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littéraire mémorable.
considération.
Introduction Générale ……………………………………………..………………………..…07
Conclusion ………………………………………………………………………….…..102
Références bibliographiques……………………………………………………....…..105
Introduction
Préparation, choc qui nous parait une chance d’entrer dans le vif de la
problématique d’où vient la fascination qu’exercent les personnages
fantômes de L’Amour dans notre musée imaginaire ? Par quels procédés
magiques les personnages durassiens nous semblent-ils venir du songe et
s’incarner dans la « propreté immaculée du vide 1 » ? Et pourquoi
L’Amour se valorise-t-elle si volontiers en cherchant à s’apparenter à la
géométrie et à l’art abstrait ?
1
Duras Marguerite, cité par Gisèle Bremondy in l’Arc N°=98, revue publiée avec le concours du centre
national des lettres et avec l’aide de l’office régional de la culture, Provence, côte d’Azur,
Duponchelle 1990, p51.
7
Introduction
A ces questions, trois hypothèses peuvent être données : répétons du
moins ici que nous formulions à propos du personnage dont la présence
est si forte : Salutaire dans la mesure que le roman est
devenu l’« aventure d’une écriture »1 Cette démarche devient mutilante
si elle conduit à faire l’impasse sur la puissance de l’Amour.
1
Ricardou, Jean, Problèmes du nouveau roman, seuil, Paris, 1967, p111.
8
Introduction
Pour atteindre cet objectif nous suggérons de diviser notre tache en trois
chapitres : le premier s’intitule Marguerite Duras: vie et œuvres. Ce
chapitre comporte un aperçu biographique et son parcours littéraire et la
présentation de l’Amour et le succès de l’Amant en 1984.
9
Introduction
En conclusion, nous essaierons de valider la supposition de départ
à propos de Duras qui avait orienté notre lecture en présentant l’Amour
01
Chapitre I : Marguerite Duras : vie et œuvres
I.1Présentation de l'auteur1
Marguerite Duras, pseudonyme de Marguerite Donnadieu, Elle laisse
entendre à travers toute son œuvre, dans une obsédante continuité: cette attente,
comme dans l'hésitation ou le recueillement, avant d'énoncer : Romans, théâtre,
films: des textes d'une extrême tension, une écriture limite entre les
questionnements de l'incertain et l'éclatement du vrai, entre l'absolu
dépouillement et l'envahissement du désir; romancière, auteur dramatique et
cinéaste née à Gia-Dinh, prés de Saîgon le 4 Avril 1914, morte à Paris le 3 Mars
1996. Ses parents d'un milieu modeste, sont enseignants, attirés par le rêve
colonial. Sa mère est institutrice, son père qu'elle ne connaîtra guère, professeur
de mathématiques. Le père meurt en laissant trois enfants; l'existence heureuse
de la famille Donnadieu, en "indo", se transforme alors en une vie plus
hasardeuse, plus aventureuse.
Pour subvenir aux pensions des siens, la mère accepte des postes précaires
dans la brousse. "Petits blancs", colons méprisés et misérables, la famille vit
comme les indigènes.
La jungle tout autour devient l'aire de jeux des enfants, tremplin
d'imaginaire lieu de toutes les terreurs, de toutes les fascinations. La mère, dotée
d'un caractère pugnace et autoritaire, achète une concession, fruit de ses
économies de vingt années. Mais ignorante de la coutume du pot-de-vin ou ne
voulant pas, par morale, y céder, elle se fait berner par l'administration qui lui
vend une terre incultivable, harcelée par la mer de chine. La légende s'installe:
plus tard la mer de chine deviendra le Pacifique, et cette mère abusée, une
déesse révoltée contre les dieux, défiant son destin dans une sorte de folie
souveraine.
1
LAFFONT et BOMPLANI, Dictionnaire Encyclopédique de la Littérature Française, Robert Laffont, Paris,
1997.p.p.310.312.
21
Chapitre I : Marguerite Duras : vie et œuvres
1
PICON, Gaetan, Les Romans de Marguerite Duras, Mercure de France, 1958, Cité par PAGES-PINDON,
Joelle, in Marguerite Duras, Ellipses, Paris, 2001, p.30.
21
Chapitre I : Marguerite Duras : vie et œuvres
1
ADLER, Laure, Marguerite Duras, Gallimard, Paris, 1998, P73.
21
Chapitre I : Marguerite Duras : vie et œuvres
1
DURAS.M, L’Amant,Minuit,Paris,1984,P.14.
2
enquette de Françoise PY, Margueritte Duras,L’ARC N°98, revue publiée avec le concours du centre national
des lettres et avec l’aide de l’Office régional de la Culture, Duponchelle ,Provence-côte d’Azur,1990,pp88.90.
21
Chapitre I : Marguerite Duras : vie et œuvres
Parce que 142pages, ça se lit en une nuit et on en parle à des amis le lendemain.
Parce qu’il ya une justice.
Et parce que, tout ça pour 50F, c’est donné.
FRANÇOISE PY
Dans L’Amant, Marguerite Duras se livre aux lecteurs, offre sa face cachée Ŕ
vérité et fantasmes mêlés. Le public est sensible à cette mise à nu, à ce
« rabaissement », d’autant que celle qui s’y prête occupe une position élevée
dans la quête de l’abstraction.
Que l’on quitte les zones de glaciation littéraire- fussent-elle éprouvées par les
chaleurs passantes de la mousson d’été - pour condescendre à respirer l’air
environnant dont s’abreuve tout un chacun, voilà qui justifie, dans une certaine
mesure, la reconnaissance du public.
ISABELLE RAYNAULD
Ce succès apparait comme le résultat d’une réaction « après coup » ; tout se
passe comme si les lecteurs n’avaient pas voulu manquer l’occasion de lire un
ouvrage de Marguerite Duras présenté comme accessible par ses premiers
lecteurs, et comme « décevant » par les partisans intransigeants d’une littérature
plus hermétique. L’exotisme du cadre y a certainement contribué, ainsi que le
caractère intrigant du titre : certains ont même pu penser y trouver des éléments
pornographiques.
MARC SAPORTA
Le nom et la réputation de Marguerite Duras ont pu servir de caution à un
certain voyeurisme : on savait que le livre était autobiographique, apportait des
révélations intimes sur un auteur connu, et traitait des amours d’une très jeune
collégienne avec un homme plus âgé, riche et d’une autre race, dans un cadre
exotique. Mais il ne faut pas exagérer l’importance de ce malentendu : il a
seulement servi de détonateur à un succès initial. Ce qui compte, c’est que la
réputation d’un écrivain, tenu pour compliqué, « intellectuel », engendre une
21
Chapitre I : Marguerite Duras : vie et œuvres
21
Chapitre I : Marguerite Duras : vie et œuvres
1
DURAS, MARGUERITE, l’Amour. Gallimard, Paris. 1971.
2
Selon Larousse Médical, l'Ankylose : Limitation partielle ou totale de la mobilité d'une
articulation.
Due à des lisions de l'articulation l'ankylose est presque toujours irréversible et ne doit
donc pas être confondue avec la raideur articulaire, qui elle, est transitoire. Elle peut être la
conséquence d'un traumatisme. (Fracture articulaire), d'une inflammation (arthrite aigué ou
chronique, rhumatisme poly articulaire) ou d'une arthrodèse (fusion chirurgicale des os de la
l'articulation).une ankylose partielle peut être améliorée par une kinésithérapie, efficace si elle
est entreprise tôt. Pour les ankyloses complètes, le seul traitement est chirurgical
3
Névrose caractérisé par la conversion corporelle d'un conflit psychique.
L'hystérie tire son mon du mot grec hustera, qui signifie " utérus" dans l'Antiquité, on
croyait que cet organe jouait un rôle particulier dans cette affection. L'étude qu'en firent, à la
fin du XIX siècle, Jean Martin charcot, Josef Breuer et Sigmund Freud a été capitale pour la
compréhension de la sexualité et l'élaboration de la première théorie psychanalytique.
Selon la psychanalyse, l'hystérie résulterait du refoulement d'un conflit œdipien non
résolu. La personnalité hystérique est très influençable malgré une froideur apparente; elle se
réfugie dans l'imaginaire (tendance au théâtralisme, à la mythomanie), souffre d'insatisfaction
sexuelle et joue un jeu ambigu de séduction et de mise à distance. Les crises hystériques, qui
surviennent souvent en public, peuvent revêtir des formes très diverses crise de nerfs, perte de
connaissance, paralysie, convulsions, œdème, troubles circulatoires, etc.
Elles sont sans cause organique: c'est un" langage corporel" par lequel l'hystérique exprime
ses conflits inconscients.
4
Adler, Laure, Marguerite Duras, Gallimard. Paris .1998.p428.
12
Chapitre I : Marguerite Duras : vie et œuvres
1
Vircondelet Alain, Duras, les éditions François Bourin. Paris.1991.P272.
