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OBSERVANCE DU TRAITEMENT VACCINAL ANTIRABIQUE CHEZ

LES SUJETS EXPOSÉS À LA RAGE À ABIDJAN (CÔTE D'IVOIRE)


Issaka Tiembré, Diloma Marie Brigitte Aka-Kone, Yao Eugène Konan, Joseph Bénié
Bi Vroh, Kouadio Daniel Ekra, N’cho Simplice Dagnan, Joseph Aka, Janine Tagliante-
Saracino, Paul Odehouri-Koudou

S.F.S.P. | « Santé Publique »

2009/6 Vol. 21 | pages 595 à 603


ISSN 0995-3914
Article disponible en ligne à l'adresse :
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Pour citer cet article :


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Issaka Tiembré et al., « Observance du traitement vaccinal antirabique chez les
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sujets exposés à la rage à Abidjan (Côte d'Ivoire) », Santé Publique 2009/6 (Vol. 21),
p. 595-603.
DOI 10.3917/spub.096.0595
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Observance du traitement vaccinal
antirabique chez les sujets exposés
à la rage à Abidjan (Côte d’Ivoire)
Adherence to rabies vaccine treatment for people exposed to
rabies in Abidjan (Côte d’Ivoire)
Issaka Tiembré (1), (2), Diloma Marie Brigitte Aka-Kone (3), Yao Eugène Konan (1), (3),
Joseph Bénié Bi Vroh (1), Daniel Ekra Kouadio (1), (2), Simplice Dagnan N’cho (1), (2),
Joseph Aka (1), (3), Janine Tagliante-Saracino (1), Paul Odehouri-Koudou (2)

ÉTUDES
Résumé : Cette étude rétrospective à visée descriptive s’est déroulée d’août 2003 à
décembre 2003 au Centre Antirabique de l’Institut National d’Hygiène Publique d’Abidjan.
Elle concerne les sujets exposés au risque de transmission de la rage au cours de l’année
2002. Les consultants recensés au nombre de 533 en majorité de sexe masculin (54,6 %),
sans activité rémunératrice (57 %) avaient un âge moyen de 26,7 ans. Ceux qui résidaient
hors de la ville d’Abidjan représentaient 21,6 %. Dans 88,2 % des cas, ils ont été exposés
par morsure. Le chien (90,8 %) représentait la principale espèce animale à l’origine de
l’exposition. Seuls 3,2 % des animaux incriminés avaient un vaccin antirabique valide. Dans
71 % des cas le propriétaire n’était pas connu. Le schéma vaccinal à 4 doses représentait
53,1 %. Parmi les 533 consultants recensés dans l’étude, 46,9 % avaient abandonné le

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traitement vaccinal. Des facteurs ont été identifiés comme influant négativement
l’observance du traitement. Il s’agit du schéma à 5 doses, l’exposition hors de la ville
d’Abidjan, l’absence d’une activité rémunératrice, la lésion superficielle, l’exposition par
morsure et l’absence d’immunisation de l’animal.
Il découle de ces résultats que les stratégies de lutte contre la rage doivent mettre l’accent
de plus en plus sur l’importance de l’observance du traitement et sur l’éducation de la
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population vis-à-vis du risque de rage.


Mots-clés : Observance - traitement post-exposition - rage - Abidjan.

Summary: This descriptive retrospective study ran from August 2003 to December 2003 at the
Rabies Center of the National Institute of Public Health in Abidjan. It covers subjects at risk of
rabies transmission during 2004. Identification of participants in the study was made via a
census of patients consulting the rabies clinic: a total of 533 subjects were included,
predominantly male (54.6%), without gainful employment (57%), with an average age of
26.7 years. Those who lived outside the city of Abidjan accounted for 21.6%. In 88.2% of
cases, they were exposed due to a bite. Dogs (90.8%) represented the main species
responsible for this kind of exposure. Only 3.2% of these animals had a current valid rabies
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vaccine. The owner of the animal was not known in 71% of cases. The observance of the
recommended immunization schedule for 4 doses was 53.1%. Of the 533 patients registered
in the study, 46.9% had stopped treatment vaccine. Some factors have been identified as
adversely affecting adherence, such as the vaccination treatment plan of 5 doses, exposure
outside the city of Abidjan, unemployment, incurrence of superficial injuries, exposure from
an animal bite and lack of immunization of the animal.
The results show that the strategies against rabies must focus increasingly on the importance
of adherence to treatment and education of the population vis-à-vis the risk of rabies.
Keywords: Adherence - post-exposure prophylaxis - rabies - Abidjan.

