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L'accès aux soins des personnes âgées en milieu rural :

problématiques et expériences
Jean-Claude Bontron
Dans Gérontologie et société 2013/3 (vol. 36 / n° 146), pages 153 à 171
Éditions Fondation Nationale de Gérontologie
ISSN 0151-0193
DOI 10.3917/gs.146.0153
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L’ACCÈS AUX SOINS DES
PERSONNES ÂGÉES EN MILIEU RURAL :
PROBLÉMATIQUES ET EXPÉRIENCES

JEAN-CLAUDE BONTRON

DIRECTEUR DE LA SOCIÉTÉ D’ÉTUDES GÉOGRAPHIQUES ÉCONOMIQUES


ET SOCIOLOGIQUES APPLIQUÉES (SEGESA), PROFESSEUR À L’IHEDREA

La question du vieillissement du milieu rural est posée de longue


date comme une menace pour le renouvellement de ses habitants,
mais c’est surtout un problème pour assurer l’accès aux services,
notamment dans le domaine de la santé. Même si les choses
ont sensiblement évolué ces dernières années sous l’effet de la
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redistribution des populations sur le territoire, de l’autonomie
accrue des personnes âgées et de l’émergence des nouvelles
technologies, le repli des praticiens de santé et des structures de
soins pèse sur cet enjeu d’égalité et alerte au premier chef les élus.

ACCESS TO MEDICAL CARE FOR THE AGED IN RURAL AREAS:


ISSUES AND EXPERIENCES
Ageing in rural areas has long been a cause of concern regarding
population renewal, but it is above all a problem in terms of access
to services, especially in the health field. Even if there have been
clear changes in recent years, owing to territorial redistribution of the
population, the increased autonomy of the aged and the advent of the
new technologies, the decline in the availability of carers and treatment
facilities runs counter to this egalitarian trend; first and foremost this
represents a challenge to politicians.

Gérontologie et Société - n° 146 - septembre 2013 page 153


L'ACCÈS AUX SOINS DES PERSONNES ÂGÉES EN MILIEU RURAL...

LES BESOINS DE SANTÉ DES PERSONNES ÂGÉES


DANS LE RURAL

Le monde rural s’inquiète de la montée des « déserts médicaux », c’est


une question qui vaut surtout pour les personnes âgées, sachant que
les besoins et dépenses de santé augmentent très fortement en fonc-
tion de l’âge.

UNE PROBLÉMATIQUE MARQUÉE


PAR LE VIEILLISSEMENT ET L’ISOLEMENT
Le vieillissement des zones rurales est un processus engagé depuis
longtemps, résultat d’un exode des jeunes, maintenant renforcé dans
certaines régions par l’accueil de retraités. Ce phénomène marque
la demande de soins, surtout dans les territoires isolés et de faible
densité.

Figure 1
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Part des personnes âgées dans la population (%)
25

20

15

10

0
Centres villes Banlieues Péri-urbain Multipolarisé Dominante rurale
65 ans et + 75 ans et + 85 ans et +

Source : INSEE, RP 1999.

Le phénomène de survieillissement touche d’abord les espaces ruraux,


mais de manière inégale. La carte du taux de personnes âgées illus-
1. Voir les typologies des
espaces ruraux établies trant l’article de Mickaël Blanchet (voir page 29, carte 1) est éclairante
par la Segesa pour le
Commissariat au Plan et la
sur ce point : les territoires à forte proportion de personnes âgées
Datar, et notamment sont quasi exclusivement des cantons ruraux, ils appartiennent aux
« Les dynamiques
territoriales de l’agriculture zones de faible densité du Massif central, du Morvan, des campagnes
et des espaces ruraux du sud-ouest, du rebord Cévenol, de la Bretagne centrale, autant de
français » in Politiques de
développement rural. régions identifiées comme des zones rurales socio-économiquement
Enjeux, modalités et
stratégies, Cemagref, 2005.
fragiles dans les travaux de la Segesa 1. Mais elle révèle aussi la relative

Gérontologie et Société - n° 146 - septembre 2013 page 154


jeunesse des campagnes péri-urbaines (surtout autour des métropoles)
et des situations parfois contrastées pour les espaces ruraux autrefois
identifiés comme appartenant au « croissant fertile » de la France du
nord-est et de l’ouest.

En 2007, les espaces à dominante rurale (donc péri-urbain exclu)


comptent 1,13 million de personnes de 75 ans et plus, dont 760 000 de
75-84 ans, c’est en gros le quart des personnes de cet âge en France
métropolitaine. Un nombre qui va mécaniquement augmenter sous
l’effet de l’arrivée de classes d’âge plus nombreuses, de l’allongement
de la durée de la vie (les 75 ans ou plus devraient atteindre 12 % de la
population totale en France en 2030), de l’arrivée de migrants venus
des villes.

Ce survieillissement va de pair avec un isolement plus grand des per-


sonnes âgées. Dans les territoires ruraux fragiles plus de 30 % des
ménages ne sont composés que d’une seule personne, les personnes
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âgées y tiennent une large place. À cette solitude s’ajoute bien souvent
l’isolement résidentiel dans des hameaux éloignés des bourgs et des
petites villes, et l’isolement relationnel (Mallon, 2010).

De toute évidence, les problèmes posés par ces patients potentiels du


dispositif de santé vont donc s’aggraver.

