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Infractions contre les biens

Haritini Matsopoulou
Dans Revue de science criminelle et de droit pénal comparé 2015/4 (N° 4), pages 857
à 869
Éditions Dalloz
ISSN 0035-1733
ISBN 9782995515042
DOI 10.3917/rsc.1504.0857
© Dalloz | Téléchargé le 22/05/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.145.235.105)

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CHRONIQUES
Chronique de jurisprudence
Infractions Haritini Matsopoulou
Professeur de droit privé à la
contre les biens Faculté Jean Monnet de l’Université
Paris-Sud 11, Directrice de l’Institut
d’Études Judiciaires

Vol

1. Précisions jurisprudentielles
sur la notion de « chose d’autrui »
(Crim., 12 mai 2015, nos 13-87.668 et 14-83.310, Dr. pénal 2015, comm. no 96, note
M. Véron)
857

Le vol ne peut être retenu qu’à l’encontre sa nièce, pour avoir frauduleusement
d’une personne qui n’est pas en mesure soustrait des objets mobiliers se trou-
de justifier d’un titre de propriété sur la vant dans la succession de leur oncle,
chose soustraite. Cependant, la Chambre dont tous trois étaient cohéritiers, et
criminelle n’exige pas que les juges du contre sa sœur seule, pour avoir volé
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fond précisent, dans leur décision de des bons au porteur se trouvant dans © Dalloz | Téléchargé le 22/05/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.145.235.105)
condamnation, à qui appartient vérita- la succession de leur mère. Le tribunal
blement cette chose. Dès lors que le correctionnel avait déclaré la préven-
prévenu n’en est pas propriétaire, il s’agit tion établie s’agissant du seul vol en
d’une « chose d’autrui » 1. réunion.

Les deux arrêts du 12 mai 2015, ici com- Les prévenues, le ministère public et la
mentés, viennent enrichir la jurispru- partie civile ayant interjeté appel contre
dence déjà existante, qui s’est prononcée cette décision, la juridiction du second
sur la notion de « chose d’autrui ». Plus degré avait renvoyé les prévenues des
précisément, le premier arrêt concerne fins de la poursuite du chef de vol en
un vol commis par des cohéritiers, tan- réunion et la sœur du plaignant du chef
dis que le second apporte des précisions de vol. Pour ce faire, elle avait retenu
sur le vol des « choses abandonnées ». que « les intéressées étant coproprié-
taires des biens divertis, le délit de
Dans la première affaire, un homme soustraction frauduleuse du bien d’au-
avait porté plainte contre sa sœur et trui ne [pouvait] être constitué ».

(1) Crim., 23 déc. 1963, Bull. crim. no 376 ; cf. aussi Crim., 25 oct. 2000, Bull. crim. no 318 ; Dr. pénal 2001, comm.
no 18, note M. Véron ; JCP 2001, II, 10566, note P. Mistretta ; D. 2001. 1052, note Th. Garé.

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Néanmoins, cette décision a encouru la préjudice d’un individu non identifié. Les
censure de la Chambre criminelle. En juges du premier degré l’avaient relaxée
particulier, après avoir rappelé que « le mais la cour d’appel avait infirmé cette
détenteur de biens meubles indivis qui décision et déclaré la prévention éta-
se les approprie ou en dispose à l’insu blie. Pour ce faire, les juges répressifs
des autres coindivisaires commet un vol avaient énoncé que, « si les investiga-
au préjudice de ces derniers », les hauts tions n’[avaient] pas permis de démentir
magistrats ont estimé que la cour d’appel la version du prévenu quant aux circons-
avait violé l’article 311-1 du code pénal et tances dans lesquelles il aurait décou-
le principe précédemment énoncé. vert la somme d’argent, ni de déter-
miner l’origine des fonds, le bien ne
La solution adoptée n’est pas surpre- pouvait néanmoins être regardé comme
nante, puisque, selon une jurisprudence ayant été volontairement abandonné,
constante, le vol peut parfaitement se dès lors que, eu égard à sa grande
concevoir entre copropriétaires 2, coin- valeur et aux circonstances dans les-
divisaires ou cohéritiers 3. Celui qui quelles son détenteur s’en était dessaisi,
s’approprie l’intégralité d’une chose il [était] manifeste que ce dernier avait
commune ou indivise commet un vol l’intention de venir le rechercher après
pour la partie de cette chose qui ne lui avoir échappé à son poursuivant ».
appartient pas. Ainsi, a-t-il été jugé que
la personne, qui avait acquis des biens Vu les indications fournies, la Chambre
indivis, alors que certains des coindivi- criminelle a estimé que la juridiction du
saires s’étaient opposés à leur cession, second degré, qui avait « souverainement
était coupable de vol commis au préju- apprécié qu’il n’y avait pas eu abandon
dice de ces derniers 4. volontaire de la chose et que le prévenu
858 ne pouvait l’ignorer », avait « caracté-
La Chambre criminelle ne fait donc, ici, risé en tous ses éléments, tant matériel
que confirmer cette jurisprudence, en qu’intentionnel, le délit de vol dont elle
rappelant aux juges du second degré a[vait] déclaré l’intéressé coupable ».
une règle qu’elle avait consacrée depuis
longtemps. Il est clair que le présent arrêt soulève le
problème de la distinction entre choses
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Quant à la seconde affaire, elle concer- abandonnées et choses perdues. Le vol © Dalloz | Téléchargé le 22/05/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.145.235.105)
nait une personne qui, lors d’un contrôle n’est pas concevable sur des choses
aéroportuaire, avait été trouvée en volontairement abandonnées par leur
possession d’une somme d’argent de propriétaire (res derelictae), si bien que
130 760 euros. Interrogée sur l’origine l’agent peut se les approprier impuné-
de cette somme, elle avait expliqué ment 5. En revanche, ce dernier se rend
l’avoir découverte, quelques jours aupa- coupable de vol lorsqu’il appréhende des
ravant, dans un sac dont s’était débar- choses simplement perdues. Mais com-
rassé sous ses yeux un individu, en vue ment peut-on distinguer une chose aban-
d’échapper aux poursuites d’un tiers. donnée d’une chose perdue ? La juris-
prudence dégage des critères, tels que
Une information judiciaire ayant été la valeur de l’objet, son caractère neuf ou
ouverte sur les faits, la personne en ancien, l’endroit où il a été trouvé. Ainsi,
cause avait été renvoyée devant le tri- ont été considérés comme des choses
bunal correctionnel du chef de vol au perdues une somme d’argent découverte

(2) Crim., 25 mai 1988, Bull. crim. 223.


(3) Crim., 21 mars 1984, Bull. crim. no 124, RSC 1985. 307, obs. P. Bouzat.
(4) Crim., 27 févr. 1996, Bull. crim. no 96, Dr. pénal 1996, comm. no 153, note M. Véron.
(5) Crim., 12 avr. 1850, D. 1850. 1. 112 ; Rennes, 22 juin 1926, DP 1927.2.32 ; T. corr. Montélimar, 30 janv. 1945,
Gaz. Pal. 1945. 1. 198.