(1) Département de Santé Publique et de Médecine Communautaire, Université de Cocody, bd de l’Université


de Cocody 01, BP V 166 Abidjan, Côte d’Ivoire.
(2) Institut National d’Hygiène Publique, Abidjan, Côte d’Ivoire.
(3) Institut National de Santé Publique, Abidjan, Côte d’Ivoire.

Correspondance : I. Tiembré Réception : 18/09/2007 – Acceptation : 09/10/2009


596 I. TIEMBRÉ et al.

Introduction
La rage est une maladie virale connue depuis l’antiquité, tant en Asie, en
Afrique qu’en Europe [2, 4, 5, 16]. Transmise accidentellement à l’homme
par un animal enragé, elle réalise un tableau d’encéphalomyélite aiguë
d’évolution mortelle. Elle constitue un réel problème de santé publique dans
plus de 80 pays [13]. Elle est responsable de 55 000 décès annuels dont
31 millions en Asie. Chaque année environ 10 millions de personnes sont
soumises à un traitement après exposition à des animaux chez lesquels
on soupçonne la rage. Avec 24 000 décès annuels, l’Afrique est l’un des
continents les plus touchés par la rage [14]. La Côte d’Ivoire pays de l’Afrique
de l’Ouest n’est pas épargnée. En effet, une étude réalisée en 1992 par
Jamshid [10], sur une période de 5 ans, a relevé 11 000 cas annuels déclarés
de morsures d’animaux, 463 cas de rage animale confirmés par un laboratoire
et 68 cas de rage humaine. Cette prévalence de la rage est en réalité
largement sous estimée car toutes les morsures ne sont pas déclarées.
Devant ces nombreux cas de rage humaine et animale, le traitement
antirabique post-exposition (PET) associant vaccin et parfois sérothérapie
antirabique revêt une importance capitale. Malheureusement, la plupart des
traitements commencés après exposition restent inachevés. Le taux

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d’abandon du traitement demeure élevé et représentait en 1998, 51 % [1].
Ceci expose le patient au risque de développer la rage humaine. En effet, un
traitement complet constitue le gage d’une protection efficace. Ainsi, la
nécessité d’obtenir un traitement complet devient un impératif de santé
publique.
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Aussi nous avons entrepris de réaliser la présente étude dont l’objectif


général était d’analyser l’observance du PET dans le but de contribuer à la
lutte contre la rage face à deux problèmes récurrents : l’abandon de la
surveillance vétérinaire de l’animal mordeur et l’abandon du PET.

Matériel et méthodes
Cette étude rétrospective à visée descriptive s’est déroulée d’août 2003 à
décembre 2003. Le Centre Antirabique (CAR), cadre de l’étude, est une unité
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technique de l’Institut National d’Hygiène Publique (INHP) sis à Treichville,


