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û Résumé û Abstract
Introduction : L’objectif de cette étude était d’évaluer les risques introduction: The objective of this study is to evaluate the health
sanitaires liés à l’exposition aux métaux (Pb, Cd, Hg et Cr) chez risks associated with metal exposure (pb, cd, Hg and cr) in the
les populations vivant aux alentours de la décharge d’Akouédo. populations living around the akouédo landfill.
Méthode : Cette évaluation a nécessité l’exploitation des données Method: This evaluation required the use of the most recent refer-
toxicologiques de référence les plus récentes relatives à l’expo- ence toxicological data relating to human exposure to these pollut-
sition humaine à ces polluants et les résultats de mesures faites ants and the results of measurements in the environment. crossing
dans l’environnement. Le croisement de ces deux sources de these two data sources using the calTOX simulation allowed for
données par simulation CalTOX a permis de calculer des doses the calculation of daily exposure, through the consumption of soil
journalières d’exposition, via la consommation de poussières de dust, contaminated water and foodstuffs.
sol, d’eaux contaminées et de denrées alimentaires. Results and discussion: Exposure levels to lead (1.05-1.34 ppm)
Résultats et discussion : Les doses d’exposition au plomb (1,05- and mercury (1.46 ∙ 10–2-2.16 ∙ 10–2 ppm) appear highest. The
1,34 ppm) et au mercure (1,46 ∙ 10–2-2,16 ∙ 10–2 ppm) appa- danger quotients are also high and are on average 220 and
raissent les plus élevées. Les quotients de danger sont également 54 Toxicological reference Values (TrVs). In addition, lead expo-
élevés et sont respectivement, en moyenne, 220 et 54 fois les sure for infants presents a danger quotient 15 times TrVs. The
Valeurs Toxicologiques de Référence (VTR). En outre, l’exposi- calculation of the health impact due to chromium gives 9 cases of
tion au plomb pour les nourrissons présente un quotient de cancer that would be reported per year. The comparison of the
danger 15 fois supérieur aux VTR. Le calcul de l’impact sanitaire theoretical values with those estimated by calculation gives over-
dû au chrome donne 9 cas de cancers qui seraient déclarés par valued theoretical danger ratios for the four pollutants (cd, pb, Hg,
an. La comparaison des valeurs théoriques avec celles estimées cr). an overvaluation that would be related to uncertainties in
par calcul donne des ratios de danger théoriques surévalués measurements and calculations. However, it is clear that people
pour les quatre polluants (Cd, Pb, Hg, Cr). Cette surévaluation living around the landfill are exposed to the poisoning of the
pourrait être liée aux incertitudes dans les mesures et dans les pollutants indicated. This zone is therefore a major public health
calculs. Nos résultats montrent que les populations vivant aux problem.
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Mots-clés : Décharge sauvage ; Métal lourd ; Impact sanitaire ; Keywords: Landfill; Heavy metal; Health Impact; cancer.
Cancer.
1
Laboratoire des Sciences et Technologies de l’Environnement, UFR Environnement – Université Jean Lorougnon GUEDE – Daloa – Côte d’Ivoire.
2
Laboratoire de pharmacie galénique, UFR Sciences pharmaceutiques et biologiques – Université Félix Houphouët Boigny – Abidjan – Côte d’Ivoire.
3
Laboratoire de Biochimie et microbiologie, UFR Agroforesterie – Université Jean Lorougnon GUEDE – Daloa – Côte d’Ivoire.
4
Laboratoire des Sciences et Techniques de l’Eau et de l’Environnement, UFR STRM – Université Félix Houphouët Boigny – Abidjan – Côte d’Ivoire.
Correspondance : O. A. Adjiri Réception : 15/11/2018 – Acceptation : 17/04/2019
oiadjiri@gmail.com
introduction Méthode
Pour faire face au défi d’élimination sécuritaire de ses Description de la zone d’étude
déchets dans la capitale économique, Abidjan s’est dotée,
depuis 1965, d’une décharge contrôlée à ciel ouvert : la Localisation
décharge d’Akouédo. Dans son fonctionnement actuel, elle
est classée au rang des décharges sauvages [10] et repré- La zone d’étude est la décharge d’Akouédo qui est l’unique
sente une source de nuisances renouvelées en même temps décharge du district d’Abidjan. Elle est située au nord-est
qu’un problème de santé publique majeur pour le District du district, dans la commune de Cocody, entre 396 000 et
d’Abidjan. Cette décharge reçoit tous les types de déchets 397 000 m en abscisses et entre 588 000 et 594 000 m en
parmi lesquels des déchets toxiques-dangereux (des déchets ordonnées dans le référentiel UTM 30N. Cette décharge,
industriels, biomédicaux, des abattoirs…) et des déchets mise en place depuis 1965, s’étend sur une superficie de
ménagers [1]. L’approvisionnement quotidien est d’environ 100 ha 1 a 95 ca. Elle se trouve à mi-parcours de l’axe
2 500 tonnes [2]. Des rapports d’études de la Banque Abidjan-Bingerville, à 18 km du centre-ville et en plein
mondiale, obtenus auprès de la Direction de l’Environne- centre du quartier résidentiel haut standing Riviera de la
ment du District d’Abidjan, indiquent qu’en 1985, cette commune de Cocody. Elle occupe un talweg dont le drai-
décharge avait une capacité restante supplémentaire de nage naturel se fait vers la lagune Ebrié, au sud, à moins de
9,2 millions de mètres cubes et au rythme estimé de déchets 2,1 km [6] via la baie de M’Badon située à moins de 1 km.
