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Risques toxicologiques de la cohabitation avec une

décharge : cas d’Akouédo en Côte d’Ivoire


Oi Adjiri Adjiri, Sandrine Aka Any-Grah, Kouamé Victor Kouamé, Elisée Kporou Kouassi,
Jean Biémi
Dans Santé Publique 2019/4 (Vol. 31), pages 567 à 579
Éditions S.F.S.P.
ISSN 0995-3914
DOI 10.3917/spub.194.0567
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Afrique, santé publique & développement Recherche originale

Risques toxicologiques de la cohabitation avec une décharge :


cas d’Akouédo en Côte d’ivoire
Toxicological risks of cohabitation with wild landfills:
the case of the Akouedo landfill (Abidjan, Ivory Coast)
1 2 1 3 4
Oi Adjiri Adjiri , Sandrine Aka Any-Grah , Kouamé Victor Kouamé , Elisée Kporou Kouassi , Jean Biémi

û Résumé û Abstract
Introduction : L’objectif de cette étude était d’évaluer les risques introduction: The objective of this study is to evaluate the health
sanitaires liés à l’exposition aux métaux (Pb, Cd, Hg et Cr) chez risks associated with metal exposure (pb, cd, Hg and cr) in the
les populations vivant aux alentours de la décharge d’Akouédo. populations living around the akouédo landfill.
Méthode : Cette évaluation a nécessité l’exploitation des données Method: This evaluation required the use of the most recent refer-
toxicologiques de référence les plus récentes relatives à l’expo- ence toxicological data relating to human exposure to these pollut-
sition humaine à ces polluants et les résultats de mesures faites ants and the results of measurements in the environment. crossing
dans l’environnement. Le croisement de ces deux sources de these two data sources using the calTOX simulation allowed for
données par simulation CalTOX a permis de calculer des doses the calculation of daily exposure, through the consumption of soil
journalières d’exposition, via la consommation de poussières de dust, contaminated water and foodstuffs.
sol, d’eaux contaminées et de denrées alimentaires. Results and discussion: Exposure levels to lead (1.05-1.34 ppm)
Résultats et discussion : Les doses d’exposition au plomb (1,05- and mercury (1.46 ∙ 10–2-2.16 ∙ 10–2 ppm) appear highest. The
1,34 ppm) et au mercure (1,46 ∙ 10–2-2,16 ∙ 10–2 ppm) appa- danger quotients are also high and are on average 220 and
raissent les plus élevées. Les quotients de danger sont également 54 Toxicological reference Values (TrVs). In addition, lead expo-
élevés et sont respectivement, en moyenne, 220 et 54 fois les sure for infants presents a danger quotient 15 times TrVs. The
Valeurs Toxicologiques de Référence (VTR). En outre, l’exposi- calculation of the health impact due to chromium gives 9 cases of
tion au plomb pour les nourrissons présente un quotient de cancer that would be reported per year. The comparison of the
danger 15 fois supérieur aux VTR. Le calcul de l’impact sanitaire theoretical values with those estimated by calculation gives over-
dû au chrome donne 9 cas de cancers qui seraient déclarés par valued theoretical danger ratios for the four pollutants (cd, pb, Hg,
an. La comparaison des valeurs théoriques avec celles estimées cr). an overvaluation that would be related to uncertainties in
par calcul donne des ratios de danger théoriques surévalués measurements and calculations. However, it is clear that people
pour les quatre polluants (Cd, Pb, Hg, Cr). Cette surévaluation living around the landfill are exposed to the poisoning of the
pourrait être liée aux incertitudes dans les mesures et dans les pollutants indicated. This zone is therefore a major public health
calculs. Nos résultats montrent que les populations vivant aux problem.
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alentours de la décharge d’Akouédo sont clairement exposées Conclusion: consequently, prevention means such as closure and
aux intoxications des polluants indiqués. rehabilitation of the site must be taken urgently. also, the construc-
Conclusion : Cette décharge constitue donc un problème de tion in the area, of a hospital center specific to the treatment of the
santé publique majeur. En conséquence, des moyens de préven- pathologies resulting from the intoxication with the indicated
tion tels que la fermeture et la réhabilitation du site doivent être pollutants would be desirable.
pris urgemment. Aussi, la construction dans la zone, d’un centre
hospitalier spécifique au traitement des pathologies découlant
de l’intoxication aux polluants indiqués serait souhaitable.

Mots-clés : Décharge sauvage ; Métal lourd ; Impact sanitaire ; Keywords: Landfill; Heavy metal; Health Impact; cancer.
Cancer.

1
Laboratoire des Sciences et Technologies de l’Environnement, UFR Environnement – Université Jean Lorougnon GUEDE – Daloa – Côte d’Ivoire.
2
Laboratoire de pharmacie galénique, UFR Sciences pharmaceutiques et biologiques – Université Félix Houphouët Boigny – Abidjan – Côte d’Ivoire.
3
Laboratoire de Biochimie et microbiologie, UFR Agroforesterie – Université Jean Lorougnon GUEDE – Daloa – Côte d’Ivoire.
4
Laboratoire des Sciences et Techniques de l’Eau et de l’Environnement, UFR STRM – Université Félix Houphouët Boigny – Abidjan – Côte d’Ivoire.
Correspondance : O. A. Adjiri Réception : 15/11/2018 – Acceptation : 17/04/2019
oiadjiri@gmail.com

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O.A. Adjiri, S. Aka Any-Grah, K.V. Kouame, al.