DES BESOINS DE SANTÉ EN PARTIE SPÉCIFIQUES


Si les ruraux sont plus âgés, présentent-ils un meilleur état de santé ou
des pathologies particulières ? Impliquent-ils une demande de soins
spécifique ? La réponse à ces questionnements peut s’appuyer sur plu-
sieurs études :
– l’enquête Agrican, lancée en 2005, portant sur une cohorte de
180 000 assurés à la MSA, conduite – notamment – avec l’université de
Caen et qui s’intéresse particulièrement aux cancers ;
– l’étude Ami, lancée en 2007, financée par le groupe de protection
sociale Agrica et conduite par le centre de recherche Inserm U897
de Bordeaux. Elle propose une analyse globale du vieillissement en
milieu rural, qui peut être mise en perspective avec l’étude « 3Cités »
portant sur la population urbaine ;
– les travaux de certains Observatoires régionaux de la santé (Aqui- 2. Voir « Vieillissement des
taine, Guadeloupe, Midi-Pyrénées, Pays de la Loire), publiés sous populations et état de santé
dans les régions de France »,
l’égide de la Fnors 2. Fnors, Paris septembre 2008.

Modes d'interventions et offre de services page 155


L'ACCÈS AUX SOINS DES PERSONNES ÂGÉES EN MILIEU RURAL...

Un premier ensemble d’observations concerne les populations agri-


coles qui, sans être majoritaires dans les campagnes, constituent une
population répartie sur tout le territoire et susceptible de présenter des
risques professionnels spécifiques. Ces études apportent des éléments
3. Voir « Enquête Agrican, intéressants sur leur état de santé 3, et l’enquête conclut que, quelles
les agriculteurs en meilleure
santé que le reste de la que soient les causes de décès, on constate une nette sous-mortalité
population », Revue Pour pour la population agricole comparativement à la population du même
n° 214, juillet 2012.
âge et du même département, notamment pour ce qui concerne les
cancers. Parmi les raisons invoquées, on souligne la plus grande place
des activités extérieures, le travail professionnel bien sûr, mais égale-
ment les loisirs comme la marche (43 %) ou le jardinage (40 %).

Ces études présentent des constats intéressants à propos des ruraux


(mais parfois contradictoires sur la question de la dépression) : « En plus
d’une surcharge pondérale plus importante (28 % contre 13,2 % en ville), ils
souffrent plus fréquemment de déficits sensoriels, surtout visuels. Les mala-
dies neuro-dégénératives (Alzheimer, Creutzfeldt-Jacob, Parkinson, sclé-
rose en plaques…) sont trois fois plus fréquentes qu’en milieu urbain. Par
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ailleurs, […] 26 % montrent une plus forte propension à être déprimés
4. Les résultats des (contre 9 % en ville 4 »).
différentes vagues de l’étude
Ami sont disponibles sur le
site internet d’Agrica : « La dépendance est aussi plus prononcée en milieu rural : 32 % se
http://www.groupagrica.
com/fileadmin/mediatheque/
déclarent autonomes contre 51,5 % en zone urbaine. Parmi les personnes
documents/Groupe/Presse/ s’estimant dépendantes, […] 19 % considèrent le besoin d’aide comme
Janvier_2012/CP_AGRICA_
Resultats_AMI_janvier_2012. modéré (besoin d’aide pour les activités domestiques, les courses ou la
pdf gestion du budget) et 8 % estiment souffrir d’une perte d’autonomie sévère
avec le recours à une assistance pour les gestes de tous les jours, comme
l’habillement ou la toilette ». Une autre étude note que « seules 9 % des
personnes interrogées déclarent souffrir d’une dépression, contre 13 % en
milieu urbain, et 10 % seulement se plaignent d’isolement social ».

S’agissant des pratiques de recours aux professionnels de santé (consul-


tations, soins...), il apparaît que les habitants de la campagne se font
suivre régulièrement par leur médecin généraliste, mais « il est le plus
souvent constaté un déficit généralisé de prévention et de prise en charge
précoce : certaines maladies sont dépistées ou soignées plus tard qu’ail-
leurs, une situation vécue de façon aiguë dans les secteurs très ruraux
et isolés en raison de phénomènes liés à l’évolution actuelle de la démo-
graphie médicale (« zones blanches »)... Certains ne se soignent pas par
manque de moyens financiers ou par défaut de soins à proximité ».

Malgré ces constats, les habitants du milieu rural se disent majoritaire-


ment plus épanouis et actifs que les citadins.

Gérontologie et Société - n° 146 - septembre 2013 page 156


L’OFFRE DE SOINS AUX PERSONNES ÂGÉES
DANS LES TERRITOIRES RURAUX,
INÉGALITÉS ET REPLI

Nombre de déclarations politiques, d’articles universitaires et d’alertes


professionnelles ont stigmatisé la desserte médicale déclinante des
zones rurales et la montée des déserts médicaux. De nombreux tra-
vaux ont fait le point sur cette question 5, nous n’en évoquons ici que 5. Voir notamment Fnors
« Vieillissement des
l’essentiel. populations et état de santé
dans les régions de France »,
septembre 2008 ;
Sicart D. Les professions
DE FORTS CONTRASTES TERRITORIAUX de santé au 1er janvier 2011.
POUR LES SOINS COURANTS (INFIRMIERS) Série Statistiques n° 158 ;
Barlet M., Coldefy M.,
Collin C. & Lucas-Gabrielli V.
En 2010, plus de 20 000 infirmiers libéraux (à 90 % des infirmières !) (2012). L’Accessibilité
exercent dans des communes rurales et plus de 7 000 dans des petites potentielle localisée (APL) :
une nouvelle mesure de
villes. Il s’agit là d’un encadrement essentiel pour la prise en charge l’accessibilité aux soins
appliquée aux médecins
des personnes âgées vivant dans ces zones, tant pour les actes tech- généralistes libéraux en
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niques que pour le « nursing » et les gardes à domicile ; la patientèle France. Irdes n° 124 ;
« Déserts médicaux:
des infirmiers libéraux est d’ailleurs composée à 41 % de personnes agir vraiment », Rapport
âgées de 70 ans ou plus. d’information du Sénat
n° 335 (2012-2013) par
M. Hervé Maurey, fait au
nom de la commission du
La densité d’infirmiers libéraux est un peu supérieure à la moyenne développement durable,
dans la France rurale, et leur nombre a connu une forte augmentation déposé le 5 février 2013.
depuis 1980 (près de 100 %), parallèlement au vieillissement de la
population.

