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La « compliance », une privatisation de la régulation ?

Emmanuel Breen
Dans Revue de science criminelle et de droit pénal comparé 2019/2 (N° 2), pages 327
à 331
Éditions Dalloz
ISSN 0035-1733
ISBN 9782995519026
DOI 10.3917/rsc.1902.0327
© Dalloz | Téléchargé le 27/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.170.49.106)

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DOCTRINE

La « compliance », une
privatisation de la régulation ?

Emmanuel Breen
Maître de conférences en droit à Sorbonne Université

I – Les contours de la notion de compliance


La notion de « compliance » (confor- quences, les entreprises livrent aux auto-
mité) se réfère à la capacité d’une entre- rités de régulation les éléments d’infor-
prise d’agir en conformité avec la loi et mation relatifs aux pratiques concernées,
avec ses réglementations internes dans reconnaissent les faits, s’acquittent d’une
toutes les juridictions où elle exerce une pénalité financière et s’engagent enfin à 327
activité. Elle désigne donc avant tout modifier leur comportement pour l’ave-
un ensemble de processus d’entreprise nir, en mettant en place des programmes
visant à détecter, à sanctionner, mais de conformité placés sous le contrôle
encore à prévenir les infractions qui d’un moniteur indépendant. Les négo-
pourraient être commises en leur sein. ciations ainsi conclues permettent donc
aux entreprises de limiter l’incertitude
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L’inspiration première de cette notion de juridique que font peser sur la conduite © Dalloz | Téléchargé le 27/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.170.49.106)
compliance est américaine 1. L’approche des affaires des procédures longues et
collaborative entre les entreprises et complexes. Dans le même temps, elles
les autorités de poursuite constitue en garantissent une forme d’efficacité aux
effet un élément fondamental de la régu- autorités de poursuite, en leur épar-
lation économique américaine, qui fait gnant une procédure souvent coûteuse
un usage extensifs des accords dits de en ressources et à l’issue incertaine, tant
« poursuites différées » (deferred prose- l’obtention de preuves peut s’avérer diffi-
cution agreements ou DPA) et d’« aban- cile, notamment en matière d’infractions
don des poursuites » (non-prosecution internationales complexes.
agreements ou NPA), notamment dans
la lutte contre la corruption transna- Bien qu’elle n’ait fait son apparition en
tionale 2. Afin d’éviter le risque d’une droit français anti-corruption que récem-
condamnation pénale lourde de consé- ment avec la loi « Sapin 2 » 3, cette notion

(1) On peut la faire remonter aux Federal Sentencing Guidelines for Organizations de 1991 (dites aussi « Organiza-
tional Guidelines »). V. not. D.E. Murphy, The Federal Sentencing Guidelines for
Organizations : A Decade of Promoting Compliance and Ethics, 87 Iowa Law Review 697 (2002).
(2) Foreign Corrupt Practices Act de 1977. V. en langue française E. Breen, FCPA, La France face au droit américain
de la lutte anti-corruption, Lextenso, coll. Joly Pratique des affaires, févr. 2017.
(3) Loi no 2016-1691 du 9 déc. 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation
de la vie économique.

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DOCTRINE Dossier. L’avenir de la répression extra-pénale

de compliance n’était pas totalement la culture juridique française, naturel-


étrangère aux grandes entreprises fran- lement méfiante à l’égard des solutions
çaises. La négociation des sanctions dans négociées. Comme l’a souligné l’OCDE 4,
le cadre de programmes de clémence le très faible nombre de condamnations
constitue ainsi depuis la fin des années – notamment en matière de corruption
1990 un outil privilégié des autorités de internationale, du fait de la complexité
concurrence françaises et européennes, des procédures – a montré assez claire-
et la compliance financière au sens large ment les limites de cette intransigeance.
joue depuis longtemps un rôle important En introduisant en droit français des
dans le secteur de la « bancassurance » dispositifs pensés sur le modèle de la
(lutte contre le blanchiment et le finan- pratique américaine, jugée plus efficace
cement du terrorisme). Dans d’autres – comme en particulier une forme origi-
domaines, en matière de corruption nale de transaction pénale, la « conven-
internationale et de violation d’embargo tion judiciaire d’intérêt public » (CJIP),
notamment, l’amplitude de la compé- la loi Sapin 2 diffuse l’approche com-
tence des autorités américaines a éga- pliance, jusqu’ici réservée à quelques
lement amené un certain nombre d’en- domaines précis de la régulation éco-
treprises françaises et européennes à nomique 5. Cette introduction en droit
découvrir l’importance de la compliance, français de mesures d’inspiration amé-
souvent à leurs dépens comme en ont ricaine ne se limite cependant pas à
témoigné en particulier au fil de ces une simple transcription. L’introduction
dernières années les affaires Technip, d’un contrôle du juge plus poussé et le
Alcatel-Lucent, Total ou BNP Paribas. rôle donné à une autorité administra-
tive – l’Agence française anti-corruption
Pour autant, cette approche est long- – traduisent une véritable « accultura-
328 temps restée confinée aux marges de tion juridique ».

