le cabinet
- Accompagner cette présentation orale d’un sup- de curiosités. Il s’adresse à un public urbain, bour-
port – power-point ou affiche – réalisé seul ou en geois ou aristocratique. Le caractère théâtral de
groupe. cette représentation, ainsi que la composition du
dessin, invitent le spectateur à pénétrer dans ce
cabinet de curiosités.
En équipes !
4. Qui sont les visiteurs des cabinets de curiosi-
Conseils pour la réalisation des affiches : tés et qu’y trouve-t-on ?
Les visiteurs venus en famille appartiennent aux parisienne (Paris), deux sont italiennes (Lucques,
catégories sociales élevées (comme en témoignent Livourne), les 3 autres suisses. Interdite en France,
leurs vêtements) qui s’enthousiasment pour les arts l’Encyclopédie a donc été imprimée et diffusée à
au siècle des Lumières. partir de pays voisins où la législation était plus
Dans ce cabinet de curiosités sont inventoriées et souple et la tolérance plus grande. L’Encyclopédie
exposées de nombreuses variétés d’espèces ani- fut bien une entreprise européenne.
males et végétales. Venus du monde entier, des 3. Que nous apprend cette carte sur les contri-
animaux vivants ou empaillés sont autant de curio- buteurs de Wikipédia ?
sités pour les Européens.
Cette carte nous apprend que Wikipédia est une
5. Justifiez l’affirmation suivante : cette repré- initiative collective et collaborative internationale,
sentation d’un cabinet de curiosités donne aux qui compte des contributeurs dans la plupart des
historiens un éclairage sur le goût du public pays du monde. Contrairement au XVIIIe siècle,
pour les sciences au XVIIIe siècle. l’Europe n’est plus aujourd’hui l’épicentre des
Les documents de cette sorte ne sont pas rares ; savoirs. Cette carte met aussi en valeur des inéga-
tous témoignent de l’enthousiasme des populations lités spatiales : certaines aires géographiques con-
éclairées des grandes villes européennes pour les tribuent moins que d’autres, car les populations y
cabinets de curiosités au siècle des Lumières. sont moins alphabétisées, car les réseaux numé-
C’est donc un matériau pour l’historien qui riques sont peu développés (ainsi en Afrique et
s’intéresse non seulement au contenu du dessin, dans une partie de l’Asie) ou car l’État freine et
mais aussi à la nature même d’un document révé- encadre strictement l’essor d’Internet (on pense à
lant une dynamique culturelle et sociale. Ce do- la Chine).
cument nous plonge en outre aux origines des 4. Répertoriez les points communs qui existent
premiers musées européens. entre l’Encyclopédie et Wikipédia.
Dans les deux cas, il s’agit d’une initiative visant à
éclairer le monde par des savoirs compilés, ras-
semblés, diffusés. Dans les deux cas également, il
PASSÉ / PRÉSENT s’agit d’une entreprise collective.
De l’Encyclopédie à Wikipédia
5. Répertoriez les différences entre
› MANUEL PAGES 226-227 l’Encyclopédie et Wikipédia.
Réponses aux questions Un changement d’échelle s’est opéré entre
l’Encyclopédie du XVIIIe siècle et Wikipédia : le
1. Présentez les buts de l’Encyclopédie en deux nombre de contributeurs a explosé (de 150 à plu-
catégories. sieurs millions), la somme des savoirs accumulés a
On peut distinguer deux buts à l’Encyclopédie : fortement augmenté (de 71 818 articles à des mil-
tout d’abord « rassembler les connaissances » lions), la diffusion est devenue planétaire, sortant
éparses ; puis diffuser et transmettre lesdites con- du cadre strictement européen.
naissances « pour les siècles qui succéderont ». Le texte 4 insiste sur les spécificités éditoriales de
Cette donc une vaste entreprise de vulgarisation Wikipédia au regard de l’Encyclopédie du XVIIIe
des savoirs, qui a une grande ambition et entend siècle : le caractère dématérialisé de Wikipédia en
marquer son époque et les suivantes. fait une encyclopédie sans limites ; en outre,
2. Décrivez et commentez cette infographie. Wikipédia n’est pas figée et est interactive, réagis-
sant de manière prompte aux événements. Ses
Cette infographie nous renseigne sur les différents
auteurs peuvent être connus ou inconnus ;
acteurs historiques qui ont mené à bien cette aven-
l’anonymat les protège d’une certaine manière.