l’une des dix communes de la ville d’Abidjan. Créé en 1952, sa mission
principale est la prise en charge des sujets exposés à un risque d’infection
rabique. Il est sous la responsabilité d’un médecin aidé par des infirmiers et
des assistants sociaux ayant des compétences quant à la prise en charge des
personnes exposées à la rage. La population de l’étude était constituée des
personnes exposées au risque de transmission de la rage et ayant consulté
au cours de l’année 2002. Seules les fiches des sujets chez qui le traitement
a été recommandé ont été exploitées. Deux types de protocoles vaccinaux
(schéma à 5 doses ou à 4 doses) ont été proposés aux sujets [17] : le
protocole d’Essen (5 injections : 1 à J0, 1 à J3, 1 à J7, 1 à J14 et 1 à J28) et le
protocole simplifié de Zagreb (4 injections : 2 à J0, 1 à J7, 1 à J21). Ainsi,
533 fiches ont été retenues dans l’étude. Le traitement est dit « correct » si
le sujet a reçu le nombre de doses requis pour le protocole choisi. Dans le
OBSERVANCE DU TRAITEMENT VACCINAL ANTIRABIQUE À ABIDJAN 597

cas contraire nous parlons d’abandon du traitement ou de traitement


incomplet. Ainsi le traitement peut être complet (toutes les doses reçues
comme recommandées) ou incomplet (abandon du traitement).
Pour chaque personne retenue dans l’étude, l’enquête prenait en
compte les caractéristiques de sujets exposés, les caractéristiques de
l’animal incriminé et l’observance du traitement. Les données collectées ont
été saisies et analysées à l’aide du logiciel Epi info 6.04. Le test de Chi2 de
Pearson a été utilisé pour l’analyse statistique et les liaisons entre les
variables ont été considérées comme statistiquement significatives au seuil
de 5 %.

Résultats

Caractéristiques des sujets de l’étude

Les sujets de l’étude étaient au nombre de 533. L’âge moyen était de

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26,7 ans avec des extrêmes de 1 an et 91 ans. La médiane était de 21 ans.
La majorité (62,3 %) avait plus de 15 ans. Les sujets de sexe masculin
représentaient 54,6 %. Le sex ratio de 1,2 était en faveur des hommes
(p = 0,034). Plus de la moitié des sujets n’avait aucune activité rémunératrice
(57 %). La majorité des sujets qui ont consulté résidait à Abidjan (78,4 %)
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dont 41,8 % à Yopougon (21,8 %) et à Abobo (20 %). Treichville, commune


d’implantation du Centre Antirabique représentait 4,1 %. Ceux qui résidaient
hors d’Abidjan étaient au nombre de 115 soit 21,6 %. Parmi les 533 sujets,
88,2 % ont été exposés par morsure. Dans 30,8 % des cas l’animal avait été
provoqué. Les lésions siégeaient au niveau des membres inférieurs dans
50,6 % des cas et supérieurs dans 28 % des cas. Il s’agissait de lésions
uniques dans 53,5 % des cas. Concernant l’animal agresseur nous avons noté
une prédominance de chiens (90,8 %). Les animaux errants représentaient
34,5 %. Seuls 3,2 % des animaux incriminés avait un vaccin antirabique
valide. Dans la majorité des cas (71 %) le propriétaire n’était pas connu
(tableau I).
Santé publique 2009, volume 21, n° 6, pp. 595-603

Observance du traitement antirabique

Le tableau II résume les informations se rapportant au traitement


antirabique post-exposition. Le schéma à 4 doses représentait 53,8 %. Parmi
les 533 sujets exposés à la rage, 46,9 % avaient abandonné le traitement
vaccinal. Ceux qui avaient fait correctement le traitement comme exigé
étaient au nombre de 283 soit 53,1 %. Le taux d’abandon était de 62,6 %
pour le protocole à 5 doses contre 33,5 % pour le protocole à 4 doses. Parmi
les 154 sujets qui étaient sous protocole à 5 doses de vaccins et qui avaient
abandonné le traitement, 54,4 % l’ont fait après avoir reçu au plus 2 doses
de vaccins. Concernant les 96 sujets qui étaient sous protocole à 4 doses de
vaccins et qui avaient abandonné le traitement, 41,6 % l’ont fait après avoir
reçu les 2 premières doses de vaccins.
598 I. TIEMBRÉ et al.