II – Compliance et régulation
L’originalité du dispositif français de le rôle de la prévention. Dans ce cadre,
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lutte anti-corruption en comparaison l’Agence française anticorruption (AFA), © Dalloz | Téléchargé le 27/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.170.49.106)
avec la pratique américaine réside dans créée par la loi Sapin 2 en remplace-
la répartition des rôles entre autori- ment du Service central de prévention
tés administratives, chargées princi- de la corruption (SCPC), se voit donc
palement de la prévention et du suivi, chargée de contrôler la mise en place
et juge judiciaire, responsable de la de programmes de conformité à deux
réponse pénale aux infractions elles- occasions, à titre préventif ou consécu-
mêmes. Par certains aspects, l’ap- tivement à une condamnation.
proche française fixe des exigences
supérieures aux pratiques américaines. Cette distribution des rôles est assez
En rendant obligatoire la mise en place conforme à la pratique des autorités de
d’un programme de conformité pré- régulation en France depuis la fin des
ventif pour les entreprises dont l’acti- années 1980, tout en marquant certaines
vité dépasse certains seuils, la légis- originalités dans le rapport entre l’auto-
lation française renforce par exemple rité de régulation et l’autorité judiciaire.

(4) Déclaration du 23 oct. 2014 du Groupe de travail de l’OCDE sur la mise en œuvre par la France de la Convention
sur la corruption d’agents public étrangers.
(5) La différence notable entre la CJIP et la principale forme préexistante de transaction pénale en droit français – la
CRPC (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, qui subsiste par ailleurs) – tient au fait que la
CJIP, comme les DPA américains, s’accompagne d’une reconnaissance des faits par l’entreprise, mais non d’une
reconnaissance de culpabilité. Elle n’a donc pas tous les effets d’un jugement de condamnation.

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La « compliance », une privatisation de la régulation ? DOCTRINE

Le choix, par le législateur, du statut amendes potentiellement importantes


de service à compétence nationale, au qu’elle inflige. De surcroît, le caractère
détriment d’une qualification d’« autorité administratif et non pénal de la sanction,
administrative indépendante » n’est pas, qu’elle soit prononcée cette fois par une
cependant, sans soulever une épineuse autorité de concurrence ou par l’agence
question de principe, compte tenu de de lutte anti-corruption, entraîne un cer-
l’indépendance vis-à-vis du gouverne- tain nombre de conséquences, et permet
ment que requiert la lutte contre la cor- notamment aux entreprises visées de
ruption. L’Agence est cependant dirigée continuer à soumissionner aux marchés
par un magistrat de l’ordre judiciaire. publics. À cet égard, il faut remarquer
que le pouvoir de sanction de l’AFA
Le recours à une autorité administrative reste néanmoins relativement limité,
s’explique par la plus grande capacité puisque celle-ci ne peut condamner les
des autorités administratives, par oppo- entreprises que sur le fondement d’un
sition au juge judiciaire, à remplir une manquement aux obligations de mise en
mission de prévention. Cet aspect de place d’un programme de conformité,
la compliance reposant fondamentale- à des amendes ne dépassant pas un
ment sur la collaboration entre acteurs million d’euros. Le fait que les sanctions
économiques et autorités, il est en effet pour les faits de corruption eux-mêmes
indispensable qu’un dialogue puisse restent du ressort du juge judiciaire, en
s’engager. L’organisation administrative vertu de la répartition des rôles évoquée
permet de fonder celui-ci, à travers la précédemment, semble montrer que
publication d’avis visant à harmoniser cette logique d’expertise des autorités
l’ensemble des programmes de confor- de régulation est moins aboutie en droit
mité en matière de corruption, et à guider de la corruption qu’elle ne l’est en droit
les entreprises dans leurs démarches. de la concurrence. 329
De la même manière, l’Autorité de la
concurrence indique de sa propre initia- Outre leur rôle de prévention et de sanc-
tive son interprétation de questions de tion, les autorités administratives sont
concurrence, et peut émettre des recom- enfin davantage à même de contrôler
mandations sur un marché ou un secteur l’exécution des mesures imposées par
particulier. En cela, la pratique de ces le juge pénal. C’est ce que j’avais pro-
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autorités est différente de celle du juge posé d’appeler le « gouvernement de la © Dalloz | Téléchargé le 27/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.170.49.106)
judiciaire, qui intervient ex post, dans une peine » 6, et qui prend avec la loi Sapin
optique répressive. Nous sommes donc, 2 la forme assez nouvelle en France de
avec l’AFA, tout à fait dans la tradition de mesures de probation administratives
la régulation économique française. en droit pénal des affaires.