ture intellectuelle au XVIIIe siècle : 2 fonda-
teurs/directeurs (Diderot et d’Alembert), plus de
150 contributeurs. Il donne aussi une idée de
l'ampleur du travail accompli (17 volumes de texte
et 71 818 articles). En outre, cette infographie
nous renseigne sur la diffusion de l’Encyclopédie :
plus de 23 000 exemplaires vendus dans toute
l’Europe pour les 6 éditions principales. Il est inté-
ressant de noter que sur ces six éditions, une est
çais méditerranéen du XVIIIe siècle, l’essor éco- cument 3 illustre la croissance démographique du
nomique y est encore important malgré la crois- royaume, l’essor des grandes villes comme es-
sance spécifique et plus nette des ports atlantiques paces privilégiés de concentration des populations,
(Bordeaux, Nantes, La Rochelle) redynamisés par des richesses, des évolutions sociales et des con-
le commerce triangulaire. Les nombreuses marines testations. La population du royaume passe de 20
de Joseph Vernet (1714-1789) rendent compte de à 28 millions entre 1600 et 1780, et les grandes
la vie des ports français au XVIIIe siècle. Sur de- villes voient leurs populations plus que doubler
mande de Louis XV, Joseph Vernet peint entre sur la période ; Paris compte 600 000 habitants en
1753 et 1765 quinze des vingt-quatre toiles de 1789. Nantes et Bordeaux voient leur population
ports français qui lui sont commandées. Sur ce multipliée par 4 et par 3 aux mêmes dates. Cet
détail de L’entrée du port de Marseille datant de essor particulier s’explique par le dynamisme des
1754, on voit évidemment les navires de com- activités maritimes et portuaires, notamment le
merce aux voiles repliées pour accoster, les nom- commerce d’esclaves.
breuses barques de déchargement, et les fortifica-
tions du port. L’activité économique y est mani- Réponses aux questions
feste mais la touche sociale est tout aussi impor-
tante. Les bateaux d’agréments, la femme à 1. Identifiez et distinguez les prélèvements subis
l’ombrelle, le pique-nique raffiné, la longue vue par les paysans.
racontent cette appropriation culturelle du rivage Dans l’Ancien régime, les paysans paient des re-
notamment dans la bourgeoisie et la noblesse. devances seigneuriales, une taxe au clergé (la
Quelques baigneurs aux vêtements plus modestes dîme) et différents impôts directs et indirects au
à droite du document rappellent aussi la proximité roi.
plus ancienne de la mer pour des milieux plus
2. Localisez les principales révoltes paysannes.
populaires.
À quelle époque sont-elles les plus nom-
breuses ?
Les principales révoltes paysannes se situent dans
REPÈRES le sud et à l’ouest du royaume. Elles sont les plus
› MANUEL PAGES 236-237 nombreuses dans la deuxième moitié du XVIIIe
siècle.
Cette double page propose une carte du royaume
et quatre documents graphiques, dont deux statis- 3. Comment évolue la population urbaine aux
tiques. L’enjeu est de pouvoir situer dans l’espace XVIIe-XVIIIe siècles ?
et dans le temps les principaux épisodes du cha- La population urbaine augmente beaucoup aux
pitre. La carte porte précisément sur les révoltes XVIIe et XVIIIe siècles, en particulier à Paris qui
populaires du XVIIe siècle ; elle permet de situer double sa population et dans les grands ports de
les principaux foyers de révoltes urbaines ou ru- commerce que sont Bordeaux et Nantes.
rales ainsi que les grandes villes de France. Sur la
frise chronologique, les dates importantes, qu’elles
rendent compte de faits économiques, sociaux ou
culturels, sont classées thématiquement. L’intérêt COURS 1
est de rappeler le caractère nécessairement partiel
mais argumentatif des chronologies. Le document Les inégalités de la société d’ordres
2 rend compte de l’accumulation des charges pe- › MANUEL PAGES 238-239
sant sur la paysannerie et de leurs bénéficiaires, la
lecture fiscale étant une entrée fondamentale dans Réponses au Testez-vous !
l’étude des inégalités de la société d’ordres. Le Comment s’organise la société d’Ancien Ré-
document 4 complète la carte et rend compte du gime ?