introduction Méthode

Pour faire face au défi d’élimination sécuritaire de ses Description de la zone d’étude
déchets dans la capitale économique, Abidjan s’est dotée,
depuis 1965, d’une décharge contrôlée à ciel ouvert : la Localisation
décharge d’Akouédo. Dans son fonctionnement actuel, elle
est classée au rang des décharges sauvages [10] et repré- La zone d’étude est la décharge d’Akouédo qui est l’unique
sente une source de nuisances renouvelées en même temps décharge du district d’Abidjan. Elle est située au nord-est
qu’un problème de santé publique majeur pour le District du district, dans la commune de Cocody, entre 396 000 et
d’Abidjan. Cette décharge reçoit tous les types de déchets 397 000 m en abscisses et entre 588 000 et 594 000 m en
parmi lesquels des déchets toxiques-dangereux (des déchets ordonnées dans le référentiel UTM 30N. Cette décharge,
industriels, biomédicaux, des abattoirs…) et des déchets mise en place depuis 1965, s’étend sur une superficie de
ménagers [1]. L’approvisionnement quotidien est d’environ 100 ha 1 a 95 ca. Elle se trouve à mi-parcours de l’axe
2 500 tonnes [2]. Des rapports d’études de la Banque Abidjan-Bingerville, à 18 km du centre-ville et en plein
mondiale, obtenus auprès de la Direction de l’Environne- centre du quartier résidentiel haut standing Riviera de la
ment du District d’Abidjan, indiquent qu’en 1985, cette commune de Cocody. Elle occupe un talweg dont le drai-
décharge avait une capacité restante supplémentaire de nage naturel se fait vers la lagune Ebrié, au sud, à moins de
9,2 millions de mètres cubes et au rythme estimé de déchets 2,1 km [6] via la baie de M’Badon située à moins de 1 km.
collectés, elle devrait être pleine dans les années 1995- Au nord, elle est limitée par les quartiers résidentiels haut
1996 [2]. Initialement située à 12 km de la ville d’Abidjan, standing Génie 2000 et les Lauriers, à l’ouest par le village
elle jouxte aujourd’hui deux villages et certains quartiers d’Akouédo et à l’est par le village d’Akouédo Attié et la
huppés du District d’Abidjan. Les habitants de ces quartiers commune de Bingerville (figure 1).
et villages sont exposés en permanence aux odeurs ainsi
qu’aux nuisibles (insectes, rongeurs et autres vecteurs de Géographie
maladies) provenant de cette décharge [3, 4]. Des études
antérieures, réalisées par de nombreux auteurs ([1, 2, Le climat de la zone d’étude se caractérise par une grande
5-7], …), ont montré que l’environnement de cette décharge saison sèche, de décembre à mars, une grande saison des
est totalement pollué par divers polluants organiques et non pluies, d’avril à juillet, une petite saison sèche, d’août
organiques, sans toutefois évaluer les risques y afférents. à septembre et une petite saison des pluies, d’octobre à
Alors que les maladies liées à cette pollution (paludismes,
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gastro-entérites, affections respiratoires… [2]), notamment
celles liées aux polluants métalliques (cancer, malformation
congénitale… [2]), nécessitent une prise en charge curative
et préventive adéquate. Dès lors, évaluer les risques sani-
taires liés à l’exposition aux polluants de la décharge
d’Akouédo, s’avère nécessaire. C’est pour répondre à cette
préoccupation que nous avons initié la présente étude,
en 2008. Il s’agit d’estimer l’exposition multimédia des
populations vivant aux alentours de la décharge et de quan-
tifier les risques sanitaires y afférents. Il s’agit de façon spéci-
fique (1) d’identifier et de quantifier les polluants traceurs et
leur potentiel dangereux, (2) d’estimer l’exposition des
populations et de caractériser les risques sanitaires y affé-
rents. Pour ce faire, la démarche classique d’évaluation des
risques sanitaires a été suivie [8, 9]. Elle a été conduite sur la
base de données réelles de pollutions, telles que mesurées
dans l’environnement, à partir d’échantillons prélevés sur le Figure 1 : Localisation de la décharge d’Akouédo
site de la décharge. (Cocody, Abidjan-RCI)

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DÉCHARGE D’AKOUÉDO Et RiSQUES tOXiCOLOGiQUES

Populations et activités

La zone d’étude se trouve en plein centre du quartier rési-


dentiel haut standing Riviera de la commune de Cocody. Ce
quartier abrite des établissements stratégiques et de réfé-
rence tels que les camps militaires d’Akouédo I et II, les
lycées français et américains, des unités de production de
médicaments (CIPHARM, OLEA) et des centres hospitaliers.
La plupart de ces établissements se trouvent à l’intérieur
d’un rayon de 2 km autour de la décharge. De façon géné-
rale, la commune de Cocody (447 055 habitants [11],
251 741 habitants [12], au moment de l’étude) est la prin-
cipale localité impactée, dont principalement les villages
d’Akouédo (5 300 habitants au moment de l’étude) et
Figure 2 : Modèle numérique de terrain de la zone Akouédo d’Akouédo Attié (1 200 habitants au moment de l’étude).
Sur le site de la décharge, se pratiquent des cultures maraî-
chères et vivrières et des activités de récupération des
objets revendables. En aval de la décharge, se trouve la baie
novembre. La pluviométrie annuelle du district d’Abidjan de M’Badon où sont pratiquées des activités de pêche par
varie de 1 500 à plus de 2 500 mm par an [13]. La tempéra- les villageois riverains.
ture moyenne est de 27,5 °C. L’humidité relative de l’air est
comprise entre 80 % et 90 %. Selon Kouamé [6], les mois
de juillet, août et septembre sont les plus humides avec une Méthodologie
humidité relative supérieure à 80 % tandis que ceux de
novembre, décembre, janvier, février et mars sont moins Classiquement la méthodologie d’évaluation du risque
humides avec une humidité relative comprise entre 80 et sanitaire comporte quatre étapes décrites par National
82 %. La vitesse moyenne du vent est de 1,38 km/h avec research council [8] : l’identification des dangers, la défini-
une orientation S-SO [14]. tion des relations dose-réponse, l’évaluation de l’exposition
Sur le plan topographique, les altitudes de la zone d’étude et la caractérisation des risques. Chaque étape requiert une
oscillent entre 0 et 85 m. La partie nord est plus élevée évaluation scientifique visant à produire une synthèse des
(> 65 m), alors que la partie sud est très basse avec des connaissances disponibles, débouchant sur un bilan de ce
altitudes inférieures à 25 m. Les altitudes sur le site de la qui est su, de ce qui est ignoré et de ce qui reste douteux.
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décharge d’Akouédo oscillent entre 0 et 65 m. On y rencontre Deux indicateurs sont calculés à l’issue de cette démarche :
des buttes atteignant plus de 60 m (figure 2). Dans le un Quotient de Danger (QD) ou Indice de Risque (IR) et un
prolongement nord-sud, s’y trouve un important talweg Excès de Risque Individuel (ERI). C’est à partir de ces deux
incisant la surface des buttes et constituant la voie indicateurs, et en tenant compte de la population concernée,
d’évacuation des eaux de ruissellement et des lixiviats vers qu’un Impact Sanitaire (IS) proprement dit sera calculé.
la lagune [10]. Une étape préliminaire consiste à collecter et à analyser les
données nécessaires à la bonne réalisation de l’évaluation
Géologie et hydrogéologie des risques, c’est-à-dire la caractérisation du site.

Sur le plan géologique, la lithologie de la zone d’Akouédo Identification des polluants « traceurs »
est constituée, de haut en bas, de sables argileux, de sables et de leur potentiel dangereux
moyens et de sables grossiers reposant sur un socle grani-
tique et schisteux [5]. Sur le plan hydrogéologique, le L’identification des dangers consiste à répertorier, parmi
niveau piézométrique de la nappe est à moins de 40 m de les polluants indiqués par les analyses chimiques de labo-
profondeur du lieu de confinement des déchets [2]. En ratoire, les informations sur les dangers (effet sanitaire
amont du site, on y trouve un champ captant utilisé pour indésirable ou toxicologique) afférents à chacun d’entre
l’alimentation en eau potable d’une partie de la commune eux. Une éventuelle sélection s’appuiera sur un certain
de Cocody. nombre de critères tels que la quantité de substances

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O.A. Adjiri, S. Aka Any-Grah, K.V. Kouame, al.