La prédominance des autorités adminis- Ainsi, de même que l’Autorité de la


tratives en matière de régulation écono- concurrence effectue le suivi des engage-
mique peut également s’expliquer par ments qu’elle accepte ou des injonctions
leur plus grande capacité à prendre en qu’elle prononce, l’AFA contrôle la mise
compte les répercussions économiques en place de programmes de conformité
dans la détermination des sanctions. En consécutive à une condamnation ou une
matière de concurrence, l’Autorité de transaction pénale. Cette répartition des
la concurrence – composée pour partie rôles est cohérente, puisque la mission
d’économistes – est ainsi particulière- de contrôle de l’application des sanctions
ment à même d’apprécier, outre la gra- est en définitive assez proche techni-
vité de pratiques anticoncurrentielles, quement de celle de contrôle préventif
les conséquences économiques des et de recommandation, et que celle-ci

(6) E. Breen, Gouverner et punir, PUF, coll. Les voies du droit, p. 225.

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DOCTRINE Dossier. L’avenir de la répression extra-pénale

contribue à crédibiliser celle-là. Encore de la régulation, s’installe ainsi au cœur


une fois, les autorités administratives de la procédure pénale.
sont chargées d’accompagner les entre-
prises, que cet accompagnement inter- Donc il est exact d’affirmer que la com-
vienne en prévention ou à la suite d’une pliance, c’est de la régulation, au sens
infraction. Témoin de formes inédites de où l’on parle en France des « autorités
coopération entre autorités administra- de régulation ». Mais c’est une régula-
tives et judiciaires, l’Agence française tion qui s’appuie très fortement sur l’en-
anti-corruption et le Procureur de la treprise elle-même, et qui lui délègue
république financier ont récemment des certaines prérogatives régaliennes,
lignes directrices communes sur la mise notamment en matière de détection des
en œuvre de la CJIP 7. Cette technique infractions. Une forme donc de privatisa-
des lignes directrices, si caractéristique tion de la régulation ?

III – Compliance et privatisation


Le système pénal américain est large- de communiquer ensuite les preuves aux
ment fondé sur un principe de coopéra- autorités. Il s’agit bien là d’une incitation
tion de l’entreprise défenderesse, à qui à privatiser l’enquête, puisque cette mis-
une large part de l’enquête est déléguée sion relève d’ordinaire de la puissance
par le procureur et dont la bonne foi publique – avec les coûts qui lui sont
et la transparence sont déterminantes associés. En matière de concurrence, la
dans le calcul de la sanction négociée 8. privatisation ne s’arrête pas au cas spé-
330 cial de l’immunity applicant : de manière
Dans la pratique des autorités de générale, tout apport de documents utiles
concurrence, qu’elles soient françaises à l’enquête est pris en considération dans
ou européennes, l’appréciation de l’atti- la fixation du montant de l’amende, que
tude de l’entreprise joue également un ce soit en matière de cartels ou de toute
rôle fondamental dans la détermination autre pratique anticoncurrentielle, telle
du montant des éventuelles sanctions. que des violations d’engagements.
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L’exemple le plus frappant de ce fonc- © Dalloz | Téléchargé le 27/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.170.49.106)
tionnement réside probablement dans En la matière, cependant, la réforme
les programmes de clémence en matière opérée par la loi Sapin 2 s’arrête un
de cartel. À l’issue d’« opérations de peu au milieu du gué, et n’engage pas
visite et saisie », lors desquelles des véritablement la privatisation de l’en-
quantités souvent importantes de docu- quête anti-corruption.
ments sont saisies, les autorités offrent
le statut d’immunity applicant à l’entre- Certes, la loi Sapin 2 rend obligatoire,
prise qui dénoncera le cartel et fournira pour les grandes entreprises, la mise
des preuves de l’existence de celui-ci. Ce en place d’un « dispositif de contrôle
faisant, elles incitent les entreprises à et d’évaluation interne des mesures [de
revoir elles-mêmes – le plus souvent en prévention de la corruption] mises en
ayant recours aux services de cabinets œuvre » 9, ainsi que des mécanismes de
d’avocats – les documents saisis, en vue recueil des alertes internes 10.

