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Droit pénal de la consommation

Coralie Ambroise-Castérot
Dans Revue de science criminelle et de droit pénal comparé 2011/1 (N° 1), pages 104 à
112
Éditions Dalloz
ISSN 0035-1733
DOI 10.3917/rsc.1101.0104
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CHRONIQUES
CHRONIQUE DE JURISPRUDENCE


Droit pénal de la consommation
Coralie AMBROISE-CASTÉROT
Agrégée des Facultés de droit, Professeur à l’Université de Nice

1. Specialia generalibus derogant : quand une contravention élimine le délit de publicité
trompeuse (Crim., 23 mars 2010, inédit, n° 09-82.545, D. 2010. 1913, note E. Dreyer)

L’origine des viandes consommées dans les restaurants est un sujet devenu sensible depuis
le scandale de la vache folle (maladie de Creutzfeldt-Jakob liées aux farines animales), et
celui des viandes contaminées ou importées illégalement de Grande-Bretagne pendant l’em-
bargo 1. Le décret n° 2002-1465 du 17 décembre 2002, relatif à l’étiquetage des viandes
bovines dans les établissements de restauration, est venu imposer une obligation d’infor-
mation du consommateur quant à l’origine, c’est-à-dire la provenance des viandes servies à
leurs tables. Mais que se passe-t-il si le restaurateur n’informe pas correctement le consom-
mateur ? Commet-il l’infraction de pratiques commerciales trompeuses réprimée par l’ar-
ticle L. 121-1 du code de la consommation ? 2

En l’occurrence, à l’occasion d’un contrôle effectué le 5 avril 2006 dans un restaurant


exploité par la société France Quick, des agents de la direction générale de la concurrence,
de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont constaté que l’affiche
prescrite par le décret du 17 décembre 2002 relatif à l’étiquetage des viandes bovines dans
les établissements de restauration mentionnait, comme pays d’origine de la viande bovine
contenue dans les hamburgers servis aux clients, la France, l’Italie, l’Irlande et l’Espagne,
alors que la viande était uniquement d’origine française. En raison de cette distorsion entre
affichage et réalité, des poursuites furent diligentées contre la société France Quick qui fut
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condamnée par le tribunal correctionnel pour publicité de nature à induire en erreur. Ayant © Dalloz | Téléchargé le 17/04/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.250.196.63)
fait appel, la société Quick vit sa condamnation confirmée aux motifs que l’affichage litigieux
créait une confusion de nature à induire en erreur le consommateur sur l’origine de la
viande qui lui était servie. La société se pourvut alors en cassation en arguant du fait que,
dans la mesure où la viande provenait bien d’un des quatre pays mentionnés sur l’affiche
placardée dans le restaurant, l’indication était sans doute imprécise, mais en aucun cas non
trompeuse. Et cette argumentation va prospérer et convaincre la Cour de cassation. En effet,
la chambre criminelle va procéder à la cassation de l’arrêt d’appel : « Mais attendu qu’en
l’état de ces seules énonciations, qui ne caractérisent pas le délit de publicité trompeuse, la
cour d’appel, qui n’a pas recherché si les faits dont elle était saisie ne constituaient pas la
contravention de la troisième classe prévue par l’article 3 du décret du 17 décembre 2002,
n’a pas justifié sa décision ; D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef... ».

(1) V. not. l’aff. Buffalo Grill : Crim., 1er oct. 2003, n° 03-82.909, D. 2004. 671, obs. J. Pradel ; cette Revue 2004.
99, obs. C. Ambroise-Castérot.
(2) L’infraction de publicité trompeuse est devenue « pratiques commerciales trompeuses » depuis les lois du
3 janv. 2008, modifiée par celle du 4 août suivant. V. à ce sujet D. Ferrier et D. Ferré, La réforme des pra-
tiques commerciales : loi n° 2008-3 du 3 janv. 2008, CCC 2008, Etude n° 2 ; L. Leveneur, Un peu de concur-
rence, beaucoup de droit de la consommation, JCP 2008. 69 ; M. Bruschi, La loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008
et l’amélioration de la protection des consommateurs, RLDA 2008, n° 24, p. 51 ; A. Lepage, Un an de droit
pénal de la consommation, Dr. pénal mai 2008, chron. 4 ; C. Ambroise-Castérot, Les nouvelles pratiques com-
merciales déloyales après la loi LME du 4 août 2008, AJ pénal 2009. 22.

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La motivation de l’arrêt est pour le moins elliptique, la chambre criminelle n’explicitant pas
en détail les raisons justifiant cette cassation mais il semble que l’ensemble des éléments
constitutifs de l’infraction faisait en l’occurrence défaut.

CHRONIQUES
En effet, d’une part, l’élément matériel semblait difficile à caractériser dans la mesure où
est nécessaire une information erronée, susceptible de tromper le consommateur. Or, tel n’é-
tait pas le cas en l’espèce, comme le soulignait le demandeur au pourvoi : l’information n’é-
tait pas fausse, puisque la viande provenait bien de France, pays effectivement mentionné
sur l’affiche du restaurant. Seulement, elle ne provenait que de France, et non de l’ensemble
des 4 pays listés. L’information était donc exacte (pas de contradiction entre le panneau et
les frigos), mais imprécise. La pratique commerciale ne pouvait donc pas être considérée
comme trompeuse.