collectés, elle devrait être pleine dans les années 1995- Au nord, elle est limitée par les quartiers résidentiels haut
1996 [2]. Initialement située à 12 km de la ville d’Abidjan, standing Génie 2000 et les Lauriers, à l’ouest par le village
elle jouxte aujourd’hui deux villages et certains quartiers d’Akouédo et à l’est par le village d’Akouédo Attié et la
huppés du District d’Abidjan. Les habitants de ces quartiers commune de Bingerville (figure 1).
et villages sont exposés en permanence aux odeurs ainsi
qu’aux nuisibles (insectes, rongeurs et autres vecteurs de Géographie
maladies) provenant de cette décharge [3, 4]. Des études
antérieures, réalisées par de nombreux auteurs ([1, 2, Le climat de la zone d’étude se caractérise par une grande
5-7], …), ont montré que l’environnement de cette décharge saison sèche, de décembre à mars, une grande saison des
est totalement pollué par divers polluants organiques et non pluies, d’avril à juillet, une petite saison sèche, d’août
organiques, sans toutefois évaluer les risques y afférents. à septembre et une petite saison des pluies, d’octobre à
Alors que les maladies liées à cette pollution (paludismes,
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Populations et activités
Sur le plan géologique, la lithologie de la zone d’Akouédo Identification des polluants « traceurs »
est constituée, de haut en bas, de sables argileux, de sables et de leur potentiel dangereux
moyens et de sables grossiers reposant sur un socle grani-
tique et schisteux [5]. Sur le plan hydrogéologique, le L’identification des dangers consiste à répertorier, parmi
niveau piézométrique de la nappe est à moins de 40 m de les polluants indiqués par les analyses chimiques de labo-
profondeur du lieu de confinement des déchets [2]. En ratoire, les informations sur les dangers (effet sanitaire
amont du site, on y trouve un champ captant utilisé pour indésirable ou toxicologique) afférents à chacun d’entre
l’alimentation en eau potable d’une partie de la commune eux. Une éventuelle sélection s’appuiera sur un certain
de Cocody. nombre de critères tels que la quantité de substances
rejetées, ses effets toxiques et la nature des données toxi- sources suivantes : IRIS, ATSDR et Health Canada. Elle a
cologiques (animales ou humaines). Les polluants sélec- inclus depuis peu les valeurs de l’OMS, de l’OEHHA et du
tionnés seront qualifiés de « traceurs » [15]. On entend par RIVM. Elle comporte également tout un lexique de termes
polluant « traceur du risque » toute substance pour laquelle et valeurs de référence utilisés dans les diverses bases de
une Évaluation Quantitative du Risque Sanitaire (EQRS) est données toxicologiques.