2
Deleuze Gilles, Critique et clinique, les Editions de Minuit, Paris.1993.P14
12
Chapitre I : Marguerite Duras : vie et œuvres
11
Chapitre I : Marguerite Duras : vie et œuvres
1
PIERROT, Jean. Le cycle de Lol V. Stein. Marguerite Duras. Josi Corti, Paris 1986.P237
11
Chapitre I : Marguerite Duras : vie et œuvres
Il voulait revoir le lien d'un "bal" où il était allé dix-sept ans avant avec sa
fiancée. Quand il raconte à la femme qu'il y était allé, il lui dit qu'il n'avait pas
pu sortir par la porte par laquelle ils étaient sortis autrefois "séparés".
C'est la seule référence à la cause de la maladie de Lol l'abandon
fondamental du roman antérieur, Le Ravissement de Lol V Stein.
Cette scène correspond dans l'autre roman, à la scène essentielle de la
visite de Lol au Casino avec Jacques Hold, son amant.
Donc, comme dans l'histoire de Lol, on assiste à la quête de mémoire, à la
tentative d'une reconstruction de la mémoire, cette fois du côté de l'homme.
Dans L'Amour, la Femme, après qu'elle s'est couchée avec le Voyageur,
elle se souvient de son voyage à la plage (T. Beach dans l'autre roman), ainsi
que le ravissement, Lol se souvient de son départ de T. Beach après avoir fait
l'amour avec son amant Jacques Hold.
Mais L'Amour n'est pas seulement le "prolongement ou la variation de
l'histoire de "Lol", cela serait en dire peu.
L'étrangeté, le silence de ce roman s'avère significatif. Ainsi, il faut
chercher le sens dans d'autres éléments, vu que le narrateur et les personnages
parlent peu. L'espace se révèle un élément très important parce que la mer sera
le décor de presque toutes les scènes de ce roman.
La mer n'est pas décrite, elle est vue, observée surtout par le voyageur et par la
Femme.
Elle est sombre pendant presque toute la narration; les épithètes utilisées
le montrent et ils vont se répéter plusieurs fois dans le roman.
On dirait qu'ils sont au bord du "gouffre". Le Voyageur est venu à S.Tahla
pour se tuer; la Femme attend un bébé dans des mauvaises conditions, et on ne
connaît rien à l'égard du prisonnier/ Fou sauf qu'il marche tout le temps, on ne
sait pas pourquoi.
La ville S.Thala est une étrange ville: donc on n'est pas sûre d'être devant
une ville vraie, symbole de toutes les villes modernes, ainsi, c'est une vision
11
Chapitre I : Marguerite Duras : vie et œuvres
11
Chapitre II : le romancier et ses personnages
« C’est un être de papier. Sa relation avec la réalité est variable ; il peut être
une fiction pure, une composition à partir de plusieurs « modèles », un
personnage historique intégré sous son nom à l’histoire racontée [……] Ou
inversement un personnage dont le nom est fictif mais qui recouvre le portrait
d’une personne existante »2
1
Gardes-Tamine, Joelle et Marie Claude, Hubert, Critica : dictionnaire de critique littéraire, Cérès, Tunis, 1998,
pp.213-214.
2
Milly, Jean, Poétique des textes, Armand Colin, Paris, 2005. p.42.
28
Chapitre II : le romancier et ses personnages
Narr’Havas est le roi des Numides, et Matho incarne les barbares, Ecartelée
entre le « civilise » et le « sauvage », entre un désir refoulé et le souci de sa
dignité, Salammbô demeurera victime de cette contradiction.
1
Goldenstein, Jean-Pierre, Lire le roman, De Boeck, Paris, 2005. p.50.
29
Chapitre II : le romancier et ses personnages
Chez Beckett, chez Le Clézio, le personnage réduit à une initiale ou à une voix.
Ionesco mélange ces différentes hypostases du personnage dans Rhinocéros.
1
Tisset, Carole, Analyse linguistique de la narration, Sedes, Paris, 2000, p.26
2
..Beaumarchais, Jean-Pierre et Al. Dictionnaire des littératures de langue française, Bordas,Paris.1999.p.1864
3
Achour, Christiane et Amina Bekkat, Clefs pour la lecture des récits, Tell, Algérie, 2002. p.45.
30
Chapitre II : le romancier et ses personnages
Pour amener les personnages à la vie fictive du récit, donc ils ne sont pas
crées un à un : ils forment un ensemble organisé selon une structure propre à
chaque récit « caractériser un personnage de roman, c’est lui donner, bien que
dans la fiction, les attributs que la personne qu’il est censé représenter
posséderait dans la vie réelle »1
-Le comportement : (les actifs et les passifs, les forts et les faibles, les idéalistes
et les calculateurs).
1
Opcit, Lire le roman. p.59.
2
. Opcit, Dictionnaire des littératures de langue française, p.1865
31
Chapitre II : le romancier et ses personnages
1
Ibid.p.1865
2
Ibid.
32
Chapitre II : le romancier et ses personnages
Tableau n°01
Le personnage dans l’approche psychologique
Traditionnelle
axes Origine
Sexe idéologie Argent
géographique
Personnages
P1 + + + +
P2 + + + +
P3 + Ø Ø Ø
P4 + + Ø Ø
P5 + + Ø Ø
33
Chapitre II : le romancier et ses personnages
Tableau n°02
Les fonctions des personnages dans le récit
tion
P1 + + + + + +
P2 + + + + + +
P3 + + + + Ø Ø
P4 + + Ø Ø Ø Ø
P5 + Ø Ø Ø + Ø
P6 + 0 0 + + +
n…
34
Chapitre II : le romancier et ses personnages
II.1.4.1.1. Le nom
II.1.4.1.2. Le corps
II.1.4.1.3. L'habit
1
Hamon, Philippe, Pour un statut sémiologique du personnage, éd du Seuil, Paris, 1977.pp.124.125
2
Jouve, Vincent, Poétique du roman, Armand Colin, Paris, 1998, p.90.
35
Chapitre II : le romancier et ses personnages
II.1.4.1.4. La psychologie
II.1.4.1.5. La biographie
1
Ibid.p.90.
2
Ibid. p.91.
36
Chapitre II : le romancier et ses personnages
II.1.5.1. La qualification
II.1.5.2. La distribution
II.1.5.3. L'autonomie
Est aussi un indicateur de l' héroïté .Il conviendra donc de s'interroger sur
les modes de combinaison entre les différents acteurs, le héros est le seul lien
entre les multiples personnages secondaires qui surgissent de page en page dans
le récit.
II.1.5.4. La fonctionnalité
37
Chapitre II : le romancier et ses personnages
Le narrateur use son autorité sur le récit pour présenter sans ambiguïté un
personnage comme héroïque, par exemple le narrateur stendhalien joue de ces
dénominations qui donnent le lien affectif qui unit le narrateur à son héros.
Le personnage
L’être Le faire L'importance hiérarchique
* le nom * les rôles thématiques * la qualification
* les dénominations * les rôles actantiels * la distribution
* le portrait * l'autonomie
le corps * la fonctionnalité
l'habit * la prédésignation conventionnelle
le psychologique * le commentaire explicite du narrateur
le biographique
Source : Vincent Jouve, Poétique du roman, éd Arman colin, Paris, 2007, p95.
1
Opcit. Lire le roman, p.52.
38
Chapitre II : le romancier et ses personnages
Tableau n°03
Le modèle actantiel d’A.J.Greimas.
Destinateur L'impulser le
savoir communication
Destinataire Le bénéficiaire
Source : Achour, christiane et Bekkat, Amina, Clefs Pour la lecture des récits,
convergences critique II, éd du Tell, Algérie, 2002, p.48.
Source :Achour, christiane et Bekkat, Amina, Clefs Pour la lecture des récits, convergences
critique II, éd du Tell, Algérie,2002,p.48.
39
Chapitre II : le romancier et ses personnages
Tableau n°04
La distinction entre l’être et le faire du personnage dans l’analyse du récit.
Modes de A B C D E F
détermi-
nation Qualifi Qualifi- virtu- Virtua- action Action
-cation cation alité lité unique réitérée
Personnages unique réitérée unique réitérée
P1 + Ø + Ø Ø Ø
P2 + Ø Ø + Ø +
P3 Ø + Ø + Ø +
P4 Ø + Ø + Ø
1
Op.cit.p 1865.
2
Ibid.
3
Ibid.
40
Chapitre II : le romancier et ses personnages
1
Ibid.
2
Ibid.
3
Zeraffa, Michel, Personne et personnage, Klincksieck, Paris, 1969, p.457.
4
Toursel, Nadine et Jacques, Vasseviere, Littérature: textes théoriques et critiques, Armand Colin, Paris, 2008,
p. 173.
5
Allemand. Roger-Michel, Le nouveau roman, Ellipses. Paris, 1996, p.50.
41
Chapitre II : le romancier et ses personnages
1
Théma encyclopédie Larousse, Larousse, Paris, 1997, p.128.
2
Butor, Michel cité par Kebrat, Marie-Claire, in Leçon littéraire sur l'emploi du temps, PUF, Paris, 1995, p.10.
