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Pierre-Yves Malo
Dans Gérontologie et société 2007/2 (vol. 30 / n° 121), pages 103 à 114
Éditions Fondation Nationale de Gérontologie
ISSN 0151-0193
DOI 10.3917/gs.121.0103
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PIERRE-YVES MALO
PSYCHOLOGUE, SERVICE DE MÉDECINE GÉRIATRIQUE – CHU DE RENNES
PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION « PSYCHOLOGIE & VIEILLISSEMENT » - RENNES
Si nous sommes tous, quel que soit notre âge, pris dans des liens
de dépendance, la nature de ces liens est cependant variable selon
les âges de la vie et régulée par un grand nombre de paramètres :
la capacité à faire seul, à se mouvoir, la forme et la proximité géo-
graphique de notre environnement social, amical et familial, ainsi
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L’ÉVITEMENT ET LA RUPTURE :
LA QUESTION DE L’ANTICIPATION
Mme B., 79 ans, entre dans l’unité à la suite d’une banale fracture
du col du fémur. Bien que l’équipe soignante puisse rapidement la
rassurer sur son devenir, la rééducation ne devant pas poser de
problème, Mme B. est en proie à une réelle détresse, pleure fré-
quemment, refuse le plus souvent d’aller en salle de restauration,
restant prostrée dans son fauteuil les yeux dans le vague. Elle ne
parvient pas à expliquer ce qui la met dans un tel état d’angoisse,
disant seulement « je ne pensais pas que ça puisse m’arriver, qu’est-ce
que je vais devenir… ». Elle reste insensible aux mots réconfortants
Il apparaîtra au fil des entretiens que, chez Mme B., toute pensée
anticipatrice autour de son vieillissement, de ses potentielles
conséquences médicales et, a fortiori, de sa finitude, ait été
soigneusement évitée jusque-là. Cela concernait les autres : « les
pauvres vieux ». Le fait de se retrouver ainsi parmi eux la confronte
brutalement à l’objet phobogène, à l’impossible à penser, laissant
surgir l’angoisse. La vieillesse est perçue par elle comme synonyme
de déchéance corporelle, faisant émerger des images de gan-
grène, de cadavres qu’elle projette sur les autres patients du
service.
LE TEMPS ARRÊTÉ
M. D. est admis dans le service suite à un accident vasculaire céré-
bral qui, bien que partiellement résolutif, laisse des séquelles qui
compromettent sa possibilité de se mouvoir seul. Ce qui pose
question à l’équipe est l’agressivité verbale dont fait preuve M. D.,
particulièrement aux moments des soins. Rien ne le satisfait et il le
dit vertement. Il se comporte aussi de cette façon lorsque sa
femme vient le visiter, lui parlant sur le ton de la commande et
parfois de l’injure. Le reste du temps, il est comme prostré, perdu
dans des ruminations intérieures, les sourcils froncés.
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Mme T. a 90 ans. Elle a fait une chute en glissant sur le sol mouillé
de sa salle de bain qui lui a occasionné une fracture du col du
fémur et lui a fait passer une douloureuse nuit par terre. Elle s’en
veut terriblement de ne pas avoir été plus prudente, d’autant que
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES