Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Aspects généraux
et particuliers de
l’administration
d’un service
d’archives
3
Carol Couture
Professeur titulaire
Jacques Grimard
Professeur agrégé
École de bibliothéconomie
et des sciences de l’information
Université de Montréal1
Il faut savoir gré aux initiateurs de cet ouvrage d’avoir retenu le thème
de la gestion d’un service d’archives et d’en avoir fait l’objet de la
réflexion des auteurs de chacun des chapitres de ce livre. D’une part,
cette thématique ne pouvait pas mieux convenir à l’hommage qu’ils
entendaient rendre à Robert Garon, lui-même gestionnaire responsable,
pendant deux décennies, de la direction des Archives nationales du
Québec. D’autre part, le sujet n’a été que marginalement et sporadi-
quement traité dans la littérature disciplinaire qui compte de nombreux
travaux sur les archives elles-mêmes, sur leurs fonctions et sur le traite-
ment dont elles sont l’objet depuis leur création jusqu’à leur exploitation
à toutes les étapes du cycle de leur vie. C’est que l’archivistique avait
d’abord besoin de poser ses concepts, de définir ses principes et d’ana-
lyser ses pratiques pour donner sens à son champ d’intervention en
matière de gestion de l’information au sein des organisations.
Après toutes ces années de réflexion sur les archives comme objet
d’intervention professionnelle ou technique, le temps est venu et les
esprits sont mûrs pour porter le regard sur la direction, l’administration
d’un centre, d’un service ou d’une institution d’archives. Nous nous
intéresserons principalement aux responsabilités de gestion que doit
assumer toute personne en charge d’une unité de services archivistiques,
qu’il s’agisse d’une institution d’archives proprement dite ou d’un service
de gestion d’archives courantes, intermédiaires ou définitives. Nous
essaierons de faire ressortir ce qu’implique et ce qui caractérise plus
spécifiquement les fonctions et les activités afférentes de gestion d’une
entité administrative – étroitement associée à la gestion de l’informa-
tion, voire à celle des connaissances – chargée, dans un organisme public
tout comme dans une entreprise privée à but lucratif ou non, d’assurer
un traitement efficace et efficient des archives. À cet effet, nous
entendons nous appuyer sur les quelques ouvrages généraux, mono-
graphies ou articles de périodiques en archivistique qui traitent de
questions de gestion2 ainsi que sur les enseignements des sciences
de la gestion qui mettent à notre disposition un ensemble de notions
dont il faut tirer parti.
Nous en ferons toutefois une lecture qui tiendra compte des réalités
contextuelles, normatives et opérationnelles qui influencent, voire déter-
minent, les activités de gestion depuis la planification jusqu’à l’évaluation
des programmes ou activités, en passant par le développement, la
production et la livraison de services ou produits archivistiques.
En un premier temps, il nous apparaît important de définir nos
termes, de bien camper la notion de gestion et d’en présenter les diverses
composantes, mais aussi de donner un aperçu de ce que sont les centres
d’archives au Québec. Puis nous considérerons les fonctions de gestion
dans ces unités de services avant d’envisager les enjeux et de suggérer
quelques pistes de réflexion et de recherche susceptibles d’enrichir nos
connaissances sur cet aspect plutôt méconnu de la pratique archivistique
que constitue la direction des services d’archives.
3. Car, à la limite, les rôles qu’assument les gestionnaires déterminent les types
de gestion. Ainsi, un gestionnaire pourra être le symbole même de l’orga-
nisation (Carlson, 1951, p. 24) ou le leader (Harbison, 1959, p. 15-16), l’agent
de liaison (Sayles, 1964, p. 258), l’observateur actif ou le « monitor » (Aguilar,
1967, p. 94). À ce sujet, on trouvera d’utiles analyses dans l’ouvrage de
Appleby (1981) et surtout dans la magistrale analyse de Mintzberg (1984).
60 La gestion d’un centre d’archives
Dans les organisations qui tirent l’essentiel de leurs revenus des gouver-
nements, les représentations nécessaires au maintien et à l’augmentation
des budgets occuperont une grande partie des activités des analystes,
des agents de planification et des gestionnaires des finances. Mais ce
qu’il faut retenir, c’est que, quels que soient les noms des services, les
titres des gestionnaires responsables ou la répartition des responsabilités
et activités, on retrouve ces fonctions dans toutes les organisations
archivistiques ou autres.
Tableau 1
Aperçu des services d’archives au Québec*
Domaine Nombre
* Nous avons établi cette typologie à partir de celle suggérée dans Rousseau, Couture
et al., 1994, p. 189-203.
Quel que soit leur nombre, ces centaines de services d’archives sont
autant d’entités administratives qui doivent respecter, comme toute autre
organisation, des exigences de gestion. Là comme ailleurs, on y assume
des fonctions de gestion, de marketing, de production, de ressources
humaines et de finance et comptabilité différentes des fonctions discipli-
naires classiques – depuis la création de l’information jusqu’à son exploi-
tation, en passant par son organisation intellectuelle et matérielle – mais
néanmoins essentielles au développement et au fonctionnement de
l’organisation que constitue un service d’archives.
3. LA PROBLÉMATIQUE DE GESTION :
LES PARTICULARITÉS EN MILIEU ARCHIVISTIQUE
l’organisation dans laquelle opère son service. Il devra faire preuve d’un
opportunisme de bon aloi et éviter de rechercher la visibilité pour elle-
même. En fait, chargé d’une unité à mandat transversal qui l’amènera à
devoir intervenir à tous les stades de la gestion de l’information, il devra
surtout s’assurer de disposer de l’autorité nécessaire pour agir et d’avoir
accès aux instances appropriées pour pouvoir intervenir efficacement.
Par-dessus tout, il devra savoir créer des liens et entretenir de bonnes
relations avec les services centraux aussi bien qu’avec les unités opéra-
tionnelles de manière à s’en faire des alliés. Parce qu’au bout du compte,
et jusqu’à un certain point, sa position hiérarchique importe moins que
sa capacité à faire passer son message directement ou par les canaux
de communication et les réseaux d’influence appropriés.
CONCLUSION
Par ailleurs, ces défis colossaux que doivent relever les gestion-
naires ne sauraient l’être d’une manière isolée. C’est que l’archivistique
est devenue plurielle, multidisciplinaire, et qu’elle commande des
approches concertées, des alliances, des partenariats. Les services
d’archives ne peuvent disposer à eux seuls de la variété d’expertises
nécessaire à la solution des problèmes qui leur sont posés, qu’il s’agisse
de gestion, de traitement intellectuel, d’organisation matérielle ou de
communication. Ils ne disposent pas davantage des ressources finan-
cières, des équipements technologiques, voire des ressources matérielles
nécessaires à l’accomplissement de leur mandat. Le partenariat offre,
parmi bien d’autres avantages, la possibilité de partager le fardeau,
d’obtenir à bon compte des ressources manquantes, de capitaliser sur
les effets multiplicateurs du recours à d’autres organisations mieux
pourvues, mieux équipées ou encore mieux ancrées auprès de certains
publics, pour réaliser certaines activités inscrites dans le mandat des
services d’archives. C’est dans l’ouverture aux autres disciplines et dans
l’hétérogénéité des pratiques que réside l’avenir des archives comme
objet – multiforme, « multitype » et multimédia. C’est, par ailleurs, par
la gestion rigoureuse, équilibrée et audacieuse du développement et des
programmes que passe l’avenir des services d’archives qui composent
le système archivistique que s’offre une société.