Tableau I : Caractéristiques de l’animal incriminé

Caractéristiques de l’animal Effectif Pourcentage


Chien 484 90,8
Chat 27 5,1
Espèce animale Singe 12 2,2
Souris 7 1,3
Autres (chauve souris, civette, mangouste) 3 0,2
Vivant 54 10,1
Disparu (après l’agression) 340 63,8
Suivi de l’animal
Mort (spontanément ou abattu) 121 22,7
Non précisé 18 3,4
Non vacciné* 217 40,7
Statut vaccinal Vaccin valide (vaccin à jour) 17 3,2
Non précisé 299 56,1
Connu 136 25,5
Propriétaire Inconnu 378 71
Non précisé 19 3,5
* Statut vaccinal non à jour ou n’ayant jamais été vacciné

Tableau II : Observance du traitement vaccinal antirabique post-exposition

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Traitement antirabique Effectif Pourcentage
Informations générales relatives à l’observance du traitement
Schéma à 5 doses 246 46,2
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Type de protocole Schéma à 4 doses 287 53,8


Total 533 100
Traitement complet 283 53,1
Observance du traitement Abandon du traitement 250 46,9
Total 533 100
Informations spécifiques à l’observance du traitement en cas de schéma à 5 doses
Complet 92 37,4
Traitement post-exposition Abandon 154 62,6
Total 246 100
Après la 1re dose 50 32,4
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Après la 2e dose 34 22
Niveau d’abandon du traitement Après la 3e dose 29 18,8
Après la 4e dose 41 26,6
Total 154 100
Informations spécifiques à l’observance du traitement en cas de schéma à 4 doses
Complet 191 66,5
Traitement post-exposition Abandon 96 33,5
Total 287 100
Après les 2 premières doses 40 41,6
Niveau d’abandon du traitement Après la 3e dose 56 58,3
Total 96 100
OBSERVANCE DU TRAITEMENT VACCINAL ANTIRABIQUE À ABIDJAN 599

Identification des facteurs influant sur l’observance


du traitement antirabique post-exposition

Dans cette étude, nous avons identifié des facteurs qui influaient sur
l’observance du traitement antirabique (tableau III). Il s’agit :
– du lieu de l’exposition (p = 0,000). L’abandon du traitement est plus
élevé lorsque le sujet a été exposé hors d’Abidjan (76,7 %). Il est de
20,4 % en cas d’exposition à Abidjan ;

Tableau III : Facteurs influant sur l’observance du traitement antirabique post-exposition

Variables étudiées Traitement vaccinal Test de significativité


Complet Incomplet Valeur
Commentaire
N (%) N (%) de P
Sexe Masculin 162 (55,7) 129 (44,3) P = 0,191 P > 0,05
Féminin 121 (50) 121 (50) Relation non significative
Âge ≤ 15 ans 112 (54,4) 89 (45,6) P = 0,344 P > 0,05

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> 15 ans 171 (51,5) 161 (48,5) Relation non significative
Lieu de l’exposition Abidjan 262 (62,7) 156 (37,3) P = 0,000 P < 0,05
Hors d’Abidjan 21 (18,3) 94 (81,7) Relation significative
Activité rémunératrice Oui 184 (60,5) 120 (39,5) P = 0,000 P < 0,05
Non 99 (43,2) 130 (56,8) Relation significative
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Siège de la lésion Membres 259 (86,6) 240 (13,4) P > 0,05


Tronc 15 (53,6) 3 (46,4) P = 0,314 Relation non significative
Tête et cou 5 (44,4) 4 (55,6)
Non précisé 4 (57,1) 3 (42,9)
Nombre de lésion Unique 151 (53) 134 (47) P = 0,145 P > 0,05
Multiple 132 (53,2) 90 (46,8) Relation non significative
Type de la lésion Non précisé 37 (68,5) 17 (31,5) P < 0,05
Catégorie II 27 (60) 18 (40) P = 0,026 Relation significative
Catégorie III 219 (50,3) 215 (49,7)
Nature de l’exposition Morsure 240 (51,1) 230 (48,9) P < 0,05
Autres 43 (68,2) 20 (31,8) P = 0,010 Relation significative
Statut vaccinal Non vacciné ** 81 (37,3) 136 (62,7) P < 0,05
de l’animal À jour 11 (64,7) 6 (35,3) P = 0,000 Relation significative
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Non précisé 191 (63,9) 108 (36,1)