nombre important et croissant des soulèvements
La société d’ordres repose sur la coexistence de
populaires de 1660 à 1780. Nombreux dès le
trois groupes qui regroupent toute la population du
XVIIe siècle malgré les répressions royales sous
royaume. Selon la définition juridique de Charles
Louis XIII et Louis XIV, ces mouvements de con-
Loyseau, ces trois groupes constitués dès le
testation sont bien plus importants et continus au
Moyen-Âge d’après leurs fonctions ne sont pas
XVIIIe siècle, doublant entre 1700 et 1780 (de 324
d’égale dignité. Entre le clergé, la noblesse et le
à 744). Leur persistance rend compte de résis-
tances sociales renouvelées et accentuées. Le do-
La réaction royale est radicale : par la condamna- hiérarchies sociales, professionnelles et juridiques
tion à mort des participants, elle doit servir se conjuguent et conditionnent une occupation
d’exemple et dissuader les autres révoltes. différenciée du territoire urbain.
5. Synthétiser Réponses aux questions
En 1639, un mouvement de contestation apparaît 1. Identifiez les groupes sociaux évoqués dans
et se renforce dans le Cotentin. Les sauniers, sou- les documents et les ordres auxquels ils appar-
tenus par les bourgeois, prêtres et nobles locaux tiennent.
refusent de renoncer à leur exemption de la ga- Dans l’ensemble des documents, les nombreux
belle. Cet impôt royal sur le sel n’était pas payé groupes sociaux évoqués sont la noblesse (docu-
dans cette région où le sel était produit et con- ments 1 et 4), le clergé (document 5), la bourgeoi-
sommé librement par les paysans. Une armée lo- sie (document 5, 2 et 4), le peuple de Paris, mar-
cale se met en place et les villes de la région sont chands et artisans, mendiants, vagabonds, ouvriers
aux mains des révoltés. Ministre de Louis XIII, le (documents 4, 2 et 5).
cardinal de Richelieu ordonne une répression sé-
vère qui doit servir d’exemple et dissuader tout 2. Décrivez le mode de vie de la noblesse fortu-
autre mouvement populaire. née à Paris.
La noblesse fortunée vivant à Paris de manière
Itinéraire 2 Construire une carte mentale
ponctuelle ou permanente partage son temps entre
Exemple de carte mentale :
de nombreuses occupations. Il ne s’agit jamais de
CONSEQUENCES : une répres- CONTEXTE : en janvier travail rémunéré ou d’activité professionnelle mais
sion royale sévère en 1640 : de 1639, une ordonnance de loisirs (théâtre, boulevard et variétés), de ren-
nombreuses condamnations à royale limite l’usage du
mort, maisons et biens détruits, contres et de mondanités (salons, soupers), de
sel blanc produit par les
murailles des villes qui ont sauniers sur les côtes courses (étoffes, bijoux, mobilier).
protégé les révoltés rasées. normandes.
3. Pourquoi rencontre-t-on de nombreux
pauvres à Paris ?
Révolte des nu-Pieds
Paris compte de plus en plus de pauvres au XVIIIe
siècle. Les documents 2 et 3 expliquent que ce
ACTEURS : les sauniers, paysans CAUSES : les sont pour beaucoup de nouveaux citadins qui sont
et la petite noblesse, certains
prêtres et certains bourgeois ou
sauniers et pay- venus des campagnes environnantes. L’exode
sans normands
parlementaires qui soutiennent la refusent de payer
rural est prononcé et Paris, capitale du royaume et
révolte. Troupes royales menées un impôt sur le ville aux multiples activités économiques attire les
par le chancelier Séguier sur sel. indigents.
ordre de Richelieu.
4. Comment sont-ils traités par les autorités ?
Ces populations pauvres sont surveillées, poursui-
vies et emprisonnées rapidement en cas de délit ou
DOCUMENTS POINT DE PASSAGE de vagabondage. Le contrôle social est important.
Riches et pauvres à Paris au XVIIIe 5. Synthétiser
siècle À l’époque moderne, Paris est une ville riche et de
plus en plus attractive. Elle rayonne par de nom-
› MANUEL PAGES 242-243 breux loisirs et commerces qui occupent la no-
Parmi les cinq documents proposés, deux sont des blesse et la bourgeoisie. Elle attire également de
témoignages d’habitant ou de voyageur, et le troi- nombreux ruraux quittant les campagnes pour
sième un ensemble de transcriptions trouver refuge en ville. Les contrastes sociaux sont
d’interrogatoires et rapports de police du XVIIIe ainsi très prononcés et les rues de la capitale sont
siècle à Paris. Ce document 3 permet de prendre des espaces où se côtoient tous les métiers et tous
en compte le vécu des populations les plus pré- les groupes sociaux du royaume.