Figure 2
Densité d’infirmiers libéraux pour 1 000 habitants en 2010

1,9

1,7

1,5

1,3

1,1

0,9

0,7

0,5
Communes Unités de 5 de 10 de 20 de 50 de 200 000 Agglo.
rurales urbaines à 10 000 à 20 000 à 50 000 à 200 000 à 2 millions parisienne
< 5 000 habitants habitants habitants habitants habitants
habitants

Source : Bontron/revue POUR, d’après chiffres Dress.

Modes d'interventions et offre de services page 157


L'ACCÈS AUX SOINS DES PERSONNES ÂGÉES EN MILIEU RURAL...

Les problèmes se situent plutôt du côté de leur inégale implantation sur


le territoire, l’offre pouvant varier de 1 à 7 selon les départements, les
régions méridionales et la Bretagne étant beaucoup mieux dotées.
Certes les infirmières libérales compensent souvent l’absence d’établis-
sements d’hébergement pour personnes âgées (ce qui explique leur
plus forte présence dans certaines zones), mais l’attractivité du Midi
joue aussi son rôle, si bien que l’Union nationale des caisses d’assu-
rance maladie (Uncam) a dû mettre en place un dispositif de régula-
6. Accord conventionnel tion 6 pour encourager les installations dans les zones les plus sous-
du 18 avril 2009 et avenant
conventionnel de juin 2011. dotées, et limiter les nouveaux conventionnements dans les zones
sur-dotées au remplacement d’un partant.

LE RECUL DES PRATICIENS DE PROXIMITÉ


Des nombreuses publications qui ont fait le point de manière secto-
rielle sur cette question, on peut retenir :

UN TEMPS D’ACCÈS TRÈS IMPORTANT POUR LES SPÉCIALISTES


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7. Coldefy M., Com-Ruelle L., Le temps d’accès aux soins a fait l’objet d’une estimation par l’Irdes 7,
Lucas-Gabrielli V. &
Marcoux L. (2011). Les selon une méthode sans doute discutable, mais qui donne un bon
distances d’accès aux soins aperçu des écarts de situation entre territoires et selon les disciplines.
en France métropolitaine
au 1er janvier 2007. Irdes,
rapport n° 22.
La principale réserve a trait au calcul du temps d’accès qui ne comporte
strictement que le transport : « Les distances sont calculées en kilomètres
et en temps d’accès par la route en voiture, pour chaque commune entre
le chef-lieu de celle-ci (localisé à la mairie) et le chef-lieu de la commune
équipée la plus proche. Elles sont égales à 0 lorsque la commune est équi-
pée du service ». Or, en milieu rural comme en ville, se rendre chez
un praticien suppose se préparer, sortir sa voiture, arriver un peu en
avance à son rendez-vous, prendre une marge horaire en cas d’im-
prévu…, parfois se rendre au chef-lieu, et en définitive retourner chez
soi, si bien que les temps annoncés (3 minutes en ville et 4,6 minutes
en rural isolé pour un généraliste) doivent être nettement augmentés.
Notons aussi que les moyennes masquent le problème des personnes
les plus isolées. Pris avec précautions, les chiffres montrent cependant
des écarts très significatifs.

Le rapport estime la situation globalement satisfaisante : « 95 % de la


population française a accès à des soins de proximité en moins de quinze
minutes. De même, la plupart des médecins spécialistes libéraux et les équi-
pements médicaux les plus courants sont accessibles en moyenne à moins
de 20 minutes par la route. Concernant les soins hospitaliers courants, 95 %

Gérontologie et Société - n° 146 - septembre 2013 page 158


Figure 3
Temps d'accès comparés aux praticiens (mn)

Radiologue

Rhumatologue

Pédiatre

Cardiologue

Urologue

Pneumologue

ORL

Psychiatre

Dentiste Rural isolé


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Péri-urbain
Infirmier
Pôle urbain
Généraliste

0 10 20 30 40 50

de la population française peut y accéder en moins de 45 minutes, les trois


quarts en moins de 25 minutes ». C’est une vision bien optimiste, qui ne
prévaut pas pour beaucoup de zones rurales, surtout pour les spéciali-
tés nécessaires aux grands âges. Le rapport indique d’ailleurs que « les
régions rurales, à faible densité de population, cumulent l’éloignement
des soins de proximité et de la plupart des soins spécialisés ».

UNE DENSITÉ MÉDICALE QUI A TENDANCE À S’AFFAIBLIR


S’agissant des chiffres relatifs à la densité médicale globale, au total
relativement stagnante, elle baisse en milieu rural ou en tout cas ne suit
pas le renouveau démographique des dernières années, ni la montée
du vieillissement. On voit bien que le réseau des généralistes est figé,
avec six nouvelles communes desservies par an depuis 1988, contre
plus de 200 entre 1970 et 1988. Des chiffres très récents 8 montrent que 8. Drees (2012). Les
médecins au 1er janvier 2012.
les inégalités régionales diminuent sur 20 ans, mais ce n’est sans doute Études et résultats n° 796.
pas le cas pour le différentiel urbain/rural.
...
...

Modes d'interventions et offre de services page 159


L'ACCÈS AUX SOINS DES PERSONNES ÂGÉES EN MILIEU RURAL...

Nombre de communes qui disposent :


Communes supplémentaires
d’un en 2010* % /an entre /an entre
1970 et 1988 1988 et 2010

médecin 10117 27,7 213 6

dentiste 6429 17,6 139 7

infirmier 10473 28,6 209 19

pharmacie 8372 22,9 112 32


* sur 36 571 communes - Source : JCB d’après Inv Com et BPE.