42
Chapitre II : le romancier et ses personnages
publié des romans et Robbe-Grillet lui-même avait écrit un régicide, qui avait
été refusé par les éditeurs et ne sera publié que plus tard.
2- il n'y a pas eu d'école du Nouveau Roman. Alain Robbe-Grillet, Claude
Simon, Nathalie Sarraute, Marguerite Duras et Michel Butor, ces écrivains, très
divers, n'ont en commun que le projet de renouveler, chacun à sa manière, les
formes romanesques Robbe-Grillet et son livre "Pour un nouveau roman" a
permis une clarification esthétique et théorique.
3- Marguerite Duras est une très bonne représentante, d'un roman nouveau,
dont les nouvelles techniques romanesques reparaissent discrètement dans son
œuvre Moderato Cantabile en particulier.
En 1957, Alain Robbe-Grillet rejette parmi "les notions périmées" le
personnage de roman."Aucune des grandes œuvres contemporaines ne
correspond en effet sur ce point aux normes de la critique"1
Alain Robbe-Grillet agit contre les principes du roman traditionnel en
remettant en question le statut du personnage "croit on d'ailleurs que c'est par
hasard que ces trois romans sont écrits à la première personne ?). Beckett
change le nom et la forme de son héros dans le cours d'un même récit.Faulkner
donne exprès le même nom à deux personnes différentes. Quant au K. du
château, il se contente d'une initiale, il ne possède rien, il n'a pas de famille pas
de visage ; probablement même n'est-il pas du tout arpenteur"2
Le personnage du roman, du moins le personnage tel qu'on le voyait au
XIX siècle, fait d'un nom propre, d'une hérédité, d'une profession, d'un caractère
qui lui dicte son visage et ses actions.
"C'était important, un caractère, d'autant plus important qu'il était d'avantage
l'arme d'un corps à corps, l’espoir d'une réussite, l'exercice d'une domination.
C’était quelque chose d'avoir un visage dans un univers ou la personnalité
représentait à la fois le moyen et la fin de toute recherche"3
Dans un univers où l'homme est un numéro matricule, dit il ,le personnage
disparait : il donne des initiales pour identifier nombre de ses personnages :
A...dans La Jalousie (1957),"le romancier crée son propre jeu .Même
perception de lecteur très vive mais incomplète, pour le regard anonyme "4
1
Robbe-Grillet, Alain, Pour un nouveau Roman, Minuit, Paris, 2006, p. 27.
2
Ibid. p. 28.
3
Ibid.
4
Bancquart, Marie-Claire et Pierre, CAHNE Littérature française du XX siècle, PUF, Paris, 1992, p. 407.
43
Chapitre II : le romancier et ses personnages
«Ainsi les yeux de A... devraient rencontrer la fenêtre grande ouverte qui
donne sur le pignon ouest, face à laquelle elle se coiffe devant la petite table
agencée pour cet usage, munie en particulier d'une glace verticale qui réfléchit
le regard en arrière, vers la troisième fenêtre de la chambre, la partie centrale
de la terrasse et l'amont de la vallée.
La seconde fenêtre, qui donne au midi comme cette dernière, est
seulement plus proche de l'angle sud-ouest de la maison ; elle aussi est ouverte
en grand. Elle montre le côté de la table-coiffeuse, la tranche du miroir, le profil
gauche du visage et les cheveux défaits qui tombent librement sur l'épaule, le
bras gauche qui se replie pour atteindre la moitié droite de la chevelure.
Comme la nuque s'incline de biais sur ce côté, le visage se trouve légèrement
tourné vers la fenêtre. Sur la plaque de marbre aux rares traînées grises sont
alignés les pots et les flacons, de tailles et de formes diverses ; plus en avant
repose un grand peigne d'écaillé et une seconde brosse, en bois celle-ci, à
manche plus long, qui présente sa face hérissée de soies noires.»2
A et X dans L’Année dernière a Marienbad (1961), L, N, M dans
L’Immortelle ; « le stéréotype de l’orient. Admire-t-on une mosquée ancienne,
on apprend que cette ancienneté est fausse .Le cimetière ou se trouve « l »est-il
lui aussi un faux cimetière pour touristes ?en ruines, ou en
restauration ? « L »est-elle morte au volant, ou étranglée au cours d’une scène
de sadisme par « N » ?chaque image est évidente, mais l’ensemble ne
« tient »« pas »3. On devait en avoir une preuve éclatante avec dans le
Labyrinthe (1959), l’auteur insiste sur le caractère fictionnel d’une histoire ou
se mêlent le réel et le virtuel. « Un soldat, chargé de remettre aux parents d’un
de ses camarades tué un coffret de lettres et d’objets sans valeur, erre dans les
1
Nadeau, Maurice, Le roman français depuis la guerre, Gallimard, 1970, p.150.
2
Robbe - Grillet, Alain La. Jalousie, Minuit, Paris1957, p. 66
3
Opcit, Littérature française du XX siècle, p. 408.
44
Chapitre II : le romancier et ses personnages
1
Opcit, Le roman français depuis la guerre, p.151.
2
Ibid.p.408.
3
Ibid .; p.409.
4
Sarraute, Nathalie,Portrait d’un inconnu,cité par Allmand,Roger-Michel,in le Nouveau Roman,éd ellipses,
Paris,1996,p.77.
5
Ibid., p. 411.
6
Yanoshevsky, Galia, Les discours du Nouveau Roman, Presse universitaires du septentrion, Paris, 2006, p.43.
7
Ibid.
45
Chapitre II : le romancier et ses personnages
Dans Martereau(1953), est un récit qui se passe de toute anecdote dont les
humains qu’on voit s’y agiter : un grand père, sa petite fille, ou le dénommé
Marterau ne possèdent même pas de frontières individuelles. « Oui , qui ?je me
le demande aussi...et puis non ,ce n’est pas vrai, je le sais depuis
toujours…mois.
Je ne suis rien...personne, figurez–vous...un vide un appel d’air... »1
Nathalie Sarraute décrit « les mouvements de forces vivantes, d’appétits ou de
désirs qui tantôt s’affrontent, tantôt s’agglomèrent tantôt se divisent, à la façon
de ces êtres organiques placés tout au bas de l’échelle animale qui se rétractent
sous l’action d’un acide ou poussent au loin leurs pseudopodes »2.
Dans « Tropisme »1939 au travers de personnages non définis, Nathalie
Sarraute suggère l’existence d’un « sous –monde » une analyse de la « sous
conversation »il ya des paroles que l’on dit pas « on y voit des humains en
groupes (Femmes Jacassant dans un salon de thé, passants contemplant une
vitrine) agites de soubresauts divers, déterminés par le lieu, la circonstance ;la
« situation »3
Derrière la simplicité humble de Tropisme, « on peut voir une ambition absolue
de l’artiste moderne qui refuse de s’enfouir, encore une fois, dans l’exploration
vaine et vieillie des passions de l’histoire et de la mémoire »4. Car l’homme
n’est pas un caractère ni une histoire « il est cette existence incertaine d’elle –
même qui se ressaisit dans son identité se vide souvent de sa relation
authentique à elle –même pour s’abandonner au bavardage »5.
Dans le Planétarium(1959),l’auteur démontre que le langage conventionnel
et les comportements en société cachent des passions violentes mais aussi la
haine :la relation à autrui, qui est tyrannie agressivité, ici, les individus sont plus
visibles «ce que l’auteur suggère par le titre même de son roman c’est que
chacune de ces individualités se meut , autonome et fermée, à l’intérieur d’un
système ou elles s’attirent, se heurtent, se repoussent, le plus souvent avec une
1
Opcit, le nouveau roman, p. 50.
2
Opcit, Le roman français depuis la guerre, p. 152.
3
Ibid., p. 152.
4
Opcit, Littérature française du XX siècle, p.411.
5
Opcit.le Nouveau roman, p.411.
46
Chapitre II : le romancier et ses personnages
1
Op.cit., Le roman français depuis la guerre, p. 153.
2
Ibid.
3
Op.cit, Littérature française du XX siècle, p. 415.
4
Nathalie Sarraute, Le Planétarium, Gallimard, Paris, 1959, pp.243-244.
5
Opcit, Le roman français depuis la guerre, pp.151-152.
47
Chapitre II : le romancier et ses personnages
1
Opcit, Leçon littéraire sur l'emploi du temps, pp.3-4.
2
Ibid. p.4.
3
Ibid., pp.3-4.
4
Ibid.p.154.
5
Ibid. p. 1.
6
Op.cit, Littérature française du XX siècle, p.403.
7
Ibid. p. 7.
48
Chapitre II : le romancier et ses personnages
1
Ibid., p.51.
2
Ibid. p.8.
3
Op.cit, Le roman français depuis la guerre, p. 155.
4
Op.cit, Leçon littéraire sur l'emploi du temps, p.16.
49
Chapitre II : le romancier et ses personnages
1
Ibid, p.50.
2
Opcit, Leçon littéraire sur l'emploi du temps, p.100.