D’autre part, comme cela a pu être judicieusement remarqué 3, l’élément moral semblait
également faire défaut. Depuis le revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassa-
tion le 15 décembre 2009 4, l’infraction prévue par l’article L. 121-1 du code de la consom-
mation exige la démonstration d’une intention coupable. L’imprudence ou la négligence
ne suffisent plus à caractériser une pratique commerciale trompeuse. Tromper nécessite une
volonté tendue vers le but d’induire le consommateur en erreur. Or, tel n’était visiblement
pas le cas puisque l’origine de la viande n’était pas dissimulée. Tout au plus pouvait-on, peut-
être, relever une négligence dans la mise à jour de l’affichage ou la précision du panneau.
Mais l’intention délictueuse faisant défaut, l’infraction de pratiques commerciales trom-
peuses ne pouvait pas être retenue.

Ainsi, non contents d’appliquer au prévenu (la société Quick) une infraction inadaptée, les
juges du fond n’avaient même pas identifié l’infraction qui aurait pu adéquatement s’ap-
pliquer. Par cette décision de cassation, les juges de renvoi sont invités à s’interroger sur
l’existence de la contravention contenue dans le décret du 17 décembre 2002. En effet, selon
l’article 3, al. 1er, de ce texte : « est puni des amendes prévues pour les contraventions de la
3e classe 5 le fait de mettre en vente, de vendre ou de distribuer à titre gratuit, dans les éta-
blissements proposant des repas à consommer sur place et ou dans les établissements pro-
posant des repas à consommer sur place et à emporter ou à livrer, les viandes bovines visées
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à l’article 1er (plats contenant de la viande et viandes hachées destinés aux consommateurs) © Dalloz | Téléchargé le 17/04/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.250.196.63)
dont l’origine n’est pas portée à la connaissance du consommateur, dans les conditions pré-
cisées à l’article 2 ».

Et a priori, à la lecture des faits, cette infraction — contraventionnelle — semble visiblement


plus adaptée... mais pas forcément constituée. En effet, l’origine de la viande est connue du
consommateur, comme l’exige le décret de 2002, puisque la France est bien effectivement
indiquée comme lieu de provenance sur le panneau informatif. Est-ce que le fait que trois
autres pays soient indiqués sur l’affichage suppose que les quatre origines géographiques des
viandes soient présentes en même temps dans les hamburgers ? Une telle lecture semble
pouvoir également être valablement contestée.

(3) V. note E. Dreyer, Non intentionnelle, la pratique commerciale trompeuse constitue une simple contraven-
tion, D. 2010. 1913.
(4) Crim., 15 déc. 2009, n° 09-83.059, Bull. crim. n° 212, D. 2010. 203, obs. X. Delpech ; AJ pénal 2010. 73, note
N. Eréséo et J. Lasserre Capdeville ; cette Revue 2010. 146, obs. C. Ambroise-Castérot ; RTD com. 2010. 444,
obs. B. Bouloc ; CCC 2010, comm. 145, obs. Raymond ; Dr. pénal 2010, comm. 41, obs. Robert.
(5) Les contraventions de 3e classe sont réprimées d’une amende de 450 € (V. l’échelle des amendes : C. pén.,
art. 131-13).

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2. Du délit d’escroquerie à celui de pratiques commerciales trompeuses : une infraction


sans victime (Crim., 5 mai 2010, inédit, n° 09-85.689, RDI 2010. 605, obs. G. Roujou de
Boubée ; CCC. 2010, comm. 286, obs. Raymond)
CHRONIQUES

Les clients d’un promoteur condamné pour pratique commerciale trompeuse en sont-ils vic-
times au sens de l’article 2 du code de procédure pénale et peuvent-ils, en conséquence, se
constituer parties civiles devant le juge répressif pour obtenir réparation du préjudice qu’ils
prétendent subir ? Telle est, en substance, la question à laquelle la chambre criminelle a eu
à répondre dans un arrêt rendu le 5 mai 2010.

En l’espèce, un promoteur immobilier avait acquis 16 hectares de terrain afin de réaliser un