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dans un lot de vieux objets 6, un billet En l’espèce, il faut bien reconnaître


« trouvé dans un avion » 7 ou des rouleaux que la cour d’appel, en se fondant sur
de fil de cuivre, propriété des PTT, qui la valeur de la chose et les circons-
ont été laissés sur la voie publique 8. Il a tances dans lesquelles elle avait été
été, par ailleurs, jugé que le fait d’avoir découverte, avait, à juste titre, consi-
déchiré et jeté une lettre dans une pou- déré qu’elle n’était pas abandonnée, et
belle d’entreprise ne suffit pas à carac- qu’elle pouvait, par conséquent, faire
tériser de manière certaine la volonté l’objet d’une soustraction frauduleuse
d’abandon du propriétaire légitime qui, au sens de l’article 311-1 du Code pénal.
tant que les ordures n’ont pas été ramas- Par ailleurs, il importait peu que le
sés, conserve la faculté de revenir sur sa propriétaire de la chose n’ait pas été
décision et récupérer son bien 9. identifié 14.

Ne relèvent pas non plus de la catégorie Certes, la solution adoptée est en


des choses abandonnées, et peuvent conformité avec les critères déjà déga-
alors faire l’objet d’un vol, les bijoux et gés par la jurisprudence existante. On
tous autres objets déposés dans les cer- comprend, dès lors, que la Cour de
cueils ou qui ornent les tombes 10, ainsi cassation ait approuvé cette décision
que ceux trouvés dans des caveaux, des et ait rejeté les moyens invoqués par le
fosses communes et des concessions demandeur au pourvoi.
non renouvelées 11.
Néanmoins, les hauts magistrats ont
En revanche, le vol n’a pas été retenu cassé et annulé, en ses dispositions
en cas d’appréhension des matériaux de relatives à la peine, la décision de la
déblai, provenant de démolitions, aban- juridiction du second degré, en relevant
donnés par la SNCF le long d’un rem- d’office le moyen pris de la violation 859
blai 12. A été également réputé comme de l’article 132-24 du Code pénal. On
un objet abandonné un téléphone por- se contentera simplement d’indiquer ici
table dépourvu de sa carte de fonction- que la cour d’appel avait condamné le
nement 13, ce qui est discutable. prévenu à une peine de deux ans d’em-
prisonnement, dont un an avec sursis,
De même, la qualification de vol doit être sans motiver spécialement sa décision
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écartée lorsque l’agent s’approprie des au regard des critères visés à l’article © Dalloz | Téléchargé le 22/05/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.145.235.105)
choses n’appartenant à personne (res 132-24 du Code pénal, ce qui a justifié la
nullius). censure de la Cour de cassation.

(6) T. corr. Seine, 9 mars 1956, Gaz. Pal. 1956. 2. 56.


(7) Crim., 19 déc. 1990, Gaz. Pal. 1991. 2. somm. p. 360, note J.-P. Doucet.
(8) Crim., 31 mai 1978, Gaz. Pal. 1979. 1. somm. p. 150 ; RSC 1979. 377, obs. P. Bouzat.
(9) Crim., 10 mai 2005, Bull. crim. no 145, D. 2005. Pan. 2991, obs. G. Roujou de Boubée ; JCP 2005, II, 10162, note
M. Daury-Fauveau ; Dr. pénal 2005, comm. no 160, note M. Véron.
(10) T. corr. Nantes, 12 oct. 1942, Gaz. Pal. 1942. 2. 252.
(11) Crim., 25 oct. 2000, Bull. crim. no 318 ; JCP 2001, II, 10566, note P. Mistretta ; D. 2001. 1052, note Th. Garé, Dr.
pénal 2001, comm. no 18, note M. Véron.
(12) Colmar, 13 déc. 1951, D. 1952. 132.
(13) Paris, 14 mars 2001, D. 2002. 1797, obs. B. de Lamy ; RSC 2002. 822, obs. R. Ottenhof.
(14) Crim., 23 déc. 1963, Bull. crim. no 376 ; v. aussi Crim., 25 oct. 2000, préc.

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2. Vol par téléchargement de données informatiques


(Crim., 20 mai 2015, no 14-81.336, D. 2015. 1466, note L. Saenko ; JCP 2015, no 887,
note G. Beaussonie ; Dr. pénal 2015, no 107, note M. Véron et no 123, note Ph. Conte)

René Garraud écrivait, à propos des ment admis que le détournement peut
choses incorporelles, telles que des « porter sur un bien incorporel » 18,
informations, créances ou pensées, telle une information 19, et ce, indépen-
qu’elles « ne sont, pas plus que les damment de tout support matériel. De
immeubles, susceptibles de déplace- même, on trouve des traces de cette
ment et d’enlèvement et dès lors ne jurisprudence dans le domaine du recel.
peuvent être soustraites » 15. Mais, Ainsi, a été condamné pour ce délit le
depuis que ces lignes ont été écrites, les prévenu qui avait « accueilli, en connais-
nombreuses évolutions technologiques, sance de cause, des renseignements,
et notamment l’apparition et le déve- frauduleusement communiqués, sur un
loppement foudroyant d’internet, ont secret de fabrication et qui les a[vait]
profondément bouleversé de multiples mis en œuvre » 20. Le recel a été éga-
secteurs de la vie quotidienne. lement retenu en cas d’obtention d’in-
formations issues de fichiers couverts
Pour leur part, les juges répressifs ne par le secret professionnel, et commu-
sont pas restés insensibles à ces évo- niquées de manière illicite 21.
lutions. On rappellera qu’une jurispru-
dence audacieuse a retenu, sous l’em- Mais ces solutions jurisprudentielles
pire de l’ancien code pénal, le « vol ont-elles été étendues, par l’arrêt du
860 d’électricité » 16, une telle solution ayant 20 mai 2015 ici commenté, au délit de
été entérinée par les rédacteurs du nou- vol ? La Chambre criminelle a-t-elle
veau code dans l’article 311-2 17. consacré, en l’espèce, le vol d’informa-
tions indépendamment de tout support
Actuellement, on assiste à un mouve- matériel ?
ment jurisprudentiel de plus en plus
favorable à la dématérialisation de cer- La présente affaire concernait un inter-
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taines infractions. On en voudra pour naute qui s’était introduit, à l’occasion © Dalloz | Téléchargé le 22/05/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.145.235.105)
preuve les nombreux arrêts rendus en d’une recherche sur Google, sur le site
matière d’abus de confiance, par les- extranet de l’Agence nationale de sécu-
quels la Chambre criminelle a claire- rité sanitaire de l’alimentation, de l’en-