50
Chapitre II : le romancier et ses personnages
1
Ricardou, Jean, Le nouveau roman suivi des raisons de l’ensemble, Seuil, Paris, 1973, p. 144.
2
Potelet, Hélène, Mémento de littérature française, Hatier, Paris, 1990, p. 140.
51
Chapitre II : le romancier et ses personnages
Un des deux garçons veut sortir, c’est le plus âgé, c’est Henri, c’est ainsi
que sera Henri dans un ou deux ans, mais mieux mis, plus élégant, parceque
vous lui avez donne une bien meilleure éducation, certes un peu moins costaud,
mais ce n’est pas cela qui le gênera avec les diplômes qu’il aura, et le fait que
vous soyez séparé de sa mère ne vous empêchera pas de continuer à le voir
quand vous voudrez, quand cela vous plaira à tous les deux, au lieu que ce la
soit cette pesante obligation chaque soir à table, au lieu que ce soit dans cette
pesante et bruyante cohabitation, de continuer a surveiller ses études, de le
pousser dans la vie un peu plus tard, de lui donner tout l’appui possible, ne
l’empêchera pas de vous rendre visite quand vous serez installe chez Cécile, de
venir déjeuner chez vous, de vous emmener voir de quelle façon il aura arrangé
sa chambre, quinze place du Panthéon, un jour ou il saura qu’Henriette est
sortie ;
Le fait que vous soyez séparé de sa mère ne veut empêchera pas au bout d’un
certain temps, vous savez que cela ne pourra pas vous en empêcher, de venir la
voir quelquefois ; vous vous cacherez de Cécile.
Voici que passe un autre tunnel un peu plus long.»1
Pinget dans (In : Nouveau Roman hier aujourd’hui : «tout ce qu’on peut
dire ou signifier ne m’intéresse pas mais la façon de le dire »2.
«Point n’est donc besoin de multiplier les exemples pour voir que les
personnages néo-romanesque n’ont plus grand-chose d’humain : ils deviennent
des " lambeaux informes, [des] ombres tremblant [des], spectres [des] goules» 3.
Dit Sarraute dans Portrait d’un Inconnu.
Claude Simon dans la Route des Flandres, Le Palace, Histoire cherche
« la perception confuse, multiple et simultanée du monde »4. Tel est le projet
initial de Claude Simon.
Le narrateur d’Histoire retrouve la maison familiale désertée, les images
de son enfance viennent en une seule coulée textuelle :
« […] assises là dans leurs fauteuils pliants aussi sévères aussi rigides que
dans le solennel décor du salon, aussi irréelles avec leurs sombres robes leurs
1
Michel Butor, la Modification, Minuit, «Double», Paris.1957 (réédition, 1985), pp. 155.156
2
Opcit, le nouveau roman, p. 51.
3
Ibid., p.52.
4
Opcit, Littérature française du XX siècle, p.425.
52
Chapitre II : le romancier et ses personnages
écharpes claquant dans le vent, tout (le tardif soleil de septembre, le sable blanc,
le bruit frais des vagues ,les cris des enfants, les éclaboussures) irréel aussi, leurs
voix dolentes, irréelles chuchotant toujours, me parvenant comme si elles
n’avaient jamais arrêté ,n’arrêteraient jamais, continuant à chuchoter et à Gémir
entre les murs au papier maintenant moisi, à demi décollé ,taché de rectangles,
d’ovales palis, à la place des tableaux décrochés […] »1
Dans Moderato Cantabile (1958) c’est une non histoire d’amour, l’amour
comme possibilité –impossibilité dans le texte, Duras évoque les déambulations
d’un homme, non nommé, autour de la maison :« les premiers hommes
entrèrent. L’enfant se fraya un passage à travers eux, curieux, et arriva jusqu'à sa
mère, qui le prit contre elle dans un mouvement d’enlacement machinal.
- Vous êtes Madame Desbaresdes. La femme du directeur d’Import Export
et des fonderies de la Côtes. Vous habitez boulevard de la Mer.
Une autre sirène retentit, plus faible que la première, à l’autre bout du quai. Un
remorqueur arriva. L’enfant se dégagea, d’une façon assez brutale, s’en alla en
courant.
- Il apprend le piano, dit-elle. Il a des dispositions, mais beaucoup de
mauvaise volonté, il faut que j’en convienne.
Toujours pour faire place aux hommes qui entraient régulièrement très
nombreux dans le café, il se rapprocha un peu plus d’elle. Les premiers clients
s’en allèrent. D’autres arrivèrent encore. Entre eux, dans le jeu de leurs allées et
venues, on voyait le soleil se coucher dans la mer, le ciel qui flambait et l’enfant
qui, de l’autre cote du quai, jouait tout seul à des jeux dont le secret était
indiscernable à cette distance. Il sautait des obstacles imaginaires, devait
chanter.
- Je voudrais pour cet enfant tant de choses à la fois que je ne sais pas
comment m’y prendre, par où commencer. Et je m’y prends très mal. Il faut que
je rentre parce qu’il est tard.
- Je vous ai vue souvent. Je n’imaginais pas qu’un jour vous arriveriez
jusqu’ici avec votre enfant.
1
Simon, Claude, Histoire, cité par Bancquart, Marie-Claire et Pierre, Cahne, in Littérature française du XX
siècle, pp425 .426
53
Chapitre II : le romancier et ses personnages
1
Marguerite Duras, Moderato cantabile, Minuit, Paris «Double» 1958(réédition, 2001), pp.31-32.
2
Pages-Pindon, Joëlle, Marguerite Duras. Ellipses, Paris, 2001, p. 23.
3
Duras, Marguerite, Hiroshima mon amour, scénario et dialogues, Gallimard, Paris, 1960, p 22
4
Duras, Marguerite, Le ravissement de lol V Stein, Gallimard, Paris, 1964, p. 11
54
Chapitre II : le romancier et ses personnages
Voici, tout an long, mêlés, à la foi, ce faux semblant que raconte Tatiana
Karl et ce que j’invente sur la nuit du Casino de T.Beach. A partir de quoi je
raconterai mon histoire de lol V. Stein. »1
1
Opcit, Le ravissement de lol V Stein, pp. 11 et 14
2
Duras, Marguerite cité par Roger-Michel, Allemand in Le nouveau roman, p. 50.
3
Marguerite, Duras, L’Amour, Gallimard, Paris, 1971, pp.9.10
4
Ibid.
55
Chapitre II : le romancier et ses personnages
code pour l’imagination, incite le lecteur à entrer dans l’ouvre et a en créer pour
lui-même les mouvements intérieurs.
56
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
1
Barthe. Roland, cité par Trouvé. Alain in le roman de la lecture, critique de la raison littéraire, Mardaga,
Belgique, 2004, P.21.
59
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
III.3.3 Epure géométrique des personnages dans le Nouveau Roman :
" L'Amour " :
L'écriture devient une sorte d'exorcisme contre le mal de vivre, la solitude
et l'incommunicabilité, fléaux du monde contemporain.
Le Nouveau roman hait l'idée de "héros ", le personnage cesse d'être le
centre du récit : il pourrait à la rigueur n'être plus que l'objectif de la géométrie
qui représente le personnage par sa projection sur trois plans perpendiculaires.
Autrement dit, la représentation de l’Amour ou d'un passé marqué par une
homographie d'un plan projectif réel, cette représentation des applications
linéaires en dimensions 3 fournit la forme ci-dessous d'après le nombre et la
nature de leurs points fixes.
M
R F
Duras s'est tourné vers la géométrie, peut être plus apte à rendre cette
exploration méticuleuse. Les trois personnages fantômes ne sont pas des
personnes composés systématiquement.
Le personnage durassien est constitué par une absence de caractère, une
absence d'identité et absence de volonté qu'il le rend à la fois une forme
géométrique qui se vide de toute motivation d'ordre sentimental.
Remarquons tout de suite que la femme aux yeux fermés s'oppose à
l'homme qui regarde en ce sens que, comme nous le verrons, ces derniers n'ont
à peu prés aucun lien avec d'autres qu'eux-mêmes, tandis que la femme aux yeux
Fermés et l’homme qui marche et l'homme qui regarde nous ne saurons rien en
dehors des rapports géométriques qu'ils sont avec autrui.
60
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
R F
61
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
III.4. Figures géométriques
« Un homme
Il est debout, il regard : la plage, la mer.
La mer est basse, calme, la saison est indéfinie, le temps, lent. […]
Entre l’homme qui regarde et la mer, tout au bord de la mer, loin,
quelqu’un marche. […]
A gauche, une femme aux yeux fermés.
Assise […].
Du fait de l’homme qui marche, constamment, avec une lenteur égale, le
triangle se déforme, se reforme, sans se briser jamais »12.
L’homme qui regarde, l’homme qui marche et la femme aux yeux fermés
sont des figures géométriques tracées sur le sable de la plage de S.Thala.
Marguerite Duras n’a cessé d’inventer une écriture épurée, on peut trouver
étrange qu’une telle écriture qui décrit une décomposition sans espoir et des
figures conduisant à une impossibilité d’être.