effectuée. Le risque ainsi caractérisé est représentatif et
attribuable à la décharge pour la présente étude. Les para- Estimation de l’exposition des populations
mètres de choix retenus sont [15 modifiés] :
• la connaissance absolue du polluant ; L’estimation de l’exposition des populations conduit à
• l’importance des émissions ou des dépôts en valeur déterminer la dose de polluant qui arrive au contact ou qui
absolue et en part relative par rapport aux risques (ce qui pénètre dans l’organisme. Selon la nature du polluant et des
permet de choisir des traceurs plus spécifiques). Ici, les effets qu’il engendre, cette estimation s’effectue séparé-
émissions ou les dépôts seront fixés suivant les normes ment pour chaque voie d’exposition ou bien de manière
internationales ; combinée. Les voies d’exposition retenues sont : l’inhala-
• la présence constatée de la substance dans l’environne- tion gazeuse ou particulaire de polluants ou l’ingestion de
ment du site ; poussières de sols, d’eaux ou d’aliments contaminés. Les
• la spécificité de la substance par rapport au site (dans la paramètres clés de cette détermination sont la fréquence,
littérature) ; la durée et l’intensité des contacts entre la population et la
• les connaissances disponibles sur leur nocivité qui se substance. À défaut de mesures faites directement sur les
traduisent par les « Valeurs Toxicologiques de Référence personnes, les doses auxquelles sont exposées les popula-
(VTR) et leur comportement dans l’environnement ». tions ont été calculées par modélisation (CalTOX) à partir
Afin de couvrir une gamme diversifiée de « traceurs » du de mesures de concentrations de polluants, réalisées sur
risque, selon SFSP [15], sont considérés comme polluants un échantillon moyen de sols prélevés dans les horizons
traceurs du risque des polluants organiques et inorga- superficiels sur toute la surface de l’ancien site déjà exploité
niques, cancérigènes ou non, présents en phase particulaire de la décharge. Les échantillons à proportion égale ont été
et/ou gazeuse, et dont les paramètres du danger s’expri- prélevés au centre d’une maille carrée de côté estimé à 1 m.
ment soit avec des Excès de Risques Unitaires, soit avec des L’outil de prélèvement était une pelle, et des dispositions
valeurs seuils. Ainsi, selon Rollin et Quiot [16], une liste de particulières ont été prises pour éviter de prélever les
neuf éléments traces à risques pour la santé humaine parties en contact avec le matériel de prélèvement. Ces
(teneurs moyennes dans les sols inférieures à 1 g/kg) a été échantillons ont été par la suite homogénéisés, et l’échan-
proposée dans le rapport 42 de l’Académie des Sciences [17]. tillon moyen retenu a été conditionné dans une bouteille
Ces éléments sont le cadmium (Cd), le plomb (Pb), le borosilicaté de couleur sombre de 250 mL. Les teneurs en
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observées sur le terrain. Il s’agit, au sens large, des Variables Le second est l’hypothèse selon laquelle la concentration
Humaines d’Exposition (VHE) tirées de l’Exposure Factor des polluants dans l’air à l’intérieur des locaux est égale à
Handbook de l’EPA [18]. Il apparaît comme un des modèles celle modélisée par le code de diffusion CalTOX qui concerne
multimédias les plus intéressants, à l’heure actuelle, pour les émissions extérieures. Par ailleurs, les émissions de
estimer les expositions à une échelle locale. Il simule le chrome sont considérées comme étant constituées de Cr6+
transfert des polluants du sol à l’homme, en considérant en totalité. Cela surestime évidemment l’appréciation du
que l’apport de polluants va progressivement contaminer risque. Ces hypothèses sont toutefois conventionnelles et
le sol, les eaux, les végétaux et les animaux. Il permet, ainsi, raisonnables. Elles ont été utilisées dans d’autres études
d’avoir différentes concentrations du polluant dans les similaires [21, 22].
différents compartiments de l’environnement et les doses
d’exposition y afférentes. La quantité totale de polluant Caractérisation du risque
absorbée est rapportée au poids du récepteur et moyennée
sur la durée d’exposition. Dans ce cas, il s’agit de dose admi- Il s’agit d’estimer l’incidence des effets sanitaires dans la
nistrée (D), ou de Dose Journalière d’Exposition (DJE), qui population en fonction des conditions d’expositions. Les
s’exprime en mg ou μg de polluant par kilogramme de poids risques sanitaires sont caractérisés par un Quotient de
corporel et par jour (mg/kg/j ou μg/kg/j). Pour la voie Danger (QD) pour les effets toxiques aigus et chroniques
respiratoire, c’est la concentration moyenne inhalée qui est sans seuil, et un Excès de Risque Individuel (ERI) pour les
estimée. Elle s’exprime en mg ou μg de polluant par mètre effets cancérigènes. Le quotient de danger se calcule avec
cube (mg/m3 ou µg/m3) et peut être traduite en dose la formule mathématique suivante :
d’exposition équivalente. Ainsi, les différentes doses
QD = D/VTR
d’exposition, en fonction de chaque type de voie, ont été
déterminées par CalTOX. Pour mieux apprécier le caractère Où : QD est le quotient de danger ; D, la dose ou concentra-
zonal de l’exposition, la simulation a été faite en fonction tion d’exposition ; VTR, la valeur toxicologique de réfé-
de la distance d’exposition par rapport à la décharge. Ainsi, rence. VTR peut être une dose de référence (RfD), ou une
la marge 0-20 m correspond à la zone d’exposition des concentration de référence (RfC), ou une dose journalière
utilisateurs de la décharge (travailleurs, cultivateurs ou admissible.