Suivi de l’animal Vivant 22 (40,7) 32 (59,3) P < 0,05
Disparu 190 (55,9) 150 (44,1) P = 0,009 Relation significative
Mort 67 (55,4) 54 (44,6)
Non précisé 4 (22,2) 14 (77,8)
Type de protocole Schémas P < 0,05
à 4 doses 191 (66,5) 96 (33,5) Relation significative
Schémas P = 0,000
à 5 doses 92 (37,4) 154 (62,6)
Espèce animale Chien 251 (51,8) 233 (48,2) P > 0,05
Autres 32 (65,3) 17 (34,7) P = 0,07 Relation non significative
Propriétaire Connu 79 (58,1) 57 (41,9) P > 0,05
Inconnu 191 (50,5) 187 (49,5) P = 0,125 Relation non significative
Non précisé 13 (68,4) 6 (31,6)
* Aucun cas de catégorie I (exposition nulle) qui ne nécessite pas de traitement spécifique n’a été mentionné
** Statut vaccinal non à jour ou n’ayant jamais été vacciné
600 I. TIEMBRÉ et al.

– de la profession (p = 0,000). L’abandon du traitement est plus important


lorsque la victime est sans profession (57 %). Il est de 39,5 % lorsqu’elle
a une activité rémunératrice ;
– du type de la lésion (p = 0,026). L’abandon du traitement est plus
important en cas d’exposition de catégorie II (49,7 %). Il est de 40 % en
cas d’exposition de catégorie III ;
– de la nature de la l’exposition (p = 0,011). L’abandon du traitement est
plus important lorsque la victime a été exposée par morsure (48,9 %). Il
est de 31,8 % en cas de non exposition par morsure ;
– le devenir de l’animal (p = 0,009). L’abandon du traitement est plus
important lorsque l’animal incriminé est vivant (59,3 %). En cas de
disparition ou de mort de l’animal, les pourcentages d’abandon du
traitement sont respectivement 44,1 % et 44,6 % ;
– du statut vaccinal de l’animal (p = 0,000). L’abandon du traitement est
plus important lorsque l’animal est non vacciné (56,2 %). Il est de 35,3 %
lorsqu’il est vacciné ;
– du type de protocole choisi (p = 0,000). L’abandon du traitement est
plus important lorsque le protocole vaccinal est à 5 doses est utilisé
(62,6 %). Il est de 33,5 % en cas de schéma vaccinal à 4 doses.

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Discussion
Dans cette étude, la classique prédominance infantile n’a pas été retrouvée
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parmi les sujets exposés au risque rabique [1, 6, 8, 10, 15]. L’âge moyen des
sujets était de 26,7 ans. Ceux qui avaient plus de 15 ans représentaient
62,3 %. Les adultes s’exposent-ils plus à la rage dans des circonstances qui
nécessitent une indication du traitement complet ? En effet, chez l’enfant
il s’agit généralement d’accidents domestiques. Par conséquent, l’animal
incriminé peut être mis sous surveillance vétérinaire. Ce qui pourrait éviter
une indication du traitement. Toutefois, il est important de signaler que
l’exposition chez les enfants est sous-estimée car toutes les morsures ne
sont pas signalées aux parents par peur ou par ignorance. Le sex ratio de 1,2
était en faveur du sexe masculin. Face aux animaux, les hommes prennent-
ils plus de risque que les femmes ? Ou bien s’agit-il d’une imprudence de
leur part ? Bien des morsures peuvent être évitées si les victimes adaptaient
Santé publique 2009, volume 21, n° 6, pp. 595-603