rejetées, ses effets toxiques et la nature des données toxi- sources suivantes : IRIS, ATSDR et Health Canada. Elle a
cologiques (animales ou humaines). Les polluants sélec- inclus depuis peu les valeurs de l’OMS, de l’OEHHA et du
tionnés seront qualifiés de « traceurs » [15]. On entend par RIVM. Elle comporte également tout un lexique de termes
polluant « traceur du risque » toute substance pour laquelle et valeurs de référence utilisés dans les diverses bases de
une Évaluation Quantitative du Risque Sanitaire (EQRS) est données toxicologiques.
effectuée. Le risque ainsi caractérisé est représentatif et
attribuable à la décharge pour la présente étude. Les para- Estimation de l’exposition des populations
mètres de choix retenus sont [15 modifiés] :
• la connaissance absolue du polluant ; L’estimation de l’exposition des populations conduit à
• l’importance des émissions ou des dépôts en valeur déterminer la dose de polluant qui arrive au contact ou qui
absolue et en part relative par rapport aux risques (ce qui pénètre dans l’organisme. Selon la nature du polluant et des
permet de choisir des traceurs plus spécifiques). Ici, les effets qu’il engendre, cette estimation s’effectue séparé-
émissions ou les dépôts seront fixés suivant les normes ment pour chaque voie d’exposition ou bien de manière
internationales ; combinée. Les voies d’exposition retenues sont : l’inhala-
• la présence constatée de la substance dans l’environne- tion gazeuse ou particulaire de polluants ou l’ingestion de
ment du site ; poussières de sols, d’eaux ou d’aliments contaminés. Les
• la spécificité de la substance par rapport au site (dans la paramètres clés de cette détermination sont la fréquence,
littérature) ; la durée et l’intensité des contacts entre la population et la
• les connaissances disponibles sur leur nocivité qui se substance. À défaut de mesures faites directement sur les
traduisent par les « Valeurs Toxicologiques de Référence personnes, les doses auxquelles sont exposées les popula-
(VTR) et leur comportement dans l’environnement ». tions ont été calculées par modélisation (CalTOX) à partir
Afin de couvrir une gamme diversifiée de « traceurs » du de mesures de concentrations de polluants, réalisées sur
risque, selon SFSP [15], sont considérés comme polluants un échantillon moyen de sols prélevés dans les horizons
traceurs du risque des polluants organiques et inorga- superficiels sur toute la surface de l’ancien site déjà exploité
niques, cancérigènes ou non, présents en phase particulaire de la décharge. Les échantillons à proportion égale ont été
et/ou gazeuse, et dont les paramètres du danger s’expri- prélevés au centre d’une maille carrée de côté estimé à 1 m.
ment soit avec des Excès de Risques Unitaires, soit avec des L’outil de prélèvement était une pelle, et des dispositions
valeurs seuils. Ainsi, selon Rollin et Quiot [16], une liste de particulières ont été prises pour éviter de prélever les
neuf éléments traces à risques pour la santé humaine parties en contact avec le matériel de prélèvement. Ces
(teneurs moyennes dans les sols inférieures à 1 g/kg) a été échantillons ont été par la suite homogénéisés, et l’échan-
proposée dans le rapport 42 de l’Académie des Sciences [17]. tillon moyen retenu a été conditionné dans une bouteille
Ces éléments sont le cadmium (Cd), le plomb (Pb), le borosilicaté de couleur sombre de 250 mL. Les teneurs en
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mercure (Hg), l’arsenic (As), le nickel (Ni), le chrome (Cr), polluants métalliques (Pb, Hg, Cr et Cd) ont été dosées au
le cuivre (Cu), le zinc (Zn) et le sélénium (Se). Parmi ces four graphique à l’aide d’un spectromètre de type VARIAN
neuf éléments, tenant compte des résultats des travaux SpectrAA 110 VGA 77 pour le mercure, et à la flamme, à
antérieurs réalisés par Kouamé et al. [5] et Adjiri et al. [7], l’aide un spectrophotomètre d’absorption atomique (AAS)
quatre ont été retenus pour la présente étude en raison de de type SHIMADZU UV-160A, pour les autres métaux, après
leurs teneurs et de la nature chronique de leur toxicité. Il minéralisation acide des échantillons. Ces mesures, en plus
s’agit de : Pb, Hg, Cd et Cr. d’autres paramètres mesurés dans l’environnement de la
décharge (température, vitesse du vent…), constituent des
Définition des relations dose-réponse paramètres d’entrée pour la simulation par CalTOX. Ce
dernier est un logiciel de calcul élaboré par l’Université
La relation dose-réponse est représentée par un indice : de Berkeley pour le compte de l’agence californienne de
la Valeur Toxicologique de Référence (VTR) dont la nature protection de l’environnement [19]. Il s’agit d’un modèle
diffère selon l’effet. La base IRIS de l’EPA est la plus complète multimédia d’exposition, développé sous EXCEL. Il a été
à ce jour : elle constitue notre premier choix de VTR. Si le conçu pour aider à évaluer les expositions humaines liées
composé étudié est absent de cette base, la valeur de l’OMS à des sites pollués et à définir des seuils de réhabilitation
ou de l’OEHHA est alors utilisée. La base de données ITER des sols [20]. Il s’appuie sur des scenarii d’exposition
a été également consultée. Cette base permet d’obtenir, réalistes et plausibles et en tenant compte des caractéris-
pour un même composé, toutes les VTR provenant des tiques et habitudes locales prises dans la littérature et/ou

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DÉCHARGE D’AKOUÉDO Et RiSQUES tOXiCOLOGiQUES