récupérateurs d’objets revendables) ; la marge 20-1 000 m Les polluants concernés par le calcul du QD dans la
correspond à l’exposition des villages riverains, mais avec présente étude sont le plomb et le mercure. Pour ces
des degrés d’exposition différenciés selon la zone d’habita- polluants, les effets toxiques ne se produisent qu’à partir
tion. Les habitations les plus proches de la décharge ont été d’un seuil d’exposition. Pour évaluer le risque, il faut donc
associées à la sous marge 20-100 m, les moins proches à la comparer, pour chaque traceur, les niveaux d’expositions
sous marge 100-500 m et celles qui sont éloignées à la sous auxquels sont soumises les populations avec les seuils de
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D’autre part, le calcul de l’ERI est à la base du calcul de population. Pourtant, en fonction de la situation étudiée,
l’impact sanitaire. Il concerne un individu type. Dans la cette simplification correspond rarement à la réalité. Il
pratique, il est obtenu en multipliant la Dose Journalière existe des variations importantes de l’exposition à l’inté-
d’Exposition (DJE ou Dj) par l’excès de risque unitaire par rieur de la zone d’étude. Il a paru donc nécessaire de déter-
voie orale (ERUo), ou la concentration inhalée (CI) par miner des zones dans lesquelles l’exposition peut être
l’excès de risque unitaire par inhalation (ERUi). considérée comme plus homogène. Pour la définition de ces
zones, nous avons considéré les distances définies précé-
Absorption demment, entre autres :
• 0 à 20 m, considérée comme la zone des utilisateurs de
ERI = DJE × ERUO la décharge,
• 20 à 1 000 m, considérée comme la zone des riverains
Inhalation (les villages d’Akouédo et d’Akouédo Attié),
• 1 000 à 2 000 m, considérée comme la zone des quartiers
ERI = CI × ERUi et commune environnants (la commune de Bingerville et
Les DJE ont été estimées par la modélisation avec le logi- certains quartiers de la commune de Cocody).
ciel de calcul CalTOX. Dans cette approche, nous n’avons pas tenu compte des
Pour la présente étude, le cadmium et le chrome ont un évolutions « naturelles » de la population (emménage-
effet cancérigène potentiel. Pour chaque substance, en fonc- ments, déménagements, naissances, décès, changements
tion du niveau d’exposition, nous avons calculé un excès de professionnels) durant l’exposition.
risque individuel (ERI) pendant 43 ans, qui est la probabi- L’effectif de population dans une zone donnée a été estimé
lité qu’un individu développe un cancer durant sa vie, de par interpolation ou considération faite sur les données des
1965 à 2008, du fait de l’exposition considérée. On consi- recensements, pour ce qui est des études rétrospectives.
dère généralement qu’un excès de risque individuel est Pour les expositions actuelles, la taille de la population a été
acceptable s’il est en dessous des valeurs repères de risque exprimée à partir du nombre de personnes-années-
de 10–6 à 10–4, suivant les substances. Ce qui représente exposées. Une personne-année-exposée correspond à une
l’apparition d’un cas sur une population d’un million ou de personne exposée pendant un an. Ainsi, dix personnes-
10 000 personnes respectivement. années-exposées correspondent théoriquement à dix
À partir de l’ERI, on pourra calculer l’Impact Sanitaire personnes exposées pendant un an. La taille N de la popula-
(IS). Il se calcule à partir et de la taille n de la population tion sera définie comme le ratio du nombre de personnes-
considérée par la formule suivante : années-exposées sur la durée totale d’exposition Te :
IS = ERI × n N = (nombre personnes−années−exposées)/Te
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chacun des paramètres de l’équation du modèle CalTOX. Le résultat de l’analyse d’incertitude est exprimé comme
Ainsi, pour minimiser les incertitudes, nous avons utilisé le un intervalle d’incertitude sur l’IS. Pour chacune des
code de calcul Monte-Carlo, Cristal Ball, précisément la bornes de cet intervalle, le nombre moyen de cas, ainsi
version 11.1.1.1.00 qui est un code complémentaire au que le percentile 2,5 et le percentile 97,5 du nombre de
modèle CalTOX. L’intégration de l’ensemble des paramètres cas potentiel de cancer ont été calculés en utilisant les
d’entrée de CalTOX, décrit par une valeur moyenne et un caractéristiques connues de la distribution d’une loi de
coefficient de variation, permet à Cristal Ball d’effectuer Poisson par la méthode de Monte-Carlo, utilisant le code
une estimation probabiliste améliorée du niveau de risque de calcul Cristal Ball. Elles correspondent aux bornes d’un
et de réaliser des analyses de sensibilités. L’analyse de intervalle de confiance de 95 %. L’ERI moyen retenu est
sensibilité consiste à identifier le ou les paramètres pris en 1,53 ∙ 10–1 (moyenne des ERI des différentes zones). Par
compte dans la démarche, qui interviennent le plus sur le rapport à cette moyenne, l’intervalle de distribution
résultat. Cependant, l’analyse d’incertitude consiste à correspondante est [10–2 – 1]. Mais, étant donné que la
propager les incertitudes des paramètres pris en compte frange de la population la plus touchée est celle se trou-
dans la démarche sur le résultat final. Les incertitudes sur vant dans la zone 0-20 m, l’ERI correspondant à cette zone
l’ERI se répercutent automatiquement sur l’IS. (1,56 ∙ 10–1) a été considéré comme la borne supérieure
Toutefois, compte tenu de la nature probabiliste de l’ERI, de l’intervalle de distribution. La taille de la population est
le nombre de cas de cancer en excès, se développant dans de 2 500.