caires de la capitale. Les deux iconographies don- Itinéraire 2 Rédiger un récit
nent à voir le quotidien, celui de la noblesse dans Pour rédiger un récit, il convient de rester attentif
un cas, celui du peuple de Paris dans le second cas. à des exigences strictes :
La gravure intitulée Les embarras de Paris (1720) - rappeler le thème traité ;
illustre l’activité dense, la coexistence heurtée et - décrire ;
les aléas nombreux des rues de la capitale. Les
position sociale tout en ouvrant potentiellement Cette argumentation doit être servie par des quali-
leurs perspectives d’action ? tés oratoires à travailler régulièrement à partir de
conseils simples :
Réponses aux questions - se lever pour parler, se tenir bien droit ;
1. Identifiez les catégories sociales qui partici- - articuler et parler lentement ;
pent aux salons du XVIIIe siècle. - bien annoncer sa thèse ;
Ce sont les nobles et la haute bourgeoisie qui par- - fixer l’auditoire et scander le propos par des
ticipent aux salons du XVIIIe siècle. Ces ren- gestes fermes de la main ;
contres se font dans des hôtels particuliers dont - poser des questions auxquelles on apporte des
l’entretien est très coûteux. réponses ;
- remercier le public et saluer discrètement à la fin.
2. Relevez les activités qui y sont pratiquées.
Les convives qui s’y retrouvent peuvent dialoguer,
débattre de littérature, philosophie, économie. Sont
également proposés des jeux de société, des con- DOCUMENTS POINT DE PASSAGE
certs, des lectures à voix haute et des repas ou Les ports français et la traite négrière
collations selon les revenus des hôtes.
› MANUEL PAGES 250-251
3. Comment les salons participent-ils à la diffu-
sion des idées et des savoirs ? À partir du XVIIe, la France participe au com-
Favorisant les rencontres entre des convives merce atlantique dont les nombreux échanges
d’horizons variés mais liés par le milieu social et enrichissent les ports français. La double page vise
les réseaux, les salons participent à la circulation à mettre en lien des logiques d’exploitation et de
des idées et des savoirs. Les convives viennent domination et une modernisation économique et
parfois de province et de l’étranger et ont urbaine. L’enjeu est de souligner la causalité entre
l’opportunité de présenter des œuvres, des travaux économie de plantation et enrichissement des ports
ou des inventions. Ils colportent chez eux ensuite français : il est aussi de rappeler la grande diversi-
les nombreux échanges et informations relevées au té des acteurs et territoires concernés au-delà du
cours de leurs rencontres mondaines. En cela les royaume de France. Les textes proposés, témoi-
salons ont été un foyer de diffusion des savoirs des gnages et texte de loi, soulignent cette hiérarchie
physiocrates et des idées des Lumières. des groupes impliqués.
4. Quel était le rôle des femmes dans les salons, Réponses aux questions
entre fonctions mondaines et interventions ar- 1. Définissez de manière précise les échanges du
tistiques et politiques ? commerce triangulaire.
Dans les salons, les femmes pouvaient bénéficier On entend par commerce triangulaire les échanges
d’une parole libre et d’une exposition directe aux commerciaux entre les ports européens, certains
idées les plus modernes. En tant qu’hôtesse, elles comptoirs d’Afrique de l’ouest et les colonies en
pouvaient jouir d’une réputation flatteuse et d’une Amériques. Ces échanges maritimes engagés par
reconnaissance sociale qui faisait autorité et don- des armateurs, des négociants et des négriers par-
nait du poids à leur parole. ticipent à la diffusion de produits exotiques en
Europe. Ils furent aussi l’occasion d’un commerce
5. Itinéraire 2 Organiser un débat
et de la déportation de plusieurs millions
Pour organiser un débat, il convient tout d’abord d’esclaves africains vers les plantations en Amé-
de former les groupes qui opposeront leurs argu- rique.
ments en leur indiquant quelle position ils défen-
dent. Il est possible de leur proposer d’organiser 2. Identifiez le rôle des esclaves dans les planta-
leurs idées dans un tableau. tions. De quelle manière les esclaves sont-ils
considérés ?