UNE GÉOGRAPHIE CONTRASTÉE


Les données de la base permanente des équipements permettent une
9. Voir « Indicateurs de cartographie fine de l’accessibilité aux services de santé de proximité 9
développement durable
territoriaux » Observation (voir méthode dans l’encart). Ces derniers comprennent les médecins
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et statistiques, ministère généralistes, infirmiers libéraux, chirurgiens-dentistes, masseurs-kinési-
de l’Écologie, du
développement durable et thérapeutes et pharmacies. La carte 1 établie par bassins de vie montre
de l’énergie, publication
CGDD-Datar de la collection :
la proportion de la population qui est éloignée de plus de 20 minutes
Études et documents d’un des services de proximité. Dans une assez large partie des zones
n° 57 - novembre 2011.
rurales françaises (à l’exception de celles de l’Ouest), c’est plus de 25 %
des habitants qui sont concernés, et plus de 50 % dans certains bassins
de vie du Massif central, de la France de l’est et des Alpes. La physio-
nomie générale de la carte est assez différente de celle proposée par
Blanchet (voir page 29), relative à la proportion des 65 ans et plus dans

La mesure des disparités territoriales d’accès aux équipements utilise le


distancier intercommunal Odomatrix de l’Inra, qui estime les temps de parcours
en voiture vers la commune équipée la plus proche du domicile.
Un équipement est défini comme un lieu d’achat de produits ou de
consommation de services. Les sept grands domaines d’équipements (services
aux particuliers ; commerce ; enseignement ; santé, médico-social et social ;
transports ; sports, loisirs et culture ; tourisme) se répartissent en trois gammes :
– la gamme de proximité comporte 29 types d’équipements : poste, banque-
caisse d’épargne, épicerie-supérette, boulangerie, boucherie, école ou
regroupement pédagogique intercommunal, médecin omnipraticien, pharmacie,
taxi… ;
– la gamme intermédiaire comporte 31 types d’équipements : police-
gendarmerie, supermarché, librairie, collège, laboratoire d’analyses médicales,
ambulance, bassin de natation… ;
- la gamme supérieure comporte 35 types d’équipements : pôle emploi,
hypermarché, lycée, urgences, maternité, médecins spécialistes, cinéma…

Gérontologie et Société - n° 146 - septembre 2013 page 160


Carte 1
Part de la population à plus de 20 minutes d'au moins un des services de santé de proximité,
en 2006 (par bassin de vie, en %)
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Plus de 50
Entre 25 et 50
Entre 10 et 25
Entre 15 et 10
Moins de 5

Source : Insee - Base permanente des équipements 2006 et RP 2006. Distancier Odomatrix - Inra UMR1041 CESAER
© IGN, Geofla®, 2006.

la population. La superposition des deux fait en revanche bien appa-


raître les territoires dans lesquels se pose de manière aiguë la question
de l’accès à la santé pour les personnes âgées. Les deux cartes se
recoupent en effet largement dans un certain nombre de cas : sur le
grand Massif Central jusqu’au Morvan, les pré-Alpes du sud, le massif
pyrénéen, le Gers, les collines de Normandie, le centre Bretagne …

Modes d'interventions et offre de services page 161


L'ACCÈS AUX SOINS DES PERSONNES ÂGÉES EN MILIEU RURAL...

LES PETITS HÔPITAUX REMIS EN QUESTION


Les soins hospitaliers font pleinement partie du débat, même s’ils ne
sont pas attendus dans l’immédiate proximité. La loi HPST, qui pour
partie visait la suppression des petits hôpitaux et le regroupement de
certaines spécialités dans les plus grands établissements, a ravivé le
débat en 2010 et provoqué de nombreuses protestations des élus et de
la population dans les petites villes concernées (voir Aubagne,
Decazeville, Decize, Le Blanc…), ce d’autant plus que l’hôpital y était
parfois un employeur important. Sous prétexte d’amélioration de
10. Vallencien G. (2006). l’offre de soins, le rapport Vallencien 10 préconisait par exemple la
L’évaluation de la sécurité, de
la qualité et de la continuité suppression de 182 blocs opératoires jugés non adaptés aux tech-
des soins chirurgicaux dans niques et aux exigences médicales actuelles ; mais derrière cet argu-
les petits hôpitaux publics en
France. Irdes. ment se cache bien sûr celui de faire des économies.

Pour l’ensemble du pays, le temps d’accès théorique médian à un éta-


11. Voir Évain F., Bigard M. blissement de santé est aujourd’hui de 21 minutes 11; mais il varie de 9
& Lévy D. (2012).
Une hospitalisation à 42 minutes selon le territoire de santé. Les disparités s’observent au
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en court séjour sur deux sein de chaque région, et plus encore entre départements. Les dépar-
a lieu à moins de
20 minutes du domicile. tements les plus ruraux sont ceux pour lesquels le temps d’accès à un
Insee Première n° 1397.
hôpital est le plus élevé, il est supérieur ou égal à 30 minutes en Corse,
dans les Deux-Sèvres, la Dordogne, l’Ariège, le Lot ou l’Indre, il
dépasse même les 40 minutes dans trois départements, les Alpes-de-
Haute-Provence, la Lozère et le Gers. S’y ajoute le fait que pour ces
territoires les disciplines hospitalières « pointues » : chirurgie thoracique
et vasculaire; neurochirurgie, chirurgie cardiaque, soins aux grands
brûlés… nécessitent de grands déplacements.

Ce bref état des lieux souligne la question de l’inégale répartition et


évolution des professionnels de santé et des structures de soins sur le
territoire. Un problème pointé du doigt de longue date, qui met en
évidence que fragilité démographique, fragilité économique, fragilité
sociale se conjuguent dans certains territoires ruraux.

DES SOLUTIONS EXPÉRIMENTÉES


À TOUS LES NIVEAUX

Les solutions préconisées ou apportées pour faire face aux « déserts


médicaux » et répondre aux besoins des populations rurales, notam-
ment des personnes âgées, se sont multipliées ces dernières années à
l’initiative de beaucoup d’acteurs du système de santé : professionnels,
État et collectivités locales.