une population au sein de laquelle chaque individu encourt
un même excès de risque pour cette pathologie cancéreuse,
doit être considéré comme la réalisation d’une variable
aléatoire de loi binomiale ou de Poisson. Le nombre de cas Résultats
de cancers ne prend donc pas une seule valeur de manière
certaine, mais un ensemble de valeurs possibles, associées
chacune à une probabilité d’occurrence différente. Estimation de l’exposition des populations
Ainsi, le résultat du produit de l’ERI par la taille de la
population est l’espérance mathématique (la moyenne) du Les différents résultats (analyses de laboratoire et simu-
nombre de cas de cancer en excès, que l’on appellera lation par CalTOX) sont présentés dans le tableau I. Les
« nombre moyen de cas ». Notons que ce résultat peut éven- doses moyennes d’exposition fournies par CalTOX sont
tuellement être inférieur à 1. Il est donc aisé, en utilisant également présentées dans le tableau II.
les caractéristiques connues de la distribution binomiale Selon CalTOX, aussi bien les doses d’exposition que les
ou de la loi de Poisson, de calculer un intervalle de valeurs concentrations moyennes d’ETM dans l’environnement
autour du nombre moyen de cas de cancer en excès (IS). sont fonction des distances auxquelles les riverains de la
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Tableau I : Concentrations moyennes de Pb, Hg, Cr et Cd dans les sols, mesurées au laboratoire et simulées dans l’environnement média selon CalTOX
Pb Hg
933,37 4,82
Concentration simulées par CalTOX dans l’environnement média
mg•kg–1
mg•m–3 (air) mg•m–3 (air)
(sols solides)
Pb Hg Cr Cd Pb Hg Cr Cd Pb Hg Cr Cd
CONCENTRATIONS DANS
0 0 1,7 • 10–2 0 0 5 • 10–8 1,2 • 10–8 4 • 10–9 5,3 • 10–10 1 • 104 1,3 8,3 • 102 1 • 102
L’ENVIRONNEMENT
20 0 4,2 • 10–3 0 0 1,2 • 10–8 3 • 10–9 1 • 10–9 1,3 • 10–10 4,9 • 10–4 5,9 • 10–2 1,4 • 10–5 5,2 • 10–6
100 0 3,7 • 10–3 0 0 1,1 • 10–8 2,7 • 10–9 9 • 10–10 1,2 • 10–10 4,3 • 10–4 5,2 • 10–2 1,2 • 10–5 4,5 • 10–6
500 0 2,1 • 10 –3
0 0 6,3 • 10 –9
1,5 • 10 –9
5 • 10 –10
6,6 • 10–11 2,4 • 10–4 2,9 • 10–2 6,8 • 10–6 2,6 • 10–6
1 000 0 1,1 • 10–3 0 0 3,4 • 10–9 8,3 • 10–10 2,8 • 10–10 3,6 • 10–11 1,3 • 10–4 1,6 • 10–2 3,7 • 10–6 1,4 • 10–6
2 000 0 4,1 • 10–4 0 0 1,2 • 10–9 3 • 10–10 1 • 10–10 1,3 • 10–11 4,8 • 10–5 5,8 • 10–3 1,3 • 10–6 5 • 10–7
Pb Hg Cr Cd Pb Hg Cr Cd Pb Hg Cr Cd Pb Hg Cr Cd
0 6,3•10–5 5,4 • 10–3 5•10–6 6,6 • 10–7 1,31 1,6 • 10–2 5,9 •10–1 5,4 •10–3 2,5•10–2 5 • 10–6 2•10–3 2,6•10–4 1,34 2,2•10–2 5,9• 10–1 5,7• 10–3
20 4 • 10–9 1,3 • 10–3 3,2 • 10–10 4,2 • 10–11 1,05 1,4•10–2 5,8•10–1 1,6 • 10–3 1,8•10–5 1,2 • 10–6 4,7•10–6 2 • 10–8 1,05 1,6 • 10–2 5,8 • 10–1 1,6 • 10–3
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Caractérisation du risque giques de référence. Ainsi, par voie orale, les doses absor-
bables de plomb et de mercure (à travers les poussières de