(15) R. Garraud, Traité théorique et pratique de droit pénal, 3e éd., Sirey, 1935, no 2375.
(16) Crim., 3 août 1912, D. 1913. 1, 439, S. 1913, 1, 337, note J.-A. Roux ; Crim., 3 juin 1937, S. 1939, 1, 37 ; RSC 1938.
77, obs. H. Donnedieu de Vabres ; v. aussi : Crim. ; 8 janv. 1958, Bull. crim. no 33 ; JCP 1958, II, 10546, note
Delpech ; D. 1958, somm. 100 ; RSC 1958. 858, obs. P. Bouzat ; Crim., 10 avr. 1964, Bull. crim. no 108 ; Crim.,
11 oct. 1978, Bull. crim. no 270 ; D. 1979. 76, note D. Vuitton ; RSC 1979. 337, obs. P. Bouzat ; Crim., 12 déc.
1984, Bull. crim. no 403 ; RSC 1985. 579, obs. P. Bouzat.
(17) Selon ce texte, « la soustraction frauduleuse d’énergie au préjudice d’autrui est assimilée au vol ».
(18) V. par ex. Crim., 14 nov. 2000, Bull. crim. no 338 ; D. 2001. 1423, note B. de Lamy ; Dr. pénal 2001, comm. no 28,
note M. Véron ; RSC 2001. 385, obs. R. Ottenhof ; Crim., 22 sept. 2004, Bull. crim. no 218 ; D. 2005. 411, note
B. de Lamy ; AJ pénal 2005. 22, obs. J. Leblois-Happe ; RSC 2005. 852, obs. R. Ottenhof ; RPDP 2005. 239, obs.
V. Malabat ; RTD com. 2005. 179, obs. B. Bouloc ; JCP 2005, II, no 10034, note A. Mendoza-Caminade ; Crim., 21
sept. 2011, no 11-80.305, RPDP 2012. 931, note F. Chopin ; Crim., 16 nov. 2011, Bull. crim. no 233 ; D. 2012. 137,
note G. Beaussonie ; RSC 2012. 169, obs. J. Francillon ; Dr. pénal 2012, comm. no 1, note M. Véron ; JCP 2012,
no 322, note S. Detraz ; RPDP 2012. 914, obs. S. Fournier ; RTD com. 2012. 203, obs. B. Bouloc ; Crim., 22 févr.
2012, no 11-82.963 ; Crim., 22 oct. 2014, JCP 2015, no 52, note G. Beaussonie et G. Bagrain, RPDP 2014. 883,
obs. G. Beaussonie (à propos d’un salarié ayant extrait clandestinement des données confidentielles d’une base
informatique interne à la société qui l’employait).
(19) G. Beaussonie, La protection pénale de la propriété sur l’information, Dr. pénal 2008, étude, no 19.
(20) Crim., 7 nov. 1974, Bull. crim. no 323.
(21) Crim., 20 juin 2006, no 05-86.491.

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vironnement et du travail, en raison Les données informatiques peuvent-ils


d’une défaillance technique. Après être alors faire l’objet d’une « soustraction »,
remonté jusqu’à la page d’accueil, et au sens de l’article 311-1 du Code pénal,
avoir constaté la présence de contrôles en l’absence de tout support matériel ?
d’accès et la nécessité d’une authentifi- En l’espèce, l’internaute avait simple-
cation par identifiant et mot de passe, il ment téléchargé ces données, sans
s’était maintenu sur le site et avait télé- appréhender leur support physique. En
chargé des données qu’il avait fixées sur réponse à cette question, la formule
différents supports et diffusées à des employée par la Cour de cassation « a
tiers. Poursuivi des chefs d’accès et de soustrait des données » ne laisse place
maintien frauduleux dans un système de à aucun doute.
traitement automatisé de données et de
vol, le prévenu avait été relaxé par le tri- Certes, la solution adoptée par le pré-
bunal correctionnel. Mais, sur appel du sent arrêt est novatrice, car, jusqu’à pré-
procureur de la République, la juridic- sent, la jurisprudence n’admettait pas le
tion du second degré l’avait condamné, vol d’un bien incorporel en l’absence de
pour les deux infractions, en relevant soustraction d’un support matériel. C’est
que l’intéressé « avait conscience de qu’en effet, le « vol d’informations » ne
son maintien irrégulier dans le système pouvait être pénalement sanctionné que
de traitement automatisé de données si ces dernières étaient contenues dans
visitées où il a[vait] réalisé des opéra- des documents comptables, disquettes
tions de téléchargement de données à informatiques 22, bandes magnétiques,
l’évidence protégées ». En outre, le pré- et que si ces supports avaient été frau-
venu avait « fait des copies de fichiers duleusement appréhendés par les pré-
informatiques inaccessibles au public à venus pendant le temps nécessaire à
des fins personnelles, à l’insu et contre la reproduction ou l’enregistrement des 861
le gré de son propriétaire ». informations. Il est vrai que la jurispru-
dence a utilisé, dans certaines décisions,
Cette décision a été approuvée par la une formule ambigüe laissant penser
Chambre criminelle qui a estimé que la que le « vol d’informations » pouvait être
cour d’appel avait caractérisé les délits retenu indépendamment de tout support
poursuivis « en tous leurs éléments ». matériel 23. En particulier, la Chambre
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Pour ce faire, les hauts magistrats se criminelle a approuvé, dans les arrêts © Dalloz | Téléchargé le 22/05/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.145.235.105)
sont fondés sur les indications fournies Bourquin 24 et Antoniolli 25, les décisions
par les juges du second degré, d’où il des cours d’appel ayant respectivement
résultait que le prévenu s’était « main- reconnu « le vol du contenu informa-
tenu dans un système de traitement tionnel de disquettes » et le vol des
automatisé après avoir découvert que données comptables et commerciales
celui-ci était protégé et a[vait] soustrait « … constituant des biens incorporels
des données qu’il a[vait] utilisées sans qui se trouvaient être juridiquement la
le consentement de leur propriétaire ». propriété exclusive de l’entreprise ».

(22) Grenoble, 4 mai 2000, JCP 2001, IV, 1473 (en l’espèce, il a été jugé que le vol d’informations ne se conçoit pas
en l’absence de soustraction d’un support).
(23) V. sur la question J. Devèze, Le vol de biens informatiques, JCP 1985, I, 3210 ; du même auteur : À propos de
l’évolution des délits contre les biens, in Libre droit, Mélanges en l’honneur de P. Le Tourneau, Dalloz 2007,
p. 369 ; J. Francillon, L’adaptation du droit pénal à certaines formes de délinquance informatique et audiovi-
suelle, Mélanges Vitu, éd. Cujas, 1989, p. 215 ; F. Debove, Information mal acquise ne profite jamais, Dr. pénal
1999, chron. no 24 ; G. Beaussonie, La protection pénale de la propriété sur l’information, Dr. pénal 2008, étude
no 19 ; R. Ollard, La protection pénale du patrimoine, Dalloz, coll. Nouvelle bibliothèque de thèses, 2010, no 290.
(24) Crim., 12 janv. 1989, Bull. crim. no 14 ; Gaz. Pal. 1989. 2. somm. p. 283. V. aussi : M.-P. Lucas de Leyssac, L’arrêt
Bourquin, une double révolution : un vol d’information seule, une soustraction permettant d’appréhender des
reproductions qui ne constitueraient pas des contrefaçons, RSC 1990. 507.
(25) Crim., 1er mars 1989, Bull. crim. no 100 ; Gaz. Pal. 1989. 2. somm. p. 474, obs. J.-P. Doucet ; RSC 1990. 346, obs.
P. Bouzat. V. aussi : Crim., 19 janv. 1994, Dr. pénal 1994, comm. no 109, note M. Véron.

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De même, par un arrêt postérieur du En tout cas, la Chambre criminelle a


4 mars 2008 26, la Haute juridiction a anticipé nos craintes en soumettant
confirmé la condamnation du prévenu la répression du vol d’informations à
déclaré auteur du « vol du contenu une condition supplémentaire, à savoir
informationnel d’au moins 9 syquests, l’utilisation desdites informations (« a
se rapportant aux plans de base et aux soustrait des données qu’il a utilisées
plans de découpe appartenant à [une] sans le consentement de leur proprié-
société ». Il faut bien reconnaître que, taire »). Selon les hauts magistrats, la
dans toutes ces affaires, c’était à la suite seule soustraction, réalisée ici par le
de l’appréhension des supports infor- téléchargement des données, ne suffit
matiques (disquettes, syquests) ou des pas à constituer le délit ; il faut, en
documents comptables que les condam- plus, que l’agent ait utilisé ces don-
nés avaient pu avoir accès aux informa- nées. Ce faisant, la Cour de cassation
tions litigieuses, si bien qu’il est permis s’est montrée peu respectueuse de la
de penser que les intéressés s’étaient, règle de l’interprétation stricte de la
en réalité, rendus coupables du vol de loi pénale, en limitant de manière arbi-
ces supports 27. traire le champ d’application de l’article
311-1 du code pénal, dès lors qu’il s’agit
Mais, en dehors des hypothèses préci- de biens incorporels. Qu’on le veuille
tées, on peut se demander si une infor- ou non, le vol est consommé par « la
mation peut vraiment faire l’objet d’une soustraction frauduleuse de la chose
soustraction, au sens de l’article 311-1 d’autrui », peu important que l’auteur
du code pénal, dès lors que son proprié- en fasse ou non postérieurement usage.
taire n’est pas privé de sa possession et N’y aurait-il pas eu, en l’espèce, une
peut la disposer librement 28. confusion avec les éléments constitutifs
862 du recel qui peut être constitué par le
Il demeure toutefois qu’en cas d’ap- fait de bénéficier, par tout moyen, du
propriation frauduleuse d’une informa- produit d’un crime ou d’un délit (C. pén.,
tion par autrui, le propriétaire se trouve art. 321-1, al. 2) ? Or, à la différence du
dépouillé de l’exclusivité de celle-ci qui « recel-profit », la caractérisation du vol
constitue « l’objet de la soustraction » 29. n’exige pas que l’on se préoccupe des
Or, à partir du moment où le tiers prend conséquences de la soustraction, c’est-
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connaissance de l’information, ledit pro- à-dire de l’utilisation que l’auteur fait de © Dalloz | Téléchargé le 22/05/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.145.235.105)
priétaire « en perd la maîtrise exclu- la chose soustraite.
sive » 30 et la qualification de vol devrait
logiquement être retenue. Mais, si l’on Compte tenu de la condition imposée
suit un tel raisonnement, la simple lec- par le présent arrêt du 20 mai 2015,
ture d’un document ou la captation d’une il est permis de penser que sa portée
conversation en se cachant dans un pla- est limitée, et qu’il est loin d’annoncer
card suffirait à constituer la soustraction un bouleversement de la matière. Il en
frauduleuse 31. La consécration du vol est d’autant plus ainsi que, depuis la
d’informations pourrait alors conduire loi no 2014-1353 du 13 novembre 2014,
à des solutions aberrantes et absurdes. les faits, ayant donné lieu à la présente

(26) Crim., 4 mars 2008, D. 2008. 2213, note S. Detraz ; Dr. pénal 2008. Chron. 10, no 22, obs. A. Lepage ; RSC 2009.
131, obs. J. Francillon ; RPDP 2008. 880, obs. V. Malabat.
(27) En en ce sens, M.-L. Rassat, Droit pénal spécial – Infractions du Code pénal, 7e éd. 2014, no 106.
(28) V. sur la question, S. Détraz, R. Ollard et J.-Ch. Saint-Pau, Contre l’incrimination du vol d’information, in La
réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale, Opinio doctorum, sous la direction de V. Malabat,
B. de Lamy et M. Giacopelli, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2009, p. 97 s., et spéc. p. 108.
(29) V. Peltier, Le secret des correspondances, PUAM, 1999, nos 522 s.
(30) Détraz, R. Ollard et J.-Ch. Saint-Pau, art. préc., in La réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale,
Opinio doctorum, p. 108.
(31) Ph. Conte, Droit pénal spécial, 4e éd., Litec, 2013, no 527, p. 306.

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Infractions contre les biens CHRONIQUES

décision, tombent sous le coup de l’inter- définie par ce texte, qui n’était pas appli-
diction de l’article 323-3 du code pénal, cable au moment de la commission des
qui sanctionne expressément le fait faits, devra désormais être retenue dans
« d’extraire, de détenir, de reproduire, des situations analogues, si bien que
de transmettre » des données conte- les juges répressifs n’auront nul besoin,
nues dans un système de traitement dans l’avenir, de malmener les disposi-
automatisé. L’incrimination spécifique tions de l’article 311-1 du code pénal.

Escroquerie

3. L’abstention, par un salarié, d’informer


son employeur de son statut de « salarié protégé »
ne constitue pas l’usage d’une fausse qualité
(Crim., 14 avril 2015, no 14-81.188, Dr. pénal 2015, comm. no 82, note M. Véron)