Duras nous livre des figures, des glissements, des gestes, des phrases et,
lorsqu’il s’agit des figures géométriques, le texte ne contient aucune explication.
(p1).
Dès lors, Duras tente, avec l’Amour, de donner, non seulement par le
langage, mais par la disposition des éléments du langage, les mots, les lettres,
l’œuvre durassienne est une série de constructions-déconstructions
intellectuelles très consciemment inconsciemment élaborées.
1
Duras, Marguerite, L’Amour, Gallimard, 1971.PP 09-10
62
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
La psychologie n’y joue à peu prés aucun rôle. En outre, l’inconvénient de
ce génie, C’est une grande monotonie qui entraîne parfois un ennui profond.
Cette œuvre, en effet, est à la fois forme et observation ; elle est le monde
et Duras Car la grande découverte de Duras, C’est que le monde est en nous,
qu’il est nous-mêmes. Quand aux êtres, sont des figures, C’est nous qui leur
donnons leurs dimensions ; l’indifférence les efface, l’amour et la mort, les
réduisent mesurèment.
63
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
Le regard géométrique
64
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
III.5. Regard géométrique
Le monde de Duras a la précision et la netteté des scènes angoissantes à
force d’étrangeté, justement parce que les regards sont représentés avec une
minutie apparente. Le roman est parcouru par de nombreuses scènes où le rôle
du regard est dominant.
Peut-être le regard est particulièrement impuissant puisqu’il ne permet pas
une pensée, il faut avoir recours aux mots.
Le roman met les relations d’un personnage à son environnement visuel.
D’une part, on relèvera les indices du monde extérieur en insistant sur un
regard géométrique.
«Un homme
Il est debout, il regarde : la plage, la mer.
Ses yeux sont clairs.
Il ne bouge pas, il regarde». (P 09)
«L’homme qui regardait passe entre la femme aux yeux fermés et l’autre
au loin, celui qui va, qui vient, prisonnier». (P 11)
«L’homme doit regarder la femme aux yeux fermés posée sur son chemin.
Oui. Le pas s’arrête. Il la regarde.
La femme est regardée». (P 12)
«L’homme qui regardait ferme les yeux à son tour sous le coup d’une
tentative qui l’emporte, le soulève, soulève son visage vers le ciel». (P 13)
65
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
«Le regard bleu revient, il se pose avec insistance sur le voyageur».
(P19)
«Elle se tient, le visage vers le sable. Lui regarde vers la digne celui qui
s’éloigne]… [
Il le regarde longtemps». (P 24)
«Elle le regarde lui, le voyageur, elle scrute les vêtements, le visage, les
mains». (P 27)
D’autre part, on démontre le paradoxe des yeux fermés « or, et c’est la
conséquence ultime de cette poétique du regard, à partir du moment où l’on ne
voit vraiment qu’en fermant les yeux »13C’est chez duras « qu’à partir du
manque on donne tout à voir »24
«A gauche, une femme aux yeux fermés. Assise». (P 10)
«Le triangle se ferme avec la femme aux yeux fermés». (P10)
«L’homme qui regardait passe entre la femme aux yeux fermés et l’autre
au loin, celui qui va, qui vient, prisonnier». (P 11)
1
Burgelin pierre, Lire Duras, Presse universitaire de Lyon ,2000.P104.
2
Ibid.p.105.
66
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
Le temps géométrique
67
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
III.6. Un univers géométrique
L’Amour est-il fait pour la lecture ou pour la représentation?
Le thème de l'espace et du temps domine d'emblée, Duras obsédée par la
géométrie des instants.
III.6.1 la géométrie dans le temps
Avec L'Amour, c'est encore une utilisation du temps, en l'occurrence
l'enchaînement bizarre de formes, qui nous interroge sur la nature même du
récit. Mais l'imagination du lecteur est bientôt solliciter tantôt par le triangle,
tantôt par la ville S-Thala, ou cette histoire se déroule. « […] dans le roman
traditionnel, on a toujours pensé d'une façon à mon sens naïve, qu'il s'agissait
simplement de traduire de la durée. A la page une naissance du bonhomme, à la
dix, ses premières amours, etc. Pour moi il ne s'agit pas du tout de traduire du
temps de la durée, mais de rendre de simultané.»15.
L’Amour a beau mettre en valeur la géométrie dans le temps en offrant
une forme circulaire qui compose le roman, cette série de moments censée nous
maintenir dans un perpétuel présent n'est pas interchangeable. « Les romanciers
contemporains considèrent volontiers le temps non plus seulement comme le
simple cadre de l'action, mais comme un élément de réflexion consubstantiel au
roman : remettre en question le temps, c'est repenser la nature même du
genre»26. C'est pour cette raison, l'Amour de Marguerite Duras comporte de
moins en moins de repères temporels. " Dans un nouveau roman, il serait
aberrant de tenter de reconstituer une chronologie de la narration. […] Le seul
temps véritable est celui l'écriture, la seule durée, celle du livre même"37.
Il s'agit alors, selon l'expression de Sarraute, d’"ouvrir le moment " on a souvent
voulu voir dans la peinture un art de l'espace et dans le roman un art du temps.
Jean Hytier notait qu'un roman "est une œuvre de langage qui se déroule dans le
temps"48.
De fait, Duras géomètre systématiquement le temps de l'histoire et,
refusant une représentation linéaire du temps, recours à une représentation
abstraite, Duras a choisi d'évoquer L'Amour, en s'appuyant sur des indicateurs
temporels volontairement maintenus dans le flou.
1
Simon. Claude cité par Roger-Michel, Allemand in Le nouveau roman, Ellipses. Paris, 1996, p. 60.
2
REY. Pierre Louis, Le Roman, Hachette. Paris, 1992, p.127.
3
Opcit, Le nouveau roman. p. 60.
4
Opcit, Lire le roman, p.131.
68
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
« Le jour baisse » (p10)
« Nuit » (p21)
« Jour » (p23)
« Trois nuit. Au matin, des mouettes sont morte sur la plage » (p32)
« Nuit » (p40)
69
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
L’espace durassien
70
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
III.6.1.1. Une série de rapports19
Les temps de la fiction et de la narration sont unis par une série de
rapports que l'on peut représenter graphiquement pour la simplification de
l'exposé, non sans laisser ainsi dans l'ombre maints problèmes techniques qui,
dans la réalité de l'écriture, s'avèrent nettement plus complexes. Nous
emprunterons à Jean Ricardou l'utilisation de schémas bi-axiaux qui malgré
l'arbitraire de leurs représentations (et notamment la question du chois des unités
pour les axes)n’en constitue pas moins des outils de réflexion appréciables pour
l'étude de la temporalité romanesque ainsi que des instruments de travail
pédagogique de tout premier choix.
Soient deux axes, que l'on supposera parallèles, orientés dans le même
sens. On portera sur l'un (N) les unités du temps de la narration (a, b, c, etc.) et
sur l'autre (F) celles du temps de la fiction (a', b', c', etc.).
La représentation graphique des liens qui unissent les divers segments axiaux
rendra compte schématiquement de la succession des séquences du texte, de la
vitesse du récit, des divers emplois de la temporalité dans la narration.
Envisageons tout d'abord le cas très fréquent où l'ordre de la narration ne
correspond pas à celui de la chronologie événementielle.
La figure de base s'ordonne alors auteur des trois principales dimensions
temporelles : le présent, le passé et l’avenir. Le présent fictionnel détermine
donc une sorte de degré zéro de la temporalité autour du quel s'articulent un
"avant " et un "après " consécutifs dans la narration correspondent trois
segment : a', b', c' discontinus sur l'axe de la fiction (figure 1)
N.
a b c
1
Voir Jean Ricardou, «temps de la narration, temps de la fiction», Problème du nouveau roman, Seuil, Paris
1967.P.161-170. Dans une section d’un ouvrage ultérieur, « l’extension scripturale», Le nouveau roman.
71
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
Après avoir examiné (figure1) considérons à présent les questions dans
l'Amour, l'eau et le sable qui sont d'abord paysage et décor. Mais plus que cela,
ils sont ce qu'ils ne désignent pas directement ; ils sont le temps, l'espace vide.
Figure -2-
Un nouvel univers durassien renvoie à un monde possible, à un système
fini, les fragments de l'Amour sont envahis par des micromouvements des
personnages- fantômes dans un ressassement infini des mots à l'instar des
regards. Un nouveau monde précis est mis en place dans ces structures
géométriques (triangle, rectangle, cercle).
Duras fournit l'illusion d'un temps tandis qu'il fonde la réitération du
remâchement perpétuel.
Il s'agit d'une vie mal dite, mal entendue, menée dans la tristesse, peut être
pas entièrement, peut –être qu’elle s'est déroulée sur la plage, dans la lumière et
pas seulement ici. Son histoire est parsemée d'images abstraites, de souvenirs
d'autres temps, d’autres personnages.