parc de loisirs résidentiel avec implantation de cent-vingt chalets et de structures immobi-
lières communes. Les 16 hectares, pourtant inconstructibles et classés « terrains agricoles »,
avaient d’abord fait l’objet d’une délivrance de permis de construire en 1994, sous condi-
tions, avant que celui-ci ne soit modifié en 1995 en raison de l’absence de réalisation des
tranches et équipements communs intégrés relevant des obligations du permis de construire.
Malgré cela, dix ans plus tard, en 2004, ce promoteur décida de faire de la publicité dans
les journaux pour la vente de trente parcelles de 500 m² au prix de 15 000 euros, en vue de
l’implantation de chalets ou de mobile home. De plus, en bordure de la dite propriété, il
apposa une pancarte publicitaire indiquant : « vente de terrains à bâtir » ainsi que la réfé-
rence du permis de construire, lequel était pourtant devenu caduc depuis plusieurs années.
Suite à cette publicité, deux couples entreprirent des démarches afin d’acquérir des parcelles
et d’y installer un mobile home. Les époux Y acquirent une parcelle, tandis que les époux
A ne signèrent qu’une promesse de vente, qui devint caduque. Toutefois, bien qu’ayant été
informés du caractère inconstructible du terrain, mentionné dans l’acte authentique, les
époux Y achetèrent une parcelle de terrain. Par la suite, ils décidèrent de porter plainte pour
escroquerie. Cette qualification ne put prospérer car, comme le soulignèrent les juges, l’es-
croquerie n’est constituée que lorsque la tromperie a déterminé la personne qui en a été
l’objet à remettre des fonds ou à consentir un acte. Or, en l’espèce, le couple avait signé un
acte authentique de vente précisant que le terrain n’était pas constructible, ce qui démon-
trait que ce n’était pas le mensonge dolosif mentionné sur les panneaux et dans les annonces
de journaux qui les avait déterminés à remettre des fonds ou à consentir un acte. Il est néces-
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saire, en référence aux éléments constitutifs contenus dans l’article 313-1 du code pénal, © Dalloz | Téléchargé le 17/04/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.250.196.63)
qu’il existe un lien de causalité entre le mensonge et la remise. Si l’information fausse est
connue et volontairement ignorée par la « victime », l’escroquerie ne peut être retenue.
Comme l’a déjà souligné la jurisprudence, des assertions fausses ne sauraient caractériser le
délit d’escroquerie dans la mesure où elles n’ont pas été la cause déterminante de la remise
des fonds, élément indispensable à la consommation de l’infraction prévue par l’article 313-
1 du code pénal 6. L’escroquerie n’était donc pas constituée et les faits furent requalifiés en
pratique commerciale trompeuse 7, délit prévu par l’article L. 121-1 du code de la consom-
mation, et réprimé par l’article L. 121-6, renvoyant lui-même, concernant les peines, à l’ar-
ticle L. 213-1 du code de la consommation 8. Cette infraction semblait effectivement la seule
adéquate, le prévenu ayant effectivement fait une publicité reposant sur des indications

(6) Paris, 1er mars 1996, CCC 1996, comm. 196, obs. Raymond ; et rejet du pourvoi : Crim., 23 avr. 1997, Bull.
crim. n° 143, Dr. pénal 1997, comm. 114, obs. Robert.
(7) Il convient de noter que les deux qualifications — escroquerie et pratiques commerciales trompeuses — ne
sont pas incompatibles. La jurisprudence a déjà pu retenir, dans le passé, un cumul d’infractions : Crim., 10
mai 1978, Bull. crim. n° 148, D. 1978. IR. 348, obs. Roujou de Boubée ; Caen 17 oct. 1997, D. 1998. IR. 21 ;
Rennes, 28 sept. 2000, JCP 2001. II. 10592, note Geffroy et Belloir. Mais ici, il aurait fallu que les éléments
constitutifs des deux infractions soient caractérisés, ce qui n’était pas le cas dans l’espèce soumis à la Cour
de cassation le 5 mai 2010.
(8) L’infraction est punie de deux ans d’emprisonnement et de 37 500 € d’amende.

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fausses. Les éléments constitutifs de celle-ci n’étaient pas contestables... et d’ailleurs non
contestés.

La difficulté juridique venait de la constitution de partie civile des époux A, pourtant débar-

CHRONIQUES
rassés de leur compromis, ainsi que des époux Y, qui s’estimaient victimes de la pratique
commerciale trompeuse et entendaient en demander réparation. Les époux Y arguaient du
fait qu’ils avaient versé un acompte pour la réservation du terrain d’un montant de 4 000
euros, et engagés des fonds pour l’achat d’un mobile home et la réalisation de divers tra-
vaux, puisqu’ils nourrissaient apparemment l’espoir (fou ?) de voir le permis de construire
finalement accordé, malgré la qualification de « terrain agricole » du terrain et la position
ferme du maire à ce sujet. Ces époux naïfs et entêtés dans leur désir déraisonnable d’achat
correspondaient-ils aux critères de l’article 2 du code de procédure pénale, c’est-à-dire avoir
personnellement subi un préjudice directement causé par l’infraction ?

Les juges du fond avaient répondu par la négative, ce à quoi le couple opposa un pourvoi
en cassation. Mais la chambre criminelle rappela tout d’abord que les compromis de vente
souscrits par les parties A et l’acte de vente conclu par les époux Y... précisaient à chaque
fois que le terrain n’était pas constructible. Autrement dit, l’information avait été donnée,
de manière claire, voire authentique concernant les époux Y, passés devant notaire. Ensuite,
la chambre criminelle ajouta, à l’instar de la cour d’appel, que le préjudice argué par les
époux ne découlait pas directement de l’infraction.