Dans la présente affaire, le directeur dénoncée par la partie civile ne pouvait


des ressources humaines d’une société, être caractérisée, car « l’escroquerie
licencié pour motif économique, avait est un délit d’action », « une abstention,
saisi le conseil de prud’hommes en une omission, un silence, une réticence,
demandant, notamment, l’octroi d’in- aussi coupables soient-ils, ne consti- 863
demnités pour méconnaissance par tuent pas des manœuvres frauduleuses,
l’employeur de son statut de salarié pro- celles-ci requérant l’accomplissement
tégé résultant de son élection en qualité d’un acte positif ». La dissimulation,
de conseiller prud’homme. La société même volontaire, de la qualité de salarié
concernée, qui soutenait ignorer cette protégé ne pouvait donc pas tomber sous
élection, avait porté plainte avec consti- le coup de l’incrimination. Par ailleurs,
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tution de partie civile du chef de tentative les investigations réalisées n’établis- © Dalloz | Téléchargé le 22/05/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.145.235.105)
d’escroquerie au jugement. Elle faisait saient pas que l’intéressé avait l’inten-
valoir qu’en dissimulant volontairement tion de revendiquer son statut particulier
sa qualité de salarié protégé avant son lors de la procédure de licenciement,
licenciement économique, omission et qu’il avait « volontairement dissi-
ayant déterminé son employeur à ne mulé » sa qualité de salarié protégé. Il
pas respecter la procédure spécifique en était d’autant plus ainsi que, selon
en la matière, l’intéressé avait tenté de les circonstances de l’espèce, il avait
commettre une escroquerie au juge- fait signer à son employeur un docu-
ment devant la juridiction prud’homale. ment pour son élection prud’homale et
fait passer des notes de frais relatives
À la suite d’une ordonnance de non- à son activité de conseil prud’homal.
lieu rendue à l’issue de l’information De plus et surtout, quand bien même le
judiciaire, l’employeur avait interjeté salarié en cause « aurait volontairement
appel contre ladite ordonnance. Saisie gardé le silence sur sa qualité de salarié
de l’affaire, la chambre de l’instruction protégé, le statut de salarié non-pro-
de la cour d’appel de Nîmes avait écarté tégé ne saurait constituer une qualité
tous les arguments invoqués par ledit susceptible de constituer un élément
employeur, confirmant ainsi l’ordon- de l’escroquerie dès lors qu’il ne s’agit
nance de non-lieu. En particulier, cette que d’un statut par défaut d’une qua-
juridiction avait estimé que l’infraction lité vraie, celle de salarié protégé ». En

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CHRONIQUES Infractions contre les biens

d’autres termes, « sur le fondement de l’accomplissement d’actes positifs, une


l’utilisation indue d’une fausse qualité, omission ou une abstention étant donc
l’infraction d’escroquerie ne saurait être exclue. Aussi, a-t-il été jugé que n’entrait
caractérisée ». Enfin, même au cas où le pas dans le champ d’application de l’in-
salarié aurait organisé son licenciement crimination, l’assuré social qui, bénéfi-
en dissimulant son statut, ces faits ne ciaire d’une rente d’invalidité pour cécité,
sont pas susceptibles de caractériser s’était abstenu de signaler l’amélioration
la tentative d’escroquerie au jugement, de son état à la Sécurité sociale 35.
qui n’est constituée que par la produc-
tion de documents mensongers 32 ou de En l’espèce, le salarié intéressé avait
documents devenus sans valeur 33, dans « gardé le silence » sur son statut parti-
le but de tromper la religion du juge 34. culier. Cela ne signifiait pas pour autant
Ainsi, la chambre de l’instruction avait- qu’il avait fait usage d’une fausse qua-
elle relevé que l’intéressé n’avait pas, lité. Il ne pouvait pas faire un tel usage
« dans le cadre de l’action prud’homale, par abstention. Il n’était certainement
produit des documents visant à démon- pas dans la même situation que la per-
trer qu’il avait alerté son employeur sonne qui avait affirmé faussement être
sur sa qualité de salarié protégé ». Au concessionnaire exclusif d’une mai-
contraire, il avait toujours indiqué « ne son de commerce 36, conseiller finan-
pas avoir revendiqué un tel statut ». cier 37, antiquaire 38, représentant d’une
société 39, mandataire 40 ou chômeur 41.
Cette décision a reçu la pleine appro-
bation de la Chambre criminelle qui a En outre, l’usage d’une fausse qualité
expressément affirmé que « l’abstention, n’est sanctionné que s’il est de nature à
par un salarié, d’informer l’employeur tromper autrui, les juges devant recher-
864 de la protection dont il bénéficie, au cher si cet usage a été la cause détermi-
regard du droit du licenciement, au titre nante de la remise de la chose 42.
d’un mandat extérieur, ne peut constituer
l’usage d’une fausse qualité au sens de Or, les conditions requises par l’article
l’article 313-1 du code pénal ». 313-1 du Code pénal étaient loin d’être
réunies, si bien que la qualification
La solution adoptée est pleinement jus- d’escroquerie n’a pas été, à juste titre,
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tifiée, car le délit d’escroquerie suppose retenue. © Dalloz | Téléchargé le 22/05/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.145.235.105)

(32) Crim., 16 mai 1979, RSC 1980. 447, obs. P. Bouzat ; Crim., 24 sept. 1996, Dr. pénal 1997, comm. no 2, note
M. Véron ; Crim., 26 mars 1998, Bull. crim. no 117 ; RTD com. 1998. 955, obs. B. Bouloc ; Crim., 3 juin 2004, Dr.
pénal 2004, comm. no 155, note M. Véron ; Crim., 2 avr. 2014, Dr. pénal 2014, comm. no 102, note M. Véron (à
propos de la production d’un faux certificat médical tendant à tromper un juge des tutelles).
(33) Crim., 4 avr. 1944, Bull. crim. no 99 ; Crim., 4 mars 1991, Bull. crim. no 106 ; Crim., 19 oct. 1993 ; Dr. pénal 1994,
comm. no 94, note M. Véron ; Crim., 3 janv. 1994, Gaz. Pal. 1994. 1. chron. crim. p. 161, J.-P. Doucet.
(34) Crim., 12 mai 1970, Bull. crim. no 160 ; Crim., 26 mars 1998, Bull. crim. no 117 ; RTD com. 1998. 955, obs. B. Bouloc.
(35) Crim., 2 oct. 1978, D. 1979. IR 116.
(36) Crim., 4 déc. 1969, Bull. crim. no 328.
(37) Crim., 12 déc. 1988, Bull. crim. no 42.
(38) Crim., 21 avr. 1970, Bull. crim. no 136.
(39) Crim., 11 déc. 1973, Bull. crim. no 457 ; Crim., 26 juin 1974, Bull. crim. no 240.
(40) Crim., 6 janv. 1953, Gaz. Pal. 1953. 1. somm. p. 20 ; v. aussi : Crim., 17 juill. 1970, Bull. crim. no 239 ; Aix-en-
Provence, 20 juin 2008, Gaz. Pal. 2009. 2. somm. 3249, note J. Lasserre-Capdeville.
(41) Crim., 30 nov. 1981, Bull. crim. no 315 ; RSC 1982. 622, obs. P. Bouzat ; v. aussi : Crim., 26 avr. 1994, Dr. pénal
1994, comm. no 181, note M. Véron ; Crim., 30 avr. 2003, Dr. pénal 2003, comm. no 119, note M. Véron (à propos
de la prise de fausse qualité d’aveugle).
(42) Crim., 14 mai 1990, Bull. crim. no 187.