observées sur le terrain. Il s’agit, au sens large, des Variables Le second est l’hypothèse selon laquelle la concentration
Humaines d’Exposition (VHE) tirées de l’Exposure Factor des polluants dans l’air à l’intérieur des locaux est égale à
Handbook de l’EPA [18]. Il apparaît comme un des modèles celle modélisée par le code de diffusion CalTOX qui concerne
multimédias les plus intéressants, à l’heure actuelle, pour les émissions extérieures. Par ailleurs, les émissions de
estimer les expositions à une échelle locale. Il simule le chrome sont considérées comme étant constituées de Cr6+
transfert des polluants du sol à l’homme, en considérant en totalité. Cela surestime évidemment l’appréciation du
que l’apport de polluants va progressivement contaminer risque. Ces hypothèses sont toutefois conventionnelles et
le sol, les eaux, les végétaux et les animaux. Il permet, ainsi, raisonnables. Elles ont été utilisées dans d’autres études
d’avoir différentes concentrations du polluant dans les similaires [21, 22].
différents compartiments de l’environnement et les doses
d’exposition y afférentes. La quantité totale de polluant Caractérisation du risque
absorbée est rapportée au poids du récepteur et moyennée
sur la durée d’exposition. Dans ce cas, il s’agit de dose admi- Il s’agit d’estimer l’incidence des effets sanitaires dans la
nistrée (D), ou de Dose Journalière d’Exposition (DJE), qui population en fonction des conditions d’expositions. Les
s’exprime en mg ou μg de polluant par kilogramme de poids risques sanitaires sont caractérisés par un Quotient de
corporel et par jour (mg/kg/j ou μg/kg/j). Pour la voie Danger (QD) pour les effets toxiques aigus et chroniques
respiratoire, c’est la concentration moyenne inhalée qui est sans seuil, et un Excès de Risque Individuel (ERI) pour les
estimée. Elle s’exprime en mg ou μg de polluant par mètre effets cancérigènes. Le quotient de danger se calcule avec
cube (mg/m3 ou µg/m3) et peut être traduite en dose la formule mathématique suivante :
d’exposition équivalente. Ainsi, les différentes doses
QD = D/VTR
d’exposition, en fonction de chaque type de voie, ont été
déterminées par CalTOX. Pour mieux apprécier le caractère Où : QD est le quotient de danger ; D, la dose ou concentra-
zonal de l’exposition, la simulation a été faite en fonction tion d’exposition ; VTR, la valeur toxicologique de réfé-
de la distance d’exposition par rapport à la décharge. Ainsi, rence. VTR peut être une dose de référence (RfD), ou une
la marge 0-20 m correspond à la zone d’exposition des concentration de référence (RfC), ou une dose journalière
utilisateurs de la décharge (travailleurs, cultivateurs ou admissible.
récupérateurs d’objets revendables) ; la marge 20-1 000 m Les polluants concernés par le calcul du QD dans la
correspond à l’exposition des villages riverains, mais avec présente étude sont le plomb et le mercure. Pour ces
des degrés d’exposition différenciés selon la zone d’habita- polluants, les effets toxiques ne se produisent qu’à partir
tion. Les habitations les plus proches de la décharge ont été d’un seuil d’exposition. Pour évaluer le risque, il faut donc
associées à la sous marge 20-100 m, les moins proches à la comparer, pour chaque traceur, les niveaux d’expositions
sous marge 100-500 m et celles qui sont éloignées à la sous auxquels sont soumises les populations avec les seuils de
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marge 500-1 000 m. Quant aux quartiers périphériques chaque substance. Le risque est considéré comme accep-
de la commune de Cocody, ils correspondent à la marge table lorsque l’exposition reste inférieure aux seuils. Après
1 000-2 000 m. Un territoire circulaire de 2 km de rayon avoir calculé le risque lié à chaque voie d’exposition, nous
autour de la décharge a donc été délimité. Il représente avons calculé le risque correspondant à la dose totale
l’aire où les rejets atmosphériques de polluants sont absorbée (QD total). Le calcul a été fait en considérant la
supposés se déposer. Toutefois, pour certains polluants tels période 1965-2008. Ce risque représente le risque attri-
le plomb ou le chrome portés par des particules très fines, buable à un individu ayant résidé dans la zone pendant
ou même le mercure très volatile, cette limite peut sembler 43 ans, entre 1965, date d’ouverture de la décharge, et
un peu restrictive étant donné leur grande capacité à 2008, date de la réalisation de la présente étude. Le résultat
diffuser à longue distance. Cependant, les concentrations n’est pas une probabilité. Il exprime le facteur multiplicatif
ambiantes au-delà pourraient s’avérer plus faibles que entre la dose d’exposition et la VTR. Pour illustrer, on dira
celles modélisées dans le territoire d’étude. Dans cet espace, qu’un QD de 2 signifie que la dose d’exposition est deux fois
l’exposition par inhalation est sans doute surestimée du fait plus élevée que la VTR et non pas qu’il y a deux fois plus de
de deux phénomènes. Le premier concerne le choix de risque de voir l’effet se manifester. Un QD inférieur à 1
considérer que les taux de pénétration des polluants dans exclut a priori (aux incertitudes et défauts de connaissance
le corps est de 100 %. En fait, ce taux de pénétration est près) la manifestation de l’effet critique. Un QD supérieur
variable selon les diverses caractéristiques physiopatholo- à 1 n’exclut pas la manifestation de l’effet critique, mais il
giques des personnes et selon les polluants pris en compte. ne la prédit pas de manière déterministe non plus.

Santé publique volume 31 / N° 4 - juillet-août 2019 571


O.A. Adjiri, S. Aka Any-Grah, K.V. Kouame, al.

D’autre part, le calcul de l’ERI est à la base du calcul de population. Pourtant, en fonction de la situation étudiée,
l’impact sanitaire. Il concerne un individu type. Dans la cette simplification correspond rarement à la réalité. Il
pratique, il est obtenu en multipliant la Dose Journalière existe des variations importantes de l’exposition à l’inté-
d’Exposition (DJE ou Dj) par l’excès de risque unitaire par rieur de la zone d’étude. Il a paru donc nécessaire de déter-
voie orale (ERUo), ou la concentration inhalée (CI) par miner des zones dans lesquelles l’exposition peut être
l’excès de risque unitaire par inhalation (ERUi). considérée comme plus homogène. Pour la définition de ces
zones, nous avons considéré les distances définies précé-
Absorption demment, entre autres :
• 0 à 20 m, considérée comme la zone des utilisateurs de
ERI = DJE × ERUO la décharge,
• 20 à 1 000 m, considérée comme la zone des riverains
Inhalation (les villages d’Akouédo et d’Akouédo Attié),
• 1 000 à 2 000 m, considérée comme la zone des quartiers
ERI = CI × ERUi et commune environnants (la commune de Bingerville et
Les DJE ont été estimées par la modélisation avec le logi- certains quartiers de la commune de Cocody).
ciel de calcul CalTOX. Dans cette approche, nous n’avons pas tenu compte des
Pour la présente étude, le cadmium et le chrome ont un évolutions « naturelles » de la population (emménage-
effet cancérigène potentiel. Pour chaque substance, en fonc- ments, déménagements, naissances, décès, changements
tion du niveau d’exposition, nous avons calculé un excès de professionnels) durant l’exposition.
risque individuel (ERI) pendant 43 ans, qui est la probabi- L’effectif de population dans une zone donnée a été estimé
lité qu’un individu développe un cancer durant sa vie, de par interpolation ou considération faite sur les données des
1965 à 2008, du fait de l’exposition considérée. On consi- recensements, pour ce qui est des études rétrospectives.
dère généralement qu’un excès de risque individuel est Pour les expositions actuelles, la taille de la population a été
acceptable s’il est en dessous des valeurs repères de risque exprimée à partir du nombre de personnes-années-
de 10–6 à 10–4, suivant les substances. Ce qui représente exposées. Une personne-année-exposée correspond à une
l’apparition d’un cas sur une population d’un million ou de personne exposée pendant un an. Ainsi, dix personnes-
10 000 personnes respectivement. années-exposées correspondent théoriquement à dix
À partir de l’ERI, on pourra calculer l’Impact Sanitaire personnes exposées pendant un an. La taille N de la popula-
(IS). Il se calcule à partir et de la taille n de la population tion sera définie comme le ratio du nombre de personnes-
considérée par la formule suivante : années-exposées sur la durée totale d’exposition Te :
IS = ERI × n N = (nombre personnes−années−exposées)/Te
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Les excès de risque moyens retenus sont ceux du chrome. Ces calculs sont fondés implicitement sur l’hypothèse que
La taille de la population retenue est de 1 800 habitants l’excès de risque individuel lié à l’exposition est constant sur
pour le village d’Akouédo et de 700 habitants pour le village toute la durée de vie de l’individu. Dans la pratique, pour le
d’Akouédo Attié. Soit un total de 2 500 habitants. Ces chiffres calcul de l’impact sanitaire, nous avons considéré seulement
représentent la taille de la population d’autochtones ayant la zone 20 à 1 000 m (Akouédo village et Akouédo Attié)
plus de 30 ans (pour les deux villages). Ces personnes, pour laquelle nous disposons des données de population.
ayant passé plus de 30 ans à proximité de la décharge, ont
donc été jugées représentatives pour le calcul d’impact. Ces Évaluation des incertitudes
chiffres ont été recueillis auprès des différents chefs de
chaque village pour l’année 2008. Chaque étape de la démarche d’évaluation de risque sani-
Ce calcul de l’IS s’appuie sur l’hypothèse que l’état de taire est sujette à des incertitudes spécifiques [23].
santé (développement ou non d’un cancer) d’un individu L’identification des dangers est une démarche qualitative
est indépendant de celui des autres (il n’y a pas de prédis- qui est initiée par un inventaire des différents produits
position génétique par exemple pour cette pathologie susceptibles de provoquer des nuisances d’ordre sanitaire.
cancéreuse). La simplicité de ce calcul consiste à retenir, À ce stade, les incertitudes sont liées au défaut d’informa-
comme taille de population, le nombre de personnes tion et aux controverses scientifiques.
présentes dans la zone d’étude sans tenir compte d’éven- La quantification de l’exposition est également entachée
tuelles évolutions au cours du temps, ni des strates dans la d’incertitudes, conséquences d’incertitudes acquises sur