Gérontologie et Société - n° 146 - septembre 2013 page 162


Le rapport d’information Bignon/Peiro 12, établi pour le comité d’éva- 12. Cf. « Évaluation de la
politique d’aménagement
luation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation de la du territoire en milieu rural :
politique d’aménagement du territoire en milieu rural souligne que rapport de l’Assemblée
nationale n° 4301 présenté
« la question de l’accès aux soins apparaît comme la première attente des par MM. Jérôme Bignon et
Germinal Peiro, députés.
habitants des territoires ruraux en termes de services », que les services Tome 1 rapport, Tome 2 II
sociaux sont complémentaires des services de santé, et préconise des auditions et études,
février 2012.
recommandations précises.

Recommandation n° 14 sur l’offre de soins et de services sociaux

– Assurer les conditions d’une offre de santé équilibrée sur l’ensemble du


territoire (hôpitaux, médecins et professions paramédicales), dans le contexte
d’une évolution démographique défavorable des praticiens dans les zones
rurales ; considérer que les agences régionales de santé (ARS), chargées de
l’organisation de l’offre de soins en fonction des besoins de la population, ont
une responsabilité particulière en la matière et doivent en rendre compte au
Parlement.
– Favoriser la mise en réseau de tous les acteurs de santé sur chaque territoire ;
prévoir pour ce faire une animation par un ou des élus permettant d’intégrer un
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volet santé dans chaque projet de territoire, en utilisant tous les outils disponibles ;
soutenir les actions favorisant l’exercice regroupé des professionnels de santé,
par exemple les maisons de santé pluriprofessionnelles, afin notamment de
répondre à l’isolement des médecins de campagne.
– Établir dans les projets de santé de territoire un lien nécessaire avec les
services médico-sociaux ou sociaux (structures d’accueil de personnes âgées
médicalisées ou non, services aidant au maintien à domicile et autres services
à la personne…).
– Conclure des contrats locaux de santé (CLS) dans l’ensemble du territoire
national avant la fin de l’année 2015.
Extrait du Rapport Bignon/Peiro (2012).

Sans avoir la prétention d’établir un bilan précis de toutes les initiatives


prises autour de cette question 13, notons que plusieurs pistes ont été 13. Voir à ce sujet
« Santé en milieu rural »,
expérimentées, avec plus ou moins de succès, parmi lesquelles on peut Dossier de la revue
distinguer celles venues « d’en haut » et celles venues du terrain, ainsi Pour n° 214, juillet 2012.

que le rôle plus récent des nouvelles technologies.

LES SOLUTIONS « VENUES D’EN HAUT »


En France, la santé est un objectif d’intérêt général et la compétence
« santé » relève directement de l’État. Elle s’appuie sur un système
organisé de manière très centralisée, dans ses financements comme
dans la conduite générale de la politique, la gestion et le contrôle des

Modes d'interventions et offre de services page 163


L'ACCÈS AUX SOINS DES PERSONNES ÂGÉES EN MILIEU RURAL...

intervenants à tous les niveaux. Mais les collectivités territoriales s’y


impliquent de plus en plus et aujourd’hui les initiatives de l’État sont
souvent associées à celles des collectivités. Les solutions proposées ont
pris plusieurs formes au cours du temps.

LE SOUTIEN À L’INSTALLATION OU AU MAINTIEN DE PRATICIENS


C’est la première piste qui a été suivie pour corriger les disparités
d’accès aux soins dont souffrent les territoires les plus démunis (les ter-
ritoires ruraux de faible densité mais aussi les zones urbaines sensibles).
Il s’agit :
– d’aides financières directes (prime à l’installation ou prime forfaitaire
permettant de compléter le revenu des praticiens). Elles font toujours
l’objet de convention tripartite entre la collectivité ou le groupement
qui attribue l’aide, l’Urcam et le(s) professionnel(s) de santé, et sont
conditionnées par une période minimale d’exercice sur le territoire
concerné (de 3 à 5 ans en général). Instaurées à l’initiative des collecti-
vités territoriales dans des zones déficitaires, elles varient d’une région
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à l’autre ;
– d’aides matérielles sous forme de prise en charge des frais d’investis-
sement ou de fonctionnement liés à l’activité de soins, ou de la mise à
disposition d’un logement ou de locaux destinés à l’activité de soins.
Ce sont des formules déjà anciennes pratiquées par les collectivités
locales à tous les niveaux ;
– d’exonérations de charges fiscales et sociales, qui ont été rendues
possibles à partir de 2004 dans les zones de revitalisation rurales (ZRR)
au bénéfice des professions libérales de santé. Il s’agit d’une exonéra-
tion de l’impôt sur le revenu (totale durant cinq ans puis dégressive) et
de la taxe professionnelle (devenue CET) pour les nouveaux cabinets
ou leur regroupement. Vient s’y ajouter l’exonération d’une partie
des charges patronales pour l’embauche d’un salarié dans un cabinet
médical situé en ZRR. Ces aides sont naturellement coûteuses pour les
fonds publics.

LES AIDES À L’ORGANISATION DU SERVICE LOCAL DE SANTÉ


Il s'agit :
– des aides visant à favoriser les remplacements, un problème difficile
à résoudre pour les médecins des zones rurales. Des zones déficitaires
ont été désignées avec une exonération de l’impôt sur les revenus per-
çus au titre de la « permanence de soins » (astreintes) dans une limite
de 60 jours par an, ou la souscription d’un contrat de bonne pratique
« exercice en milieu rural » qui offre la possibilité de bénéficier d’une
aide de 300 euros par jour de remplacement, dans la limite de 10 jours

Gérontologie et Société - n° 146 - septembre 2013 page 164


par an. Ce dispositif facilite aussi le remplacement des médecins pour
leur permettre de participer à des actions de formation.
– des aides visant à favoriser l’exercice en cabinets de groupe et la
constitution de pôles de soins. Il s’agit d’une majoration financière d’au
moins 20 % des consultations des médecins exerçant en groupe dans
les zones déficitaires ; elles sont versées directement au médecin par
l’assurance maladie.

