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GUIDE JURIDIQUE DE L’ENTREPRISE

Traité théorique et pratique


2e édition

Titre XII – Livre 119.4

La responsabilité pénale
dans l’entreprise

Adrien MASSET
Avocat au barreau de Verviers
Professeur à l’Université de Liège

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_VOOR", p. 1, 20 September 2006, 09:44 —


– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_VOOR", p. 2, 20 September 2006, 09:44 —
LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

Table des matières

INTRODUCTION 9

010. Criminalité d’affaires 9


020. Code pénal des affaires 9
030. Inflation pénale et dépénalisation 9
040. Droit pénal des affaires et procédure pénale 10
050. La délinquance internationale en droit pénal des affaires 10
060. Plan du livre 11

CHAPITRE 1. QUI, DANS L’ENTREPRISE, EST PÉNALEMENT


RESPONSABLE? – L’IMPORTANCE DE LA LOI DU
4 MAI 1999 INSTAURANT LA RESPONSABILITÉ
PÉNALE DES PERSONNES MORALES 12

070. Entreprise individuelle ou sociétaire 12


080. Entreprise individuelle 12
090. Entreprise sociétaire 12
091. Le régime de la responsabilité pénale dans l’entreprise sociétaire avant
cette loi du 4 mai 1999 – Aperçu historique 13
092. Les problèmes de droit pénal général posés par l’ancienne théorie de la
responsabilité pénale des personnes morales 14
093. Les remèdes légaux apportés avant 1999 et maintenus après 1999, pour
réduire l’incidence de la non-responsabilité pénale des personnes
morales: responsabilité civile des amendes, amendes administratives et
transactions administratives 15
100. La loi du 4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes
morales: les raisons et les étapes du changement 17
110. Le principe de la responsabilité pénale des personnes morales:
un principe presque général 18
115. Le principe de la responsabilité pénale des personnes morales:
la personne morale est punissable, tantôt seule, tantôt avec la personne
physique 20
120. Le régime des sanctions pénales applicables aux personnes
morales déclarées coupables 24
130. Les dispositions de procédure pénale propres à la répression des
infractions commises par les personnes morales 27
140. Le problème classique et épineux de l’application de la loi nouvelle
dans le temps 30

CHAPITRE 2. UNE SANCTION REDOUTABLE:


L’INTERDICTION PROFESSIONNELLE 32

150. Arrêté royal no 22 du 24 octobre 1934 adouci par la loi du 2 juin 1998 32
160. Les interdictions d’administrer, de gérer et de surveiller une société
commerciale 32

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 3

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_TABMAT", p. 3, 20 September 2006, 10:12 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

170. L’interdiction d’exercer une activité commerciale 33


180. L’effet des condamnations prononcées à l’étranger 34
185. L’effet dans le temps des interdictions ayant sorti leurs effets avant la
loi du 2 juin 1998 34

CHAPITRE 3. LES PRINCIPALES INFRACTIONS APPLICABLES


AUX ENTREPRISES 35

190. Plan 35

SECTION 1. LES INFRACTIONS PRÉVUES PAR LE CODE PÉNAL 35

§ 1. LES DISPOSITIONS PROPRES À L’ENTREPRISE 35

200. Applications 35

§ 2. LES RÈGLES RELATIVES À LA CONFISCATION SPÉCIALE ET


AU BLANCHIMENT 38

210. La confiscation spéciale 38


213. L’infraction de blanchiment: notion 42
214. L’objet de l’infraction de blanchiment 43
215. Eléments constitutifs de l’infraction 44
216. Caractéristiques de l’infraction 45
217. Présentation de la loi instaurant le régime préventif de blanchiment 46

§ 3. DISPOSITIONS GÉNÉRALES APPLICABLES NOTAMMENT AUX


ENTREPRISES 47

220. Introduction 47

A. Les faux en écritures 48


230. Le cadre légal 48
240. Eléments constitutifs du faux en écritures 48
250. Cas d’application 50
260. La peine 51
270. Usage de faux 51
280. Prescription 51

B. L’abus de confiance et l’abus de biens sociaux 52


1. L’abus de confiance 52
290. Le cadre légal 52
300. Eléments constitutifs de l’abus de confiance 52
310. Cas d’application 54
320. La peine 54

4 – Livre 119.4 Kluwer

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LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

330. Infractions voisines 54


2. L’abus de biens sociaux 54
333. Le cadre légal 54
335. Elements constitutifs de l’abus de biens sociaux 55
337. Répression de l’infraction 57

C. L’escroquerie 57
340. Le cadre légal 57
350. Eléments constitutifs de l’escroquerie 57
360. Cas d’application 59
370. La tentative d’escroquerie – Les peines 61
380. Infractions voisines 61

D. Les infractions liées à l’état de faillite 62


381. Disparition des infractions de banqueroute mais maintien du droit pénal
de la faillite 62
382. Auteurs des infractions liées à l’état de faillite 62
383. Faut-il un état de faillite? 63
384. Infractions visées par l’article 489 du Code pénal 64
385. Infractions visées par l’article 489bis du Code pénal 64
386. Infractions visées par l’article 489ter du Code pénal 65
387. Infractions visées par les articles 489quinquies et sexies du Code pénal:
infractions commises par des tiers 66
388. Les peines 67
389. Addendum: Les dispositions pénales de la loi du 17 juillet 1997 relative
au concordat judiciaire 67

SECTION 2. LES INFRACTIONS PRÉVUES PAR LES LOIS


PARTICULIÈRES 67

§ 1. INTRODUCTION 67

390. L’inflation législative 67

§ 2. LOIS PARTICULIÈRES EN MATIÈRE ÉCONOMIQUE ET


FINANCIÈRE 68

400. Plan 68

A. La répression du travail frauduleux 68


410. Raison d’être 68
420. Eléments constitutifs du travail frauduleux 69
430. Cas particuliers et exceptions 70

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 5

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_TABMAT", p. 5, 20 September 2006, 14:21 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

B. La répression de la fraude fiscale 70


440. Introduction 70
450. Les sanctions administratives 71
460. Fraude fiscale et choix de la voie la moins imposée 72
470. La mesure générale anti-abus de droit 73
480. Les sanctions pénales 73
485. Paiement des droits éludés et solidarité fiscale 75
490. La charte du contribuable 76
500. La fraude communautaire 77

C. Les infractions à la réglementation comptable 78


510. Champ d’application 78
520. Les petites entreprises 79
530. Les moyennes et grandes entreprises en route vers les petites sociétés et
les autres sociétés 79
540. Le régime des moyennes et grandes entreprises en route vers les petites
sociétés et les autres sociétés 80
550. Le régime des petites entreprises 81
560. Les personnes responsables 81
570. Les sanctions 82
580. La responsabilité pénale des professionnels du contrôle comptable 82

D. Les infractions à la réglementation des prix 82


590. Ubiquité de la réglementation des prix 82
600. Les différents régimes de prix 83
610. Les sanctions pénales 83
620. Le pouvoir de transiger de l’administration 84
630. Le pouvoir de transiger du parquet 84
640. Les mesures provisoires 84

E. Les pratiques du commerce 84


650. L’action en cessation 84
660. Les sanctions pénales 85
670. Les pratiques du commerce directement sanctionnées pénalement 86
680. Les actes accomplis de mauvaise foi 86
690. La violation des prescriptions judiciaires 86
700. Le commercial tient le criminel en état 86

F. Le droit pénal de l’environnement 87


710. Le cadre légal 87
711. La pollution de l’atmosphère 88
712. La pollution des eaux 89
713. La lutte contre le bruit 91
714. La lutte contre la pollution par les déchets 91

G. Le droit pénal des activités réglementées 92


720. Les dispositions légales 92

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– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_TABMAT", p. 6, 20 September 2006, 10:12 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

H. Le droit pénal de la consommation 93


730. Les dispositions légales 93
740. La loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation 94

I. Le délit d’initié 95
750. Le cadre légal 95
751. Qu’est-ce qu’un initié? 96
752. Qu’est-ce qu’une information privilégiée? 96
753. Quels sont les instruments financiers visés? 97
754. Quels sont les comportements prohibés? 97
755. Quelles sont les sanctions? 98
756. Intervention de la CBFA 98
760 à 860. Réservés 98

J. Le droit pénal social 98


870. Les dispositions légales 98

SECTION 3. LE DROIT PÉNAL DES SOCIÉTÉS 100

880. Présentation générale 100


890. Provocation à l’achat de titres de sociétés par des moyens frauduleux 101
900. La violation des règles d’information et de publicité 102
910. La distribution de dividendes ou de tantièmes fictifs 103
920. La distribution illicite d’un acompte sur dividende 103
930. La réduction délictueuse de capital social 104
940. Les faux dans les comptes annuels 104

BIBLIOGRAPHIE 107

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 7

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_TABMAT", p. 7, 29 September 2006, 09:43 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

8 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_TABMAT", p. 8, 20 September 2006, 10:12 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

Introduction 1

010 Criminalité d’affaires


La responsabilité pénale de l’entreprise touche à la matière du droit pénal des affaires,
à la matière du droit pénal économique, à la matière de la délinquance en col blanc ou
encore à la matière de l’intervention du droit pénal dans la vie des affaires.
Les entreprises, ni plus ni moins que les autres activités humaines et économiques,
versent parfois dans la délinquance.
La délinquance économique soulève des questions juridiques, criminologiques,
sociales et éthiques.
Les questions juridiques concernent notamment l’application des principes géné-
raux du droit pénal, par exemple la mise en œuvre de l’imputabilité morale ou de l’état
de nécessité.
Les questions criminologiques mettent spécialement en exergue ce qui est commu-
nément appelé le chiffre noir, à savoir la délinquance non apparente, non découverte,
non répertoriée.
Les questions sociales insistent sur les répercussions économiques et sociales qui
frappent les tiers, spécialement les travailleurs, touchés, indirectement mais parfois
plus durement que les dirigeants indélicats, par les sanctions pénales prononcées
contre les entreprises.
Les questions éthiques s’interrogent sur la nécessité de l’intervention du droit pénal
à l’encontre des entreprises.

020 Code pénal des affaires


Il n’existe pas en droit belge de Code pénal des affaires, qui regrouperait les
infractions sanctionnant ce que l’on qualifierait de délinquance des affaires.
Le contenu de ce droit pénal des affaires est au contraire éclaté dans diverses
sources: le Code pénal pour les infractions classiques, et des lois les plus variées pour
des infractions les plus variées. Ces dernières lois ne comportent, souvent, que l’une
ou l’autre disposition pénale agrémentant d’une touche répressive des réglementations
plus techniques les unes que les autres.
Une autre difficulté serait de délimiter ce champ du droit pénal des affaires, sur la
définition duquel personne ne s’accorde 2.

030 Inflation pénale et dépénalisation


L’adage ‘Nul n’est censé ignorer la loi (pénale en l’espèce)’ trouve en droit pénal des
affaires une acuité remarquable. C’est un truisme que de se lamenter actuellement sur
la croissance exponentielle des réglementations touchant à la vie des affaires assorties,
de-ci de-là, de sanctions pénales.
Les polices, spécialisées ou non, et le parquet disposent d’un arsenal législatif et
réglementaire impressionnant pour faire respecter le principe de la loyauté dans la vie

1. La version initiale de ‘La responsabilité pénale de l’entreprise’, a été rédigée par Mr.
P. Troisfontaines. La présente version est, pour l’essentiel, mise à jour au 1er avril 2006.
2. Th. Afschrift et V.A. De Brauwere, Manuel de droit pénal financier, Editions Kluwer, 2001, 599 p.;
J. Spreutels, F. Roggen, E. Roger France, Droit pénal des affaires, Bruylant, 2005, 1230 p.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 9

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 9, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

des affaires. Certains auteurs ne manquent pas de s’interroger sur le manque d’effec-
tivité de ce droit pénal des affaires.
La dépénalisation du droit des affaires doit aussi retenir l’attention: il s’agit de
préférer à la sanction pénale d’autres modalités de contrainte dites mieux adaptées à la
vie des affaires: sanctions civiles, sanctions commerciales, sanctions administratives 1.

040 Droit pénal des affaires et procédure pénale


La procédure pénale de droit commun trouve évidemment à s’appliquer dans le cadre
de la répression des infractions commises dans la vie des affaires 2. De nombreuses
lois particulières intéressant le droit pénal des affaires prévoient cependant d’impor-
tantes dérogations à ce droit commun de la procédure pénale: ainsi, des organes de
recherche spécialisés sont rendus compétents pour vérifier l’application correcte de la
législation; des pouvoirs de recherche exceptionnels sont attribués à ces polices
spécialisées (règles spécifiques pour les perquisitions, saisies, rédaction des procès-
verbaux, ...); les possibilités d’extinction de l’action publique par l’effet de la
transaction sont développées; le délit d’entrave à l’exercice des contrôles est mis en
exergue; ...
Au détour de l’une ou l’autre législation envisagée, nous évoquerons certaines de
ces particularités 3.

050 La délinquance internationale en droit pénal des affaires


L’internationalisation des relations commerciales et économiques, l’ouverture sur des
marchés nouveaux précédemment peu accessibles, la mise en place progressive d’une
structure économique européenne favorable à ce développement international des
affaires et l’importance des enjeux financiers concernés, ont été autant d’éléments
propices à l’apparition voire à l’accélération d’une délinquance transnationale des
affaires.
L’imagination des délinquants a profité de l’abolition de ces frontières: les légis-
lations pénales nationales et internationales ont eu à réagir, d’une part en adoptant des
règles spécifiques en matière de compétence judiciaire internationale, d’autre part en
complétant leur arsenal répressif sous l’impulsion régulière de conventions interna-

1. Sur la dépénalisation du droit des affaires, voy. spécialement A. De Nauw, Les métamorphoses
administratives du droit pénal de l’entreprise, Gand, Mys & Breesch, 1994, 190 p.; Comp. la loi du
13 mai 1999 relative aux sanctions administratives dans les communes, insérant un article 119bis dans
la nouvelle loi communale et un article 601ter dans le Code judiciaire; sur cette loi, voy., A. Masset,
‘Les santions administratives dans les communes: en route vers le droit communal armé’, J.T., 2001,
pp. 833-838 et Adm. Publ., 2002, pp. 12-23 (version complétée), ainsi que ‘De vraies santions
administratives ou des sanctions pénales camouflées?, Réflexions en droit interne belge’, Rev. Fac.
Dr. Liège, 2005, pp. 441-466.
2. Sur la procédure pénale de droit commun, voy. M. Franchimont, A. Jacobs et A. Masset, Manuel de
procédure pénale, Larcier, Coll. Fac. Droit Liège, 2006; H.D. Bosly et D. Vandermeersch,
Procédure pénale, La Charte, 2005; R.P.D.B., t. IX Compl., v8 Procédure pénale, 2005.
3. Sur ces particularités, voy. notamment H.D. Bosly, ‘Mise en œuvre des poursuites et pouvoirs
d’investigation dans l’entreprise’, Le risque pénal dans la gestion des entreprises, Actes du
41e Séminaire de la Commission Droit et Vie des Affaires de l’Université de Liège, E. Story-Scientia,
1992, pp. 179-195. J. Spreutels, ‘La poursuite des infractions en droit pénal des affaires’ et
D. Matray, ‘Punir le dirigeant ou protéger l’entreprise’, Le droit des affaires en évolution – L’en-
treprise face au droit pénal, Bruylant, 1995, pp. 239 à 259 et pp. 261 à 310.

10 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 10, 29 September 2006, 09:45 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

tionales en matière pénale, enfin en développant des collaborations policières et


judiciaires 1.

060 Plan du livre


Après cette brève introduction, la matière peut être examinée en 4 chapitres:
– Chapitre 1. Qui, dans l’entreprise, est pénalement responsable?
– Chapitre 2. L’interdiction professionnelle en tant que peine à redouter.
– Chapitre 3. Les infractions du Code pénal appliquées à la vie des affaires.
– Chapitre 4. Les infractions des lois particulières appliquées à la vie des affaires.

1. Sur le sujet, voy. J.-P. Spreutels, ‘Les infractions internationales – Développements récents du droit
pénal international des affaires’, Le risque pénal dans la gestion des entreprises, Actes du
41e Séminaire de la Commission Droit et Vie des Affaires de l’Université de Liège, E. Story-Scientia,
1992, pp. 109-147; J.A.E. Vervaele, La fraude communautaire et le droit pénal européen des affaires,
P.U.F., 1994, 436 p.; D. Robert, La justice ou le chaos, Editions Stock, 1996, 349 p., portant ‘l’appel
de Genève’; A. Bernardi, ‘Vers une européanisation du droit pénal des affaires? – Limites et
perspectives d’un ius commune criminale’, Rev. dr. pén., 1997, pp. 405 à 457. Centre d’études pour
l’application du droit communautaire en matière pénale et financière, Le corpus Iuris au regard du droit
belge, les premiers pas vers un nécessaire espace judiciaire européen, Fac. Dr. U. Lg., éd. Bruylant et
Maklu, 2000, 206 p.; M. Delmas-Marty, Corpus iuris portant dispositions pénales pour la protection
des intérêts financiers de l’Union Européenne, éd. Economica, Paris, 1997, 179 p. C. Van De
Wijngaert, Droit pénal et Communautés européennes, Rev. dr. pén., 1982, pp. 837 à 862; sur l’arrêt
du 27 octobre 1991, voy. G. Stessens, R.W., 1993-1994, pp. 137 à 153; J. Vervaele, ‘Compétences en
matière de sanctions administratives de et dans l’Union Européenne - Vers un système de sanctions
administratives européennes?’, Rev. dr. pén., 1994, pp. 933 à 975. G. De Kerckhove et
A. Weyenbergh, Vers un espace judiciaire pénal européen, éd. U.L.B., 2000, 372 p. M. Jaeger,
‘Les rapports entre le droit communautaire et le droit pénal: l’institution d’une communauté de droit’,
Rev. dr. pén., 2004, p. 1099-1044; L. Moreillon et A. Willi-Jayet, Coopération judiciaire pénale
dans l’Union européenne, Bruylant, 2005, 746 p.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 11

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TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

Chapitre 1. Qui, dans l’entreprise,


est pénalement responsable? –
L’importance de la loi du
4 mai 1999 instaurant la
responsabilité pénale des
personnes morales

070 Entreprise individuelle ou sociétaire


L’exercice d’une entreprise peut revêtir deux formes distinctes: l’entreprise est tantôt
individuelle, tantôt sociétaire; l’individu exerce son activité en personne physique
dans la première hypothèse; dans la seconde hypothèse, l’entreprise a pris la forme
d’une société commerciale, personne morale dotée de la personnalité juridique.

080 Entreprise individuelle


Depuis toujours, le droit pénal belge a été conçu pour les individus; le principe de la
responsabilité pénale individuelle est affirmé, tout comme le principe de la personna-
lité de la peine.
Appliqués au droit pénal des affaires, ces principes ne posent pas de difficultés pour
l’entreprise individuelle: l’entrepreneur qui exerce individuellement ses activités doit
évidemment répondre personnellement des infractions pénales commises par son
entreprise, c’est-à-dire par lui-même.
Ainsi, encourra personnellement la sanction pénale, le commerçant qui s’installe en
personne physique sans être inscrit au registre du commerce 1 ou qui exerce une
activité réglementée sans disposer des connaissances de gestion de base et/ou de la
compétence professionnelle. 2

090 Entreprise sociétaire


L’exercice d’une activité sous le couvert d’une société, société commerciale ou
société civile à forme commerciale, quelle qu’en soit la forme (SPRL, SPRLU, SA,
SNC, SC, ...), a pour effet de conférer la personnalité juridique à cette entreprise
sociétaire: celle-ci, en tant que telle, dispose de droits et de devoirs; l’obligation de
respecter la loi pénale pèse sur la société, personne morale.
Le droit pénal va-t-il dès lors pouvoir venir sanctionner la société, personne morale,
qui a violé la loi pénale? La société, en tant que telle, peut-elle être l’auteur de
l’infraction pénale?
Le droit pénal belge, après plus de 130 années de fidélité au principe de l’irres-

1. Art. 4 et 44bis des lois relatives au registre du commerce, coordonnées le 20 juill. 1964: ‘Est puni d’une
amende de 26 à 10.000 euros, celui qui exerce une activité commerciale pour laquelle elle n’a pas
informé le greffe du tribunal de commerce conformément à l’article 22bis ou pour laquelle les
renseignements fournis sont inexacts’. Adde les art. 62 et 63 de la loi du 16 janv. 2003 portant création
d’une Banque-carrefour des Entreprises, modernisation du registre du commerce, création de guichets-
entreprises agréés et portant diverses dispositions.
2. Art. 16, § 1er de la loi-programme du 10 févr. 1998 pour la promotion de l’entreprise indépendante.

12 – Livre 119.4 Kluwer

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LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

ponsabilité pénale des sociétés, a bouleversé cette question en adoptant la loi du 4 mai
1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes morales; cette loi a été publiée
au Moniteur belge le 22 juin 1999 et est en vigueur depuis le 2 juillet 1999.
Pour montrer l’ampleur du changement ainsi légalement réalisé et parce que
plusieurs dossiers judiciaires concernent encore des faits antérieurs à la nouvelle
loi, il n’est pas inutile, dans un premier temps, d’exposer l’essentiel du régime de la
responsabilité pénale dans l’entreprise sociétaire avant cette loi du 4 mai 1999.

091 Le régime de la responsabilité pénale dans l’entreprise sociétaire avant cette loi
du 4 mai 1999 – Aperçu historique
La responsabilité pénale des personnes morales, entreprises sociétaires pour ce qui
nous concerne, a connu diverses évolutions en droit pénal belge et a suscité l’intérêt
d’une doctrine abondante 1.
En un premier temps, la jurisprudence belge avait adopté le principe ‘societas
delinquere non potest’: seule une personne physique, à l’exclusion d’une société, peut
commettre une infraction; en conséquence, ce sont les personnes physiques par
l’intermédiaire desquelles la société a agi, qui sont, dans la réalité des choses, les
auteurs des infractions commises et qui en sont pénalement responsables.
En un deuxième temps, la jurisprudence belge avait adopté le principe ‘societas
delinquere potest, sed puniri non potest’: la société peut commettre une infrac-
tion, mais ne peut pas encourir de peine 2, celle-ci venant frapper les personnes
physiques par l’intermédiaire desquelles elle a agi; cette solution était celle qui
prédominait en droit belge en matière d’imputabilité judiciaire jusqu’à l’adoption
de la loi du 4 mai 1999.
L’imputabilité judiciaire, c’est-à-dire réalisée par le juge au départ des éléments
concrets de la cause parmi lesquels interviennent les statuts, situation de droit, et ce
qui a été vécu concrètement dans la société, situation de fait, désignait donc la
personne physique, organe de droit ou de fait ou préposé, qui avait commis l’acte
prohibé par la loi ou s’était abstenu de faire ce que la loi imposait; la responsabilité
pénale de cette personne physique poursuivie comme organe, de droit ou de fait, d’une

1. Pour les études les plus récentes sur cette question avant la réforme, voy. F. Van Remoortere, ‘La
question de la responsabilité pénale des personnes morales en droit de l’environnement’, Rev. dr.
pén., 1991, pp. 311-337; A. De Nauw, ‘La délinquance des personnes morales et l’attribution de
l’infraction à une personne physique par le juge’, note sous Cass., 23 mai 1990, R.C.J.B., 1992, pp. 552-
572; F. Tulkens et M. Van de Kerchove, Introduction au droit pénal, E. Story-Scientia, 3e éd., 1997,
p. 320-328, F. Deruyck, ‘Pour quand la responsabilité pénale des personnes morales en droit belge?’,
J.T., 1997, pp. 697 et s.; M. Faure et D. Rouf, ‘Naar een wettelijke formulering van de strafrechte-
lijkheid van de rechtspersoon’, R.W., 1995-1996, pp. 417 et s.; O. Ralet, ‘Responsabilités des
dirigeants de sociétés’, Bull. ass., 1996, p. 733 et s.; F. Deruyck, De rechtspersoon in het strafrecht,
Mys & Breesch, 1996; D. Matray, ‘Punir le dirigeant ou protéger l’entreprise’, Le droit des affaires en
évolution – L’entreprise face au droit pénal, Bruylant, 1995, pp. 261 à 310; J.-P. Bours, ‘La
responsabilité pénale des entreprises’, L’entreprise en difficulté, Actes C.D.V.A., 17 avril 1997,
Actualités du droit, 1997, pp. 461 à 480; O. Ralet, Responsabilités des dirigeants de sociétés, Larcier,
1996, pp. 267 à 279; pour une étude de droit comparé récente, voir G. Stessens, Corporate criminal
liability : a comparative perspective, Internat. & Comp. Law Quaterly, 1994, vol. 43, pp. 493 à 520;
W. Cassiers, ‘La responsabilité pénale des personnes morales: une solution en trompe-l’œil?, Rev. dr.
pén., pp. 823-859. A.B.J.E., Les sociétés bientôt punissables - Quel impact sur la vie des entreprises?,
éd. Bruylant, 1999.
2. P. ex., Corr. Bruxelles, 14 janv. 1986, J.T., 1986, p. 396 et Rev. dr. pén., 1986, p. 629; Cass., 19 mars
1991, Pas., 1991, I, p. 664; L. François, ‘Implications du delinquere sed non puniri potest’, Mélanges
offerts à R. Legros, U.L.B., 1985, pp. 189-204; adde, A. De Nauw, ‘Le vouloir propre de la personne
morale et l’action civile résultant d’une infraction’, note sous Cass., 19 oct. 1992, R.C.J.B., 1995,
pp. 229 à 258; Corr. Bruxelles, 20 mars 1998, J.L.M.B., 1998, p. 870 (aff. Renault Vilvorde); Cass.,
23 déc. 1998, Rev. dr. pén., 1999, p. 393 (aff. Agusta-Dassault).

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 13

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 13, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

personne morale à laquelle était imputée un fait punissable, devait être démontrée de
manière concrète: de la sorte, il a pu être jugé que lorsque le dossier ne révélait pas les
comportements individuels qui seraient délictueux, on ne pouvait pas se référer à une
responsabilité collective qui résulterait de la participation à des délibérations litigieu-
ses du conseil d’administration si les décisions n’y avaient pas été unanimes et si les
procès-verbaux n’individualisaient pas en quel sens les prévenus avaient voté 1.
Le législateur avait parfois résolu la difficulté de la détermination concrète de la
personne physique pénalement responsable au sein des entreprises: la loi désignait
elle-même cette personne physique.
L’imputabilité légale de l’infraction pouvait être illustrée par les exemples suivants:
– en vertu de l’article 11 de l’arrêté royal du 23 octobre 1978 relatif à la tenue des
documents sociaux, sont punis d’un emprisonnement et/ou d’une amende précisés
l’employeur, ses préposés ou mandataires qui n’établissent pas les documents adéquats;
– en vertu de l’article 81, 1o, de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des
travailleurs lors de l’exécution de leur travail, sont punis d’un emprisonnement
et/ou d’une amende précisés, l’employeur, ses mandataires ou préposés qui ne
respectent pas les dispositions légales;
– en vertu de l’article 16 de la loi du 17 juillet 1975 relative à la comptabilité et aux
comptes annuels des entreprises, sont punis d’une amende de 50 à 10.000 euros. les
commerçants, personnes physiques et les administrateurs, gérants, directeurs ou fondés
de pouvoirs de personnes morales qui contreviennent à certaines obligations légales 2;
– en vertu de l’ancien article 205 des lois sur les sociétés commerciales, coordonnées
le 30 novembre 1935, sont punis d’une amende de 50 à 10.000 euros. les gérants ou
les administrateurs qui auront distribué des dividendes fictifs 3.

092 Les problèmes de droit pénal général posés par l’ancienne théorie de la respon-
sabilité pénale des personnes morales
Dans la mesure où ces différentes législations rendaient applicables aux infractions
qu’elles sanctionnaient les articles du Code pénal consacrés aux principes généraux du
droit pénal (application du livre 1er C.P.), les personnes physiques poursuivies pour les
infractions commises par la personne morale, étaient évidemment en droit de faire valoir
les causes de non-imputabilité, de non-culpabilité et les causes de justification classiques:
contrainte, erreur ou ignorance invincible, force majeure, état de nécessité, ... 4.
Ainsi, le chef d’entreprise devait être autorisé à avancer des causes de justification
et à contester l’imputabilité s’il avait fait appel à un professionnel de la comptabilité et
si aucune faute personnelle, suivant le critère de l’homme normalement raisonnable et
prudent, ne pouvait lui être reprochée, à lui, dirigeant 5.

1. Bruxelles, 24 avril 1985, Pas., 1985, II, p. 109 et Rev. prat. soc., 1986, p. 153; Cass., 9 oct. 1984, Pas.,
1985, I, p. 194.
2. L’article 16 de la loi du 17 juillet 1975 a été partiellement remplacé pour ce qui concerne les sociétés
par les articles 126 et 171 C. soc. suite à la codification de cette matière par la loi du 7 mai 1999 - voy.
infra, no 510 et s.
3. L’article 205 L.C.S.C. a été remplacé, sans altération de sa teneur, par les articles 348 C. soc. pour les
SPRL, 388 pour les SC, et 649 pour les SA, suite à la codification de cette matière par la loi du 7 mai
1999.
4. Voy. les exemples d’application de ces causes de justification et d’excuse dans le cadre des infractions à
la législation relative au respect des conventions collectives de travail, D. Delooz-Lamers, ‘Conven-
tions collectives de travail’, Qualifications et jurisprudence pénales, Lois spéciales, La Charte, 1993,
pp. 4-6. Adde, N. Denies et N. Basecqz, ‘Droit de l’environnement et droit économique et social:
réflexion sur l’élément moral dans les lois et règlements particuliers’, Rev. dr. pén., 1994, pp. 473 à 508.
5. P. Troisfontaines, ‘La responsabilité des dirigeants d’entreprise: aspects du droit comptable’, Ann.
Dr., 1983, p. 57; Cass., 13 févr. 1967, Pas., 1967, I, p. 722; R. Elst, ‘Chronique de jurisprudence –
Documents sociaux – Responsabilité pénale des secrétariats agréés’, Rev. b. séc. soc., 1975, p. 242.

14 – Livre 119.4 Kluwer

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LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

Ces principes n’occultaient pas l’idée que la personne qui, selon les statuts, était la
gérante de la société demeurait pénalement punissable lorsqu’elle s’abstenait d’exer-
cer à l’égard de son mandataire son pouvoir de surveillance 1.
Par application des mêmes principes généraux, d’autres personnes que celles dési-
gnées comme auteurs par la loi, pouvaient être poursuivies en qualité de coauteurs ou
complices, dès lors que, sciemment et volontairement, elles avaient apporté une aide
indispensable ou utile à la réalisation de l’infraction; ainsi, était poursuivi comme
complice de banqueroute simple, le banquier qui, en connaissance de cause, avait
octroyé au failli une distribution abusive de crédit à un taux excessif 2; de même, était
complice d’une infraction celui qui donnait, non pas un simple conseil, mais une
instruction utile à la perpétration de cette infraction 3, ce qui donnait toute la mesure
des dangers de l’activité des professionnels du conseil tels les notaires, les avocats, ou
les experts-comptables et fiscaux.
Dans un domaine proche, la jurisprudence n’autorisait la délégation partielle de
pouvoirs, élisive de responsabilité pénale dans le chef de l’auteur légal de l’infraction,
que si le subordonné auquel étaient confiées la direction et la surveillance des services
dans lesquels l’acte délictueux avait été commis, était pourvu de la compétence et de
l’autorité nécessaires pour veiller effectivement à l’observation de la loi 4.

093 Les remèdes légaux apportés avant 1999 et maintenus après 1999, pour réduire
l’incidence de la non-responsabilité pénale des personnes morales: responsabilité
civile des amendes, amendes administratives et transactions administratives
Face à l’impossibilité d’atteindre directement les sociétés pour les infractions commi-
ses par leurs représentants, organes de droit ou de fait ou préposés, le législateur, bien
avant la loi du 4 mai 1999, avait déjà à de nombreuses reprises consacré un régime qui
atteignait, de facto, ces sociétés.
Ainsi, la loi pénale avait parfois prévu outre les sanctions pénales d’emprisonne-
ment et d’amende contre la personne physique par laquelle la société avait agi, des
sanctions complémentaires affectant directement la société.
Il en était notamment ainsi avec:
– la responsabilité civile des amendes: les lois particulières déclarent très souvent les
sociétés civilement responsables des amendes prononcées contre les personnes
physiques condamnées; ainsi l’article 109 de la loi du 14 juillet 1991 sur les
pratiques du commerce et sur l’information et la protection du consommateur dé-
clare les sociétés et associations ayant la personnalité civile civilement responsa-
bles des condamnations aux dommages-intérêts, amendes, frais, confiscations,
restitutions et sanctions pécuniaires quelconques prononcées pour infraction aux
dispositions de la loi contre leurs organes ou préposés;
– l’affichage du jugement de condamnation à l’extérieur ou à l’intérieur des éta-
blissements du contrevenant, ou la publication de ce jugement aux frais du

1. Corr. Charleroi, 4 janv. 1995, Rev. dr. pén., 1995, p. 876.


2. A. Zenner, ‘La responsabilité du donneur de crédit en cas de faillite d’un client débiteur’, Rev. Banq.,
1974, pp. 733-736; Cass. fr. (crim.), 18 mai 1976, D., 1976, cah. 1, pp. 32-33.
3. Cass., 29 oct. 1973, Pas., 1974, I, p. 221 et concl. P. Mahaux.
4. J. Constant, Précis de droit pénal, Les principes généraux, Liège, 6e éd., 1975, pp. 105-107, no 73;
Cass., 7 oct. 1994, J.T.T., 1996, p. 81; E. Roger-France, ‘La délégation de pouvoirs en droit pénal ou
comment prévenir le risque pénal dans l’entreprise’, J.T., 2000, pp. 257-264. P. Waeterinckx, ‘La
responsabilité pénale, un risque maı̂trisable pour l’entreprise ? La délégation de pouvoirs en droit
pénal’, Rev. dr. pén., 2003, p. 425 et s.; J. Spreutels, F. Roggen, E. Roger France, Droit pénal des
affaires, Bruylant, 2005, pp. 88-111.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 15

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 15, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

contrevenant par la voie des journaux, est rendue possible, par exemple, par
l’article 459 du Code des impôts sur les revenus;
– la confiscation des bénéfices illicites réalisés à la faveur de l’infraction; cette
sanction est rendue facultative, par exemple, par l’article 108 de la loi précitée du
14 juillet 1991;
– la fermeture de l’établissement peut parfois être prononcée par le tribunal; cette
fermeture ne peut pas excéder un an dans le cas prévu par l’article 9, § 5, de
l’arrêté-loi du 22 janvier 1945 sur la réglementation économique et les prix;
– l’injonction de faire avec ou sans astreinte; celle-ci se rencontre notamment dans
l’article 41 de la loi du 10 juin 2006 sur la protection de la concurrence écono-
mique, qui permet au Conseil de la concurrence d’infliger une astreinte à l’en-
treprise qui ne respecterait pas l’ordre de rétablissement de la concurrence
effective.
– le mécanisme des amendes administratives et le paiement de transactions adminis-
tratives: ce double mécanisme, même s’il est un peu en marge de l’aspect pénal des
infractions au sein des entreprises, doit néanmoins être perçu également comme un
moyen de faire supporter par la société elle-même le poids de la sanction en cas de
transgression des normes; la plus importante disposition légale concernant les
amendes administratives réside dans la loi du 30 juin 1971 relative aux amendes
administratives applicables en cas d’infraction à certaines lois sociales et qui
peuvent être infligées par le ministre de l’emploi et du travail en cas de certaines
violations de droit pénal social; cette législation a servi de texte de référence pour
de nombreuses législations ultérieures; le mécanisme ainsi mis au point a cepen-
dant subi la censure de la Cour d’arbitrage qui a conclu à la violation du principe
constitutionnel d’égalité dans la mesure où le tribunal du travail ne pouvait pas
réduire l’amende au-dessous du minimum légal, alors que, pour une même
infraction à une loi permettant l’application de l’article 85 du Code pénal, le
tribunal correctionnel pouvait infliger une amende inférieure au minimum légal
s’il existait des circonstances atténuantes 1; fort de cette leçon, le législateur belge a
modifié la loi 2; la Cour d’arbitrage a encore été à la base de diverses modifications
légales dans ce domaine du droit social 3; mentionnons encore, pour illustrer le
mécanisme des amendes administratives, la loi du 10 juin 2006 sur la protection de
la concurrence économique 4, ainsi que la loi du 11 janvier 1993 relative à la

1. C.A. 14 juill. 1997, Rev. dr. pén., 1997, p. 1238; F. Lagasse, ‘Amendes administratives, droit pénal
général et Cour d’arbitrage – Considérations sur les arrêts rendus le 14 juillet 1997 par la Cour
d’arbitrage’, J.T.T., 1997, p. 353 et s. C.A., 30 juin 1999, arrêt n8 76/1999, M.B., 24 nov. 1999, J.T.,
1999, 768, note O. Michiels, et J.T.T. 1999, 449, note F. Lagasse, ‘Amendes administratives,
circonstances atténuantes et Cour d’arbitrage’.
2. Art. 76 L. du 13 févr. 1998, insérant art. 1ter dans L. du 30 juin 1971. Cette disposition n’a pas été
censurée par C.A., 30 juin 1999, M.B., 24 nov. 1999.
3. F. Lagasse, Manuel de droit pénal social, Larcier, 2003, pp. 123-150. C.A., 16 juin 2004, arrêt n8 105/
2004, M.B., 5 oct. 2004, J.T.T., 2004, p. 497, note F. Lagasse et V. Marchand. Art. 145 de la loi-
programme du 27 déc. 2004 et art. 22 de la loi du 27 déc. 2004 portant des dispositions diverses, M.B.,
31 déc. 2004.
4. M. Waelbroeck et J. Bouckaert, ‘La loi sur la protection de la concurrence économique’, J.T., 1992,
pp. 281-297; P. De Vroede, De wet tot bescherming van de economische mededeling, Gand, Mys &
Breesch, 1997, 410 p. P. de Wolf, ‘Les sanctions aux infractions commises en droit de la concurrence
économique’, Ing.-Cons., 2003, pp. 60-82. M. Beeuwsaert, ‘Programme d’amendes dans le cadre de la
loi sur la protection de la concurrence économique’, R.D.C., 2004, pp. 936-938.

16 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 16, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de


capitaux 1; le mécanisme de la transaction administrative peut être illustré par
l’article 263 de la loi générale sur les douanes et accises et par les dispositions
légales prises sur cette base, point central de la lutte en Belgique contre les
opérations de fraude à l’Union européenne en matière notamment de politique
agricole commune 2, ou encore par les dispositions de la loi du 14 juillet 1991 sur
les pratiques du commerce et sur l’information et la protection du consommateur 3.

100 La loi du 4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes morales:
les raisons et les étapes du changement
La Belgique était encore un des rares pays européens 4 à ne pas connaı̂tre le principe de
la responsabilité pénale des personnes morales; un concert très important de voix,
spécialement internationales, s’était élevé de manière de plus en plus pressante en
faveur de l’adoption de ce régime également en droit belge: nombreux étaient les
avertissements émanant de divers organismes internationaux, dont le Conseil de
l’Europe, et nombreuses étaient les recommandations émanant de commissions
d’enquêtes parlementaires belges qui insistaient sur la nocivité croissante et spécifique
de la délinquance des personnes morales et sur les écueils d’une intervention pénale
classique en ce domaine 5.
C’est à dessein et en réponse à des objections doctrinales que le législateur belge a
opté pour un régime de responsabilité pénale des personnes morales et non pour un

1. J. Thony, ‘Les mécanismes de traitement de l’information financière en matière de blanchiment de


l’argent’, Rev. dr. pén., 1996, pp. 1031-1062; G. Nejman, ‘La loi du 11 janvier 1993 sur le blanchiment
et la répression de la fraude fiscale’, in X, La nouvelle législation bancaire belge – Yearbook 1994,
Gand, Mys & Breesch, 1994, pp. 105-110. J.-P. Spreutels et P. de Mûelenaere (s.l.d.), La cellule de
traitement des informations financières et la prévention du blanchiment de capitaux en Belgique,
Bruxelles, Bruylant, 2003.
2. C. Van den Wyngaert, ‘E.E.G.-fraude en strafrecht: waarom komen er zo weinig fraudegevallen
voor de strafrechter?’, in Liber amicorum Jules D’Haenens, Gand, Mys & Breesch, 1993, pp. 333-354;
J. Messine et F. Bultot, Les instruments juridiques belges de lutte contre la fraude aux intérêts
financiers des Communautés européennes, éd. Centre d’étude pour l’application du droit communau-
taire en matière pénale et financière, Bruxelles, Bruylant, 1998, 325 p.; D. Merckx, ‘Transactie inzake
douane en accijnzen’, note sous Anvers, 24 déc. 1978, R.W., 1988-1989, pp. 96-97. P. Doelle, ‘De la
création de l’Office européen de la lutte antifraude (OLAF) – Vers une possible communautarisation de
la protection pénale des intérêts financiers communautaires’, R.P.D.B., 2001, p. 801 et s. F. Dester-
beck, ‘De toegevoegde waarde van OLAF. Enkele beschouwingen over de bewijswaarde van OLAF-
verslagen in het strafonderzoek en voor de strafrechtsmachten in België’, R.W., 2005-2006, pp. 801-
813.
3. P. De Vroede, ‘De wet op de handelspraktijken – Van depenalisatie naar administratiefrechtelijke
rechtshandhaving’, in Liber amicorum Marc Châtel, Kluwer, 1991, pp. 131-152; J. Fagnart, ‘Bou-
tiquiers et consommateurs: même combat?’, in X, Les pratiques du commerce – Premier bilan et
perspectives d’application de la loi du 14 juillet 1991, éd. Fac. dr. Univ. Libre Bruxelles, Bruylant,
1994, pp. 5-26.
4. Pour un examen de droit comparé, voy. ‘Collectif, La responsabilité pénale dans l’entreprise – vers un
espace européen unifié?’, Rev. sc. crim., 1997, p. 253 et s., no 2; S. Geeroms, ‘De toerekening van het
misdrijf aan de rechtspersoon – een rechtsvergelijkende analyse’, Panopticon, 1997, p. 421 et s.;
M. Faure et K. Schwarz, De strafrechtelijke en civielrechtelijke aansprakelijkheid van de rechts-
persoon en zijn bestuurders, Interscientia, 1998, 283 p.; Association Capitant, La responsabilité –
aspects nouveaux, (Journées panaméennes), dont le rapport général de R. Roth sur La responsabilité
pénale des personnes morales, et les rapports de Belgique, Brésil, Canada, Colombie, France, Italie,
Luxembourg et Pays-Bas, L.G.D.J., 1999, tome L, 821 p.
5. Sur ces raisons, voy. notamment F. Deruyck, ‘Pour quand la responsabilité pénale des personnes
morales en droit pénal belge?’, J.T., 1997, pp. 697-704; Chr. Hennau, G. Schamps et J. Verhaegen,
‘Indispensable responsabilité de l’entreprise, inacceptable culpabilité collective – A propos de l’avant-
projet de loi belge relative à la responsabilité pénale des personnes morales’, J.T., 1998, pp. 561-570,
prolongé par Y. Hannequart, ‘La responsabilité pénale des personnes morales: punir l’être collectif
ou corriger ses déficiences?’, J.T., 1999, pp. 281-283. Adde, p. ex., le rapport de la Commission
d’enquête parlementaire du Sénat sur la criminalité organisée.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 17

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 17, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

régime de mesures de sûreté : les rédacteurs de la loi ont conçu la personne morale
comme une réalité sociale qui peut commettre une faute pénale propre et doit donc
aussi pouvoir être tenue responsable sur le plan pénal, en telle sorte qu’il n’est pas
recouru au modèle-fiction, selon lequel la personne morale est purement considérée
comme une collectivité de personnes physiques individuelles.

110 Le principe de la responsabilité pénale des personnes morales: un principe


presque général 1, 2
Le régime nouveau consacré par la loi du 4 mai 1999 a tout d’abord valeur de principe
général dès lors qu’il est affirmé pour toutes les matières pénales, sans distinction
entre le droit pénal commun, le droit pénal fiscal, le droit pénal de l’environnement, le
droit pénal social, ou d’autres subdivisions du droit pénal particulier: l’affirmation du
principe de la responsabilité pénale des personnes morales est en effet inscrite dans un
nouvel article 5 du Code pénal, ce qui, par l’effet de l’article 100 du Code pénal, rend
ce principe applicable à toutes les infractions pénales. Il n’y aurait, pour tenir ce
principe général en échec, que le recours à des dispositions contraires dans les lois et
règlements particuliers, technique non encore utilisée par des lois et règlements
particuliers depuis la publication de la loi du 4 mai 1999 au Moniteur belge du 22 juin
1999.
Le régime nouveau a par ailleurs valeur de principe général renforcé puisque, par le
recours au mécanisme de l’assimilation, il est déclaré applicable à des groupements
qui ne constituent pas, sur le plan juridique, des personnes morales, c’est-à-dire qui ne
disposent pas de la personnalité juridique au plan civil (mais qui bénéficient de la sorte
d’une «personnalité juridique pénale») ni par conséquent de patrimoine propre: de
manière limitative, l’article 5 du Code pénal, pour son objet, assimile aux personnes
morales les groupements suivants: les associations momentanées, les associations en
participation, les sociétés à objet commercial qui n’ont pas déposé les extraits de
certains actes au greffe du tribunal de commerce, les sociétés commerciales en
formation et les sociétés civiles qui n’ont pas pris la forme d’une société commerciale;
cette assimilation est présentée dans l’exposé des motifs comme justifiée par le souci

1. Pour un commentaire de la loi nouvelle, voy., parmi les auteurs francophones: A. Masset, ‘La loi du
4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes morales: une extension du filet pénal
modalisée’, J.T., 1999, pp. 653-660; F. Deruyck, ‘La loi du 4 mai 1999 sur la responsabilité pénale des
personnes morales’, R.D.C., 1999, p. 653 et s.; J. Messinne, ‘Propos provisoires sur un texte curieux: la
loi du 4 mai 1999 instituant la responsabilité des personnes morales’, Rev. dr. pén., 2000, pp. 637-659;
F. Kéfer, ‘La responsabilité pénale de la personne morale: une réponse de plus à la délinquance
d’entreprise’, in C.U.P., vol. 37, févr. 2000, Le point sur le droit pénal, pp. 7-40; Ch. Vanderlinden,
‘La loi instaurant la responsabilité pénale des personnes morales et le droit pénal social’, Rev. dr. pén.,
2000, pp. 660-688. M. Burton, ‘Le point sur la responsabilité pénale des personnes morales’, in
Actualités de droit pénal et de procédure pénale (I), Liège, Commission Université-Palais, CUP, déc.
2003, vol. 67, pp. 217-264. M. Nihoul (s.l.d.), La responsabilité pénale des personnes morales en
Belgique – une évaluation de la loi du 4 mai 1999 après cinq années d’application, La Charte, 2004,
429 p.; J. Spreutels, F. Roggen, E. Roger France, Droit pénal des affaires, Bruylant, 2005, pp. 51-
87.
2. Pour un commentaire de la loi nouvelle, voy., parmi les auteurs néerlandophones: Ph. Traest, ‘De wet
van 4 mei 1999, tot invoering van de strafrechtelijke verantwoordelijkheid van rechtspersonen’, T.R.V.,
1999, pp. 451-489; H. Van Bavel, ‘De wet van 4 mei 1999, tot invoering van de strafrechtelijke
verantwoordelijkheid van rechtspersonen’, A.J.T., 1999-2000, pp. 209-226; A. De Nauw et
F. Deruyck, ‘De strafrechtelijke verantwoordelijkheid van rechtspersonen,’ R.W., 1999-2000,
pp. 897-914. S. Van Dyck, ‘De (privaatrechtelijke) rechtspersoon als strafbare dader van een misdrijf’,
T. Straf., 2001, p. 227 et s. P. Waeterinckx, ‘De strafrechtelijke verantwoordelijkheid van de
rectoscope, een karaı̈te analyse van enkele capita selecta uit de eerste rechtspraak’, in Strafrecht van
nu en straks, Die Keure, 2003, pp. 181-269. M. Faure et P. Waeterinckx, ‘De strafrechtelijke
verantwoordelijkheid van de rechtspersoon: een blik op de rechtspraak en enkele knelpunten uit de
praktijk’, T. Straf., 2004, p. 318 et s.