Le tableau III montre les résultats des risques, calculés et sol et la chaîne alimentaire), par des populations ayant
modélisés, liés à l’absorption du plomb et du mercure dans résidé pendant 43 années de façon continue à proximité du
la zone d’Akouédo, en fonction de la distance d’exposition. site de la décharge jusqu’à un rayon de 2 km, sont respec-
Les QD totaux calculés sont très significatifs dans tivement de 220 et 54 fois supérieures au VTR. La modéli-
l’ensemble. Certes, ils décroissent au fur et à mesure que sation par CalTOX semble confirmer ces résultats. Toutefois,
l’on s’éloigne de la décharge, mais l’exposition des par voie respiratoire et dans les mêmes conditions, les
personnes au Pb et Hg reste supérieure, d’un facteur moyen risques de contracter des affections suite au dépassement
respectif de 220 et 54, par rapport aux valeurs toxicolo- des VTR ne sont obtenus que pour le mercure. De même
Cr Cd
73,5 9,87
mg•kg–1
mg•L-1 (pure) mg•L–1 (pure)
(sols solides)
Pb Hg Cr Cd Pb Hg Cr Cd Pb Hg Cr Cd
6,4 • 103 1,5 5,2 • 102 6,8 • 101 7,8 • 10–1 3,2 • 10–2 1,5 • 10–1 8,8 • 10–4 2,2 • 10–9 6,8 • 10–9 3,5 • 10–7 2,3 • 10–11
4,9 • 10–4 5,8 • 10–2 1,3 • 10–5 5,2 • 10–6 7,8 • 10–1 3,2 • 10–2 1,5 • 10–1 8,8 • 10–4 1 • 10–16 1,6 • 10–12 5,7 • 10–15 1,1 • 10–18
4,3 • 10–4 5 • 10–2 1,1 • 10–5 4,5 • 10–6 7,8 • 10–1 3,2 • 10–2 1,5 • 10–1 8,8 • 10–4 9,1 • 10–17 1,4 • 10–12 5 • 10–15 9,6 • 10–19
2,4 • 10 –4
2,9 • 10 –2
6,6 • 10–6
2,6 • 10 –6
7,8 • 10 –1
3,2 • 10–2
1,5 • 10–1
8,8 • 10–4
5,1 • 10 –17
7,9 • 10 –13
2,8 • 10 –15
5,4 • 10–19
1,3 • 10–4 1,6 • 10–2 3,6 • 10–6 1,4 • 10–6 7,8 • 10–1 3,2 • 10–2 1,5 • 10–1 8,8 • 10–4 2,8 • 10–17 4,3 • 10–13 1,5 • 10–15 2,9 • 10–19
4,8 • 10–5 5,6 • 10–3 1,3 • 10–6 5 • 10–7 7,8 • 10–1 3,2 • 10–2 1,5 • 10–1 8,8 • 10–4 1 • 10–17 1,6 • 10–13 5,6 • 10–16 1,1 • 10–19
VTR
Nourrissons RfD (ppm•j–1)
[24]
Lait maternel Dose infantile
que les risques attribuables, sur la période 1965-2008, aux Les excès de risque passés, calculés et modélisés, du
nourrissons via le lait maternel et à la dose infantile sont cadmium sont acceptables quelle que soit la voie d’exposi-
seulement significatifs pour le plomb. tion. L’exposition des nourrissons via le lait maternel et à
Quant au cadmium et au chrome, ils ont un effet cancéri- la dose infantile est également acceptable. Toutefois, ceux
gène potentiel. Pour chaque substance, en fonction du du chrome sont largement supérieurs aux seuils sans
niveau d’exposition, on a calculé un excès de risque indivi- risque recommandés ([10–6 – 10–4]). Pour les polluants sans
duel (ERI) qui est la probabilité qu’un individu exposé ou seuil, seul le chrome constitue donc un danger. Il sera, par
ayant été exposé développe un cancer pendant sa vie. Le conséquent, le seul polluant à être considéré dans le calcul
tableau IV montre l’excès de risque attribuable passé pour d’impact sanitaire, dont les résultats sont présentés par le
un individu ayant été exposé pendant 43 ans (1965-2008). tableau V.