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Infractions contre les biens CHRONIQUES

Recel

4. La souplesse jurisprudentielle quant à


la caractérisation du délit d’origine
(Crim., 12 mai 2015, no 14-80.766, Dr. pénal 2015, comm. no 95, note M. Véron)

Par le présent arrêt, la Chambre crimi- fondement nécessaire et suffisant de


nelle a approuvé la décision d’une cour l’élément légal du recel ». De plus, la
d’appel, qui avait déclaré le salarié d’une constitution de l’élément intentionnel
société de transport coupable de recel du recel n’exige pas « la connaissance
de diverses choses soustraites fraudu- exacte de l’espèce de crime ou de délit
leusement à son employeur et l’avait par lequel les objets ont été obtenus ».
condamné à allouer à ce dernier des
dommages-intérêts. Le recel étant ainsi établi, la cour d’ap-
pel, tenant compte du fait que l’intéressé
Selon les circonstances de l’espèce, l’in- avait utilisé « le cadre de son activité
formation judiciaire avait établi que le professionnelle et syndicale pour mettre
prévenu, délégué syndical dans l’entre- en place un système frauduleux dans
prise où il était employé, s’était procuré le seul but de se procurer des biens de
différents objets de consommation en consommation détournés à l’insu de son
demandant à ses collègues de se livrer employeur avec pour finalité le profit
à des manœuvres douteuses (pose de personnel », avait aggravé la durée de 865
plombs) et en infraction totale avec les la peine d’emprisonnement avec sursis,
règles de fonctionnement habituelles prononcée par le tribunal correctionnel,
(dépôt d’un container sur une zone de en la portant à deux ans.
fret non prévue à cet effet) afin de lui
permettre de prendre possession de Ayant formé un pourvoi en cassation,
biens qu’il réglait en espèces, à un prix l’intéressé contestait le bien-fondé de
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inférieur à celui du commerce officiel. cette décision, car la cour d’appel s’était © Dalloz | Téléchargé le 22/05/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.145.235.105)
En outre, l’intéressé avait reconnu, lors abstenue « de préciser et de quali-
des débats, qu’il revendait ensuite, de fier l’infraction originaire d’où serait
façon clandestine, une partie des mar- précisément issue la marchandise liti-
chandises ainsi acquises. gieuse ». Or, en l’absence de caractéri-
sation de cette infraction, il ne pouvait y
Pour retenir le délit de recel à l’encontre avoir recel.
du prévenu, les juges répressifs avaient
relevé que ce dernier avait « connais- En réponse à un tel argument, la
sance de l’origine frauduleuse des objets Chambre criminelle a toutefois consi-
recelés », une telle connaissance se déré que le délit de recel était dûment
déduisant « des circonstances de la établi puisque les juges du second degré
cause, notamment des conditions de avaient caractérisé « la connaissance,
clandestinité d’obtention exclusives de chez le prévenu, de l’origine frauduleuse
toute bonne foi ». Quant à l’« infrac- des objets qu’il détenait »,
tion originaire », condition préalable à
la constitution du recel, la juridiction Mais la solution adoptée peut-elle se
du second degré avait déclaré que la justifier en l’espèce ?
qualification exacte de cette infraction
est « sans effet sur la nature illicite de On doit, d’abord, rappeler que le recel
l’origine de la chose détenue qui est le est, comme le blanchiment, un délit

RSC - E - octobre-décembre 2015


CHRONIQUES Infractions contre les biens

de conséquence ; ce qui signifie qu’il pour recel, alors que les auteurs des
ne peut se concevoir que s’il est établi infractions d’origine, à savoir des délits
l’existence d’une « infraction d’origine » de violation du secret de l’instruction
objectivement punissable. En particu- ou du secret professionnel, n’avaient
lier, cette dernière peut être tout crime pas pu être identifiés. Les solutions
ou tout délit, sous réserve qu’il puisse adoptées avaient, à juste titre, fait l’ob-
permettre la détention d’une chose ou jet de vives critiques car les infractions
le bénéfice d’un produit 43. préalables ne pouvaient et ne peuvent
être commises que par des personnes
Par conséquent, il appartient aux juges disposant d’une qualité déterminée 46.
répressifs de caractériser, dans leur Néanmoins, cette position jurispruden-
décision de condamnation, l’infraction tielle a été remise en cause par d’autres
préalable ayant procuré l’objet recelé. arrêts postérieurs. En effet, la Haute
Ainsi, ont encouru la cassation certains juridiction n’a pas hésité à censurer des
arrêts qui s’étaient simplement conten- décisions de cours d’appel ayant retenu
tés de mentionner « l’origine fraudu- le recel de violation du secret profes-
leuse des choses recelées », sans indi- sionnel sans caractériser le délit princi-
quer la nature précise de l’infraction pal, faute d’avoir constaté la révélation
originaire 44. d’une information à caractère secret par
une personne qui en aurait été déposi-
Mais, dès lors que cette dernière est taire par état ou par profession 47.
constatée, le recel est punissable,
même si l’auteur de l’infraction préa- Sans aucun doute, ce mouvement juris-
lable n’a pas été identifié 45. Néanmoins, prudentiel mérite notre pleine appro-
la non-identification de l’auteur de l’in- bation car le délit de recel suppose,
866 fraction d’origine suscite des réserves d’abord et avant tout, l’existence d’une
lorsque celle-ci ne peut être accomplie infraction préalable. Il va de soi que
que par des personnes ayant une qualité celle-ci doit être dûment caractérisée.
déterminée. C’est qu’en effet, cette qua-
lité fait partie des éléments constitutifs Il est regrettable que le présent arrêt du
de ladite infraction. Si, donc, l’auteur n’a 12 mai 2015 rompe brutalement avec ce
pas pu être identifié, l’infraction préa- mouvement jurisprudentiel et, notam-
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lable n’est pas dûment établie et, par ment, avec une jurisprudence antérieure © Dalloz | Téléchargé le 22/05/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.145.235.105)
conséquent, toute condamnation pro- qui condamnait fermement l’emploi des
noncée pour recel paraît injustifiée. À formules vagues et abstraites, telles que
cet égard, on peut relever certaines « l’origine frauduleuse des choses rece-
décisions par lesquelles la Chambre cri- lées », jugées insuffisantes pour carac-
minelle a confirmé des condamnations tériser l’infraction d’origine.

(43) V. sur la nature de l’infraction d’origine : A. Lepage et H. Matsopoulou, Droit pénal spécial, éd. PUF, coll. Thémis,
2015, no 876.
(44) Crim., 5 déc. 1946, Bull. crim. no 223 ; Crim., 23 mai 1962, Bull. crim. no 418 ; cf. aussi : Crim., 14 déc. 2000, Bull.
crim. no 381 ; RTD com. 2001. 527, obs. B. Bouloc, D. 2001. IR 831.
(45) Crim., 10 oct. 1972, Bull. crim. no 277 ; v. aussi : Crim., 30 oct. 2006, Bull. crim. no 258 ; D. 2007. 1240, note
A. Guedj ; JCP 2007, II, 10054, note F. Fourment ; RSC 2007. 106, obs. J. Francillon (en l’espèce, il été décidé
qu’« aucune disposition n’impose de rechercher l’auteur de l’infraction de violation du secret de l’instruction
avant de tenter d’identifier les auteurs d’un éventuel recel »).
(46) V. Crim., 3 avr. 1995, Bull. crim. no 142 ; JCP 1995, II, 22429, note E. Derieux ; D. 1995, somm. p. 320, obs. J. Pra-
del ; Dr. pénal 1995, comm. no 175, note M. Véron ; RSC 1995. 599, obs. J. Francillon, et p. 821, obs. R. Otten-
hof ; Crim., 19 juin 2001, Bull. crim. no 149 ; D. 2001. 2538, note B. Beignier et B. de Lamy ; JCP 2002, II, 10064,
concl. D. Commaret et note A. Lepage ; RTDH 2002. 497, note E. Dreyer ; RSC 2002. 119, obs. J. Francillon et
p. 592, obs. J.-P. Delmas Saint-Hilaire.
(47) Crim., 24 mai 2005, Bull. crim. no 155 ; RPDP 2006. 143, obs. J.-Ch. Saint-Pau ; après renvoi : Crim., 4 déc. 2007,
Bull. crim. no 302 ; Dr. pénal 2008, comm. no 37, note M. Véron ; RPDP 2008. 111, obs. J.-Ch. Saint-Pau ; Crim.,
6 mars 2012, Bull. crim. no 61 ; JCP 2012. 547, note S. Detraz ; Dr. pénal 2012, comm. no 68, note M. Véron, ;
RPDP 2012. 645, obs. S. Fournier ; CCE 2012, comm. no 68, obs. A. Lepage.