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LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

d’éviter une discrimination entre entités économiques selon la forme juridique


qu’elles auraient adoptée. Il est à observer que cette assimilation n’embrasse pas les
associations sans but lucratif en formation (les associations sans but lucratif consti-
tuées sont évidemment concernées), ni certaines associations de fait comme les
syndicats ou les partis politiques; l’exposé des motifs précise que son objectif, par
le recours à la technique de l’assimilation, a d’abord été d’éviter des discriminations
entre des entités qui présentent des activités essentiellement économiques; ce motif,
pour réel qu’il puisse être, est cependant en porte à faux avec la reconnaissance de la
responsabilité pénale des associations sans but lucratif dont la grande majorité n’ont,
de fait, qu’une activité économique tout à fait réduite pour ne pas dire nulle 1.
Le régime nouveau a par contre valeur de principe général relatif puisque, par le
recours au mécanisme de l’exclusion, il est déclaré inapplicable à certaines personnes
morales de droit public: sont expressément exclues du champ d’application de l’article
5 du Code pénal «l’Etat fédéral, les régions, les communautés, les provinces, l’agglo-
mération bruxelloise, les communes, les zones pluricommunales, les organes territo-
riaux intracommunaux 2, la Commission communautaire française, la Commission
communautaire flamande, la Commission communautaire commune et les centres
publics d’aide sociale»: l’exposé des motifs du projet de loi exclut ces entités pour le
motif 3 qu’elles disposent d’un organe directement élu selon des règles démocrati-
ques 4; les autres personnes morales de droit public, par exemple les entreprises
publiques autonomes, ne répondent en effet pas à cette particularité; le motif avancé
pour exclure tous les centres publics d’aide sociale est plus particulier: seule une
dizaine de ces institutions dispose également d’un organe directement élu selon des
règles démocratiques et cette catégorie devait dès lors être exemptée du principe; tous
les C.P.A.S. bénéficient cependant de ce régime d’exemption, car il a été estimé
qu’introduire une discrimination au détriment des C.P.A.S. non élus directement,
aurait constitué une discrimination inacceptable 5.
Les entités et groupements qui ne se voient pas ainsi reconnaı̂tre cette «personnalité
juridique pénale» ne peuvent être inquiétées pénalement en tant que telles: la
responsabilité pénale sera approchée par le recours à la technique classique de

1. Sur cette question, voy. Commission Droit et Vie des Affaires, Univ. Liège, Actes du colloque des
20-21 mars 1985, Les A.S.B.L.: évaluation critique d’un succès, Gand, Story-Scientia, 1985, 556 p.
2. Ces institutions sont prévues par l’article 41 de la Constitution.
3. Il a été jugé par la Cour d’arbitrage, dans un arrêt n8 128/2002 du 10 juill. 2002, M.B., 13 nov. 2002,
que la différence de traitement entre personnes morales selon qu’elles disposent d’un organe démo-
cratiquement élu ou non repose sur un critère objectif et que, partant, cette disposition ne violait pas les
art. 10 et 11 de la Constitution.
4. Les bourgmestres et échevins communaux sont donc exclus du champ d’application de la loi du 4 mai
1999; pour un cas d’application, voy. notamment, Cass., 3 mars 1999, Rev. dr. pén., 1999, p. 1197; ce
régime discriminatoire a cependant été adouci pour les mandataires communaux par l’effet d’une loi du
4 mai 1999 également (M.B., 28 juill. 1999) relative à la responsabilité civile et pénale des bourgmes-
tres, échevins et membres de la députation permanente; sur cette loi, voy. A. Masset, ‘La loi du 4 mai
1999 relative à la responsabilité civile et pénale des bourgmestres, échevins et membres de la
députation permanente’, in C.U.P., vol. 37, févr. 2000, Le point sur le droit pénal, pp. 249-267. Adde
la loi du 10 février 2003 relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des
personnes publiques, M.B., 27 févr. 2003, et les commentaires de cette loi par: L. Kerzmann, ‘La loi
du 10 févier 2003 relative à la responsabilité des agents des services publics’, R.G.A.R., 2004, p. 13877;
par S. Covenaeker, ‘De nieuwe wet van 10 februari 2003 betreffende de aansprakelijkheid van en voor
personeelsleden in dienst van openbare rechtspersonen’, R.G.D.C., 2003, p. 476 et s.; et par J. De
Staercke, C.D.P.K., 2003, p. 183-195. Adde, C.A., 12 janv. 2005, J.L.M.B., 2005, p. 595, obs.
concluant à une absence de violation des art. 10 et 11 de la Constitution à propos de cette exclusion;
comp. M. Nihoul, ‘L’immunité pénale des collectivités publiques est-elle «constitutionnellement
correcte»’ ?, Rev. dr. pén., 2003, pp. 799-839.
5. Il s’agit des C.P.A.S. visés à l’article 17bis de la loi organique du 8 juillet 1976, à savoir les C.P.A.S.
des communes de la périphérie bruxelloise, de Comines et de Fourons.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 19

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TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

recherche de la responsabilité pénale individuelle des personnes physiques composant


ces entités et groupements.
Enfin, le rapport parlementaire précise laconiquement que «il n’est pas explicité
que le changement de forme de la personne morale (par fusion, scission, absorption ou
changement de forme juridique) n’a en tant que tel pas d’influence sur la responsa-
bilité. Cela découle cependant automatiquement des règles du droit des sociétés» 1.
2
Ph. Hamer estime que, en dehors de ces hypothèses de fraude retenues par
l’article 20, alinéa 2, du titre préliminaire du Code de procédure pénale, la nouvelle
entité créée à la suite de la fusion ou de la scission ne ‘continue’ pas la personne
morale disparue et n’est plus tenue sur le plan pénal des infractions éventuellement
commises par cette dernière avant l’opération de restructuration, contrairement aux
principes applicables à la responsabilité civile; il ajoute que cette solution ne trouvera
pas à s’appliquer en matière de transfert de branche ou d’universalité car il n’y a pas de
disparition de la personne morale cédante; il poursuit en précisant qu’en cas de cession
de parts, la personnalité juridique de la société cédante n’est pas affectée, seul
l’actionnariat se trouvant modifié, en telle sorte que la personne morale pourra être
poursuivie ou condamnée pour des infractions commises avant la cession d’actions:
cet auteur attire dès lors l’attention sur le soin particulier à mettre dans la rédaction des
conventions de cession. Ajoutons qu’une société en faillite peut être poursuivie
pénalement 3.

115 Le principe de la responsabilité pénale des personnes morales: la personne


morale est punissable, tantôt seule, tantôt avec la personne physique
Le champ d’application de l’article 5 C.P.
‘Toute personne morale est pénalement responsable des infractions qui sont intrinsè-
quement liées à la réalisation de son objet, ou à la défense de ses intérêts, ou de celles
dont les faits concrets démontrent qu’elles ont été commises pour son compte’.
‘Lorsque la responsabilité de la personne morale est engagée exclusivement en
raison de l’intervention d’une personne physique identifiée, seule la personne qui a
commis la faute la plus grave peut être condamnée. Si la personne physique identifiée
a commis la faute sciemment et volontairement, elle peut être condamnée en même
temps que la personne morale responsable’.
On ne dira jamais assez combien ce régime est alambiqué et inutilement
compliqué 4.
L’imputabilité matérielle
Le régime nouveau de la responsabilité pénale institué par la loi du 4 mai 1999 ne
trouve à s’appliquer que dans les hypothèses énumérées par la loi et qui concrétisent

1. Rapport fait au nom de la Commission de la justice du Sénat par Madame Jeanmoye, Doc. parl., Sén.,
no 1217/6, p. 3; notons que l’article 13, alinéa 2 de la loi nouvelle permet le maintien de l’exercice de
l’action publique dans ces hypothèses si cette transformation de la société a eu pour but d’échapper à la
répression – Doc. parl., Ch. repr., no 2093/5, pp. 38-39.
2. Ph. Hamer, ‘Incidence d’opérations particulières sur la responsabilité pénale des personnes morales:
constitution et dissolution de la société, scission, cession de parts, de branche d’activité ou d’univer-
salité’, in La responsabilité des personnes morales: punir plus ou punir mieux les entreprises?, Journée
d’étude organisée par Skyroom Events, Bruxelles, 28 sept. 1999, 11 p., spéc. pp. 4-6.
3. Corr. Gand, 28 janv. 2003, J.D.S.C. 2004, p. 334, note P. Lambrecht et V. Bosly, T.M.R. 2003, p.
314.
4. M. Nihoul (s.l.d.), La responsabilité pénale des personnes morales en Belgique – une évaluation de la
loi du 4 mai 1999 après cinq années d’application, La Charte, 2004, pp. 17-164. Cette étude se
complète d’une analyse statistique du Service de la politique criminelle portant sur les jugements en
application de la loi, pp. 275-306.

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LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

dès lors le critère de l’imputabilité matérielle de l’infraction 1 dans le chef de la


personne morale.
Ces hypothèses d’imputation matérielle sont au nombre de trois, à savoir:
2
. lorsque les infractions en cause sont intrinsèquement liées à la réalisation de
l’objet de la personne morale, ou
. lorsque les infractions en cause sont intrinsèquement liées à la défense de ses
intérêts, ou
. lorsque les faits concrets démontrent que les infractions en question ont été
commises pour le compte de la personne morale
Il peut s’en déduire que la responsabilité pénale des personnes physiques concernées
est seule en cause dans les situations où ces personnes physiques en lien avec la
personne morale n’ont fait que profiter du cadre juridique ou matériel de la personne
morale pour commettre des infractions dans leur intérêt ou pour leur compte; tel serait
le cas du dirigeant d’entreprise qui, par l’utilisation de la structure de la société,
réaliserait à son seul profit une escroquerie; il ne s’agissait pas pour la loi nouvelle
d’instaurer une responsabilité pénale objective dans le chef de la personne morale
pour le seul motif que l’infraction aurait été commise en son sein.
L’imputabilité morale
L’imputabilité morale de l’infraction dans le chef d’une personne morale a toujours
posé problème aux pénalistes.
En ce qui concerne l’article, 5 alinéa 1er C.P., l’exposé des motifs du projet de loi
enseigne: ‘Le projet n’explicite pas le mode d’imputation des faits à la personne
morale. Il a été considéré qu’il s’agit d’une question de fait qui doit être laissée à
l’appréciation du juge. Il devra être établi soit que la réalisation de l’infraction découle
d’une décision intentionnelle prise au sein de la personne morale, soit qu’elle résulte,
par un lien de causalité déterminé, d’une négligence au sein de la personne morale. On
vise par exemple l’hypothèse où une organisation interne déficiente de la personne
morale, des mesures de sécurité insuffisantes ou des restrictions budgétaires dérai-
sonnables ont créé les conditions qui ont permis la réalisation de l’infraction; le juge se
basera cependant sur l’attitude des organes au sein de la personne morale, y compris
les organes de fait, qui ne peuvent pas nécessairement être identifiés comme personnes
physiques; la responsabilité pénale de la personne morale peut aussi être la consé-
quence de faits matériels commis par certains de ses préposés ou mandataires’.
Ces précisions peuvent paraı̂tre contradictoires en ce que, pour apprécier l’élément
moral requis dans le chef de la personne morale, la loi donne pour seul guide au juge la
référence à l’attitude d’une série de personnes physiques rattachées de près ou de loin
à ladite personne morale.
L’exposé des motifs précise encore: ‘Elles (= les instances dirigeantes) doivent
alors au moins avoir eu connaissance de l’intention de commettre l’infraction et y
avoir consenti ou bien avoir incité elles-mêmes à la commission de l’infraction. Dans
le cas d’infractions non intentionnelles, il devra être démontré qu’elles ont eu
connaissance du risque de réalisation de l’infraction et ont négligé de prendre les
mesures pour éviter celle-ci. Si la loi requiert un dol général ou spécial comme
élément constitutif, il sera nécessaire d’établir que celui-ci est également présent dans
le chef des instances dirigeantes’.

1. Ph. Deruyck, R.D.C., o.c., p. 654.


2. ‘Intrinsèquement’ est à comprendre par opposition à ‘occasionnellement’, selon Chambre, Doc. parl.
no 2093/5, p. 26; ce terme renforce l’idée du lien de l’infraction avec la personne morale et tente ainsi
de préciser le caractère exceptionnel de cette responsabilité pénale.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 21

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TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

Cumul ou non des responsabilités pénales


L’article 5, alinéa 2, C.P.
L’article 5 alinéa 2 devrait permettre de faire un sort à la question du concours ou du
cumul des responsabilités pénales de la personne morale et d’une ou de plusieurs
personnes physiques identifiées, pour une même infraction, cumul qui s’opposerait au
principe de subsidiarité de la responsabilité pénale de la personne morale par rapport à
celle de la personne physique.
Observons en préambule une contradiction in terminis puisque les règles du cumul
prennent place, selon l’expression même de la loi, lorsque la responsabilité pénale de
la personne morale est engagée exclusivement en raison de l’intervention d’une
personne physique identifiée: ‘cumul’ et ‘exclusivement’ sont évidemment antinomi-
ques et le législateur aurait pu se dispenser de ce genre de bourdes.
Il est à préciser que l’absence d’identification concrète d’une personne physique, ce
qui exclura toute possibilité de cumul, peut se présenter dans les hypothèses d’in-
fractions ayant eu recours au mécanisme déjà expliqué de l’imputation légale 1, ou
dans les hypothèses où les infractions se concrétisent dans des décisions émanant d’un
organe collégial, ou lorsque les faits sont tels 2.
Les travaux préparatoires sont contradictoires en ce qu’il n’est pas possible de
déterminer le champ d’application des hypothèses de cumul ou d’absence de cumul: la
divergence d’opinions entre les auteurs de doctrine 3 a été tranchée par la jurispru-
dence et par un arrêt de la Cour de cassation 4.
En substance, il n’importe pas de savoir si l’élément moral requis par le texte pénal
est à situer dans les infractions volontaires ou involontaires ou réglementaires; le seul
critère qui importe est de s’arrêter aux faits et d’examiner comment la personne
physique d’une part, la personne morale d’autre part ont agi en scrutant l’état d’esprit
concret de chacune des personnes au moment de l’infraction; si les faits démontrent

1. L’exposé des motifs, pp. 5-6, en réponse à une critique émise par le Conseil d’Etat, indique que
l’adoption du projet de loi imposera, à terme, l’examen de l’opportunité de la suppression des
législations qui ont eu recours aux mécanismes de l’imputation légale ou conventionnelle, afin d’éviter
des contradictions entre les principes posés par le projet et ceux repris dans ces législations; il est
précisé que cet examen devra aussi concerner le mécanisme de la responsabilité civile des personnes
morales pour le paiement des amendes prononcées à charge des organes de la personne morale, et le
mécanisme des sanctions administratives; ces questions ont également été débattues au Parlement, voy.
Sénat, Doc. parl., no 1217/6, p. 19 et 29-30, et rencontrées, pour la première par l’adoption de
l’art. 50bis nouveau du Code pénal, pour la seconde par le principe non bis in idem d’après les dires
du ministre de la Justice (Chambre, Doc. parl., no 2093/5, p. 3). Cette imputabilité légale paraı̂t avoir
été abrogée implicitement, voy. M. Nihoul (s.l.d.), La responsabilité pénale des personnes morales en
Belgique – une évaluation de la loi du 4 mai 1999 après cinq années d’application, La Charte, 2004, pp.
76-85.
2. Sénat, Doc. parl., no 1217/6, p. 9: ‘Comment prouve-t-on le dol spécial sans aboutir matériellement
chez une personne physique? Le ministre affirme que, dans la plupart des cas, les personnes physiques
seront identifiées. On peut cependant imaginer, au sein d’une organisation, un recours systématique à
des faux, sans pouvoir identifier la personne qui a matériellement écrit le document. Par les circon-
stances de fait (multiplication des faux dans le temps et le nombre), le juge peut être convaincu qu’il
s’agit d’une pratique de la personne morale même. Il n’est pas nécessaire de constater que telle
personne identifiée a matériellement établi le document en question’.
3. Sur l’exposé de cette controverse et sa formulation in abstracto v. in concreto, voy. Ph. Traest, T.R.V.,
o.c., pp. 466-469.
4. Cass., 4 mars 2003, J.L.M.B., 2004, p. 24, concl. av. gén. M. De Swaef, dans une hypothèse
d’infraction réglementaire de dégâts causés au revêtement routier par surcharge d’un moyen de
transport (violation de l’art. 56 du décret flamand du 19 déc. 1998 contenant diverses mesures
d’accompagnement du budget 1999). Il est à noter que cet article, interprété en ce sens qu’il établit
une présomption irréfragable d’endommagement du revêtement routier, viole les art. 10 et 11 de la
Constitution, combinés avec l’art. 6.2 CEDH et avec l’art. 14.2 PIDCP, mais qu’il ne viole pas ces
articles s’il est interprété en ce sens qu’il n’établit pas une présomption irréfragable, selon C.A., n8 81/
2003, 11 juin 2003, M.B., 7 nov. 2003.

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LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

qu’elles ont agi l’une et l’autre sciemment et volontairement, le cumul est alors
possible; par contre, si les faits démontrent qu’elles n’ont pas agi l’une et l’autre
sciemment et volontairement, seule la personne qui a commis la faute la plus grave est
condamnée.
Si l’infraction traduit un comportement intentionnel ou volontaire (par exemple,
une infraction de corruption), tant la personne morale que la personne physique
peuvent 1 être condamnées conjointement, par application des règles du cumul des
responsabilités (le cumul est donc possible). Par contre, si l’infraction traduit un
comportement non intentionnel ou involontaire (par exemple, une infraction d’homi-
cide involontaire commise sur un chantier où un ouvrier d’usine a trouvé la mort à la
suite de l’utilisation d’un matériel défectueux parce que non entretenu), seule sera
condamnée la personne, morale ou 2 physique, qui a commis la faute la plus grave 3
dans un travail d’appréciation des fautes respectives 4 qui est abandonné à la sagesse
des juges 5, en telle sorte que le cumul est exclu dans ce cas.
En résumé, si le dossier révèle des comportements intentionnels, le cumul des
responsabilités de la personne physique et de la personne morale est possible, alors
qu’il est interdit si le dossier révèle des comportements non-intentionnels 6.
Le non-cumul des amendes dans le chef du civilement responsable
Dans le cadre d’un autre cumul, à savoir le cumul des responsabilités pénale et civile
pour autrui, c’est de manière apparemment opportune 7 que l’article 50bis nouveau du
Code pénal porte que ‘nul ne peut être tenu civilement responsable du paiement d’une

1. Il a été jugé par la Cour d’arbitrage, dans l’arrêt précité du 10 juill. 2002, que le pouvoir d’appréciation
ainsi attribué au juge n’est pas plus large que celui dont il dispose de manière générale en matière
pénale, en telle sorte qu’il n’y a pas atteinte discriminatoire au principe de légalité des incriminations.
2. C.A., 5 mai 2004, J.L.M.B., 2004, p. 1748, obs. L. Bihain.
3. La cause d’excuse absolutoire ainsi instituée par la loi nouvelle a été jugée ne s’appliquer qu’aux
infractions commises après l’entrée en vigueur de la loi, par Cass., 3 oct. 2000, J.L.M.B., 2001, p. 408,
obs. L. Bihain, et Rev. dr. pén., 2001, p. 865, conclusions ministère public M. De Swaef, et A.J.T.,
2000-2001, p. 493, note H. Van Bavel, alors que certaines juridictions de fond avaient décidé en sens
contraire à la lumière de l’article 2, alinéa 2 du Code pénal (Anvers, 22 juin 2000, A.J.T., 2000-2001, p.
327; comp. note B. Spriet sub Cass., 14 janv. 2000, T. Strafr., 2000, p. 222): la Cour de cassation a
invoqué l’objectif poursuivi par la nouvelle disposition légale pour fonder sa solution. M. Nihoul,
‘Contre l’abrogation implicite en matière de responsabilité pénale des personnes morales au nom de la
sécurité juridique’, C.D.P.K., 2004, pp. 1-62. La Cour a confirmé cette jurisprudence par Cass., 26 févr.
2002, Rev. dr. pén., 2003, p. 1065, A.J.T., 2001-2002, liv. 38, 1005, note H. Van Bavel, et R.W., 2002-
2003, liv. 4, 134, concl. M. De Swaef, en justifiant également cette solution par rapport aux art. 7 de la
Convention européenne des droits de l’homme et 15, § 1er, du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques (voy. le rapport de la Cour de cassation, 2002, pp. 94-95). Dans le même sens, Cass.,
11 déc. 2002, J.T., 2003, p. 547. Adde, C.A., 9 avril et 2 juill. 2003, arrêts nos 42/2003 et 99/2003, M.B.,
28 juill. 2003 et 17 nov. 2003, qui tranchent que l’art. 5, al. 2, C.P. ne viole pas les art. 10 et 11 de la
Constitution en tant qu’il ne s’applique pas aux faits commis avant son entrée en vigueur.
4. L’art. 5, al. 2, C.P., ne trouve à s’appliquer que si la personne morale et la personne physique
poursuivies le sont pour le même fait infractionnel; Cass., 10 mars 2004, n8 P.03.1233.F, sur le site
internet de la Cour.
5. Par l’arrêt précité du 10 juill. 2002, la Cour d’arbitrage a estimé que le large pouvoir d’appréciation
ainsi attribué au juge n’était pas discriminatoire et que la disposition ne violait pas l’exigence de
prévisibilité à laquelle doit satisfaire toute disposition pénale.
6. Voy. pour un exemple particulier Corr. Bruxelles, 8 déc. 2004, Chron. D.S. 2005, 460, note P.
Brasseur: ‘En cas d’homicide involontaire, toute faute, même légère, constitue un défaut de pré-
voyance ou de précaution au sens de l’article 418 du Code pénal. C’est le cas, par exemple, du
harcèlement qui dépasse la simple tracasserie et qui ne peut être considéré comme une réaction
normale à un éventuel dysfonctionnement de la victime.
Lorsqu’un délit non intentionnel est la conséquence directe de fautes intentionnelles commises par des
personnes physiques dont une personne morale est responsable et que ces fautes sont en rapport avec
l’exécution des tâches par ces personnes physiques, la personne morale ne peut invoquer le décumul de
la responsabilité pénale prévu à l’article 5 alinéa 2 du Code pénal.’
7. Sénat, Doc. parl. no 1217/6, p. 30: ‘Le ministre rappelle qu’il s’agit d’éviter le cumul de la responsa-
bilité civile pour une peine, avec la peine elle-même.’

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 23

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TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

amende à laquelle une autre personne est condamnée, s’il est condamné pour les
mêmes faits’.
Cette disposition a cependant perdu de vue d’une part que les dispositions du livre
Ier du C.P. sont, par l’effet de l’article 100 C.P. ou par une disposition spéciale,
applicables à toutes les législations particulières, sauf exceptions, et d’autre part que
bon nombre de législations particulières, par exemple le Code d’impôts sur les
revenus, déclarent, par une disposition spéciale, les personnes morales civilement
responsables du paiement des amendes prononcées contre les personnes physiques de
l’entreprise 1: cette omission du législateur a pour effet de priver d’utilité cet
article 50bis C.P. et ne met donc pas l’entreprise, elle-même condamnée à une
amende, à l’abri de sa responsabilité civile pour le paiement de l’amende prononcée
contre son dirigeant ou son préposé lui-même condamné à une amende 2.
La situation de la victime en l’absence de cumul
Il a été jugé à plusieurs reprises que la personne, physique ou morale, qui bénéficie de
la cause d’excuse inscrite dans l’article 5 du Code pénal, reste cependant tenue des
conséquences civiles envers la victime 3.

120 Le régime des sanctions pénales applicables aux personnes morales déclarées
coupables
De manière résumée, il peut être précisé que les sanctions pénales pouvant venir
frapper une personne morale reconnue coupable, sont les suivantes, telles qu’elles
apparaissent dans le nouvel article 7bis du Code pénal 4:
1. L’amende
La peine de privation de liberté étant évidemment inconcevable pour sanctionner une
personne morale, l’amende devient la peine principale applicable à toutes les infrac-
tions commises par les personnes morales.
L’idée de base, traduite dans le nouvel article 41bis du Code pénal, est de retenir un
système de conversion des peines privatives de liberté applicables aux personnes
physiques, en peines d’amende à appliquer aux personnes morales.
Le droit pénal belge reste construit sur une classification tripartite des infractions
(crimes-délits-contraventions) par référence à la gravité de la peine (de privation de
liberté essentiellement, d’amende accessoirement) attachée à toute incrimination.
Dès lors, lorsque l’incrimination porte, pour les personnes physiques, une peine
correctionnelle ou criminelle privative de liberté et/ou une amende correctionnelle ou
criminelle, l’amende applicable à la personne morale sera une amende minimale de
500 euros multipliés par le nombre de mois 5 correspondant au minimum de la peine
privative de liberté (avec un strict minimum ne pouvant être inférieur au minimum de
l’amende prévue par la loi pour sanctionner une personne physique du chef de cette
infraction), et dont le maximum s’élève à 2.000 euros multiplié par le nombre de mois
correspondant au maximum de la peine privative de liberté (ce maximum ne peut être

1. Voy. p. ex. les art. 457 et 458 , al. 2, C.I.R.


2. Ph. Traest, T.R.V., o.c., pp. 469-471.
3. C. trav. Anvers, 12 juin 2002, Chron. dr. soc., 2003, p. 97; Corr. Liège, 28 mars 2003, J.L.M.B., 2003,
p. 1331, et T. Straf., 2004, p. 187, note S. Van Dyck.
4. M. Nihoul (s.l.d.), La responsabilité pénale des personnes morales en Belgique – une évaluation de la
loi du 4 mai 1999 après cinq années d’application, La Charte, 2004, pp. 165-241.
5. Le législateur a perdu de vue que de nombreuses réglementations de droit pénal des affaires portent,
comme peine minimum d’emprisonnement, une peine de 8 jours, pour laquelle il n’existe donc aucun
système de conversion; dans ce cas, il nous paraı̂t que la peine d’amende doit s’établir au minimum de
la peine d’amende correctionnelle, soit 26 F.

24 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 24, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

inférieur au double du maximum de l’amende prévue par la loi pour sanctionner une
personne physique du chef de cette infraction); en ce qui concerne la peine criminelle
de réclusion à perpétuité, elle est convertie, pour les personnes morales, en une
amende de 240.000 à 720.000 euros, ce qui, compte tenu de la loi du 5 mars 1952
(modifiée par L. du 7 févr. 2003: coefficient multiplicateur de 5,5) relative aux
décimes additionnels sur les amendes pénales 1, porte cette amende en réalité à un
total compris entre 1.320.000 et 3.960.000 euros.
L’exemple d’une infraction de corruption active de fonctionnaires peut servir à
illustrer ce mécanisme de conversion: la personne physique coupable de cette
infraction encourt, selon les articles 252 et 247 du Code pénal, un emprisonnement
correctionnel de trois mois à trois ans et une amende de 100 à 3.000 euros; la personne
morale encourra donc une peine principale d’amende correctionnelle dont le mini-
mum sera de 500 6 3 = 1.500 euros (qui, de fait, n’est pas inférieur à 100 euros), et
dont le maximum sera de 2000 6 36 = 72.000 euros (qui, de fait, n’est pas inférieur à
6.000 euros); la personne morale encourt donc une amende de 1.500 à 72.000 euros
portés, par le jeu des décimes additionnels, à une fourchette comprise entre 8.250 et
396.000 euros.
Lorsque la peine prévue par la loi est seulement une amende correctionnelle ou
criminelle, aucune conversion n’est nécessaire puisque la loi précise que l’amende
pouvant frapper la personne morale est la même que l’amende pouvant frapper une
personne physique pour le même fait.
Lorsque la peine prévue par la loi est une peine principale de privation de liberté et/
ou d’amende de police, l’amende pouvant venir frapper la personne morale est une
amende de 25 à 250 euros (à savoir, avec l’effet multiplicateur, de 137,50 et
1.375 euros).
L’article 41bis, § 2 nouveau du Code pénal signifie que les principes généraux du
droit pénal compris dans les articles 1 à 100bis du Code pénal trouvent à s’appliquer
pour cette peine principale d’amende; cette considération implique notamment la
possibilité de réduction de la peine d’amende par l’effet de la reconnaissance des
circonstances atténuantes. Il a été précisé que la conversion en question devait être
effectuée avant d’appliquer les majorations ou diminutions liées aux circonstances
atténuantes, tentative, récidive, concours, participation... 2.
Par l’effet de l’article 21 de la loi du 4 mai 1999 emportant insertion d’un article
18bis dans la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation, le
même mécanisme de conversion de la peine privative de liberté pour les personnes
physiques en peine d’amende pour les personnes morales, est intégré pour permettre à
ces dernières de bénéficier également de ces mesures de faveur; il peut être pensé,
comme exemple de mesure de sursis probatoire, à l’obligation de réaliser dans un délai
déterminé des investissements dans des aménagements de sécurité au sein de l’en-
treprise condamnée pour homicide involontaire ou de présenter une nouvelle organi-
sation interne de nature à mettre fin à un climat délétère précédent. Observons que le
recours à ces mesures probatoires pourrait permettre de satisfaire les auteurs de
doctrine qui appelaient de leurs vœux un régime, non de sanctions pénales, mais bien
de mesures de sûreté.

1. Le jeu des décimes additionnels a été confirmé par le ministre de la Justice – Doc. parl., Sén., no 1217/
6, p. 27. Par l’effet de l’entrée en vigueur de l’euro, les amendes exprimées en francs sont converties en
euros et le coefficient multiplicateur des décimes additionnels est à présent porté à 5,5.
2. Voy. les amendements no 16 et 17, Doc. parl., Sén., no 1217/6, pp. 27-28. Ce système de conversion
avant application des principes généraux est impraticable, en telle sorte que le seul système satisfaisant
doit être le système inverse: appliquer par exemple d’abord les circonstances atténuantes puis convertir
la privation de liberté obtenue en amende; en ce sens, voy. J. Messinne, Rev. dr. pén., o.c., p. 648 et
Ph. Traest, T.G.R., o.c., p. 473.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 25

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 25, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

L’article 21ter du titre préliminaire du code de procédure pénale, introduit par la loi
du 30 juin 2000 (M.B., 2 déc. 2000), vaut également pour les personnes morales: en
cas de dépassement, par les poursuites pénales, du délai raisonnable, le juge peut
prononcer la condamnation par une simple déclaration de culpabilité ou prononcer une
peine inférieure à la peine minimale prévue par la loi.
2. La confiscation spéciale
Cette peine accessoire importante s’inscrit dans la réforme du droit belge qui avait
déjà complété la matière de la confiscation pour, par application des articles 42 à 43ter
du Code pénal, étendre cette mesure à la confiscation des avantages patrimoniaux tirés
directement de l’infraction, la confiscation des biens et valeurs qui ont été substitués à
ces avantages et la confiscation des revenus de ces avantages investis 1.
Le nouvel article 7bis du Code pénal interdit cependant la confiscation des choses
formant l’objet de l’infraction et des choses qui ont servi ou qui ont été destinées à
commettre l’infraction quand ces choses s’identifient à des biens appartenant à la
personne morale de droit public condamnée et déclarés civilement insaisissables 2.
3. La dissolution
La dissolution de la personne morale condamnée peut être décidée par le juge lorsque
la personne morale a été intentionnellement créée afin d’exercer les activités punissa-
bles pour lesquelles elle est condamnée ou lorsque son objet a été intentionnellement
détourné afin d’exercer de telles activités.
On peut imaginer que cette sanction ne devrait être prononcée dans cette dernière
hypothèse que si le détournement d’objet de la personne morale est répété et
systématique, plutôt que résultant d’un fait isolé ou d’une série isolée de faits 3.
Cette dissolution ne peut cependant pas être prononcée à l’égard des personnes
morales de droit public condamnées, mais pourrait frapper des personnes morales de
droit privé, souvent des A.S.B.L., qui exercent une mission de service public comme
par exemple des asbl agréées dans le domaine de l’accueil des enfants.
L’article 35 C.P. précise que, lorsqu’il décide la dissolution, le juge renvoie 4 la
cause devant la juridiction compétente pour connaı̂tre de la liquidation de la personne
morale: l’exemple-type peut concerner les sociétés écrans ou les sociétés ‘coquilles
vides’ dans le cadre de carrousels TVA; l’intérêt de poursuites pénales peut alors peut-
être résider dans la peine de confiscation.

1. Sur cette modification de la législation en matière de confiscation réalisée par l’introduction en droit
belge de l’incrimination de blanchiment (ou recel élargi), voy. J. Messinne, ‘La loi du 17 juillet 1990
modifiant les articles 42, 43 et 505 du Code pénal et insérant un article 43bis dans ce même Code’, J.T.,
1991, pp. 484-493; J. Pardon, ‘Le blanchiment d’argent et la lutte contre la criminalité axée sur le
profit’, Rev. dr. pén., 1992, pp. 741-757; A. Masset, L’infraction de blanchiment, Formation
permanente C.U.P., Liège, vol. VII, 1996, pp. 291-313.
2. Cette notion renvoie en réalité à l’article 1412bis du Code judiciaire. C. Nyssens, ‘Le principe de
l’immunité d’exécution des pouvoirs publics assoupli par le législateur’, R.R.D., 1994, pp. 299-311;
A. Stranart et P. Goffaux, ‘L’immunité d’exécution des personnes publiques et l’article 1412bis du
Code judiciaire’, J.T., 1995, pp. 437-447; adde Bruxelles 19 nov. 1997, R.W., 1997-1998, 1290:
‘Lorsque l’administration n’a pas fait la déclaration visée à l’art. 1412bis C. jud., une saisie peut être
pratiquée sur les biens qui ne sont manifestement pas utiles pour la continuité du service public. Ainsi
donc une saisie peut être pratiquée sur le prix dû suite à la vente d’un aérodrome désaffecté parce que
l’administration ne déclare pas que le produit de cette vente doit recevoir une destination urgente
déterminée’.
3. Les discussions parlementaires semblent limiter l’hypothèse à la personne morale qui, dès l’origine, a
développé ces activités illicites – Doc. parl., Sén., no 1217/6, p. 6: ‘Seules les personnes morales qui se
sont placées dans l’illégalité dès leur création pourront donc être dissoutes en vertu de cette disposi-
tion’; contra, Doc. parl., Ch., no 2093/5, pp. 32-33.
4. Sur la période d’hiatus entre ces deux événements, voy. Ch. Vanderlinden, Rev. dr. pén., o.c.,
pp. 673-674.

26 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 26, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

4. L’interdiction d’exercer une activité relevant de l’objet social


Cette interdiction, temporaire ou définitive, ne pourra être prononcée que dans les cas
prévus par la loi, ce qui demandera des modifications législatives ultérieures 1; celles-
ci pourraient par exemple prévoir une interdiction définitive en cas de récidive; ces
législations ultérieures devront préciser la sanction encourue en cas de non-respect de
cette interdiction.
L’exposé des motifs du projet précise que, normalement, seront interdites par le
juge les activités à l’occasion ou dans le cadre desquelles l’infraction par laquelle la
personne morale a été condamnée, a été commise; on pense par exemple à une
interdiction de se porter candidat à l’attribution de marchés publics venant frapper
une personne morale faisant l’objet d’une condamnation du chef de corruption ou de
faux en écritures dans une procédure d’attribution.
Le prononcé de cette interdiction ne peut cependant porter sur des activités qui
relèvent d’une mission de service public.
5. La fermeture
Cette fermeture, temporaire ou définitive, d’un ou de plusieurs établissements de la
personne morale condamnée, ne pourra être prononcée que dans les cas prévus par la
loi, ce qui demandera des modifications législatives ultérieures.
Le prononcé de cette fermeture ne peut cependant frapper des établissements où
sont exercées des activités qui relèvent d’une mission de service public.
Le législateur n’a pas adopté une sanction intermédiaire qui aurait consisté, comme
dans d’autres pays, à prévoir l’envoi d’un administrateur spécial dans l’entreprise aux
fins d’y faire effectuer, aux frais de l’entreprise condamnée, les mesures nécessaires
au respect de la législation transgressée 2.
6. La publication ou la diffusion de la décision
Cette peine, principale ou accessoire 3, de publication ou de diffusion de la décision de
condamnation aux frais de la personne morale condamnée, ne pourra être prononcée
que dans les cas prévus par la loi, ce qui demandera des modifications législatives
ultérieures.

130 Les dispositions de procédure pénale propres à la répression des infractions


commises par les personnes morales
La nouvelle loi retient l’attention sur le plan de la procédure pénale à propos de
quelques particularités.
1. La représentation en justice de la personne morale poursuivie pénalement
L’article 18 de la loi précise que la personne morale comparaı̂t, en qualité de prévenu,
en personne, ce qui renvoie ainsi aux règles statutaires de la personne morale, ou se
fait représenter par un avocat.
L’article 12 de la loi précise que lorsque des poursuites pour les mêmes faits ou
pour des faits connexes sont engagées à l’encontre d’une même personne physique en

1. Il se déduit du rejet de l’amendement no 3 du député Lozie que ces précisions législatives à venir ne
sont pas de nature à différer l’entrée en vigueur de l’ensemble de la loi du 4 mai 1999 – Doc. parl., Ch.,
no 2093/5, pp. 34-35.
2. L’amendement no 6 présenté en ce sens a été rejeté – Doc. parl., Sén., no 1217/2, pp. 1-2 et no 1217/6,
p. 26.
3. Doc. parl., Sén., no 1217/6, pp. 25-26: ‘Le ministre explique que l’on part de l’idée que la publication
peut être une peine principale, qui revêt un caractère autonome et qui ne peut être prononcée que dans
les cas prévus par la loi. La vision qui préside à la proposition lui paraı̂t correcte et correspondre à la
réalité sociale. Il s’agit d’une sanction spécifique’.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 27

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 27, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

sa double qualité de représentant de la personne morale contre laquelle s’exerce


l’action publique et de personne physique identifiée, c’est-à-dire dans les hypothèses
de cumul des responsabilités, le tribunal désigne un mandataire ad hoc pour repré-
senter la personne morale 1.
La question se pose de savoir quels organes de décision de la personne morale ce
mandataire ad hoc va pouvoir rencontrer pour organiser utilement la défense pénale de
la personne morale, lorsque, précisément, le seul organe de décision est lui-même
poursuivi en qualité de personne physique.
Observons encore que cette disposition de représentation par un mandataire ad hoc
n’est prévue que sur désignation, d’office ou sur requête, par le tribunal compétent
pour connaı̂tre de l’action publique: les droits de la défense propres à la personne
morale ne sont donc organisés de cette manière qu’au stade du jugement, alors que les
réformes récentes démontrent l’importance d’une défense pénale dès les stades de
l’information et de l’instruction; cette lacune pénalisera gravement la défense pénale
propre de la personne morale 2.
2. L’exercice de l’action publique en dépit de la dissolution de la personne morale
Il est à craindre qu’une personne morale poursuivie pénalement entre en liquidation
volontaire pour, par la clôture de la liquidation, aboutir à sa «mort» et échapper ainsi
aux poursuites; la nouvelle loi précise que l’action publique subsiste dans cette
hypothèse où le but est ainsi d’échapper aux poursuites; une même survivance pénale
est prévue lorsque la personne morale a été inculpée par le juge d’instruction avant la
perte de la personnalité juridique.
Qui supportera effectivement les peines prononcées, dès lors que, par hypothèse, la
personne morale étant dissoute, elle n’est plus propriétaire du moindre bien: selon les
travaux préparatoires, il appartient aux liquidateurs, sous leur responsabilité, de veiller
à ce que cette obligation au paiement de l’amende soit respectée 3. La loi nouvelle
prévoit certes que l’action civile peut être exercée contre l’inculpé et contre ses ayants
droit, mais d’une part cette disposition ne concerne que l’action civile et non pas la
peine d’amende par exemple, et d’autre part il est permis de s’interroger sur l’identité
des ayants droit d’une personne morale.
La loi nouvelle précise encore que la perte de la personnalité juridique de la
personne morale condamnée n’éteint pas la peine.
3. La compétence territoriale des autorités judiciaires
Le critère permettant de déterminer les autorités judiciaires territorialement compé-
tentes étant traditionnellement le lieu où l’infraction a été commise, le lieu de
résidence de l’inculpé ou le lieu où il a été trouvé, la loi nouvelle ajoute, pour les
personnes morales, le lieu du siège social ou du siège d’exploitation de cette personne
morale.

1. M. Nihoul (s.l.d.), La responsabilité pénale des personnes morales en Belgique – une évaluation de la
loi du 4 mai 1999 après cinq années d’application, La Charte, 2004, pp. 335-363.
2. L’affirmation présentée en Commission de la justice de la Chambre par le représentant du ministre
selon laquelle le tribunal compétent peut désigner un mandataire ad hoc avant l’audience si cela s’avère
nécessaire, relève plus de la méthode Coué que de la démonstration juridique – Doc. parl., Ch. repr.,
no 2093/5, pp. 37-38. A suivre ce raisonnement, ce serait donc à la cour d’assises de désigner un
administrateur ad hoc dans une affaire de faux en écritures toujours à l’instruction et, donc, non encore
correctionnalisée. La pratique de certains juges d’instruction de désigner eux-mêmes cet adminis-
trateur, pour réaliste et commode qu’elle soit, n’en demeure pas moins totalement contraire au texte
clair de la loi, en l’espèce l’article 2bis du titre préliminaire du code de procédure pénale; en faveur de
cette solution pratique, voy. Ph. Traest, T.G.R., o.c., p. 483.
3. Doc. parl., Ch. repr., no 2093/5, pp. 36-40.

28 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 28, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

4. Les mesures provisoires


Puisque le juge d’instruction peut intervenir par le biais de la détention préventive
envers les personnes physiques contre lesquelles il existe des indices sérieux de
culpabilité d’un crime ou d’un délit punissable d’un emprisonnement supérieur ou
égal à une année, la loi nouvelle a voulu permettre la prise de mesures provisoires
conservatoires à l’encontre des personnes morales.
Le nouvel article 91 du Code d’instruction criminelle permet ainsi au juge
d’instruction, en cas de constatation d’indices sérieux de culpabilité de toute infraction
(sans exigence d’un seuil de gravité) dans le chef d’une personne morale, cumulée à la
constatation de circonstances particulières (non autrement précisées que par le
recours à la nécessité de la mesure provisoire envisagée – sic), de prendre trois types
de mesures provisoires:
– soit la suspension de toute procédure de dissolution ou de liquidation de la
personne morale,
– soit l’interdiction de transactions patrimoniales spécifiques susceptibles d’entraı̂-
ner l’insolvabilité de la personne morale,
– soit le dépôt d’un cautionnement.
Observons que ce régime de mesures provisoires est réservé au juge d’instruction, ce
qui en interdit l’application au stade de l’information menée par le procureur du Roi;
ce dernier devra nécessairement, s’il souhaite voir ces mesures provisoires ordonnées,
requérir une instruction sans pouvoir recourir à la mini-instruction de l’arti-
cle 28septies du Code d’instruction criminelle 1.
L’esprit de ces mesures provisoires apparaı̂t donc clairement comme la mise en
place d’un dispositif judiciaire permettant d’assurer l’effectivité de la condamnation
pénale qui pourrait intervenir, spécialement le recouvrement de l’amende et la mise en
œuvre de la confiscation spéciale; l’article 35bis du même code est adéquatement
rappelé: il concerne la saisie immobilière conservatoire en matière pénale 2 et il
complète les mesures déjà connues de saisies de droit commun telles qu’organisées
par les articles 35 et 89 du Code d’instruction criminelle.
Si la législation relative à la détention préventive des personnes physiques prévoit
un éventail de recours judiciaires et de contrôles périodiques, ces recours sont à
trouver, contre ces mesures provisoires concernant les personnes morales, dans le
référé pénal de l’article 61quater du Code d’instruction criminelle 3.
La loi a cependant omis d’assurer la publicité de ces mesures provisoires afin d’en
avertir les tiers, en dehors des mesures de publicité de l’article 35bis C.I.C. pour les

1. Les mesures provisoires supposent en effet qu’une instruction soit ouverte, alors que la mini-instruction
ne peut pas s’appliquer lorsque l’instruction des faits est ouverte.
2. Sur cette mesure conservatoire, voir D. Vandermeersch, ‘La loi du 20 mai 1997 sur la coopération
internationale en ce qui concerne l’exécution de saisies et de confiscations – L’introduction en droit
belge de la saisie immobilière pénale’, Rev. dr. pén., 1997, pp. 691-704; C. Meunier, ‘Du neuf dans les
pouvoirs de saisie pénale par le juge d’instruction et dans les possibilités de confiscation pénale’, note
sous Corr. Arlon, 6 sept. 1996, J.L.M.B., 1997, pp. 1447-1461; C. Meunier, ‘Le recours contre la saisie
conservatoire pénale à l’aube de l’entrée en vigueur du référé pénal’, note sous Liège (mis. acc.), 28 mai
1998, J.L.M.B., 1998, pp. 1174-1177, cette dernière décision, approuvée par l’annotateur, précisant que
‘la saisie immobilière conservatoire n’est pas légale en ce qu’elle concerne des biens acquis antérieu-
rement à la période infractionnelle’.
3. Article introduit par L. du 12 mars 1998 relative à l’amélioration de la procédure pénale au stade de
l’information et de l’instruction; sur cette réforme, voir M. Franchimont e.a., ‘La loi belge du
12 mars 1998 relative à l’amélioration de la procédure pénale au stade de l’information et de
l’instruction’, Dossiers de la Rev. dr. pén., no 3, Bruxelles, La Charte, 1998, 135 p.; X, La loi du
12 mars 1998 réformant la procédure pénale, éd. Collection scientif. Fac. Dr. Liège, C.U.P., 1998,
411 p. L’article 28sexies C.I.C. n’a pas à être mentionné puisque cet article organise le référé pénal dans
le cadre de l’information et que nous avons observé que les mesures provisoires nouvelles n’étaient pas
de la compétence du procureur du Roi.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 29

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TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

biens immeubles; ainsi, l’interdiction de certaines transactions n’est en rien portée à la


connaissance des tiers qui contracteraient de bonne foi.
Bien plus, la loi n’a pas plus énoncé les sanctions qui viendraient frapper le non-
respect de ces mesures provisoires: ni l’article 507 ni l’article 507bis C.P. ne
paraissent pouvoir s’appliquer.
5. Le casier judiciaire des personnes morales
La loi nouvelle a également prévu l’inscription des condamnations prononcées contre
les personnes morales, dans une espèce de casier judiciaire des personnes morales tenu
au greffe de la juridiction où les statuts de cette personne morale avaient été déposés.
La loi a donc rendu ces condamnations publiques alors que le casier judiciaire d’une
personne physique n’est pas accessible de la sorte.
La loi n’a pas prévu l’inscription au ‘casier judiciaire’ des personnes morales des
différentes transactions administratives qui fleurissent pourtant dans le droit pénal des
affaires.

140 Le problème classique et épineux de l’application de la loi nouvelle dans le temps


Qui dit loi nouvelle dit évidemment problème d’application de cette loi nouvelle dans
le temps: ce problème, pourtant si classique, n’a, pas plus ici qu’ailleurs, fait l’objet de
débats parlementaires.
Les articles 12 à 20 de la loi, ci-avant examinés au rang des dispositions spéciales
de procédure pénale, trouvent application immédiate, en ce compris dès lors aux
procédures en cours, puisqu’il s’agit de dispositions de procédure visées par l’article 3
du Code judiciaire.
La question est par contre plus délicate en ce qui concerne les dispositions de fond,
c’est-à-dire celles qui énoncent le principe d’une responsabilité pénale, qui énoncent une
peine ou qui organisent un régime de répression: il s’agit en l’espèce des articles 2 à 11 et
21 de la loi nouvelle qui intègrent ou modifient des dispositions dans le Code pénal et qui
complètent la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation.
A ce titre, il est manifeste, sur la foi de l’article 2 alinéa 1er du Code pénal, que les
personnes morales ne pourront voir leur responsabilité pénale recherchée que pour les
faits postérieurs au 1er juillet 1999.
Mais que penser de la personne physique actuellement poursuivie pénalement
(c’est-à-dire non encore condamnée de manière définitive) pour des faits antérieurs
au 2 juillet 1999 en sa qualité d’organe de droit ou de fait ou de préposé tenu, par
application de la théorie jurisprudentielle de l’imputabilité judiciaire (décrite supra –
voir rubrique 091), pour pénalement responsable des infractions commises par une
société commerciale, c’est-à-dire pour des infractions intrinsèquement liées à la
réalisation de l’objet ou à la défense des intérêts de la personne morale ou pour des
infractions dont les faits concrets démontrent qu’elles ont été commises pour le
compte de cette personne morale?
Ce dirigeant poursuivi pénalement voit en effet dans la loi nouvelle une loi pénale
plus douce puisque celle-ci autorise, dans certaines hypothèses, à ne retenir que la
responsabilité pénale de la personne morale de manière exclusive par rapport à la
responsabilité pénale du dirigeant lui-même. Ces hypothèses tombent alors dans le
champ d’application de l’article 2, alinéa 2 du Code pénal et le dirigeant poursuivi
pénalement est alors fondé à réclamer son acquittement au bénéfice de cette nouveauté
législative.

30 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 30, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

La Cour de cassation 1 a convenu que la loi nouvelle introduisait une cause nouvelle
d’exemption de peine qui s’identifie à une loi pénale plus douce, en principe dès lors
rétroactive, sous l’angle de l’article 2, alinéa 2 C.P. Cependant, la Cour de cassation a
écarté cette rétroactivité: la rétroactivité de la loi nouvelle plus douce est tenue en
échec quand le but de la loi nouvelle est indiscutable, or, en l’espèce, la loi nouvelle
n’a pas voulu étendre cette nouvelle cause d’exemption de peine à des faits commis
avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle.