leur comportement aux signaux d’alarme envoyés par l’animal [4]. En effet,
l’exposition au risque de transmission de la rage est le plus souvent la
conséquence d’interactions comportementales dangereuses entre l’animal et
la victime, d’où une possible prévention. Par conséquent, il faut connaître les
règles pour prévenir et éviter les situations à risque [6]. Des campagnes de
sensibilisation doivent être initiées en vue de renforcer les connaissances
des populations vis-à-vis de la rage. Malheureusement en Côte d’Ivoire,
depuis des décennies, la rage ne bénéficie pas de campagne de
sensibilisation. Elle fait partie de la longue liste des maladies négligées.
Dans notre étude l’exposition au risque de contamination rabique
prédominait à Yopougon (21,8 %) et Abobo (20 %). Ces deux communes
cumulaient 41,8 % des victimes sur les 10 communes que compte Abidjan, la
ville d’implantation du CAR. La forte densité de la population d’une part et
la présence de nombreux chiens errants d’autre part, pourraient expliquer le
OBSERVANCE DU TRAITEMENT VACCINAL ANTIRABIQUE À ABIDJAN 601

nombre élevé de victimes dans ces deux communes. Il est important de


signaler que ces deux communes (Yopougon et Abobo) sont les plus
éloignées du centre antirabique. Plus d’un sujet sur cinq (21,6 %) résidaient
hors de la ville d’Abidjan. Des actions doivent être entreprises pour permettre
un accès plus adapté au traitement. Elles doivent viser la réduction des
disparités entre les populations et les différentes zones géographiques. Ce
qui permettra entre autres de mesurer l’ampleur de l’exposition à la maladie.
Comme l’avait déjà constaté Aké [1], le chien constituait le principal vecteur
(90,8 %). En effet, il est l’animal domestique le plus fréquent à Abidjan où
78,4 % des sujets ont été exposés. Les animaux qui pouvaient être mis sous
surveillance vétérinaire ou qui étaient correctement vaccinés contre la rage
représentaient respectivement 10,1 % et 3,2 %. Ce constat devrait amener
les malades à une bonne observance du traitement. Le facteur financier
seul ne peut pas expliquer le pourcentage élevé d’animaux non vaccinés.
L’insuffisance de clinique vétérinaire, l’ignorance ou la négligence des
obligations des propriétaires envers les animaux domestiques pourraient
jouer un rôle déterminant et certain.
Dans cette étude, le traitement vaccinal complet est indiqué en cas
d’impossibilité de mettre l’animal agresseur sous surveillance vétérinaire. Le

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pourcentage d’abandon du traitement était de 46,9 %. Ce pourcentage est
largement supérieur à ceux trouvés par Morvan [12] à Madagascar en 1992
et Rotivel [18] en France qui sont respectivement de 10 % et de 15 %. Par
contre, il est proche de ceux rapportés dans des travaux effectués en Côte
d’Ivoire dont ceux de Dagnan [8] et Aké [1] qui trouvèrent respectivement
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49 % et 51 %. Le pourcentage élevé de l’inobservance du traitement


antirabique pose un véritable problème de santé publique compte tenu de
l’extrême gravité de la maladie. Ce problème d’inobservance du traitement
intéresse à la fois les malades, mais aussi les agents de santé qui prennent
en charge les sujets exposés. Le manque d’information concernant le
traitement, la maladie et son évolution est un facteur important d’inobser-
vance du traitement. Seule une information complète peut améliorer
l’adhésion du patient à la stratégie thérapeutique choisie. Il apparaît
indispensable que celui-ci participe aux choix thérapeutiques pour pouvoir
s’investir, être actif dans le traitement et ainsi optimiser les résultats
thérapeutiques [7, 11, 19].
Santé publique 2009, volume 21, n° 6, pp. 595-603