72
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
III.6.2. L’espace durassien
Il est vrai que la mer n'est pas décrite, ni présentée concrètement, mais il y a
un parallèle explicite entre le personnage et la mer.
Cette présence c'est-à-dire la mer est très sensible parce que le lecteur
apprend peu les choses, il ne sait pas pourquoi l'étrangeté et le silence de
1
Opcit, Lire le roman, p.103.
2
Ibid.
73
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
L'Amour en relation avec la mer s'avère significatif. Donc, pas de temps défini,
juste l'illusion d'un jour et nuit, d'un présent, pas d'espace décrit.
"Pour le romancier, décrire c'est à la fois fatalement écrire et choisir"112
Si ce n'est pas S.Thala, juste l'illusion aux grandes villes avec leur complexité,
une vision qui reflète un vide intérieur.
En ce qui concerne la mer, Duras a fortement souligné son caractère
destructeur. Tout cela renvoie à un univers géométrique, répétitif, cet univers
meuble ce monde en s'y intégrant presque complètement.
Cet univers d'aspect apocalyptique par excellence, devient le lien ou toute issue
ne reste qu'imaginaire.
« La mer, la plage, il ya des flaques, des surfaces d’eau calme isolées » (p09)
« Au matin, des mouettes sont morte sur la plage. Du côté de la digne, un dieu,
le chien mort est aux piliers d’un casino bombardé » (p 32)
« Il entre dans l’espace clos, seul, la porte se referme. Tout à coup, avec lui,
l’iode de la mer, le sel, la fulgurance bleu des yeux du plein jour, de nuit
pleine » (p38)
1
Opcit, Lire le roman, p.110.
74
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
76
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
1
FERRARI, Silvia, L’art du XX siècle peinture, sculpteurs, architecture, les grands mouvements, Club France
loisirs, Paris, 2000, p. 88-89.
2
Ibid.
3
Robbe-Grillet, Alain, Pour un nouveau Roman, Minuit, Paris, 2006, p.28
77
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
A partir de la notion d’Einflühlung, déjà formulé dans la philosophie allemande,
qui exprime une sorte de communion, entre l'être humain et le monde extérieur,
reflet d'un équilibre spirituel, l'auteur conçoit un état d'âme opposé.
III.7.2 Pourquoi l'art abstrait?
Pour Bill, l'art est écrit en langage mathématique, tout comme l'était la
nature pour Galilée, mais, de même que la nature est source d'émotions, la
mathématique est source de merveille.
Max Bill, ne se prive d'aucun canal d'expression : il est architecte, peintre,
sculpteure, graphiste, designer, chef d'orchestre, en ce sens, il est une des
personnalités exemplaires de cette époque.
La subjectivité de la vie, avec un certain nombre de caractères romantiques,
s'impose encore contre la raison et, dans l'art abstrait, elle ne peut que considère
le réel objectif comme un adversaire : vie et réalité sont donc deux catégories
bien distinctes, qui ne peuvent communiquer et qu'on ne peut relier.
Il faut signaler que l'abstraction, prise dans le sens de tendance qui abolit toute
apparence propre à rappeler la réalité empirique, mais aussi c'est une abstraction,
sans aucun doute, qui passe la main à l'irrationnel, ou flou imprécis des états
d'âme.
Il faut même insister sur le fait que ce sont justement les artistes que l'on
qualifie d'abstraits qui, plus que tous les autres, souhaitent que l'esthétique
investisse tous les domaines vitaux, et qu'il se prodiguent non seulement pour
l'interdisciplinarité, mais aussi pour la confusion entre formes inutiles et formes
utiles. C'est un peu le problème de toutes les grandes écoles modernes à
ouverture consciente.
78
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
un corps fragmenté
80
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
III.8. La mise en écriture du corps dans l'Amour:
124 unités
lexicales Nº Duras, Marguerite, Gallimard, 1971 page
écrites pour le
physique
41 01 "Il regarde" 09
manifestations 02 "l'homme qui marche ne regarde pas" 10
pour les yeux 03 "une femme aux yeux fermés" 10
04 "l'égarement de son regard" 15
05 "elle ouvre les yeux" 15
06-07 "ses yeux sont bleus, d'une transparence
frappante" 17
08 "le regard bleu est d'une fixité 18
engloutissant"
09 "son regard bleu inspecte à son tour
l'espace" 29
10 " ses yeux s'ouvrent douloureusement" 34
11 " la fulgurance bleue des yeux" 38
12 " les yeux bleus à leur tour se
remplissent de larmes" 39
13 "elle dort les yeux ouvert" 49
14 " son regard absent" 49
15 "ses yeux brillent" 65
81
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
82
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
83
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
10 pour le
corps 01 "mains à moitié enfuies dans le sable,
immobiles comme le corps" 12
2 " ils vont autour du corps endormi" 48
3 " le corps s'emporte" 66
84
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
85
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
2 pour les 1-2 " ses pieds sont nus sur la pierre de la
pieds terrasse" 74
86
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
Le regard bleu
87
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
III.9. figures emblématique sous le signe de la mer
Pour pouvoir apprendre plus sur ce que font et pensent les trois personnages
c'est-à-dire : la femme enceinte aux yeux fermés, l'homme qui regarde et
l'homme qui marche, il sera mieux instruit sur l'état de la mer. Duras évoque
seulement la plage sablonneuse de la ville S.Thala.
Beaucoup de phrases qui précisent que la mer est calme, que la marée est
basse, la mer s'approche ou encore que le bruit de la mer recommence. Un peu
d'intrigue et la forte présence de, la mer deux traits qui donnent au texte son
caractère particulier.
«La mer est déjà oxydée par la lumière obscure, de même que le ciel. Trois,
ils sont trois la lumière obscure, le réseau de lenteur.
« Au- delà de la digue, une autre ville, bien au-delà, inaccessible, une
autre ville, bleue, qui commence à se piquer de lumières électroniques. Puis
d'autres villes, d'autres encore: la même.
Il a atteint la digue.il ne l'a pas dépassée.
Il s'arrête. Puis, à son tour, il s'assied.
88
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
Il s'est assis sur le sable face à la mer. Il cesse de regarder quoi que soit, la plage,
la mer, l'homme qui marche, la femme aux yeux fermés.
Pendant un instant personne ne regarde, personne n'est vu:
Ni le prisonnier fou qui marche toujours le long de la mer, ni la femme
aux yeux fermés, ni l'homme assis.
Pendant un instant personne n'entend, personne n'écoute.
Et puis il y a un cri:
L'homme qui regardait ferme les yeux à son tour sous le coup d'une tentative qui
l'emporte, le soulève son visage vers le ciel, son visage se révulse et il crie»
(p13).
«Un cri. On a crié vers la digue.
Le cri a été proféré et on l'a entendu dans l'espace tout entier, occupé ou vide. Il
a lacéré la lumière obscure, la lenteur. Toujours bat le pas de l'homme qui
marche, il ne s'est pas arrêté, il n'a pas ralenti, mais elle, elle a relevé légèrement
son bras dans un geste d'enfant, elle s'en est recouvert les yeux, elle est restée
ainsi quelque secondes, et lui, le prisonnier, ce geste, il l'a vu: il a tourné la tête
dans la direction de la femme.
Le bras est retombé.
L'histoire. Elle commence. Elle a commencé avant la marche au bord de la mer,
le cri, le geste, le mouvement de la mer, le mouvement de la lumière.
Mais elle devient maintenant visible. C'est sur le sable que déjà elle s'implante,
sur la mer.
L'homme qui regardait revient.
De nouveau on entend son pas, on le voit, il revient de la direction de la
digue.son pas est lent.son regard est égaré» (p14).
89
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
Elle blanchit, elle se change, change. Il dit:
- La lumière change.
Elle se tourne vers lui, à peine, elle parle.
Sa voix est claire, d'une douceur égale qui effraierait.
- vous avez entendu on a crié.
Son ton ne demande pas de réponse. Il répond.
- J'ai entendu.
Elle se retourne vers la mer.
- Vous été arrivé ce matin.
- C'est ça.
Le dessin des mots est très clair. Elle montre autour d'elle, l'espace, elle
explique: » (p 16).
Le voyageur montre une fascination pour la mer que pour la femme enceinte:
« La colère, la plainte vient de cesser.
Un dernier flot de paroles sort de lui.ses yeux brillent et se ferment, face à la
paix des eaux.
- Objet du désir absolu, dit-il, sommeil de nuit, vers cette heure-ci en général
ou qu'elle soit, ouverte à tous les vents- il s'arrête, il reprend- objet de désir,
elle est à qui veut d'elle, elle le porte et l'"embarque, l'objet de l'absolu désir.
Ses yeux s'ouvrent. Il se tourne vers cet autre homme, le voyageur, puis vers elle
qui dort, puis son regard traverse SThala, se perd.
90
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
Elle la montre, c'est la mer du matin, elle bat, verte, fraiche, elle avance, elle
sourit, elle dit:
- La mer.
Elle s'arrête de nouveau. Il continue à marcher. Elle recommence à regarder
derrière.
- Venez encore.
- Je dois repartir.