Thèse : …les femmes obéis- …les femmes affir-
dans les sent à la société de ment leur jugement En Amérique, les esclaves font fonctionner les
salons… leur temps artistique et politique plantations. Ils occupent tous les postes de travail,
et s’émancipent dans les champs, dans les dépôts. Ils sont les mo-
Arguments 1)… 1)… teurs de l’activité et de la réussite économique de
2)… 2)… ces structures agricoles coloniales. Les esclaves
Exemples, 1)… 1)…
sont considérés comme des biens, ils appartien-
anecdotes 2)… 2)…
nent à ceux qui les achètent. Le code noir règle- de nombreuses catégories avec des hiérarchies
mente leur traitement : ils peuvent être battus, indicatives de la réussite ou de l’origine du titre,
mutilés et tués par leurs maîtres. entre petite et haute noblesse, noblesse d’épée et
noblesse de robe. Les justifications idéologiques et
3. En confrontant les deux documents, définis- juridiques évoquées par Charles Loyseau pour
sez la situation économique de Bordeaux. justifier la société d’ordres sont croisées avec des
La confrontation du texte et de l’image permet critiques faites à la noblesse par deux contempo-
d’affirmer que l’enrichissement de Bordeaux au rains dont un noble, Gilles André de La Roque. De
XVIIIe siècle est dû au commerce atlantique. Ce nombreux thèmes peuvent être abordés : les fon-
sont bien le commerce d’esclaves et le commerce dements de légitimité de la noblesse, ses préroga-
de produits locaux dont le vin qui ont accéléré la tives, ses rôles économique et politique, ses hié-
croissance du port français. Cette réussite écono- rarchies et sa diversification, entre ouvertures,
mique est perceptible tant dans les évolutions ar- reconfiguration et persistances nobiliaires. Il est
chitecturales que dans la tenue de la noblesse et de également possible de s’attarder sur les pratiques
la bourgeoisie bordelaises. domestiques et culturelles.
4. Expliquez pourquoi le commerce triangulaire Réponses aux questions
est important pour la prospérité de Bordeaux.
1. Quelles sont les origines de la noblesse selon
Le commerce triangulaire est important pour la Charles ?
prospérité de Bordeaux puisque les échanges tran-
satlantiques sont l’occasion d’exporter des pro- Selon Charles Loyseau, les nobles ont pour rôle de
duits bordelais et d’importer des produits exo- « conserver l’État par les armes », ils tirent leur
tiques vendus avec des marges très importantes. légitimité de leur fonction militaire.
Par ailleurs le commerce d’esclaves enrichit con- 2. Relevez les reproches que Voltaire adresse à
sidérablement les familles et les négociants qui ont la noblesse.
investi dans l’économie de plantation.
Voltaire émet de nombreuses critiques concernant
5. Synthétiser cet ordre. Il se moque des titres rapidement acquis,
L’économie de plantation suppose l’exploitation de leur prétention à l’égard des négociants et
de terres agricoles et le commerce de produits autres bourgeois. Sa principale critique est que les
tropicaux comme le sucre destinés à l’exportation nobles n’ont aucune utilité économique, ils ne
en Europe où ils sont vendus très cher. Le travail participent pas au développement et à la moderni-
des esclaves étant non rémunéré, les bénéfices sation du pays, ne produisent aucune richesse, ne
peuvent être très importants pour les exploitants travaillent pas.
ou les investisseurs bordelais. 3. Montrez que la vie d’Emmanuel de Croÿ
Itinéraire 2 Réaliser un schéma illustre les mutations de la noblesse au XVIIIe
siècle.
Exemple de schéma :
Le cas d’Emmanuel de Croÿ permet de relativiser
cette description de la noblesse. Ce noble issu
d’une famille ancienne fut un éminent militaire et
s’intéressa à l’industrie naissante de l’extraction
du charbon. Il fonde la compagnie des mines
d’Anzin en 1757 et sa famille eut un poids impor-
tant dans les charbonnages au nord de la France.
Ce noble incarne les persistances de l’ordre (la
formation militaire, les usages sociaux et vesti-
mentaires) ainsi que les renouvellements initiés
par certains nobles tentés par de nouvelles respon-
DOCUMENTS sabilités sociales (l’investissement économique
dans l’industrie au-delà des exploitations agricoles
Les mutations de la noblesse traditionnelles.
› MANUEL PAGES 252-253
4. Pourquoi la noblesse fascine-t-elle le reste de
Les évolutions de la noblesse illustrent les dyna- la société ?
miques économiques et sociales du XVIIIe siècle.