Dans cette étude une relation statistiquement significative était observée


entre le type de protocole, le lieu de résidence, l’exercice ou non d’une acti-
vité rémunératrice, le type de lésion, la nature de l’exposition, le devenir de
l’animal, le statut vaccinal de l’animal et l’observance du traitement vaccinal
complet. Ainsi influaient négativement sur l’observance du traitement le
protocole à 5 doses, l’exposition hors de la ville d’Abidjan, l’absence d’une
activité rémunératrice du sujet exposé, l’exposition de catégorie II, l’exposi-
tion par morsure, le fait que l’animal soit vivant après l’exposition et
l’absence d’immunisation de l’animal. Les coûts directs (achat du vaccin)
et indirects (frais de déplacement, de restauration et d’hébergement) engen-
drés par le traitement pourraient expliquer le pourcentage élevé d’abandon
observé en cas de protocole à 5 doses, chez les sujets résidant hors
d’Abidjan ou n’exerçant aucune activité rémunératrice. Concernant l’influence
négative du schéma vaccinal à 5 doses sur l’observance du traitement, une
602 I. TIEMBRÉ et al.

révision des critères de choix s’impose. Par exemple, il serait souhaitable de


limiter son indication au cas où le risque d’exposition est faible. Le pourcen-
tage d’abandon du traitement est plus important en cas d’exposition de
catégorie II. Il est important de répéter qu’une exposition même mineure peut
déterminer la survenue de la maladie ; d’où l’importance de l’observance du
traitement quelque soit la catégorie de l’exposition. L’abandon du traitement
est plus important lorsque la victime a été exposée par morsure. Cette consta-
tation est surprenante d’autant plus que la contamination se fait essentielle-
ment par morsure. En outre, c’est le mode de transmission le plus connu des
populations. Toutefois, il est important de signaler que seuls 11,8 % des
sujets n’avaient pas été exposés par morsure. Par conséquent, il est possible
qu’un nombre important de ces sujets exposés ne se soit pas présenté au
CAR pour une prise en charge par ignorance ou méconnaissance des autres
modes de transmission du virus rabique. L’abandon du traitement est plus
important lorsque l’animal incriminé est vivant (59,3 %). Compte tenu de la
durée d’incubation généralement longue, il est important que les sujets
exposés au risque de contamination de la rage suivent correctement le trai-
tement quel que soit le devenir de l’animal (animal vivant, disparu ou mort).
En effet, le traitement antirabique institué après exposition met à profit cette
longue durée d’incubation de la maladie, pour immuniser le sujet contre le

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virus qui lui a été inoculé. Le traitement antirabique après exposition corres-
pond donc à une « course de vitesse » entre le virus et le système immuni-
taire du patient contaminé [3]. L’abandon du traitement est plus important
lorsque l’animal est non vacciné. Les propriétaires d’animaux non vaccinés
sont peu informés sur la rage. Ils minimisent le risque de contamination
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rabique et méconnaissent l’importance du traitement vaccinal complet. Il est


important de rappeler ici que l’accès au traitement post-exposition étant
difficile dans les pays en développement dont le Côte d’Ivoire, la vaccination
des chiens, principal vecteur de la maladie doit être recommandée comme
une stratégie prioritaire et importante de lutte contre la rage [3].

Conclusion
Dans cette étude, nous avons pu analyser l’observance du traitement
antirabique au Centre Antirabique d’Abidjan. Seuls, 53,1 % des consultants
ont observé correctement leur traitement. Des facteurs ont été identifiés
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comme influençant négativement l’observance du traitement. Il s’agit du


schéma à 5 doses, l’exposition hors de la ville d’Abidjan, l’absence d’une
activité rémunératrice du sujet exposé, l’exposition mineure, l’exposition par
morsure, l’absence d’immunisation de l’animal incriminé et le fait que
l’animal soit en vie après l’exposition.
Il découle de ces résultats que les stratégies de lutte contre la rage doivent
mettre l’accent de plus en plus sur l’importance de l’observance du
traitement, sur l’information des populations et des propriétaires des
animaux.
OBSERVANCE DU TRAITEMENT VACCINAL ANTIRABIQUE À ABIDJAN 603

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