Cette affirmation est parfaitement logique puisque, en effet, ce ne sont pas les pratiques
commerciales trompeuses du prévenu qui ont conduit les différentes parties civiles à enga-
ger des fonds et à contracter. Elles étaient toutes parfaitement au courant du caractère
inconstructibles du terrain. Elles n’ont pas été effectivement trompées et elles ont décidés,
pour certaines, de conclure la vente jusqu’au bout malgré la connaissance de cette infor-
mation fondamentale qui, objectivement, ruinait leur projet. Il n’existait donc aucun lien
direct entre le comportement du prévenu, qui mentait sur les encarts et panneaux publici-
taires, et la signature des parties. C’est de leur propre chef, et en dépit des informations
données, qu’elles avaient décidé de s’engager. Cet élément constitue également la raison
pour laquelle le délit d’escroquerie ne pouvait pas être retenu.
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Ici, en raison de l’information réelle et effective des parties civiles, celles-ci ne peuvent être
victimes et le délit a tout d’un coup des airs d’infraction d’intérêt général. Mais cette impres-
sion n’est due qu’à la fausse qualité de ces victimes qui n’ont en réalité pas été trompées...
sinon par elles-mêmes et leur probable excessive naïveté.

3. Démarchage à domicile et salon de l’habitat (Crim., 18 mai 2010, inédit, n° 09-88.448)

La définition et de la détermination du champ d’application de la loi sur le démarchage à


domicile 9 sont des questions relativement complexes à résoudre, d’autant plus que les
termes de « démarchage à domicile » peuvent induire en erreur. En effet, selon le code de
la consommation, un client invité à se rendre à l’extérieur de chez lui et qui y conclut une
vente 10, peut être considéré comme ayant été démarché à domicile, au sens de l’article L.

(9) N. Chabrux, Vers une nouvelle interprétation du démarchage, CCC 1994, chron. 6 ; I. Ferrari, La jurispru-
dence de la Cour de cassation sur deux pratiques commerciales réglementées par le code de la consom-
mation ; partie II : le démarchage à domicile, Dr. pénal 1995. chron. 14 ; J. Julien, Retour sur la notion de
démarchage, RLDC 2006/24, n° 978 ; G. Raymond, Champ d’application de l’article L. 121-21 du code de
la consommation , Gaz. Pal. 1995, 1, doctr. p. 62.
(10) Selon l’al. 2 de l’art. L. 121-21, est soumis aux dispositions consuméristes le démarchage dans les lieux non
destinés à la commercialisation du bien ou du service proposé et notamment l’organisation par un com-

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121-21 du code de la consommation, tandis que celui qui reçoit la visiter de certains com-
merçants chez lui pourra ne pas bénéficier de la législation protectrice 11. Les apparences
sont ainsi trompeuses. Pourtant, l’enjeu de la qualification est extrêmement importante : si
la législation consumériste est appliquée, le vendeur ne pourra recevoir paiement immédiat,
CHRONIQUES

il devra remettre un contrat écrit au client respectant toute une série de mentions obliga-
toires très lourdes, et le consommateur bénéficiera d’un délai de réflexion de sept jours pen-
dant lesquels il pourra renoncer, au gré de son bon plaisir, à la vente. Lorsque l’approche
commerciale et la vente s’effectuent en un seul trait de temps, la qualification ne pose guère
de difficulté. Mais lorsque l’approche de séduction du vendeur et le chemin vers l’achat de
l’acquéreur s’effectuent en plusieurs étapes, quel est le critère pour appliquer la législation
protectrice relative au démarchage à domicile ?

C’est cette difficulté que la chambre criminelle a du résoudre dans un arrêt du 18 mai 2010,
avant lequel deux décisions contradictoires des juges du fond avaient été rendus.

À l’occasion d’une visite au salon de l’habitat le 18 octobre 2003, un visiteur accepta la pro-
position du représentant d’une société de vente et d’installation de cuisines d’envoyer à son
domicile un technicien chargé de relever les dimensions de la pièce pour en établir un plan
modélisé. Le 21 octobre suivant, lors de sa visite, le métreur de la société laissa sur place
deux catalogues, et invita le client à demander à son épouse de se rendre au magasin afin
qu’un devis lui soit proposé. Trois jours plus tard, l’épouse se présenta effectivement au siège
de l’établissement où un projet lui fut présenté. Elle accepta alors la proposition par la signa-
ture d’un bon de commande et la remise de deux chèques de 2 000 et 3 000 euros. Mais,
le 28 octobre suivant, la cliente changea d’avis et indiqua à la société, par lettre recom-
mandée avec avis de réception, qu’elle renonçait à son acquisition. Cependant, les deux
chèques précédemment remis furent encaissés par le bénéficiaire. La cliente déposa plainte
contre le gérant de la société qui fut poursuivi et condamné du chef d’infractions à la légis-
lation sur le démarchage à domicile. Le gérant fît aussitôt appel de cette décision de
condamnation ainsi que — c’est assez rare pour être noté — le ministère public.