Tableau III : Risque attribuable passé, lié à l’absorption du plomb et du mercure dans la zone Akouédo en fonction de la distance
d’exposition
Plomb, mercure
QD QD QD QD QD
Distances QD
inhalation ingestion totale lait maternel dose infantile
(m)
Pb Hg Pb Hg Pb Hg Pb Hg Pb Hg Pb Hg
0 1,07 • 10–3 38,4 2,62 • 102 54,0 2,68 • 102 72,0 17,5 0 1,92 0 2,2 • 104 150
20 6,81 • 10 –8
9,57 2,10 • 10 2
48,3 2,10 • 10 2
52,7 13,7 0 1,51 0 1,8 • 10 4
75
100 5,98 • 10–8 8,43 2,10 • 102 48,3 2,10 • 102 52,3 13,7 0 1,51 0 1,9 • 104 68
500 3,39 • 10 –8
4,77 2,10 • 10 2
48,3 2,10 • 10 2
50,3 13,7 0 1,51 0 1,8 • 10 4
74
1 000 1,83 • 10–8 2,59 2,10 • 102 48,3 2,10 • 102 49,3 13,7 0 1,51 0 1,7 • 104 61
2 000 6,66 • 10 –8
9,43 2,10 • 102
48,3 2,10 • 10 2
48,7 13,7 0 1,51 0 1,8 • 10 4
57
Tableau IV : Risque attribuable passé, lié à l’absorption du cadmium et du chrome dans la zone d’Akouédo en fonction de la distance
d’exposition
Chrome, cadmium
0 0,001 • 10 –3
8,09 • 10 –6
1,55 • 10 –1
1,19 • 10
–5
1,56 • 10 –1
1,25 • 10 –5
0 8,16 • 10
–7
0 8,9 • 10 –8
1,2 • 10 –4
5,6 • 10–6
20 6,53 • 10–8 5,17 • 10–10 1,52 • 10–1 3,44 • 10–6 1,52 • 10–1 3,44 • 10–6 0 2,25 • 10–7 0 2,47 • 10–8 1,3 • 10–8 6,4 • 10–10
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500 3,23 • 10–8 2,57 • 10–10 1,52 • 10–1 3,44 • 10–6 1,52 • 10–1 3,44 • 10–6 0 2,25 • 10–7 0 2,47 • 10–8 6,2 • 10–9 3,3 • 10–10
1 000 1,76 • 10–8 1,40 • 10–10 1,52 • 10–1 3,44 • 10–6 1,52 • 10–1 3,44 • 10–6 0 2,25 • 10–7 0 2,47 • 10–8 3,8 • 10–9 1,7 • 10–10
2 000 6,39 • 10–9 5,06 • 10–11 1,52 • 10–1 3,44 • 10–6 1,52 • 10–1 3,44 • 10–6 0 2,25 • 10–7 0 2,47 • 10–8 1,3 • 10–9 6,4 • 10–11
Pendant 43 ans, pour une population estimée à paramètres. En conséquence, ces défauts de connaissance
2 500 personnes ayant vécu à proximité de la décharge, vont conduire à l’estimation d’un intervalle d’incertitudes
plus de 380 cas de cancer seraient déclarés (partie A du autour de l’ERI, puis de l’IS présenté par le tableau VI.
tableau V). La partie B du tableau V présente l’ensemble des D’après ce tableau, le nombre potentiel de cas de cancer
valeurs possibles de l’IS à l’intérieur d’un intervalle de valeur ne devrait pas excéder 430 pour les 43 années de cohabi-
à 95 %, considérées comme des variables aléatoires de la loi tation. Si de plus, 1 est la borne supérieure à 97,5 % de la
de Poisson, estimées avec le code de calcul Cristal Ball. distribution de l’ERI, alors la probabilité que le nombre
Ces résultats pourraient toujours être surestimés compte potentiel de cas de cancer en excès soit inférieur ou égal à
tenu des défauts de connaissance sur l’un ou l’autre des 430 est supérieure à 95 %.