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Infractions contre les biens CHRONIQUES

On rappellera encore ici que, pour retenir telle hypothèse, être considérés comme
le recel, la cour d’appel, approuvée par la complices ? On peut être d’autant plus
Haute juridiction, avait déclaré, en l’es- conforté dans une telle opinion que les
pèce, que « la qualification exacte du délit juges du second degré avaient indiqué
est sans effet sur la nature illicite de l’ori- que l’intéressé avait « usé de compli-
gine de la chose détenue qui est le fonde- cités et de stratagèmes pour obtenir
ment nécessaire et suffisant de l’élément lesdits biens ».
légal du recel ». Il est certain que, ce
faisant, elle se montre peu respectueuse Quoi qu’il en soit, il faut bien reconnaître
de la règle de l’interprétation stricte de que le raisonnement suivi par les juges
la loi pénale, qui exige la qualification répressifs manque de rigueur, ce qui
exacte du crime ou du délit d’où provient nous conduit à regretter davantage que
la chose recelée (C. pén., art. 321-1). Or, leur décision n’ait pas encouru la cen-
aucune précision n’est donnée quant à la sure de la Cour de cassation.
nature exacte de l’infraction préalable.
Dans sa décision de condamnation, la Il ne faut surtout pas confondre la
juridiction du second degré avait fait à la nécessité de caractériser l’infraction
fois état des « objets soustraits » et des d’origine avec celle d’établir l’élément
« biens de consommation détournés à intentionnel du recel. Il s’agit de deux
l’insu de son employeur ». Le doute est conditions différentes nécessaires à la
alors permis. L’infraction préalable était- constitution de cette dernière infrac-
elle un vol ou un abus de confiance ? tion, et qui doivent toutes les deux être
Quant à la Chambre criminelle, elle n’a dûment établies.
retenu, pour sa part, des différents élé-
ments résultant de l’arrêt attaqué et des Or, en l’espèce, on peut constater que
pièces de procédure, que le recel des la cour d’appel ne s’était exprimée que 867
choses « soustraites frauduleusement à sur l’existence de l’élément intentionnel
son employeur », ce qui laisse supposer du recel. Sur ce point, on doit rappeler
que le délit d’origine était un vol. que le recel suppose que l’auteur ait eu
connaissance de la provenance illicite
C’est curieux… autant de suppositions des biens et qu’il ait eu la volonté de les
et de doutes dans une matière soumise conserver ou d’en tirer un profit, par tout
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au principe de légalité des délits et moyen. Il appartient, par conséquent, © Dalloz | Téléchargé le 22/05/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.145.235.105)
des peines et à celui de l’interprétation aux juges d’établir la mauvaise foi du
stricte de la loi pénale ? receleur 48. Toutefois, la jurisprudence
n’exige pas que ce dernier ait eu une
À vrai dire, les indications fournies par connaissance précise de la nature et des
l’arrêt de la cour d’appel nous laissent circonstances de réalisation de l’infrac-
perplexe. N’aurait-il pas été permis de tion d’origine 49, une telle connaissance
retenir en l’espèce, à l’encontre du pré- n’ayant, dans certains cas, qu’une inci-
venu, le délit de vol plutôt que celui de dence sur la détermination de la peine
recel, ses collègues pouvant, dans une applicable 50.

(48) Crim., 5 oct. 1977, Bull. crim. no 290 ; Crim., 7 nov. 1990, Dr. pénal 1991, comm. no 77, note M. Véron ; v. aussi
Crim., 20 oct. 2010, JCP 2010. 1273, note S. Detraz (en l’espèce, il a été jugé que le prévenu avait « sciemment
recélé les fichiers clients de son ancien employeur, en les détenant et en les utilisant, après son licenciement,
sachant que ces éléments provenaient d’un vol au préjudice » de la société).
(49) V. Crim., 31 mars 1949, Bull. crim. no 131 ; Crim., 9 nov. 1965, Bull. crim. no 227 ; Crim., 13 mai 1991, Bull. crim.
no 200 ; RSC 1992. 312, obs. J.-P. Delmas Saint-Hilaire ; Crim., 16 déc. 1997, Bull. crim. no 428 ; Dr. pénal 1998, comm.
no 51, note M. Véron ; Crim., 6 oct. 2004, Dr. pénal 2005, comm. no 38, note M. Véron (il importe peu que « le
prévenu n’ait pas connu le détail des circonstances de la commission des délits d’où provenaient les fonds recelés »).
(50) Le receleur s’expose aux peines attachées à l’infraction d’origine dont il a eu connaissance (C. pén., art. 321-4).
Lorsque le fait délictueux principal est accompagné de circonstances aggravantes, le receleur se voit appliquer les
peines attachées aux seules circonstances dont il a eu connaissance ; v. Crim., 19 mars 1986, Bull. crim. no 112 ;
Crim., 5 juill. et 26 juill. 1993, Dr. pénal 1993, comm. no 258, note M. Véron.