(7) PRF, AFA, 26 juin 2019 disponible à : https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/files/files/Lignes%


20directrices%20PNF%20CJIP.pdf.
(8) V. le point de vue généralement critique formulé par les auteurs réunis par A. Garapon et P. Servan-Scheiber
(dir.), Deals de justice. Le marché américain de l’obéissance mondialisée, PUF, 2013.
(9) Loi du 9 déc. 2016, art. 17, II, 8°.
(10) Art. 8, 3° et 17, II, 2°.

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La « compliance », une privatisation de la régulation ? DOCTRINE

Mais la séparation des rôles entre autorité que le lignes directrices ne comportent
administrative et juge judiciaire empêche pas de critère de calcul d’une réduction
précisément le recours à un système d’in- de pénalité, et que les lignes directrice
citations fortes à la privatisation de l’en- n’ont par ailleurs très vraisemblablement
quête. Dans l’attente d’une jurisprudence aucune valeur juridique contraignante. Il
sur le sujet, les textes n’indiquent pas que n’en reste pas moins qu’ainsi l’enquête
le juge judiciaire français doive, comme interne fait véritablement irruption en
le fait son homologue américain, prendre droit pénal français, avec le fort potentiel
en considération l’existence d’un pro- d’« effet de levier » pour les autorités,
gramme de conformité, ou le partage des amplement démontré en droit pénal amé-
résultats d’une enquête interne, comme ricain, mais aussi avec toutes les ambi-
circonstances atténuantes en cas d’in- guïtés et les risques en termes de droits
fraction à la législation anti-corruption. de la défense que présente cette forme de
Le nouveau statut du repenti en matière privatisation de l’enquête pénale : orga-
de corruption transnationale 11 est par nisation de la dissimulation des preuves,
ailleurs réservé aux personnes physiques, manque d’information des salariés sur
et l’entreprise ne dispose pas, devant le les enjeux des entretiens dont ils font
juge pénal français, de règle qui lui per- l’objet, conflits d’intérêts au sommet de
mettrait de « gagner des points » par la l’entreprise, désignation de boucs émis-
coopération. En dissociant administratif saires, notamment 13.
et judiciaire, le système juridique de la loi
Sapin II dissocie sanction et prévention, et En définitive, la loi Sapin 2 pouvait
se prive par là même d’un système d’inci- enclencher une double révolution ins-
tations articulant les deux volets. pirée des États-Unis : celle de la tran-
saction pénale en droit des affaires et
Cependant, entre l’autorité administrative celle de la coopération des entreprises 331
(l’AFA) et le juge pénal existe le ministère aux processus répressifs. La première
public, et tout particulièrement le Procu- a été menée à bien, au moins en termes
reur de la république financier (PRF). Et législatifs, malgré les réserves expri-
celui-ci s’est engagé très nettement en mées sur le principe de la transaction
faveur de l’incitation à l’enquête interne et pénale dans l’avis du Conseil d’État. La
à la coopération de l’entreprise. Il indique seconde n’est qu’esquissée, en particu-
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notamment, dans ses lignes directrices lier pour ce qui concerne les enquêtes. © Dalloz | Téléchargé le 27/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.170.49.106)
co-signées avec l’AFA sur la mise en C’est peut-être sage, car cette dernière
œuvre de la CJIP, que : « la coopération constitue une révolution encore plus
de la personne morale aux investigations grande, et sujette à d’importants risques
judiciaires dont elle est l’objet constitue de dérive, sauf à être testée progressi-
un préalable nécessaire à la conclusion vement et fermement encadrée.
d’une CJIP » 12. La conclusion d’une CJIP
– potentiellement moins pénalisante pour La compliance constitue donc bien,
l’entreprise qu’un jugement de condam- aujourd’hui, une forme de privatisation de
nation pénale - est ainsi véritablement la régulation, mais cette privatisation n’est
présentée par le PRF comme la récom- pas entièrement aboutie et ne sera vérita-
pense de la coopération de l’entreprise. blement efficace que si des incitations des
Pour autant, la prévisibilité de cette garde-fous suffisants sont posées par le
récompense n’est pas assurée, dès lors législateur et les régulateurs.

(11) Décr. no 2014-346 du 17 mars 2014 relatif à la protection des personnes mentionnées à l’art. 706-63-1 du code
de procédure pénale bénéficiant d’exemptions ou de réductions de peines
(12) Lignes directrices précitées, p. 8.
(13) V. not., sur la tendance du système américain à créer des boucs émissaires, Laurent Cohen-Tanugi, NYU Compliance
blog, juin 2019 : Scapegoating : A Structural Risk in Current U.S. Cross-Border Corporate Crime Enforcement
https://wp.nyu.edu/compliance_enforcement/2019/05/17/scapegoating-a-structural-risk-in-current-u-s-cross-bor-
der-corporate-crime-enforcement/.

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