LA RÉGULATION DU NUMERUS CLAUSUS


Afin de réguler le nombre de praticiens de santé, de tenir compte des
possibilités de stages hospitaliers, mais aussi de limiter l’effet inflation-
niste des dépenses de santé que pourrait avoir un trop grand nombre
de professionnels, la France a instauré en 1972 un numerus clausus dans
l’admission aux études médicales. De plus de 8 500 admissions pos-
sibles en 2e année dans les années 70, on est tombé à 3 500 en 1992,
et beaucoup attribuent la baisse de la desserte de certaines zones du
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territoire à cette diminution. À partir de 2000 ce chiffre va être pro-
gressivement augmenté pour atteindre 7 500 en 2012.

Pour mieux équilibrer l’offre territoriale de soins 14, et notamment pour 14. Nous n’abordons pas
ici l’épineuse question de
attirer des professionnels vers les régions de la moitié nord du pays et la liberté d’installation, un
vers les zones rurales, la répartition du numerus clausus attribué à principe ardemment défendu
par les professionnels et sur
chaque université favorise les régions les moins urbanisées (Centre, lequel l’Ordre des médecins
a fait une avancée en 2012,
Picardie par exemple) et minore les possibilités d’accroissement des mais a dû rapidement
régions méridionales (Paca, Aquitaine…). reculer.

AIDES AUX ÉTUDIANTS EN AMONT


DE L’OBTENTION DES DIPLÔMES
Pour favoriser une meilleure répartition des médecins sur le territoire,
la loi HPST de 2009, (article 46) a instauré le Contrat d’engagement de
service public (CESP) qui permet à des internes et étudiants en
2e année de médecine de percevoir 1 200 € par mois jusqu’à la fin de
leurs études à condition de s’engager à exercer dans une zone défici-
taire pour au moins deux ans. Le nombre de personnes susceptibles de
prétendre à ce contrat est fixé annuellement pour chaque région. Ce
dispositif qui connaît un succès très relatif auprès des étudiants 15 est 15. D’après le rapport
Maurey (sénateur) seuls 350
limité par les disponibilités financières de l’État. En 2013, 450 étudiants CESP ont été signés sur les
et internes en médecine pourront signer un CESP, à peine plus qu’en 800 proposés depuis son
instauration.
2012, et loin de l’objectif des 1 500 bourses visé pour 2017 par le pacte
« territoire-santé ».

Modes d'interventions et offre de services page 165


L'ACCÈS AUX SOINS DES PERSONNES ÂGÉES EN MILIEU RURAL...

Les résultats de toutes ces politiques ne sont pas véritablement au


rendez-vous dans les zones rurales peu denses (Bontron, 2012) si on
regarde les installations actuelles de praticiens. Les freins à l’installation
ne sont en effet pas financiers (un médecin rural atteint un niveau de
revenu supérieur de 15 % à un médecin exerçant en ville), ce qui est
en cause est bien plus général et lié à la fois à l’isolement social et pro-
fessionnel des médecins ruraux et à la modification profonde du corps
médical, qui se féminise de plus en plus et aspire à un mode de vie
peu compatible avec le contexte traditionnel de la médecine rurale.

LES SOLUTIONS « VENUES D’EN BAS »


Les solutions les plus concrètes sont sans aucun doute venues du terrain,
à l’initiative d’élus et de professionnels de la santé cherchant à contenir
l’avancée des « déserts médicaux ». Les intercommunalités ne s’intéres-
16. Actes du séminaire du saient que très peu à la compétence « santé » jugée trop complexe 16.
9 juin 2011 « Développer
une politique de santé D’après les chiffres du ministère de l’Intérieur (Banatic), en 2010, seules
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dans les territoires ruraux : 195 intercommunalités à fiscalité propre (sur 2 599 au total) avaient une
quel rôle possible pour les
intercommunalités ? », Mairie compétence intitulée « action sanitaire », soit trois communautés
conseils/MSA/Elus santé
publique et territoires, Paris,
urbaines, dix-sept communautés d’agglomération et cent soixante-
janvier 2012. quinze communautés de communes. Mais elles le font de plus en plus,
soit en adoptant la compétence, soit à travers des initiatives dans des
projets de santé.

Ces initiatives de terrain sont déjà anciennes puisque, dès les années
70, on a pu observer des communes rurales situées en régions « déser-
tifiées » cherchant à fixer un médecin en lui offrant des conditions de
logement intéressantes, voire un complément de salaire. Cette straté-
gie va considérablement se renforcer ces dernières années et surtout
être enclenchée à un niveau plus large, notamment avec les Pôles
d’excellence rurale (PER) et les maisons de santé.

LES PROJETS DE SANTÉ DES PER


Dans ces projets, les acteurs locaux se sont appuyés sur un instrument
mis en place par l’État, le pôle d’excellence rurale, dont l’idée était en
quelque sorte de reproduire, à une autre échelle, la dynamique
ouverte par le succès des pôles de compétitivité. Cette démarche, lan-
cée en 2005, vise à soutenir, au sein des territoires ruraux, des projets
innovants, créateurs d’emplois et de richesse, associant des partenaires
publics et privés et s’inscrivant dans une démarche de développement
durable. Il s’agit avec cet instrument de développer les activités écono-
miques, valoriser les atouts des territoires ruraux, faciliter la vie quoti-

Gérontologie et Société - n° 146 - septembre 2013 page 166


dienne des populations rurales, organiser et animer les territoires. Le
principe d’un appel à projets est retenu, avec expertise et sélection des
meilleurs dossiers. Les projets retenus 17 sont alors labellisés « pôle d’ex- 17. 642 PER ont été labellisés
au cours de deux appels
cellence rural », ce qui leur permet d’obtenir une dotation financière à projets, réalisés en deux
significative de l’État (de 0,5 à 1,5 million d’euros) ; dotation confortée vagues chacun.

par l’Europe, les conseils régionaux et conseils généraux, plus élevée


dans les zones de rénovation rurale (ZRR).