La question qui se posait aux juges d’appel était la suivante : quand les parties ont-elles été
engagées ? Lors de la visite au salon du mari ? Lors de la venue du métreur, porteur de cata-
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logues, au domicile des époux ? Ou bien lorsque l’épouse se rendit au magasin de la © Dalloz | Téléchargé le 17/04/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.250.196.63)
société ? Autrement dit, à quel moment le principe et les conditions essentielles du contrat
avaient-ils été arrêtés ? De la réponse à cette interrogation dépendait l’application ou l’é-
viction de la législation sur le démarchage à domicile, et notamment d’une part l’interdic-
tion de recevoir paiement avant l’expiration du délai de réflexion et d’autre part la possi-
bilité ou non pour la cliente de renoncer dans les sept jours légaux.

merçant ou à son profit de réunions ou d’excursions afin de réaliser les opérations définies à l’alinéa précé-
dent. Ce texte permet de protéger le consommateur qui est attiré, par le professionnel, dans des lieux non
habituellement destinés à la commercialisation (ex : Crim., 4 oct. 2005, Bull. crim. n° 249, cette Revue 2006.
88, obs. Ambroise-Castérot).
(11) Selon l’art. L. 121-22 C. consom., ne sont pas soumis aux dispositions des art. L. 121-23 à L. 121-28 les ventes
à domicile de denrées ou de produits de consommation courante faites par des professionnels ou leurs pré-
posés au cours de tournées fréquentes ou périodiques dans l’agglomération où est installé leur établissement
ou dans son voisinage. Cette disposition permet à certains commerçants de proximité de pouvoir effectué
des tournées (ex : celle effectuée, en petite camionnette, par le boulanger du village) et de rendre ainsi ser-
vice sans être astreints à une législation qui détruirait toute possibilité d’activité commerciale (qui pourrait
vendre une baguette de pain par contrat écrit, sans possibilité immédiate de paiement, avec un délai de
réflexion et un bulletin de renonciation ?). Cette dérogation, en revanche, ne s’applique pas aux produits
qui ne sont pas de consommation courante (ex : Crim., 29 oct. 1985, Bull. crim. n° 333, D. 1986. IR. 399,
obs. Roujou de Boubée ; Crim., 18 sept. 1995, Bull. crim. n° 271), ni aux ventes en gros (Crim., 22 mars
2005, Bull. crim. n° 99, cette Revue 2006. 88, obs. Ambroise-Castérot).

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La Cour d’appel, convaincue par les demandeurs, infirma le jugement, relaxant le prévenu
et débouta alors la partie civile, au motif que le déplacement d’un professionnel de l’en-
treprise au domicile d’un consommateur pour l’étude des lieux et la prise des mesures
nécessaires à l’établissement ultérieur d’un devis, qui n’a donné lieu à aucun engagement

CHRONIQUES
du destinataire, ne constitue pas un démarchage au sens de l’article L. 121-21 du code de
la consommation. Ainsi, pour les juges d’appel, la vente était régulièrement conclue et n’é-
tait pas soumise aux dispositions protectrices du démarchage à domicile.

Cette analyse adoptée par les juges d’appel va être soumise à la sagacité des magistrats de la
chambre criminelle, qui vont approuver, par une décision lapidaire 12, ce raisonnement. En
effet, suite au pourvoi de la partie civile, la Cour de cassation va rendre un arrêt de rejet,
confirmant ainsi le raisonnement de la cour d’appel.

Cette décision, respectueuse de l’esprit de la loi, est conforme à la jurisprudence classique


de la chambre criminelle, et ne peut qu’être approuvée, et ceux, pour deux raisons. Tout
d’abord, on remarquera que le client avait lui-même initié le processus en se rendant dans
un salon de l’habitat. Comme le précise le code de la consommation, lorsque le consom-
mateur est invité à se rendre dans un lieu qui n’est pas destiné au commerce, la vente est
assimilée à du démarchage à domicile, et la loi consumériste protectrice s’applique 13. Mais
en revanche, lorsqu’il est invité à se rendre dans un magasin 14 ou bien dans un lieu affecté
habituellement au commerce tel qu’une foire ou un salon 15, comme c’était le cas en
l’espèce, les articles L. 121-23 et suivants sont alors écartés. Toutefois, cette première raison
est insuffisante, en ce que la visite n’avait donné lieu à la conclusion d’aucun contrat. Ensuite
— et c’est là l’élément essentiel —, le critère d’application de la loi est celui permettant
d’identifier le moment où le principe et les conditions essentielles du contrat sont arrêtés,
c’est-à-dire le critère de l’engagement, déjà mis en exergue lors d’un précédent arrêt rendu
en 2006 16. L’engagement de la cliente s’est effectué lors de sa visite dans les locaux com-
merciaux de la société où elle a décidé de souscrire à la proposition du vendeur. Par consé-
quent, les dispositions du démarchage à domicile devaient être naturellement écartées. Ne
pouvant se départir d’un contrat auquel elle a régulièrement souscrit, la cliente devra donc
l’exécuter.
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4. L’expertise contradictoire consumériste : entre règles du code de la consommation et © Dalloz | Téléchargé le 17/04/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.250.196.63)
règles du code de procédure pénale (Crim., 23 mars 2010, n° 09-84.291, Bull. crim. n° 54,
AJ pénal 2010. 338, obs. J. Lasserre-Capdeville ; RTD com. 2010. 817, obs. B. Bouloc; CCC
2010, comm. 191, obs. Raymond et Crim. 5 oct. 2010, n° 09-87.548, Bull. crim. n° à
paraître...)