1. Cass., 3 oct. 2000, Rev. dr. pén., 2001, p. 865, concl. av. gén. de Swaef. Cass., 26 févr. 2002, Pas.,
2002, n8 209, et jurisprudence constante.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 31

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 31, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

Chapitre 2. Une sanction redoutable:


l’interdiction professionnelle 1

150 Arrêté royal no 22 du 24 octobre 1934 adouci par la loi du 2 juin 1998
L’arrêté royal no 22 du 24 octobre 1934 «portant interdiction à certains condamnés et
aux faillis d’exercer certaines fonctions, professions ou activités et conférant aux
tribunaux de commerce la faculté de prononcer de telles interdictions», est d’une
importance souvent méconnue en pratique.
Cet arrêté royal a pour objectif d’assainir la vie des affaires en en écartant les
personnes condamnées pour certaines infractions ou ayant été déclarées en faillite.
L’arrêté royal prévoyait deux types d’interdictions professionnelles: les interdic-
tions de plein droit et les interdictions facultatives.
Sous l’influence de deux arrêts prononcés les 27 mai et 15 juillet 1998 par la Cour
d’arbitrage 2 qui concluaient à la violation du principe d’égalité, l’arrêté royal no 22 a
subi une modification radicale quant à son régime.
En effet, il faut à présent tenir compte de la loi du 2 juin 1998 3 modifiant l’arrêté
royal no 22 du 24 octobre 1934; l’intitulé de cet arrêté royal est d’ailleurs modifié
puisqu’il est à présent «relatif à l’interdiction judiciaire faite à certains condamnés et
faillis d’exercer certaines fonctions, professions ou activités».
La modification essentielle réside dans la disparition des interdictions profession-
nelles automatiques, toutes ces interdictions étant dorénavant facultatives et, dès lors,
ne pouvant résulter que d’une mention spéciale dans le jugement de condamnation;
par ailleurs, ces interdictions deviennent temporaires puisqu’elles ne peuvent être
prononcées que pour un terme de 3 à 10 années; cependant, elles peuvent maintenant
être prononcées dans un nombre plus important d’hypothèses puisqu’a disparue
l’exigence tenant au seuil de la peine prononcée (ce seuil était de 3 mois).
Cette interdiction est à considérer comme constituant une peine 4.

160 Les interdictions d’administrer, de gérer et de surveiller une société commerciale


Le texte de l’article 1 permet au tribunal répressif, sans préjudice des interdictions
édictées par des dispositions particulières, de prononcer à charge du condamné
l’interdiction d’exercer, personnellement ou par interposition de personne, les fonc-
tions d’administrateur, de commissaire ou de gérant dans une société par actions, une
société privée à responsabilité limitée ou une société coopérative, de même que des
fonctions conférant le pouvoir d’engager l’une de ces sociétés ou les fonctions de
préposé à la gestion d’une succursale belge d’une société étrangère, ou la profession
d’agent de change ou d’agent de change correspondant.
La violation de cette interdiction est sanctionnée pénalement par application de

1. J. Spreutels, F. Roggen, E. Roger France, Droit pénal des affaires, Bruylant, 2005, pp. 149-173.
2. Arrêts nos 57/98 et 87/98, M.B., 3 sept. 1998 et 21 août 1998, Rev. dr. pén., 1998, p. 923, note
H.D. Bosly.
3. M.B., 22 août 1998. G.A. Dal, ‘Les interdictions professionnelles’, J.T., 2001, pp. 769-775.
4. Cass., 2 juin 1999, J.L.M.B., 1999, pp. 1368 et 1380, note M. Neve et L. Bihain. Cass., 17 mai 2005,
Rev. dr. pén., 2006, p. 111 et T. Strafr., 2006, p. 13, concl. M.P.; Cass., 20 sept. 2005, T. Strafr., 2006, p.
16, note.

32 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 32, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

l’article 4 du même arrêté royal; en fonction du libellé de l’article 1, l’exercice de ces


activités interdites sous le couvert d’hommes de paille, est également réprimé.
Pour l’essentiel, cet article 1er permet donc la mise à l’écart du condamné de
l’administration, de la gestion et de la surveillance d’une société, sans aller jusqu’à lui
interdire une activité commerciale exercée en tant que commerçant personne phy-
sique.
Cette condamnation protégeant de la sorte les sociétés ne peut être prononcée par le
tribunal répressif que si la personne ainsi interdite est condamnée, avec ou sans sursis
(«même conditionnellement» dit le texte), en tant qu’auteur ou complice d’une des
infractions ou d’une tentative des infractions énumérées limitativement, et parmi
lesquelles on retrouve, pour l’essentiel, le faux en écritures, l’usage de faux, la
corruption, le vol, l’abus de confiance, l’abus de biens sociaux, l’escroquerie, le recel,
le blanchiment, les infractions liées à l’état de faillite, l’émission de chèque sans
provision, le délit d’initié, les infractions aux législations fiscales: il s’agit, sans
surprise, des infractions protégeant la loyauté dans les affaires. A la différence de
l’ancien texte, l’arrêté royal de 1934 modifié en 1998, permet le prononcé de cette
interdiction, que la peine principale soit ou non une peine d’emprisonnement ou
qu’elle soit uniquement une peine d’amende, et que la peine d’emprisonnement
prononcée soit ou non au-delà d’un certain minimum (3 mois dans l’ancienne
législation).
Cette condamnation ne peut, par ailleurs, autre nouveauté, n’être prononcée que
pour un terme compris entre 3 et 10 ans 1.
Ce mécanisme d’interdiction basé sur une liste exhaustive d’infractions frappe
également, de manière cette fois automatique, le failli non réhabilité, selon l’article 3
du même arrêté royal. La Cour d’arbitrage a précisé que cette interdiction automatique
et à durée illimitée était inconstitutionnelle, alors que cette interdiction résisterait à
cette inconstitutionnalité si elle était lue, par référence à l’article 1er, comme n’étant
pas automatique et comme étant limitée dans le temps 2. Précisons que l’article 110 de
la loi sur les faillites porte que le failli déclaré excusable est réputé réhabilité; le failli
déclaré excusable n’est plus, dès ce moment, frappé d’interdiction.

170 L’interdiction d’exercer une activité commerciale


L’article 1bis de l’arrêté royal modifié fait preuve d’une plus grande sévérité puisqu’il
permet au tribunal répressif d’interdire au condamné, pendant un terme compris entre
3 et 10 ans, d’exercer une activité commerciale, personnellement ou par interposition
de personne, entendons ainsi, d’exercer en tant que commerçant personne physique.
Cette sévérité accrue, facultative cependant, ne peut concerner que les condamnés,
avec ou sans sursis, en qualité d’auteur ou de complice du chef d’une infraction liée à
l’état de faillite (art. 489, 489bis et 489ter C.P.) ou d’abus de biens sociaux
(art. 492bis).
L’article 4 de l’arrêté royal sanctionne la violation de l’interdiction prononcée sur la
base de l’article 1bis.
L’article 3 de l’arrêté royal n’étend pas l’interdiction au failli non réhabilité, mais il
faut en l’espèce tenir compte de la portée de l’article 3bis qui permet au tribunal de
commerce qui a déclaré la faillite, et non au tribunal répressif, de prononcer semblable

1. L’article 3bis, § 2, de l’arrêté royal n8 22 du 24 oct. 1934 relatif à l’interdiction judiciaire faite à certains
condamnés et aux faillis d’exercer certaines fonctions, professions ou activités, inséré par la loi du
4 août 1978 de réorientation économique, ne viole pas l’article 23 de la Constitution. C.A., n8 160/2004,
M.B., 3 déc. 2004.
2. C.A., 21 juin 2000, M.B., 22 août 2000.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 33

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 33, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

interdiction contre le failli en cas de faute grave et caractérisée 1 de ce dernier en


relation causale avec la faillite; tombent sous le même régime les administrateurs et
gérants, de fait ou de droit, d’une société commerciale déclarée en état de faillite, et
ayant commis la même faute; ces derniers peuvent en outre se voir interdire toute
activité dirigeante dans une société.

180 L’effet des condamnations prononcées à l’étranger


L’article 2 de l’arrêté royal modifié permet, sous des conditions strictes énoncées par
l’article lui-même, de faire sortir en Belgique les effets d’une condamnation pro-
noncée à l’étranger quant aux interdictions dont il est ici question.
Pour l’hypothèse inverse, à savoir l’effet à l’étranger d’une interdiction prononcée
en Belgique, il faut évidemment se référer à ce droit étranger et vérifier s’il donne
effet, dans son ordre juridique, à la condamnation belge; ces dispositions relèvent
aussi de conventions internationales de droit pénal international.

185 L’effet dans le temps des interdictions ayant sorti leurs effets avant la loi du 2 juin
1998
L’article 6 de la loi du 2 juin 1998 porte que l’interdiction prononcée à l’encontre
d’une personne, en vertu des articles 1, 1bis et 2 de l’arrêté royal de 1934, avant
l’entrée en vigueur de la présente loi (c’est-à-dire avant le 1 septembre 1998),
continue de produire ses effets après cette entrée en vigueur jusqu’à ce que soit expiré
un délai de 10 ans à compter du jour de la condamnation qui a donné lieu à
l’interdiction 2.
Le régime transitoire issu de la modification législative de 1998 a posé problème
pour les condamnations prononcées après l’entrée en vigueur de la loi, du chef de
violation des interdictions de plein droit intervenues avant l’entrée en vigueur de la
loi 3.
Sur un plan pratique encore plus important, il est à noter que, après un double
revirement de jurisprudence, la Cour de cassation estime que l’interdiction profes-
sionnelle désormais facultative ne peut pas venir frapper des faits antérieurs à l’entrée
en vigueur de la loi de 1998 4.

1. C.A., n8 160/2004, 20 oct. 2004, M.B., 3 déc. 2004.Pour des illustrations de ces notions, voy. J.
Spreutels, F. Roggen, E. Roger France, o.c., pp. 163-165.
2. C.A., 21 juin 2000, M.B., 22 août 2000: le caractère illimité dans le temps est tenu en échec par la
possibilité de réhabilitation en telle sorte que l’interdiction professionnelle n’est plus anti-constitu-
tionnelle.
3. Cass., 18 mai 1999, Pas., p. 290; Cass., 2 oct. 2002, Rev. dr. pén., 2003, p. 409. Gand, 23 sept. 1998,
A.J.T., 1998-1999, p. 924.
4. Cass., 20 sept. 2005, T. Strafr., 2006, p. 16, note, s’écartant de Cass., 14 mai 2002, Rev. dr. pén., 2003,
p. 903, pour revenir ainsi à l’enseignement de Cass., 2 juin 1999, J.L.M.B., 1999, p. 1380.

34 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 34, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

Chapitre 3. Les principales infractions


applicables aux entreprises

190 Plan
Le domaine des infractions susceptibles d’être commises par une entreprise est très
vaste. L’on peut, schématiquement, distinguer les infractions prévues par le Code
pénal, celles instaurées par les lois particulières parmi lesquelles les dispositions
pénales du droit des sociétés commerciales revêtent une importance telle qu’elles
justifient une section distincte.

SECTION 1. LES INFRACTIONS PRÉVUES PAR LE


CODE PÉNAL

§ 1. Les dispositions propres à l’entreprise

200 Applications
Le Code pénal contient peu de dispositions spécifiques à l’entreprise. La plupart
d’entre elles, élaborées en 1867, sont devenues totalement anachroniques et leur
application, dans la pratique, est extrêmement rare. Citons, à titre d’exemple, les
articles 292 à 298 (crimes et délits des fournisseurs) ainsi que les articles 311 à 314
(infractions relatives à l’industrie, au commerce et aux enchères publiques). Compte
tenu de l’évolution économique et sociale ainsi que de la prolifération des lois
particulières, ces textes relèvent désormais, pour la plupart, de l’archéologie pénale 1.
D’autres, néanmoins, méritent encore l’attention. Ainsi:
1. L’article 191 qui réprime l’usurpation du nom industriel et la mise en circulation
d’objets marqués de noms supposés ou altérés 2. La fraude doit avoir pour but de
tromper sur la provenance du produit, c’est-à-dire sur la personnalité du fabricant.
Ainsi le fait pour un industriel de commercialiser les détergents qu’il fabrique en
utilisant un emballage indiquant la marque «X», appartenant à une firme concur-
rente. Signalons ici que les marques de fabrique et de commerce sont protégées non
par l’article 191 du Code pénal mais par la loi du 1er avril 1879 dont l’article 8 punit
notamment la contrefaçon de marque et l’usage frauduleux d’une marque contre-
faite 3. De même, il faut se référer aux articles 80 et 81 de la loi du 30 juin 1994

1. Pour un commentaire de ces dispositions, voy. A. Marchal et J.-P. Jaspar, Droit criminel, t. II, 1976,
pp. 121 à 140 et 343 à 397.
2. L’usurpation du nom ‘Moët et Chandon’ tombe sous le coup de l’art. 191 (Cass., 5 juin 1876, Pas.,
1876, I, p. 302). Il a de même été jugé que le fabricant belge qui avait imprimé sur des paquets de
cigarettes, les mots ‘Administration des Contributions indirectes’ a usurpé le nom sous lequel est
connue la régie française fabriquant des tabacs (Cass., 28 déc. 1876, Pas., 1877, I, p. 54).
3. Voy. Gand, 9 mars 1973, R.W., 1973-1974, 601 et la note de A. Vandeplas. E. Cornu, ‘La
contrefaçon: état des lieux à la lumière de la jurisprudence belge récente (1997-2000)’, Ing.-Cons.
2000, pp. 3-26. B. Michaux, ‘Recours à la procédure pénale’, in X., Combattre les atteintes à la
propriété intellectuelle, Bruylant, 2004, pp. 137-161.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 35

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 35, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

pour les contrefaçons portant atteinte aux droits d’auteurs et aux droits voisins,
modifiée par la loi du 22 mai 2005 1.
2. Les articles 246 à 253 qui répriment la corruption de fonctionnaires prennent une
importance nouvelle au fur et à mesure de l’intéressement de l’État au secteur
économique 2; le Code pénal distingue le délit de corruption passive par lequel un
fonctionnaire se laisse corrompre, du délit de corruption active par lequel un
particulier corrompt un fonctionnaire; notre Code pénal a profondément été
remanié dans cette matière par l’effet de la loi du 10 février 1999 relative à la
répression de la corruption: non seulement les éléments constitutifs de l’infraction
de corruption sont modifiés, par une réécriture des articles 246 à 253 du Code pénal
(la simple sollicitation ou la simple proposition suffit désormais à constituer
l’infraction de corruption, et l’existence d’un pacte préalable, c’est-à-dire d’une
entente concertée entre corrupteur et corrompu, n’est plus exigée), mais encore la
corruption de fonctionnaires internationaux ou d’un Etat étranger est incriminée,
tout comme est enfin assurée la répression du trafic d’influence (art. 247, § 4) et de
la corruption privée (art. 504bis et 504ter)3; cette dernière infraction est radicale-
ment nouvelle en droit pénal belge puisqu’elle y incrimine la corruption dans le
secteur privé des entreprises; la corruption privée protège en réalité l’entreprise,
puisque les hypothèses incriminées sont celles où un employé, un préposé, un
administrateur, un gérant ou un mandataire d’une personne physique ou morale
accepte d’adopter, à l’insu et sans autorisation de son employeur, de son mandant,
de son conseil d’administration ou de son assemblée générale, un comportement
déterminé moyennant promesse d’une rémunération ou d’un avantage quelconque;
la corruption privée sera passive si l’avantage est sollicité par l’administrateur, le
gérant, le préposé ou le mandataire, et sera active si c’est une de ces personnes qui
est sollicitée par un tiers dont la qualité est indifférente; le paiement de commis-
sions occultes à un représentant d’une entreprise ne sera donc répréhensible que si
ce paiement intervient à l’insu et sans l’autorisation des responsables sociétaires de
la personne qui reçoit ces commissions, et la réception de ces commissions ne sera
répréhensible dans le chef de ce représentant de l’entreprise que si cette perception
se fait à l’insu et sans l’autorisation des responsables sociétaires de ce représentant;
on peut donc percevoir que l’exemple cité à profusion dans les travaux prépara-

1. F. De Visscher et B. Michaux, Précis du droit d’auteur et des droits voisins, Bruxelles, Bruylant,
2000, nos 668-688. X., ‘La nouvelle loi sur le droit d’auteur’, A.M., 2005, pp. 475-573. F. De Visscher
et B. Michaux, ‘Le droit d’auteur et les droits voisins désormais dans l’environnement numérique: la
loi du 22 mai 2005 ne laisse-t-elle pas un chantier ouvert ?’, J.T., 2006, pp. 133-144. L. Van Bunnen,
‘Droit d’auteur et droits voisins, dessins et modèles. Examen de jurisprudence (2001 à
2005)’, R.C.J.B., 2005, pp. 131-199. A. Berenboom, Le nouveau droit d’auteur et les droits voisins,
Larcier, 2005, 512 p. Adde, en matière de protection des programmes informatiques, la loi du 30 juin
1994.
2. A. Van den Bulck, ‘Infractions commises par les fonctionnaires publics’, Qualifications et juris-
prudence pénales, La Charte, 1994, pp. 17-31; A. De Nauw, Initiation au droit pénal spécial, E. Story-
Scientia, 1987, pp. 83-93; P. Delahaye, ‘Le trafic d’influence’, Rev. dr. pén., 1946-1947, pp. 377-405;
Cass., 5 avril 1996, Rev. dr. pén., 1996, pp. 634 et s.; Bruxelles, 17 juin 1994, Rev. dr. pén., 1996,
p. 1014, note M.A. Beernaert; Corr. Liège, 5 janv. 1995, J.L.M.B., 1996, p. 607.
3. Sur ces nouvelles dispositions, voy. S. Evrard, ‘La loi du 10 février 1999 relative à la répression de la
corruption’, J.T., 1999, p. 337 et s.; D. Flore ‘L’incrimination de la corruption’, in Les dossiers de la
Rev. dr. pén., no 4, 1999, 179 p.; L. Bihain, ‘Le point sur quelques sujets d’actualité en droit pénal des
affaires’, C.U.P., vol. 37, févr. 2000, in Le point sur le droit pénal, pp. 47-62. J. Windey, ‘Corruption
privée’, R.D.C., 2000, p. 464 et s.; A. De Nauw, Omkoping van openbare ambtenaren en private
omkoping, et W. Goossens, ‘Privaatrechtelijke aspecten van private omkoping - de strafbaarstelling
van omkoping van buitenlandse ambtenaren’, in ‘Ondernemingsstrafrecht’, Die Keure, 1999, pp. 41-56
et 57-112; Ph. Quertainmont’, ‘La corruption dans les affaires publiques. Eléments d’analyse et
perspectives de répression à la lumière de la nouvelle loi du 10 févr. 1999’, in Mélanges P. Van
Ommeslaghe, Bruylant, 2000, pp. 1023-1050.

36 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 36, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

toires, à savoir celui des délégués de firmes pharmaceutiques qui gratifient le


personnel médical, est erroné: cet exemple ne peut illustrer une corruption privée
active que si les cadeaux faits par les délégués de ces firmes sont reçus par le
personnel médical à l’insu et sans l’autorisation des responsables de ce personnel
médical 1.
3. L’article 309 qui réprime la divulgation méchante des secrets de fabrication 2. Ce
texte – qui touche à l’espionnage économique, scientifique et industriel – est de
nature à condamner des délinquants de type très divers 3.
Ce texte est par ailleurs d’une application rare à l’égard des administrateurs de
sociétés anonymes, qui ne sont d’ailleurs pas non plus considérés comme tenus par
le secret professionnel de l’article 458 du Code pénal mais uniquement par une
obligation civile de discrétion 4.
4. L’article 314 qui incrimine les entraves à la liberté des enchères, modifié par la loi
du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de
travaux, de fournitures et de services.
5. L’article 494 qui réprime l’usure dans des conditions assez strictes impliquant
notamment le caractère habituel de l’abus 5.
6. L’article 498 qui réprime la tromperie sur l’identité de la chose vendue, ‘en livrant
frauduleusement une chose autre que l’objet déterminé sur lequel a porté la
transaction’ ainsi que la tromperie sur la nature ou l’origine de la chose vendue,
‘en vendant ou en livrant une chose semblable en apparence à celle que l’acheteur a
achetée ou a cru acheter’. Exemples: tromperies
. sur l’identité: automobile vendue comme construite en 1986 alors qu’en réalité,
elle l’a été en 1984 6; dans ce secteur économique qui a posé quelques
problèmes, le législateur est intervenu en adoptant la loi du 12 mars 2000
réprimant certaines fraudes relatives au kilométrage des véhicules: la violation
des obligations inscrites dans la loi est sanctionnée pénalement (art. 7) 7.
. sur la nature: cravates vendues sous l’étiquette ‘all wool’ (pure laine) alors
qu’elles sont fabriquées avec des tissus contenant 57% de fibre de rayonne 8;
. sur l’origine: statue vendue publiquement en tolérant qu’il soit annoncé au
catalogue qu’il s’agit d’une œuvre primordiale de l’art belge du XIVe siècle,
bien que le vendeur ait été avisé du défaut d’authentification de cet objet 9.
7. L’article 500 qui réprime la falsification des denrées alimentaires ainsi que la
vente et l’exposition en vente de ces marchandises sachant qu’elles sont falsifiées.
8. L’article 509bis qui réprime l’émission d’un chèque postal ou d’un virement postal

1. Cette pratique est cependant susceptible d’être condamnée par une autre disposition pénale, à savoir
l’article 10 de la loi du 25 mars 1964 sur les médicaments.
2. Voy. A. Marchal et J.-P. Jaspar, o.c., pp. 301 à 343.
3. Cass., 26 juin 1975, J.T., 1975, p. 638.
4. B. Feron et J. Meunier ‘La ‘‘double casquette’’ de l’administrateur de société anonyme’ J.T., 2000,
p. 696. P. Lambert, Le secret professionnel, Bruylant, 2005, nos 449 et 450, qui écrit que l’adminis-
trateur de société n’est pas tenu au secret professionnel, sauf dans le cadre de l’article 30 de la loi du
20 septembre 1948 portant organisation de l’économie, et dans le cadre du délit d’initié.
5. J. Spreutels, F. Roggen, E. Roger France, Droit pénal des affaires, Bruylant, 2005, pp. 410-417.
6. Liège, 18 oct. 1961, J.L., 1962-1963, p. 2.
7. Cette loi sera abrogée lorsque entrera en vigueur la loi du 11 juin 2004 réprimant la fraude relative au
kilométrage des véhicules, elle-même complétée par les arrêtés royaux des 21 févr. 2005 et 4 mai 2006.
8. Cass., 17 oct. 1949, Pas., 1950, I, p. 82.
9. Bruxelles, 1er mars 1939, Pas., 1939, II, p. 101. Bruxelles, 19 janv. 1998, J.L.M.B., 1999, p. 240
(tableaux avec fausses signatures).

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TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

sans provision doit être lu en combinaison avec l’article 61 de la loi du 1er mars
1961 qui sanctionne l’émission de tous les autres chèques sans provision 1.
9. Les articles 504quater, 550bis et 55ter, introduits par la loi du 28 novembre 2000
relative à la criminalité informatique, qui répriment la fraude informatique et les
infractions contre la confidentialité, l’intégrité et la disponibilité des systèmes
informatiques et des données informatiques, au-delà de l’article 210bis qui incri-
mine le faux en informatique 2.

§ 2. Les règles relatives à la confiscation spéciale et au


blanchiment

210 La confiscation spéciale


Les lois des 17 juillet 1990, 7 avril 1995 et 19 décembre 2002 tendent à renforcer les
moyens dont dispose notre système répressif en vue de lutter contre certaines formes
de criminalité, organisées (comme la mafia) ou non, qui ont pour objectif la réalisation
d’un profit d’ordre pécuniaire 3. On songe notamment au trafic de stupéfiants, mais le
libellé des nouveaux articles du Code pénal est à ce point large que toutes les
infractions sont concernées dès lors qu’elles peuvent générer des profits. Elles rendent
désormais possible la confiscation des profits réalisés grâce aux infractions et érigent
en délit toutes les opérations ayant pour but de reconvertir et de gérer des profits
illicites. Les articles 42, 43, 43bis, 43ter et 43quater (en matière de confiscation) et
505 du Code pénal (en matière de recel) sont d’une importance certaine.
En droit pénal belge, la confiscation n’est jamais une peine principale et ne peut
donc être qu’une peine accessoire 4.
La confiscation, en tant que peine, relève du pouvoir de condamnation du juge du

1. A. Winants, ‘Chèque sans provision’, Qualifications et jurisprudence pénales, La Charte, 1987,


pp. 1-8; A. De Nauw, o.c., pp. 392-399; Cass., 6 déc. 1995, J.L.M.B., 1996, p. 1275. J. Spreutels, F.
Roggen, E. Roger France, Droit pénal des affaires, Bruylant, 2005, pp. 559-570.
2. C. Meunier, ‘La loi du 28 novembre 2000 relative à la criminalité informatique ou le droit pénal et la
procédure pénale à l’ère numérique’, Rev. dr. pén., 2001, p. 611 et s. S. Evrard, ‘La loi du
28 novembre 2000 relative à la criminalité informatique’, J.T., 2001, p. 241 et s. Th. Afschrift et
V.A. De Brauwere, Manuel de droit pénal financier, Kluwer, 2001, pp. 543-568. J. Spreutels, F.
Roggen, E. Roger France, Droit pénal des affaires, Bruylant, 2005, pp. 524-558, citent quelques
décisions inédites de jurisprudence. Cass., 6 mai 2003, Pas., 2003, p. 915 et R.A.B.G., 2004, p. 367,
note Y. Van Den Berge. Bruxelles, 12 févr. 2004, Rev. dr. pén., 2004, p. 748. Corr. Hasselt, 21 janv.
2004, Limb. Rechtsl., 2005, p. 133. Corr. Eupen, 15 déc. 2003, R.D.T.I., 2004, p. 61, note O. Leroux.
3. Voy. J. Messinne, ‘La loi du 17 juillet 1990 modifiant les articles 42, 43, et 505 du Code pénal et
insérant un article 43bis dans ce même Code’, J.T., 1991, pp. 489 à 493; G. Jakhian, ‘L’infraction de
blanchiment et la peine de confiscation en droit belge’, Rev. dr. pén., 1991, pp. 765 à 788; J. Pardon,
‘Le blanchiment de l’argent et la lutte contre la criminalité axée sur le profit’, Rev. dr. pén., 1992,
pp. 740 à 757; A. Jonckheere, ‘Le blanchiment du produit des infractions’, Dossier du J.T., no 9, 1995,
157 p.; G. Stessens, De nationale en internationale bestrijding van het witwassen, Intersentia, 1997,
650 p.; A. De Nauw, ‘De voordeelsontneming, eerste evaluatie van de rechtspraak en van de wet’,
Liber Amicorum J. Vanderveeren, Bruylant, 1997, pp. 37 à 54; A. Masset, L’infraction de blan-
chiment, Formation permanente CUP, Droit pénal, vol. VII, 8 mars 1996, Liège, pp. 291 à 313;
J.F. Thony, ‘Les mécanismes de traitement de l’information financière en matière de blanchiment de
l’argent’, Rev. dr. pén. 1996, pp. 1031 et s. C. Meunier, ‘Actualités en matière de blanchiment, de
confiscation et de saisies pénales’, in C.U.P., Formation permanente, Le point sur le droit pénal,
vol. 37, févr. 2000, pp. 113-144. Th. Afschrift et V.A. De Brauwere, Manuel de droit pénal
financier, Kluwer, 2001, pp. 309-340. A. Masset, ‘Les saisies et confiscations en matière pénale
facilitées. La répression accrue du blanchiment’, in Actualités de droit pénal et de procédure pénale,
Liège, Formation permanente C.U.P., vol. 67, déc. 2003, pp. 141-216. D. Vandermeersch, B.
Dejemeppe, E. Francis, M. Rozie, O. Klees, G. Vermeulen, Saisie et confiscation des profits du
crime, Anvers, Maklu, 2004, 330 p. J. Spreutels, F. Roggen, E. Roger France, Droit pénal des
affaires, Bruylant, 2005, pp. 123-148 et 452-496.
4. Civ. Bruges, 29 janv. 2001, R.W., 2002-2003, p. 789.

38 – Livre 119.4 Kluwer

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LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

fond, alors que la saisie pénale, mesure provisoire visant à garder certains biens sous la
main de la justice, a une nature essentiellement provisoire, peut porter sur des biens
autres que ceux susceptibles de confiscation et peut être décidée tantôt par un juge
d’instruction, tantôt en dehors de l’intervention d’un juge, par exemple à l’initiative du
procureur du Roi ou d’un agent ou officier de police judiciaire 1 2.
La confiscation ne peut être prononcée que comme suite à un crime, ou à un délit
intentionnel 3, réalisé ou tenté, mais ne peut pas, sauf disposition légale spéciale, être
prononcée en cas de contravention.
La confiscation spéciale peut porter sur diverses choses:

1) les choses qui forment l’objet de l’infraction, quand la propriété de ces choses
appartient au condamné; l’article 42, 18 du Code pénal désigne ainsi ‘le corps du
délit’, l’objet à l’égard duquel l’infraction est matériellement commise; sont ainsi
visés le mobilier incendié, l’arme à feu de défense portée sans permis, les
stupéfiants vendus, la carte d’identité falsifiée, la vidéocassette contraire aux
bonnes mœurs, ... mais non la chose volée 4; cette confiscation spéciale est
obligatoire pour les crimes et les délits, selon l’article 43 du Code pénal;

2) les choses qui ont servi ou qui ont été destinées à commettre l’infraction, quand la
propriété de ces choses appartient au condamné (art. 42, 18 C.P.); cette confisca-
tion spéciale est obligatoire pour les crimes et les délits, selon l’article 43 du
Code pénal; cette confiscation spéciale concerne, par exemple, la fausse clé ou le

1. Sur la matière de la saisie en matière pénale, régie par les articles 35, 35bis, 89, 28sexies et
61quater C.I.C., voy. notamment C. Meunier, ‘Du neuf dans les pouvoirs de saisie pénale par le juge
d’instruction et dans les possibilités de confiscation pénale’, J.L.M.B., 1997, pp. 1456 et s.; C. Meu-
nier, ‘La saisie pénale par équivalent: chronique d’une mort annoncée’, J.L.M.B., 1999, p. 1218;
D. Vandermeersch, ‘La loi du 20 mai 1997 sur la coopération internationale en ce qui concerne
l’exécution de saisies et de confiscations – l’introduction en droit belge de la saisie immobilière
pénale’, Rev. dr. pén., 1997, pp. 691 et s. M.A. Beernaert, ‘La loi du 19 décembre 2002 portant
extension des possibilités de saisie et de confiscation en matière pénale’, Rev. dr. pén., 2003, pp. 567-
568. C. Caliman, ‘La loi du 19 décembre 2002 portant extension des possibilités de saisie et de
confiscation en matière pénale, Custodes, 2003, pp. 69-104. A. Masset, ‘Les saisies et les confiscations
en matière pénale facilitées, in Actualités de droit pénal et de procédure pénale (I), Liège, Commission
Université-Palais, CUP, déc. 2003, vol. 67, p. 141 et s. D. Vandermeersch, ‘La saisie en matière
pénale’, in Saisie et confiscation des profits du crime, Maklu, 2004, pp. 21-92. A. Masset, ‘Le droit de
la faillite confronté aux saisies et confiscations en matière pénale’, in Droit de la faillite: actualités
2005, Actes du colloque du 6 oct. 2005, Jeune Barreau Liège, 2005, pp. 114-141.
2. Adde la loi du 26 mars 2003 (M.B., 2 mai 2003) portant création d’un Organe Central pour la Saisie et
la Confiscation et portant des dispositions sur la gestion à valeur des biens saisis et sur l’exécution de
certaines sanctions patrimoniales.
3. Cass., 18 déc. 1984, Pas., 1985, I, p. 489; Cass., 20 sept. 1988, Pas., 1989, I, p. 69 et R.W., 1988-1989,
1128, obs. A. Vandeplas, ‘Verbeurdverklaring en onopzettelijke misdrijven’: cette jurisprudence se
fonde sur le libellé de l’article 42 du Code pénal dont les termes ‘servi, destinées, commettre’
impliquent nécessairement l’idée d’une volonté criminelle effective. Adde A. Masset, ‘La peine de
confiscation limitée aux infractions volontaires: le fruit du dogmatisme ?’, in Liber amicorum Jean du
Jardin, Kluwer, 2001, pp. 49-59.
4. Cass., 9 nov. 1999, Pas., 1999, I, p. 596 selon lequel l’art. 42, 18 C.P. entend par ‘choses formant l’objet
de l’infraction’, l’objet à l’égard duquel l’infraction est matériellement commise, et non l’objet que
l’auteur a frauduleusement soustrait, acquis, détourné ou recelé du fait de l’infraction.; il ne vise dès
lors pas le véhicule détourné par un failli au préjudice des créanciers de la masse faillie. En matière
d’organisation frauduleuse d’insolvabilité (art. 490bis C.P.), il a été jugé que l’objet de cette infraction
est l’état d’insolvabilité résultant des actes ou des abstentions frauduleux et non pas les biens et les
objets détruits, soustraits ou dissimulés. P.E. Trousse, Les Novelles de droit pénal, T. I, vol. 1, nos 862,
865, 874, 1562 et 1568, précise au contraire que les choses volées, bien que formant l’objet de
l’infraction, ne peuvent pas être confisquées car, au moment de l’infraction, elles n’appartiennent
pas au condamné. En toute hypothèse, le tribunal, même d’office, en ordonne la restitution à la victime,
sur la base de l’article 44 du Code pénal. Voy. E. Dirix, ‘De verbeurdverklaring met toewijzing aan de
benadeelde’, in Liber amicorum A. Vandeplas, Gand, Mys et Breesch, 1994, p. 185 et s.

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TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

tournevis ayant servi pour le vol d’une voiture, concerne la cagoule dont l’auteur
d’un hold-up s’est servi pour camoufler son visage;

3) les choses produites par l’infraction (art. 42, 28 C.P.): cette confiscation peut
intervenir même si la chose ainsi confisquée n’appartient pas au condamné; cette
confiscation spéciale est obligatoire pour les crimes et les délits, selon l’article 43
du Code pénal; elle interviendra, par exemple, pour les recettes provenant de
l’exploitation illicite d’un jeu de hasard;

4) les avantages patrimoniaux tirés directement de l’infraction, les biens et valeurs


qui leur ont été substitués et les revenus de ces avantages investis
(art. 42, 38 C.P.) 1; en ce qui concerne l’exigence de la propriété de ces biens
dans le chef de la personne condamnée, l’article 43bis du Code pénal précise que
si ces choses ne peuvent être trouvées dans le patrimoine du condamné, la
confiscation par équivalent peut intervenir, ce qui suppose une évaluation de
ces avantages par le juge qui ordonne dès lors la confiscation de sommes d’argent
équivalentes; cette confiscation spéciale est facultative et ne peut être prononcée
que sur réquisitions écrites du ministère public; elle vient par exemple frapper
l’argent tiré d’un trafic d’armes, ou les recettes d’un restaurant financé par les
revenus tirés de ce commerce illicite de trafic d’armes, et même l’économie
d’impôts réalisée à la faveur d’une infraction 2;

5) les avantages patrimoniaux, les biens et valeurs qui leur ont été substitués et les
revenus de ces avantages investis qui sont trouvés dans le patrimoine d’une
personne ou en sa possession, ou leur équivalent, et qui proviennent ou sont
supposés provenir d’infractions qui sont identiques à celle qui a entraı̂né la
condamnation et du chef desquelles il n’est même pas requis que l’intéressé ait
été reconnu coupable; cette extension de confiscation spéciale facultative n’est
permise que lorsque la condamnation a été prononcée du chef d’infractions
énumérées par l’article 43quater, § 1er C.P., à savoir des infractions d’une
véritable gravité ou des infractions commises dans le cadre d’organisations
criminelles 3; cette extension n’est possible que pour les avantages patrimoniaux
provenant d’infractions identiques supposées commises dans une période pré-
cédant de 5 années l’inculpation; l’intéressé concerné par cette demande de
confiscation peut rapporter la preuve que les avantages patrimoniaux qu’il a
acquis durant cette période de 5 années ont une origine licite; cette innovation
introduit une répartition de la charge de la preuve entre le prévenu et le ministère

1. La confiscation liée à l’infraction de blanchiment pose difficulté; voy. Cass., 14 janv. 2004, Rev. dr.
pén., 2004, p. 508, et J.T., 2004, p. 499, note D. Vandermeersch, et les concl. av. gén. Loop sur le site
internet de la Cour de cassation, et T. Strafr., 2004, p. 167, note G. Stessens. O. Klees, ‘Quelques
réflexions à propos du régime de la confiscation applicable à l’infraction de blanchiment’, in Saisie et
confiscation des profits du crime, Maklu, 2004, pp. 223-262. C. Rome, ‘Commentaire de l’arrêt du
14 janvier 2004’, site internet de l’Office central des saisies et des confiscations, www.confiscaid.be.
Cet arrêt rejette le pourvoi dirigé contre Bruxelles, 30 juin 2003, Rev. dr. pén., 2004, p. 517. Cass.,
11 janv. 2005, T. Strafr., 2005, p. 297, note E. Francis.
2. Cass., 22 oct. 2003, Rev. dr. pén., 2004, p. 277, concl. av. gén. Spreutels, J.T., 2004, p. 354, concl.
M.P. et obs. E. Boigelot, J.L.M.B., 2004, p. 336, obs. F. Roggen, et R.D.C., 2004, p. 199, note O.
Creplet. M. Rozie, ‘Fiscale fraude in relatie tot verbeurdverklaring’, in Saisie et confiscation des
profits du crime, Maklu, 2004, pp. 215-222.
3. Cette énumération issue de la loi du 19 déc. 2002 portant extension des possibilités de saisie et de
confiscation en matière pénale, M.B., 14 févr. 2003, a déjà été modifiée par l’art. 2 de la loi du 5 août
2003 relative aux violations graves du droit international humanitaire.

40 – Livre 119.4 Kluwer

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LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

public, de même qu’elle permet la confiscation de biens qui ne sont pas en lien
direct avec l’infraction sanctionnée 1.
La confiscation peut porter sur des choses se trouvant à l’étranger 2.
Les règles de la confiscation ainsi énoncées sont parfois assouplies dans le cadre de
législations particulières 3.
La confiscation est une peine accessoire qui s’applique également aux personnes
morales condamnées 4.
La peine de confiscation ne fait pas double emploi avec les prétentions de la victime
de l’infraction qui s’est constituée partie civile. L’article 43bis, alinéa 3, du Code
pénal prévoit la restitution à la partie civile des choses confisquées qui lui appartien-
nent 5; si la victime ne s’est pas constituée partie civile ou si un tiers prétend à quelque
droit envers les biens confisqués, la loi a organisé un système procédural pour
permettre à ces personnes de faire valoir leurs droits 6.

1. Art. 43quater C.P. introduit par la loi du 19 déc. 2002 portant extension des possibilités de saisie et de
confiscation en matière pénale, M.B., 14 févr. 2003; M.A. Beernaert, ‘La loi du 19 décembre 2002
portant extension des possibilités de saisie et de confiscation en matière pénale’, Rev. dr. pén., 2003,
pp. 567-568. C. Caliman, ‘La loi du 19 décembre 2002 portant extension des possibilités de saisie et de
confiscation en matière pénale’, Custodes, 2003, pp. 69-104. F. Deruyck, ‘De wet van 19 december
2002 tot uibreiding van de mogelijkheden tot inbeslagneming en verbeurdverklaring in strafzaken’, in
Strafrecht van nu en straks, Die Keure, 2003, p. 89-110. G. Stessens et Ph. Traest, ‘Meer moge-
lijkheden tot inbeslagneming en verbeurdverklaring in strafzaken’, R.W., 2004, p. 1041 et s.
2. Art. 43ter C.P. Cette confiscation est facilitée par l’intervention de l’Organe central pour la saisie et la
confiscation, créé par les lois des 19 et 26 mars 2003 (M.B., 2 mai 2003).
3. Voir par exemple l’art. 4, § 6 de la loi du 24 févr. 1921, modifiée par la loi du 9 juill. 1975 et la loi du
3 mai 2003, concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes,
désinfectantes ou antiseptiques et des substances pouvant servir à la fabrication illicite de substances
stupéfiantes et psychotropes, qui autorise la confiscation des véhicules, instruments ou choses qui ont
servi ou ont été destinées à commettre les infractions à cette loi ou qui en ont fait l’objet, même s’ils ne
sont pas la propriété du condamné. Voir également l’art. 253 du Code pénal en matière de corruption,
appliqué dans le cadre de l’affaire Agusta-Dassault, in Cass., 23 déc. 1998, Rev. dr. pén., 1999, pp. 393
et s., spécialement pp. 456-457 (cet article a été abrogé par la loi du 10 févr. 1999 relative à la
répression de la corruption). Voir aussi l’art. 77bis, § 5, de la loi modifiée du 15 déc. 1980 permettant la
confiscation des biens immeubles donnés abusivement en location à des personnes en situation illégale,
même s’ils appartiennent en copropriété à des tiers, selon Corr. Gand, 5 janv. 2004, N.J.W., 2004, p.
204.
4. Sous la réserve de l’art. 7bis du Code pénal qui interdit la confiscation des choses formant l’objet de
l’infraction et des choses qui ont servi ou qui ont été destinées à commettre l’infraction, quand ces
choses s’identifient à des biens appartenant à la personne morale de droit public condamnée et déclarés
civilement insaisissables; cette dernière notion renvoie à l’art. 1412bis du Code judiciaire; sur ce sujet,
voy. A. Stranart et P. Goffiaux, ‘L’immunité d’exécution des personnes publiques et l’arti-
cle 1412bis du Code judiciaire’, J.T., 1995, pp. 437-447.
5. Ces biens restitués appartiennent à la partie civile et échappent au concours des créanciers (non
hypothécaires) du condamné: Civ. Bruxelles, j. sais., 29 nov. 2004, J.L.M.B., 2005, p. 835.
6. Ces droits peuvent être avancés par le mécanisme de l’intervention (Cass., 17 juill. 1995, Pas., 1995, p.
733), ou par le recours à la procédure mise sur pied par l’arrêté royal du 9 août 1991 réglant le délai (90
jours) et les modalités du recours des tiers prétendant un droit sur une chose confisquée; pour un cas
d’application, voy. Civ. Turnhout, 28 mars 2002, R.G.D.C., 2003, p. 126, ainsi que Anvers, ch. mises
acc., 31 mars 2000, T . Strafr., 2002, p. 263, note P. Arnou; un indivisaire nous paraı̂t pouvoir être
considéré comme un tiers (comp. Cass., 10 févr. 1999, R. Cass., 1999, p. 342, note G. Stessens) Adde,
le nouvel art. 5ter du titre préliminaire du Code de procédure pénale, introduit par la loi du 19 déc.
2002, M.B., 14 févr. 2003, qui impose que soit averti de la date d’audience tout tiers intéressé (voy.
M.A. Beernaert, ‘La loi du 19 décembre 2002 portant extension des possibilités de saisie et de
confiscation en matière pénale’, Rev. dr. pén., 2003, pp. 567-568, ainsi que C. Caliman, ‘La loi du
19 décembre 2002 portant extension des possibilités de saisie et de confiscation en matière pénale’,
Custodes, 2003, pp. 69-104).

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 41

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TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

213 L’infraction de blanchiment: notion


L’infraction de blanchiment a été intégrée dans le Code pénal sous la forme d’un recel
élargi: l’article 505 du Code pénal ainsi modifié a permis d’incriminer le recyclage de
l’argent sale en sanctionnant d’un emprisonnement de 15 jours à 5 ans et/ou d’une
amende de 26 à 100.000 euros «ceux qui auront acheté, reçu en échange ou à titre
gratuit, possédé, gardé ou géré des choses visées à l’article 42, 3o, alors qu’ils en
connaissaient ou devaient en connaı̂tre l’origine» (art. 505, 2o, C.P.) 1; sont également
sanctionnés «ceux qui auront converti ou transféré des choses visées à l’article 42, 3o,
dans le but de dissimuler ou de déguiser leur origine illicite ou d’aider toute personne
qui est impliquée dans la réalisation de l’infraction d’où proviennent ces choses, à
échapper aux conséquences juridiques de ces actes» (art. 505, 3o, C.P.); sont encore
punissables «ceux qui auront dissimulé ou déguisé la nature, l’origine, l’emplacement,
la disposition, le mouvement ou la propriété des choses visées à l’article 42, 3o, alors
qu’ils en connaissaient ou devaient en connaı̂tre l’origine» (art. 505, 4o, C.P.); la
tentative de ces infractions est à présent punissable. Sont ici particulièrement visées
les institutions financières ou toutes autres entreprises qui reçoivent et gèrent des
fonds acquis par des voies illicites par leurs clients, lorsque ces institutions ou
entreprises connaissaient ou devaient connaı̂tre cette origine illicite.
Le délit de ‘blanchiment’ a été introduit dans le Code pénal belge par une loi du
17 juillet 1990, complétée par la loi du 7 avril 1995.
Le blanchiment peut être défini comme toute opération qui a pour but de reconvertir
et de gérer des profits illicites. 2
Le souci premier fut de permettre la confiscation des produits de l’infraction, qu’ils
se trouvent dans le patrimoine du délinquant, soit en nature, soit sous forme de biens
de substitution, voire même qu’ils ne s’y trouvent plus, grâce à une confiscation par
équivalent. L’intention première était donc d’adapter le régime des confiscations à la
réalité de la criminalité organisée.
Le texte légal a été modifié car le législateur a opté pour une ‘criminalisation
complète’ du blanchiment de capitaux, permettant d’assurer une meilleure finalité des
poursuites.
En effet, au-delà de la réception de capitaux dans le système financier, l’incrimina-
tion pénalise aussi leur injection.
Aux avantages primaires visés dans la définition initiale du blanchiment, le
législateur a ajouté les avantages patrimoniaux secondaires et les revenus de ces
avantages.
Au bout du compte, la définition du blanchiment présente un caractère ‘hybride’
puisque l’infraction est principalement décrite par rapport à son objet, visé à l’article

1. Pour un cas d’application, voy. Corr. Anvers, 14 avril 1994, R.W., 1994-1995, p. 508, note G. Stessens,
‘Over het witwassen van druggelden’ et T.R.V., 1994, p. 285, note F. Hellemans; Corr. Anvers, 23
févr. 1993, T.R.V., 1994, p. 195, note; Corr. Anvers, 14 avril 1996, R.W., 1996, p. 659. Sur l’élément
moral de l’infraction, voir spécifiquement J. Verhaegen, ‘Dol et faute lourde en droit pénal’, in Liber
amicorum M. Châtel, Anvers, Kluwer Editions Juridiques Belgique, 1991, pp. 457 et 458; Corr.
Malines, 24 sept. 1999, Rev. banque, 1999, p. 450.
2. A. Masset, ‘L’infraction de blanchiment’, in Droit pénal, Liège, Formation permanente CUP, 1996,
VII, p. 305, ainsi que in Séminaire I.F.E., Blanchiment, Bruxelles, 17-19 sept. 2003; Th. Afschrift et
V.A. De Brauwere, Manuel de droit pénal financier, Kluwer, 2001, pp. 309-340; J.P. Spreutels et P.
de Mûelenaere, La cellule de traitement des informations financières et la prévention du blanchiment
de capitaux en Belgique, Bruylant, 2003, 326 p.; P. Monville, ‘Blanchiment’, in Postal Memorialis,
Kluwer, 2003, 20 p.; J. Spreutels, F. Roggen, E. Roger France, Droit pénal des affaires, Bruylant,
2005, pp. 452-478; V. De Langhe, R. Van Hecke, et G. Vetcour, ‘Witwassen’, in Aspecten van
Europees formeel strafrecht, Anvers, Maklu, 2002, pp. 227-300; G. Stessens, Money laundering – A
New International Law Enforcement Model, Cambridge Univ. Press, 2000, 460 p.

42 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 42, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

42, 38 du Code pénal, soit les avantages patrimoniaux tirés directement de l’infraction,
les biens et valeurs qui leur ont été substitués et les revenus de ces avantages investis.
Enfin la loi du 11 janvier 1993, modifiée en 2004, relative à la prévention de
l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux, donne du
blanchiment une définition différente, ce qui ne va pas sans créer de nouvelles
difficultés.

214 L’objet de l’infraction de blanchiment


Ainsi qu’il vient d’être souligné ci-dessus, l’objet de l’infraction de blanchiment n’est
pas décrit à l’article 505 du Code pénal mais bien à l’article 42, 38 qui traite de la
confiscation.
Trois catégories d’objets entrent en ligne de compte, comme pouvant faire l’objet
d’une opération de blanchiment: les avantages primaires, les avantages secondaires et
enfin les revenus de ces avantages.
1. Les avantages patrimoniaux primaires
Il s’agit de tous les biens et valeurs que l’auteur d’une infraction a obtenu comme
revenu, de même que la contre-valeur du profit et des charges obtenus illicitement.
2. Les avantages patrimoniaux secondaires
A côté des biens qui sont tirés directement de l’infraction, le législateur a voulu viser
la possession d’actifs qui sont obtenus en lieu et place des avantages patrimoniaux
primaires.
Si l’auteur des faits se dessaisit des objets tirés de l’infraction, il semblait indiqué
d’inclure dans le champ d’application de l’infraction de blanchiment, les avantages de
substitution. Un exemple fréquemment évoqué est celui de biens acquis grâce à des
fonds d’origine illicite.
3. Les revenus
Enfin, à côté des avantages directs et indirects tirés de l’infraction, sont visés les
revenus que ces biens procurent, soit les intérêts, dividendes, loyers immobiliers,
participations bénéficiaires et autres profits de toute nature.
4. Conclusion sous forme d’exemple 1
La distinction entre ces différentes catégories peut être aisément comprise à l’aide
d’un exemple:
– L’obtention du capital d’une assurance vie par le meurtrier de l’assuré est
punissable car il entre en possession d’avantages patrimoniaux qui proviennent
directement de l’infraction.
– Si l’auteur affecte ces capitaux à l’achat d’autres biens, ces opérations peuvent être
également poursuivies comme blanchiment d’avantages patrimoniaux secondaires.
– Si l’auteur choisit d’investir ces capitaux dans un fonds de placement, les revenus
de cet investissement sont considérés comme des revenus de ces avantages investis,
et pourront également donner matière à poursuites.