Ce groupe anciennement constitué est subdivisé en
La noblesse fascine le reste de la société par ses Quelles sont les spécificités de l’usage de l’œuvre
loisirs, ses représentations et sa proximité avec le littéraire en histoire ?
roi. De nombreux éléments qui ont nourri les ima-
ginaires. Réponses aux questions
1. Présentez la source dans son contexte.
5. Pourquoi cet auteur (doc. 2) est-il hostile à
l’anoblissement ? Beaumarchais écrit Le Mariage de Figaro en
1778. Il met en scène un noble et son valet pour
Gilles André de La Roques est hostile à
souligner les inégalités persistantes entre les
l’anoblissement car il produit des inégalités entre
ordres de la société d’Ancien Régime. Censurée
les nobles et nourrit une hiérarchie qui divise ce
durant trois ans sur ordre royal, la pièce finit par
groupe social. Selon lui, seules l’hérédité et
être autorisée sur pression de certains nobles et de
l’ancienneté légitiment la noblesse.
l’opinion publique. Beaumarchais est de son côté
6. Synthétiser libéré. La pièce connaît un grand succès et elle est
La noblesse est un ordre qui trouve sa première adaptée par Mozart en 1785 avec Le Nozze de
légitimité dans son ascendance chevaleresque et Figaro.
son rôle de défenseur du royaume. Hétérogène, il 2. Comment Beaumarchais décrit-il les écarts
est divisé en sous-groupes selon les origines et entre les nobles et les serviteurs ?
l’ancienneté du titre. Plusieurs noblesses coexis-
Beaumarchais décrit les écarts entre les nobles et
tent mais toutes n’ont pas accès au roi ou aux
leurs serviteurs sur le ton comique. Il donne
charges les plus prestigieuses du royaume. Haute
néanmoins l’occasion à ses personnages de dérou-
et petite noblesses, noblesse d’épée ou noblesse de
ler les arguments et les critiques. La longue tirade
robe (attachée aux parlements et fonctions juri-
de Figaro dans l’acte V scène 3 est l’occasion pour
diques), les nombreuses dénominations attestent
le serviteur de dénoncer les privilèges de la no-
de cet éclatement.
blesse et la domination subie par leurs personnels.
Par ailleurs, malgré les usages interdisant le travail
au risque de déchoir, de nombreux nobles 3. Relevez la façon dont il traite de la censure.
s’essaient à d’autres chantiers que la gestion des Il évoque la censure à la fin de l’extrait : « ...il
terres familiales. Pour la modernité qui s’est établi dans Madrid un système de liberté sur
l’accompagne et les nombreuses opportunités la vente des productions... Deux ou trois cen-
qu’elle offre, l’industrie naissante attire des inves- seurs ». Le ton est ironique, la censure décrite
tissements de la part de la noblesse. comme un système de liberté paradoxal qui réduit
Ainsi la noblesse est un groupe ancien mais non le champ de l’expression.
immuable dont l’hétérogénéité et les évolutions
illustrent des dynamiques au sein de la société 4. Pourquoi Louis XVI est-il hostile à la pièce ?
d’ancien régime. Louis XVI est hostile à la pièce pour plusieurs
raisons. Il en critique le style « de mauvais goût »
mais surtout il craint son caractère séditieux,
puisque selon lui l’auteur se « joue de tout ce qu’il
DE LA SOURCE À L’HISTOIRE faut respecter dans un gouvernement ».
En quoi Le Mariage de Figaro ren- 5. Montrez que cette œuvre rend compte des
seigne-t-il l’historien sur la crise et les tensions dans la société d’ordres.
critiques de la société d’Ancien Ré- Le Mariage de Figaro est une pièce de théâtre qui
gime ? rend compte des tensions de la société d’ordres.
Le personnage principal, Figaro, conteste les privi-
› MANUEL PAGES 254-255 lèges de son maître et à travers lui de la noblesse.
Cette double page propose de rappeler que les Les arguments portés contre une hiérarchie inique
œuvres de littérature, au-delà de leurs qualités sont exposés avec force, rappelant les qualités du
peuple qui travaille face aux avantages liés à la
artistiques, restent des sources importantes pour
l’historien. Écrite en 1778, Le Mariage de Figaro naissance d’une noblesse oisive et imbue de ses
est une pièce de Beaumarchais qui, dix ans avant privilèges.
la Révolution française, dénonce des inégalités de
la société d’Ancien Régime.