L’existence d’une instruction préparatoire peut avoir des conséquences procédurales très
importantes, tout particulièrement concernant les nullités. Deux arrêts successivement ren-
dus en 2010, mettent en exergue l’influence prépondérante des règles du code de procé-
dure pénale sur la spécificité des dispositions du code de la consommation concernant l’ex-
pertise contradictoire.

(12) Après avoir repris l’exposé des motifs de la Cour d’appel, la Cour de cassation se contente d’indiquer « qu’en
cet état, la cour d’appel a justifié sa décision ».
(13) C. consom., art. L. 121-21, al. 2.
(14) CA Montpellier, 12 janv. 1999, CCC 1999, comm. n° 99 obs. Raymond
(15) Civ. 1re, 10 juil. 1995, Bull. civ. I, n° 317 ; CCC 1995, n° 194, note Raymond ; Defrénois 1995, p. 1415, obs.
Aubert.
(16) Crim., 27 juin 2006, n° 05-86.956, D. 2007. 484, note E. Bazin ; cette Revue 2007. 92, obs. C. Ambroise-Casté-
rot ; CCC 2006, comm. 211, obs. Raymond.

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Droit pénal de la consommation - Coralie AMBROISE-CASTÉROT


En effet, selon les articles L. 215-9 et suivants du code de la consommation, et contraire-


ment au droit commun de l’expertise 17 (art. 156 s. du code de procédure pénale), l’ex-
pertise en matières de fraudes et falsifications est contradictoire 18, comme l’énonce claire-
ment l’article L. 215-9 du code de la consommation. Selon l’article L. 215-10, le parquet va
CHRONIQUES

déclencher les poursuites en saisissant soit le tribunal correctionnel (hypothèse de l’arrêt


rendu le 23 mars 2010), soit le juge d’instruction (hypothèse de l’arrêt rendu le 5 octobre
2010). La procédure à suivre est alors détaillée par l’article L. 215-11 : si la présomption de
fraude ou de falsification résulte des analyses faites en laboratoire, le procureur de la Répu-
blique doit informer l’auteur présumé du délit qu’il peut prendre communication du rap-
port du laboratoire et qu’il a trois jours francs pour présenter ses observations et éventuel-
lement faire valoir son droit à une expertise contradictoire, dont les modalités sont exposées
à l’article L 215-12. C’est ce droit pour la personne poursuivie d’être informé par le par-
quet, doublé du droit de pouvoir avoir l’opportunité de contester le rapport du laboratoire
par une expertise contradictoire qui a fait l’objet de deux arrêts de la Cour de cassation. Les
réponses de la chambre criminelle vont varier en fonction des règles du code de procédure
pénale applicables, différentes dans les deux espèces.

J Saisine directe de la juridiction de jugement : la voie royale des nullités


Dans le premier arrêt, celui du 23 mars 2010, la société Vendôme, exploitant la marque « Le
petit Marseillais », ainsi que son dirigeant, étaient poursuivis pour avoir commercialisés des
savons à l’huile d’olive et à l’huile essentielle de lavande alors que les produits litigieux ne
contenaient que des pourcentages infimes d’huile d’olive (0,1 % pour le savon solide, 0,68 %
pour le savon liquide) et d’huile essentielle de lavande (0,00098 % pour le savon solide,
0,006 % pour le savon liquide)... autrement dit, de simples traces ! Selon les juges du fond,
ces faits étaient clairement constitutifs des délits de tromperie sur les qualités substantielles
et la composition, et de publicité comportant une présentation de nature à induire en erreur
sur les qualités substantielles et la composition. La société et le dirigeant furent donc
condamnés pour publicité de nature à induire en erreur 19 — devenue en réalité depuis la
loi du 3 janvier 2008 « pratiques commerciales trompeuses » 20 — et de tromperie, infrac-
tion réprimée par l’article L. 213-1. C’est cette infraction, appartenant au Livre II du code
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de la consommation, qui permet l’application des dispositions relatives à l’expertise contra- © Dalloz | Téléchargé le 17/04/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.250.196.63)
dictoire 21.

Pour pouvoir combattre leurs condamnations, les demandeurs au pourvoi vont s’attaquer
au rapport d’expertise. Leur raisonnement soulignait que les analyses réalisées par le labo-
ratoire de la DGCCRF, qui permettaient justement d’asseoir la matérialisation de l’infrac-
tion de tromperie, étaient non contradictoires, en raison de la méconnaissance des forma-
lités substantielles de l’article L. 215-11 du code de la consommation. Par conséquent,
puisqu’elles violaient les dispositions légales impératives, ces analyses non contradictoires