1. P. Monville, o.c., p. 4.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 43

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 43, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

215 Eléments constitutifs de l’infraction


1. L’élément matériel
Dans sa version initiale, l’incrimination de blanchiment ne visait qu’un seul type de
comportement: le fait d’acheter, recevoir, échanger, posséder, garder ou gérer les
choses visées à l’article 505, alinéa 1er, 28 du Code pénal.
En 1995, le législateur a complété le texte en ajoutant d’autres comportements
infractionnels, soit la conversion ou le transfert des choses visées à l’article 42, 38 du
Code pénal et la dissimulation ou le déguisement de la nature, l’origine, l’emplace-
ment, la disposition, le mouvement ou la propriété des choses visées à l’article 42, 38
du Code pénal: la pratique enseigne que le blanchiment passe alors par le recours à des
hommes de paille ou à des sociétés écrans dans des paradis fiscaux ou dans des pays
dont l’opacité des institutions financières est érigée en système.
2. L’élément moral
L’élément moral de l’infraction varie selon l’acte envisagé:

– En ce qui concerne les actes prévus à l’article 505, 28 et 48 du Code pénal:

La connaissance de l’origine illicite des profits est nécessaire et suffisante pour


justifier une condamnation du chef de blanchiment. En fait, l’élément moral du
blanchiment est libellé de manière identique à celui du recel. L’article 505, 28 et 48
du Code pénal exige donc que l’auteur du comportement connaissait ou devait
connaı̂tre l’origine des choses visées à l’article 42, 38 du Code pénal.
La notion ‘devait en connaı̂tre l’origine’ doit être comprise comme suit: en
retenant ces termes, le législateur n’a pas entendu introduire une présomption
légale mais il appartient au ministère public d’apporter la preuve que l’agent
connaissait l’origine délictueuse des fonds. A défaut, la preuve de ce que celui-
ci devait en connaı̂tre l’origine illicite devra être rapportée. Le juge devra apprécier
cette connaissance en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait, au
moment où l’infraction a été commise (et non a posteriori) et en tenant compte du
profil de l’auteur 1 et des éléments qui étaient susceptibles d’éveiller ses soup-
çons 2. De manière classique, on se référera au comportement d’un agent norma-
lement prudent et diligent, placé dans les mêmes circonstances.

– En ce qui concerne les actes prévus à l’article 505, 38 du Code pénal, les choses se
présentent de manière un peu différente:

a) d’une part, l’incrimination ne fait pas référence à la distinction ‘connaissait ou


devait en connaı̂tre’ l’origine illicite. Dès lors, la connaissance de l’origine
illicite des biens devra être établie 3.
b) d’autre part une exigence complémentaire a été introduite par la loi du 7 avril
1995, à savoir que la conversation ou le transfert des choses illicites ait été
réalisé dans le but de dissimuler ou de déguiser leur origine illicite ou d’aider

1. Voir pour une énumération des caractéristiques ‘intuitu personae’: Th. Afschrift et V.A. De
Brauwere, Manuel de droit pénal financier, 2001, p. 320 (soit par exemple son expérience, sa
profession, l’existence d’antécédents judiciaires).
2. Voir pour une liste des circonstances rendant la transaction suspecte, Th. Afschrift et V.A. De
Brauwere, o.c., p. 321 (la personnalité du cocontractant, le caractère secret de l’opération, l’absence
de facture,...).
3. M. Morris, ‘Impôts, argent noir et blanchiment’, R.G.F., 1998, p. 417.

44 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 44, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

toute personne qui est impliquée dans la réalisation de l’infraction d’où


proviennent ces choses, à échapper aux conséquences juridiques de ses actes 1.

216 Caractéristiques de l’infraction


1. Délit instantané, délit continu...
Il ne fait aucun doute qu’à l’origine, l’infraction prévue à l’article 505, 28 du Code
pénal était une infraction instantanée. Toutefois, la Cour de cassation a décidé que le
caractère instantané du délit de blanchiment n’empêchait pas sa réalisation chaque
fois que l’auteur accomplit, à l’égard des biens ou valeurs dont il connaissait ou devait
connaı̂tre l’origine délictueuse, un des actes décrits par la loi 2.
En ce qui concerne les comportements visés à l’article 505, 38 et 505, 48 du Code
pénal, le législateur a tenu à préciser qu’il s’agit désormais d’un délit continu 3.
2. La tentative de blanchiment est-elle punissable?
A l’origine, par référence au régime applicable au recel, la tentative de blanchiment
n’était pas punissable.
Depuis la loi du 7 avril 1995, les choses ont changé et la tentative de blanchiment
est devenue punissable en droit belge 4. Cette orientation a été justifiée par la
législateur par référence à la loi du 11 janvier 1993 qui fait obligation à la cellule
de traitement financier de dénoncer au parquet une tentative de blanchiment, alors que
jusqu’alors elle n’était pas punissable 5.
3. Blanchiment d’argent et fraude fiscale
L’auteur d’une fraude fiscale est-il susceptible d’être poursuivi du chef d’infraction à
l’article 505, 28 du Code pénal dans la mesure où la fraude fiscale n’a pas pour
vocation de procurer un avantage patrimonial quelconque à son auteur mais bien de
soustraire de sa base taxable certains revenus. Par un arrêt de principe, la Cour de
cassation a répondu positivement à cette question et a tranché que l’évitement d’un
impôt constitue un avantage patrimonial au sens de l’article 42, 38 du Code pénal 6.
Par ailleurs, il n’est pas contesté que dès que la fraude fiscale génère un avantage
patrimonial quelconque (sous la forme, par exemple, de remboursement de précompte
ou de versements anticipés en matière de contributions directes ou de récupération
d’une T.V.A. indue dans le cadre d’un carrousel T.V.A.), les conditions d’application
des articles 505, 28 et 42, 38 du Code pénal sont évidemment réunies.
4. Auteur de l’infraction de base et auteur du recel
La répression du blanchiment n’est pas limitée au blanchiment de l’argent issu du
trafic de stupéfiants ou de certaines infractions: le libellé général de l’incrimination
impose de considérer que l’argent sale ainsi blanchi peut provenir de toute activité
illicite, que celle-ci s’identifie à un crime, un délit ou une contravention.
Il demeure qu’il a été jugé que l’auteur de l’infraction de base ne pouvait pas être

1. A. Masset, o.c., p. 307. Gand, 25 mai 2004, T. Strafr., 2005, p. 474, note J. Rozie.
2. Cass., 21 juin 2000, Pas., 2000, I, p. 387.
3. Doc. parl., Sénat, Exposé des motifs, 1994-1995, n8 1323/1, p. 9.
4. Article 505, alinéa 3.
5. Doc. parl., Sénat, Exposé des motifs, 1994-1995, n8 1323/1, p. 10.
6. Cass., 22 oct. 2003, J.T., 2004, p. 354, Rev. dr. pén., 2004, p. 277, chacune avec les concl. av. gén.
Spreutels, J.L.M.B., 2004, p. 336, obs. F. Roggen, Rev. dr. commercial, 2004, p. 199, note O.
Creplet, et T. Straf., 2004, p. 167, obs. G. Stessens. Corr. Hasselt, 7 janv. 2004, F.J.F., 2005, p. 649.
Corr. Bruxelles, 26 févr. 2004, F.J.F., 2005, p. 115; T.F.R. 2004, p. 873.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 45

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 45, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

poursuivi pour le blanchiment visé à l’article 505, 28 de l’argent issu de cette


infraction de base; par contre, il pourrait l’être du chef de blanchiment pour les
comportements visés à l’article 505, 38 et 48 1.

217 Présentation de la loi instaurant le régime préventif de blanchiment


La loi du 11 janvier 1993 organise un régime préventif et non plus répressif du
blanchiment 2.
La liste des personnes concernées par les obligations découlant de ce régime n’a fait
que croı̂tre.
L’article 2 énumère l’ensemble des professionnels du secteur financier, au sens
large du terme 3.
L’article 2bis a étendu les obligations initialement formulées à l’attention des
professionnels du secteur non financier qui sont susceptibles de se trouver confrontés
à des opérations de blanchiment de capitaux: il s’agit des notaires 4, huissiers de
justice, réviseurs d’entreprise 5, experts-comptables, et exploitants de casinos, et, des
avocats depuis la modification législative et l’introduction de l’article 2ter, en vigueur
depuis le 1er février 2004.
La notion de blanchiment est définie à l’article 3, § 1er, de la loi, l’origine illicite des
biens étant limitée à une série, déjà très longue, d’infractions, à la différence du nouvel
article 505 du Code pénal rédigé en des termes généraux: terrorisme, criminalité
organisée, trafic illicite de stupéfiants, trafic illicite d’armes, de biens et de mar-
chandises, trafic de main-d’œuvre clandestine, trafic d’êtres humains ou exploitation
de la prostitution, infractions en matière d’hormones animales, trafic illicite d’orga-
nes, fraude au préjudice des intérêts financiers de l’Union européenne, fraude fiscale
grave et organisée, complexe ou internationale, corruption de fonctionnaires publics,
délit boursier, escroquerie financière, prise d’otages, vol, extorsion, banqueroute
frauduleuse.
Les exigences prévues par la loi sont au nombre de cinq:
– obligation d’identification du client;
– obligation de conservation des données pendant 5 années;
– obligation de dénonciation des soupçons ou des certitudes de blanchiment, auprès
de la Cellule de Traitement des Informations Financières (CTIF) 6, ou, pour les
avocats, auprès du bâtonnier;
– obligation de formation du personnel à la détection des opérations de blanchiment;
– obligation de désignation, au sein de chaque organisme, d’un ‘Monsieur blan-
chiment’.

1. Cass., 8 mai 2002, Pas., p. 1117; Rev. dr. pén., 2002, p. 965; J.T., 2003, p. 25.
2. A. De Nauw, ‘De strafrechterlijke aspecten van de wet van 11 januari 1993 tot voorkoming van het
gebruik van het financieel stelstel voor het witwassen van geld’, in Om deze redenen, Liber Amicorum
Armand Vandeplas, 194, p. 133 et s. J. Spreutels, F. Roggen, E. Roger France, Droit pénal des
affaires, Bruylant, 2005, pp. 478-496.
3. Sont concernés la Banque nationale de Belgique, les établissements de crédit, les entreprises d’assu-
rances, les sociétés de bourse, conseillers en placement et gestionnaires de fortune, mais également les
entreprises physiques ou morales qui émettent des cartes de crédit, les agents immobiliers, les
entreprises de gardiennage, les entreprises de location-financement,... et, depuis l’arrêté royal du 1er
mai 2006, également les sociétés de gestion d’organismes de placement collectif.
4. J.L. Van Boxtael, ‘Blanchiment de capitaux dans les actes notariés: quelques réflexions sur la
limitation des paiements en espèces’, Rev. not. belge, 2004, p. 315 et s.
5. A. Kilesse et J.C. Delepiere (s.l.d.), La lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme,
Série Audit accountancy tax, La Charte, 2005, 263 p.
6. M. Morris, ‘Impôts, argent noir et blanchiment’, R.G.F., 1998, p. 423; R. Devloo, ‘De meldingsplicht
bij fraude na de wet van 10 augustus 1998’, R.W. 1998-1999, p. 1199.

46 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 46, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

Les autorités de contrôle ou de tutelle des organismes financiers ont le pouvoir de


leur infliger une amende administrative d’un montant ne pouvant être inférieur à 250
euros et ne pouvant excéder 1.250.000 euros en cas de non-respect des obligations
prévues aux articles 4 à 19 et 24 de la loi.
La réforme législative du 12 janvier 2004 1 a réussi, pour l’essentiel:
– d’une part à inclure les avocats dans la liste des professions tenues de respecter les
obligations nées du contrôle préventif 2;
– d’autre part, à prévoir l’obligation de déclaration pesant sur les professions
concernées en cas de soupçon simple et non plus uniquement en cas de soupçon
renforcé;
– et enfin, à interdire à tous les commerçants de percevoir en espèces le prix de vente
d’articles dont la valeur atteint 15.000 euros.
L’article 2ter de la loi précise que les obligations ne pèsent sur les avocats que
lorsqu’ils assistent un client dans la préparation ou la réalisation de transactions
concernant certaines activités financières énumérées ou lorsqu’ils agissent au nom
de leur client dans une transaction financière ou immobilière; les déclarations de
soupçons doivent être faites auprès du bâtonnier de l’Ordre et non auprès de la CTIF.
Il se conçoit que, parmi les cinq obligations pesant sur les destinataires de la loi,
l’obligation de dénonciation met particulièrement à mal la profession d’avocat: cette
obligation est à l’origine d’une question préjudicielle posée par la Cour d’arbitrage,
saisie d’un recours en annulation, à la Cour de justice des Communautés européen-
nes 3.

§ 3. Dispositions générales applicables notamment aux entreprises

220 Introduction
A côté de ces textes épars, le Code pénal contient des dispositions d’ordre général
qui peuvent aussi s’appliquer aux entreprises. C’est ainsi que des exploitants de
salles de cinéma ont été poursuivis – et en fin de compte acquittés – pour outrage aux
mœurs (art. 383) suite à la projection d’un film estimé licencieux, ‘Le miracle de
l’amour’ 4. De même, les articles 418 à 420 du Code qui répriment l’homicide et les
lésions corporelles involontaires sont souvent invoqués: en cas d’accidents du travail,
ou de catastrophes survenant dans une entreprise industrielle ou commerciale 5.
Mais les dispositions les plus marquantes et les plus régulièrement mises en œuvre
sont celles relatives:
1. aux faux en écritures;
2. à l’abus de confiance;
3. à l’escroquerie.
Ces trois infractions constituent en quelque sorte le trépied de tout le droit pénal des

1. Loi du 12 janv. 2004, M.B., 23 janv. 2004.


2. G.A. Dal et J. Stevens, ‘Les avocats et la prévention du blanchiment des capitaux: une dangereuse
dérive’, J.T., 2004, p. 485 et s., ainsi que R.W., 2003-2004, pp. 1441-1457. A. Masset, ‘Devoir de
conseil de l’avocat et blanchiment’, in Déontologie – les honoraires – le devoir de conseil, Actes de la
journée d’étude du 20 mai 2005, Jeune Barreau de Liège, 2005, pp. 163-194.
3. C.A., n8 126/2005, 13 juill. 2005, J.L.M.B., 2005, p. 1182, note J. Debry, et J.T., 2005, p. 787, note.
4. Bruxelles, 29 juin 1970, Rev. dr. pén., 1970-1971, pp. 254 et s.
5. Y. Hannequart, ‘Imputabilité pénale et dommages survenus aux personnes et aux biens à l’occasion
des activités de l’entreprise’, Rev. dr. pén., 1968-1969, pp. 409 et s. Voir également H.D. Bosly, Les
sanctions en droit pénal social belge, E. Story-Scientia, 1979, pp. 33 à 53.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 47

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 47, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

affaires. On les rencontre en effet dans pratiquement chaque dossier relevant de ce


type de criminalité.

A. LES FAUX EN ÉCRITURES

230 Le cadre légal 1


L’article 196 du Code pénal punit ceux qui auront commis un faux en écritures
authentiques et publiques et toutes personnes qui auront commis un faux en écritures
de commerce, de banque ou en écritures privées, soit par fausses signatures, soit par
contrefaçon ou altération d’écritures ou de signatures, soit par fabrication de conven-
tions, dispositions, obligations ou décharges, ou par leur insertion après coup dans les
actes, soit par addition ou altération de clauses, de déclarations ou de faits que ces
actes avaient pour objet de recevoir et de constater.
L’article 197 du Code pénal punit celui qui aura fait usage de l’acte faux ou de la
pièce fausse comme s’il était l’auteur du faux.
À ces dispositions générales (les plus fréquemment mises en œuvre lors des pour-
suites pénales), s’ajoutent des infractions spécifiques concernant notamment:
– les faux commis par les fonctionnaires ou les officiers publics (art. 194 et 195
C.P.);
– les faux commis dans les passeports, ports d’armes, livrets, feuilles de route et
certificats (art. 198 à 210 C.P.);
– les faux réprimés par les lois particulières comme les faux dans les comptes annuels
(voir no 940 de ce livre), les faux en matière fiscale (voir no 480 de ce livre), les
faux en informatique (voir ci-après).

240 Eléments constitutifs du faux en écritures


a. L’altération de la vérité
Tout faux en écritures est un mensonge; ce mensonge peut affecter soit la matérialité
même de l’écrit (grattage, surcharge): c’est le faux matériel, soit les énonciations de
l’écrit sans que, dans sa matérialité, celui-ci soit falsifié: c’est le faux intellectuel, qui
porte sur le contenu, la substance de l’acte. Le faux intellectuel peut se réaliser par
omission (p. ex.: le commerçant qui s’abstient d’indiquer sa qualité d’ancien failli
dans une demande d’immatriculation au registre du commerce) ou par commission
(p. ex.: faire état en comptabilité de frais généraux fictifs). L’altération de la vérité
peut notamment se réaliser par simulation 2 qui consiste en un déguisement de la
vérité accompli de concert par les parties dans le but de masquer un acte en faisant
croire en un autre acte: il s’agit soit de faire croire à l’existence d’une convention qui
n’existe pas, soit de dissimuler la nature véritable d’une convention ou de certaines

1. Sur cette matière, voir M. Rigaux et P.E. Trousse, Les crimes et délits du Code pénal, Les Novelles,
t. III, 1957. J. Spreutels, F. Roggen, E. Roger France, Droit pénal des affaires, Bruylant, 2005, pp.
201-255. Pour un relevé de la jurisprudence, voir A. Masset, ‘Faux en écritures et usages de faux’,
Qualifications et jurisprudence pénales, Bruxelles, La Charte, 2004 (mis à jour), 36 p.
2. Cass., 23 oct. 1961, Pas., 1962, I, p. 207; L. Matray, ‘Simulation de droit privé et faux criminel’, Rev.
dr. pén., 1968-1969, pp. 581 à 624; P.E. Trousse, ‘La simulation en droit privé et le faux criminel’,
Rev. dr. pén., 1968-1969, pp. 625 à 651; F. Roggen, ‘La responsabilité à base documentaire en droit
pénal’, Rev. dr. U.L.B, 1992, pp. 175 à 192; Cass., 16 juin 1999, Rev. dr. pén., 2000, p. 81, et
conclusions ministère public.

48 – Livre 119.4 Kluwer

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LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

des conditions qui y sont constatées. C’est le cas notamment des factures fictives 1 et
des sociétés fictives 2.
b. L’intention frauduleuse ou le dessein de nuire (art. 193)
L’intention frauduleuse se définit comme étant le but de se procurer à soi-même ou à
autrui un avantage illicite quelconque 3: dissimuler ses revenus réels, toucher indû-
ment une indemnité d’assurance 4, couvrir un transport illicite d’alcool, recevoir des
honoraires non légitimement mérités...
Le dessein de nuire consiste en la volonté de porter atteinte à la considération
d’autrui: par exemple, fabriquer un écrit faux dans le but de faire condamner un tiers.
Le coauteur ou le complice ne doit avoir été mû que par un dol général, sans
exigence du dol spécial requis pour l’auteur 5.
c. La possibilité d’un préjudice
Si l’altération de la vérité ne peut engendrer aucun préjudice matériel ou moral pour
qui que ce soit, elle ne constitue alors pas un faux punissable. Le but du législateur est
la protection de la confiance obligée dans les écrits. La lésion de cette confiance
constitue un préjudice: ainsi, quand un faux est commis dans un acte authentique, le
préjudice résulte automatiquement de l’atteinte portée à la foi publique. Il suffit que le
préjudice soit possible, il ne faut pas qu’il ait été réellement causé: c’est la raison pour
laquelle la loi réprime le faux indépendamment de son usage 6.
Le préjudice peut être matériel ou moral. Ainsi, constitue un faux et un usage de
faux le fait pour un gérant de société, convoqué devant le service des enquêtes
commerciales, de soumettre au juge enquêteur une situation comptable contenant
des mentions inexactes. La possibilité de préjudice résulte de la conviction du juge
induit en erreur par la sincérité apparente de l’acte.
d. La réalisation du faux dans l’un des écrits et selon l’un des moyens prévus par
la loi
Les termes de la loi sont très généraux: l’écriture peut être imprimée, manuscrite,
dactylographiée, photocopiée, ou informatique 7. ‘Le minimum exigé est que l’écri-
ture soit l’expression d’une idée, la reproduction de paroles, de mots, de chiffres’ 8.

1. Cass., 21 déc. 1959, Pas., 1960, I, p. 477; Cass., 26 sept. 1966, Pas., 1967, I, p. 89; Cass., 16 nov. 1964,
Pas., 1965, I, p. 269; Cass., 28 nov. 1978, Pas., 1979, I, p. 357; Cass., 5 avril 1996, Rev. dr. pén., 1996,
p. 634; Cass., 5 févr. 1997, Larc. Cass., 1997, pp. 197, 200 et 203.
2. Cass., 6 févr. 1979, Pas., 1979, I, p. 641; Corr. Bruxelles, 19 déc. 1980, Rev. prat. soc., 1981, p. 53;
Liège, 12 mai 1989, Pas., 1990, II, p. 17.
3. Cass., 22 févr. 1977, Pas., 1977, I, p. 659; Cass., 15 juin 1982, Pas., 1982, I, p. 1194; Cass., 13 sept.
1994, Pas., 1994, I, p. 718. Il a été jugé que le faux en écritures était punissable même s’il était commis
uniquement dans le but de procurer à son auteur la preuve de faits contestés: Cass., 9 févr. 1982, Pas.,
1982, I, p. 721; Cass., 26 janv. 1996, Larc. Cass., 1996, no 272. M. Rigaux et P.E. Trousse, o.c.,
no 240, assimilent à l’intention frauduleuse la recherche d’un avantage que l’on n’aurait pas pu obtenir
ou que l’on aurait obtenu plus malaisément.
4. Cass. (2e ch.), 21 juin 2005, RG P.05.0073.N, sur le site http://www.cass.be.
5. Cass. (2e ch.), 10 mai 2005, RG P.05.0122.N, sur le site http://www.cass.be.
6. Cass. (2e ch.), 20 sept. 2005, RG P.05.0268.N, sur le site http://www.cass.be.
7. Liège, 26 févr. 1992, J.L.M.B., 1992, p. 1346. Pour un faux en écritures par falsification des indications
portées sur un disque tachygraphe, voir Pol. Hasselt, 7 déc. 1988, J.J.P., 1989, p. 347; Bruxelles ch.
mises acc., 7 févr. 2000, Rev. dr. pén., 2000, p. 865 (falsification de codes barres). La loi du
28 novembre 2000 relative à la criminalité informatique, M.B., 3 février 2001; C. Meunier, ‘La loi
relative à la criminalité informatique’, in C.U.P., Formation permanente, Le droit des nouvelles
technologies, févr. 2001, pp. 35-160; cette loi insère un article 210bis, dans le Code pénal pour
réprimer le faux et l’usage de faux en informatique; voy. O. Leroux, ‘Le faux informatique’, J.T.,
2004, p. 509 et s.
8. A. Marchal et J.-P. Jaspar, o.c., t. I, no 387. F. Willio, ‘Het begrip ‘beschermd geschrift’ in
artikelen 193 e. v. Sw.’, R.W., 1995-1996, p. 793 et s. Bruxelles, ch. mises acc., 7 févr. 2000, Rev. dr.
pén., 2000, p. 865 (falsification de codes barrés).

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 49

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TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

Tel n’est pas le cas des écritures musicales 1, des empreintes digitales 2. La falsifica-
tion de plans, par exemple, pour obtenir un permis de bâtir, donne ouverture à une
jurisprudence controversée.
La protection s’étend à l’ensemble des écritures:
– authentiques et publiques: les actes judiciaires (jugements, procès-verbaux dressés
par des officiers de police judiciaire), les actes administratifs (registre du
commerce, déclaration en douane, registres du conservateur des hypothèques),
les actes des officiers publics (notaires, huissiers);
– de commerce et de banques: polices d’assurance et déclarations de sinistres,
bordereaux, requêtes en concordat judiciaire, livres de commerce, actes de socié-
tés, titres de transport, chèques, traites, indication du titulaire d’un compte
bancaire 3 etc.;
– privées, lorsque celles-ci sont de nature à produire des effets juridiques, ou peuvent
faire preuve dans une certaine mesure, les tiers étant tenus envers ces documents
par une certaine confiance obligée; ainsi, des mentions fausses portées sur un
document de licenciement C4 4; ainsi, une fausse facture peut constituer un faux en
écritures lorsqu’elle est produite frauduleusement envers les tiers, mais non point
lorsqu’elle est adressée au client qui peut en vérifier l’exactitude 5.

250 Cas d’application


Les actes de société, qu’ils soient publics ou sous signature privée, rentrent dans la
catégorie des écrits protégés: ils ont, en effet, pour but de fournir différentes informa-
tions et de constater la réalité des conditions exigées par les lois sur les sociétés
commerciales. Les exemples de faux en écritures dans ce domaine sont nombreux:
– l’article 30, 17o, des L.C.S.C.6 impose que l’acte de société indique les charges
hypothécaires ou les nantissements grevant les biens apportés. Si l’acte constitutif
constate faussement que les apports sont quittes et libres de toute charge, ceux qui
ont, avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, fait cette constatation
sont coupables de faux;
– l’intervention d’hommes de paille est également souvent poursuivie. Les compa-
rants à la fondation de la société n’ont aucune intention de s’engager personnelle-
ment: ces hommes de paille agissent dans l’intérêt d’une seule personne, fondateur
ou tiers, qui leur fournit l’argent nécessaire, gérera l’affaire pour son propre compte
et à son seul profit. Cette situation se rencontre notamment dans les cas suivants
. un failli ne disposant plus du moindre crédit auprès de ses fournisseurs obtient
de comparses de comparaı̂tre à l’acte de constitution dans le but de pouvoir ainsi
continuer son activité sous le couvert d’une société de façade;

1. Bruxelles, 12 juill. 1945, J.T., 1945, p. 515. Dans la matière artistique, les faux peuvent tomber sous le
coup des articles 80 et 81 de la loi du 30 juin 1994 pour les contrefaçons portant atteinte aux droits
d’auteur et aux droits voisins.
2. Cass. fr., 15 mai 1934, D., 1934, I, 113.
3. Corr. Liège, 17 sept. 2003, J.L.M.B., 2003, p. 1542, et Liège, 15 oct. 2004, Journ. Proc., 2004, n8 483,
p. 24.
4. Corr. Verviers, 12 sept. 1991, Orientations, 1991, no 10, pp. 224 et s., note A. Masset ‘Préavis antidaté
et autres faux en écritures dans des documents sociaux’.
5. Cass., 5 oct. 1982, Pas., 1983, I, p. 167; Liège, 22 mars 1988, J.L.M.B, 1989, p. 518; Cass., 25 oct.
1988, J.L.M.B., 1989, p. 1001; Cass., 20 avril 1988, Pas., 1988, I, p. 982; Corr. Bruxelles, 19 mars
1992, Rev. dr. pén., 1992, p. 807, note H.D. Bosly; Cass., 15 juin 1994, Bull., 1994, no 309; Bruxelles,
14 déc. 1994, J.L.M.B., 1995, p. 210. Cass., 5 avril 2004, Rev. dr. pén., 2004, p. 1076 et J.T., 2004, p.
29. Cass. (2e ch.), 13 sept. 2005, RG P.05.0372.N, sur le site http://www.cass.be.
6. L’article 30, 17o L.C.S.C. a été remplacé, sans altération de sa teneur, par l’article 453, al. 1er 11o C. soc.
suite à la codification de cette matière par la loi du 7 mai 1999.

50 – Livre 119.4 Kluwer

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LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

. une personne constitue fictivement une société dans le seul but de faire obstacle
à l’exécution de décisions judiciaires en matière de pensions alimentaires et
d’organiser de la sorte son insolvabilité (art. 490bis C.P.) ou dans le but de
contourner une interdiction professionnelle qui la frappe.
Ainsi est entaché de faux l’acte constitutif d’une SA dont il est établi que les
comparants agissaient par pure complaisance et que leurs souscriptions – faites avec
des fonds qui ne leur appartenaient pas – étaient fictives 1.
Constitue de même un faux en écritures l’acte d’augmentation de capital d’une SA,
contenant l’affirmation sciemment fausse que certains comparants sont actionnaires et
qu’ils souscrivent aux nouvelles actions 2.
La cour d’appel d’Anvers 3 a estimé qu’était fictif l’apport d’un fonds de commerce
dont le passif excède l’actif: commet dès lors un faux en écritures, celui qui dans l’acte
constitutif présente un tel apport comme effectif.
La cour d’appel de Bruxelles 4 a estimé que peut constituer un faux intellectuel le
fait de sous-évaluer les apports en nature: en l’espèce le faux avait été établi dans le
but d’éviter un supplément de droits d’enregistrement qu’aurait entraı̂né l’évaluation
exacte de l’avoir social.

260 La peine
Le faussaire et l’auteur de l’usage de faux sont en principe punis de la réclusion (c’est-
à-dire d’un emprisonnement de 5 à 10 ans) et d’une amende de 26 à 2.000 euros. Dans
la pratique, ces crimes sont toujours ‘correctionnalisés’ et sanctionnés par un em-
prisonnement d’un mois à cinq ans et par une amende de 26 à 2.000 euros.

270 Usage de faux


L’usage, c’est tout moyen permettant de tirer un profit d’écritures fausses ou falsifiées,
même si le but à atteindre n’est pas réalisé. L’usage de faux requiert un fait d’usage, un
faux en écritures, une intention frauduleuse ou un dessein de nuire et un préjudice, réel
ou possible. Ainsi, il y a usage de faux bilan quand les administrateurs le déposent à la
Banque nationale, le soumettent à des créanciers ou à des investisseurs, établissent des
bilans ultérieurs sur base du faux bilan primitif 5. Ainsi constitue un usage de faux le
fait d’administrer une société anonyme fictive 6. Ainsi, commet un usage de faux la
partie qui fait déposer des conclusions devant un tribunal de commerce en fondant sa
demande sur des documents qualifiés ultérieurement de faux 7.

280 Prescription
Une jurisprudence constante considère ‘qu’à l’égard de l’auteur, le faux et l’usage de
faux constituent une seule et même infraction, l’usage en pareil cas n’étant que la
continuation du faux; qu’il s’ensuit que la prescription ne commence à courir pour
l’ensemble de l’infraction qu’à partir du dernier acte d’usage; qu’il y a usage du faux,
même sans fait nouveau de l’auteur du faux et sans intervention itérative de sa part,

1. Bruxelles, 3 mars 1965, J.T., 1965, p. 387.


2. Bruxelles, 10 nov. 1971, Rev. prat. soc., 1973, p. 141.
3. Anvers, 13 sept. 1976, Rev. prat. soc., 1976, p. 131.
4. Bruxelles, 16 mars 1966, Rev. prat. soc., 1966, p. 196.
5. Cass., 1er févr. 1984, Pas., 1984, I, p. 617.
6. Cass., 6 févr. 1979, Pas., 1979, I, p. 641.
7. Corr. Bruxelles, 3 mai 1989, J.T., 1991, p. 33; Cass., 13 mars 1996, Rev. dr. pén., 1996, p. 755.

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TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

tant que le but qu’il visait n’est pas entièrement atteint et tant que l’acte initial qui lui
est reproché continue de produire à son profit, sans qu’il s’y oppose, l’effet utile qu’il
en attendait’ 1.

B. L’ABUS DE CONFIANCE ET L’ABUS DE BIENS SOCIAUX

1. L’abus de confiance

290 Le cadre légal 2


L’article 491 du Code pénal punit quiconque aura frauduleusement soit détourné, soit
dissipé au préjudice d’autrui, des effets, deniers, marchandises, billets, quittances,
écrits de toute nature contenant ou opérant obligation ou décharge et qui lui avaient été
remis à la condition de les rendre ou d’en faire un usage ou un emploi déterminé.

300 Eléments constitutifs de l’abus de confiance


a. L’intention frauduleuse
La fraude distingue l’abus de confiance de la simple inexécution d’un contrat. La
fraude consiste en la volonté de se procurer à soi-même ou à autrui un bénéfice illicite
quelconque. Elle peut notamment résulter de la circonstance qu’au moment du
détournement, le prévenu ne pouvait ignorer, en raison du désordre de ses affaires,
qu’il serait incapable de rembourser ce qu’il se faisait remettre 3.
La restitution des choses détournées n’est pas élisive de l’infraction. L’élément
moral de l’infraction peut exister au moment de la remise de la chose ou naı̂tre
ultérieurement lorsque le prévenu retient la chose et l’utilise à des fins personnelles 4.
Les créances que celui à qui est imputé un abus de confiance peut faire valoir contre
celui qui lui a remis une chose, à condition d’en faire un usage déterminé, n’excluent
pas nécessairement qu’il puisse frauduleusement détourner ou dissiper cette chose 5.
b. Un détournement ou une dissipation
L’un et l’autre de ces actes révèlent la volonté de se conduire comme seul propriétaire
de l’objet: le détournement consiste en un acte d’appropriation directe (refus de
restituer), la dissipation en un acte de disposition (vendre, mettre en gage). La
dissipation implique donc nécessairement un détournement. L’usage abusif d’une
chose remise à titre de dépôt ou de gage ne constitue pas un détournement ou une
dissipation: le dépositaire d’une automobile qui l’emploie à son usage personnel 6, la
femme qui porte des bijoux qui lui ont été remis en gage ne commettent pas d’abus de
confiance. En revanche, commet un abus de confiance l’employé qui emporte, au

1. Cass., 5 oct. 1982, Pas., 1983, I, p. 167; Corr. Bruxelles, 3 mai 1989, J.T., 1991, p. 33; Liège, 24 mars
1995, J.L.M.B., 1995, p. 835. Cass., 15 nov. 2001, Pas., 2001, n8 384. Sur cette matière, voy. A.
Masset, o.c., pp. 28-32. Adde C.A. n8 199/2005, 21 déc. 2005 (question préjudicielle) http://www.ar-
bitrage.be (9 janv. 2006); Adde C.A., n8 199/2005, 21 déc. 2005, M.B., 13 févr. 2006, qui avalise cette
jurisprudence. Pour une critique de cette jurisprudence, voy. A. Masset, ‘Réflexions à propos de la
prescription de l’action publique, spécialement dans le domaine des infractions de faux en écriture’,
Rev. fac. dr. Liège, 2006, p. 231 et s.
2. Sur cette matière, voy. R. Charles, R.P.D.B., Compl. III, vo Abus de confiance, 1969; J. Spreutels,
F. Roggen, E. Roger France, Droit pénal des affaires, Bruylant, 2005, pp. 322-345. R. Dezeure,
‘Abus de confiance’, Qualifications et jurisprudence pénales, Bruxelles, La Charte, 1992, pp. 1 à 29.
3. Cass., 16 avril 1934, Pas., 1934, I, p. 244; Cass., 18 mars 1940, Pas., 1940, I, p. 94.
4. Cass., 3 oct. 1966, Pas., 1967, I, p. 136; Cass., 5 janv. 1988, Pas., 1988, I, p. 534.
5. Cass., 21 oct. 1980, Pas., 1981, I, p. 220. Cass., 6 sept. 1995, Rev. dr. pén., 1996, p. 334.
6. Cass., 28 janv. 1999, Bull. ass., 2000, p. 267.

52 – Livre 119.4 Kluwer

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LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

moment où il quitte le service d’une entreprise, un livre de comptes qui lui avait été
confié et dont l’intention est de tirer profit des annotations contenues dans ce livre 1.
Le délit d’abus de confiance requiert une remise translative de la possession
précaire de l’objet à l’auteur par son propriétaire ou par un tiers agissant pour son
compte. Si la rétention frauduleuse ou l’usage abusif, secret et préjudiciable d’un actif
social peuvent constituer, le cas échéant, un abus de biens sociaux, ils ne peuvent, en
revanche, constituer un délit d’abus de confiance lorsque l’auteur, n’ayant pas été mis
en possession des biens, n’a pu se les approprier 2.
L’usage abusif des biens appartenant à une société est cependant à présent réprimé
par le droit belge (voir nos 333 à 337 de ce livre).
c. Au préjudice d’autrui
Le préjudice existe dès qu’il est réalisé ou possible. La restitution tardive ne fait pas
disparaı̂tre le délit. Ainsi, a été condamné pour détournement celui qui avait disposé
frauduleusement de certains titres pour cautionner l’engagement d’un tiers, encore que
ces titres aient été restitués dans la suite. Le préjudice existait par suite de l’affectation
de ces titres au cautionnement du tiers 3.
d. Objets de l’abus de confiance
L’énumération des biens susceptibles d’être détournés ou dissipés est interprétée de
façon large par la jurisprudence qui considère qu’il s’agit de toute chose mobilière
pouvant faire l’objet d’un échange ou d’un commerce: fiches de renseignements
commerciaux, effets de commerce, chèques, actions ou obligations de sociétés, courant
électrique...
L’infraction peut porter sur des choses fongibles (c.-à-d. interchangeables): dans ce
cas, le délit n’existe qu’à partir du moment où l’auteur s’est mis dans la situation de ne
pouvoir soit rendre ce qui lui avait été remis, soit en faire l’emploi auquel il était tenu 4
(p. ex.: l’agent d’assurances ayant utilisé à des fins personnelles le montant de primes
encaissées pour compte de la compagnie).
e. Les objets doivent avoir été remis à l’auteur de l’infraction à la condition de les
rendre ou d’en faire un usage ou un emploi déterminé
La remise doit être volontaire, spontanée et être ‘translative de la possession précaire
de la chose’, c’est-à-dire que la remise est faite avec l’obligation pour le possesseur de
restituer l’objet ou d’en faire un usage déterminé; sont ainsi translatifs de la possession
précaire les contrats de dépôt, de mandat, de louage, de gage, de prêt à usage. Puisque
l’abus de confiance est une infraction contre la propriété, il ne peut pas y avoir
détournement lorsque le prévenu est devenu propriétaire par la remise 5: à défaut de
preuve de toute stipulation contraire entre parties, c’est en propriété que sont transmis
les acomptes versés à celui qui s’est engagé à effectuer un travail en exécution d’un
contrat d’entreprise 6.

1. Cass., 11 juill. 1938, Pas., 1938, I, p. 266.


2. Cass., 9 févr. 2005, J.L.M.B., 2005, p. 524, J.T., 2005, p. 236, Rev. dr. pén., 2005, p. 550 et DAOR,
2005, p. 169.
3. Cass., 22 juin 1903, Pas., 1903, I, p. 309; Bruxelles, 24 mars 2000, J.T., 2000, p. 580.
4. Cass., 19 déc. 1972, Pas., 1973, I, p. 392.
5. Pour l’exemple d’un prêt de consommation, exclusif d’abus de confiance, voy. Cass., 3 oct. 2003, Rev.
dr. pén., 2004, p. 396.
6. Bruxelles, 17 janv. 1979, J.T., 1979, p. 527; Corr. Liège, 30 avril 1979, J.L., 1979-1980, p. 428, obs.;
Bruxelles, 27 févr. 1997, J.L.M.B., 1997, p. 1442; Corr. Tournai, 24 nov. 1998, J.L.M.B., 2000, p. 1143;
Cass., 8 sept. 1998, Bull., 1998, 391.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 53

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TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

310 Cas d’application


Est coupable d’abus de confiance:
– Le notaire ou l’avocat qui affecte à des fins personnelles des fonds reçus d’un tiers
pour compte de son client.
– L’administrateur, le gérant ou l’associé d’une société qui affecte à des fins autres
que celles qui leur étaient destinées des biens sociaux confiés à sa gestion 1.
Cette décision se fonde sur la qualité de mandataire de l’organe social, lequel,
aux termes de l’article 62, alinéa 1er, des L.C.S.C.2est rendu responsable confor-
mément au droit commun, de l’exécution du mandat qu’il a reçu et des fautes
commises dans sa gestion. Il en va de même des prélèvements abusifs opérés dans
la caisse sociale 3. Ces deux hypothèses, ayant donné lieu à condamnation d’une
manière critiquable, doivent à présent être appréhendées par l’incrimination d’abus
de biens sociaux dont il sera question ci-après.
– En cas de vente à tempérament avec clause de réserve de propriété, la loi du 12 juin
1991 (art. 46) impose que le contrat reproduise le texte de l’article 491 du Code
pénal, sans quoi la clause est réputée non écrite. Commet un abus de confiance celui
qui cède l’objet d’une convention dans laquelle est mentionnée semblable cause.

320 La peine
L’article 491 du Code pénal punit l’auteur de l’abus de confiance d’un emprisonne-
ment d’un mois à cinq ans et d’une amende de 26 à 500 euros.

330 Infractions voisines


Le législateur a prévu des textes particuliers relatifs notamment:
– aux détournements commis par un fonctionnaire ou un officier public (art. 240 C.P.);
– à l’utilisation, par des professionnels du secteur, d’instruments financiers apparte-
nant aux clients. L’article 148, § 3, de la loi du 6 avril 1995 relative aux marchés
secondaires, au statut des entreprises d’investissement et à leur contrôle, aux
intermédiaires et conseillers en placement, qualifient coupables d’abus de
confiance et les sanctionnent des peines prévues par l’article 491 du Code pénal,
ceux qui, agissant au nom d’un intermédiaire visé à l’article 2, mettent en report ou
utilisent d’une manière quelconque au profit de cet intermédiaire, à leur profit
personnel ou au profit de tiers, des instruments financiers appartenant à un client,
sans l’autorisation écrite de celui-ci;
– à l’aliénation frauduleuse ou au déplacement des éléments d’un fonds de commerce mis
en gage. L’article 8 de la loi du 25 octobre 1919 dispose: ‘celui qui a donné son fonds
de commerce en gage est, par le fait même de son nantissement, constitué gardien des
éléments du gage. L’aliénation frauduleuse ou le déplacement frauduleux de tout ou
partie de ses éléments est passible des peines prévues par l’article 491 du Code pénal’.

2. L’abus de biens sociaux

333 Le cadre légal


L’article 492bis du Code pénal a été introduit par la loi du 8 août 1997 sur les faillites.

1. Bruxelles, 23 janv. 1981, Pas., 1981, II, p. 36.


2. L’article 62, alinéa 1er L.C.S.C. a été remplacé, sans altération de sa teneur, par l’article 527 C. soc.
suite à la codification de cette matière par la loi du 7 mai 1999.
3. R.P.D.B., Compl. III, vo Abus de confiance, no 67.

54 – Livre 119.4 Kluwer

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LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

335 Eléments constitutifs de l’abus de biens sociaux


Cet article frappe d’un emprisonnement d’un mois à cinq ans et d’une amende de
100 à 500.000 euros ‘les dirigeants de droit ou de fait des sociétés commerciales et
civiles ainsi que des associations sans but lucratif qui, avec une intention frauduleuse
et à des fins personnelles, directement ou indirectement, ont fait des biens ou du crédit
de la personne morale un usage qu’ils savaient significativement préjudiciable aux
intérêts patrimoniaux de celle-ci et à ceux de ses créanciers ou associés’ 1.
a. Les auteurs de l’infraction
Cette infraction ne peut être commise que par certaines personnes, à savoir les
dirigeants de droit ou de fait des sociétés commerciales et civiles ainsi que des
associations sans but lucratif.
La jurisprudence devra donc rechercher la personne qui, en fait, gère la société,
qu’elle soit ou non un organe.
Cette fonction de direction, de droit ou de fait, au sein de l’entreprise exclut les
membres du personnel, employés et ouvriers, quoique ceux-ci pourraient être inquié-
tés en qualité de co-auteurs ou de complices, selon les termes généraux de la
répression de la participation.
De même, aucune qualité particulière n’est requise pour incriminer des personnes
du chef de recel d’abus de biens sociaux, sur base de l’article 505 Code pénal.
b. L’usage des biens ou du crédit social
L’acte matériel doit être un usage des biens ou du crédit de la société 2.
Les biens sociaux, non autrement définis, visent tout autant les actifs mobiliers
qu’immobiliers, corporels ou incorporels.
Le crédit de la société pourrait être défini comme la réputation de la société en
raison de son capital, de la nature de ses affaires et de la bonne marche de l’entreprise .
c. Un usage significativement préjudiciable aux intérêts patrimoniaux de la per-
sonne morale et à ceux de ses créanciers ou associés
L’adjonction de l’adverbe ‘significativement’ tend évidemment à restreindre le champ
d’application de cette nouvelle incrimination mais pose, en réalité plus de problèmes
qu’il n’en résout: les travaux préparatoires précisent que cet adverbe permet d’éviter
que des vétilles ne fassent l’objet de poursuites, ce qui mettrait à l’abri l’adminis-
trateur qui se serait rendu aux frais de la société dans un restaurant trois étoiles
quelques semaines avant la faillite, ou qui aurait téléphoné deux fois à son épouse aux
frais de la société ou qui aurait fait dactylographier par la secrétaire de l’entreprise le
travail de fin d’études de son fils.
Cependant, si l’on doit envisager des critères objectifs, quels seront ces critères à

1. Sur cette incrimination, voir les commentaires de E. Roger France, ‘La répression des abus de biens
sociaux: le nouvel article 492bis du Code pénal’, J.T., 1996, p. 533 et s.; A. De Nauw, ‘Misbruik van
de goederen of van het credit van de rechtspersoon’, R.W., 1997-1998, p. 521 et s.; O. Caprasse, ‘La
responsabilité civile et pénale des dirigeants d’entreprise en difficulté’, La faillite et le concordat en
droit positif belge après la réforme de 1997, C.D.V.A., Université de Liège, 1998, pp. 328-348;
I. Verougstraete, Manuel de la faillite et du concordat, Kluwer, 1998, pp. 572-582; F. Roggen,
‘L’incrimination nouvelle d’abus de biens sociaux en droit belge’, Rev. dr. U.L.B., 1997, pp. 121-142.
J. Bihain ‘Le point sur quelques sujets d’actualités en droit pénal des affaires, in C.U.P., Formation
permanent, Le point sur le droit pénal, vol. 37, févr. 2000, pp. 83-102. J. Spreutels, F. Roggen, E.
Roger-France, Droit pénal des affaires, Bruylant, 2005, pp. 346-376.
2. Ex.: la sûreté donnée par une société pour cautionner la dette de l’ami personnel d’un dirigeant, ou
l’octroi d’un prêt sans intérêt ou l’omission volontaire de réclamer des factures échues d’un montant
important; Cass., 17 mars, 1999, J.T., 1999, p. 447, note F. Roggen; Cass., 19 mai 1999, J.T., 1999.
p. 645. Cass., 9 févr. 2005, J.L.M.B., 2005, p. 524, J.T., 2005, p. 236, Rev. dr. pén., 2005, p. 550 et
DAOR, 2005, p. 169.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 55

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 55, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

prendre en considération: chiffre d’affaires, bénéfices, taille de l’entreprise, ...? La


Cour d’arbitrage n’a pas considéré que l’emploi de cet adverbe violait le principe de la
légalité du droit pénal 1.
Il est exigé par le texte pénal que l’usage soit préjudiciable non seulement à l’intérêt
patrimonial de la société mais également à celui des créanciers et associés de cette
société, ce qui est une exigence cumulative qui s’écarte donc du simple usage
contraire à l’intérêt social.
Il demeure que le juge, pour apprécier cet élément constitutif de l’infraction, devra
se placer au jour de l’opération et non au jour où cette opération a produit ses résultats.
Selon certains, face à des groupes de sociétés, il n’y aurait pas d’abus de biens
sociaux lorsque les transferts de biens entre sociétés d’un même groupe seraient
justifiés par un intérêt commun réel qui n’impliquerait pas de violation des droits et
des intérêts particuliers d’une des sociétés de l’ensemble 2.
d. Elément moral triple
L’élément moral de l’infraction doit consister en une intention frauduleuse dans le
chef du dirigeant qui doit avoir réalisé l’usage à des fins personnelles, et en
connaissance que cet usage était significativement préjudiciable.
Cette combinaison de conditions renforce l’exigence d’un élément moral tout à fait
particulier.
L’intention frauduleuse est définie classiquement comme l’intention de se procurer
à soi-même ou à autrui un avantage illicite; cette intention frauduleuse sera d’autant
plus facilement démontrée que l’usage a été réalisé de manière cachée, ce qui n’exclut
cependant pas l’application de cette disposition lorsque l’usage incriminé a
été déclaré, comptabilisé voire même approuvé par l’assemblée générale; les faits
d’attribution d’une rémunération élevée ou d’avantages en nature importants ou du
maintien d’un compte courant débiteur élevé pendant une longue période seront à
apprécier à l’aune de cet élément moral.
L’exigence d’un usage réalisé à des fins personnelles directement ou indirectement
embrasse le comportement abusif d’un administrateur agissant dans un but pécuniaire
ou matériel, professionnel ou moral, au service d’une réputation personnelle ou
familiale, soit pour lui-même soit par personne interposée.
L’exigence de la réalisation d’un intérêt personnel posera difficulté à l’instar de la
jurisprudence de la Cour de cassation française qui suit une évolution erratique dans le
domaine: la haute juridiction française a rendu des décisions contradictoires pour
qualifier ou non d’abusif l’usage des biens d’une société effectué dans un but illicite: il
s’agissait tantôt de l’hypothèse d’utilisation de fonds sociaux pour réaliser une
corruption par le recours à des pots-de-vin, tantôt de l’hypothèse de constitution d’une
caisse noire pour rémunérer des travailleurs clandestins 3. Cet élément moral pose
également le problème de l’application de la nouvelle infraction aux opérations
intervenant au sein d’un groupe de sociétés, dont il a déjà été question, puisque
l’intérêt du groupe peut parfois être différent de l’intérêt de chacune des sociétés
composant le groupe.
L’exigence de la connaissance par l’auteur du caractère significativement préjudi-
ciable de l’usage renforce la volonté du législateur de contenir l’incrimination dans
des limites strictes.