572 Santé publique volume 31 / N° 4 - juillet-août 2019


DÉCHARGE D’AKOUÉDO Et RiSQUES tOXiCOLOGiQUES

chacun des paramètres de l’équation du modèle CalTOX. Le résultat de l’analyse d’incertitude est exprimé comme
Ainsi, pour minimiser les incertitudes, nous avons utilisé le un intervalle d’incertitude sur l’IS. Pour chacune des
code de calcul Monte-Carlo, Cristal Ball, précisément la bornes de cet intervalle, le nombre moyen de cas, ainsi
version 11.1.1.1.00 qui est un code complémentaire au que le percentile 2,5 et le percentile 97,5 du nombre de
modèle CalTOX. L’intégration de l’ensemble des paramètres cas potentiel de cancer ont été calculés en utilisant les
d’entrée de CalTOX, décrit par une valeur moyenne et un caractéristiques connues de la distribution d’une loi de
coefficient de variation, permet à Cristal Ball d’effectuer Poisson par la méthode de Monte-Carlo, utilisant le code
une estimation probabiliste améliorée du niveau de risque de calcul Cristal Ball. Elles correspondent aux bornes d’un
et de réaliser des analyses de sensibilités. L’analyse de intervalle de confiance de 95 %. L’ERI moyen retenu est
sensibilité consiste à identifier le ou les paramètres pris en 1,53 ∙ 10–1 (moyenne des ERI des différentes zones). Par
compte dans la démarche, qui interviennent le plus sur le rapport à cette moyenne, l’intervalle de distribution
résultat. Cependant, l’analyse d’incertitude consiste à correspondante est [10–2 – 1]. Mais, étant donné que la
propager les incertitudes des paramètres pris en compte frange de la population la plus touchée est celle se trou-
dans la démarche sur le résultat final. Les incertitudes sur vant dans la zone 0-20 m, l’ERI correspondant à cette zone
l’ERI se répercutent automatiquement sur l’IS. (1,56 ∙ 10–1) a été considéré comme la borne supérieure
Toutefois, compte tenu de la nature probabiliste de l’ERI, de l’intervalle de distribution. La taille de la population est
le nombre de cas de cancer en excès, se développant dans de 2 500.
une population au sein de laquelle chaque individu encourt
un même excès de risque pour cette pathologie cancéreuse,
doit être considéré comme la réalisation d’une variable
aléatoire de loi binomiale ou de Poisson. Le nombre de cas Résultats
de cancers ne prend donc pas une seule valeur de manière
certaine, mais un ensemble de valeurs possibles, associées
chacune à une probabilité d’occurrence différente. Estimation de l’exposition des populations
Ainsi, le résultat du produit de l’ERI par la taille de la
population est l’espérance mathématique (la moyenne) du Les différents résultats (analyses de laboratoire et simu-
nombre de cas de cancer en excès, que l’on appellera lation par CalTOX) sont présentés dans le tableau I. Les
« nombre moyen de cas ». Notons que ce résultat peut éven- doses moyennes d’exposition fournies par CalTOX sont
tuellement être inférieur à 1. Il est donc aisé, en utilisant également présentées dans le tableau II.
les caractéristiques connues de la distribution binomiale Selon CalTOX, aussi bien les doses d’exposition que les
ou de la loi de Poisson, de calculer un intervalle de valeurs concentrations moyennes d’ETM dans l’environnement
autour du nombre moyen de cas de cancer en excès (IS). sont fonction des distances auxquelles les riverains de la
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Cet intervalle peut, par exemple, être défini par les deux décharge d’Akouédo sont exposés. Plus ils sont loin de
bornes qui encadrent 95 % des valeurs possibles du la décharge, moins ils sont exposés.
nombre de cas de cancer en excès. Par inhalation, seul le Hg aurait des doses significatives
Le résultat du calcul d’impact doit être constitué au moins pour les 1 000 premiers mètres. Elles varieraient de
de trois valeurs : 5,38 ∙ 10–3 à 3,63 ∙ 10–4 ppm∙j-1 contre les VTR de 3 ∙ 10–4
• l’espérance mathématique du nombre de cas de cancer ppm∙j–1. D’autre part, pour l’ensemble des polluants, les
en excès issu du produit de l’ERI par la taille de la doses journalières totales ingérées sont significatives, à
population considérée, l’exception du Cd qui ne l’est que sur le site de la décharge.
• les bornes inférieure et supérieure de l’intervalle qui Ces doses sont toutes largement supérieures aux normes
contient au moins 95 % des valeurs possibles pour ce toxicologiques internationales de référence, aussi bien sur
nombre de cas de cancer en excès. le site de la décharge que dans les environs. Ceci, à l’excep-
Un défaut de connaissance concernant l’exposition (dose tion du cadmium qui ne l’est que sur le site.
ou durée), la taille de la population ou l’ERU peut conduire L’exposition des nourrissons, via le lait maternel, et celle
à réaliser une analyse de sensibilité ou d’incertitude. Ce ou des enfants concernent essentiellement le plomb et le
ces défauts de connaissance se traduisent, dans tous les cas, cadmium. Cependant, les doses administrées de plomb par
par une incertitude sur l’ERI et, par répercussion, sur l’IS. ces derniers sont plus significatives (sur la décharge :
Le résultat de cette analyse sera alors le calcul d’un inter- 8,75 ∙ 10–2 ppm∙j–1, entre 20-2 000 m : 6,85 ∙ 10-2 ppm∙j–1
valle ou d’une distribution pour l’IS. contre la valeur seuil de 5 ∙ 10–3 ppm∙j–1).

Santé publique volume 31 / N° 4 - juillet-août 2019 573


O.A. Adjiri, S. Aka Any-Grah, K.V. Kouame, al.

Tableau I : Concentrations moyennes de Pb, Hg, Cr et Cd dans les sols, mesurées au laboratoire et simulées dans l’environnement média selon CalTOX

Concentrations de métaux dans les sols mesurées au laboratoire en ppm

Pb Hg
933,37 4,82
Concentration simulées par CalTOX dans l’environnement média

Air (gaz) Air (particulaires) Sols de profondeur


Distance (m)

mg•kg–1
mg•m–3 (air) mg•m–3 (air)
(sols solides)

Pb Hg Cr Cd Pb Hg Cr Cd Pb Hg Cr Cd
CONCENTRATIONS DANS

0 0 1,7 • 10–2 0 0 5 • 10–8 1,2 • 10–8 4 • 10–9 5,3 • 10–10 1 • 104 1,3 8,3 • 102 1 • 102
L’ENVIRONNEMENT

20 0 4,2 • 10–3 0 0 1,2 • 10–8 3 • 10–9 1 • 10–9 1,3 • 10–10 4,9 • 10–4 5,9 • 10–2 1,4 • 10–5 5,2 • 10–6
100 0 3,7 • 10–3 0 0 1,1 • 10–8 2,7 • 10–9 9 • 10–10 1,2 • 10–10 4,3 • 10–4 5,2 • 10–2 1,2 • 10–5 4,5 • 10–6
500 0 2,1 • 10 –3
0 0 6,3 • 10 –9
1,5 • 10 –9
5 • 10 –10
6,6 • 10–11 2,4 • 10–4 2,9 • 10–2 6,8 • 10–6 2,6 • 10–6
1 000 0 1,1 • 10–3 0 0 3,4 • 10–9 8,3 • 10–10 2,8 • 10–10 3,6 • 10–11 1,3 • 10–4 1,6 • 10–2 3,7 • 10–6 1,4 • 10–6
2 000 0 4,1 • 10–4 0 0 1,2 • 10–9 3 • 10–10 1 • 10–10 1,3 • 10–11 4,8 • 10–5 5,8 • 10–3 1,3 • 10–6 5 • 10–7