(17) C. Ambroise-Castérot, Des contradictions dans le contradictoire en matière d’expertise pénale, Mélanges
Burgelin, éd. Dalloz, 2008, p. 19 s.
(18) Rép. pén. Dalloz 2009, v° Fraudes, par P. Pigassou et C. Ambroise-Castérot, n° 237 s.
(19) C. consom., art. L. 121-1, infraction appartenant au livre I dudit code.
(20) D. Ferrier et D. Ferré, La réforme des pratiques commerciales : loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, CCC 2008,
Etude n° 2 ; L. Leveneur, Un peu de concurrence, beaucoup de droit de la consommation, JCP 2008. Act.
69 ; M. Bruschi, La loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 et l’amélioration de la protection des consommateurs,
RLDA 2008, n° 24. 51 ; A. Lepage, Un an de droit pénal de la consommation, Dr. pénal mai 2008, chron.
4. Cette loi a été largement modifiée par la loi du 4 août 2008 : V. C. Ambroise-Castérot, Les nouvelles pra-
tiques commerciales déloyales après la loi LME du 4 août 2008, AJ pénal 2009. 22.
(21) Art. L 215-9 : « Les essais et analyses effectués dans le cadre de la recherche et de la constatation des infrac-
tions au présent livre sont contradictoires et le prix des échantillons dont la non-conformité à la réglemen-
tation n’a pas été établie est remboursé d’après leur valeur le jour du prélèvement »

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étaient privées de toute valeur probante. Cette défense avait échoué devant les juges du
fond : la cour d’appel s’était fondée sur le fait que le dirigeant de la société, avisé des résul-
tats de l’analyse de la DGCCRF lors de son audition à l’initiative du parquet, n’avait élevé
aucune contestation et qu’il avait en plus expressément renoncé à une contre-analyse. La

CHRONIQUES
cour d’appel semblait se satisfaire d’une impression générale d’information, en dépit de la
violation des exigences textuelles très précises et très formelles de l’article L. 215-11, et tout
particulièrement l’exigence de délai (les trois jours francs, garantissant pourtant l’exercice
effectif des droits de la défense). La société et son dirigeant se pourvurent donc en cassa-
tion. Et leurs arguments allaient enfin prospérer. En effet, au visa de l’article L. 215-11, et
après avoir rappelé le contenu et la substance de ce texte, la chambre criminelle va casser
l’arrêt d’appel pour violation de la loi aux motifs que « l’analyse faite au laboratoire de la
DGCCRF sur laquelle [la juridiction] a fondé sa conviction, était dépourvue de valeur pro-
bante, les prescriptions de l’article L. 215-11 du code de la consommation, destinées à en
garantir le caractère contradictoire, n’ayant pas été observées ; [par conséquent], la cour
d’appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ».

Autrement dit, la preuve de la tromperie reposant sur l’analyse du laboratoire, ce dernier


étant dépourvu de force probante, l’infraction ne pouvait plus être démontrée. La nullité
de la pièce essentielle de la procédure, élément à charge, anéantissait les poursuites.

On remarquera toutefois que, ces dernières années, la chambre criminelle a fait évoluer son
interprétation de ce texte et notamment de l’expression « dépourvu de force probante ».
En effet, initialement, lorsqu’elle reconnaissait la violation de l’article L. 215-11, la Cour de
cassation en concluait que l’absence de valeur probante, du fait de l’irrespect du texte, n’en-
traînait toutefois pas nullité de la procédure. Ainsi, elle a pu juger que « l’impossibilité de
mettre en œuvre une telle mesure [d’expertise contradictoire] a eu pour seule conséquence
de priver les analyses effectuées de valeur probante » 22 : les analyses valaient alors à titre de
simple renseignement. Les dispositions consuméristes relatives à l’expertise étaient alors tota-
lement vidées de leur substance protectrice.

Mais depuis un revirement opéré le 19 juin 2007 23, la chambre criminelle a modifié son
interprétation. Dans cet arrêt fondamental, et au visa de l’article 171 du code de procédure
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pénale 24, la Cour de cassation a proclamé qu’il y a nullité lorsque la méconnaissance d’une © Dalloz | Téléchargé le 17/04/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.250.196.63)
formalité substantielle de procédure a porté atteinte aux intérêts de la partie qu’elle
concerne. Dans cette affaire, pour refuser d’annuler le rapport déposé par l’expert unique,
l’arrêt d’appel contesté énonçait que, si les dispositions de l’article L. 215-12 du code de la
consommation, qui prévoient que, dans un tel cas, un deuxième expert doit être désigné
d’office, ont été méconnues, cela a pour seul effet de limiter la valeur juridique du rapport,
qui ne vaut qu’à titre de simples renseignements. La chambre criminelle cassa cette déci-
sion aux motifs que, « en prononçant ainsi, alors que la méconnaissance d’une règle sub-
stantielle, destinée à garantir le caractère contradictoire de l’expertise en matière de fraude
et falsification, porte nécessairement atteinte à l’intérêt des parties concernées, la cour d’ap-
pel a méconnu le texte susvisé ». L’absence de valeur probante signifie désormais non que
les résultats d’analyse valent encore à titre de simple renseignements, mais qu’ils sont nuls.

(22) Crim., 16 nov. 2004, n° 04-85.089, Bull. crim. n° 287, AJ pénal 2005. 76, obs. J. C. ; cette Revue 2005. 89,
obs. C. Ambroise-Castérot ; RTD com. 2005. 431, obs. B. Bouloc. Crim., 8 févr. 2005, n° 04-86.873, Bull. crim.
2005, n° 43, cette Revue 2006. 81, obs. C. Ambroise-Castérot ; RTD com. 2005. 619, obs. B. Bouloc.
(23) Crim. 19 juin 2007, n° 07-82.454, Bull. crim. n° 168, D. 2007. 2031 ; AJ pénal 2007. 438, obs. G. Royer ; Rev.
science crim. 2008. 89, obs. C. Ambroise-Castérot ; RTD com. 2008. 199, obs. B. Bouloc ; CCC 2007, comm.
290, obs. Raymond.
(24) C. pr. pén., art. 171 : « Il y a nullité lorsque la méconnaissance d’une formalité substantielle prévue par une
disposition du présent code ou toute autre disposition de procédure pénale a porté atteinte aux intérêts de
la partie qu’elle concerne ».

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Droit pénal de la consommation - Coralie AMBROISE-CASTÉROT


Ils doivent donc être retirés du dossier et, par effet domino, ils entraînent la nullité des pour-
suites puisque le socle de celles-ci disparait.

Toutefois, ce n’est pas la nullité qui va s’imposer dans le second arrêt, celui rendu le 5
CHRONIQUES

octobre suivant, mais ce, pour d’autre raisons, liées à la voie procédurale suivie : dans cette
seconde affaire, une instruction préparatoire avait eu lieu, et la nature de cette enquête va
entièrement modifier la donne.

J Saisine de la juridiction de jugement par ordonnance de renvoi du juge


d’instruction : la dure loi de la purge automatique des nullités
Dans le second arrêt, rendu par la chambre criminelle le 5 octobre 2010, et destiné à
paraître au Bulletin, il s’agissait d’une affaire de jouets chinois dont les peintures contenaient
du chrome et du plomb et exposaient les enfants à un risque d’intoxication. Une informa-
tion judiciaire fût ouverte et le juge d’instruction rendit à l’issue de celle-ci une ordonnance
de renvoi devant le tribunal correctionnel à l’encontre de la société et de son dirigeant des
chefs de tromperie, infraction aggravée par la circonstance de dangerosité des produits pour
la santé de l’homme 25. Le tribunal déclara les prévenus coupables des infractions pour les-
quelles ils étaient poursuivis. Devant la cour d’appel, les prévenus firent valoir que le rap-
port du laboratoire ne leur avait pas été notifié par le procureur de la République. Ils esti-
maient que cette absence de communication devait entraîner la nullité de la procédure et,
par conséquent, imposait leur relaxe, puisque la matérialité de l’infraction n’était plus alors
formellement établie, celle-ci reposant sur le fameux rapport d’expertise contesté.

Les juges du fond opposèrent à cette argumentation, fondée sur les dispositions de code de
la consommation, l’article 385 du code de procédure pénale. Selon ce texte, le tribunal cor-
rectionnel a qualité pour constater les nullités des procédures qui lui sont soumises sauf lors-
qu’il est saisi par le renvoi ordonné par le juge d’instruction ou la chambre de l’instruction,
ce qui était justement le cas ici. Ainsi, puisque les prévenus n’avaient sollicité aucune mesure
de contre-expertise pendant le déroulement de la procédure et qu’ils n’avaient jamais
contesté la teneur de l’expertise réalisée par le laboratoire inter-régional, l’article 385 du
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code de procédure pénale s’opposait à ce qu’ils puissent le faire lors de l’audience, les nul- © Dalloz | Téléchargé le 17/04/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.250.196.63)
lités ayant été purgées par l’ordonnance de renvoi 26. Cette analyse va être entièrement
confirmée par la Cour de cassation aux motifs que si les demandeurs voulaient contester les
résultats de la première analyse, ils devaient demander l’expertise contradictoire prévue par
l’article L. 215-12 du code de la consommation devant le juge d’instruction, devant le tri-
bunal ou devant la cour d’appel. Ne l’ayant pas fait en temps utile (devant le juge d’ins-
truction, en l’occurrence, puisqu’une information judiciaire avait eu lieu), ils en avaient,
depuis, perdu le droit. Le pourvoi est ainsi, en toute bonne logique, rejeté. Les dispositions
spécifiques aux expertises consuméristes ne sauraient faire oublier les règles procédurales
communes en matière de nullité. Ici, l’article 385 du code de procédure pénale chasse l’ar-
ticle 171 du même code, car les procédures suivies dans ces deux affaires ont été différentes.
Dura lex, sed lex.

(25) L’infraction est réprimée plus lourdement, l’art. L. 213-2, 1° doublant les peines et les portant à 4 ans d’em-
prisonnement et 75.000 € d’amende.
(26) D’ailleurs, lorsque le juge d’instruction estime son information terminée, avant de rendre une ordonnance
de clôture, il doit suivre la procédure très lourde et très formaliste de l’art. 175 C. pr. pén. Et l’art. 179, der-
nier al., précise que lorsque les faits constituent un délit, et que la juridiction d’instruction prononce un
renvoi devant le tribunal correctionnel, cette ordonnance « couvre, s’il en existe, les vices de la procédure ».

112 Janvier / Mars 2011

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