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Musiques et Champ Social

Collection créée par Anne Marie Green


et dirigée par Bruno Péquignot

Les transformations technologiques depuis cinquante ans ont bouleversé la place de la musique dans
la vie quotidienne. Celle-ci est actuellement omniprésente tant dans l’espace que dans les temps
sociaux, et ses implications sociales ou culturelles sont si fortes qu’elles exigent d’être observées et
analysées. Cette série se propose de permettre aux lecteurs de comprendre les faits musicaux en tant
que symptômes de la société.
Déjà parus
Bertrand RICARD, Jouer de la pop aujourd’hui. « Guerre des deux pop » et fabrication d’une
distinction esthétique, 2021.
Thierry BOUZARD, Histoire des signaux d’ordonnance, Récit, 2021.
Ingrid TEDESCHI, Mémoire d’opéra. Une chronique de l’Opéra de Toulon entre 1939 et 1945,
2019.
Laure-Hélène SWINNEN, Le reggae et ses publics. Le message rastafari dans un festival de reggae,
aujourd’hui, en France, 2018.
Sonia MBAREK RAIS, Le statut du musicien en Tunisie. État des lieux de la politique musicale :
approche sociologique, 2018.
Louis FINNE, Auditorium de Dijon, 2016.
Stéphane SACCHI, Les enjeux esthétiques dans le processus de création, 2016.
Véronique FLANET, La belle histoire des fanfares des Beaux-Arts, 1948-1968, 2015.
Nicolas CANOVA, La musique au cœur de l’analyse géographique, 2014.
Michelle BOURHIS, La vie musicale à Nantes pendant la seconde guerre mondiale, 2014.
Eva VILLAR, Le voyage salsa. Une danse de société par et pour la pluralité, 2012.
Guy DUBOIS, Les chansons de cow-boys. Etude sociohistorique, 1840-1910, 2012.
Michelle BOURHIS, La musique de chambre à Nantes entre les deux guerres, 2011.
Cristina BARBULESCU, Les opéras européens aujourd’hui : comment promouvoir un spectacle ?,
2011.
Matthieu Wagner

Opéra et Géopolitique
L’art lyrique, entre rayonnement artistique
et enjeux politiques
© L’Harmattan, 2021
5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.editions-harmattan.fr
EAN Epub : 978-2-336-94531-6
« L’opéra en particulier et les arts en général sont constitutifs de l’identité
culturelle de l’Europe, tout autant que peut l’être le football ! ».
Jonas Kaufmann, ténor allemand
Le Figaro, 7 juin 2020.

« Les Français sont faits pour composer de la musique d’opéra, les Italiens
pour la chanter, les Allemands pour la jouer, les Anglais pour l’entendre et
les Américains pour la payer ».
Enrico Caruso (1873 – 1921), ténor italien.
Remerciements,
À mes parents, pour leur soutien, leurs encouragements et leur patient
travail de relecture.
À toutes les personnes qui ont bien voulu répondre à mes sollicitations
durant la préparation de cet ouvrage, et en particulier à Graciane Finzi,
Emmanuel Hondré, Anne Monier, Marie-Hélène Bernard.
INTRODUCTION

Opéra et géopolitique ? Au premier abord, le lien entre l’art lyrique et


l’étude des relations internationales ne paraît pas évident. Pourtant, si l’on
songe un instant à des activités comme le cinéma ou le sport, ces secteurs
de loisirs interagissent avec des intérêts géopolitiques. En effet, le rapport
de force entre les pays n’est pas seulement économique, voire militaire,
mais déborde aussi sur la sphère culturelle. Il en est par exemple du cinéma
américain dont les raisons de sa suprématie sont autant culturelles que
politiques1. De même, la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de
Pékin en 2008 est un exemple retentissant du rayonnement des arts
scéniques et opératiques comme démonstration de puissance.
Il en va ainsi de l’opéra, dont les premières scènes lyriques en Italie du
XVIIe au XIXe siècle furent parfois investies d’une fonction politique, en un
temps où certains pays voulaient affirmer leur identité. L’excellence de son
art l’a conduit à un rayonnement mondial, dont on en mesure encore
aujourd’hui les effets. D’aucuns constatent d’ailleurs un engouement
contemporain pour l’opéra : dans une conférence donnée au Collège de
France en 2018, l’ancien directeur de l’Opéra de Paris, Stéphane Lissner, se
félicitait de ce phénomène, sans pour autant en expliquer toutes les raisons2.
Il faut dire que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la transmission
et la diffusion de l’art lyrique a considérablement évolué : l’arrivée de la
télévision, la massification des moyens de communications, le
développement du marché du disque, aujourd’hui les réseaux sociaux, les
plateformes numériques et de vidéos en ligne, bouleversent les supports et
les attentes du public se sont élargies. Ces changements facilitent l’accès à
l’opéra à un plus large public qu’il y a 50 ans. En effet, on recense au
niveau mondial plusieurs dizaines de milliers de représentations d’opéras
chaque année, dont environ 3 500 en France, pour plus de 2 400 000
spectateurs3. Ces soirées, représentées dans un théâtre lyrique ou diffusées
dans les salles de cinéma, rassemblent plusieurs dizaines de millions de
spectateurs à travers le monde chaque année. Un phénomène sans
précédent.
Si les trois quarts des représentations ont lieu en Europe, les États-Unis, le
Canada et l’Australie rassemblent de leur côté environ 10 % des spectacles,
tandis que l’Amérique du Sud, l’Afrique et l’Asie comptent pour 3 % du
total des soirées lyriques4. Mais le nombre de ces représentations n’est pas
nécessairement à l’image de la dynamique de développement de l’opéra
dans certains pays, où elle est au contraire le reflet d’enjeux culturels et
politiques notables.
Ce sont ces enjeux que nous nous proposons ici d’éclairer, par une approche
géopolitique5.
L’opéra a acquis ses lettres de noblesse en Occident qui valorise
aujourd’hui sa culture par un rayonnement sur la scène internationale. Outre
l’intérêt artistique, c’est aussi ce rayonnement, en tant que tel, que visent
certains pays du Moyen-Orient ou d’Asie. Une image valorisée de l’activité
culturelle de ces États et du régime qui la promeut est un ressort important
dans la dynamique observée. Les chemins pour y arriver sont différents,
mais l’opéra est devenu un lieu d’investissement, de marque et de prestige.
Souvent considéré en Occident comme un « art passéiste », symbole d’un
passé élitiste révolu, l’opéra reste au contraire un vecteur culturel vivant,
s’adaptant à son environnement social, culturel et politique ; parce qu’il
n’est pas cantonné à la sphère purement artistique, l’opéra s’insère dans une
histoire, un tissu social et économique, dans un réseau de valeurs et de
sensibilités qu’il nous est parfois difficile de distinguer.
L’institution lyrique est en effet une marque à part entière, voire un
marqueur d’identité qui s’inscrit dans la pierre. Le meilleur exemple est
l’Opéra de Sydney, inauguré en 1973, qui est devenu dans l’inconscient
collectif le bâtiment emblématique de la ville australienne, sans que l’on
sache toujours qu’il abrite un opéra. C’est aujourd’hui l’un des lieux les
plus visités de la ville.
Dans l’analyse qui suit, nous essaierons de faire quelques rapprochements
entre les ressorts artistiques de l’art lyrique et les enjeux politiques qui les
gouvernent. À cet effet, nous avons choisi de nous limiter à quatre études de
cas, tous représentatifs de cultures et de régimes bien différents : la France
dans son environnement européen, les États-Unis, la Chine et le Moyen-
Orient.
Enfin, nous terminerons par deux courtes études qui apporteront un
complément à l’analyse géographique : les thématiques de créations
lyriques récentes et les concours de chants. Ces deux domaines sont
symboliques d’une évolution significative de l’opéra et de ses interprètes
ces dernières années.
Loin de clore le sujet, nous espérons au contraire ouvrir un champ de
réflexions : tenter d’apporter des clés de compréhension quant à
l’engouement contemporain vis-à-vis de l’art lyrique et d’en tirer, dans la
mesure du possible, quelques enseignements.

1 Roland BLUM, Rapport d’information déposée par la Commission des Affaires étrangères sur les
forces et les faiblesses du cinéma français sur le marché international, Assemblée nationale, 2001,
n°3197, p. 34. Disponible à l’adresse : http://www.assemblee-nationale.fr/legislatures/11/pdf/rap-
info/i3197.pdf
2 Collège de France, Conférence de Stéphane Lissner : « Pourquoi l’opéra aujourd’hui ? » [En
ligne]. [Consulté le 20 novembre 2020]. Disponible à l’adresse : https://www.college-de-
france.fr/site/college-de-france-opera-national-paris/Conference-Stephane-Lissner.htm
3 Observatoire des politiques culturelles, Observation sur l’art lyrique en France, Réunion des
Opéras de France [En ligne]. Disponible à l’adresse : http://www.observatoire-
culture.net/fichiers/files/note_de_synthese_sur_l_art_lyrique_en_france.pdf
4 Importance et popularité de l’Opéra dans le monde (blog). Disponible à l’adresse :
http://fomalhaut.over-blog.org/article-importance-et-popularite-de-l-opera-dans-le-monde-
82477004.html
5 La géopolitique étudie l’influence des facteurs économiques, géographiques et culturels sur la
politique des États. Cette définition, au sens large, signifie que la politique d’un État est déterminée
par de multiples facteurs, dont l’importance respective de chacun est évolutive.
Chapitre I

Genèse et diffusion de l’opéra

Né sur le continent européen au XVIIe siècle, l’opéra s’est


progressivement mondialisé par la diffusion des œuvres européennes sur les
autres continents : en Amérique, dans un premier temps, puis en Asie et
dans les États du Golfe plus récemment. Le processus de diffusion de l’art
lyrique s’est étendu à toutes les grandes aires géographiques — à
l’exception notable de l’Afrique subsaharienne —, en dépit des différences
culturelles avec l’Europe.
Les historiens situent géographiquement la naissance de l’opéra dans le
nord de l’Italie au tout début du XVIIe siècle. Parmi les œuvres pionnières,
on peut citer : Euridice (1600) de Jacopo Peri, La Dafne (1607) de Marco
da Gagliano ou encore, plus connu des mélomanes, L’Orfeo (1608) de
Claudio Monteverdi.
Les compositions de la première moitié du XVIIe siècle sont déjà riches de
styles différents : tragédies, dramma per musica6, favola in musica7… Les
œuvres sont représentées dans les palais aristocratiques et dans les rares
théâtres publics ; le premier, le Teatro San Cassiono, est inauguré en 1637 à
Venise. Dans la seconde partie du XVIIe siècle, le genre opératique traverse
les frontières de la péninsule italienne et commence à voyager sur les terres
européennes où plusieurs cours princières reprennent les formes de ce
modèle lyrique italien : à la cour de Versailles, en Angleterre ou dans le
Saint-Empire romain germanique. À partir de 1667, de nombreux théâtres
d’opéra ouvrent leurs portes dans des villes comme Dresde, Darmstadt,
Brunswick, Düsseldorf8. En 1731, une troupe d’Italiens donne le premier
opéra sur le sol de Russie9, prélude à la création dès la fin du XVIIIe siècle
de dizaines de troupes privées russes, principalement dans les grandes villes
et dans les grands domaines de provinces10.
Plusieurs éléments expliquent ce développement fulgurant de l’art lyrique
au XVIIe siècle. Tout d’abord, la dimension esthétique du genre a su toucher
un public averti et l’élite aristocratique de l’époque. Le facteur économique,
ensuite, a joué un rôle essentiel, et c’est dans ce foyer italien, à Venise, que
l’opéra s’est constitué progressivement en un véritable modèle
économique11. Puis dans l’aire culturelle italo-germanique, la présence des
cours princières en Europe centrale et la participation des nombreux
mécènes ont contribué, par leurs soutiens financiers, aux créations
musicales et à l’édification des théâtres12. Par la suite, comme l’explique le
musicologue Reinhard Strohm, l’expansion du genre opératique loin des
terres européennes reste dépendante du statut et du pouvoir symbolique qui
se rattachent à lui, art classique et monarchique13.
Les dimensions politiques et identitaires sont aussi à prendre en compte
pour comprendre l’enracinement de l’opéra en Europe ; la composition
d’une œuvre dans la langue vernaculaire locale revêt une fonction politico-
culturelle, quoique chaque situation nationale dépende d’un contexte
politique et intellectuel spécifique14. Le XIXe siècle est marqué par une
dynamique créatrice dans le domaine lyrique, et certaines œuvres
empruntent à cette époque une dimension symbolique : Der Freischütz de
Carl Maria von Weber, composé quinze ans après la chute du Saint-Empire
romain germanique, incarne un « idéal patriotique » de la vie culturelle des
villes allemandes de l’est à cette époque15 ; Nabucco de Giuseppe Verdi,
créé en 1842, s’inspire du thème de l’exil et s’inscrit dans un contexte
géopolitique troublé, où les États d’Italie du Nord sont occupés par l’empire
d’Autriche.
La création d’une œuvre opératique et la constitution d’un répertoire
national sont quelques-unes des étapes de la construction du sentiment et de
l’idée de Nation en Europe jusqu’au XXe siècle ; les matériaux orchestraux
des compositeurs et les écrivains ou poètes qui concourent à l’écriture des
textes d’opéra sont les ambassadeurs d’une civilisation ; leurs créations sont
parfois utilisées à des fins politiques. L’opéra devient une nouvelle
composante du développement culturel européen.
L’absence d’État national unifié au début du XIXe siècle dans des pays
comme l’Allemagne ou l’Italie a été compensée par l’affirmation de la
grandeur des traditions musicales ; la pratique de l’opéra en Italie s’est
renforcée en particulier pendant la période du Risorgimento (mouvement
d’unification de l’Italie dans la seconde moitié du XIXe siècle)16. Faut-il
alors y voir une explication des importantes fréquentations de l’opéra en
Italie et en Allemagne jusqu’à nos jours ? Le géographe Michel Foucher
veut croire qu’il y a là non seulement « un mythe fondateur mais une sorte
de voix collective qui semble appeler à l’unité sans cesse menacée », à la
différence d’autres pays dont la construction de l’État-nation est plus
avancée17. Art de la synthèse entre théâtre et musique, l’opéra n’échappe
donc pas à l’environnement politique dans lequel il tient le rôle
d’accompagnement ou d’exaltation des identités nationales18.
Les processus de mondialisation de l’opéra
De nouvelles formes d’expansion de l’opéra voient le jour, en dehors des
frontières européennes, par l’intermédiaire des mouvements de colonisation
qui favorisent l’exportation des œuvres en Amérique, en Afrique du Nord et
dans les Indes britanniques. La diffusion de l’opéra sur des terres vierges de
toute tradition lyrique s’est effectuée à la faveur d’une double ambition :
importer la culture d’origine, et l’imposer sur une terre conquise.
Dès le début du XVIIe siècle, des théâtres sont construits en Amérique
latine où l’on y consacre déjà quelques représentations. Mais c’est surtout à
partir du XVIIIe siècle que l’activité lyrique se développe et s’étend : au
Pérou, en Nouvelle-Espagne (Mexique), au Brésil, sur l’île de Porto-Rico, à
Saint-Domingue, à Cuba, en Jamaïque et aux États-Unis. Au XIXe siècle,
l’opéra est introduit en Afrique du Sud, en Australie, en Nouvelle-Zélande
et dans les Indes anglaises. Il n’est pas rare d’observer, écrit Hervé
Lacombe, « un effet de continuité entre situations coloniales et
postcoloniales du point de vue de l’implantation de l’opéra. (…) Dans le
sillage du colonialisme, les manières de penser, d’être, d’imaginer, de créer,
importées sur les terres colonisées n’ont pas disparu du jour au lendemain
et n’ont pas été rejetées en bloc »19. C’est un des signes, selon Alain
Pacquier, « d’une population déterminée à transmettre par-delà les siècles
la mémoire d’une culture d’abord imposée, puis maîtrisée et devenue
symbole de son identité »20.
De fait, les mouvements de décolonisation et d’indépendance
n’interrompent pas partout l’essor de l’opéra dans le monde ; certains pays,
au contraire, s’inspirent des modèles opératiques européens et créent un
style musical propre. L’exemple des États-Unis est particulièrement
révélateur de cette période où se constitue un répertoire d’œuvres nationales
singulières, où des compositeurs intègrent à leurs partitions des couleurs
locales comme le jazz, le blues ou le spiritual. Mais l’histoire de l’opéra
états-unien est aussi marquée par la double ségrégation, raciale et sociale,
sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir par la suite. De même,
l’Argentine est un autre modèle de réussite du répertoire opératique, puisant
aux sources européennes autant que dans ses traditions ; une production
lyrique intense se met en place après son indépendance en 1816 : elle
regroupe à la fois des thématiques nationales, des esthétiques diverses
(expressionnisme, vérisme, folklore…), un style et un langage propres à
chaque compositeur.
Plus proche de l’Europe, certains pays se laissent séduire par le genre
opératique autant pour des raisons culturelles que politiques.
L’Égypte et la Turquie : premières formes lyriques à l’est de la
Méditerranée
Dès la fin du XVIIIe siècle, les autorités turques manifestent leur intérêt
pour l’opéra. Le sultan de l’Empire ottoman Selim III (1789 – 1807) et sa
cour assistent à des représentations lyriques ; des troupes italiennes se
rendent en Turquie jusqu’au début du XXe siècle pour y donner des
spectacles ; au Théâtre municipal de Constantinople, construit en 1895, le
répertoire est varié et on y joue des opérettes françaises comme Barbe-
Bleue d’Offenbach21. Un véritable engouement pour ce genre s’empare
d’une partie de la population22.
L’inauguration d’un théâtre ou la création d’un opéra est une occasion
d’inviter des princes ou chefs d’États étrangers. La création du premier
opéra turc Özsoy par le compositeur Ahmet Adnan Saygun (1907 – 1991)
se fait en présence du président de la République de Turquie, Mustafa
Kemal, et du shah d’Iran, Reza Pahlavi, le 19 juin 1934. Le thème d’Özsoy,
qui exalte la longue amitié entre l’Empire perse et l’Empire ottoman,
s’inspire des poèmes du XIe siècle du perse Ferdowsi ; l’histoire met en
scène deux frères jumeaux, Tur et Īraj, l’un et l’autre symbolisant la Turquie
et la Perse.
On observe peu ou prou la même situation sur les bords du Nil. Le khédive
d’Égypte Ismaïl Pacha, qui dit-on s’intéressait à l’œuvre de Richard
Wagner23, prend l’initiative de construire une salle d’opéra de 850 places.
Le 1er novembre 1869, jour de l’ouverture, on y donne pour l’occasion
l’œuvre de Rigoletto de Verdi. Cette actualité lyrique lance en quelque sorte
les festivités de l’inauguration du Canal de Suez le 17 novembre.
En Turquie, comme en Égypte, l’objectif est le même : affirmer
l’appartenance de ces pays à l’espace culturel européen. « Avant que le
rideau ne se lève sur Rigoletto, le Khédive déclare que l’Égypte appartient
désormais à l’Europe et non plus à l’Afrique », écrit le géographe Michel
Foucher24. Dans ce contexte, les autorités mettent en place une politique
d’éducation musicale avec la création d’écoles ou d’académies de musique,
et certains compositeurs européens font des allers-retours entre les deux
bords de la Méditerranée. L’allemand Paul Hindemith, auteur des opéras
Sancta Susanna (1922) et Mathis der Maler (1938), est nommé responsable
de tutelle du Conservatoire d’État de Turquie en 1936.
L’opéra est donc un art qui s’est construit sur la longue durée ; il résulte des
conditions politico-culturelles selon les lieux et les époques, et résonne de
manière différente dans les pays du monde entier selon la culture locale et
les contingences historiques. Pour qu’une activité culturelle lyrique
importée prenne véritablement de l’ampleur, Hervé Lacombe relève
plusieurs facteurs nécessaires : « Le degré d’occidentalisation, la richesse
d’un pays, le contexte historique plus ou moins favorable ». À cela
s’ajoutent la conjoncture politique, le niveau de développement du système
éducatif, l’influence de personnalités et de créateurs sur la vie culturelle
locale25. « Le rapport délicat du particularisme local avec l’ambition d’un
art supérieur, le tout exacerbé par le politique, n’a cessé de tarauder les
esprits », résume le musicologue26.
Une nouvelle mondialisation ?
La construction en Europe de lieux propres à l’expression de l’art lyrique
s’est aussi traduite par une architecture qui se veut le miroir d’un art élitiste.
Cette inscription dans la pierre est « une des raisons de la visibilité et de la
durabilité du modèle lyrique occidental »27. L’explosion des flux
touristiques à l’échelle internationale contribue aussi à la diffusion de cet
art : dans les grandes métropoles, les maisons d’opéra ne sont plus vues
seulement comme des salles de spectacles mais deviennent aujourd’hui des
lieux de patrimoine à part entière, que de longues files de touristes se
pressent de visiter, comme l’Opéra Garnier à Paris.
Les constructions de théâtres lyriques s’inscrivent plus largement dans des
projets d’urbanisme contemporain, comme nous le verrons plus loin dans le
cas de la Chine et des États arabes du Golfe ; l’institution lyrique en tant
que telle et les symboles qu’elle véhicule « devient de façon étonnante,
remarque Hervé Lacombe, vecteur de l’architecture contemporaine »28.
La mondialisation de l’opéra ne semble parfois pas très éloignée de
l’époque Hollywood ; la conquête esthétique de l’art lyrique est également
liée à une conquête économique et politique. Mais si cette forme de l’art
occidental a été adoptée à l’échelle mondiale, le contenu des créations est
variable selon les aires culturelles.
Aujourd’hui, la construction d’un opéra et l’adoption des codes lyriques
européens par certains États ne répondent pas seulement à des choix
esthétiques, aussi importants soient-ils : ils procèdent également de la
volonté de s’intégrer à une communauté internationale conduite par le
système intellectuel et technologique occidental, et d’en accepter si possible
ses valeurs29.
En effet, les enjeux actuels de l’opéra se traduisent par une dynamique de
développement de l’art lyrique qui reflète les motivations des pays ou des
régimes qui ont décidé d’adopter cette forme d’art. Comme nous allons le
voir, des nuances cependant assez nettes peuvent se faire jour selon
l’héritage historique et les régimes politiques.

6 « Drame pour musique » : drame en vers, écrit pour être mis en musique.
7 « Fable en musique » : genre opératique de caractère légendaire ou opératique.
8 Hervé LACOMBE, Géographie de l’Opéra au XXe siècle, Paris : Fayard, 2007, p. 160.
9 Ibid., p. 161.
10 André LISCHKE, Histoire de la musique russe. Des origines à la Révolution, Paris : Fayard,
2006, p. 133. Cité dans Hervé LACOMBE, Géographie de l’Opéra au XXe siècle, Paris : Fayard,
2007, p. 162.
11 Hervé LACOMBE, op. cit., p. 159.
12 Michel FOUCHER, « Géographie des maisons d’opéra : variations sur la culture lyrique et la
géopolitique en Europe », dans Les ouvertures de l’Opéra, une nouvelle géographie culturelle ?,
Lyon : Presses universitaires de Lyon, 1995, p. 61.
13 R. STROHM (et M. NOIRAY), « Opera – IV. The 18th Century », in Grove MM. ; cité dans Hervé
LACOMBE, Géographie de l’Opéra au XXe siècle. Paris : Fayard, 2007, p. 163.
14 Michel FOUCHER, op. cit., p. 65-68.
15 Corinne SCHNEIDER, Weber, Paris : Jean-Paul Gisserot, p. 36.
16 Bojan BUJIC, « Nationalismes et traditions nationales », dans Nattiez, Musiques, p. 175-176 ; cité
dans Hervé LACOMBE, Géographie de l’Opéra au XXe siècle, Paris : Fayard, 2007, p. 168.
17 Michel FOUCHER, op. cit., p. 68.
18 Ibid., p. 63.
19 Hervé LACOMBE, op. cit., p. 181-197.
20 Alain PACQUIER, Les Chemins du baroque dans le nouveau monde, Paris : Fayard, 1996, p.
221 ; cité dans Hervé LACOMBE, Géographie de l’Opéra au XXe siècle. Paris : Fayard, 2007,
p. 187.
21 Michel FOUCHER, op. cit., p. 68-69.
22 Hervé LACOMBE, op. cit., p. 198.
23 Paul MERRUAU, L’Égypte sous le gouvernement d’Ismaïl Pacha. Revue des Deux Mondes, tome
16, 1876. Wikisource [En ligne]. [Consulté le 3 janvier 2020]. Disponible à l’adresse :
https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99%C3%89gypte_sous_le_gouvernement_d%E2%80%99
Isma%C3%AFl-Pacha
24 Michel FOUCHER, op. cit., p. 69.
25 Hervé LACOMBE, op. cit., p. 187.
26 Ibid., p. 169.
27 Ibid., p. 217.
28 Ibid., p. 219.
29 Hervé LACOMBE, op. cit., p. 255-256.
Chapitre II