Tableau II : Doses moyennes d’exposition de Pb, Hg, Cr et Cd en fonction du lieu d’exposition

Dose moyenne d’exposition en ppm•j–1


Distance (m)

Inhalation Ingestion Cutanée Totale

Pb Hg Cr Cd Pb Hg Cr Cd Pb Hg Cr Cd Pb Hg Cr Cd
0 6,3•10–5 5,4 • 10–3 5•10–6 6,6 • 10–7 1,31 1,6 • 10–2 5,9 •10–1 5,4 •10–3 2,5•10–2 5 • 10–6 2•10–3 2,6•10–4 1,34 2,2•10–2 5,9• 10–1 5,7• 10–3
20 4 • 10–9 1,3 • 10–3 3,2 • 10–10 4,2 • 10–11 1,05 1,4•10–2 5,8•10–1 1,6 • 10–3 1,8•10–5 1,2 • 10–6 4,7•10–6 2 • 10–8 1,05 1,6 • 10–2 5,8 • 10–1 1,6 • 10–3
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100 3,5•10 –9
1,2 • 10–3
2,8• 10 –10
3,7• 10 –11
1,05 1,4 • 10 –2
5,8 •10 –1
1,6 • 10
–3
1,8 • 10 –5
1,1 • 10 –6
4,7•10 –6
2 • 10–8
1,05 1,6 • 10–2 5,8• 10–1 1,6•10–3
500 2 • 10–9 6,7• 10–4 1,6 • 10–10 2,1 • 10–11 1,05 1,4•10–2 5,8•10–1 1,6 • 10–3 1,8•10–5 1,09•10–6 4,7•10–6 2 • 10–8 1,05 1,5 • 10–2 5,8 • 10–1 1,6 • 10–3
1 000 1 • 10–9 3,6• 10–4 8,8• 10–11 1,1•10–11 1,05 1,4•10–2 5,8•10–1 1,6 • 10–3 1,8•10–5 1,05•10–6 4,7•10–6 2 • 10–8 1,05 1,5 • 10–2 5,8 • 10–1 1,6 • 10–3
2 000 3,9•10–10 1,3•10–4 3,2 • 10–11 4,2 • 10–12 1,05 1,4 • 10–2 5,8•10–1 1,6•10–3 1,8 • 10–5 1,02 •10–6 4,7•10–6 2•10–8 1,05 1,4•10–2 5,8• 10–1 1,6 • 10–3
* : RfD en ppm•j–1 [25] ;**ERUo en ppm•j–1 [26]

Caractérisation du risque giques de référence. Ainsi, par voie orale, les doses absor-
bables de plomb et de mercure (à travers les poussières de
Le tableau III montre les résultats des risques, calculés et sol et la chaîne alimentaire), par des populations ayant
modélisés, liés à l’absorption du plomb et du mercure dans résidé pendant 43 années de façon continue à proximité du
la zone d’Akouédo, en fonction de la distance d’exposition. site de la décharge jusqu’à un rayon de 2 km, sont respec-
Les QD totaux calculés sont très significatifs dans tivement de 220 et 54 fois supérieures au VTR. La modéli-
l’ensemble. Certes, ils décroissent au fur et à mesure que sation par CalTOX semble confirmer ces résultats. Toutefois,
l’on s’éloigne de la décharge, mais l’exposition des par voie respiratoire et dans les mêmes conditions, les
personnes au Pb et Hg reste supérieure, d’un facteur moyen risques de contracter des affections suite au dépassement
respectif de 220 et 54, par rapport aux valeurs toxicolo- des VTR ne sont obtenus que pour le mercure. De même

574 Santé publique volume 31 / N° 4 - juillet-août 2019


DÉCHARGE D’AKOUÉDO Et RiSQUES tOXiCOLOGiQUES

Cr Cd
73,5 9,87

Sols racinaires Eau souterraine de proximité Eau de surface de proximité

mg•kg–1
mg•L-1 (pure) mg•L–1 (pure)
(sols solides)

Pb Hg Cr Cd Pb Hg Cr Cd Pb Hg Cr Cd
6,4 • 103 1,5 5,2 • 102 6,8 • 101 7,8 • 10–1 3,2 • 10–2 1,5 • 10–1 8,8 • 10–4 2,2 • 10–9 6,8 • 10–9 3,5 • 10–7 2,3 • 10–11
4,9 • 10–4 5,8 • 10–2 1,3 • 10–5 5,2 • 10–6 7,8 • 10–1 3,2 • 10–2 1,5 • 10–1 8,8 • 10–4 1 • 10–16 1,6 • 10–12 5,7 • 10–15 1,1 • 10–18
4,3 • 10–4 5 • 10–2 1,1 • 10–5 4,5 • 10–6 7,8 • 10–1 3,2 • 10–2 1,5 • 10–1 8,8 • 10–4 9,1 • 10–17 1,4 • 10–12 5 • 10–15 9,6 • 10–19
2,4 • 10 –4
2,9 • 10 –2
6,6 • 10–6
2,6 • 10 –6
7,8 • 10 –1
3,2 • 10–2
1,5 • 10–1
8,8 • 10–4
5,1 • 10 –17
7,9 • 10 –13
2,8 • 10 –15
5,4 • 10–19
1,3 • 10–4 1,6 • 10–2 3,6 • 10–6 1,4 • 10–6 7,8 • 10–1 3,2 • 10–2 1,5 • 10–1 8,8 • 10–4 2,8 • 10–17 4,3 • 10–13 1,5 • 10–15 2,9 • 10–19
4,8 • 10–5 5,6 • 10–3 1,3 • 10–6 5 • 10–7 7,8 • 10–1 3,2 • 10–2 1,5 • 10–1 8,8 • 10–4 1 • 10–17 1,6 • 10–13 5,6 • 10–16 1,1 • 10–19