Elle ne suit jamais que l'autre homme de S.Thala, elle doit avoir peur de suivre
le voyageur.
Il s'assied, il l'appelle.
- Venez près de moi. Nous nous arrêterons là.
Elle vient. Elle s'assied prés de lui. Elle se tait.
Puis elle cherche sur la plage cet autre homme.» (p56)
Duras est une créatrice imaginaire à travers la mer. On peut en effet noter
l’importance de la mer, un espace qui évoque encore « symbole de la dynamique
de la vie. Tout sort de la mer et tout y retourne: lieu des naissances, des
transformations et des renaissances. Aux en mouvement, la mer symbolise un
état transitoire entre les possibles encore informels et réalités formelles, une
situation d'ambivalence, qui est celle de l'incertitude, du doute, de l'indécision et
qui peut se conclure bien ou mal. De là vient que la m er est à la fois l'image de
la vie et celle de la mort"1
Pour la première fois, il ya l'occurrence du pronom "elle"; "elle sourit, elle dit"
renvoient à la femme, mais par contre "elle bat": c'est la mer, "elle avance"
s'applique à la femme et la mer à la fois. Le fusionnement de la femme aux yeux
fermés avec la mer, donc, un emploi ambigu du pronom elle.
"L'engouffrement de la mer" (p 44)
" L'engouffrement du sel perd de sa force" (p 47)
La répétition de ce mot nous indique la condition psychologique des trois
personnages parce que rien n'est suggéré dans l’Amour.
L'insistance sur la mer est signification c'est Bachelard qui dit:" l'imagina-tion
du malheur et de la mort trouve dans la matière de l'eau une image matérielle
particulièrement puissante"2
1
Chevalier, Gheerbrant. Alain, Dictionnaire des symboles, Robert Laffont, Paris 1982, p623.
2
Bachelard, Gaston, L'eau et les rêves, José corti, Paris ,1949.P122.
91
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
On peut comprendre le malaise, l'homme qui regarde la femme aux yeux
fermé et l'homme qui marche sont tous en proie à une douleur secrète et
énigmatique.
La femme et l'homme sont toujours étouffés par un ennui insondable dans
les contraintes de la vie sociale.
Une écriture bouleversante, syntaxe disloquée, phrase elliptique, une
grammaire très primitive qui semble être définitivement la manière durassienne.
Dans la moiteur insupportable dans "la saison indéfinie"(p09) et dans "le temps
lent"(p09) une douleur indicible en un cri désespéré aux limite de la folie.
Pareil immobilisme apparait plus clairement encore dans l'Amour.
« …Regarder la femme aux yeux fermés posée sur son chemin.
Oui. Le pas s'arrête. Il la regarde.
L'homme qui marche le long de la mer et seulement lui, conserve son
mouvement initial. Il marche toujours de son pas infini de prisonnier.
La femme est regardée.
Elle se tient les jambes allongées. Elle est dans la lumière obscure, encastrée
dans le mur. Yeux fermés.
Ne ressent pas être vue. Ne sait pas être regardée.
Se tient face à la mer. Visage blanc. Mains à moitié enfouies dans le sable,
immobiles comme le corps. Force arrêtée, déplacée vers l'absence. Arrêtée dans
son mouvement de fuite. L'ignorant, s'ignorant.
Le pas reprend.
Irrégulier, incertain, il reprend.
Il s'arrête encore.
Il reprend encore.
L'homme qui regardait est passé. Son pas s'entend de moins en moins.
On le voit, il va vers une digue qui est aussi de la femme que l'est d'elle le
marcheur de la plage. Au- delà de la digue, une autre ville, bien au-delà,
inaccessible, une autre ville, bleue, qui commence à se piquer de lumières
électroniques. Puis d'autres villes, d'autres encore: la même.
Il a atteint la digue.il ne l'a pas dépassée.
Il s'arrête. Puis, à son tour, il s'assied.
Il s'est assis sur le sable face à la mer. Il cesse de regarder quoi que soit, la plage,
la mer, l'homme qui marche, la femme aux yeux fermés.
Pendant un instant personne ne regarde, personne n'est vu:
Ni le prisonnier fou qui marche toujours le long de la mer, ni la femme aux yeux
fermés, ni l'homme assis.
Pendant un instant personne n'entend, personne n'écoute.
92
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
Et puis il y a un cri:
L'homme qui regardait ferme les yeux à son tour sous le coup d'une tentative qui
l'emporte, le soulève son visage vers le ciel, son visage se révulse et il crie.
Un cri. On a crié vers la digue.
Le cri a été proféré et on l'a entendu dans l'espace tout entier, occupé ou vide. Il
a lacéré la lumière obscure, la lenteur. Toujours bat le pas de l'homme qui
marche, il ne s'est pas arrêté, il n'a pas ralenti, mais elle, elle a relevé légèrement
son bras dans un geste d'enfant, elle s'en est recouvert les yeux, elle est restée
ainsi quelque secondes,
Et lui, le prisonnier, ce geste, il l'a vu: il a tourné la tête dans la direction de la
femme.
Il se pose, il regarde.
Brusquement il voit le hall.
Tout autour de lui, le hall.
Il le regarde.
Ses yeux brillent. L'obscurité est presque totale.il regarde comme en plein jour.
Longuement.
Il bouge.
Il va vers le balcon, il se retourne, regarde encore fixement. Revient encore.
Passe encore devant le voyageur assis dans la pénombre, ne le voit plus, ne voit
que le hall.
Tout à coup, il s'immobilise au milieu de la piste, montre l'espace, d'écrit…
(p65)
- «A mon avis, l'île est sortie en premier-il montre la mer de là.S.Thala est
arrivée après, avec la poussière il ajoute- vous savez? Le temps…
Le silence commence par un espacement des départs de bateaux.il dit:
93
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
- Le silence commence par un espacement des temps.
La plainte vient de s'espacer.
- Regardez.
Une vallée d'eau commence à se bâtir entre les berges de vase. Aux
embouchures, une différence commence à se voir: la mer s'ourle de blanc, le sel
se répare, ne pénètre plus. Les pentes d'eau sont comblées». (p47)
94
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
III.10. figures emblématiques sous le signe de la lumière
Les trois personnages, la femme aux yeux fermés, l'homme qui marche et
l'homme qui regarde évoluent sous le signe de la lumière.
Pourtant, le lecteur apprend qu'il est en quelque sorte lié à la lumière. Il est
vrai que Duras géomètre même la lumière et le soleil à la fois: "Entre lui et eux,
il ya un rectangle de soleil"(p89)," personne ne franchit le rectangle de
lumière"(p89)," la femme traverse le rectangle de lumière"(p90)
Toujours inexplicable, cette douleur en lumière, lumière obscure, cette
lumière qui n'éclairait pas, qui change d'intensité et change encore.
Nous verrons que ces trois personnages sont tous marqués d'une façon ou
d'autre, par les rapports qu'ils entretiennent avec la lumière.
Ainsi, on distingue à travers ces personnages le caractère polyvalent de la
lumière qui traduit le pouvoir maléfique, mais aussi elle pourrait nous montrer
l'ambiance apocalyptique qui se dégage ces trois personnages.
Le signe de la lumière touche ici à l'indicible." la lumière est mise en relation
avec l'obscurité, pour symboliser les valeurs complémentaires ou alternantes
d'une évolution"1, mais "si la lumière solaire meurt chaque soir, elle renait
chaque matin et l'homme assimilant son destin à celui de cette lumière, prend
par elle espérance et confiance en la pérennité de la vie et de sa puissance"2
« La mer est déjà oxydée par la lumière obscure, de même que le ciel.
Trois, ils sont trois la lumière obscure, le réseau de lenteur.
L'homme marche toujours, il va, il vient, devant la mer, le ciel, mais l'homme
qui regardait a bougé.
Le glissement régulier du triangle sur lui-même prend fin:
Il bouge.
Il se met à marcher.
Quelqu'un marche, près.
L'homme qui regardais passe entre la femme aux yeux fermés et l'autre au loin,
celui qui va, qui vient, prisonnier.
On entend le martèlement de son pas sur la piste de planches qui longe la mer.
Ce pas-ci est irrégulier, incertain.
1
Opcit , Dictionnaire des symboles ,p585.
2
Ibid.p5887
95
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
On entend: le pas s'espace. L'homme doit
Regarder la femme aux yeux fermés posée sur son chemin.
Oui. Le pas s'arrête. Il la regarde.
L'homme qui marche le long de la mer et seulement lui, conserve son
mouvement initial. Il marche toujours de son pas infini de prisonnier.
La femme est regardée.
Elle se tient les jambes allongées. Elle est dans la lumière obscure,
encastrée dans le mur. Yeux fermés.
Ne ressent pas être vue. Ne sait pas être regardée.
Se tient face à la mer. Visage blanc. Mains à moitié enfouies dans le sable,
immobiles comme le corps. Force arrêtée, déplacée vers l'absence. Arrêtée dans
son mouvement de fuite. L'ignorant, s'ignorant.