L’initiative locale a spontanément porté des projets autour de la santé


(Bontron, 2012), qui répondaient bien aux intentions du dispositif tant
sur l’innovation que sur le partenariat public-privé. 53 des projets qui
ont été retenus sont ainsi relatifs à la santé et répondent à une stratégie
élaborée localement et ciblant des problèmes bien identifiés, autour
de maisons médicales pluridisciplinaires, de pôles de santé multi-sites
ou en réseau, de mobilisation des technologies nouvelles en zone
rurale, de dispositifs d’accompagnement des personnes âgées atteintes
d’affections de longue durée… (voir encart présentant l’exemple d’un
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réseau de proximité en Aveyron). Toutes ces initiatives, lorsqu’elles
ont été menées à bien, ont su mobiliser tous les acteurs de terrain
impliqués à un titre ou un autre dans le système de santé local : les
professionnels de santé des différentes disciplines, les élus, la MSA, la
Cnaf, les acteurs sociaux, dans une approche globale des problèmes.

Le Réseau de Santé de Proximité en Nord Aveyron (RSPNA)

Le projet concerne une zone rurale montagnarde située au Nord du département de l’Aveyron, qui comporte
quatre cantons : Saint-Amans-des-Côts, Sainte-Geneviève-sur-Argence, Laguiole et Saint-Chély-d’Aubrac
pour un total de 7 750 habitants. C’est un vaste territoire (678 km²) dont les 2/3 sont situés à plus de 800
mètres d’altitude, doté d’un relief accentué qui allonge considérablement les temps de transport. Le délai
d’intervention des professionnels de santé à partir des chefs-lieux va jusqu’à 25 minutes pour les communes
limitrophes, un temps fortement accru dans les périodes d’enneigement. Ces professionnels sont nombreux :
7 médecins généralistes (dont 6 ont plus de 55 ans), 11 infirmières libérales et 2 centres de soins infirmiers
(CSI), 6 kinésithérapeutes, 3 chirurgiens-dentistes, 1 orthophoniste, 5 pharmaciens, mais il n’y a pas de
spécialiste. Notons que près de 20 % des habitants souffrent d’affections de longue durée (ALD).
L’objectif de ce projet, soutenu par un PER, était d’offrir à la population du Nord Aveyron un réseau de
proximité permettant une prise en charge globale des problèmes de santé, notamment le repérage, le
dépistage, le diagnostic, le traitement des malades d’Alzheimer, mais aussi l’accompagnement social de
leur famille ainsi que la formation d’une partie des soignants. Cette organisation permet des embauches
mutualisées là où chaque intervenant du réseau pris individuellement n’aurait qu’un temps partiel de travail
pour des compétences professionnelles spécialisées.
Pour l’ensemble de ce PER, qui s’appuie sur un partenariat public-privé élargi, la participation de l’État a été
de 720 000 €.
Pour en savoir plus, voir le site Internet Aubrac-medical.com

Modes d'interventions et offre de services page 167


L'ACCÈS AUX SOINS DES PERSONNES ÂGÉES EN MILIEU RURAL...

LES MAISONS DE SANTÉ DE PROXIMITÉ


Les initiatives de santé des PER, avec d’autres comme les « pays de
santé » de la MSA et de Groupama ou les CLIC, ont généré un foison-
nement de projets visant à regrouper les professionnels libéraux dans
des structures ou des locaux partagés, autour d’un « projet de santé ».
Mme Bachelot, alors ministre de la Santé, a fait réaliser en 2009 un
bilan sur ces initiatives (Juilhard et al., 2010). Le premier constat de ses
auteurs est clair : « le dispositif de premier recours est à bout de souffle. Il
ne répond plus ni aux attentes des professionnels, ni aux préoccupations
des autorités publiques et n’est plus apte à répondre aux évolutions démo-
graphiques et épidémiologiques de la population ». Dès lors, ils préco-
nisent sept séries de mesures pour faciliter et consolider l’émergence
d’un dispositif de soins de premier recours en zone rurale (mais aussi
péri-urbaine), avec un cadre juridique renforcé, de nouveaux modes
de financement, et une logique d’engagements réciproques entre
autorités publiques et professionnels de santé, autour d’un véritable
projet collectif de santé.
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C’est dans ce sillage que les pouvoirs publics (CIAT de mai 2010) ont
lancé un programme de réalisation de 250 maisons pluri-profession-
nelles financées par le Fonds national d’aménagement et de déve-
loppement du territoire, sous condition qu’elles se situent dans un
périmètre considéré comme fragile par le Schéma régional d’organi-
sation des soins (SROS) et avec l’accord des ARS. Ce programme est en
cours de réalisation, il recueille un franc succès auprès des élus et a été
approuvé par le nouveau gouvernement : « Je suis favorable à la mise en
place de pôles ou maisons de santé de proximité, mais à condition que ces
maisons de santé ne soient pas de simples projets immobiliers. Elles doivent
répondre aux attentes des élus, mais plus encore reposer sur l’engagement
des professionnels. Il y avait 200 maisons de santé à mon arrivée au minis-
tère. Depuis un an, 50 projets ont été financés et réorientés. À la fin de
l’été, il y en aura 300 au total en France ». (Marisol Touraine le 1er juillet
2013 pour Acteurs Publics).

L’APPORT DES NOUVELLES TECHNOLOGIES


Le développement des technologies nouvelles appliquées au domaine
de la santé a ouvert des champs très importants, pour la recherche et
le traitement des pathologies comme pour la transmission des infor-
mations, et fait naître beaucoup d’espoirs (Salgues & Pasquel, 2013).
Notamment dans le monde rural, où la télémédecine est perçue
comme une solution particulièrement pertinente.