1. C.A., n8 40/2006, 15 mars 2006, publié sur le site http://www.arbitrage.be.


2. E. Cusas et J.-P. Renard, Le nouveau droit du concordat et de la faillite, Lois actuelles, Kluwer, 1997,
pp. 190 et 191. Bruxelles (11e ch.), 29 juin 1999, J.D.S.C., 2002 (abrégé), 370, note E. Pottier, A.
Coibion.
3. Pour une synthèse de cette jurisprudence, voir O. Caprasse, o.c., p. 339, note 175 et les références
citées; adde, Cass. crim., 27 oct. 1997, Sem. jurid., J.C.P., 1998, no 6, pp. 241 et s., et note M. Pralus.

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LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

337 Répression de l’infraction


Le libellé de l’incrimination doit faire considérer celle-ci comme étant une infraction
instantanée, s’agissant de la répression d’un usage frauduleux et non pas d’une
rétention frauduleuse. L’infraction est ainsi consommée lorsque tous les éléments
constitutifs sont réunis et la prescription commence à courir à partir de ce moment.
La tentative d’abus de biens sociaux n’est pas sanctionnée, à défaut de texte légal.
L’amende portée par le texte peut atteindre 500.000 euros, soit, par le jeu
des décimes additionnels, un total de 500.0006200 ou 2.750.000 euros.
L’infraction d’abus de biens sociaux est à présent susceptible de donner lieu à
application des interdictions professionnelles mentionnées dans l’arrêté royal no 22 du
24 octobre 1934 tel que modifié par la loi du 2 juin 1998.

C. L’ESCROQUERIE

340 Le cadre légal 1


L’article 496 du Code pénal punit ‘quiconque, dans le but de s’approprier une chose
appartenant à autrui, se sera fait remettre ou délivrer des fonds, meubles, obligations,
quittances, décharges, soit en faisant usage de faux noms ou de fausses qualités, soit en
employant des manœuvres frauduleuses pour persuader l’existence de fausses entre-
prises, d’un pouvoir ou d’un crédit imaginaire, pour faire naı̂tre l’espérance ou la
crainte d’un succès, d’un accident ou de tout autre événement ou pour abuser
autrement de la confiance ou de la crédulité’.

350 Eléments constitutifs de l’escroquerie


a. L’intention de s’approprier le bien d’autrui
L’élément moral de l’escroquerie consiste dans le but de s’approprier une chose
appartenant à autrui 2.
L’infraction suppose qu’on se fasse remettre une chose pour s’en servir et en
disposer comme le ferait le propriétaire lui-même.
Une controverse existe quant à la possibilité de retenir le délit d’escroquerie lorsque
le prévenu a entendu obtenir de la victime, non la propriété de la chose
escroquée, mais uniquement la détention ou l’usage de cette chose 3. Par contre, il
importe peu que le prévenu ait visé un avantage pour un tiers plutôt que pour lui-
même.
b. La remise ou la délivrance de certains objets
Pour qu’il y ait escroquerie, il est nécessaire que l’auteur soit parvenu à se faire
remettre ou délivrer effectivement les objets. La tentative d’escroquerie est désormais
punissable 4; il est évidemment possible que la manœuvre – qui n’a pas entraı̂né de
remise – constitue une infraction en tant que telle: usage de faux, chèque sans
provision, port public de faux noms, etc...
La remise peut se faire de manière indirecte, par exemple par virement à un compte.
Elle doit avoir lieu au préjudice de quelqu’un: est ainsi constitutive d’escroquerie

1. Sur cette matière, voy. P. Sasserath, R.P.D.B., Compl. IV, vo Escroquerie, 1972. J. Spreutels, F.
Roggen, E. Roger-France, Droit pénal des affaires, Bruylant, 2005, pp. 376-406. Pour un relevé de
la jurisprudence, voir P.L. Bodson et D. Bernard, ‘L’escroquerie’, Qualifications et jurisprudence
pénales, Bruxelles, La Charte, 1994, pp. 1 à 18.
2. Cass., 25 janv. 1984, Pas., 1984, I, p. 565.
3. A. De Nauw, Initiation au droit pénal spécial, E. Story-Scientia, 1987, pp. 356 et 357.
4. Voy. no 370 de ce livre.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 57

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TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

l’action de se faire remettre par l’Institut belgo-luxembourgeois du change, en


produisant de fausses attestations, un certificat de bonne provenance de titres étran-
gers. Le préjudice consiste dans le trouble apporté à l’économie de la réglementation
que l’Institut a pour mission de sauvegarder 1.
Il n’est pas nécessaire que la somme escroquée ait été remise à l’escroc par la
victime elle-même, ni que cette remise ait été faite en mains propres de l’escroc 2.
Tous les objets ayant une valeur matérielle ou morale qui appartiennent au
patrimoine d’autrui, à l’exception des immeubles, sont protégés par le texte légal 3.
c. Provoquée par des moyens frauduleux
Les moyens frauduleux qui, selon l’article 496, peuvent servir à commettre l’escro-
querie, sont de deux types: d’une part, l’usage de faux noms ou de fausses qualités,
d’autre part, l’emploi de manœuvres frauduleuses.
Chacun de ces moyens frauduleux doit être déterminant de la remise et donc
antérieur à la remise: ce sont ces moyens qui doivent avoir conduit la victime à
remettre la chose escroquée 4.
La question de savoir si des actes postérieurs à la remise peuvent entrer en ligne de
compte appelle une réponse nuancée. Il n’y a pas d’escroquerie lorsque toutes les
manœuvres sont postérieures à la remise de la chose 5. Par exemple l’inexécution d’un
contrat de construction postérieurement à la remise de l’acompte ne peut être
considérée comme une escroquerie puisqu’il n’y a pas eu de manœuvres ayant
déterminé la conclusion du contrat. Par contre, des manœuvres postérieures à la
remise peuvent, en connexité avec d’autres, être déterminantes de l’escroquerie
lorsqu’elles ont eu pour objet de convaincre la victime de la sincérité des actes
accomplis 6.
Le simple mensonge portant sur le nom ou sur une qualité suffit pour caractériser
l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, lorsque cet usage a été déterminant de
la remise 7; il importe peu que le faux nom utilisé est un nom imaginaire plutôt que le
nom d’un tiers; la qualité protégée par le texte légal porte objectivement sur les
attributs juridiques d’une personne (état civil, capacité, titres, profession), ou sub-
jectivement (toutes les particularités personnelles qui peuvent déterminer une remise:
qualité de propriétaire d’un immeuble, qualité de commerçant en timbres, qualité de
nouvel exploitant d’une firme, qualité de créancier, ...: cette pure casuistique donne
au mot qualité un sens presque infini) 8; l’abus d’une qualité vraie peut constituer
l’usage d’une fausse qualité 9.
Par contre, le simple mensonge ne suffit pas pour caractériser les manœuvres
frauduleuses visées par le texte légal; par manœuvres frauduleuses, on entend tous
les moyens employés pour surprendre la confiance d’une personne, la mise en scène

1. Cass., 3 mars 1952, Pas., 1952, I, p. 397.


2. Cass., 22 mai 1922, Pas., 1922, I, p. 317; Cass., 30 juin 1975, Pas., 1975, I, p. 1057.
3. A. De Nauw, o.c., p. 359.
4. Cass., 25 oct. 1983, Pas., 1984, I, p. 198. Les manœuvres postérieures à la remise des fonds sont parfois
prises en considération: voir Cass., 17 févr. 1988, Pas., 1988, I, p. 713 et Mons, 28 juin 1989, J.L.M.B.,
1991, p. 1168; Cass., 15 avril 1997, Rev. dr. pén.. 1998, 236. Comp. Corr. Bruxelles, 19 mars 1992,
Rev. dr. pén., 1992, p. 807.
5. Corr. Bruxelles, 19 mars 1992, Rev. dr. pén., 1992, p. 807.
6. Cass., 15 avril 1997, Rev. dr. pén., 1998, p. 236; Mons, 28 juin 1989, J.L.M.B., 1991, p. 1168; Cass., 17
févr. 1988, Pas., 1988, I, p. 713.
7. Cass., 6 février 2001, R.W., 2001, p. 416, note A. Vandeplas.
8. P. Sasserath, o.c., nos 82 à 96 (23). Est coupable d’escroquerie par usage d’une fausse qualité,
l’éditeur de revues périodiques qui provoque la souscription de contrats de publicité en faisant prendre
systématiquement par ses démarcheurs la fausse qualité de fonctionnaire d’un service public ou de
délégué d’une œuvre charitable: Bruxelles, 10 janv. 1973, Pas., 1973, II, p. 72.
9. P. Sasserath, o.c., no 96 (23).

58 – Livre 119.4 Kluwer

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LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

ayant pour but et comme résultat de tromper autrui. Elles doivent avoir été employées
en vue d’atteindre un des buts déterminés par le texte légal. Il est admis que la
manœuvre frauduleuse peut être constituée par un ensemble de faits dont chacun n’est
qu’un élément de la manœuvre et ne doit pas réunir tous les caractères de celle-ci 1. Un
simple mensonge ne suffit pas: les manœuvres doivent revêtir une forme positive et
extérieure qui les rende visibles et tangibles 2: ainsi les allégations mensongères faites
par un emprunteur sur sa solvabilité ne constituent pas des manœuvres; mais si elles
sont accompagnées de documents qui leur confèrent un certain crédit (p. ex., une
fausse situation comptable), elles deviennent punissables 3. L’usage de faux en
écritures constitue l’une des formes les plus fréquentes de manœuvres frauduleuses.

360 Cas d’application


Constitue un exemple classique de mise en scène aboutissant à l’escroquerie, le
procédé utilisé par les ‘carambouilleurs’: ‘Il consiste à faire croire à l’existence d’une
entreprise commerciale pour se faire livrer des marchandises à crédit. À cet effet,
l’escroc organise le simulacre d’un véritable établissement, loue des bureaux, engage
des employés, fait imprimer des prospectus, etc. au nom de cette prétendue firme ou
société. À l’échéance, les créanciers ne trouvent que des locaux abandonnés et des
débiteurs insolvables lorsqu’il ne sont pas en fuite’ 4.
La remise d’un chèque sans provision peut constituer une manœuvre frauduleuse,
même si le tireur n’utilise aucun artifice tendant à persuader le bénéficiaire de la
réalité du crédit dont il se prévaut abusivement 5 et même si le chèque est remis au
propre banquier du tireur 6.
Peut constituer une manœuvre frauduleuse de nature à faire croire à un crédit
imaginaire, le fait d’émettre, afin de se faire remettre des marchandises, des lettres de
change dont on sait que ni la société dont on est le gérant ni soi-même ne pourront les
payer à l’échéance 7.
Commet une escroquerie ‘celui qui, par des annonces publiées dans divers jour-
naux, promet des prêts avantageux, alors qu’il ne possède pas de capitaux et n’est en
rapport avec aucun groupe de capitalistes capables de faire face aux demandes de
prêts, et se fait ainsi remettre des sommes d’argent en rémunération de services qu’il
sait ne pas pouvoir rendre’ 8.
Se rend de même ‘coupable de manœuvres frauduleuses constituées par des

1. Cass., 20 janv. 1969, Pas., 1969, I, p. 459; Cass., 7 févr. 1990, Pas., 1990, I, p. 664.
2. Bruxelles, 27 févr. 1997, J.L.M.B., 1997, p. 1442: ‘La seule inaction ne peut être une manœuvre
frauduleuse car il faut un fait positif de la part de l’escroc; cette manœuvre ne pourrait être constituée
par des réticences, par la dissimulation de la vérité à la victime ou par le fait d’omettre de lui révéler des
faits qui l’auraient amenée, si elle les avait connus, à ne pas consentir’; Cass., 22 sept. 1999, J.T., 2000,
p. 51.
3. Cass., 4 mars 1997, Larc. Cass., 1997, p. 196; Liège, 11 avril 1984, J.L., 1984, p. 266: la dissimulation à
l’égard d’organismes de crédit de l’existence d’emprunts antérieurs et la substitution de personnes, les
emprunteurs nommément désignés n’étant pas les réels emprunteurs et n’étant que des prête-noms,
démontrent l’existence de l’intention frauduleuse et des manœuvres constitutives de l’escroquerie.
4. P. Sasserath, o.c., no 119.
5. Cass., 4 nov. 1974, J.T., 1975, p. 27 et obs. et Rev. dr. pén., 1974-1975, p. 747, note H.D. Bosly. Corr.
Liège, 22 mars 1982, J.L., 1982, p. 319; Corr. Bruxelles, 29 avril 1971, J.T., 1973, p. 237, note
J. Messinne. Par contre, user abusivement d’une carte de crédit au-delà des limites contractuelles
n’est pas constitutif d’infraction s’il n’est pas établi que le prévenu a usé de manœuvres frauduleuses
pour se faire délivrer la carte ou l’utiliser après sa révocation: Liège, 13 nov. 1985, J.L., 1986, pp. 230,
et étude d’A. Masset, ‘Utilisation frauduleuse et abusive des cartes de paiement et de crédit’, J.T.,
1987, pp. 137 à 142.
6. Bruxelles, 11 juin 1975, J.T., 1975, p. 508. Cass., 13 mai 2003, T. Strafr., 2004, p. 282.
7. Cass., 15 mars 1988, Pas., 1988, I, p. 849. Comp. art. 509 et 509ter C.P.
8. Cass. fr., 5 janv. 1938, D., 1938, 133; Bruxelles, 10 avril 1975, Pas., 1976, II, p. 15.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 59

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TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

allégations mensongères accompagnées d’une mise en scène, l’individu qui, pour


obtenir en sa qualité prétendue de ‘manager’ la signature de contrats artistiques,
imposait aux signataires des obligations très lourdes, avait prétendu avoir un bureau
à Paris alors que c’était faux, et pour appuyer son allégation avait convoqué ses futures
victimes, les avait soumises à des séances d’audition, à des prises de vue destinées,
selon lui, à la publicité’ 1.
Est une manœuvre constitutive d’escroquerie le fait de vendre à tempérament une
machine à un acheteur qui n’a pas le désir d’acheter, en faisant miroiter à ses yeux les
bénéfices illusoires de l’opération 2.
Il a été jugé que se rend coupable d’escroquerie, celui qui conclut un achat dans le
seul but de prendre possession des biens sans en acquitter le prix 3.
Le fait d’offrir des produits à des prix très élevés, mais avec l’argument que la vente
a lieu au profit des handicapés, constitue une escroquerie lorsque 2% seulement du
prix de vente sont adressés à des œuvres philanthropiques 4.
L’utilisation abusive des cartes de crédit est également constitutive d’escroquerie
dans certaines circonstances, ce qui peut entrer en concours avec le faux et la fraude
informatiques réprimés par les articles 210bis et 504quater du Code pénal.
Les systèmes de ‘vente en chaı̂ne’ et de ‘vente en boule de neige’ peuvent
également constituer une escroquerie 5.
Le domaine de la vente de véhicules d’occasion est un lieu d’excellence pour les
escroqueries, spécialement par le faits de fraude opérée sur les compteurs kilomé-
triques 6.
La tricherie au jeu tombe sous le coup de l’article 496 du Code pénal parce qu’elle
suppose des manœuvres frauduleuses qui abusent de la confiance ou de la crédulité du
joueur.
Constitue une escroquerie le fait de se faire remettre, sous le couvert de prétendus
contrats de prêt, des sommes d’argent par un certain nombre de personnes, alors que
dès l’origine, l’intention de rembourser ces sommes est inexistante 7, ou le fait pour
une personne affectée au transport d’élèves d’établir des factures portant en compte
plus de kilomètres qu’il n’en a été parcouru, afin d’obtenir des sommes auxquelles elle
n’avait pas droit.
L’imagination des escrocs est à ce point fertile que le lecteur consultera utilement la
longue liste des types courants d’escroquerie, établie par les meilleurs auteurs 8.
Sur le plan de l’indemnisation de la victime dont l’imprudence ou la crédulité sont
souvent surprenantes, il importe de préciser que la Cour de cassation assure une

1. Cass., 13 juin 1966, Pas., 1966, I, p. 1309, cité in R.P.D.B., no 119 (52); Liège, 25 juin 1997, Chron.
D.S., 1998, p. 135 (escroquerie envers des candidats à l’emploi).
2. Bruxelles, 5 févr. 1964, Pas., 1964, II, p. 214. Corr. Arlon, 29 juin 1959, J.L., 1959-1960, p. 3. Pour un
exemple d’escroquerie par publicité dépassant les limites tolérées dans l’exagération publicitaire, voir
Corr. Nivelles, 2 déc. 1972, J.T., 1973, p. 113.
3. Cass., 12 nov. 1917, Pas., 1918, I, p. 127; Bruxelles, 30 juin 1971, Pas., 1972, II, p. 98; Anvers,
24 déc. 1992, R.W., 1992-1993, p. 1200, note.
4. Anvers, 11 mai 1984, R.W., 1984-1985, col. 2558. Cette pratique est également incriminée par
l’art. 105 loi 14 juill. 1991 sur les pratiques du commerce et sur l’information et la protection du
consommateur.
5. Voy. les précisions et références citées par A. De Nauw, o.c., p. 367, note 363; Liège, 7 nov. 1996,
J.L.M.B., 1997, p. 528. Cette pratique est également incriminée par l’article 105 de la loi du 14 juillet
1991 sur les pratiques du commerce et sur l’information et la protection du consommateur. Il en est de
même pour les jeux pyramide: Anvers, 27 juin 2000, Limb. Rechtsl., 2000, p. 408.
6. Outre, l’art. 498 du Code pénal réprimant la tromperie, il peut encore être fait référence à la loi du
11 juin 2004 réprimant la fraude relative au kilométrage des véhicules. A. Vandeplas, ‘Over het
bedrog met de kilometerstand van voertuigen’, in Liber Amicorum Jean du Jardin, Kluwer, 2001, p.
289.
7. Cass., 4 nov. 1986, Pas., 1986, I, p. 1248.
8. R. Sasserath, o.c., nos 109 à 119 (59).

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– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 60, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

indemnisation complète de cette victime à charge du condamné, par le recours au


principe général du droit ‘fraus omnia corrumpit’ 1.

370 La tentative d’escroquerie – Les peines


L’escroc est punissable d’un emprisonnement d’un mois à cinq ans et d’une amende
de 26 à 3.000 euros. Depuis la loi du 16 juin 1993, la tentative d’escroquerie constitue
désormais elle aussi un délit (sanctionné par une peine de prison de huit jours à trois
ans et d’une amende de 26 à 2.000 euros). Cette innovation doit en principe permettre
une répression plus efficace de certaines formes de criminalité avant qu’elles ne
causent un préjudice effectif à leur victime. Exemple: la mise en vente par publicité
dans les journaux de biens immobiliers ou de valeurs qui par la suite s’avèrent fictifs.

380 Infractions voisines


Le législateur a prévu des textes particuliers relatifs notamment:
– à la provocation à l’achat de titres de sociétés par des moyens frauduleux (art. 202
L.C.S.C. 2);
– aux opérations sur valeurs mobilières ou instruments financiers à des conditions
usuraires. L’article 148, § 1er, de la loi du 6 avril 1995 dispose: ‘Sont considérés
comme coupables d’escroquerie et punis des peines prévues par l’article 496 du
Code pénal, ceux qui, abusant de la faiblesse ou de l’ignorance d’autrui, procèdent
à des transactions sur instruments financiers à un prix ou à des conditions mani-
festement hors de proportion avec la valeur réelle de ces instruments’;
– à l’abus d’effets de commerce (art. 509 C.P.);
– à la perception illégale de subventions, indemnités et allocations qui sont, en tout
ou en partie, à charge de l’État, d’une autre personne morale de droit public, de la
Communauté européenne ou d’une autre organisation internationale ou qui est, en
tout ou en partie, composée de deniers publics; l’arrêté royal du 31 mai 1933
modifié par la loi du 7 juin 1994 impose en effet des déclarations sincères et
complètes dans les demandes tendant à obtenir ces interventions; des peines sont
édictées pour sanctionner la déclaration sciemment incomplète ou inexacte et la
perception illégale de ces interventions. Dans cet ordre d’idées, l’article 175.1o.b.
de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage
sanctionne l’employeur, son préposé ou son mandataire qui fait des déclarations
inexactes ou incomplètes qui peuvent donner lieu au paiement d’allocations
auxquelles le travailleur ne peut prétendre, ou qui concernent le licenciement, le
chômage temporaire ou l’occupation à temps partiel;
– à certaines fraudes relatives au kilométrage des véhicules (art. 7 de la loi du
12 mars 2000 3).

1. Cass., 6 nov. 2002, J.L.M.B., 2003, p. 819 et J.T., 2003, p. 579, et note J. Kirkpatrick, pp. 573-579.
2. L’article 202 L.C.S.C. a été remplacé, sans altération de sa teneur, par les articles 348 C. soc. pour les
SPRL, 388 pour les SC, et 649 pour les SA, suite à la codification de cette matière par la loi du 7 mai
1999 - voy. infra, no 890.
3. Cette loi sera abrogée lorsque entrera en vigueur la loi du 11 juin 2004 réprimant la fraude relative au
kilométrage des véhicules, elle-même complétée par les arrêtés royaux des 21 févr. 2005 et 4 mai 2006.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 61

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 61, 29 September 2006, 09:51 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

D. LES INFRACTIONS LIÉES À L’ÉTAT DE FAILLITE

381 Disparition des infractions de banqueroute mais maintien du droit pénal de la


faillite
Les articles 489 et 490 du Code pénal érigeaient en crime la banqueroute frauduleuse
et en délit la banqueroute simple; les éléments constitutifs de ces incriminations
résidaient dans les articles 573 à 585 de la loi du 18 avril 1851 sur les faillites.
La loi du 8 août 1997 sur les faillites a abrogé l’ensemble de ces dispositions, a
abrogé le terme même de ‘banqueroute’ pour lui préférer l’expression ‘infractions
liées à l’état de faillite’, et a introduit une nouvelle section dans le Chapitre 2 du
Titre IX du Livre II du Code pénal consacré aux «infractions liées à l’état de faillite»,
section composée des articles 489 à 490bis du Code pénal.
Cette nouvelle législation range l’ensemble des infractions liées à l’état de faillite
dans la catégorie des délits et reprend, pour l’essentiel, les mêmes éléments constitu-
tifs que ceux qui caractérisaient les infractions de banqueroute 1.

382 Auteurs des infractions liées à l’état de faillite


Sous l’ancienne législation, seules les personnes revêtues de la qualité de commerçant
pouvaient être poursuivies comme banqueroutiers; la jurisprudence avait étendu
l’hypothèse aux dirigeants d’une société faillie, bien qu’ils ne soient ni commerçants
ni personnellement faillis.
Les nouveaux articles 489, 489bis et 489ter du Code pénal consacrent cette
jurisprudence en identifiant les auteurs de ces infractions aux commerçants et aux
dirigeants, de droit ou de fait, des sociétés commerciales en état de faillite; il en résulte
donc que l’organe d’une société faillie peut être déclarée coupable d’infractions liées à
l’état de faillite lorsqu’il a commis les faits en qualité d’organe et relativement à la
gestion de la société, puisque la responsabilité pénale de l’infraction commise par une
personne morale pèse sur les personnes physiques par lesquelles elle a agi, le juge
pénal devant rechercher l’auteur punissable dans la réalité des choses, quelle que soit
la situation juridique de cette personne physique à l’égard de la personne morale 2.

1. Pour des commentaires relatifs à l’ancienne législation, toujours d’actualité lorsqu’il y a identité des
éléments constitutifs voir A. Van den Bulck, ‘Banqueroute’, Qualifications et jurisprudence pénales,
La Charte, 1994, pp. 1 à 19; J.P. Spreutels et J. Messinne, ‘Considérations sur la banqueroute’,
L’entreprise en difficulté, Bruxelles, Éd. Jeune Barreau, 1981, pp. 331 à 365; J.L. Duplat, ‘Aspects
nouveaux du droit de la banqueroute’, L’évolution récente du droit commercial et économique, Éd.
Jeune Barreau, Bruxelles, 1978, p. 377 et s.; A. De Nauw, Initiation au droit pénal spécial, E. Story-
Scientia, 1987, pp. 331 à 339; O. Ralet, Responsabilités des dirigeants de sociétés, Larcier, 1996,
pp. 314 à 320.
Sur la nouvelle législation, voir pour les commentaires, O. Caprasse, o.c., pp. 320 à 327; O. Cusas et
J.-P. Renard, o.c., pp. 191 à 195; Y. Dumon, ‘La faillite et le concordat judiciaire – la réforme de
1997’, J.T., 1997, pp. 807 à 809; I. Verougstraete, Manuel de la faillite et du concordat, Kluwer,
2003. Adde le no spécial de la Rev. dr. pén. consacré au thème Le nouveau droit pénal belge de la
faillite, in Rev. dr. pén., 1998, pp. 379-483. L. Bihain, ‘Le point sur quelques sujets d’actualités en
droit pénal des affaires’, in C.U.P., Formation permanente, Le point sur le droit pénal, vol. 37, févr.
2000, pp. 63-82. Ph. Traest, ‘Misdrijven die verband houden met de staat van het faillissement’, in
Ondernemingsstrafrecht, Die Keure, 1999, pp. 5-39. Th. Afschrift et V.A. De Brauwere, Manuel de
droit pénal financier, Kluwer, 2001, pp. 405-458. J.F. Goffin, Responsabilités des dirigeants de
sociétés, Larcier, 2004, pp. 425-432. J. Spreutels, F. Roggen, E. Roger France, Droit pénal des
affaires, Bruylant, 2005, pp. 1111-1174. Sur une question d’application de la loi dans le temps, voy.
Mons, 23 févr. 1999, Rev. dr. pén., 1999, p. 1058 et 24 févr. 1999, Rev. dr. pén., 1999, p. 1213.
2. Cass., 18 déc. 1978, J.T., 1979, p. 407; Cass., 1er oct. 1973, Pas., 1974, I, p. 94.

62 – Livre 119.4 Kluwer

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LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

383 Faut-il un état de faillite?


Les conditions de la faillite sont à présent celles de l’article 2 de la loi du 8 août 1997
sur les faillites, à savoir une cessation des payements de manière persistante et un
ébranlement du crédit; la jurisprudence ancienne est transposable dans la nouvelle
législation, sous la précision que la cessation des payements doit à présent être
persistante.
L’autonomie du droit pénal par rapport au droit de la faillite, constante sous
l’empire de l’ancienne législation, a été aménagée par la nouvelle législation:
a. Sous l’empire de l’ancienne législation, l’action publique du chef de banque-
route était indépendante, en ce qui concerne la date de la survenance de la faillite, de
toute déclaration de faillite prononcée par le tribunal de commerce; le juge pénal fixait
librement l’époque à laquelle il estimait réunies les conditions de la faillite, sans être
tenu par les précisions résultant du jugement commercial, ou par un jugement estimant
qu’il n’y avait pas état de faillite, par l’absence de déclaration de faillite ou par un
jugement d’homologation de concordat; à l’inverse, le tribunal de commerce n’était
pas lié par un acquittement ou une condamnation de banqueroute; le tribunal de
commerce n’avait pas à surseoir à statuer en raison d’une action pénale en cours.
Le nouvel article 489quater apporte une brèche importante au principe de l’auto-
nomie du droit pénal de la faillite en précisant: ‘l’état de faillite ne pourra néanmoins
pas être contesté devant le juge pénal si cet état a fait l’objet d’une décision du tribunal
de commerce ou de la cour d’appel, passée en force de chose jugée, au terme d’une
procédure à laquelle le prévenu a été partie, soit à titre personnel, soit en tant que
représentant de la société faillie’; cette brèche, insérée pour limiter les hypothèses
de décisions contradictoires, doit cependant être limitée aux cas qu’elle vise
strictement: ainsi, dans l’hypothèse visée, ce ne sera que l’état de faillite déclarée
qui ne pourra être remis en cause, le juge pénal restant toujours compétent pour fixer,
d’un point de vue pénal, la date de la cessation des payements et pour apprécier par
exemple l’élément moral de l’infraction; l’hypothèse de l’absence de jugement ou
d’arrêt déclaratif de faillite doit être étendu à l’hypothèse d’une faillite rapportée 1; la
réserve introduite par le nouvel article 489quater portant sur la participation du
prévenu aux débats consacrés à l’état de faillite devant les juridictions commerciales,
répond au souci de garantir les droits de la défense et protège, par exemple,
l’administrateur d’une société qui serait poursuivi pénalement pour infractions liées
à l’état de faillite de ladite société et qui n’aurait pas été partie dans la procédure
commerciale de faillite parce que, par exemple, il n’était plus administrateur à ce
moment-là. Le prévenu qui a fait défaut devant le tribunal de commerce a été jugé
avoir été partie à la procédure. 2
b. Les faits qui constituent le délit d’infraction liée à l’état de faillite ne peuvent
être commis qu’après la réunion des conditions légales de la faillite, constatés par le
juge répressif: si les faits sont antérieurs, l’infraction n’est pas encore réalisée mais
peut être appréhendée sous le couvert d’une autre incrimination, par exemple l’abus de
confiance, ou l’abus de biens sociaux ou l’organisation frauduleuse d’insolvabilité 3.

1. Cass., 15 juin 1999, Bull., 1999, p. 868.


2. Bruxelles, 23 avril 2003, J.L.M.B., 2004, p. 84.
3. O. Caprasse, o.c., p. 323, note 111; O. Cusas et J.-P. Renard, o.c., p. 195; Y. Dumon, o.c., p. 808;
I. Verougstraete, o.c., pp. 553-554; cette solution s’écarte de l’ancienne jurisprudence qui permettait
au juge répressif de retenir des faits infractionnels même antérieurs à la période suspecte du droit
commercial. Adde le nouveau libellé de l’art. 64sexies des lois sur les sociétés commerciales qui impose
aux commissaires de dénoncer les faits graves et concordants susceptibles de compromettre la
continuité de l’entreprise.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 63

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 63, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

384 Infractions visées par l’article 489 du Code pénal


L’article 489 du Code pénal reproduit deux hypothèses de l’ancienne banqueroute
simple facultative, à savoir:
a. Article 489, 1o: avoir contracté, au profit de tiers, sans contrepartie suffisante,
des engagements trop considérables eu égard à la situation financière de l’entreprise: il
s’agit du correspondant de l’ancien article 574, 1o, du Code de commerce; ce sont, par
exemple, les cautionnements donnés pour des dettes de tiers sans contrepartie ou sans
justes motifs de confiance dans la solvabilité du débiteur garanti.
b. Article 489, 2o: avoir, sans empêchement légitime, omis d’exécuter les obliga-
tions prescrites par l’article 53 sur les faillites: il s’agit du correspondant de l’ancien
article 574, 5o, du Code de commerce; les obligations en question concernent celle de
se rendre à toutes les convocations du juge-commissaire ou du curateur, celle de
fournir au juge-commissaire et au curateur tous les renseignements requis et celle
d’aviser le curateur de tout changement d’adresse.
L’élément moral requis par cette incrimination est le dol général.

385 Infractions visées par l’article 489bis du Code pénal


L’article 489bis du Code pénal reproduit, et parfois aménage, certaines hypothèses de
l’ancienne banqueroute simple, en incriminant les hypothèses suivantes:
a. Article 489bis, 1o: avoir, dans l’intention de retarder la déclaration de faillite,
fait des achats pour revendre au-dessous du cours ou s’être livré à des emprunts,
circulations d’effets et autres moyens ruineux de se procurer des fonds: il s’agit du
correspondant de l’ancien article 573, 3o, du Code de commerce; le texte est
exemplatif et sanctionne tout procédé ruineux auquel aura recours le prévenu animé
du dol spécial précisé par le texte, à savoir l’intention de retarder la déclaration de
faillite; le recours excessif au crédit, même à un taux normal, peut constituer
l’infraction; dans ce cas, le bailleur de crédit pourrait être poursuivi comme complice
s’il a participé sciemment à cet objectif; les moyens utilisés à d’autres fins ne sont pas
constitutifs du délit: la vente à perte peut être décidée pour d’autres motifs légitimes.
b. Article 489bis, 2o: avoir supposé des dépenses ou des pertes ou n’avoir pu
justifier de l’existence ou de l’emploi de tout ou partie de l’actif tel qu’il apparaı̂t des
documents et livres comptables à la date de cessation de paiement et de tous biens de
quelque nature que ce soit obtenus postérieurement: il s’agit du correspondant de
l’ancien article 573, 4o, du Code de commerce, les modifications apportées ne
rencontrant qu’un souci de clarté; l’infraction suppose un inventaire; à défaut de
celui-ci, le fait pourrait être constitutif d’un détournement ou d’une dissimulation
d’actif incriminés par l’article 489ter, 1o, nouveau du Code pénal, et constituer une
infraction à la loi du 17 juillet 1975 relative à la comptabilité et aux comptes annuels
des entreprises; ce texte ne requiert pas de dol spécial.
c. Article 489bis, 3o: avoir, dans l’intention de retarder la déclaration de faillite, payé
ou favorisé un créancier au préjudice de la masse: ce nouvel article fait référence à
l’ancien article 573, 5o, du Code de commerce mais s’en écarte fondamentalement en
exigeant cette fois un dol tout à fait spécial, à savoir l’intention de retarder la déclaration
de faillite, ce qui sous-tend la conséquence d’aggravation du passif et l’atteinte aux
intérêts des créanciers; il importe peu que ce paiement soit nul ou annulable sur base des
dispositions de la loi sur les faillites ou qu’il ait été reçu par un créancier ignorant l’état
de faillite du débiteur; le délit exige un préjudice causé à la masse 1; le paiement fait à un

1. Cass., 15 oct. 1985, J.T., 1986, p. 291.

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LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

créancier privilégié est licite, de même que celui fait pour la conservation d’un élément
actif (des frais de remise en état par exemple) tandis que le paiement d’une livraison
future peut être critiquable 1; la faveur à un créancier est fréquemment la reprise par le
fournisseur avec l’accord du débiteur, de marchandises vendues, mais impayées, et ne
constituera l’infraction qu’à la condition de rencontrer l’exigence du dol spécial;
l’exposé des motifs précise que le comportement incriminé n’est à prendre en consi-
dération qu’à partir de la date de cessation des paiements 2.
d. Article 489bis, 4o: avoir, dans l’intention de retarder la déclaration de faillite,
omis de faire l’aveu de la faillite dans le délai prescrit par l’article 9 de la loi sur les
faillites, ou avoir sciemment omis de fournir, à l’occasion de l’aveu de la faillite, les
renseignements exigés par l’article 10 de la même loi, ou avoir sciemment fourni des
renseignements inexacts à l’occasion de l’aveu de la faillite ou ultérieurement aux
demandes adressées par le juge-commissaire ou par le curateur: le nouvel article est le
correspondant de l’ancien article 574, 4o, du Code de commerce, sous la réserve que le
défaut d’aveu de faillite n’est incriminé à présent que si le prévenu poursuivait une
intention de retarder la déclaration de faillite; ce dol tout à fait spécial est évidemment
essentiel 3 et rend la nouvelle disposition plus favorable au prévenu 4; par ailleurs, le
délai résultant de la nouvelle loi sur les faillites pour faire l’aveu de la faillite est à
présent d’un mois, et non plus de trois jours comme précédemment; l’introduction de
ce dol spécial devrait avoir pour effet de réduire les poursuites de ce chef, l’ancienne
disposition étant la plus fréquemment appliquée dans le droit pénal de la faillite; le
délai d’un mois court à dater de la cessation des paiements dont le moment est arrêté
de manière indépendante par le juge pénal.

386 Infractions visées par l’article 489ter du Code pénal


L’article 489ter du Code pénal traduit quelques anciennes hypothèses de banqueroute
frauduleuse, sous la réserve qu’il s’agit à présent de délits et non plus de crimes.
L’exigence d’un dol spécial, à savoir l’intention frauduleuse ou le dessein de nuire,
est maintenue; il avait été jugé que cette intention pouvait résulter d’un désordre de la
comptabilité si considérable qu’il ne pouvait être que frauduleux 5.
Comme les articles 489 à 490 nouveaux du Code pénal, l’article 489ter nouveau ne
sanctionne que les faits qui résultent de l’état de faillite; dès lors, les faits qui se
produiraient avant que cet état ne soit constaté, pourraient être poursuivis du chef
d’une autre prévention, telle par exemple l’organisation frauduleuse d’insolvabilité,
l’abus de confiance ou encore l’abus de biens sociaux sur pied du nouvel article 492bis
du Code pénal 6.
a. Article 489ter, 1o: avoir détourné ou dissimulé une partie de l’actif: il s’agit du
correspondant de l’ancien article 577, 2o, du Code de commerce; l’infraction consiste
en la disparition d’une partie de l’actif sans contrepartie économique; il en est ainsi
pour la destruction volontaire de biens, la cession de l’actif à une société créée à cette

1. Cass., 21 janv. 2003, publié sur le site internet de la Cour, http://www.cass.be.


2. Doc. parl., Chambre, no 631/1, 1991-1992, p. 44.
3. Cass., 9 juin 1999, Bull., 1999, p. 817.
4. Cass., 4 janv. 2000, Bull., 2000, p. 10, et J.D.S.C., 2001, p. 259, note M.A. Delvaux; P. Traest,
‘Aangifte van faillissement vroeger en nu. Het nieuwe artikel 489bis Sw. en de terugwerkende kracht
van de mildere strafwet’, T. Strafr. 2002, pp. 86-88, note sous Cass., 3 oct. 2000; l’arrêt est aussi publié
in Bull., 2000, p. 1447.
5. Cass., 28 avril 1981, Pas., 1981, I, p. 984; l’intention frauduleuse, à savoir celle de se procurer à soi-
même ou à autrui un bénéfice illicite, peut exister même en l’absence de toute volonté de causer un
préjudice au créancier.
6. Y. Dumon, o.c., p. 808.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 65

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 65, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

fin par le failli, les ventes au noir, des prélèvements anormaux, même au titre de
rémunération, dans les fonds de l’entreprise 1, l’impossibilité de justifier la discor-
dance entre l’actif actuel et l’actif du dernier inventaire 2; le détournement ou la
dissimulation doivent être commis au préjudice de la masse des créanciers et non de
certains d’entre eux seulement 3.
b. Article 489ter, 2o: avoir soustrait, en tout ou en partie, des livres ou documents
comptables: il s’agit du correspondant de l’ancien article 577, 1o, in initio du Code de
commerce; le droit comptable vise à permettre aux tiers la connaissance de la situation
de leur débiteur, la faute étant de les mettre frauduleusement dans l’impossibilité de
disposer d’une information sincère.
S’agissant à présent de délits et non plus de crimes, il était nécessaire qu’une
précision particulière incrimine la tentative de ces délits, ce qui est prévu dans ce
même article 489ter.
Certaines hypothèses anciennes de banqueroute frauduleuse ont disparu du nouveau
Code pénal, notamment l’altération frauduleuse des livres et documents comptables et
la reconnaissance frauduleuse de dettes fictives, ces hypothèses restant évidemment
visées par les dispositions des articles 193 et suivants du Code pénal relatives à la
répression des faux en écriture 4, en telle sorte que certaines redondances d’incrimi-
nations ont été supprimées.

387 Infractions visées par les articles 489quinquies et sexies du Code pénal: infrac-
tions commises par des tiers
L’article 489quinquies est le correspondant de l’ancien article 575 du Code de
commerce en ce qu’il incrimine les infractions commises par des tiers et non par le
failli; le dol spécial est requis et précisé; les faits incriminés supposent l’existence d’un
jugement ou d’un arrêt déclaratif de faillite préalable
L’article 489quinquies concerne d’abord les tiers qui, dans l’intérêt du commerçant
ou d’une société commerciale déclarés faillis, ont soustrait, dissimulé ou recelé tout ou
partie de l’actif; il incrimine ensuite celui qui a présenté dans la faillite et affirmé, soit
en son nom soit par interposition de personnes, des créances supposées ou exagérées.
L’intention frauduleuse est exigée.
L’article 489sexies nouveau du Code pénal incrimine le curateur qui s’est rendu
coupable de malversation dans sa gestion, comme le faisait l’ancien article 575, 4o, du
Code de commerce 5.
Les tiers peuvent donc être les auteurs d’une infraction principale aux articles
489quinquies et sexies, mais peuvent également être inquiétés au titre de la participa-
tion, en qualité de co-auteur ou de complice, à des infractions principales commises
par les commerçants en état de faillite ou par les dirigeants des sociétés commerciales
en état de faillite. Les principes généraux de la participation s’appliquent évidemment
aux articles 489 à 490 nouveaux du Code pénal; rappelons que le co-auteur ou le
complice est susceptible d’être poursuivi alors qu’il n’a pas agi lui-même dans une

1. Corr. Bruxelles, 31 oct. 1980, J.T., 1981, p. 274; Bruxelles, 14 déc. 1994, J.L.M.B., 1995, p. 210; cette
incrimination entrera parfois en concours avec le nouvel article 492bis du Code pénal réprimant l’abus
de biens sociaux; voy. no 330 de ce livre.
2. Cass., 13 mars 1973, Pas., 1973, I, p. 661 et critiques par J.-P. Spreutels; J. Messinne, ‘Considé-
rations sur la banqueroute’, L’entreprise en difficulté, Bruxelles, Ed. Jeune Barreau, 1981, p. 357.
3. Cass., 20 nov. 1973, Pas., 1974, I, p. 309; Cass., 19 nov. 1997, Rev. dr. pén., 1998, p. 574.
4. Gand, 4 janv. 1999, TWVR, 1999, p. 113.
5. Cass., 9 déc. 1987, Rev. dr. pén., 1988, p. 445 et conclusions min. publ. et obs. J. Sace;
L. Huybrechts, ‘Ontrouw in het beheer (en andere misdrijven) van de faillissementscurator’,
Panopticon, 1993, pp. 208 à 222.

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– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 66, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

intention frauduleuse, le dol requis dans le chef du participant étant le dol général, à
savoir l’action commise sciemment et volontairement, même si l’intention fraudu-
leuse est requise dans le chef de l’auteur 1.

388 Les peines


Les articles 489 à 490 nouveaux du Code pénal érigent ces faits infractionnels en
délits; le détournement d’actif incriminé par l’article 489ter, 1o, nouveau du Code
pénal autorise ainsi une peine d’emprisonnement d’un mois à cinq années, et une
amende de 100 F à 500.000 F (6200); la peine venant frapper le curateur coupable de
malversation dans sa gestion est du même montant.
L’article 490 nouveau du Code pénal prévoit la publication obligatoire des déci-
sions de condamnation à une peine d’emprisonnement prononcée sur base des
articles 489bis et 489ter du Code pénal, dans le seul Moniteur belge, et non plus
par voie de presse, ce qui comportait une connotation infamante qui n’est plus
adéquate de nos jours 2.
Les interdictions professionnelles organisées par l’arrêté royal no 22 du 24 octobre
1934 sont maintenues dans les hypothèses d’infraction aux articles 489, 489bis et
489ter du Code pénal.

389 Addendum: Les dispositions pénales de la loi du 17 juillet 1997 relative au


concordat judiciaire
La nouvelle législation relative au concordat judiciaire comporte deux dispositions de
nature pénale, à savoir les articles 46 et 47, sanctionnant le débiteur qui, de manière
générique, a trompé sur la situation réelle de son entreprise en difficulté 3, et de
manière générique également, incrimine les personnes, autres que les débiteurs, qui
ont frauduleusement truqué des opérations concordataires.

SECTION 2. LES INFRACTIONS PRÉVUES PAR LES LOIS


PARTICULIÈRES

§ 1. Introduction

390 L’inflation législative


Selon un rapport présenté au Parlement en 1978, il existait à cette époque 1056 lois
spéciales en vigueur comportant des dispositions pénales, alors qu’en 1944, il n’y en
avait ‘que’ 389. Il est certain que, depuis lors, ce chiffre s’est encore considérablement

1. Cass., 22 mars 1994, Bull., 1994, no 139.


2. Doc. parl., Chambre, sess. extr., 1991-1992, 631/1, p. 48. Cass., 28 mai 1997, J.T., 1997, p. 840:
la publication ne doit pas être ordonnée lorsque le prononcé de la condamnation a été suspendu.
3. Le nouvel article 46 de la loi reprend des hypothèses qui se retrouvaient déjà dans l’article 40 de
l’ancienne loi coordonnée de 1946, en y ajoutant un 4e fait punissable consistant en un délit d’omis-
sion, à savoir, avoir fait ou laisser faire sciemment au tribunal ou au commissaire au sursis des
déclarations inexactes ou incomplètes sur l’état des affaires ou sur les perspectives de réorganisation;
I. Verougstraete, o.c., p. 183.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 67

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TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

accru. La plupart de ces textes relèvent du droit économique, social et financier au sens
large et intéressent dès lors l’entreprise. Comme le souligne H. Bosly 1 ‘le recours au
droit pénal afin de garantir l’application des lois économiques et sociales est devenu l’une
des constantes de la politique législative contemporaine. Pareil phénomène provoque
évidemment une ‘inflation’ du droit pénal. Cette situation est regrettable dans la mesure
où le droit pénal doit demeurer un droit exceptionnel. Dans la pratique, l’observation
mérite toutefois d’être nuancée, car cette ‘inflation’ se présente davantage comme un
risque que comme une réalité, car elle est fonction de la mesure plus ou moins grande
dans laquelle ce droit pénal des lois particulières est effectivement appliqué’.
Il est évidemment hors de question d’envisager dans le cadre de cet ouvrage toutes
ces dispositions. Nous nous limiterons à commenter succinctement celles qui sont le
plus souvent mises en œuvre devant les tribunaux correctionnels et à citer ensuite les
plus caractéristiques.

§ 2. Lois particulières en matière économique et financière


400 Plan
Nous examinerons spécialement:
1. la répression du travail frauduleux;
2. la répression de la fraude fiscale;
3. les infractions à la réglementation comptable;
4. les infractions à la réglementation des prix;
5. les pratiques du commerce;
6. le droit pénal et l’environnement;
7. le droit pénal des activités réglementées;
8. le droit pénal de la consommation;
9. le délit d’initié;
10. le droit pénal social.

A. LA RÉPRESSION DU TRAVAIL FRAUDULEUX

410 Raison d’être


La loi du 6 juillet 1976 sur la répression du travail frauduleux à caractère commercial
ou artisanal 2 a pour objectif de lutter contre un phénomène – le travail dit ‘au noir’ –
qui a pris dans notre pays, particulièrement dans le domaine de la construction, une
ampleur certaine 3.
Elle prévoit deux infractions distinctes:
– le fait de se livrer à un travail frauduleux;
– le fait d’avoir recours aux services d’un travailleur frauduleux (art. 1).

1. ‘Contribution du droit pénal social et économique à la rénovation de la politique criminelle’, Dange-


rosité et Justice pénale, collection Déviance et Société, Bibl. de la Fac. de droit de Louvain, t. XIV;
D. Matray, ‘L’emprise du droit pénal dans la vie des affaires – Punir le dirigeant ou protéger
l’entreprise?’, Le risque pénal dans la gestion des entreprises, Actes du 41e Séminaire de la Commis-
sion Droit et Vie des Affaires de l’Université de Liège, E. Story-Scientia, 1992, pp. 9 à 50.
2. Cette loi ne concerne donc que le travail frauduleux à caractère commercial ou artisanal, dont l’objectif
est de protéger le travail indépendant: il s’agit ainsi de distinguer cette loi d’autres dispositions légales
concernant avant tout le travail non déclaré effectué dans le cadre d’un lien de subordination; sur ce
dernier, voir notamment la loi du 23 mars 1994 portant certaines mesures sur le plan du droit du travail
contre le travail au noir et no 870 de ce livre.
3. Pour une appréciation critique de cette loi, voy. A. Racine, ‘Les lois contraignantes dans la société
contemporaine’, Liber Amicorum Herman Beckaert, pp. 320 et s. X., ‘Travail au noir et fraude: une
menace pour l’Etat-providence en Belgique et en Europe’, Rev. b. séc. soc. 2003, pp. 683-1047.

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LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

Chacune de ces infractions est sanctionnée d’un emprisonnement de 8 jours à un mois


et d’une amende de 100 à 1.000 euros ou d’une de ces peines 1.

420 Eléments constitutifs du travail frauduleux


L’article 2, § 1er, de la loi définit ce qu’il faut entendre par ‘travail frauduleux’: il s’agit
de: ‘tout travail pouvant faire l’objet d’une profession relevant de l’artisanat, du
commerce ou de l’industrie, effectué en dehors de tout lien de subordination, par une
personne physique ou morale qui, soit n’est pas immatriculée au registre du commerce
ou de l’artisanat, soit viole les prescrits légaux en matière d’autorisation, d’assujettisse-
ment ou d’immatriculation, relatifs à l’exercice de cette profession pour autant que ce
travail, soit par son importance et son caractère technique, soit par sa fréquence, soit par
l’usage d’un matériel ou d’un outillage, présente un caractère professionnel spécifique’.
De cette définition, relevons les éléments suivants:
a. ‘Tout travail’. Pour tomber sous le coup de la loi, il n’est pas nécessaire de se
livrer à une activité, ce qui suppose une certaine permanence et une certaine
continuité: une seule prestation isolée suffit. Peu importe également son caractère
lucratif ou bénévole.
b. ‘Relevant de l’artisanat, du commerce ou de l’industrie, effectué en dehors de
tout lien de subordination’. Soucieux de protéger les petites et moyennes
entreprises, c’est-à-dire les travailleurs indépendants, le législateur a exclu les
prestations effectuées dans le cadre du contrat de travail; ainsi: la femme d’ouvrage
non déclarée ou le maçon pensionné employé dans une entreprise de construction
ne peuvent être poursuivis sur base de la loi du 6 juillet 1976.
c. ‘Par une personne physique ou morale’
– soit non immatriculée au registre du commerce ou de l’artisanat. Les articles 4
et 44 des lois coordonnées le 20 juillet 1964 relatives au registre du commerce
imposent à toute personne physique ou morale qui se propose d’exercer une
activité commerciale de demander au préalable son immatriculation au registre
du commerce, sous peine d’une amende de 26 à 10.000 euros 2.
– soit en violant les prescrits légaux en matière d’autorisation, d’assujettissement
ou d’immatriculation relatifs à l’exercice de cette profession. Est ici concernée
la loi du 15 décembre 1970 sur l’exercice des activités professionnelles dans les
petites et moyennes entreprises du commerce et de l’artisanat dont les articles 5
et 14 sanctionnent d’une amende de 100 à 1 000 euros et/ou d’un emprisonne-
ment de 8 jours à 6 mois quiconque exerce une activité professionnelle
réglementée sans être titulaire de l’attestation constatant la réalisation, dans
son chef, des conditions portant sur les connaissances de gestion et les connais-
sances professionnelles. Une quarantaine de professions font à l’heure actuelle
l’objet d’un arrêté royal de réglementation 3.
d. Pour autant que ce travail, soit par son importance et son caractère technique, soit
par sa fréquence, soit par l’usage d’un matériel ou d’un outillage, présente un

1. Voy. p. ex. Cass., 10 janv. 1994, R.D.C., 1994, p. 423.


2. Voy. égal. art. 2 et 31 loi 18 mars 1965 sur le registre de l’artisanat.
3. Blanchisseur, boucher-charcutier, boulanger-pâtissier, carrossier-réparateur, coiffeur, entrepreneur
carreleur, de maçonnerie et de béton, marbrier, menuisier-charpentier, de peinture, plafonneur-cimen-
tier, entrepreneur de pompes funèbres, esthéticienne, tailleur de pierres, garagiste-réparateur, instal-
lateur de chauffage central, installateur électricien, installateur sanitaire et de plomberie, négociant en
véhicules d’occasion, photographe, restaurateur ou traiteur, etc. Cette loi du 15 décembre 1970 a été
abrogée et remplacée par la loi-programme du 10 février 1998 pour la promotion de l’entreprise
indépendante: l’article 16, § 1er de cette loi-programme prévoit une amende de 250 à 10.000 euros.
R. Gambini et J. Tyberghien, ‘L’accès à la profession après la loi-programme du 10 février 1998’, in
C.D.V.A., Dirigeant d’entreprise = un statut complex aux multiples visages, Bruylant, 2000.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 69

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TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

caractère professionnel spécifique. Les travaux préparatoires 1 illustrent par quelques


exemples cette dernière condition: peindre une pièce d’une maison est un travail
important, peindre une porte ne l’est pas; équilibrer les roues d’une automobile
implique l’usage d’un matériel et d’un outillage, contrairement au placement de roues
ou au remplacement de bougies... La définition légale du travail frauduleux ne doit
donc pas être confondue avec ce qu’on appelle communément le travail «au noir»,
cette expression désignant le travail non déclaré au fisc et/ou à la sécurité sociale.

430 Cas particuliers et exceptions


L’article 2, § 2, répute ‘toujours’ frauduleux le travail accompli par une personne
physique ou morale qui ne satisfait pas aux conditions qui viennent d’être examinées
lorsque:
a. le travail est presté suite au recours à la publicité visant à la prospection de la
clientèle;
b. le travail qui, par les conditions particulièrement avantageuses de prix auxquelles il
est offert, par l’annonce de la non-application de la T.V.A. ou autres arguments
similaires, est révélateur de son caractère frauduleux.
Sont en revanche exclus du champ d’application de la loi:
– les travaux de sauvetage et autres travaux urgents qui doivent être exécutés sans
retard afin d’éviter des accidents imminents (art. 2, § 1);
– les travaux à usage personnel effectués dans le cadre familial pour des parents ou
alliés jusqu’au deuxième degré;
– les travaux qu’une personne physique fait exercer par son conjoint ou par des
parents ou alliés jusqu’au quatrième degré, pour autant que ces travaux concernent
la construction, la transformation ou l’assainissement d’habitations sociales ou de
logements y assimilés;
– les travaux accomplis par des organisations socioculturelles reconnues par le Roi,
pour autant que ces travaux rentrent dans le cadre de l’objet de ces organisations
(art. 3).

B. LA RÉPRESSION DE LA FRAUDE FISCALE

440 Introduction
La loi du 10 février 1981 a opéré la refonte complète des dispositions répressives de
l’ensemble des codes fiscaux 2 3, à la seule exception de la matière des douanes et
accises 4 qui a conservé son autonomie. La fraude fiscale – dont l’ampleur exacte et le
combat qu’elle nécessite restent chez nous des sujets très controversés 5 – concerne
bien entendu tous les citoyens, mais elle est de nature à toucher plus particulièrement

1. Doc. parl., Sénat, 1974-1975, no 2, p. 13.


2. Art. 449 à 463 C.I.R.; 73 à 74 C.T.V.A.; 207 C.T.A.T.; 206 à 207 C. enreg.; 133 C. succ.; 67 et s.
C. timbre. Pour la facilité de l’exposé, nous nous limiterons à la matière des impôts sur les revenus.
3. L. Huybrechts, ‘Fiscaal strafrecht’, A.P.R., Kluwer, 2002, 317 p.; Th. Afschrift et V.A. De
Brauwere, Manuel de droit pénal financier, Kluwer, 2001, pp. 227-308; J.F. Goffin, Responsabilités
des dirigeants de sociétés, Larcier, 2004, pp. 390-393; G. Rapaille et G. Steffens, Fraude fiscale et
faux fiscal, Qualifications et jurisprudence pénales, La Charte, 2005 (mis à jour), 51 p.; J. Spreutels,
F. Roggen, E. Roger France, Droit pénal des affaires, Bruylant, 2005, pp. 731-871.
4. R. Van Camp, ‘Hoe bijzonder is het bijzonder strafrecht inzake douane en accijnzen?’, R.W., 1985-
1986, pp. 833 à 868; C.A., 6 avril, 21 juin et 13 juillet 2000, M.B., 11 mai, 24 août et 6 sept. 2000.
5. Voy. à titre d’exemple, J. de Longueville, ‘La fraude fiscale’, Réflexions offertes à Paul Sibille,
Bruylant, 1981, pp. 411 à 424, ou le rapport de Monsieur G. Geens fait au nom de la Commission des
Finances du Sénat sur les Journées d’études consacrées à la fraude fiscale, Doc. parl., 872 (1993-1994),
ou L. Simonet, ‘La fraude fiscale ou le devoir d’opposition’, J.T., 1985, pp. 657 à 665.

70 – Livre 119.4 Kluwer

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LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

l’entreprise où les possibilités – et les tentations – d’échapper à l’impôt sont plus
grandes et se manifestent sur une échelle plus vaste. Le législateur a fait preuve de
réalisme en assurant une impunité fiscale et pénale aux contribuables qui se sont
inscrits dans le cadre de la D.L.U. (déclaration libératoire unique) 1.

450 Les sanctions administratives


Avant d’aborder les sanctions pénales proprement dites, il convient de mentionner
l’existence des sanctions administratives lesquelles, à la différence des premières, ne
sont pas prononcées par le pouvoir judiciaire mais par l’administration 2. Leur
application quotidienne 3 en souligne toute l’importance. En matière d’impôts sur
les revenus, les sanctions administratives sont de trois ordres:
a. Les accroissements d’impôts: l’article 444 du C.I.R. dispose ‘qu’en cas d’absence
de déclaration ou de déclaration incomplète ou inexacte, les impôts dus sur la
portion des revenus non déclarés sont majorés d’un accroissement d’impôt fixé
d’après la nature et la gravité de l’infraction, selon une échelle dont les graduations
sont fixées par le Roi et allant de 10 à 200% des impôts dus sur la portion des
revenus non déclarés. En l’absence de mauvaise foi, il peut être renoncé au
minimum de 10% d’accroissement. Le total des impôts dus sur la portion des
revenus non déclarés et de l’accroissement d’impôt ne peut dépasser le montant des
revenus non déclarés. L’accroissement ne s’applique que si les revenus
non déclarés atteignent 620 euros’. Les articles 225 à 229 de l’arrêté royal
d’exécution du 7 août 1993 fixent la tarification selon l’échelle prévue par la loi.
Les auteurs 4 soulignent le caractère de peine de l’accroissement d’impôt: la

1. Loi du 31 déc. 2003 instaurant une déclaration libération unique; J.P. Bours et X. Thiebaut, ‘La loi du
31 décembre 2003 instaurant une déclaration libératoire unique’, J.T., 2004, pp. 630-643; D. Van
Heuven et S. Logie, ‘De fiscale amnestiewet. En wat als het misloopt ? Een standpunt’, NjW, 2004,
pp. 470-484; D. Garabedian (s.l.d.), La D.L.U., Rapports de la journée de recyclage organisée par
l’ULB le 4 oct. 2004, Bruylant, 2004, 256 p. M. Eloy, ‘Une D.L.U. bis’, R.G.F. 2005, liv. 11, pp. 1-2.
La loi-programme du 27 déc. 2005, en ses art. 121 et suiv., a encore permis le mécanisme sous le nom
de déclaration-régularisation; M. Maus, ‘Tweede zit voor de fiscale amnestie-bis? De voor- en nadelen
van de nieuwe regeling rond de fiscale regularisatie’, A.F.T., 2006, liv. 4, pp. 3-27.
2. Adde l’arrêt no 32/99 du 17 mars 1999 de la Cour d’arbitrage, M.B., 19 juin 1999, à propos de la légalité
des amendes infligées en matière de droits de succession et J.L.M.B., 1999, p. 537.
3. Pour des exemples pratiques, voy. J.M. Nicolas, ‘Les sanctions administratives et pénales en matière
d’impôts sur les revenus’, J.D.F., 1988, pp. 256 à 307.
4. J.-P. Spreutels et J. Messinne, ‘Questions spéciales de droit pénal, infractions fiscales’, L’entreprise en
difficulté, Éd. Jeune Barreau de Bruxelles, 1981, p. 385. Cette solution conditionne l’application des
garanties inscrites dans l’art. 6 Convention européenne des droits de l’homme. Voy. aussi Cour eur. D.H.,
24 févr. 1994, aff. Bendenoun c./ France, J.D.F., 1994, pp. 41 à 61, obs., ainsi que Cour eur. D.H., 22 févr.
1996, aff. Putz/Autriche, Rev. dr. pén., 1997, p. 924, note S. Van Drooghenbroeck; R. Verstraeten,
‘Actualia van fiscaal strafrecht’, in Ondernemingsstrafrecht, Die Keure, 1999, pp. 229-260. Cass., 5 févr.
1999, J.L.M.B., 1999, p. 537, note A. Demoulin, et Bull., 1999, 148; R.W., 1998-1999, p. 1352, note;
J.D.F., 1999, p. 201, note M.B.; R. Cass., 2000, p. 213, note I. Van De Woestijne; Cass., 25 mai 1999,
Bull., 1999, p. 739; J.D.F., 1999, p. 321, note M.B. C.A., n8 22/99, M.B., 30 avril 1999; J.L.M.B., 1999, p.
532; J.T., 1999, p. 445. C.A., n8 32/99, 17 mars 1999, M.B., 19 juin 1999; F.J.F., 1999, p. 299, note; J.T.,
1999, p. 766; R.W., 2000-2001, p. 104. C.A., n8 48/2001, 18 avril 2001, M.B., 19 juin 2001; Act. dr., 2001,
p. 950, note B. Maquet; F.J.F., 2002, p. 334, note; R.W., 2001-2002, p. 1060. J. Put, ‘Bis, sed non idem:
een denkoefening over de toepassing van het non bis in idem-beginsel op de cumulatie van administratieve
en strafsancties’, R.W., 2001-2002, pp. 937-949. Adde V. Sépulchre, ‘Le contrôle juridictionnel des
amendes fiscales’, R.G.C.F., 2003, liv. 2, pp. 5-25; Anvers (8e ch.), 8 juin 2000, Chron. D.S., 2002, p. 193.
Adde A. Alen, ‘Naar een betere rechtsbescherming inzake administratieve geldboeten na de koerswij-
ziging van het Hof van cassatie in zijn arresten van 5 februari 1999’, R.W., 1999-2000, pp. 630-638; S.
Nudelholc et J. Kirkpatrick, ‘Le contrôle judiciaire des amendes fiscales et le principe de propor-
tionnalité’, R.C.J.B., 2002, p. 573. La Cour européenne des droits de l’homme a, par arrêt du 4 mars 2004,
condamné la Belgique, dans une affaire Silvester’s Horeca Service, parce que la Cour de cassation
concevait de manière trop étroite le recours de pleine juridiction: Cour eur. D.H., 4 mars 2004, n8 47650/
99, publié sur le site internet de la Cour, http://www.echr.coe.int.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 71

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TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

sanction est graduée selon la ‘gravité de l’infraction’, le Ministre dispose d’un


pouvoir de remise, etc.
b. Les amendes administratives: l’article 445 du C.I.R. autorise l’administration à
appliquer pour toute infraction aux dispositions du Code ainsi que des arrêtés pris
pour son exécution, une amende de 50 à 1.250 euros.
c. La perte du droit de représenter les contribuables: les articles 446 à 448 du
C.I.R. organisent, en la qualifiant de ‘sanction administrative’, une mesure parti-
culièrement intimidante: la perte du droit de représenter les contribuables. L’article
446 du C.I.R. dispose que ‘le Ministre des Finances peut, par arrêté motivé, refuser
pour une période qui n’excède pas cinq ans, de reconnaı̂tre à toute personne le droit
de représenter des contribuables en qualité de mandataire, sauf si cette personne est
soumise à une discipline professionnelle légalement organisée ou si elle exerce son
mandat en vertu de la loi ou d’une décision judiciaire’. Cette mesure peut frapper
les personnes physiques ou les organes de personnes morales et s’applique
notamment aux conseillers fiscaux, mais pas aux avocats, ni aux curateurs.
L’article 447 du C.I.R. organise la procédure aux termes de laquelle le Ministre
des Finances arrête sa décision qui doit être motivée et peut être soumise à la
censure du Conseil d’État. Elle est publiée au Moniteur 1.

460 Fraude fiscale et choix de la voie la moins imposée


Dans un arrêt d’une grande clarté 2, la Cour de cassation a confirmé la licéité du choix
par le contribuable de la voie la moins imposée dans les termes suivants: ‘qu’il n’y a ni
simulation prohibée à l’égard du fisc ni, partant, fraude fiscale lorsque, en vue de
bénéficier d’un régime fiscal plus favorable, les parties, usant de la liberté des
conventions, sans toutefois violer aucune obligation légale, établissent des actes dont
elles acceptent toutes les conséquences, même si ces actes sont accomplis à seule fin
de réduire la charge fiscale’.
Elle condamne ainsi définitivement la théorie, soutenue fréquemment par l’admi-
nistration depuis l’arrêt, également rendu à propos de la déduction de pertes suite à une
absorption, du 7 décembre 1979 (Pas., 1980, I, p. 446) selon laquelle il y aurait
simulation lorsque les actes posés par les parties ne correspondent pas à la réalité
économique, même lorsque les contribuables ont accepté toutes les conséquences
civiles des actes souscrits.
Alors que la fraude fiscale (condamnable pénalement) implique une violation de la
loi aux fins d’échapper à l’impôt ou d’en réduire la charge, l’évasion fiscale (non
condamnable pénalement), suppose, quant à elle, que le contribuable, tout en agissant
en vue d’éluder en tout ou en partie l’impôt, n’enfreint pas la loi fiscale 3.
Ainsi, les baux écrits d’immeubles sont obligatoirement enregistrables et soumis à
un droit proportionnel alors que le bail verbal d’immeubles n’est pas soumis au droit
d’enregistrement. Le bailleur et le locataire peuvent parfaitement convenir de
conclure un bail verbal pour éviter l’application du droit.

1. Voy. un exemple de publication de pareille sanction, M.B., 15 oct. 1994, p. 26.205.


2. Cass., 22 mars 1990, J.L.M.B., 1990, pp. 700 à 705 et la note de F.D.
3. J. Kirkpatrick et autres, L’entreprise et le choix de la voie la moins imposée en droit fiscal belge, Éd.
Jeune Barreau, Bruxelles, 1988, 269 p.; J. Kirkpatrick et O. Neirynck, ‘La répression pénale de la
fraude fiscale depuis les réformes de 1986 et de 1992’, Rev. dr. ULB, 1997, pp. 143-164.

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LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

470 La mesure générale anti-abus de droit


N’est pas opposable à l’administration des contributions directes, la qualification
juridique donnée par les parties à un acte ainsi qu’à des actes distincts réalisant une
même opération, lorsque l’administration constate par présomption ou par d’autres
moyens de preuve visés à l’article 340 du C.I.R. que cette qualification a pour but
d’éviter l’impôt, à moins que le contribuable ne prouve que cette qualification réponde
à des besoins légitimes de caractère financier ou économique (art. 344, § 1er, C.I.R.
introduit par l’art. 16 loi 22 juill. 1993). Cette importante disposition fait exception
au principe du choix licite de la voie la moins imposée. L’inopposabilité qu’elle
institue porte sur la seule qualification juridique du ou des actes et non sur ceux-ci 1.
L’article 345, § 1er, 5o, du C.I.R. permet au contribuable de demander à la
commission des accords fiscaux préalables un accord quant au fait que ‘la qualifica-
tion juridique répond bien à des besoins légitimes de caractère financier ou écono-
mique’.

480 Les sanctions pénales


Les sanctions pénales principales
a. Texte d’incrimination générale. Article 449 du C.I.R.
‘Sans préjudice des sanctions administratives, sera puni d’un emprisonnement de huit
jours à deux ans et d’une amende de 250 à 12.500 euros 2 ou de l’une de ces peines
seulement, celui qui, dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, contre-
viendra aux dispositions du présent code ou des arrêtés pris pour son exécution’.
L’élément matériel – violation d’une disposition du C.I.R. ou de ses arrêtés
d’exécution – ouvre un champ d’application considérable à cette infraction; le tribunal
doit préciser les dispositions légales ou réglementaires auxquels l’auteur a contrevenu
ou a eu l’intention de contrevenir 3. Les anciens textes se limitaient à énumérer et à
spécifier les dispositions du Code dont la violation était sanctionnée pénalement.
Quant à l’élément moral, l’infraction n’existe que si l’auteur a agi ‘dans une
intention frauduleuse ou à dessein de nuire’ 4, notion que nous avons déjà rencontrée
(voir à propos des faux en écritures, no 230 de ce livre. Elle est plus large que la seule
intention ‘d’éluder l’impôt ou de permettre à un tiers d’y échapper’ qui figurait dans
les textes anciens 5). Par contre, si d’autres intentions frauduleuses apparaissent (par
exemple, escroquer l’Etat, par exemple l’Administration de la T.V.A. 6, ou des

1. Th. Afschrift et A. Rayet, ‘La loi du 22 juillet 1993 et l’évitement licite de l’impôt’, J.T., 1993,
pp. 833 à 840; Th. Afschrift, L’évitement licite de l’impôt et la réalité juridique, Larcier, 1994, 373 p.
2. L’amende n’est pas, ainsi que le décide l’art. 457, § 2, C.I.R., augmentée par les décimes additionnels.
3. Cass., 14 févr. 2001, J.T., 2001, p. 539 et Rev. dr. pén., 2001, p. 875.
4. Cass., 24 avril 2001, F.J.F., 2001, p. 677; Pas., 2001, p. 675; T. Strafr., 2002, p. 261. Corr. Hasselt, 28
nov. 2001, Limb. Rechtsl., 2002, p. 136, note S. Van Dyck.
5. Intention frauduleuse ou dessein de nuire: il s’agit du dol spécial, dit le rapport à la Chambre (Doc.
parl., Chambre, sess. 1980-1981, no 737-3, p. 7) qui a été suggéré par la commission d’étude de la
répression pénale de la fraude fiscale en vue de faciliter la répression pénale de ces infractions.
L’intention frauduleuse et le dessein de nuire sont des notions suffisamment larges pour englober
n’importe quelle intention délictueuse poursuivie par le contrevenant. Elles sont au surplus suffisam-
ment connues par la doctrine et la jurisprudence pour éviter toute controverse au sujet de leur
application. Voir égal. sur ce sujet, Doc. parl., Sénat, sess. 1980-1981, no 566-2, annexe I. Cependant,
les lois en matière de douanes et accises punissent, en règle, la simple violation des règlements,
abstraction faite de l’intention du contrevenant, sans préjudice de la force majeure ou de l’erreur
invincible (Cass., 11 févr. 1997, Larc. Cass., 1997, p. 152; comp. Bruxelles, 26 mars 1997, J.D.F.,
1997, p. 172).
6. Sur les sociétés de ‘taxis’ (fausses factures) et les carrousels T.V.A., voy. J. Spreutels, F. Roggen, E.
Roger France, Droit pénal des affaires, Bruylant, 2005, pp. 864-868.

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TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

donneurs de crédit), le juge pénal retiendra l’application des textes pénaux qui portent
la peine la plus forte 1.
b. Faux en écritures et faux certificats. Article 450 du C.I.R.
L’article 450, alinéa 1er punit ‘d’un emprisonnement d’un mois à cinq ans et d’une
amende de 250 à 12.500 euros ou de l’une de ces peines seulement, celui qui, en vue
de commettre une des infractions visées à l’article 449, aura commis un faux en
écritures publiques, de commerce ou privées, ou qui aura fait usage d’un tel faux’.
C’est le faux en vue d’éluder l’impôt dont le texte très large, englobe tous les faux en
écritures, y compris les faux dans les comptes annuels des sociétés.
L’article 450, alinéa 2, du C.I.R. punit d’un emprisonnement de huit jours à deux ans
et d’une amende de 250 à 12.500 euros ‘celui qui, sciemment établira un faux certificat
pouvant compromettre les intérêts du trésor ou fera usage de pareil certificat’.
c. Faux témoignage. Article 451 du C.I.R.
L’article 451 du C.I.R. punit, conformément aux dispositions des articles 220 à 224 du
Code pénal, ‘celui qui fera un faux témoignage, l’interprète ou l’expert qui fera une
fausse déclaration, celui qui subornera un ou plusieurs témoins, experts ou interprètes
dans l’un des cas d’enquête autorisés par les articles 322, 325 et 374 du C.I.R.’.
d. Entrave au contrôle. Article 452 du C.I.R.
Cette disposition sanctionne le défaut de comparaı̂tre ou le refus de témoigner dans les
enquêtes dont il vient d’être question.
e. Violation du secret professionnel. Article 453 du C.I.R.
Cette disposition sanctionne la violation du secret professionnel par les personnes
mentionnées à l’article 337 du même Code, à savoir tous ceux qui interviennent à
quelque titre que ce soit dans l’application de la loi fiscale ou ont accès aux bureaux du
fisc ainsi que les agents des services administratifs de l’État, y compris les greffes et
les parquets auxquels l’administration fiscale communique des renseignements.
Les sanctions pénales accessoires
a. Interdiction particulière. Article 454 du C.I.R.
L’article 421 du C.I.R. permet de contraindre certains contribuables dont la valeur des
biens en Belgique est insuffisante pour couvrir le montant de leurs obligations fiscales
d’une année, à fournir une garantie réelle ou une caution personnelle. Si cette sûreté

1. Cass., 18 juin 2003, F.J.F., 2003, p. 762; T.F.R., 2003, liv. 252, p. 1078, note A. Buggenhout et J.
Speecke. Adde F. Roggen, ‘Faux fiscal – faux pénal – usage – prescription’, in Droit pénal des
affaires, Bruxelles, Ed. Jeune Barreau, 1991, pp. 49 à 82; G. Steffens, ‘Examen de quelques problèmes
actuels de droit pénal fiscal’, Rev. dr. pén., 1988, pp. 306 à 307, estime que dès que l’intention
caractérisant le faux ne se limite pas à la fraude fiscale, il faut envisager de retenir également
l’infraction correspondante du Code pénal; voir en ce sens, Corr. Bruxelles, 4 mars 1992, J.L.M.B.,
1993, p. 30. Adde J. Kirkpatrick et O. Neyrinck, ‘La répression pénale de la fraude fiscale depuis les
réformes de 1986 et de 1992’, Rev. dr. ULB, vol. 15, 1997-1, p. 147; B. Spriet, ‘Samenloop tussen
gemeenrechtelijke misdrijven en misdrijven uit het bijzonder ondernemingsstrafrecht (bv. sociaal,
fiscaal of economisch strafrecht) of lex specialis/lex generalis-regel’, in Ondernermingsstrafrecht, Die
Keure, 1999, pp. 203-224.

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LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

n’est pas constituée dans le délai imparti et si des poursuites pénales sont intentées
pour violation de l’article 421, le juge peut interdire à ce contribuable d’exercer son
activité professionnelle jusqu’à ce qu’il se soit mis en règle 1. Le juge peut également
ordonner la fermeture de l’établissement exploité en Belgique par ce contribuable.
b. Interdiction de l’exercice de certaines professions 2
L’article 455, § 1er, du C.I.R. prévoit que le juge peut, en le condamnant du chef de
l’une des infractions visées aux articles 449 à 453, prononcer en outre une interdiction
d’exercer sa profession pour une durée de trois mois à cinq ans à l’égard:
– du conseiller fiscal;
– de l’agent d’affaires;
– de l’expert en matière fiscale ou comptable;
– du titulaire de toute autre profession qui a pour objet de tenir ou d’aider à tenir les
écritures comptables, que ce soit pour compte propre ou comme dirigeant, comme
membre ou comme employé de société, association, groupement ou entreprise
quelconque;
– ou plus généralement de celui dont la profession consiste à conseiller ou à aider un
ou plusieurs contribuables dans l’exécution des obligations définies par la loi
fiscale.
Il s’agit d’une peine accessoire car elle ne peut être prononcée qu’en cas de
condamnation du chef d’une infraction principale. Elle est également facultative:
‘le jugement pourra’...
c. Fermeture d’établissement
Le même article 455 du C.I.R. prévoit que le juge peut, en outre, à l’égard des
titulaires des mêmes professions, ‘en motivant sa décision sur ce fait, ordonner la
fermeture, pour une durée de trois mois à cinq ans, des établissements de la société,
association, groupement ou entreprise dont le condamné est dirigeant ou employé’.
d. Violation des mesures d’interdiction ou de fermeture
L’article 456 du C.I.R. punit d’un emprisonnement de huit jours à deux ans et d’une
amende de 250 à 12.500 euros ou de l’une de ces peines seulement celui qui,
directement ou indirectement, enfreint l’interdiction ou la fermeture prononcée en
vertu des articles 454 et 455 du C.I.R.

485 Paiement des droits éludés et solidarité fiscale


La condamnation pénale est accompagnée d’une condamnation au paiement des droits
fiscaux éludés: il a été décidé que l’action de l’administration tendant au paiement des
droits éludés ne découle pas de l’infraction, mais trouve directement son fondement

1. Voy. p. ex., Cass., 16 sept. 1987, Rev. dr. pén., 1988, p. 74.
2. Voy. J.P. Spreutels, ‘Les conseils fiscaux et la répression pénale de la fraude fiscale’, J.D.F., 1981,
pp. 321 et s.; P. Troisfontaines, ‘La responsabilité pénale des conseils fiscaux’, Acta Falconis,
Faculteit Rechtsgeleerdheid, K.U.Leuven, 1983/5, pp. 147-166; R. Verstraeten, ‘Actualia van fiscaal
strafrecht’, in Ondernemingsstrafrecht, Die Keure, 1999, pp. 229-260. Th. Afschrift, ‘La responsa-
bilité personnelle des conseillers professionnels des contribuables’, J.D.F., 2002, pp. 5-31. L’interdic-
tion professionnelle prévue par l’art. 455, § 1er, 18 C.I.R. 1992 est prononcée à l’encontre de la
personne physique exerçant la profession de conseiller fiscal, que ce soit pour son propre compte ou en
tant que dirigeant ou employé d’une quelconque société, association, groupement ou entreprise: Cass.,
24 avril 2001, F.J.F., 2001, p. 601 et Pas., 2001, p. 673.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 75

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TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

dans la loi qui impose le paiement des droits; cette action civile, quoiqu’étant
incidente à l’action publique, est indépendante de celle-ci 1.
Une autre disposition, dans le prolongement de la précédente, est également d’une
importance considérable; l’article 458 C.I.R. (ou 73sexies C.T.V.A.) prévoit en effet la
‘solidarité fiscale’, pour le paiement des impôts éludés, entre tous les auteurs ou
complices d’infraction aux articles 449 à 452 2.
Cette mesure de solidarité s’applique d’office sans que le juge pénal doive la
prononcer 3.
490 La charte du contribuable
La loi du 4 août 1986 – modifiée par celle du 28 décembre 1992 – instaure de
nouvelles règles relatives à la ‘sécurité juridique du contribuable’ 4:
1. L’infraction fiscale est traitée de la même manière qu’un délit de droit commun.
Ainsi, le juge peut-il ne prononcer qu’une peine d’emprisonnement ou d’amende
ou ces deux peines simultanément. De même, la suspension du prononcé de la
condamnation et l’application du sursis – y compris pour les amendes – sont depuis
lors possibles.
2. Les fonctionnaires des administrations fiscales, répondant depuis la loi du 23 mars
1999 à un régime harmonisé entre les administrations fiscales, ne peuvent dénoncer
au procureur du Roi les infractions à la loi fiscale sans autorisation du directeur
régional dont ils dépendent 5. L’article 29, alinéa 2, du Code d’instruction crimi-
nelle a pour objectif ‘d’éviter les disparités dans les poursuites résultant de
dénonciations par des agents du fisc sans respecter des critères uniformes pour
tous les contribuables’ 6.
3. Lorsque le parquet veut engager des poursuites pour des délits fiscaux dont il a
connaissance autrement que par une plainte ou une dénonciation de l’administra-
tion, il peut (et non doit) demander l’avis du directeur régional compétent. Le

1. Cass., 13 janv. 1999, Larc. cass., 1999, no 2, 34. Comp. Cass., 8 sept. 1999, J.L.M.B., 2000, p. 312, note
F. Roggen: ‘Les dispositions du code des impôts sur les revenus qui prolongent les délais d’imposition
en cas de fraude et en cas d’action judiciaire dirigée contre le redevable ou contre un tiers excluent que
l’Etat puisse, après l’expiration de ces délais d’ordre public, obtenir par voie d’une action civile
exercée devant la juridiction répressive, la condamnation de la personne qui remplit les conditions
légales de débition de l’impôt, au paiement de celui-ci, même à titre de réparation du dommage qui
résulterait de l’absence d’enrôlement dans le délai légal’. Cass., 4 févr. 2003, sur le site de la Cour:
cette règle ne viole pas le principe ‘non bis in idem’.
2. Cass., 11 oct. 1996, Pas., 1996, I, 975: ‘Le fonctionnaire chargé du recouvrement de la taxe, des
intérêts, des amendes fiscales et des accessoires, peut décerner une contrainte non seulement contre le
redevable mais également contre les personnes solidairement tenues au paiement de l’impôt éludé,
ensuite de leur condamnation en tant qu’auteur d’une infraction fiscale, même si le juge pénal n’a pas
expressément prononcé la solidarité.’
3. Cass., 15 oct. 2002, F.J.F., 2003, p. 237, et T. Strafr., 2004, p. 122, note J. Rozie. Corr. Gand, 27 oct.
2000, T.F.R., 2001, 442, note S. Huyghe.
4. Sur cette matière, voy. P. Troisfontaines, ‘La loi du 4 août 1986 et la répression pénale de la fraude
fiscale’, Ann. Dr. Lg., 1986, no 7, p. 552 et s.; P. Goeminne, ‘Réflexions relatives à la sécurité juridique
du contribuable’, Rev. dr. pén., 1988, p. 843 et s.; F. De Mot, Fiscaal strafprocesrecht, Kluwer, 1988,
252 p.; P. Lambeau, Éléments de procédure pénale en matière fiscale au regard des dispositions
introduites par la loi du 4 août 1986; R. Forestini, Fiscalité approfondie des sociétés, De Boeck,
1989, pp. 221 à 262; G. Steffens, ‘Cinq ans d’application de la charte du contribuable’, Act. dr., 1993/
2, p. 485 et s.
5. Cette autorisation n’est soumise à aucune forme ou règle spéciale de preuve, selon Cass., 18 avril 1994,
Bull., 1994, no 186; Cass., 28 janv. 1997, Larc. Cass., 1997, p. 104. Cette autorisation ne concerne pas
la dénonciation d’infractions de droit commun, mais si les recherches débouchent sur des infractions
fiscales: Cass. (2e ch.) 22 juin 2004, RG P.04.0397.N, sur le site http://www.cass.be.
6. Doc. parl., Sénat, 1985-1986, no 310-2, 2o, p. 5; Adde le rapport d’activités 2000 de la Cour de
cassation, pp. 142-146, consacré au thème de l’interdiction de coopération en matière fiscale. O. Van
Oudenhove, ‘Possibilités actuelles de collaboration entre les autorités judiciaires et les services de
police d’une part, et les fonctionnaires des administrations fiscales d’autre part, lors du traitement des
affaires pénales’, J.D.F., 1998, p. 193 et s.

76 – Livre 119.4 Kluwer

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LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

procureur du Roi joint, à sa demande d’avis, les éléments de fait dont il dispose. Le
directeur régional doit, dans les quatre mois de sa réception, répondre à cette
demande. La demande d’avis ne suspend pas l’action publique (art. 461 C.I.R.) 1.
L’article 460, § 1er, prévoyant que l’action publique est exercée par le parquet,
est maintenu: cela signifie qu’il apprécie seul l’opportunité d’entamer ou non des
poursuites quel que soit l’avis, s’il est sollicité, rendu par le directeur.
4. Le juge auquel est soumis le dossier pénal du contribuable était tenu de surseoir à
statuer:
– si la dette d’impôt est contestée devant une autre autorité judiciaire ou adminis-
trative;
– et s’il estime que la solution de cette contestation paraı̂t de nature à exercer une
influence sur l’action publique (art. 462 C.I.R.) 2.
Au cours de cette période d’attente, la prescription de l’action publique est
suspendue.
Cette surséance a été supprimée par la loi du 15 mars 19993.
5. Les fonctionnaires de l’administration fiscale ne peuvent plus jouer de rôle actif
(comme participer aux perquisitions, aux descentes sur les lieux ou aux inter-
rogatoires du juge d’instruction). Ces actes leur sont devenus interdits. Dans la
procédure pénale relative à un contribuable, ils ne peuvent ‘sous peine de nullité de
l’acte de procédure... être entendus que comme témoins’ (art. 463, al. 1er, C.I.R.).
Ont par contre la qualité d’officier de police judiciaire auxiliaire du procureur du
Roi les fonctionnaires détachés auprès du parquet en vertu de l’article 71 de la loi
du 28 décembre 1992. Cet article prévoit la mise à la disposition du procureur du
Roi ou de l’auditeur du travail de fonctionnaires aux fins d’assister ces magistrats
dans l’exercice de leurs missions 4.
6. Des postes de substituts spécialisés en matière fiscale ont été créés (art. 151, al. 4,
C. jud.). Ces magistrats ont la particularité de pouvoir exercer leurs fonctions
spécialisées dans tous les tribunaux dépendant du ressort de la cour d’appel où ils
ont été nommés.

500 La fraude communautaire


La fraude commise au préjudice des intérêts financiers de l’Union européenne 5 peut
prendre des formes très diverses, mais touche régulièrement à la matière fiscale au
sens large: irrégularités en matière de T.V.A. 6, obtention indue de subventions

1. Cass., 23 févr. 1999, Bull., 1999, 271; Cass., 28 janv. 1997, Pas., 1997, I, 120.
2. Corr. Bruxelles, 29 juin 1988, J.T., 1989, p. 47; Anvers (ch. m. acc.), 29 mai 1990, F.J.F., 1990, p. 339;
Bruxelles, 12 oct. 1990, J.T., 1990, p. 478; Bruxelles, 13 févr. 1992, Rev. dr. pén., 1993, p. 104;
Bruxelles, 25 juin 1993, J.D.F., 1993, p. 249, obs; C. Dauby, ‘Qu’en est-il des questions préjudicielles
en procédure pénale fiscale? En particulier dans le cadre de l’article 462 C.I.R., 1992’ Act. dr. 1998,
p. 93 et s.
3. Anvers, 23 juin 1999, Act. dr., 1999, p. 723, note L. Orban.
4. Adde l’arrêté royal du 22 déc. 2000, M.B., 29 déc. 2000, pour ces modalités d’assistance.
5. Sur cette matière, voy. F. Tulkens, C. Van den Wyngaert et I. Verougstraete, La protection
juridique des intérêts financiers des Communautés européennes, Anvers, Maklu, 1992, 289 p.; C. Van
den Wyngaert, ‘E.E.G.-fraude en strafrecht: waarom komen er zo weinig fraudegevallen voor de
strafrechter?’, Liber amicorum J. D’Haenens, 1993, pp. 333 à 354; L. Huybrechts, Th. Marchan-
dise et F. Tulkens, La lutte contre la fraude communautaire dans la pratique, Bruylant, 1993, 244 p.;
J.A.E. Vervaele, La fraude communautaire et le droit pénal des affaires, Paris, P.U.F., 1994, 436 p.;
P. De Koster, ‘La lutte contre les fraudes aux intérêts financiers des Communautés européennes’, Rev.
dr. U.L.B., 1997, pp. 7-85. J. Messinne et F. Bultot, Les instruments juridiques belges de lutte contre
la fraude aux intérêts financiers des Communautés européennes, éd. Bruylant-Maklu, 1998.
6. Art. 70 à 74bis C.T.V.A. L. Moreillon et A. Willi-Jayet, Coopération judiciaire pénale dans
l’Union européenne, Bruxelles, Bruylant, 2005, 745 p.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 77

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TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

allouées sous la forme de primes ou d’incitations 1, moyens tendant à éluder les taxes à
l’importation et à obtenir un remboursement indu à l’exportation 2; ce dernier type de
fraude a principalement trait à des manipulations au sujet de la qualité, de la quantité
et de la composition de la marchandise, à la désignation du pays de destination ou
d’origine ou à des simulations d’exportation une fois qu’ont été obtenus les montants
compensateurs en faisant appel à un réseau de connivence 3. La répression de ces
pratiques frauduleuses s’appuie également sur les dispositions pénales sanctionnant le
faux et l’usage de faux en écritures, l’escroquerie, ...

C. LES INFRACTIONS À LA RÉGLEMENTATION COMPTABLE

510 Champ d’application


Par la loi du 17 juillet 1975, le législateur a mis en place une réglementation générale
de la tenue de la comptabilité des entreprises et des modes d’élaboration et de
présentation de leurs comptes annuels. L’article 17 de cette loi prévoit des sanctions
pénales:
– d’une part à l’égard des dirigeants d’entreprises en cas de manquements à
certaines obligations comptables (art. 17, al. 1er et 2);
– d’autre part à l’égard des professionnels de la comptabilité et du contrôle 4.
La loi du 7 mai 1999 contenant le Code des sociétés, publiée au M.B., du 6 août 1999
entrée en vigueur le 6 février 2001, a assuré une refonte de la réglementation
comptable en tant que cette dernière s’applique aux sociétés: dorénavant, les dis-
positions comptables se trouveront d’une part dans le Code des sociétés, pour
s’appliquer aux sociétés, d’autre part dans la loi du 17 juillet 1975 et ses arrêtés
royaux pour les autres entreprises’ ‘non sociétaires’ 5 Par ailleurs, par l’effet de cette
même codification, l’article 17 de la loi du 17 juillet 1975 relative à la comptabilité et
aux comptes annuels des entreprises devient l’article 16 de la loi relative à la
comptabilité des entreprises.
Le droit pénal comptable ne peut échapper à la vigilance du chef d’entreprise: il
faut savoir que les infractions en cette matière sont parmi celles qui donnent le plus
souvent lieu à des poursuites répressives. ‘Ceci s’explique par l’importance primor-

1. A.R. 31 mai 1933 modifié par loi 7 juin 1994, relatif à la perception illégale de subventions, indemnités
et allocations qui sont, en tout ou en partie, à charge de l’État, d’une autre personne morale de droit
public, de la Communauté européenne ou d’une autre organisation internationale ou qui est, en tout ou
en partie, composée de deniers publics.
2. Art. 220 à 285 loi générale 18 juill. 1977 sur les douanes et accises, constituant le droit pénal douanier.
3. A. De Nauw, Les métamorphoses administratives du droit pénal de l’entreprise, Gand, Mys &
Breesch, 1994, pp. 155 à 163.
4. Sur cette matière, voy. P. Troisfontaines, Les dispositions pénales de la loi du 17 juillet 1975 relative
à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises, recyclage C.U.P., La Charte, 1985, pp. 76 à
111; F. Deruyck, ‘De strafbepalingen in de wet van 17 juli 1975 m.b.t. de boekhouding en de
jaarrekening van ondernemingen’, Liber amicorum P. De Vroede, Kluwer Rechtswetenschappen
België, 1994, pp. 607 à 630. D. Matray, ‘Punir le dirigeant ou protéger l’entreprise’, Le droit des
affaires en évolution, Bruylant, 1995, pp. 261 à 310. J.F. Goffin, Responsabilités des dirigeants de
sociétés, Larcier, 2004, pp. 384-390.
5. M. De Wolf, ‘Le droit comptable des sociétés’, in Centre J. Renauld, (U.C.L.),’ Le nouveau code des
sociétés, actes d’une journée d’études du 24 nov. 1999, Bruylant, 1999, pp. 311-329; G. Keutgen et
Ph. Lambrecht, ‘La dimension des sociétés – Emprunts au droit comptable et au droit financier’, ibid.,
p. 211 et s.; M.A. Delvaux et M. Coipel, ‘Le code des sociétés’, J.T., 2000, pp. 546 à 548, no 5 à 8, qui
insistent notamment sur la conséquence de cette codification du droit comptable quant à un élargisse-
ment des hypothèses de responsabilité civile des administrateurs, gérants et commissaires. M.A.
Delvaux, ‘Sanctions des violations du droit comptable durant la vie de la société en dehors de toute
hypothèse de faillite’, J.D.S.C., 2000, p. 316. Voy. également infra, no 880 et s. concernant le nouveau
droit pénal des sociétés. Adde la loi du 23 janvier 2001 modifiant le Code des sociétés, M.B., 6 févr.
2001 et l’arrêté royal du 30 janv. 2001 portant exécution du Code des sociétés, M.B., 6 févr. 2001.

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– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 78, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

diale que revêtent la comptabilité et les comptes annuels dans l’image que la société
donne d’elle-même à ses fournisseurs, à ses banquiers, à ses clients, à son personnel, à
ses actionnaires et aussi à l’administration fiscale ou au service des enquêtes
commerciales des tribunaux de commerce’ 1.
L’étendue et les conditions de mise en œuvre de la responsabilité des dirigeants
d’entreprise varient selon qu’il s’agit de dirigeants de petites entreprises ou de
dirigeants de moyennes et grandes entreprises. Il importe donc de définir, au préalable,
ces notions.

520 Les petites entreprises


Ce sont les commerçants, personnes physiques ou sociétés en nom collectif ou en
commandite simple dont le chiffre d’affaires hors T.V.A. du dernier exercice ne
dépasse pas 20 millions de F. (art. 5).
Ces entreprises ont la faculté d’opter pour le régime de comptabilité simplifiée
prévu par l’article 5, alinéa 2. Les SA, SPRL, et sociétés coopératives, quelle que soit
leur taille, sont exclues de ce régime de comptabilité.
Ce régime des petites entreprises subsiste dans l’article 5 de la loi du 17 juillet 1975
modifiée par la loi du 7 mai 1999, et l’arrêté royal du 12 septembre 1983 portant
exécution de cette disposition, subsiste telle quelle après la codification du droit des
sociétés.

530 Les moyennes et grandes entreprises en route vers les petites sociétés et les autres
sociétés
L’article 12 de la loi du 17 juillet 1975 relative à la comptabilité et aux comptes
annuels des entreprises a été abrogé par la loi du 7 mai 1999 contenant le Code des
sociétés. Il n’est cependant pas sans intérêt, dans un premier temps, de rappeler la
définition de cette distinction.
Les moyennes entreprises: ce sont les entreprises qui, quelle que soit leur forme
juridique, ne dépassent pas plus d’une des limites suivantes (art. 12, § 2):
– nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle, 50;
– chiffre d’affaires annuel, hors T.V.A., 200 millions de F.;
– total du bilan, 100 millions de F.;
sauf si le nombre des travailleurs occupés en moyenne annuelle dépasse 100, auquel
cas elles sont considérées comme grandes entreprises quel que soit leur chiffre
d’affaires ou le total du bilan.
Les entreprises moyennes sont soumises aux mêmes obligations comptables que les
grandes entreprises à la seule différence que leurs comptes annuels peuvent être
établis, présentés et publiés selon un schéma abrégé.
Les grandes entreprises: ce sont celles qui dépassent les limites fixées par l’article
12, § 2, énumérées ci-dessus.
L’abrogation de cet article 12 de la loi du 17 juillet 1975 a entraı̂né l’adoption d’un
article 15 dans le Code des sociétés qui donne naissance à une nouvelle entité, ‘la
petite société’, par opposition aux grandes entreprises ou plutôt aux autres sociétés;
est une petite société celle qui, dotée de la personnalité juridique, tout en n’employant
pas plus de 100 travailleurs, ne dépasse pas, pour le dernier exercice clôturé, plus
d’une des trois limites suivantes: 50 travailleurs occupés en moyenne annuelle;

1. J.-M. Debacker et O. Ralet, Responsabilités des dirigeants de sociétés, Duculot, 1984, p. 174,
no 131.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 79

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 79, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

200 millions hors T.V.A. de chiffre d’affaire annuel; 100 millions de total du bilan; si
une société n’est pas une petite société, ni une petite entreprise, elle est une autre
société ou société soumise au régime comptable ‘normal’. Ces petites sociétés
peuvent, en conformité avec l’article 93 C. soc., établir leurs comptes annuels selon
un schéma abrégé fixé par le Roi.

540 Le régime des moyennes et grandes entreprises en route vers les petites sociétés et
les autres sociétés
L’article 16, alinéa 1er, de la loi du 17 juillet 1975 modifiée par la loi du 7 mai 1999,
punit les commerçants, personnes physiques, et les administrateurs, gérants, directeurs
ou fondés de pouvoirs de personnes morales qui ne relèvent pas du régime des petites
entreprises de l’article 5 de cette loi du 17 juillet 1975, et qui contreviennent aux règles
et obligations comptables suivantes:
a. l’obligation de tenir une comptabilité appropriée à la nature et à l’étendue des
activités de l’entreprise (art. 2);
b. l’obligation de tenir une comptabilité complète (art. 3, al. 1er);
c. l’obligation de tenir une comptabilité appropriée pour les associations momenta-
nées ou en participation (art. 3, al. 3);
d. les règles imposées pour la tenue de la comptabilité (art. 4) (comptabilité en partie
double, livres obligatoires, méthodes d’enregistrement comptable, établissement
d’un plan comptable approprié qui réponde aux exigences du plan comptable
minimum normalisé);
e. les règles concernant les pièces justificatives de toute écriture comptable (art. 6);
f. l’obligation d’établir une fois l’an au moins un inventaire complet des avoirs et
droits de toute nature de l’entreprise, de ses dettes, obligations et engagements de
toute nature relatif à son activité et des moyens propres qui y sont affectés, en
respectant les règles d’évaluation inscrites aux articles 15 à 36 de l’arrêté royal du
8 octobre 1976 (art. 7 devenu art. 9);
g. les règles concernant la forme et le contenu des comptes annuels (bilan, compte de
résultats et annexe) (art. 7 et A.R. 8 oct. 1976);
h. les règles relatives à la tenue et à la conservation des livres (art. 8 et 9 devenus art.
7 et 8);
i. les règles relatives au dépôt et à la publication des comptes annuels (art. 10 devenu
art. 97 C. soc.) 1;
j. les dispositions de l’arrêté royal du 6 mars 1990 relatif aux comptes consolidés pris
en exécution de l’article 11 de la loi autorisant le Roi à imposer aux entreprises
qu’Il détermine, l’établissement, le contrôle et la publicité de «comptes consoli-
dés». Cet article 11 a cédé sa place à l’obligation de consolidation des comptes
inscrite dans les art. 116, 117, 122, 123, 145 et 149 C. soc.
L’article 126, § 1er, alinéa 1er, 1o, 2o et alinéa 2 C. soc. sanctionne de la même peine
que celle prévue par l’article 16 de la loi du 17 juillet 1975, les dirigeants de sociétés

1. Pour l’essentiel, ces règles relèvent du droit des sociétés qui prévoit pour les SA (art. 80 L.C.S.C.
devenu 98 C. soc.), les SCA (art. 107 L.C.S.C. devenu 657 C. soc.), les SPRL (art. 137 L.C.S.C. devenu
98 C. soc.) et les SC (art. 158 L.C.S.C. devenu 98 C. soc.), l’obligation de déposer les comptes annuels à
la Banque nationale de Belgique dans les trente jours de leur approbation par l’assemblée générale. La
violation de ces dispositions est sanctionnée pénalement par les art. 201, 4o et 204, 2o, L.C.S.C.
rénumérotés dans le nouveau Code des sociétés (voy. infra, no 900). Voy. à ce propos, Corr. Gand,
15 avril 1994, T.R.V., 1994, p. 342, note Wyckaert, ‘Het wanbedrijf van niet-neerlegging der
jaarrekening’.

80 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 80, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

qui contreviennent aux dispositions du Code des sociétés relatives aux comptes
annuels et à leurs arrêtés d’exécution.

550 Le régime des petites entreprises


Il a déjà été précisé que le régime des petites entreprises subsistait après la codification
du droit des sociétés par la loi du 7 mai 1999, sous la réserve que l’article 17 de la loi
du 17 juillet 1975 est désormais l’article 16.
Les dirigeants d’une petite entreprise ne sont sanctionnés pénalement pour avoir
méconnu leurs obligations comptables que si l’entreprise a été déclarée en faillite
(art. 17, al. 2 devenu art. 16, al. 2).
Cette condition de déclaration de faillite par le tribunal de commerce constitue la
différence essentielle avec le régime des dirigeants de moyennes et grandes entre-
prises. Contrairement à ces derniers, les dirigeants de petites entreprises ne peuvent
pas être poursuivis pénalement pour violation des obligations comptables durant la vie
économique de l’entreprise, sous réserve de la répression pénale via les dispositions
du Code de la T.V.A. 1. Cette différence est surprenante car c’est souvent au sein des
petites entreprises que l’on constate les lacunes comptables les plus graves.
Les obligations comptables sanctionnées pénalement sont évidemment beaucoup
moins nombreuses pour les petites entreprises que pour les moyennes et les grandes
entreprises. Il s’agit essentiellement:
1. de l’obligation de tenir trois journaux: livre de trésorerie ou livre journal financier,
livre des achats et livre des ventes (art. 5);
2. de l’obligation d’établir un inventaire et des comptes annuels (art. 7 devenu art. 9);
3. des règles de forme auxquelles la comptabilité doit satisfaire (art. 6, 8, 9 devenus
art. 6, 7, 8 et art. 4 à 9 A.R. 12 sept. 1983): pièces justificatives, règles relatives à la
tenue et à la conservation des journaux et livres comptables.

560 Les personnes responsables


Selon l’article 16, alinéa 1er de la loi du 17 juillet 1975, les auteurs pénalement
responsables sont ‘les commerçants, personnes physiques, et les administrateurs,
gérants, directeurs ou fondés de pouvoirs de personnes morales’. Les articles déjà
mentionnés du Code des sociétés, spécialement l’article 126, sanctionnent pour leur
part ‘les administrateurs, gérants, directeurs ou mandataires de sociétés’. Seules les
personnes ayant ces qualités pourront donc être condamnées, à condition bien entendu
qu’une faute personnelle puisse leur être reprochée 2.

1. Selon l’article 14 A.R. no 1 du 29 décembre 1992 relatif aux mesures tendant à assurer le paiement de la
taxe sur la valeur ajoutée, tout assujetti à la T.V.A. doit tenir une comptabilité suffisamment détaillée
pour permettre l’application de la taxe et le contrôle de la perception exacte de celle-ci; la violation de
ces obligations comptables, imposées dans une optique certes fiscale, est sanctionnée pénalement par
l’article 73 C.T.V.A. qui porte une peine d’emprisonnement de 8 jours à 2 ans et/ou une amende de 250
à 12.500 euros. pour celui qui a méconnu la loi dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire.
2. Corr. Bruxelles, 26 juin 1980, cité par J.-P. Spreutels et J. Messinne, ‘Questions spéciales de droit
pénal’, L’entreprise en difficulté, Éd. Jeune Barreau de Bruxelles, 1981, p. 346; Bruxelles, 28 juin 1993,
J.T., 1993, p. 782. Bruxelles, 23 déc. 1987, Rev. prat. soc., 1988, p. 53; Corr. Bruxelles, 5 nov. 1987,
Rev. prat. soc., 1987, p. 70; Corr. Bruxelles, 29 févr. 1996, Rev. dr. pén., 1996, p. 1148. Bruxelles,
28 juin 1993, J.T., 1993, p. 782: ‘S’il est vrai que l’obligation légale de la tenue de la comptabilité pèse
sur le dirigeant de l’entreprise qui ne peut s’en libérer en endossant cette obligation au comptable qu’il
s’est choisi à cette fin, il n’en demeure pas moins que l’infraction à l’article 17 de la loi du 17 juillet
1975 sur la comptabilité des entreprises doit avoir été commise sciemment, ce qui suppose la
connaissance effective de l’irrégularité des comptes ou l’ignorance inexcusable de cette irrégularité’.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 81

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 81, 2 October 2006, 15:41 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

D’autres personnes, tel un expert-comptable indépendant, peuvent aussi être


sanctionnées comme coauteurs ou complices de l’infraction: selon l’alinéa 4 de
l’article 16 de la loi du 17 juillet 1975 et l’article 17 C. soc., les règles relatives à
la participation sont en effet applicables aux infractions comptables.

570 Les sanctions


Les infractions prévues sont punies d’une amende de 50 à 10.000 euros si l’auteur a
agi ‘sciemment’; la loi prévoit un emprisonnement d’un mois à un an et une amende
de 50 à 10.000 euros (ou l’une de ces peines) si l’auteur a agi ‘avec une intention
frauduleuse’ 1.

580 La responsabilité pénale des professionnels du contrôle comptable


Les articles 16, alinéa 3 de la loi du 17 juillet 1975 et 171, § 2 C. soc., punissent ceux
qui, en qualité de commissaire, de commissaire-réviseur ou d’expert indépendant, ont
attesté ou approuvé des comptes, des comptes annuels, des bilans et des comptes de
résultats ou des comptes consolidés, lorsque les dispositions énumérées à l’alinéa 1er
n’ont pas été respectées. Le professionnel pourra être sanctionné pénalement non
seulement s’il savait que des dispositions légales n’avaient pas été respectées mais
également s’il n’a pas accompli «les diligences normales», pour s’assurer qu’elles
avaient été respectées. Ce qui est donc réprimé ici, n’est pas le fait d’avoir enfreint les
prescriptions de la loi comptable, mais le fait d’avoir – par son attestation ou son
approbation – donné foi à une comptabilité irrégulière 2.
Les sanctions sont les mêmes que pour les dirigeants d’entreprise:
– amende de 50 à 10.000 euros si le professionnel a agi sciemment ou a commis une
négligence professionnelle;
– emprisonnement d’un mois à un an et/ou une amende de 50 à 10.000 euros s’il y a
intention frauduleuse.

D. LES INFRACTIONS À LA RÉGLEMENTATION DES PRIX

590 Ubiquité de la réglementation des prix


La loi du 30 juillet 1971 sur la réglementation économique et les prix, modifiant
l’arrêté-loi du 22 janvier 1945, revêt une importance pratique considérable parce qu’il
n’existe pratiquement plus, à l’heure actuelle, de secteur commercial ou industriel
échappant aux prescriptions qu’elle édicte 3.

1. J.-P. Bours, ‘Droit pénal comptable – Le poids d’un adverbe’, L’Echo, 10 mars 1992, p. 8.
2. Comp. Corr. Neufchâteau, 26 janv. 1995 et Liège, 25 janv. 1996, Rev. prat. soc., 1997, pp. 177 et s. et
note A. Benoit-Moury et N. Thirion, ‘La responsabilité pénale du reviseur d’entreprises: épée de
Damoclès ou tigre de papier?’: ‘Se rend coupable de faux, le commissaire qui certifie les comptes
annuels d’une société, alors qu’il a connaissance de l’existence d’une comptabilité parallèle au sein de
celle-ci’; L. Dupont et S. Van Dyck, ‘Quelques perspectives quant à la responsabilité pénale du
réviseur d’entreprises’, in X., La responsabilité civile, pénale et disciplinaire du réviseur d’entreprises,
Actes d’une journée d’étude organisée le 13 mars 2002 par l’IRE, la Faculté de Droit et la Faculté
d’Economie de l’Université de Louvain, campus de Courtrai, Série ‘Droit et Entreprise’, n8 6, Bruges,
La Charte, 2003, pp. 29-93. Adde, l’arrêté royal du 23 décembre 1997 portant approbation du Code de
déontologie de l’Institut professionnel des comptables (M.B., 29 janv. 1998).
3. Sur cette matière, voy. les publications de R. Andersen, notamment: La réglementation des prix en
Belgique, Larcier, 1977; ‘Les sanctions en matière de réglementation du prix’, Droit des consomma-
teurs, Fac. Univ., Saint-Louis, 1982, p. 291; ‘La réglementation publique des prix – État actuel de la
question’, R.D.C., 1989, p. 299; Cass., 25 nov. 1997, Pas., 1997, I, p. 1270. J. Spreutels, F. Roggen,
E. Roger France, Droit pénal des affaires, Bruylant, 2005, pp. 981-1001.

82 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 82, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

600 Les différents régimes de prix


La loi organise quatre régimes de prix différents, soit:
1. Le prix normal: l’article 1er, § 2, de la loi interdit de pratiquer des prix supérieurs
aux prix normaux. C’est aux tribunaux d’apprécier le caractère anormal du prix, la
loi ne fixant que quelques critères, soit les bénéfices réalisés, l’état du marché et les
frais d’exploitation, tels que les frais de production, de fabrication, de mise en
œuvre et de transport.
2. Le prix maximum: l’article 1er, § 1er, érige en infraction le fait de pratiquer un prix
supérieur à celui fixé par arrêté ministériel. De très nombreux secteurs du commerce
des produits courants et notamment des denrées alimentaires sont concernés par cette
disposition. Le prix maximum peut être fixé, soit pour tout le territoire du Royaume,
soit pour certaines parties de ce territoire (art. 2, § 1er), soit même pour les produits
émanant d’une seule entreprise. Enfin, le Ministre peut, au lieu de fixer un prix
maximum, fixer un bénéfice maximum: il détermine alors la limite du bénéfice que
peut prélever le vendeur ou l’intermédiaire (art. 2, § 2).
3. La déclaration de hausse de prix: pris en exécution de l’article 2, § 4, de la loi du
30 juillet 1971, l’arrêté ministériel du 20 avril 1993 impose à toute entreprise dont
le chiffre d’affaires dépasse 300 millions hors T.V.A. de notifier au service des prix
toute modification de ses prix de vente: il s’agit d’une déclaration et non d’une
autorisation; ce même arrêté soumet par contre à une procédure d’autorisation
ministérielle de hausse de prix toute entreprise de certains secteurs (produits
pétroliers, traitement des déchets, homes pour personnes âgées, gaz, électricité,
eau, voitures, ...).
4. Le contrat-programme: l’article 1er, § 3, de la loi instaure un système de prix
négociés entre le Ministre des Affaires économiques et les entreprises individuelles
ou groupées. Il est notamment d’application dans le secteur des produits pétroliers.

610 Les sanctions pénales


Ces sanctions sont à la fois très nombreuses et extrêmement rigoureuses. Leur rôle est
perçu comme étant essentiellement préventif.
1. La peine d’emprisonnement et d’amende (art. 9, § 1er)
Le contrevenant à la réglementation des prix est passible d’une amende de 100 euros à
un million d’euros et/ou d’un emprisonnement d’un mois à cinq ans. En cas de
récidive, l’amende et l’emprisonnement sont doublés et doivent être prononcés
ensemble.
2. La confiscation (art. 9, § 2)
Les conditions de mise en œuvre de cette sanction sont largement dérogatoires au droit
commun, puisque la confiscation peut être prononcée même si l’objet de l’infraction
est la propriété d’un tiers.
3. L’attribution au Trésor (art. 9, § 3)
Le juge peut condamner le contrevenant à payer une somme correspondant au
bénéfice indûment réalisé ou à la hausse illicite des prix; cette somme peut être
recouvrée à charge des héritiers, ce qui constitue une exception notoire au principe de
la personnalité des peines.
4. Les interdictions professionnelles (art. 9, § 5)
Deux mesures d’interdiction peuvent être prononcées:

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 83

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 83, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

– la fermeture d’établissement, pour une durée n’excédant pas un an et ce, même si


l’établissement est exploité par un tiers;
– l’interdiction ou la restriction, temporaire ou définitive, à charge du condamné,
d’exercer la profession dans l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.
5. La publicité de la condamnation (art. 9, § 6)
Le juge peut ordonner la publication de la condamnation, aux frais du condamné,
intégralement ou par extrait, soit par affichage soit par tout autre moyen, tel que le film
ou la radio.

620 Le pouvoir de transiger de l’administration


L’article 11bis de la loi permet aux fonctionnaires du ministère des Affaires écono-
miques (dans la pratique, il s’agit le plus souvent des agents de l’Inspection générale
économique) de fixer une somme dont le paiement entraı̂ne l’extinction de l’action
publique, c’est-à-dire les poursuites exercées par le parquet. Le contrevenant peut
refuser cette procédure – organisée par l’arrêté royal du 10 octobre 1983 – auquel cas
le ministère public recouvre l’intégralité de ses prérogatives.

630 Le pouvoir de transiger du parquet


L’article 11, § 1er, permet au procureur du Roi de proposer au prévenu une transaction
dont le paiement lui évitera les poursuites. Cette transaction peut revêtir diverses
modalités: payer le montant du bénéfice indûment réalisé ou la somme correspondant à
la hausse illicite des prix, abandonner les objets saisis susceptibles d’être confisqués, etc.

640 Les mesures provisoires


Il s’agit de mesures qui sont prises à l’endroit d’une personne prévenue d’avoir
enfreint la réglementation des prix, en attendant que les juridictions se soient
prononcées sur sa culpabilité. Deux mesures sont possibles:
1. La fermeture de l’établissement: elle peut être ordonnée soit par le procureur du
Roi ou le juge d’instruction (art. 11, § 2), soit par le ministre des Affaires
économiques (art. 2, § 3): elle ne peut dans ce cas excéder 5 jours et fait l’objet
d’un contrôle judiciaire.
2. La mise en vente des biens saisis: tant les agents verbalisants (art. 7, § 1er, 7o) que
le Procureur du Roi (art. 11, § 3) peuvent ordonner, à tout moment de la procédure,
la vente des biens saisis.

E. LES PRATIQUES DU COMMERCE

650 L’action en cessation


La loi du 14 juillet 1991 1 sur les pratiques du commerce et sur l’information et la
protection du consommateur généralise l’action en cessation – de nature purement civile
– qui a connu un remarquable succès sous l’empire de la loi défunte du 14 juillet 1971.
Le président du tribunal de commerce a le pouvoir de constater l’existence et
d’ordonner la cessation de tout acte, même pénalement réprimé, constituant une

1. Sur cette matière, voy. Les pratiques du commerce et la protection et l’information du consommateur
depuis la loi du 14 juillet 1991, Éd. Jeune Barreau de Bruxelles, 1991. J. Spreutels, F. Roggen, E.
Roger France, Droit pénal des affaires, Bruylant, 2005, pp. 1001-1023.

84 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 84, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

infraction aux dispositions de la loi (art. 95). L’action en cessation n’est donc plus
limitée aux hypothèses qui étaient auparavant énumérées à l’article 55.
Son domaine de prédilection est de mettre fin aux actes contraires aux usages
honnêtes en matière commerciale qui portent ou peuvent porter atteinte aux intérêts
professionnels d’un ou de plusieurs autres vendeurs (art. 93) ou – principale innovation
de la loi du 14 juillet 1991 – aux intérêts d’un ou de plusieurs consommateurs (art. 94) 1.
L’article 97 de la loi élargit l’action en cessation à une quinzaine d’infractions à d’autres
législations dont le non-respect était déjà de nature à être considéré, sous l’empire de
l’ancien article 54bis, comme contraire aux usages honnêtes en matière commerciale.
Citons notamment:
– l’exercice d’une activité commerciale ou artisanale sans être immatriculé préala-
blement au registre du commerce ou de l’artisanat;
– le non-respect des dispositions légales et réglementaires relatives à la tenue des
documents sociaux et à l’application de la taxe sur la valeur ajoutée;
– l’occupation de travailleurs sans être inscrit à l’Office national de sécurité sociale,
sans avoir introduit les déclarations requises ou sans payer les cotisations, les
augmentations de cotisation ou intérêts moratoires;
– l’occupation de travailleurs et l’utilisation de travailleurs en infraction à la ré-
glementation du travail temporaire, du travail intérimaire et de la mise de travail-
leurs à la disposition d’utilisateurs;
– le non-respect des conventions collectives de travail rendues obligatoires;
– l’obstacle à la surveillance exercée en vertu des lois relatives au registre du
commerce, au registre de l’artisanat et à la tenue des documents sociaux;
– le non-respect des dispositions légales et réglementaires en matière de publicité2.
– le non-respect de la réglementation en matière d’occupation de main-d’œuvre de
nationalité étrangère;
– le non-respect de la réglementation en matière de label écologique;
– l’exercice d’une activité professionnelle indépendante sans les autorisations requi-
ses;
– le non-respect de la réglementation sur la fermeture obligatoire du soir.

660 Les sanctions pénales


S’il est vrai que la loi sur les pratiques du commerce témoigne du souci de dépénalisa-
tion, c’est-à-dire de recourir à des sanctions autres que pénales pour assurer le respect
des règles qu’elle édicte 3, il convient, toutefois, de ne pas perdre de vue qu’elle
comporte un volet répressif important. Les articles 102 à 110 renforcent même les
sanctions pénales, dont on peut pourtant douter de l’efficacité, en raison notamment de
l’insuffisance des moyens de l’Inspection générale économique 4.
Trois catégories d’infractions sont prévues: nous y reviendrons aux nos 670 à 690 de
ce livre.

1. L’arrêté royal du 5 déc. 2000, M.B., 3 janv. 2001 rend applicables aux instruments financiers et aux
titres et valeurs certaines dispositions de la loi du 14 juillet 1991.
2. La matière de la publicité a été partiellement revue suite à l’entrée en vigueur de la loi du 25 mai 1999:
cette loi autorise partiellement la publicité comparative (voy. l’art. 23bis nouveau de la loi du 14 juill.
1991).
3. F. Deruyck, ‘Naar een verdere depenalisatie in de Handelspraktijkenwet?’, note sous Corr. Gand,
11 avril 1990, D.C.C.R., 1990-1991, pp. 546 à 554; A. De Nauw, Les métamorphoses administratives
du droit pénal de l’entreprise, Mys & Breesch, 1994, pp. 91 à 92. Voy. A.R. 27 avril 1993 relatif au
règlement transactionnel des infractions à la loi 14 juill. 1991.
4. Voy. J.-L. Fagnart, ‘Le projet de loi sur les pratiques du commerce et sur l’information et la
protection du consommateur’, R.D.C., 1991, no 65, p. 294.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 85

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 85, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

670 Les pratiques du commerce directement sanctionnées pénalement


Mentionnons essentiellement:
1. l’article 102, 1o et 2o, qui punit d’une amende de 250 à 10.000 euros, toute
violation des règles relatives à l’indication des prix 1 (art. 2 à 6) et des quantités
(art. 8 à 12) ainsi qu’à la dénomination, à la composition et à l’étiquetage des
produits et services (art. 13 à 15);
2. l’article 105 qui punit d’un emprisonnement d’un mois à cinq ans et/ou d’une
amende de 26 à 20.000 euros ceux qui commettent une infraction:
a. à l’article 84 prohibant les ventes en chaı̂ne, dont le mécanisme s’apparente à
l’escroquerie. Il consiste ‘à établir un réseau de vendeurs professionnels ou non,
dont chacun espère un avantage quelconque résultant plus de l’élargissement de
ce réseau que de la vente de produits au consommateur’. Basée sur un procédé à
progression géométrique, cette pratique est interdite tant à ses organisateurs
qu’à ceux qui y participent en connaissance de cause. Y est assimilée la vente en
‘boule de neige’ 2 qui ‘consiste à offrir au consommateur des produits en lui
faisant espérer qu’il les obtiendra soit à titre gratuit, soit contre remise d’une
somme inférieure à leur valeur réelle, sous la condition de placer auprès de tiers,
contre paiement, des bons, coupons, ou autres titres analogues ou de recueillir
des adhésions ou souscriptions’ (art. 84, al. 2);
b. à l’article 85 prohibant l’offre en vente ou la vente en faisant abusivement état
d’actions philanthropiques, humanitaires, ou de nature à éveiller la générosité
du consommateur 3.

680 Les actes accomplis de mauvaise foi


L’article 103 sanctionne d’une amende de 500 à 20.000 euros ceux qui, de mauvaise
foi, commettent une infraction aux dispositions de la loi, à l’exception de celles visées
aux articles 30, 93, 97, 102, 104 et 105. Calquée sur l’ancien article 61 de la L.P.C.,
cette disposition suscite des difficultés d’interprétation du concept de mauvaise foi 4.

690 La violation des prescriptions judiciaires


L’article 104, 1o, punit d’une amende de 1.000 à 20.000 euros ceux qui ne se
conforment pas aux prescriptions d’un jugement rendu en vertu des articles 95
(jugement de cessation) et 99 (affichage et publication du jugement).

700 Le commercial tient le criminel en état


L’article 106 confirme le renversement de la règle traditionnelle de procédure pénale,
selon laquelle l’issue du litige civil est subordonnée à celle du litige criminel. Il

1. Corr. Liège 24 oct. 2002, J.D.S.C., 2005, p. 273, Annuaire Pratiques du commerce et Concurrence,
2002, p. 734: Toute infraction requiert, outre un élément matériel, un élément moral, même lorsque
celui-ci n’est pas expressément énoncé dans l’incrimination. La culpabilité du chef d’une infraction
requiert la connaissance de ce qu’elle est commise. En l’espèce, tant selon les constatations des
verbalisateurs que selon la déclaration de la vendeuse du magasin, les faits reprochés sont accidentels.
L’élément moral constitutif de l’infraction n’est pas établi. La prévention n’est pas établie.
2. Pour un cas d’application, voy. Bruxelles, 7 oct. 1982, J.T., 1984, p. 7; Liège, 7 nov. 1996, J.L.M.B.,
1997, p. 528.
3. Corr. Bruges, 23 juin 1998, D.C.C.R., 2000, p. 261, note G. Ballon. Corr. Louvain, 4 oct. 1999, An-
nuaire Pratiques du commerce et Concurrence, 1999, p. 459.
4. Cass., 10 nov. 1982, Rev. dr. pén., 1983, p. 386 cassant Liège, 5 avril 1982, J.L., 1982, p. 303; Corr.
Namur, 28 oct. 1981, R.R.D., 1982, p. 57; Civ. Malines, 28 mai 1982, Ing.-Cons., 1982, p. 239;
Bruxelles, 31 mai 1990, Rev. dr. pén., 1991, p. 277, note. P. Arnou, ‘De «kwade trouw» uit artikel 61
W.H.P.’, Ann. prat. comm., 1989, pp. 241 à 251. Gand, 18 déc. 2000, Annuaire Pratiques du commerce
et Concurrence, 2000, p. 608.

86 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 86, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

énonce en effet que lorsque les faits soumis à la juridiction répressive font l’objet
d’une action en cessation, il ne peut être statué sur l’action pénale qu’après qu’une
décision définitive ait été rendue relativement à l’action en cessation 1.

F. LE DROIT PÉNAL DE L’ENVIRONNEMENT


710 Le cadre légal
Au cours des dernières années, la législation protectrice de l’environnement s’est
développée par le recours systématique aux sanctions pénales en cas d’agissements
portant atteinte au milieu de vie et à la santé des citoyens 2. La mise en œuvre de ces
dispositions est particulièrement délicate, car elles sont de nature à avoir des
répercussions souvent considérables sur les activités de l’entreprise. Le souci de
sauvegarder l’emploi, qui suppose le maintien de l’activité de l’entreprise, explique
la grande prudence avec laquelle les autorités appliquent ces lois, en particulier quand
elles prévoient des sanctions pouvant entraı̂ner la fermeture de l’établissement 3. La
Cour de cassation 4 a rappelé que les principes généraux du droit pénal sont bien
applicables à cette matière en relevant qu’‘une infraction ne peut être sanctionnée
pénalement que lorsque celui qui l’a commise a agi sciemment. La constatation
qu’une pollution n’était pas accidentelle, que le chef d’entreprise avait compétence
pour demander les dispenses nécessaires et pour mettre fin à la situation illicite,
n’impliquent pas que le dirigeant ait eu connaissance de la pollution’. Le Conseil
d’Etat a la même approche des choses 5.
La présentation et l’assimilation de ces matières sont fort complexes en raison de
l’intervention de divers niveaux de pouvoirs (Union européenne, État, Régions,

1. Comm. Bruxelles (prés.), 9 mai 1988, J.L.M.B., 1988, p. 1327.


2. Sur cette matière, voy.: La répression des infractions en matière d’environnement en Région wallonne,
E. Story-Scientia, 1987; B. Jadot, J.-P. Hannequart et E. Orban de Xivry, Le droit de l’environne-
ment, De Boeck, 1988; B. Jadot, ‘Les régions belges et la répression des infractions spécialement dans le
domaine de l’environnement’, Rev. dr. pén. crim., 1989, pp. 1075 à 1088. F. Van Remoortere, ‘La
question de la responsabilité pénale des personnes morales en droit de l’environnement’, Rev. dr. pén.,
1991, pp. 311 à 371; J.-M. Piret et C. Hennau-Hublet,‘ Les crimes contre l’environnement – Applica-
tion de la partie générale’, Rev. dr. pén., 1993, pp. 257 à 310; A. De Nauw, Les métamorphoses
administratives du droit pénal de l’entreprise, Mys & Breesch, 1994, pp. 75 à 90; N. Denies et
N. Basecqz, ‘Droit de l’environnement et droit économique et social: réflexion sur l’élément moral dans
les lois et règlements particuliers’, Rev. dr. pén., 1994, pp. 473 à 508; M. Faure, ‘Bedenkingen over de rol
van het strafrecht bij de bestrijding van milieu-verontreiniging’, Liber amicorum A. Vandeplas, 1994,
pp. 229 à 264; L. Dehin, ‘Le régime des sanctions en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire’,
Amén., 1994, p. 235 et s.; A. Schaus et S. Lew, ‘Le droit pénal et la protection de l’environnement’, Rev.
U.L.B., 1995, p. 199 et s.; M. Faure et P. Morrens, ‘De verjaring van grenzen in het milieustrafrecht’,
R.W., 1996, p. 1193; E. Staudt, La répression des infractions en matière d’environnement et A. Roef, ‘De
toerekening aan natuurlijke personen van milieumisdrijven gepleegd in de schoot van een onderneming –
een overzicht en enkele beschouwingen’, Le droit des affaires en évolution – L’entreprise face au droit
pénal, Bruylant, 1995, pp. 137 à 157 et 157 à 176; P. Coenraets, Droit de l’environnement, Larcier, 1996,
358 p.; P. Coenraets et P. De Wolf, ‘Les responsabilités civile et pénale des sociétés et de leurs dirigeants
en droit de l’environnement’, Rev. prat. soc., 1997, p. 5 et s; S. Godfroid, ‘Les infractions en matière
d’environnement: recherche, constatation et répression’, R.R.D., 1997, p. 103 et s.; Ph. Coenraets et P. De
Wolf, ‘Les responsabilités civile et pénale des sociétés et de leurs dirigeants en droit de l’environnement’,
Rev. prat. soc., 1997, p. 5 et s.; F. Roggen,, Les juges et la protection de l’environnement: le juge pénal et la
protection de l’environnement, Bruylant, 1998.
3. Corr. Neufchâteau, 13 oct. 1977, J.L., 1977-1978, p. 155.
4. Cass., 10 oct. 1989, R.D.C., 1990, p. 393. Dans le même sens, Gand, 20 sept. 2002, T.M.R., 2003, p. 520.
5. C.E., n8 131.709, 25 mai 2004, Amén. 2004, p. 260: ‘Il incombe à l’Agence régionale pour la propreté,
dont les agents ont infligé au requérant une amende pour dépôt sauvage sur la voie publique en
application de l’ord. Cons. Rég.-Brux.-Cap. du 25 mars 1999 relative à la recherche, la constatation, la
poursuite et la répression des infractions en matière d’environnement, de rapporter la preuve de ce que
le requérant est bien l’auteur de l’infraction. Si les constatations faites par les agents font foi jusqu’à
preuve du contraire, celles-ci ne font pas foi de ce que l’auteur du dépôt sauvage serait le requérant’.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 87

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 87, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

Provinces, Communes) dont les sphères de compétences respectives ne sont pas


toujours définies avec précision.
L’article 23 de la Constitution accorde à chacun le droit de mener une vie conforme
à la dignité humaine, ce qui comprend notamment, selon le même article 23.48, le droit
à la protection d’un environnement sain.
L’Union européenne a fait adopter une décision-cadre relative à la protection de
l’environnement par le droit pénal 1.
La loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, telle que modifiée par
la loi du 8 août 1988, confère aux Régions compétence pour ‘la protection de
l’environnement, en ce compris les normes générales et sectorielles, dans le respect
des normes générales et sectorielles, arrêtées par les autorités nationales lorsqu’il
n’existe pas de normes européennes’.
Par son arrêt du 5 avril 1990 2, la Cour d’arbitrage avait annulé partiellement le
décret de la Région wallonne du 5 juillet 1985 relatif aux déchets 3. Seul le législateur
national peut déterminer les formes de la poursuite, les conditions de visites domici-
liaires, la charge de la preuve en matière pénale et l’application des dispositions du
Livre 1er du Code pénal (notamment la détermination des personnes civilement
responsables, la récidive, la confiscation 4).
La réglementation très technique contenue dans le R.G.P.T. (arrêtés du Régent des
11 février 1946 et 27 septembre 1947) peut aussi être considérée comme participant à
la protection pénale de l’environnement, dès lors qu’elle repose sur une classification
des établissements dangereux, insalubres ou incommodes; dans la même mouvance, il
importe aussi de souligner le décret du 11 mars 1999 du Conseil régional wallon relatif
au permis d’environnement qui vise à assurer, dans une optique d’approche intégrée
de prévention et de réduction de la pollution, la protection de l’homme ou de
l’environnement contre les dangers, nuisances ou inconvénients qu’un établissement
est susceptible de causer, directement ou indirectement, pendant ou après l’exploita-
tion; ce décret vise tout autant la préservation des équilibres climatiques, que la qualité
de l’eau, de l’air, des sols, du sous-sol, de la bio-diversité et de l’environnement
sonore; ce texte prévoit des sanctions administratives et des sanctions pénales (art. 61
à 80) 5.
En l’absence de toute codification, les textes applicables – qui connaissent d’in-
cessantes modifications – représentent un véritable maquis réglementaire dans lequel
seuls quelques rares initiés ne s’égarent pas. On trouvera ci-après quelques points de
repère qui n’ont rien d’exhaustif.

711 La pollution de l’atmosphère


Loi du 28 décembre 1964 relative à la lutte contre la pollution atmosphérique définie
comme ‘toute émission dans l’air quelle qu’en soit la source de substances gazeuses,

1. Décision-cadre 2003/80/JAI du 27 janv. 2003 du Conseil relative à la protection de l’environnement


par le droit pénal, J.O.C.E., L. 29, 5 févr. 2003. F. Comte (s.l.d.), Environmental Crime in Europe.
Rules of Sanctions, Europa Law Publishing, Groningen, 2004, 234 p.
2. C.A., 5 avril 1990, R.R.D., 1990, p. 309, note M. Cadelli; C.A., 7 mai 1992, J.L.M.B., 1992, p. 1298;
C.A., 17 juin 1993, Rev. dr. pén., 1994, p. 203, note H.D. Bosly.
3. Ce décret a été abrogé et remplacé par le décret du Conseil régional wallon du 27 juin 1996 relatif aux
déchets.
4. B. Van Overstraeten, ‘La confiscation et le droit de l’environnement’, Amén. 2002, pp. 194-211.
5. J. Cartuyvels et L. Renoy, ‘Le point sur la surveillance, les mesures administratives et les sanctions
pénales dans le cadre du décret wallon du 11 mars 1999 relatif au permis d’environnement’, C.D.P.K.,
2005, pp. 739-750.

88 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 88, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

liquides ou solides susceptibles de porter atteinte à la santé humaine, de nuire aux


animaux ou aux plantes et de causer un dommage aux biens ou aux sites’.
Il s’agit d’une loi-cadre habilitant le Roi à prendre toutes mesures utiles en vue de
prévenir et de combattre ce type d’atteinte à l’environnement. De multiples arrêtés
royaux ont été pris dans ce domaine.
Exemples:
– L’arrêté royal du 8 août 1975 organisant la prévention de la pollution atmosphé-
rique par les oxydes de soufre et les poussières engendrées par les installations
industrielles de combustion.
– L’arrêté royal du 22 mars 1982 limitant l’utilisation de certains gaz propulseurs
dans les aérosols.
– L’arrêté royal du 30 décembre 1988, modifié par celui du 24 avril 1990, relatif aux
mesures à prendre contre la pollution de l’air par les gaz d’échappement provenant
des moteurs équipant les véhicules à moteur.
– L’arrêté du Gouvernement wallon du 9 décembre 1993 relatif à la lutte contre la
pollution atmosphérique en provenance des installations industrielles.
– L’arrêté du 13 avril 2000 du Gouvernement wallon relatif aux installations
spécialisées d’incinération et aux installations de co-incinération de déchets
dangereux.
– L’arrêté du 5 décembre 2002 du Gouvernement wallon modifiant l’arrêté du
Gouvernement wallon du 23 juin 2000 relatif à l’évaluation et à la gestion de la
qualité de l’air ambiant.
Peuvent aussi être mentionnés le décret du Conseil régional wallon du 10 novembre
2004 et l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 3 juin 2004
instaurant tous deux un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de
serre, créant un Fonds wallon Kyoto et relatif aux mécanismes de flexibilité du
Protocole de Kyoto.

712 La pollution des eaux 1


Dans le souci de transposer la directive européenne 2000/60/CE du 23 octobre 2000
établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, le
législateur wallon a adopté le décret du 27 mai 2004 relatif au Livre II du Code de
l’environnement contenant le Code de l’eau: ce décret coordonne en réalité une série
de dispositions pertinentes dans la matière, dont celles qui suivent dans les domaines
spécifiques, et organise un régime très complet de constatation des infractions et de
sanctions, tant administratives que pénales; ce décret n’est cependant pas encore en
vigueur, celle-ci devant intervenir à une date indéterminée à fixer par le Gouverne-
ment.
1. Les eaux de surface
Le décret du Conseil régional wallon du 7 octobre 1985 sur la protection des eaux de
surface contre la pollution réglemente cette matière; il abroge la loi du 26 mars 1971
qui reste néanmoins d’application pour ce qui concerne les normes générales et

1. E. Orban de Xivry, ‘Le droit des eaux en Régions wallonne et bruxelloise’, Droit de l’environnement
et de l’urbanisme, C.U.P., vol. XVII, 1997, p. 201 et s.; Corr. Liège, 28 oct. 1993, J.L.M.B., 1996,
p. 1297, note A. Lebrun. Mons, 3 oct. 2001, J.T., 2002, p. 45, note. Adde, le décret du 15 avril 1999 du
Conseil régional wallon relatif au cycle de l’eau et instituant une Société publique de gestion de l’eau
dont l’article 45 appelle à la codification de la matière sour la forme d’un Code wallon de l’eau; ce
décret est abrogé à une date indéterminée, par l’effet du décret du 27 mai 2004.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 89

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 89, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

sectorielles en exécution desquelles l’arrêté royal du 3 août 1976 fixe les conditions
générales de déversement des eaux usées.
Le décret wallon organise un régime d’autorisation pour le déversement de ces
eaux. Il sanctionne notamment:
– d’un emprisonnement de 8 jours à 6 mois et/ou d’une amende de 26 à 500.000 eu-
ros, celui qui déverse des eaux usées dans une eau de surface ordinaire, dans les
égouts publics ou dans les voies artificielles d’écoulement sans respecter la
réglementation particulière (art. 49, 1o); l’article 49, alinéa 2, du décret précise
que ‘les déversements infractionnels sont punissables encore qu’ils n’aient été
commis que par négligence ou abstention fautive d’agir’.
– d’un emprisonnement de 8 jours à 1 mois et/ou d’une amende de 26 à 10.000 euros
ou de l’une de ces peines seulement, celui qui nettoie un véhicule à moteur, une
machine ou d’autres engins similaires dans une eau de surface ordinaire ou à moins
de 10 mètres de celle-ci et alors que le produit nettoyant est susceptible de s’y
écouler, sans disposer du permis d’environnement requis (art. 50, 7o);
– d’un emprisonnement de 6 mois à 3 ans et/ou d’une amende de 100 à 10.000 euros,
celui qui détruit ou détériore volontairement des installations d’épuration ou de
mesure de pollution ou en empêche le fonctionnement correct, de quelque façon
que ce soit (art. 51, 1o);
La Région de Bruxelles-Capitale est concernée par un arrêté du Gouvernement
régional du 20 septembre 2001 relatif à la protection des eaux de surface contre la
pollution causée par certaines substances dangereuses, ainsi que par un même arrêté
du 19 novembre 1998 relatif à la protection des eaux contre la pollution par les nitrates
à partir de sources agricoles.
2. Les eaux potabilisables
Le décret du Conseil régional wallon du 30 avril 1990 sur la protection et l’exploita-
tion des eaux souterraines et des eaux potabilisables abroge notamment la loi du
26 mars 1971 sur la protection des eaux souterraines et la loi du 9 juillet 1976 relative
à la réglementation des prises d’eau souterraine.
Son article 22 punit d’un emprisonnement de 8 jours à 3 ans et/ou d’une amende de
100 à 500.000 euros, celui qui méconnaı̂t les dispositions qui assurent la protection des
eaux souterraines et potabilisables de surface contre la pollution.
3. La qualité de l’eau distribuée
L’arrêté de l’Exécutif régional wallon du 20 juillet 1989 imposait aux fournisseurs
d’eau alimentaire un certain nombre d’interdictions (p. ex. fournir de l’eau de
distribution contenant une substance nocive pour la santé) et d’obligations (p. ex.
effectuer des contrôles de qualité suivant une fréquence déterminée). L’arrêté du
Gouvernement wallon du 3 mars 2005 relatif au Livre II du Code de l’environnement,
contenant le Code de l’eau, a abrogé ce texte pour en assurer la coordination avec
d’autres.
Les infractions sont punies conformément aux articles 14 et 15 de la loi du
24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs d’une peine
de 8 jours à 6 mois et/ou d’une amende de 50 à 1.000 euros.
Le dispositif fait de sanctions administratives et pénales est complété par le décret
du Conseil régional wallon du 12 décembre 2002 relatif à la qualité de l’eau destinée à
une consommation humaine.

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– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 90, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

713 La lutte contre le bruit


La matière est régie notamment par une loi-cadre du 18 juillet 1973 relative à la lutte
contre le bruit, modifiée notamment par le décret de la Région wallonne du 1er avril
1999.
Peuvent aussi être cités:
– l’arrêté royal du 24 février 1977 fixant les normes acoustiques pour la musique
dans les établissements publics et privés;
– l’arrêté du 27 mai 1999 du Gouvernement de la Région de Bruxelles-capitale relatif
à la lutte contre le bruit généré par le trafic aérien;
– l’ordonnance du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale du 17 juillet 1997
relative à la lutte contre le bruit en milieu urbain;
– l’arrêté royal du 29 avril 2001 relatif au bruit aérien émis par les appareils
domestiques;
– l’arrêté royal du 6 mars 2002 relatif à la puissance sonore des matériels destinés à
être utilisés à l’extérieur des bâtiments, pris en exécution de la loi du 21 décembre
1998 relative aux normes de produits ayant pour but la promotion de modes et de
consommation durables et la protection de l’environnement et de la santé.

714 La lutte contre la pollution par les déchets 1


Le décret du 27 juin 1996 du Conseil régional wallon relatif aux déchets s’applique à
toutes catégories de déchets (ménagers, agricoles, industriels, dangereux, inertes, et
d’activités hospitalières et de soins de santé) et intervient comme loi-cadre qui a fondé
une série importante d’arrêtés d’exécution dont la violation est réprimée de manière
commune: en effet, ce décret prévoit plusieurs catégories d’infractions sanctionnées
pénalement, à côté de sanctions administratives (art. 47):
1. l’abandon de déchets sans respecter les dispositions légales et réglementaires. Le
contrevenant est sanctionné, selon les hypothèses, d’un emprisonnement pouvant
atteindre, en cas de récidive, 10 ans et d’une amende pouvant atteindre 5 millions 2
(art. 51 et 52) 3;
2. la collecte ou le transport de déchets dangereux sans avoir obtenu les autorisations
et agréations ou sans en respecter les conditions (art. 51 et 52);
3. l’entrave à la surveillance (art. 54).
La Région de Bruxelles-Capitale est régie par l’arrêté royal du 9 mai 1986 relatif
aux déchets en Région bruxelloise et par un arrêté du Gouvernement de la Région de
Bruxelles-Capitale du 18 avril 2002 concernant la mise en décharge des déchets.
Plusieurs arrêtés du Gouvernement wallon 4 et du Gouvernement de la Région de
Bruxelles-capitale 5 imposent des obligations et fixent les conditions d’exploitation
des centres d’enfouissement, de tri, d’incinération, de destruction, de dépollution, ou
de traitement.

1. J. Sambon, ‘La réglementation de la gestion des déchets en Régions wallonne et bruxelloise’, Droit de
l’environnement et de l’urbanisme, C.U.P., vol. XVII, 1997, p. 92 et s., spéc. pp. 196-197. Cass., 2 févr.
1999, Bull., 1999, 133. F. Roggen, ‘[Questions communes au décret de la Région wallonne du 27 juin
1996 et à l’accord de coopération du 30 mai 1996] La surveillance et les sanctions administratives et
pénales’, in X., De nouvelles règles en matière de déchets, Bruxelles, La Charte, 1997, pp. 191-224.
2. L’article 2 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 20 déc. 2001 relatif à l’introduction de l’euro en
matière de déchets n’a pas modifié la référence au franc belge pour la détermination des amendes
pénales des articles 51 et suivants du décret du 27 juin 1996.
3. Pour la Région flamande, voy. C. Billiet, ‘De minimis non curat praetor. Kleine milieucriminaliteit in
het handhavingsbeleid’, T.M.R., 2003, pp. 186-188, note sous Corr. Audenarde, 10 oct. 2002.
4. Voy. les arrêtés des 27 févr. 2003 (3 textes) et 18 mars 2004.
5. Voy. les arrêtés des 18 juill. et 21 nov. 2002.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 91

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 91, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

G. LE DROIT PÉNAL DES ACTIVITÉS RÉGLEMENTÉES

720 Les dispositions légales


Outre la loi du 15 décembre 1970 que nous avons déjà évoquée, abrogée et remplacée
cependant par la loi du 10 février 1998 contenant loi-programme pour la promotion
de l’entreprise indépendante, de nombreuses dispositions légales et réglementaires
subordonnent à diverses conditions d’agréation 1 l’accès aux activités économiques,
en frappant de sanctions pénales ceux qui contreviennent aux obligations qu’elles
imposent 2. On peut citer à titre d’exemple:
– les assurances: loi du 9 juillet 1975 sur le contrôle des entreprises d’assurance,
modifiée par les lois des 19 juillet 1991 et 20 juin 2005 (art. 3 à 12, 83 et 84); loi du
27 mars 1995 relative à l’intermédiation en assurances et à la distribution d’assu-
rances (art. 15 et 16);
– les banques, établissements de crédit et caisses d’épargne: loi du 22 mars 1993
relative au statut et au contrôle des établissements de crédit (art. 7 à 22, 102 à 109)
et loi du 22 mars 2006 relative à l’intermédiation en services bancaires et en
services d’investissement et à la distribution d’instruments financiers;
– le leasing: arrêté royal no 55 du 10 novembre 1967 (art. 3);
– l’implantation commerciale: loi du 13 août 2004 (art. 14 à 18) 3;
– le crédit à la consommation: loi du 12 juin 1991 (art. 74 à 80) et décret du Conseil
de la Communauté française du 18 juillet 1996 organisant l’agrément des institu-
tions pratiquant la médiation de dettes;
– l’exercice de l’activité de recouvrement amiable des dettes du consommateur:
loi du 20 décembre 2002 (art. 15) 4;
– le transport: loi du 3 mai 1999 (transport de choses par route: art. 35 et 36); loi du
27 décembre 1974 (services de taxis: art. 20) et l’ordonnance bruxelloise du
27 avril 1995 sur le même sujet;
– les agences de voyage: loi du 21 avril 1965 (art. 9);
– les hôtels: décret du 18 décembre 2003 du Conseil régional wallon (art. 143 à 147) 5;
– les prêts hypothécaires: arrêté royal n8 225 du 7 janvier 1936 (art. 87 à 97);
– les activités ambulantes et l’organisation des marchés publics: loi du 25 juin
1993 6 exécutée par l’arrêté royal du 3 avril 1995 lui-même modifié par les arrêtés
royaux des 30 avril 1999 et 17 novembre 2003;
– le port du titre de juriste d’entreprise: loi du 1er mars 2000 créant un Institut des
juristes d’entreprise (art. 6);

1. Par arrêt n8 41/2002 du 20 févr. 2002, la Cour d’arbitrage a tranché que, en ce que les dispositions légales
confiaient à des juridictions administratives la connaissance des litiges relatifs aux conditions d’accès à
ces professions, les articles 2 et 4 à 13 de la loi du 15 déc. 1970 sur l’exercice des activités professionnelles
dans les petites et moyennes entreprises du commerce et de l’artisanat ne violent pas les articles 10 et 11 de
la Constitution, combinés avec l’article 23 ou l’article 144 de celle-ci, avec l’article 6 du Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ou avec l’article 1er du Premier Protocole
additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme: les requérants (M.B., 22 mai 2002).
2. S. Depre, Les autorisations administratives relatives à l’exercice de certaines professions, Bruylant,
1999, 172 p. S. Depre, ‘L’exercice d’une activité professionnelle au regard de la Convention
européenne des droits de l’homme et de la liberté du commerce et de l’industrie’, Rev. trim. D.H.
2002, pp. 369-383.
3. F. Boon, ‘La loi du 13 août 2004 relative à l’autorisation d’implantations commerciales’, Amén. 2005,
pp. 255-264.
4. C. Biquet-Mathieu, ‘La loi du 20 décembre 2002 relative au recouvrement amiable des dettes du
consommateur’, J.T. 2003, pp. 669-681; L. Guinotte, ‘Le recouvrement amiable des dettes du
consommateur après la loi du 20 décembre 2002’, Act. dr. 2003, pp. 734-777.
5. C. Guyot, Le droit du tourisme. Régime actuel et développements en droits belge et européen, Série
‘Droit et Justice’, n8 25, Nemesis, Bruxelles – Bruylant, Bruxelles, 1999, 171 p.
6. Cette loi est abrogée par la loi du 4 juill. 2005 qui n’est cependant pas encore en vigueur.

92 – Livre 119.4 Kluwer

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LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

– le port du titre d’expert-comptable ou de conseil fiscal: loi du 22 avril 1999


relative aux professions comptables 1 et fiscales (art. 58), par référence également
aux dispositions prises, pour d’autres professions, en exécution de la loi-cadre du
1er mars 1976 réglementant la protection du titre professionnel et l’exercice des
professions intellectuelles prestataires de services;
– le port du titre d’agent immobilier: arrêté royal du 6 septembre 2003 protégeant
le titre professionnel et l’exercice de la profession d’agent immobilier 2 en exécu-
tion de la loi-cadre du 1er mars 1976 réglementant la protection du titre profes-
sionnel et l’exercice des professions intellectuelles prestataires de services
– l’exercice de certaines activités industrielles dans le cadre d’établissements
classés dangereux, insalubres ou incommodes par le R.G.P.T., ou soumis à permis
d’environnement.
H. LE DROIT PÉNAL DE LA CONSOMMATION

730 Les dispositions légales


De nombreuses lois – dont certaines ont déjà été évoquées, par exemple la loi du
14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l’information et la protection du
consommateur – ont une incidence sur la protection des consommateurs.
Citons en outre:
– la loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en
ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits. Cette loi confère
notamment au Roi le pouvoir, dans l’intérêt de la santé publique ainsi qu’en vue
d’empêcher les tromperies et les falsifications dans le secteur alimentaire, de
réglementer ou d’interdire la fabrication, l’exportation et le commerce de denrées
alimentaires (sur le volet pénal de cette loi, voir art. 13 à 17) 3; c’est ainsi que 385
arrêtés d’exécution ont vu le jour dont, par exemple, l’arrêté royal du 5 avril 2001
modifiant l’arrêté royal du 13 mars 2000 fixant les teneurs maximales pour les
résidus de pesticides autorisées sur et dans les denrées alimentaires, ou encore
l’arrêté royal du 3 février 2005 relatif à l’interdiction de vente de produits à base de
tabacs aux personnes âgées de moins de seize ans au moyen d’appareils auto-
matiques de distribution. La loi du 4 février 2000 a par ailleurs créé une Agence
fédérale pour la sécurité de la chaı̂ne alimentaire 4;
– la loi du 28 mars 1975 (modifiée par la loi du 5 février 1999) relative au commerce
des produits de l’agriculture, de l’horticulture et de la pêche maritime, qui confère
des pouvoirs semblables au Roi qui a adopté 757 arrêtés d’exécution (art. 6 à 10);
– la loi ‘Breyne’ du 9 juillet 1971 réglementant la construction d’habitations et la
vente d’habitations à construire ou en voie de construction (art. 14) 5;
– la loi du 4 août 1992 relative au crédit hypothécaire (art. 34 à 36);

1. Voy. aussi pour la profession de comptable, Mons, 3 mars 1999, J.L.M.B., 1999, p. 609. Par arrêt n8 5/
2001 du 25 janv. 2001 (M.B., 16 févr. 2001), la Cour d’arbitrage a annulé dans l’article 58 de la loi du
22 avril 1999, la référence à l’article 10 de la loi du 1er mars 1976 en tant que cette disposition permet
de réprimer l’infraction en cause par une peine plus lourde qu’une amende de 1.000 francs. G.
Lenaerts, ‘L’exercice illégal des professions économiques est sanctionné plus sévèrement’, Pacioli,
2006, pp. 1-3; J. Van Drooghenbroeck, ‘Protection pénale des titres professionnels d’expert-
comptable et de conseil fiscal et du monopole légal d’expert-comptable externe (1re partie)’, Accoun-
tancy et Tax, 2004, pp. 12-23.
2. L. Collon, Le statut juridique de l’agent immobilier, Bruxelles, Larcier, 2004, 428 p.
3. J. Spreutels, F. Roggen, E. Roger France, Droit pénal des affaires, Bruylant, 2005, pp. 1023-1041.
4. P. Vanthemsche et P. Cassart, ‘Une approche nationale de la sécurité de la chaı̂ne alimentaire:
l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaı̂ne alimentaire (AFSCA) en Belgique’, in X., La sécurité
alimentaire et la réglementation des OGM. Perspectives nationale, européenne et internationale,
Bruxelles, Larcier, 2005, pp. 137-151.
5. J. Spreutels, F. Roggen, E. Roger France, Droit pénal des affaires, Bruylant, 2005, pp. 1053-1061.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 93

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TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

– la loi qui a adopté 757 arrêtés d’exécution du 9 février 1994 relative à la sécurité
des consommateurs (art. 19 à 26), concernant l’ensemble des produits et des
services «à risque» 1;
– la loi du 16 février 1994 régissant le contrat d’organisation de voyages et le contrat
d’intermédiaire de voyages;
– la loi du 11 avril 1999 relative aux contrats portant sur l’acquisition d’un droit
d’utilisation d’immeubles à temps partagé 2.

740 La loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation


Soucieux d’assurer ‘un respect optimal’ 3 à la loi du 12 juin 1991, modifiée par la loi du
24 mars 2003, le législateur a mis en place un système très complet, comportant quatre
catégories de sanctions, l’édifice étant complété de 50 arrêtés royaux d’exécution:
a. Les sanctions civiles (art. 85 à 100)
Prononcées soit à la demande du consommateur, soit ordonnées d’office par le juge
(ex. art. 87: réduction de plein droit des obligations du consommateur au prix au
comptant; art. 90: réduction de plein droit ou annulation des pénalités non autorisées
ou excessives), elles consistent notamment en l’annulation ou la résolution du contrat,
la réduction des obligations du consommateur, le remboursement au consommateur
des sommes indûment versées par lui, le droit pour ce dernier de conserver des
sommes reçues à tort, la dispense de paiement des intérêts, la décharge de toute
obligation pesant sur les cautions.
Elles se superposent à l’article 4 de la loi qui dispose que ‘sans préjudice des
dispositions des articles 85 à 100, toute stipulation contraire aux dispositions de la
présente loi et de ses arrêtés d’exécution est nulle pour autant qu’elle vise à restreindre
les droits des consommateurs ou à aggraver leurs obligations’.
b. Les sanctions pénales (art. 101 à 105)
De multiples manquements sont visés. Citons, à titre exemplatif:
– le fait d’offrir, en tant que prêteur, des contrats de crédit ou de consentir des crédits,
directement ou par l’entremise d’un intermédiaire de crédit ou d’un autre prêteur
dans le cadre de ses activités commerciales, professionnelles ou artisanales, sans
être agréé ou inscrit par le Ministre des Affaires économiques, dans les cas où la loi
impose cet agrément ou cette inscription;
– le fait de faire signer en blanc ou d’antidater des offres et contrats visés par la loi;
– le fait d’utiliser l’une des clauses abusives visées aux articles 28 à 32 de la loi;
– le fait de faire signer, en infraction aux dispositions de l’article 33 de la loi, dans le
cadre d’un contrat de crédit, une lettre de change ou un billet à ordre à titre de
paiement ou de sûreté du contrat, ou d’accepter un chèque à titre de sûreté du
remboursement total ou partiel de la somme due;
– le fait d’agir comme médiateur de dettes lorsque cette activité est interdite par
l’article 67 de la loi.
c. Les sanctions administratives
Le Ministre des Affaires économiques a le pouvoir soit de retirer soit de suspendre tant

1. J. Spreutels, F. Roggen, E. Roger France, Droit pénal des affaires, Bruylant, 2005, pp. 1042-1052.
2. B. Vanbrabant, Time-sharing, Bruxelles, Larcier, 2006, 132 p.
3. R. Geurts, ‘La loi du 12 juin 1991 sur le crédit à la consommation, contrôle, constatation et répression
des actes interdits’, D.C.C.R., 1991-1992, pp. 810-835; E. Balate, P. Dejemeppe et F. De Patoul, Le
droit du crédit à la consommation, De Boeck, 1995, 519 p. X., Actualités du droit du crédit à la
consommation, Série ‘Travaux et Recherches’, n8 47, Publications des Facultés universitaires Saint-
Louis, Bruxelles, 2004, 183 p. J. Spreutels, F. Roggen, E. Roger France, Droit pénal des affaires,
Bruylant, 2005, p. 1061-1079.

94 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 94, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

l’agrément obligatoire pour les personnes physiques et morales exerçant une activité
de prêteur (art. 106) que l’inscription requise pour l’exercice des activités visées à
l’article 77 de la loi (art. 107).
d. L’action en cessation
L’article 109 permet au président du tribunal de commerce de constater l’existence et
d’ordonner la cessation d’une longue liste d’actes, mêmes pénalement réprimés,
conformément aux règles prévues par la législation sur les pratiques du commerce
en matière d’action en cessation.

I. LE DÉLIT D’INITIÉ

750 Le cadre légal


Introduit en droit belge par la loi du 9 mars 1989 ajoutant un article 509quater au
Code pénal, le délit d’initié a fait l’objet d’une refonte complète à l’occasion de l’adop-
tion de la loi du 4 décembre 1990 relative aux opérations financières et aux marchés
financiers, dont les articles 181 à 193, inspirés de la directive C.E.E. du 13 novembre 1989,
définissaient les opérations d’insider trading et en organisaient la répression. Après
plusieurs modifications législatives et un arrêt de la Cour de justice de Luxembourg, c’est
l’article 40 de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux
services financiers 1 qui a fixé, tant qu’à présent, le cadre législatif de l’incrimination.
L’objectif du législateur est d’assurer un fonctionnement correct de la bourse, par la
confiance de l’investisseur dans la transparence et l’intégrité de ce marché ainsi que
dans le respect de l’égalité entre investisseurs.
Fort complexe, cette matière pose les principales questions suivantes 2 3:

1. Cette loi a été baptisée ‘loi corporate governance’.


2. Sur cette matière, voy., en doctrine, R. Huberty, ‘L’introduction en droit belge du délit d’initié’, Ann.
Dr., 1991, pp. 219 à 264; P. Denis, ‘Les opérations d’initié’, Rev. prat. soc., 1991, pp. 95 à 120; J.V.
Louis, D. Devos et autres, L’éthique des marchés financiers, U.L.B., 1991, 224 p.; B. Hendrickx et W.
Van Gulck, ‘Misbruik van voorwetenschap in vergelijkend perspectief’, Jura Falc., 1990-91, pp. 361 à
399; P. Krekels, ‘Misbruik van voorkennis naar Belgisch recht’, R.D.C., 1992, pp. 3 à 53. K. Geens,
‘Misbruik van voorkennis na de wet 6 april 1997, weinig nieuws onder de zon’, Le droit des affaires en
évolution – L’entreprise face au droit pénal, Bruylant, 1995, pp. 85 à 136; B. Feron et B. Taevernier,
Principes généraux du droit des marchés financiers, Larcier, 1997, 390 p.; Cahiers A.E.D.B.F., La
réforme des marchés et des intermédiaires financiers, Bruylant, 1997, 824 p.; Ph. Lambrecht, ‘Le point
à propos du délit d’initié’, Rev. dr. ULB, 1997, pp. 85-120; F. Deruyck, ‘De wet van 6 april 1995 inzake
de secundaire markten, het statuut van en het toezicht op de beleggingsondernemingen, de bemiddelaars
en de beleggingsadviseurs: strafrechtelijke en administratiefrechtelijke handhaving’, in X., Onderne-
mingsstrafrecht, Bruges, Die Keure, 1999, pp. 115-127; B. Feron, Les délits boursiers en droit belge et
en droit comparé, et Ph. Lambrecht, ‘Les autorités chargées de la détection et de la poursuite des délits
financiers’, in Les délits financiers, Cahiers A.E.D.B.F., n8 12, 2001, pp. 39-100 et 113-203. Th.
Afschrift et V.A. De Brauwere, Manuel de droit pénal financier, Kluwer, 2001, pp. 479-507. C.
Sonttag, ‘Préjudices et sanctions des infractions d’initiés: Approche juridique et économique’, in X.,
L’organisation des dispositifs spécialisés de lutte contre la criminalité économique et financière en
Europe, Paris, L.G.D.J., 2004, pp. 111-157. J. Spreutels, F. Roggen, E. Roger France, Droit pénal
des affaires, Bruylant, 2005, pp. 572-605. O. Clevenbergh, ‘La communication d’informations
confidentielles dans le cadre des due diligence, en particulier dans le cas des sociétés cotées’, R.D.C.,
2005, pp. 115-138. Par référence à l’arrêté royal du 5 mars 2006 relatif aux abus de marché, voy. E.
Janssens, ‘Délit d’initié: nouvelles mesures au 10 mai 2006’, Bilan, 2006, pp. 1-4.
3. Pour les rares applications jurisprudentielles, voy. Corr. Charleroi, 27 sept. 1995, Rev. prat. soc., 1996,
p. 152; Corr. Gand, 27 sept. 1995, Rev. prat. soc., 1996, p. 155 (réformé en appel par Gand, 30 avril
1997, T.R.V., 1997, p. 336) et Rev. Banq., 1997, p. 413; Corr. Gand, 27 janv. 1999, T.R.V., 1999, p. 47,
note, posant une question préjudicielle posée à la C.J.C.E. qui répondit par son arrêt du 3 mai 2001,
T.R.V., 2001, pp. 234-244, l’acquittement étant prononcé dans cette affaire Ter Beke par Corr. Gand,
18 déc. 2002, Droit banc. fin., 2003, p. 53, note P.J. Engelen; Mons, 30 juin 2000, Rev. Banq., 2000, p.
549. Gand, 3 nov. 2005, T.R.V., 2005, p. 400, note.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 95

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TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

751 Qu’est-ce qu’un initié?


Il s’agit des personnes disposant d’une information dont elles savent ou ne peuvent
raisonnablement ignorer qu’elle est privilégiée, soit:
– en raison de leur qualité de membre des organes d’administration, de gestion ou de
surveillance de l’émetteur de l’instrument financier en question ou d’une société
ayant des liens étroits avec celui-ci;
– en raison de leur participation dans le capital de l’émetteur;
– ou parce qu’elles ont accès à cette information en raison de l’exercice de leur
travail, de leur profession ou de leurs fonctions.
Il s’agit des initiés dits primaires qui, soit ont des responsabilités au sein de la
société (insiders, initiés internes: administrateurs, gérants, directeurs, cadres, mem-
bres du personnel, ...), soit, sans y travailler, ont néanmoins accès à des données
particulières la concernant (outsiders, initiés externes: avocats, réviseurs d’entrepri-
ses, notaires, membres d’autres sociétés, ...), et possèdent à ce titre une information
dont le public, lui, ne dispose pas; la loi du 2 août 2002 y assimile les personnes qui
disposent de l’information privilégiée en raison de leurs activités professionnelles,
ainsi que les personnes physiques qui, dans le cas d’une société ou autre personne
morale, participent à la décision d’effectuer une transaction ou de passer un ordre pour
le compte de la personne morale en question, ainsi qu’aux sociétés d’investissement,
aux sociétés d’investissement en créances et aux sociétés de gestion d’organismes de
placement collectif, aux membres des organes de ces sociétés et aux membres de leur
personnel, qui disposent d’une information privilégiée concernant un instrument
financier détenu par la société ou l’organisme en question.
Le champ d’application de la loi s’étend également aux initiés secondaires , c’est-
à-dire aux personnes qui ont obtenu une information privilégiée autrement qu’en
raison de leurs fonctions ou de leur profession, à savoir la personne qui, en connais-
sance de cause, dispose d’une information dont elle sait ou ne peut raisonnablement
ignorer qu’elle est privilégiée et qu’elle provient directement ou indirectement d’une
personne visée ci-dessus, ce qui recouvre soit les relations privées (parents, amis et
connaissances de l’initié qui leur donne un tuyau), soit l’effet du hasard (le chauffeur
de taxi ou le garçon de café qui surprend une conversation ultra-confidentielle entre
magnats de la haute finance...).

752 Qu’est-ce qu’une information privilégiée?


L’information privilégiée doit répondre à trois critères:
a. Elle n’est pas publique
Le délit d’initié implique que des opérations soient effectuées sur base de données qui ne
sont pas connues du marché ni des autres opérateurs. La loi ne définit pas le concept
d’information ‘rendue publique’ qui est laissé à l’appréciation du juge qui doit se laisser
guider par l’idée que le délit d’initié consiste principalement dans l’exploitation du
décalage qui existe entre le moment où l’information est connue du prévenu et le
moment de sa diffusion dans le public. Un guide pourrait être le défunt arrêté royal du
3 juillet 1996 relatif aux obligations en matière d’information occasionnelle des
émetteurs dont les instruments financiers sont inscrits au premier marché et au nouveau
marché d’une bourse de valeurs mobilières, qui imposait l’obligation d’information
occasionnelle pour les sociétés cotées en bourse, lesquelles devaient rendre public sans
délai (art. 5, § 1) ‘tout fait ou toute décision dont elles ont connaissance et qui, s’il était
rendu public, serait susceptible d’influencer de manière sensible le cours de bourse des
instruments financiers’.

96 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 96, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

b. Elle doit avoir un caractère suffisamment précis


Une information vague, des bruits alarmants, de simples rumeurs ne répondent pas à
l’exigence de précision suffisante. La connaissance de pertes, de pourparlers confi-
dentiels avancés en revanche y répondent 1.
c. Elle est de nature à influencer de manière sensible le cours de l’instrument
financier en question
L’exposé des motifs de la loi du 9 mai 1989 donnait les exemples suivants: ‘le
changement dans le contrôle de la société, l’acquisition ou la vente de nouveaux
actifs importants, la survenance de pertes ou de faits dommageables graves, les
modifications substantielles envisagées dans le caractère ou la nature des activités,
la conclusion de contrats ou d’opérations importantes, des faits ou des décisions
externes à l’émetteur, dont celui-ci a connaissance et qui le concernent, mais que le
public ignore ou dont il ne peut apprécier les implications concrètes’. La rare
jurisprudence déjà citée a eu l’occasion de s’arrêter à ce critère essentiel et toujours
controversé.
Les opérateurs qui exploitent des informations non ‘sensibles’ ne commettent donc
pas d’infraction: cette précision était bien entendu indispensable pour laisser une
marge de manœuvre suffisante à ceux qui opèrent sur titre.
d. Disparition d’une exception importante
Après l’arrêt de la Cour de Luxembourg, la loi du 2 août 2002 a fait disparaı̂tre
l’exception des ‘holdings’ selon laquelle ne constituaient pas des informations
privilégiées celles dont les sociétés à portefeuille disposaient du fait de leur rôle dans
la gestion des sociétés dans lesquelles elles possédaient une participation.

753 Quels sont les instruments financiers visés?


Il s’agit des valeurs mobilières et des autres instruments financiers définis à l’arti-
cle 40, § 4, de la loi: actions, parts, obligations, bons de caisse, certificats immobiliers,
parts de fonds communs de placement, droits de souscription, etc. dans la mesure où
ces titres sont, en Belgique, cotés à la Bourse ou, à l’étranger, négociés sur un marché
réglementé

754 Quels sont les comportements prohibés?


L’initié se voit interdire:
a. d’acquérir ou de céder, pour compte propre ou pour autrui, des titres concernés par
cette information;
b. de communiquer une information privilégiée à un tiers, si ce n’est dans le cadre
normal de son activité professionnelle; l’administrateur de société qui révèle une
information privilégiée à l’avocat chargé des intérêts de l’entreprise ne commet
donc pas de délit d’initié;
c. de recommander à un tiers, sur base de cette information, la vente ou l’acquisition
de titres.

1. Voy. cependant Gand, 3 nov. 2005, T.R.V., 2005, p. 400, note: même l’information relative à des faits
ou événements incertains peut être considérée comme privilégiée et faire l’objet d’une obligation de
publication.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 97

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 97, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

755 Quelles sont les sanctions?


L’auteur du délit d’initié est puni d’un emprisonnement de trois mois à un an et d’une
amende de cinquante à dix mille euros. En outre, l’initié pourra être condamné à payer
une somme correspondant au maximum au triple du montant de l’avantage patrimo-
nial – c’est-à-dire du gain réalisé ou de la perte évitée – tiré de l’infraction.

756 Intervention de la CBFA


La CBFA (Commission bancaire, financière et des assurances) dispose, selon l’article 40,
§§ 7 et 8, de la loi du 2 août 2002, de pouvoirs importants, tant sur le plan administratif
que sur le plan de la dénonciation d’informations aux autorités judiciaires qui la
requièrent pour la recherche ou la poursuite des infractions en matière de délit d’initié 1.

760 à 860. Réservés

J. LE DROIT PÉNAL SOCIAL


870 Les dispositions légales
Pour le chef d’entreprise, cette matière revêt une importance pratique considérable,
compte tenu de l’abondante législation régissant le droit du travail et de la sécurité
sociale. Le cadre limité de notre étude ne permet pas de consacrer aux infractions à la
législation sociale la place qu’elles méritent 2-3.
Citons néanmoins comme exemples caractéristiques:
– les articles 12 à 18 de la loi du 30 avril 1999 relative à l’occupation des travailleurs
étrangers 4, complétée par une vingtaine d’arrêtés royaux d’exécution, dont ceux du
9 juin 1999 (M.B., 21 mai et 26 juin 1999);
– les articles 27 à 30 de l’arrêté royal du 28 novembre 1975 relatif à l’exploitation des
bureaux de placement payants, applicable encore uniquement en Région wallonne,

1. Dans le cadre de l’ancienne loi, voy. Ph. Lambrecht, ‘Les autorités chargées de la détection et de la
poursuite des délits financiers’, in Les délits financiers, Cahiers A.E.D.B.F., o.c.
2. Sur cette matière, voy. H.D. Bosly, Les sanctions en droit pénal social belge, E. Story-Scientia, 1979;
R. Legros, ‘Le droit pénal dans l’entreprise’, J.T.T., 1977, p. 169; D. Delooz-Lamers, ‘Droit pénal
social’, Qualifications et jurisprudence pénales, vol. 2, La Charte, 1994, vo Chômage – conventions
collectives de travail – documents sociaux – obstacle à la surveillance – fonds de sécurité d’existence –
rémunération. J. Hubin, ‘Essai de politique criminelle en matière de droit pénal social’, Rev. dr. pén., 1995,
pp. 771 à 839; W. Van Eeckhoutte, ‘Last but not least: de strafbepalingen in de sociale wetgeving’, Le
droit des affaires en évolution – L’évolution face au droit pénal, Bruylant, 1995, pp. 177 à 225; M. Dumont
et autres, Le droit pénal social, C.U.P., Larcier, 1997, pp. 1 à 468; F. Kefer, Droit pénal du travail, La
Charte, 1997, 552 p. F. Lagasse, Manuel de droit pénal social, Bruxelles, Larcier, 2003, 181 p.; S. Derre et
O. Michiels, ‘De quelques aspects de droit pénal social et de procédure pénale susceptibles d’être
rencontrés par le juge social ou le juge répressif’, Rev. b. séc. soc., 2005, pp. 287-304. O. Vanachter,
‘Arbeidsrecht en strafrecht’, in X., Strafrecht als roeping. Liber amicorum Lieven Dupont, Universitaire
Pers Leuven, Louvain, 2005, pp. 115-123. Adde Corr. Bruxelles, 20 mars 1998, J.L.M.B. 1998, p. 870
(affaire Renault-Vilvorde) et Cass., 8 sept. 1999, J.L.M.B., 2000, p. 312 (aff. Bongiorno).
Sur la notion de faute en droit pénal social, voir Bruxelles, 7 sept. 1994, Rev. dr. pén., 1995, p. 91 et
Bruxelles, 4 janv. 1995, Rev. dr. pén., 1995, p. 753. Adde l’important arrêt que constitue Cass., 3 oct. 1994,
J.T., 1995, p. 26: ‘La transgression matérielle d’une disposition légale ou réglementaire constitue en soi
une faute qui entraı̂ne la responsabilité pénale et civile de l’auteur, à condition que cette transgression soit
commise librement et consciemment’, ainsi qu’une application par Bruxelles, 4 déc. 1996, Rev. dr. pén.,
1997, p. 677.
3. Il y a lieu de tenir compte de la rédaction de l’article 155, alinéa 2, du Code judiciaire qui précise qu’il
appartient au Procureur général de désigner le magistrat du parquet du procureur du Roi ou de
l’auditorat du travail qui exerce l’action publique en cas de concours entre infractions relevant du
droit pénal commun et du droit pénal social. Cass., 8 oct. 1996, J.T., 1997, p. 496, obs. O. Michiels;
Cass., 26 mai 1999, J.L.M.B., 2000, p. 413.
4. C. trav. Bruxelles, 5 janv. 2006, J.T.T., 2006, p. 169.

98 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 98, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

et les articles 24 à 29 du décret du Conseil régional wallon du 13 mars 2003 relatif à


l’agrément des agences de placement;
– les articles 80 à 94 de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors
de l’exécution de leur travail;
– les articles 11 à 15 de l’arrêté royal n8 5 du 23 octobre 1978, modifiés par la loi du
23 mars 1994, relatif à la tenue des documents sociaux 1- 2;
– les articles 35 à 39 de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre
1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs 3;
– les articles 42 à 46 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la
rémunération des travailleurs 4;
– les articles 53 à 59 de la loi du 16 mars 1971 sur le travail, modifiés par la loi du
5 août 1992, réprimant notamment le travail des enfants en violation de la loi;
– les dispositions des conventions collectives de travail rendues obligatoires par
arrêté royal 5;
– les articles épars de la législation de droit pénal social incriminant l’obstacle à la
surveillance 6.
La loi du 30 juin 1971 relative aux amendes administratives applicables en cas
d’infraction à certaines lois sociales, notamment modifiée par la loi du 23 mars
1994 et aussi par l’effet de plusieurs arrêts de la Cour d’arbitrage, organise un système
de sanctions administratives particulièrement remarquable 7.

1. Cass., 16 nov. 1994, Rev. dr. pén., 1995, p. 648: ces dispositions pénales s’appliquent même si elles
concernent la protection de travailleurs exerçant au moins partiellement leurs activités à l’étranger.
2. Cass., 8 janv. 1997, Rev. dr. pén., 1997, p. 492; Corr. Liège, 14 mai 1999, J.L.M.B., 2000, p. 436; Cass.,
10 déc. 2002, J.T. 2004, p. 655, note F. Kuty.
3. Corr. Liège, 10 mai 2002, Rev. dr. pén. 2003, p. 548, note G. Raneri.
4. Bruxelles, 4 janv. 1995, Rev. dr. pén., 1995, p. 753; Cass., 17 avril 1996, J.T.T., 1996, p. 331; Bruxelles,
4 déc. 1996, Rev. dr. pén., 1997, p. 677. C. trav. Anvers, 8 juin 2001, J.T.T., 2002, p. 96, note.
5. C. trav. Mons, 3 févr. 1995, J.L.M.B., 1995, p. 1141; Corr. Bruxelles, 20 mars 1998, J.L.M.B., 1998,
p. 870 (aff. Renault Vilvorde).
6. P. ex., Bruxelles, 7 nov. 1994, Rev. dr. pén., 1995, p. 738 et Corr., Charleroi, 15 mai 1996, Rev. dr. pén.,
1997, p. 521; A. Nayer e.a., L’inspection du travail et la protection juridique du citoyen, La Charte,
1996, 272 p.; Corr. Tournai, 16 févr. 1999, (2 espèces), J.L.M.B., 2000, pp. 424 et 426. Th. Werquin,
‘Droit pénal social: le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, le droit au silence et l’obstacle
à la surveillance’, J.T.T., 2000, p. 81 et s. H. Mormont, ‘L’incrimination d’obstacle à la surveillance au
regard des droits de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination: état de la question’, Chron.
D.S. 2003, pp. 105-112 et 213-228. F. Kefer, ‘Questions à propos du délit d’obstacle à la surveillance en
droit belge’, Rev. trim. D.H., 2003, pp. 1305-1333, ainsi que ‘Le droit au silence permet-il de faire
obstacle à la mission de contrôle et de surveillance de l’administration ?’, Amén., 2005, pp. 111-121.
7. Sur les amendes administratives en droit pénal social, voir A. De Nauw, Les métamorphoses
administratives du droit pénal de l’entreprise, Mys & Breesch, 1994, pp. 111 à 121, et les nombreuses
références citées; Trib. trav. Tournai, 21 janv. 1997, J.L.M.B., 1997, p. 233 (exclusion du sursis). Cette
exclusion n’est pas jugée contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution, selon C. A., 14 juill. 1997,
J.L.M.B., 1997, p. 1068; ce même arrêt de la C.A. précise cependant qu’il y a violation des articles 10 et
11 de la Constitution en ce que la loi du 30 juin 1971 ne permet pas aux personnes qui exercent devant
le tribunal du travail le recours prévu par l’article 8 de cette loi de bénéficier d’une réduction de
l’amende au-dessous des minima légaux alors que, pour une même infraction, elles peuvent bénéficier
devant le tribunal correctionnel de l’application de l’article 85 du Code pénal; cet arrêt est à la base de
la modification de la loi. C. Deneve, ‘De administratieve geldboeten en de rechten van de verdediging’,
Rev. dr. soc., 1997, p. 285 et s.; C. trav. Mons, 3 juin 1997, J.L.M.B., 1998, p. 66, note D. Dumont.
A. Simon, ‘Examen de la conformité de la loi du 30 juin 1971 à la Constitution, en regard des principes
directeurs du droit pénal. Commentaire des arrêts rendus par la cour d’arbitrage le 14 juillet 1997’,
Chron. D.S., 1998, pp. 105-111. Ph. De Koster, ‘Pouvoir de l’administration et pouvoir judiciaire:
l’accroissement du pouvoir de sanction de l’administration en droit social et le rôle résiduaire dévolu a
posteriori au pouvoir judiciaire’, J.T.T., 1999, pp. 65-76. Cass., 6 mai 2002, J.T.T., 2002, p. 458, concl.
M.P., note. J. Demarche, ‘Amendes administratives et droits de la défense’, J.L.M.B., 2004, pp. 618-
619, ainsi que ‘L’écoulement du temps dans la répression administrative: entre droits de défense,
équitable procédure et bonne administration’, J.L.M.B., 2004, pp. 1770-1773; H. Bosly, ‘L’amende
administrative et le dépassement du délai raisonnable’, Rev. dr. pén., 2005, pp. 188-197, note sous
C.A., n8 148/2004, 15 sept. 2004.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 99

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 99, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

Le travail indépendant connaı̂t également des dispositions, sanctionnées pénale-


ment, tendant à aménager les conditions de son exercice; citons à titre d’exemples:
– la loi du 22 juin 1960 instaurant le repos hebdomadaire dans l’artisanat et le
commerce (art. 16) 1;
– la loi du 24 juillet 1973, modifiée par la loi du 29 janvier 1999, instaurant la
fermeture obligatoire du soir dans le commerce, l’artisanat et les services (art. 11).

SECTION 3. LE DROIT PÉNAL DES SOCIÉTÉS

880 Présentation générale


La codification du droit des sociétés par les lois des 7 mai 1999 et 23 janvier 2001 2 3,
qui est entrée en vigueur le 1er février 2001, a quelque peu modifié la consistance du
droit pénal des sociétés 4.
Les dispositions pénales continuent toujours à être peu lisibles, car elles se
présentent trop souvent sous la forme de renvois à des énumérations d’articles du
Code des sociétés.
Elles gagnent cependant un peu en lisibilité en ce qu’elles sont regroupées en fin de
chaque livre du Code des sociétés, suivant en cela le plan général de la codification
(sociétés en général, sociétés spécifiques).
L’objectif du droit pénal des sociétés reste très large: protection de la société elle-
même, des actionnaires, des tiers tels les banquiers, les créanciers, les administrations
publiques, les fournisseurs, les clients, les entreprises concurrentes,... contre les
violations de la loi commises par la société elle-même, ses organes dirigeants, ses
employés, ses professionnels du contrôle comptable, ses liquidateurs,... aussi bien lors
de la constitution de la société que durant sa vie (fonctionnement, publicité) qu’au
moment de sa dissolution ou de sa liquidation.
Il est fréquent pour le droit pénal des sociétés de recourir au mécanisme de
l’imputabilité légale: c’est la disposition légale elle-même qui désigne l’auteur de
l’infraction qui doit revêtir ainsi une qualité propre: administrateur, gérant, directeur,
commissaire, fondateur,... mais il sera gardé à l’esprit que ces fonctions peuvent autant
être celles exercées en droit que celles que le prévenu a exercées en fait, sans disposer
des nominations statutaires ou légales adéquates mais dont la réalité des choses
démontre qu’il les détenait 5.

1. Cass., 8 nov. 1994, Rev. dr. pén., 1995, p. 646.


2. Adde l’arrêté royal d’exécution du 30 janv. 2001, M.B., 6 févr. 2001.
3. Centre J. Renauld (U.C.L.), Le nouveau code des sociétés, actes d’une journée d’études du 24 nov.
1999, Bruylant, 1999, 400 p.; M.A. Delvaux et M. Coipel, ‘Le Code des sociétés’, J.T., 2000, pp. 545
à 556.
4. Th. Afschrift et V.A. De Brauwere, Manuel de droit pénal financier, Kluwer, 2001, pp. 341-403. S.
Romaniello et S. De Meulenaer, ‘De vennootschap in het strafrecht: inbreuken op het Wetboek van
Vennootschappen en het Strafwetboek’, in X., Strafrecht in de onderneming. Praktische gids voor
bestuurders en zaakvoerders, Intersentia, 2004, 2e éd., pp. 101-143; J.F. Goffin, Responsabilités des
dirigeants de sociétés, Larcier, 2004, pp. 404-414; M.A. Delvaux, ‘Quelques développements relatifs
aux responsabilités civile et pénale de l’administrateur personne morale d’une SA, d’une SPRL ou
d’une SCRL’, in Liber amicorum M. Coipel, Kluwer, 2004, pp. 527-559. J. Spreutels, F; Roggen, E.
Roger France, Droit pénal des affaires, Bruylant, 2005, pp. 623-676.
5. Cass., 23 mai 1990, R.C.J.B., 1992, p. 550, note A. de Nauw.

100 – Livre 119.4 Kluwer

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LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

L’élément moral des infractions du droit pénal des sociétés répond à quelques
difficultés qui égarent parfois la doctrine non spécifiquement pénale 1.
Il y a lieu de retenir que:
– soit la disposition pénale requiert un dol spécial, ce qui ne peut être le cas que si la
disposition pénale précise expressément l’élément moral qui est requis pour son
application: ainsi, l’article 650 C. soc. requiert-il que le prévenu ait agi ‘fraudu-
leusement’: il s’agit d’un dol spécial qui désigne l’intention dans le chef du prévenu
de se procurer, pour lui-même ou pour autrui, un bénéfice illicite;
– soit la disposition pénale requiert un dol général, ce qui est le cas si la disposition
pénale exige expressément que l’auteur de l’infraction ait agi ‘sciemment’: ainsi,
l’article 349, 38 C. soc. requiert-il que le prévenu ait agi ‘sciemment’: il s’agit d’un
dol général qui requiert que le prévenu ait agi en connaissance de cause;
– soit la disposition pénale requiert une faute, ce qui est le cas si la disposition pénale
exige expressément que l’auteur de l’infraction ait agi ‘par négligence’: ainsi,
l’article 196, 38 C. soc. sanctionne-t-il le liquidateur négligent;
– soit la disposition pénale ne requiert ni dol spécial ni dol général ni négligence, ce
qui est le cas de la toute grande majorité des infractions du droit pénal des sociétés;
ces infractions ne mentionnent en effet expressément aucun élément moral: ainsi,
l’article 647, 48 C. soc. sanctionne-t-il les administrateurs qui n’ont pas respecté
une obligation prévue dans d’autres dispositions du Code des sociétés: il s’agit
alors d’infractions réglementaires; les délits réglementaires ou délits contraven-
tionnels sont des délits qui, pour ainsi dire, existent par le seul fait qu’ils ont été
commis: l’élément matériel paraı̂t suffire et révéler en lui-même l’infraction, la
commission de l’acte matériel est censée contenir en elle-même l’élément moral,
de sorte que la preuve de l’acte matériel conduit à une présomption de culpabilité 2;
il demeure que la personne poursuivie a la possibilité d’invoquer des causes de
justification; dans le domaine du droit pénal des sociétés, il n’y a donc pas
d’infractions purement matérielles, car le prévenu conserve la faculté d’invoquer
des causes de justification 3, mais la charge probatoire du ministère public est
assurément facilitée dans cette matière comme dans bon nombre de matières de
droit pénal purement technique.

890 Provocation à l’achat de titres de sociétés par des moyens frauduleux


Les articles 348 C. soc. pour les SPRL, 388 pour les SC, et 649 pour les SA (ex-art.
202 L.C.S.C.) considère comme coupables d’escroquerie et punit des mêmes peines
que celle-ci, ceux qui ont provoqué soit des souscriptions ou des versements, soit des
achats de parts, d’actions, d’obligations ou d’autres titres de sociétés par l’un des
moyens suivants:
– simulation de souscriptions ou de versements à une société;
– publication de souscriptions ou de versements qu’ils savent ne pas exister;
– publication de noms de personnes désignées comme étant ou devant être attachées

1. Ainsi, c’est par erreur que Th. Afschrift et V.A. De Brauwere, o.c., pp. 345-347, écrivent que la
plupart des infractions du droit pénal des sociétés (n8 530 in initio) requiert un dol général qu’ils
confondent d’ailleurs avec la négligence (p. 346 in fine) et que les infractions du droit pénal des sociétés
qui requièrent que l’auteur ait agi ‘sciemment’ traduisent l’expression d’un dol spécial (n8 530, al. 2).
Ainsi, l’expression ‘simple négligence’ utilisée par J.F. Goffin, o.c., p. 405, est erronée.
2. Trib. trav. Audenarde, 31 août 2001, J.T.T., 2002, p. 507, note. Liège, 24 sept. 2002, R.R.D., 2002, p.
392. Cass., 8 oct. 2002, http://www.cass.be.
3. Cass., 15 déc. 1999, Pas., 1999, II, p. 1692. J.F. Goffin, o.c., p. 408.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 101

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 101, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

à la société à un titre quelconque, alors qu’ils savent ces désignations contraires à la


vérité;
– publication de tous autres faits qu’ils savent être faux.
Les comportements réprimés consistent essentiellement à fournir des informations
fausses pour attirer le public 1.

900 La violation des règles d’information et de publicité


Le souci d’assurer l’information claire et complète tant du public que des actionnaires
ou associés et des organes de contrôle a amené le législateur à sanctionner pénalement
un grand nombre de règles relatives à la publicité et à la transparence des actes
sociaux, que ce soit au moment de la constitution de la société, au cours de son
fonctionnement ou de sa liquidation.
Citons à titre exemplatif 2:
– les articles 91, 28 C. soc. pour la constitution des sociétés, 433, 38 C. soc. pour les
SCRL, 647, 38 pour les SA, 773, 18 pour la restructuration (dont la fusion et la
scission) des sociétés, et 788, 28 pour leur transformation (ex-art. 201.38 L.C.S.C.):
ces articles sanctionnent ceux qui n’ont pas fait les énonciations requises par la loi,
notamment en cas de constitution, de transformation de société ou d’augmentation
de capital; il s’agit d’infractions réglementaires;
– les articles 126, § 1er, 18 et 128, al. 1er C. soc. de manière générale, 91, al. 1er, 18 C.
soc. pour les succursales de sociétés étrangères et 196, al. 1er, 28 pour les
liquidateurs (ex-art. 201, 38quater et 48 L.C.S.C.): ces articles consacrent des
infractions réglementaires qui sanctionnent les gérants ou administrateurs:
. qui n’auront pas soumis à l’assemblée générale les comptes annuels dans les 6
mois de la clôture de l’exercice;
. qui ne les auront pas déposés, avec les annexes requises, à la Banque nationale
de Belgique dans les 30 jours de leur approbation par l’assemblée générale;
– les articles 128 C. soc., et, pour les liquidateurs, 196, 28 C. soc. sanctionnent
pénalement le non-respect de l’obligation de présenter à l’assemblée générale le
rapport de gestion qui est prévu par les articles 95 et 96 C. soc. (ex-art. 201.98 et
204.28 L.C.S.C.);
– le non-respect de l’obligation de déposer les comptes annuels et autres documents
visés par les articles 98 et 100 C. soc. à la Banque nationale de Belgique, dans les
30 jours de l’approbation des comptes annuels et au plus tard 7 mois après la
clôture de l’exercice 3, a connu une évolution législative pour aboutir à une
dépénalisation: pour les comptes annuels et consolidés clôturés avant le
1er octobre 2005, l’article 129bis C. soc., introduit par la loi-programme 4 du 8 avril
2003, a consacré l’abandon de la voie pénale puisque ces infractions ont été
désormais réprimées par le recours au mécanisme des amendes administratives

1. Pour un cas d’application, voy. Bruxelles, 29 janv. 1969, Rev. prat. soc., 1970. p. 100.
2. Pour une énumération exhaustive et leur examen, voy. Th. Afschrift et V.A. De Brauwere, o.c., p.
351 et s. En jurisprudence, voy. notamment Corr. Audenarde, 7 févr. 2002, R.W., 2002-2003, 1311,
note et R.D.C., 2002, p. 738, note E. Desmet, à propos de la désignation précise du siège social dans
l’acte de société, J.D.S.C., 2005, p. 33, note S. Gilcart et S. Kettmann; R.W., 2002-2003, p. 1311,
note; Rev. prat. soc., 2004, p. 284, note S. Kettmann.
3. Corr. Gand, 15 avril 1994, T.R.V., 1994, p. 342, note M. Wyckaert, ‘Het wanbedrijf van niet-
neerlegging der jaarrekening’.
4. C. Lewalle, ‘Loi-programme du 8 avril 2003 modifiant, entre autres, le Code des sociétés’, Dr. banc.
fin., 2003/4, p. 249.

102 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 102, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

tel qu’organisé par le nouvel art. 129bis C. soc. 1, lesquelles seront infligées à la
société et non plus personnellement aux administrateurs, gérants et liquidateurs;
pour les comptes annuels et consolidés clôturés après le 1er octobre 2005, le régime
des amendes administratives a été écarté par les articles 17 à 19 de la loi-
programme du 27 décembre 2005 qui modifient notamment l’article 101 C. soc.
en imposant une contribution aux frais de surveillance de 120 à 1.200 euros pour
les dépôts tardifs;
– l’article 170, 38 C. soc. sanctionne pénalement la violation de toute règle relative au
contrôle des commissaires, et non plus seulement l’entrave au pouvoir d’investiga-
tion des commissaires (ex-art. 204. 68 L.C.S.C.); l’élément matériel de l’infraction
laisse entendre que le dol général est requis à titre d’élément moral;
– l’article 652, 28 C. soc. qui sanctionne ceux qui transmettent sciemment à la
Commission bancaire et financière des renseignements inexacts ou incomplets
(ex-art. 204.88 L.C.S.C.), le texte exigeant donc un dol général.

910 La distribution de dividendes ou de tantièmes fictifs


Les articles 347 C. soc. pour les SPRL, 434 pour les SCRL et 648 pour les SA (ex-art.
205, al. 1er L.C.S.C.), prévoit que seront punis d’une amende et d’un emprisonnement
facultatif, les gérants ou les administrateurs qui:
– en l’absence d’inventaires ou de comptes annuels;
– malgré les inventaires ou les comptes annuels;
– ou au moyen d’inventaires ou de comptes annuels frauduleux,
– ont distribué des dividendes ou tantièmes en violation des articles 320 C. soc. pour
les SPRL, 429 pour les SCRL et 617 pour les S.A, lesquels déterminent la notion de
bénéfice distribuable.
L’absence de précision dans les textes quant à un éventuel élément moral laisse
entendre qu’il s’agit d’une infraction réglementaire; il n’est pas requis que le gérant ou
l’administrateur qui distribue ces avantages fictifs ait participé ou ait été au courant du
caractère frauduleux des inventaires ou des comptes annuels; cette dernière précision
quant à une sévérité extrême, qui a été très critiquée, demeure dans les textes mais il se
vérifie que le ministère public, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation de
l’opportunité des poursuites, n’y recourt que dans les hypothèses où l’auteur était
manifestement au courant, souvent pour y avoir participé, du caractère frauduleux des
comptes annuels 2.

920 La distribution illicite d’un acompte sur dividende


L’article 648, 28 C. soc. (ex-art. 205, al 2, L.C.S.C.) sanctionne les administrateurs des
seules SA qui distribuent des acomptes sur dividende sans respecter les conditions
prescrites par l’article 618. C. soc (ex-art. 77ter L.C.S.C.).
Il s’agit d’une infraction réglementaire.

1. L’amende administrative est de 200 euros (60 euros pour les petites sociétés) par mois de retard avec un
maximum de 1.200 euros (360 euros pour les petites sociétés).
2. J.F. Goffin, o.c., pp. 410-411.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 103

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 103, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

930 La réduction délictueuse de capital social


Les articles 347 C. soc. pour les SPRL, 387 pour les S.C., 434 pour les SCRL et 648
pour les SA (ex-art. 206 L.C.S.C.) sanctionnent trois types de faits érigés en infrac-
tions réglementaires:
– l’acquisition par une SA ou une SPRL, de ses propres actions ou parts par voie
d’achat ou d’échange en contravention avec les articles 620 et 321 C. soc. qui
réglementent de façon très contraignante ce genre d’opérations;
– la prise en gage par une SA ou une SPRL de ses propres titres en contravention avec
les articles 630 et 330 C. soc.;
– les versements sur les actions faits, par un moyen quelconque, aux frais de la
société ou admis comme faits, alors qu’ils ne sont pas effectués réellement de la
manière et aux époques prescrites.

940 Les faux dans les comptes annuels


Cette infraction est réprimée par l’article 127, al. 1er 18 C. soc. (ex-art. 207 L.C.S.C.),
directement inspiré de l’article 196 du Code pénal que nous avons déjà examiné 1.
Les éléments constitutifs en sont identiques.
Précisons seulement ici que:
– le faux doit être commis dans les comptes annuels de la société, tels qu’ils sont
prescrits par l’article 92 C. soc. et par la loi du 17 juillet 1975, soit: le bilan, le
compte de résultats et l’annexe 2;
– en vertu de l’article 127, al. 2, C. soc., les comptes annuels sont censés exister dès
qu’ils sont soumis à l’inspection des actionnaires ou associés, soit dès le moment
où, au moins 15 jours avant l’assemblée générale annuelle, les comptes sont tenus à
la disposition des actionnaires (art. 553 C. soc.), alors que, sous l’angle commercial
ou fiscal, le bilan n’est définitif qu’après discussion et approbation par l’assemblée
générale;
– un bilan inexact n’est pas nécessairement faux pour autant: l’infraction suppose
une intention frauduleuse ou le dessein de nuire, c’est-à-dire que son auteur ait
frauduleusement cherché à induire en erreur ceux qui examineront les comptes
annuels 3; il s’agit donc bien de l’exigence d’un dol spécial;
– l’usage de faux comptes annuels est réprimé par l’article 127, al. 1er, 28 C. soc.;
– les peines portées par l’article 127 C. soc. sont des peines criminelles emportant la
réclusion de cinq à dix ans et d’une amende de 26 à 2.000 F (lire ‘euros’) (x 5,5);
ces infractions sont toujours correctionnalisées, en telle sorte que, devant le
tribunal correctionnel, le maximum de la peine d’emprisonnement est abaissé à
5 ans et le maximum de l’amende à 2.000 F (lire ‘euros’);

1. Sur cette infraction, voir J.-P. Spreutels et J. Messinne, ‘Questions spéciales de droit pénal’, in
L’entreprise en difficulté, Bruxelles, Ed. Jeune Barreau, 1981, p. 365 et s. S. De Meulenaer, ‘Is
jaarrekeningfraude strafbaar?’, et ‘Wie ligt in het vizier van de strafrechter?’, in X., Uit balans! Een
interdisciplinaire analyse van recente boekhoudschandalen, Anvers, Intersentia, 2004, pp. 92-109 et
109-115.
2. A l’exclusion de l’inventaire et du livre-journal, protégés par l’art. 196 C.P., et d’une situation
comptable ne constituant qu’un document interne (Bruxelles, 14 déc. 1994, J.L.M.B., 1995, p. 210,
note O. Klees, et Rev. dr. pén., 1995, p. 745).
3. Corr. Tournai, 25 févr. 1965, Rev. prat. soc., 1965 p. 70; Bruxelles, 14 déc. 1994, J.L.M B., 1995, p.
210.

104 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 104, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

– pourraient être inquiétés comme coauteurs ou complices de l’infraction, le comp-


table qui, en connaissance de cause et sans but frauduleux pour lui-même, prépare
le faux bilan, l’avocat qui donne les conseils indispensables pour le fausser, ou
encore le commissaire ou le réviseur d’entreprises qui approuvent un bilan qu’ils
savent faux 1.

1. J.M. Piret, ‘Faux bilans’, Rev. dr. pén., 1961-1962, p. 275; Corr. Neufchâteau, 26 janv. 1995 et Liège,
25 janv. 1996, Rev. prat. soc., 1997, p. 177, note A. Benoit-Moury et N. Thirion: ‘se rend coupable
de faux, le commissaire qui certifie les comptes annuels d’une société, alors qu’il a connaissance de
l’existence d’une comptabilité parallèle au sein de celle-ci’. L. Dupont et S. Van Dyck, ‘Quelques
perspectives quant à la responsabilité pénale du réviseur d’entreprises’, in X., La responsabilité civile,
pénale et disciplinaire du réviseur d’entreprises, Actes d’une journée d’étude organisée le 13 mars
2002, Série ‘Droit et Entreprise’, n8 6, Bruges, La Charte, 2003, pp. 29-93.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 105

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 105, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

106 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 106, 20 September 2006, 11:19 —


LIVRE 119.4. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DANS L’ENTREPRISE

Bibliographie

Outre les références déjà citées, nous recommandons la consultation des ouvrages
suivants:
‘Le risque pénal dans la gestion des entreprises’, Actes du 41e Séminaire de la Commission
Droit et Vie des Affaires de l’Université de Liège, E. Story-Scientia, 1992.
Afschrift, Th. et De Brauwere, V.A., Manuel de droit pénal financier, Kluwer, 2001, 599 p.
Delmas-Marty, M., Droit pénal des affaires, Paris, P.U.F., 1990.
De Nauw, A., Les métamorphoses administratives du droit pénal de l’entreprise, Gand, Mys
& Breesch, 1994.
Detienne, J., Droit pénal des affaires, Bruxelles, De Boeck, 1989.
Goffin, J.F., Responsabilités des dirigeants de sociétés, Larcier, 2004, 456 p.
Jeandidier, W., Droit pénal des affaires, Paris, Dalloz, 1991.
Spreutels, J.P., Droit pénal des affaires, Presses universitaires de Bruxelles, 1990.
Spreutels, J. et Roger France, E., ‘Droit pénal des affaires – Chronique de jurisprudence,
1996-1999, 2000-2001, 2002-2004’, R.D.C, 2001, pp. 80-106, 2003, pp. 189-216, et 2006,
pp. 511-562.
Spreutels, J., Roggen, F., Roger France, E., Droit pénal des affaires, Bruylant, 2005,
1230 p.
Van Steenwinckel, J. et Waeterinckx, P. (s.l.d.), Strafrecht in de onderneming. Praktische
gids voor bestuurders en zaakvoerders, Intersentia, 2e éd., 2004, 584 p.
Veron, M., Droit pénal des affaires, Paris, Masson, 1992.

GUJE (2e éd.), 7 septembre 2006 Livre 119.4 – 107

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 107, 20 September 2006, 11:19 —


TITRE XII. L’ENTREPRISE ET SES RESPONSABILITÉS

108 – Livre 119.4 Kluwer

– 3B2 (v 8.07k/W (Nov 26 2004)) , "J:/JOBS/3D/GUJE/SUP75/XII-LIVRE119-4/IX-L119-4_BOEK", p. 108, 20 September 2006, 11:19 —

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