VTR
Nourrissons RfD (ppm•j–1)
[24]
Lait maternel Dose infantile

Pb Hg Cr Cd Pb Hg Cr Cd Pb Hg* Cr** Cd**


8,7•10–2 0 0 3,7• 10–4 9,6• 10–3 0 0 4•10–5
6,8•10–2 0 0 1,02 • 10–4 7,5 • 10–3 0 0 1,1•10–5
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6,8•10 –2
0 0 1,02 • 10–4
7,5 • 10–3
0 0 1,1•10–5
5 • 10–3 3 • 10–4 0,42 3,5• 10–3
6,8•10–2 0 0 1,02 • 10–4 7,5 • 10–3 0 0 1,1•10–5
6,8•10–2 0 0 1,02 • 10–4 7,5 • 10–3 0 0 1,1•10–5
6,8•10–2 0 0 1,02 • 10–4 7,5 • 10–3 0 0 1,1•10–5

que les risques attribuables, sur la période 1965-2008, aux Les excès de risque passés, calculés et modélisés, du
nourrissons via le lait maternel et à la dose infantile sont cadmium sont acceptables quelle que soit la voie d’exposi-
seulement significatifs pour le plomb. tion. L’exposition des nourrissons via le lait maternel et à
Quant au cadmium et au chrome, ils ont un effet cancéri- la dose infantile est également acceptable. Toutefois, ceux
gène potentiel. Pour chaque substance, en fonction du du chrome sont largement supérieurs aux seuils sans
niveau d’exposition, on a calculé un excès de risque indivi- risque recommandés ([10–6 – 10–4]). Pour les polluants sans
duel (ERI) qui est la probabilité qu’un individu exposé ou seuil, seul le chrome constitue donc un danger. Il sera, par
ayant été exposé développe un cancer pendant sa vie. Le conséquent, le seul polluant à être considéré dans le calcul
tableau IV montre l’excès de risque attribuable passé pour d’impact sanitaire, dont les résultats sont présentés par le
un individu ayant été exposé pendant 43 ans (1965-2008). tableau V.

Santé publique volume 31 / N° 4 - juillet-août 2019 575


O.A. Adjiri, S. Aka Any-Grah, K.V. Kouame, al.

Tableau III : Risque attribuable passé, lié à l’absorption du plomb et du mercure dans la zone Akouédo en fonction de la distance
d’exposition

Plomb, mercure

Risques calculés Modélisation

QD QD QD QD QD
Distances QD
inhalation ingestion totale lait maternel dose infantile
(m)
Pb Hg Pb Hg Pb Hg Pb Hg Pb Hg Pb Hg

0 1,07 • 10–3 38,4 2,62 • 102 54,0 2,68 • 102 72,0 17,5 0 1,92 0 2,2 • 104 150

20 6,81 • 10 –8
9,57 2,10 • 10 2
48,3 2,10 • 10 2
52,7 13,7 0 1,51 0 1,8 • 10 4
75

100 5,98 • 10–8 8,43 2,10 • 102 48,3 2,10 • 102 52,3 13,7 0 1,51 0 1,9 • 104 68

500 3,39 • 10 –8
4,77 2,10 • 10 2
48,3 2,10 • 10 2
50,3 13,7 0 1,51 0 1,8 • 10 4
74

1 000 1,83 • 10–8 2,59 2,10 • 102 48,3 2,10 • 102 49,3 13,7 0 1,51 0 1,7 • 104 61

2 000 6,66 • 10 –8
9,43 2,10 • 102
48,3 2,10 • 10 2
48,7 13,7 0 1,51 0 1,8 • 10 4
57

Tableau IV : Risque attribuable passé, lié à l’absorption du cadmium et du chrome dans la zone d’Akouédo en fonction de la distance
d’exposition

Chrome, cadmium

Risques calculés Modélisation

ERI ERI ERI ERI ERI


Distances ERI
inhalation ingestion total lait maternel dose infantile
(m)
Cr Cd Cr Cd Cr Cd Cr Cd Cr Cd Cr Cd

0 0,001 • 10 –3
8,09 • 10 –6
1,55 • 10 –1
1,19 • 10
–5
1,56 • 10 –1
1,25 • 10 –5
0 8,16 • 10
–7
0 8,9 • 10 –8
1,2 • 10 –4
5,6 • 10–6

20 6,53 • 10–8 5,17 • 10–10 1,52 • 10–1 3,44 • 10–6 1,52 • 10–1 3,44 • 10–6 0 2,25 • 10–7 0 2,47 • 10–8 1,3 • 10–8 6,4 • 10–10
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100 5,73 • 10–8 4,54 • 10–10 1,52 • 10–1 3,44 • 10–6 1,52 • 10–1 3,44 • 10–6 0 2,25 • 10–7 0 2,47 • 10–8 6,2 • 10–9 5,9 • 10–10

500 3,23 • 10–8 2,57 • 10–10 1,52 • 10–1 3,44 • 10–6 1,52 • 10–1 3,44 • 10–6 0 2,25 • 10–7 0 2,47 • 10–8 6,2 • 10–9 3,3 • 10–10

1 000 1,76 • 10–8 1,40 • 10–10 1,52 • 10–1 3,44 • 10–6 1,52 • 10–1 3,44 • 10–6 0 2,25 • 10–7 0 2,47 • 10–8 3,8 • 10–9 1,7 • 10–10

2 000 6,39 • 10–9 5,06 • 10–11 1,52 • 10–1 3,44 • 10–6 1,52 • 10–1 3,44 • 10–6 0 2,25 • 10–7 0 2,47 • 10–8 1,3 • 10–9 6,4 • 10–11

Pendant 43 ans, pour une population estimée à paramètres. En conséquence, ces défauts de connaissance
2 500 personnes ayant vécu à proximité de la décharge, vont conduire à l’estimation d’un intervalle d’incertitudes
plus de 380 cas de cancer seraient déclarés (partie A du autour de l’ERI, puis de l’IS présenté par le tableau VI.
tableau V). La partie B du tableau V présente l’ensemble des D’après ce tableau, le nombre potentiel de cas de cancer
valeurs possibles de l’IS à l’intérieur d’un intervalle de valeur ne devrait pas excéder 430 pour les 43 années de cohabi-
à 95 %, considérées comme des variables aléatoires de la loi tation. Si de plus, 1 est la borne supérieure à 97,5 % de la
de Poisson, estimées avec le code de calcul Cristal Ball. distribution de l’ERI, alors la probabilité que le nombre
Ces résultats pourraient toujours être surestimés compte potentiel de cas de cancer en excès soit inférieur ou égal à
tenu des défauts de connaissance sur l’un ou l’autre des 430 est supérieure à 95 %.

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DÉCHARGE D’AKOUÉDO Et RiSQUES tOXiCOLOGiQUES

Tableau V : Impact sanitaire (IS) moyen calculé (nombre de cas de cancer probable simulé)

Partie A Partie B

IS Cumulé (43 ans) IS annuel Intervalle de distribution


Distances (m) IS moyen cumulé Cr IS moyen Cr de l’IS

0 390 9,06 [340-440]


20 381 8,86
100 381 8,86
500 381 8,86 [330-430]
1 000 381 8,86
2 000 381 8,86

Tableau VI : Expression des résultats de l’analyse d’incertitudes

Intervalle de confiance à 95 % lié au défaut de connaissance


Valeurs correspondant à la meilleure estimation de l’ERI
sur l’ERI
Espérance Intervalle pour ERI compris entre [10–2-1,53 • 10–1]
(nombre de cas moyen)
383 [25-390]
Intervalle de distribution Intervalle simulé borne inférieure [14-340]
[340-430] Intervalle simulé borne supérieure [37-430]