Le pas reprend.
Irrégulier, incertain, il reprend.
Il s'arrête encore.
Il reprend encore.
L'homme qui regardait est passé. Son pas s'entend de moins en moins.
On le voit, il va vers une digue qui est aussi de la femme que l'est d'elle le
marcheur de la plage. Au- delà de la digue, une autre ville, bien au-delà,
inaccessible, une autre ville, bleue, qui commence à se piquer de lumières
électroniques. Puis d'autres villes, d'autres encore: la même.
Il a atteint la digue.il ne l'a pas dépassée.
Il s'arrête. Puis, à son tour, il s'assied.
Il s'est assis sur le sable face à la mer. Il cesse de regarder quoi que soit,
la plage, la mer, l'homme qui marche, la femme aux yeux fermés.
Pendant un instant personne ne regarde, personne n'est vu:
Ni le prisonnier fou qui marche toujours le long de la mer, ni la femme aux yeux
fermés, ni l'homme assis.
Pendant un instant personne n'entend, personne n'écoute.
Et puis il y a un cri :
L'homme qui regardait ferme les yeux à son tour sous le coup d'une tentative qui
l'emporte, le soulève son visage vers le ciel, son visage se révulse et il crie.
Un cri. On a crié vers la digue.
Le cri a été proféré et on l'a entendu dans l'espace tout entier, occupé ou vide. Il
a lacéré la lumière obscure, la lenteur. Toujours bat le pas de
L’homme qui marche, il ne s'est pas arrêté, il n'a pas ralenti, mais elle, elle a
relevé légèrement son bras dans un geste d'enfant, elle s'en est recouvert les
yeux, elle est restée ainsi quelque secondes, et lui, le prisonnier, ce geste, il l'a
vu: il a tourné la tête dans la direction de la femme.
96
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
Le bras est retombé.
L'histoire. Elle commence. Elle a commencé avant la marche au bord de la mer,
le cri, le geste, le mouvement de la mer, le mouvement de la lumière.
Mais elle devient maintenant visible. C'est sur le sable que déjà elle s'implante,
sur la mer.
L'homme qui regardait revient.
De nouveau on entend son pas, on le voit, il revient de la direction de la
digue.son pas est lent.son regard est égaré.»(p11-12-13-14)
«Il se réveille avec le jour, il est seul. Eux sont déjà partis vers leur
labeur, l'investissement des sables de S.Thala, objet de leur parcours.
Soir. Lumière d'or.
Elle l'attend sur le chemin de planches, face à l'hôtel, tournée vers S.Thala. Il
vient vers elle. Elle dit:
- Je suis venu vous voir pour ce voyage.
Elle regarde au-delà de l'hôtel et des parcs, l'enchainement continu de l'espace,
l'épaisseur du temps. Elle ajoute:
- Ce voyage à S.Thala, vous savez.
Il voit mal son visage tendu vers l'épaisseur.
- Je n'y suis jamais revenue depuis que j'étais jeune.
La phrase reste suspendue un instant, puis elle se termine:
- J'ai oublié.
Elle cesse de regarder S.Thala. Elle lui sourit. Il demande:»(p99)
- « L'été.
Ils se taisent. Elle le regarde. Il dit:
- On ira quand vous voudrez.
Elle s'éloigne sur le chemin de planches. La brise continue, fraiche, à couvrir la
plage, la lumière baisse sous un ciel clair.
97
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
Puis le vent tombe, les sables, de nouveau, sont paisibles. La mer se calme,
l'enchainement continu étal au soleil sa putréfaction. » (p101)
La mort c'est la seule réponse possible: "Au matin, des mouettes sont
mortes sur la plage. Du coté de la digue, un chien. Le chien mort est face aux
piliers d'un casino bombardé. Au-dessus, le ciel est très sombre, au dessus du
chien mort. C'est après l'orage, la mer est mauvaise"(P32)
98
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
III.7. figures emblématiques sous le signe du feu
Le dépouillement d'éléments est significatif: l'incendie, la mer, la
lumière, donc la répétition de ces mots nous indiquerait la situation des
personnages parce que rien n'est suggéré de leur condition psychologique sauf
que le voyageur est venu à S.Thala pour se tuer, la femme attend un bébé dans
des mauvaises conditions et le prisonnier qui marche tout le temps.
La présence du feu est sans doute significatif et nous recourrons à la
poétique du feu, pour Gaston Bachelard " l'amour est la première hypothèse
scientifique pour la reproduction objective du feu et avant d'être le fils du bois,
le feu est le fils de l'homme……la méthode du frottement apparait comme la
méthode naturelle. Encore une fois, elle est naturelle parce que l'homme y
accède par sa propre nature. En vérité, le feu surpris en nous avant d'être arraché
au ciel…… la vie du feu, tout entière en étincelles et en saccades, ne
rappelle……..
Elle pas la vie de la fourmilière?
Au moindre évènement, on voit les fourmis grouiller et sortir
tumultueusement de leur demeure souterraine; de même, à la moindre secousse
d'une phosphore on voit les animalcules ignés se rassembler et se produire en
dehors sous une apparence lumineuse"1et G. Durand distingue avec Bachelard,
deux directions ou deux constellation psychiques dans la symbolique du feu:
"comme on vient de le dire, par percussion ou par frottement. Dans le premier
cas, il s'apparente une valeur de purification et d'illumination; il est le
prolongement igné de la lumière. Pure et feu ne sont en sanscrit qu'un même
mot"2
"Le symbole du feu purificateur et régénérateur"3,"le feu, dans les rites
initiatiques de mort et renaissance, s'associe à son principe antagoniste l’eau"4
" La signification sexuelle du feu est universellement liée à la première
technique d'obtention du feu par frottement, en va et vient, l'image de l'acte
sexuel "5
1
Ibid, p 437.
2
Ibid.
3
Ibid, p435.
4
Ibid, p436.
5
Ibid, p437.
99
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
- Partons d'ici.
Les enfants parlent calmement dans le hurlement des sirènes et les cris de la
femme:
- Ils cherchaient quelqu'un qui était avec toi.
- Une femme qui s'est sauvée, ils avaient peur.
La femme crie:
- Partons de cet endroit je n'en peux plus.
Les enfants ne l'entendent pas.
Elle arrive vers eux:
- Allez, venez, on s'en va.
Elle arrive, elle les bouscule avec force. Le petit garçon tombe. Elle le ramasse,
le fait tenir debout, le pousse, prend la petite fille,…» (p92).
« …Sur son visage. Elle ne s'aperçoit pas de la présence du voyageur.
C'est quand il s'assied près d'elle qu'elle le voit.
Il se tait. Elle dit:
- Une femme est venue avec des enfants.
Il fait signe: oui. Elle le voit à travers les larmes. On dirait qu'il a froid dans la
chaleur immobile. Il ne regarde rien, le sable.
- Ils sont repartis.
- Oui.
Loin, au-dessus de la mer, des zones d'ombre. Le ciel se couvre. Puis il pleut
sous les zones d'ombre. Elle regarde. Elle pleure.
- Vous non plus vous n'avez plus rien maintenant
Il ne lui répond pas.» (p94)
« Dimanche. Le bruit ne croit pas à S.Thala. Il y a du vent. Puis il pleut.
Le voyageur marche dans S.Thala la pluie.
Il ne les rencontre pas.
Une nuit. Un jour.
Le voyageur ne les voit nulle part dans l'espace, le temps, de S.Thala.
Une nuit noire.
Elle passe, devant l'hôtel.
Le voyageur est sur le balcon, il la voit passer sur le chemin de planches, son
ombre se détache sur la mer.
Elle marche lentement, continument vers la digue. Elle ne se retourne pas vers
l'hôtel.
100
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
101
Chapitre III : jeux de construction-déconstruction : poétique
de la géométrie et d’abstraction
L’amour
102
Conclusion
1
Expression utilisée par Annette de La Motte dans : Au-delàs du mot : « une écriture du silence».
2
Marguerite,Duras, la vie matérielle, éd .P.O.L,1987,p45
201
Conclusion
lecture; la réflexion sur la peinture et l'écriture se mêle pour donner au
langage un pouvoir de rendre sensible la simultanéité de la rencontre
émerveillée mais fugitive de la femme aux yeux fermés, l'homme qui
regarde et l'homme qui marche ; ce qui pourrait être l'âme profonde des
personnages. Donc, il y a dans L'Amour une profonde ressemblance avec
la peinture abstraite.
1-L’originalité. Le génie durassien produit hors la loi, hors les règles, ses
productions sont sans modèle, sauvages et déréglées. Elle ne cesse de
brouiller les frontières.
1
Adler Laure, Marguerite Duras, Gallimard, Paris 1998, p646
2
Dambre Marc et Monique Gosselin Noat cité par Borgomano Madeleine in l’éclatement des genres
e
au XX siècle, Presses de la Sorbonne nouvelle; Paris 2001, P216.
3
Duras ,Marguerite Ecrire Gallimard, Paris 1993.p38.
201
Conclusion
201
Conclusion
201
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