Tableau V : Impact sanitaire (IS) moyen calculé (nombre de cas de cancer probable simulé)
Partie A Partie B
France, mais avec des logiciels et des méthodes différents, pour une population résidente permanente à proximité de
ont trouvé des valeurs plus faibles que celles de la zone la décharge évaluée à 2 500 habitants. Cet impact est égale-
d’Akouédo, aussi bien pour les polluants à seuil que sans ment valable pour les populations ayant vécu dans un rayon
seuil de dose. Ces écarts se justifieraient par le fait que les de 2 km.
installations européennes sont soumises aux normes Ces estimations sont fondées sur l’état des connaissances
conventionnelles, ce qui n’est pas le cas de la décharge scientifiques du moment, qui fixent des valeurs de réfé-
d’Akouédo qui est une décharge sauvage. rence à partir des faits toxicologiques ou épidémiologiques
En revanche, les études de risques sanitaires réalisées sur établis ou fortement suspectés. Aux erreurs d’incertitudes
la période 1970-1980 par l’InVS [29], autour de six inciné- près, elles permettent d’éclairer le débat public sur la
rateurs en France, rapportent une augmentation de la réalité et l’ampleur des risques toxicologiques associés à
fréquence de certains cancers pendant la période 1990- la pollution de la décharge d’Akouédo. Cette dernière étant
1999 de 6,9 à 13 %. Ces résultats confortent ceux obtenus fermée maintenant, la prévention reste le meilleur moyen
à Akouédo, qui rapportent 383 cas de cancers sur 43 années pour gérer les problèmes de pollution des sols du nouveau
d’exploitation continue, pour une population résidente site. Il ne faut donc pas répéter les erreurs du passé. Des
permanente de 2 500, soit une fréquence d’apparition de dispositions réglementaires, telles que la protection des
0,36 %. Ce taux est largement inférieur à ceux de l’InVS. cuvettes de rétention, l’imperméabilisation des aires de
Cependant, il est en rapport avec l’évolution de l’incidence stockage, le tri des déchets à la base, etc., permettront,
indiquée par le PNDS. lorsqu’elles sont bien respectées, de prévenir la contami-
En somme, la zone d’Akouédo est une zone favorable au nation des populations par les polluants dangereux. Pour
développement des affections à toxicité chronique liées à les riverains de la décharge d’Akouédo, il faut urgemment
l’exposition au Pb et Hg. Elle reste également favorable à réhabiliter le site de la décharge et construire dans la zone
l’incidence aux cancers suite à l’exposition au Cr. À ces diffé- un centre hospitalier spécifique au traitement des patholo-
rentes affections, faudrait-il encore ajouter des effets sani- gies découlant de l’intoxication aux polluants indiqués.
taires collatéraux liés à la hausse de température locale du
fait de la forte émission de biogaz [30]. En effet, les facteurs aucun conflit d’intérêts déclaré
environnementaux constituent un déterminant essentiel de
l’état de santé des populations. Le manque d’hygiène, l’insa- Remerciements
lubrité, la mauvaise gestion des déchets ménagers, indus- Nous adressons nos sincères remerciements au Laboratoire du
triels et hospitaliers, les agressions d’origine chimique, Bâtiment et des Travaux publiques (LBTp) de côte d’Ivoire
physique ou biologique, la contamination chimique des pour son appui technique dans l’échantillonnage des sols, la
sols, le réchauffement climatique constituent autant de société pour le Développement Minier de la côte d’Ivoire
risques sanitaires encourus par les populations [27].
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Conclusion
Références
L’environnement d’Akouédo est fortement pollué. La
distribution des polluants dans les différents comparti- 1. Adjiri OA, Soro G, Kouamé KV, Biémi J. Mobilité relative du mercure
issu de la décharge d’Akouédo et risque de contamination de la
ments de l’environnement, selon CalTOX, est fonction des
nappe du Continental Terminal, Abidjan, Côte d’Ivoire. Afrique
caractéristiques propres à chaque polluant. Ainsi, le plomb, science. 2015;11(5):108-21.
le cadmium et le chrome sont fortement concentrés sur le 2. Adjiri OA. Évaluations environnementale et du risque sanitaire liés
sol de la décharge, alors que le mercure l’est dans l’air. En à la présence d’une décharge sauvage en secteurs résidentiels dans
conséquence, les doses de plomb, de mercure et de chrome un pays en voie de développement : cas de la décharge d’Akouédo
absorbées par les populations vivant aux alentours de la (Abidjan, Côte d’Ivoire) [Thèse de doctorat]. Côte d’Ivoire : Université
de Cocody (actuelle Université Félix Houphouët Boigny) ; 2010.
décharge, selon la modélisation avec CalTOX, sont impor-
230 p.
tantes. Ces valeurs sont supérieures aux VTR. Le chrome 3. Sané Y. Une ville face à ses déchets : une problématique
est cancérigène. L’impact sanitaire calculé donne en géographique de la pollution à Abidjan (Côte d’Ivoire) [Thèse de
moyenne neuf cas de cancer qui seraient déclarés par an, doctorat]. Canada : Université Laval ; 1999. 290 p.
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