million d’habitants, alors que nos résultats indiquent un cas


Discussion de cancer sur dix. Rappelons que la décharge d’Akouédo a
été définitivement fermée le 5 janvier 2019. Depuis 2008,
date de réalisation des présents travaux, jusqu’à cette date
La modélisation par CalTOX indique que les populations et même après, ce nombre de cas de cancer a pu évoluer et
vivant aux alentours de la décharge absorberaient des doses évoluera. Selon le PNDS (Plan National de Développement
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journalières élevées de polluants concernés par la présente Sanitaire) [27] « en côte d’Ivoire, le nombre de cas de cancers
étude. La dose journalière d’exposition au plomb est 220 fois reste préoccupant. En effet, l’incidence estimée en 2012 était
la valeur du VTR, celle du mercure est de 54 fois. Une telle de 12 002 nouveaux cas. Elle est passée à 13 209 nouveaux cas
concentration de polluants à seuil est source de graves effets en 2016 soit une augmentation de 10 %. par ailleurs, cette
sanitaires et environnementaux. Les indices de risques au incidence pourrait croître jusqu’à 17 199 cas en 2030 si de
chrome calculés donnent un impact sanitaire annuel de neuf véritables politiques de lutte ne sont pas mises en place. On
cas de cancer, en moyenne, qui pourraient être déclarés. Une estime que 44 % des cancers surviennent chez les hommes
extrapolation de cette moyenne, et si l’on considère un contre 56 % des cancers chez les femmes. Le nombre de décès,
apport continu de polluants à la dose indiquée, correspon- estimé en 2012, était de 9 299 dont 4 742 pour les hommes et
drait à une moyenne de 383 cas de cancer depuis 1965, date 4 557 pour les femmes. Il pourrait atteindre 10 000 décès par
d’ouverture de la décharge, sur une population résidente an d’ici 2020 ». Quant aux autres métaux lourds (Hg, Pb, Cd),
permanente de 2 500 personnes. Cette extrapolation est ils sont à mettre en rapport, à différents degrés, avec toute
valable dans un rayon de 2 km. Une exposition similaire, une série d’états pathologiques comme les lésions rénales et
mais attribuée aux dioxines, a été remarquée par Eléna et osseuses, les problèmes de développement et les troubles
Denis [21] aux alentours des centres d’incinérateurs en neurocomportementaux, une tension artérielle élevée, voire
France, avec le même logiciel. Toutefois, les valeurs obtenues potentiellement, des cancers du poumon [28].
en France sont plus faibles que celles de la zone d’Akouédo. Marcel et al. [22], dans l’évaluation des risques sanitaires
Eléna et Denis [21] rapportent six cas de cancer pour un autour d’une usine de fabrication d’engrais phosphatés en

Santé publique volume 31 / N° 4 - juillet-août 2019 577


O.A. Adjiri, S. Aka Any-Grah, K.V. Kouame, al.

France, mais avec des logiciels et des méthodes différents, pour une population résidente permanente à proximité de
ont trouvé des valeurs plus faibles que celles de la zone la décharge évaluée à 2 500 habitants. Cet impact est égale-
d’Akouédo, aussi bien pour les polluants à seuil que sans ment valable pour les populations ayant vécu dans un rayon
seuil de dose. Ces écarts se justifieraient par le fait que les de 2 km.
installations européennes sont soumises aux normes Ces estimations sont fondées sur l’état des connaissances
conventionnelles, ce qui n’est pas le cas de la décharge scientifiques du moment, qui fixent des valeurs de réfé-
d’Akouédo qui est une décharge sauvage. rence à partir des faits toxicologiques ou épidémiologiques
En revanche, les études de risques sanitaires réalisées sur établis ou fortement suspectés. Aux erreurs d’incertitudes
la période 1970-1980 par l’InVS [29], autour de six inciné- près, elles permettent d’éclairer le débat public sur la
rateurs en France, rapportent une augmentation de la réalité et l’ampleur des risques toxicologiques associés à
fréquence de certains cancers pendant la période 1990- la pollution de la décharge d’Akouédo. Cette dernière étant
1999 de 6,9 à 13 %. Ces résultats confortent ceux obtenus fermée maintenant, la prévention reste le meilleur moyen
à Akouédo, qui rapportent 383 cas de cancers sur 43 années pour gérer les problèmes de pollution des sols du nouveau
d’exploitation continue, pour une population résidente site. Il ne faut donc pas répéter les erreurs du passé. Des
permanente de 2 500, soit une fréquence d’apparition de dispositions réglementaires, telles que la protection des
0,36 %. Ce taux est largement inférieur à ceux de l’InVS. cuvettes de rétention, l’imperméabilisation des aires de
Cependant, il est en rapport avec l’évolution de l’incidence stockage, le tri des déchets à la base, etc., permettront,
indiquée par le PNDS. lorsqu’elles sont bien respectées, de prévenir la contami-
En somme, la zone d’Akouédo est une zone favorable au nation des populations par les polluants dangereux. Pour
développement des affections à toxicité chronique liées à les riverains de la décharge d’Akouédo, il faut urgemment
l’exposition au Pb et Hg. Elle reste également favorable à réhabiliter le site de la décharge et construire dans la zone
l’incidence aux cancers suite à l’exposition au Cr. À ces diffé- un centre hospitalier spécifique au traitement des patholo-
rentes affections, faudrait-il encore ajouter des effets sani- gies découlant de l’intoxication aux polluants indiqués.
taires collatéraux liés à la hausse de température locale du
fait de la forte émission de biogaz [30]. En effet, les facteurs aucun conflit d’intérêts déclaré
environnementaux constituent un déterminant essentiel de
l’état de santé des populations. Le manque d’hygiène, l’insa- Remerciements
lubrité, la mauvaise gestion des déchets ménagers, indus- Nous adressons nos sincères remerciements au Laboratoire du
triels et hospitaliers, les agressions d’origine chimique, Bâtiment et des Travaux publiques (LBTp) de côte d’Ivoire
physique ou biologique, la contamination chimique des pour son appui technique dans l’échantillonnage des sols, la
sols, le réchauffement climatique constituent autant de société pour le Développement Minier de la côte d’Ivoire
risques sanitaires encourus par les populations [27].
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(sODEMI) et le Laboratoire National d’appui au Développement
agricole (LaNaDa) pour l’analyse chimique des échantillons.

Conclusion
Références
L’environnement d’Akouédo est fortement pollué. La
distribution des polluants dans les différents comparti- 1. Adjiri OA, Soro G, Kouamé KV, Biémi J. Mobilité relative du mercure
issu de la décharge d’Akouédo et risque de contamination de la
ments de l’environnement, selon CalTOX, est fonction des
nappe du Continental Terminal, Abidjan, Côte d’Ivoire. Afrique
caractéristiques propres à chaque polluant. Ainsi, le plomb, science. 2015;11(5):108-21.
le cadmium et le chrome sont fortement concentrés sur le 2. Adjiri OA. Évaluations environnementale et du risque sanitaire liés
sol de la décharge, alors que le mercure l’est dans l’air. En à la présence d’une décharge sauvage en secteurs résidentiels dans
conséquence, les doses de plomb, de mercure et de chrome un pays en voie de développement : cas de la décharge d’Akouédo
absorbées par les populations vivant aux alentours de la (Abidjan, Côte d’Ivoire) [Thèse de doctorat]. Côte d’Ivoire : Université
de Cocody (actuelle Université Félix Houphouët Boigny) ; 2010.
décharge, selon la modélisation avec CalTOX, sont impor-
230 p.
tantes. Ces valeurs sont supérieures aux VTR. Le chrome 3. Sané Y. Une ville face à ses déchets : une problématique
est cancérigène. L’impact sanitaire calculé donne en géographique de la pollution à Abidjan (Côte d’Ivoire) [Thèse de
moyenne neuf cas de cancer qui seraient déclarés par an, doctorat]. Canada : Université Laval ; 1999. 290 p.

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