RSC - E - octobre-décembre 2015


CHRONIQUES Infractions contre les biens

Bien évidemment, l’existence de doutes que sa communication ou la divulgation


sur la connaissance de l’origine frau- de son contenu n’a pu être faite que par
duleuse de l’objet 51 ou l’absence d’une une personne tenue au secret de l’ins-
telle connaissance 52 peut justifier la truction ou au secret professionnel. Mais
relaxe du prévenu 53. il n’est nullement nécessaire que cette
personne soit identifiée ! ! !
Le présent arrêt ne fait donc que rap-
peler ces règles jurisprudentielles. En Ces réserves formulées en ce qui
l’espèce, les juges répressifs avaient concerne la caractérisation du recel, la
déduit la « connaissance », par le pré- décision ici commentée n’est pas non
venu, « de l’origine frauduleuse des plus à l’abri des critiques quant à la
objets recelés » « des circonstances de condamnation civile.
la cause, notamment des conditions de
clandestinité d’obtention exclusives de S’agissant, en particulier, de l’exer-
toute bonne foi ». cice de l’action civile, les juges du fond
avaient déclaré la société de transport
Quant à la Chambre criminelle qui ne « recevable et bien fondée à se consti-
s’est nullement préoccupée de la nature tuer partie civile » en raison des infrac-
exacte de l’infraction d’origine, elle a tions commises, qui avaient « privé cer-
estimé que la cour d’appel avait carac- tains destinataires de tout ou partie de
térisé le recel, puisqu’elle avait établi leur colis ». C’est qu’en effet, à la suite
« la connaissance, chez le prévenu, de des plaintes déposées par différents
l’origine frauduleuse des objets qu’il destinataires, la société intéressée avait
détenait ». En d’autres termes, cette dû indemniser, en tant que « respon-
connaissance suffisait seule à caracté- sable des marchandises transportées »,
868 riser le recel, peu important que l’in- certains clients. Tenant donc compte de
fraction d’origine n’ait pas été dûment ces éléments, les juges avaient consi-
établie. déré que les agissements délictueux
n’avaient pas seulement causé à la
Il semble que ce courant jurisprudentiel, société un préjudice matériel mais aussi
qui se montre peu exigeant quant à la avaient porté atteinte à son « image
caractérisation de l’infraction préalable, commerciale ». Dans ces conditions, la
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se trouve confirmé par un arrêt posté- cour d’appel affirmait le caractère « cer- © Dalloz | Téléchargé le 22/05/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.145.235.105)
rieur du 9 juin 2015 54, par lequel la Cour tain » du préjudice « subi par la partie
de cassation a confirmé une condamna- civile et résultant directement des faits
tion prononcée pour recel de violation visés à la prévention », conformément
du secret professionnel alors que la aux prescriptions de l’article 2 du code
cour d’appel n’avait pas identifié l’auteur de procédure pénale. Elle avait, par
de cette violation. Ainsi, a-t-il été jugé ailleurs, maintenu l’évaluation du préju-
que « l’identification de l’auteur de la dice, telle qu’elle avait été faite par les
violation du secret professionnel n’est premiers juges.
pas nécessaire, seule étant exigée la
démonstration qu’il fait partie des dépo- Pour sa part, l’intéressé contestait la
sitaires de ce secret ». Prenant donc « condamnation civile », en faisant valoir
en considération la nature « confiden- que la société de transport était « irrece-
tielle » de tel ou tel document, les juri- vable en sa demande indemnitaire devant
dictions répressives peuvent présumer le juge répressif », car elle se présentait

(51) Crim., 16 nov. 1983, Gaz. Pal. 1984. 1. somm. 105 ; RSC 1984. 517, obs. P. Bouzat.
(52) V. Paris, 29 janv. 2003, 9e ch., sect. A, arrêt no 01/01383 (relaxe prononcée car les éléments de la procédure ne
permettaient pas d’établir l’intention coupable du prévenu).
(53) Grenoble, 6 avr. 2005, JCP 2005, IV, 3378 (les juges répressifs ont admis, en l’espèce, la bonne foi d’un acheteur
de véhicules d’occasion, qui les faisait expertiser par un garage qui aurait pu se rendre compte du vol).

octobre-décembre 2015 - E - RSC


Infractions contre les biens CHRONIQUES

« comme subrogé[e] dans le droit des obligations légales imposées à la société


victimes qu’[elle] aurait indemnisées ». concernée.
La demande de la partie civile n’était pas
alors « en lien direct et nécessaire avec Sans aucun doute, le présent arrêt
les faits de la prévention ». rompt avec une jurisprudence constante
ayant déclaré irrecevables des actions
Néanmoins, la Cour de cassation n’a pas civiles exercées, devant le juge pénal,
partagé un tel point du vue. Elle a consi- par des créanciers subrogés dans les
déré que la juridiction du second degré droits des victimes, car leur préjudice ne
avait justifié sa décision, puisqu’elle avait résultait pas des infractions commises
caractérisé « l’existence, pour la partie mais des conventions intervenues entre
civile qui était garante, en qualité de voi- les victimes et eux-mêmes 55. Tel était
turier, de la perte des objets qu’elle avait le cas de l’assureur se prévalant d’un
la responsabilité de transporter, confor- préjudice qui était la conséquence du
mément à l’article L. 133-1 du code de contrat d’assurance 56.
commerce, d’un dommage causé direc-
tement par l’infraction ». La solution adoptée par la Chambre cri-
minelle, dans la présente affaire, suscite
Mais le préjudice invoqué puisait-il donc des réserves, quant à l’admission
directement sa source dans les faits du préjudice matériel résultant direc-
délictueux accomplis ? tement des faits délictueux imputés au
prévenu. Cependant, il est permis de
Comme les hauts magistrats l’ont relevé, penser que ces derniers avaient porté
la société de transport était tenue d’in- « atteinte à l’image commerciale » de la
demniser les clients n’ayant pas reçu société de transport, si bien que celle-ci
leurs colis, en vertu des dispositions de était en droit d’invoquer un préjudice 869
l’article L. 133-1 du code de commerce, d’ordre moral en lien direct avec l’in-
selon lesquelles « le voiturier est garant fraction retenue. On peut regretter que
de la perte des objets à transporter, la Cour de cassation ne se soit pas
hors les cas de force majeure ». Mais, exprimée sur ce point.
dans cette hypothèse, la société inté-
ressée, qui avait payé à ses clients la En définitive, il est à souhaiter que la
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réparation du dommage résultant direc- Haute juridiction se montre, dans l’ave- © Dalloz | Téléchargé le 22/05/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.145.235.105)
tement des infractions commises, s’était nir, plus exigeante quant à la caractéri-
trouvée subrogée dans leurs droits. Le sation de l’infraction d’origine, condition
préjudice matériel invoqué par la par- préalable à la constitution du recel, et
tie civile ne puisait donc pas sa source quant au caractère « direct » d’un pré-
dans les agissements délictueux ; en judice invoqué par la victime d’un fait
réalité, il n’était que la conséquence des délictueux.

(54) Crim., 9 juin 2015, Dr. pénal 2015, comm. no 122, note Ph. Conte.
(55) Crim., 9 janv. 1973, JCP 1974, II, 17674, note B. Bouloc ; Crim., 14 nov. 1974, Bull. crim. no 333 ; JCP 1975, II,
18062, note P. Chambon ; Crim., 8 févr. 1993, Bull. crim. no 63 ; Gaz. Pal. 24 juin 1993, p. 9, obs. J.-P. Doucet.
(56) Crim., 28 févr. 1967, Bull. crim. no 78 ; Crim., 26 mars 1990, Bull. crim. no 130. On peut faire observer que,
depuis la loi du 8 juill. 1983, l’assureur de la victime peut intervenir, au procès pénal, lorsque les poursuites sont
exercées pour les infractions d’homicide ou de blessures involontaires ayant entraîné pour autrui un dommage
quelconque ; v. pour une étude détaillée : B. Bouloc, Procédure pénale, 24e éd., Dalloz, 2014, no 292.

RSC - E - octobre-décembre 2015

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