Gérontologie et Société - n° 146 - septembre 2013 page 168


S’agissant de la médecine de proximité et des soins à apporter dans les
territoires isolés, différentes applications sont d’un intérêt évident : la
téléconsultation qui (en dialogue avec une infirmière) évite des dépla-
cements avec leurs risques, pour les personnes âgées ; le télédiagnostic
qui permet à un spécialiste d’interpréter à distance des résultats d’ana-
lyses faites sur place, la téléradiologie avec la lecture d’images médi-
cales, la télésurveillance à domicile, et plus généralement la communi-
cation, les échanges, le partage des dossiers… sont autant de services
qui améliorent le suivi et le traitement des patients, particulièrement
des personnes âgées isolées.

Depuis le début des années 2000, les expériences concrètes ne


manquent pas (Simon & Acker, 2008 ; Lasbordes, 2009) et sont main-
tenant passées dans les pratiques : les mallettes portatives du Dévoluy
permettant de réaliser des diagnostics et de télé-transmettre les don-
nées vers le Samu ou les hôpitaux, le dispositif de téléconsultations
mis en place par la communauté de communes d’Arzacq-Arraziguet
(Pyrénées-Atlantiques) qui relie en réseau les différentes maisons de
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retraite et maisons médicales du canton, le dispositif de télésurveil-
lance des plaies mis en place dans le Gers dans le cadre du PER « Gers
santé ruralité », le système de partage des informations installé en
Lozère en 2011 entre les médecins généralistes urgentistes et le Samu
48, qui équipe aujourd’hui 35 médecins lozériens… Il faut signaler
que les initiatives se sont multipliées avec le soutien des opérateurs de
télécommunication et les grandes firmes industrielles de la santé qui
voient dans ces nouvelles pratiques s’ouvrir des marchés prometteurs.

Le Réseau de Santé et de Télémédecine en zone Rurale (Resater) du Couserans


Dans cette région de l’Ariège qui compte 32 % de personnes âgées de plus de 60 ans et 15 % de plus de
75 ans, un projet européen a été initié en 2009 autour de la mise en place d’un réseau de professionnels médi-
caux et paramédicaux utilisant un matériel et des connexions sécurisées de qualité, permettant à distance
via la télémédecine et en lien avec les personnels formés sur place, de répondre à toutes sortes de patho-
logies. Ce système facilite le recours aux spécialistes (plaies et cicatrisation, psycho-gériatrie, gérontologie,
douleur) et une meilleure prise en charge pluridisciplinaire des patients ; il évite de déplacer les personnes
à faible mobilité ou celles ayant des troubles du comportement, et permet des économies en transport et
en personnel encadrant pour des déplacements qui ne sont plus remboursés par la sécurité sociale. Après
trois années d’expérimentation, elle a profité à 259 bénéficiaires. Cette démarche collaborative, mise en œuvre
dans le cadre de ce Projet Régional de Santé, défini par l’Agence Régionale de Santé, s’appuie en parallèle sur
l’équipement en haut débit du département. Resater réunit, avec le Pays Couserans, six territoires concernés
par des problématiques similaires de trois pays (la France, l’Espagne et le Portugal), il s’est vu doté d’un budget
de 1,7 M € pour lequel le Couserans a obtenu un taux global de subvention inespéré, avec l’aide de la région
et du conseil général, de 95 %.
Pour en savoir plus, voir le site Internet du Pays Couserans.

Modes d'interventions et offre de services page 169


L'ACCÈS AUX SOINS DES PERSONNES ÂGÉES EN MILIEU RURAL...

On ne peut cependant pas tout attendre de ces technologies pour


résoudre les problèmes posés par la désertification médicale de cer-
tains espaces ruraux. D’abord, ce qui est possible en milieu rural avec
les Technologies de l’information et de la communication (Tic) l’est
aussi en ville, le différentiel de situation des pratiques sanitaires entre
les deux ne sera donc pas réduit par ces moyens. Ensuite, le dévelop-
pement de la télémédecine suppose une bonne desserte numérique
des territoires ruraux, avec le très haut débit pour assurer un bon
niveau de sécurité et de fiabilité dans les échanges. Ceci est coûteux
dans les zones de faible densité, et considéré par certains comme le
18. Voir « la Santé, porte maillon faible de la « chaîne collaborative de santé » 18. Enfin il faut
d’entrée du très haut débit en
zone rurale ! » sur le site Les travailler à l’appropriation de ces technologies par les professionnels
Webs du Gévaudan. de santé en s’appuyant sur des formations adéquates, à l’image de la
plateforme multiservices universitaire et associative impulsée par la
maison médicale du Gapençais (Harel & Pomato, 2012).
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Si les problèmes d‘accès aux soins dans le milieu rural ne sont pas
complètements spécifiques s’agissant des pathologies, ils le sont quant
à l’environnement sanitaire. Dans certains territoires, le « droit à la
santé » ne peut plus vraiment s’exprimer, et pose un vrai problème
de maintien des personnes âgées, alors même que ces campagnes
deviennent attractives pour certains retraités (Gucher et al., 2007).

C’est un problème d’aménagement du territoire qui risque de s’ampli-


fier (Mouquet & Oberlin, 2008), et met en cause l’organisation du
système plus que le nombre des professionnels. Proximité ne veut pas
nécessairement dire qualité, les pratiques collaboratives en réseau
doivent s’imposer entre tous les acteurs, autour de projets de santé ter-
ritorialisés à un niveau fin, tirant partie des possibilités offertes par les
nouvelles technologies. Mais surtout il faut reconstruire le rapport que
les professionnels de santé entretenaient avec le milieu rural et qu’ils
semblent avoir en partie perdu avec les nouvelles générations.

Gérontologie et Société - n° 146 - septembre 2013 page 170


RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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