Les enjeux du monde de l’opéra


dans une nouvelle géographie
des espaces lyriques

L’Europe étant le creuset de l’opéra, nous commençons notre étude de


cas par la France, exemple d’un système culturel établi de longue date.
Nous poursuivrons avec les États-Unis, la Chine et les États du Golfe pour
mettre en relief la diffusion et les enjeux de l’opéra dans des contextes
historico-géographiques différents.

A. LA FRANCE EN EUROPE
Comme le rappelait le géographe Michel Foucher lors d’un colloque en
1995, « l’opéra relève, comme d’autres arts, d’une géographie
culturelle »30. Depuis le XVIIe siècle, l’art lyrique a contribué à structurer
l’espace culturel européen. On distingue historiquement plusieurs terroirs :
1) Le terroir germanique, dominé par l’Allemagne, une partie de la Suisse
et l’Autriche. La présence de nombreuses cours princières, et les
mécénats qui les ont accompagnés, ont favorisé le développement
d’une culture opératique dynamique à travers des commandes
d’œuvres et la construction de théâtres31.
2) Le terroir français, de son côté, est plus un importateur de traditions
(influences de Lulli, Gluck, Mozart…) qu’exportateur d’œuvres ou de
répertoire32.
3) Enfin, d’autres pays — Espagne, Portugal, Grande-Bretagne —, loin
d’être inactifs dans le domaine lyrique, se situent quelque peu en
marge du croissant lyrique italo-germanique.
La mobilité des troupes allemandes et italiennes en Europe aux XVIIe et
XVIIIe siècles a favorisé la diffusion du répertoire italo-germanique, et les
pays européens ont bénéficié à des degrés divers de ce rayonnement. La
datation des premières œuvres représentées dans la langue nationale permet
en outre d’estimer l’assimilation de cet art dans la culture nationale :
Pomone, du compositeur Robert Cambert, créé dans la salle du Jeu de
paume à Paris en 1671, est considéré comme le premier opéra français,
c’est-à-dire chanté dans la langue vernaculaire. De même, les pays
d’Europe de l’Est ont subi, entre la fin du XVIIIe et le début du XXe siècle,
cette même influence du répertoire d’Europe centrale avec cependant « des
décalages liés au statut géopolitique des diverses régions culturelles »33 ;
de la Pologne à la Serbie, en passant entre autres par la Russie en 1836, les
datations des premières œuvres lyriques composées dans la langue nationale
s’étalent de 1778 à 192034.
Cette longue période de diffusion a permis aux maisons d’opéra de se
constituer un vaste répertoire qui rassemble à la fois des œuvres nationales
et étrangères. Une étude réalisée il y a quelques années par la Société des
Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD), sur un échantillon
représentatif de onze théâtres entre 1980 et 1991, avait mis en évidence le
poids politique de certaines capitales européennes (Paris et Berlin) dans la
structuration de leur répertoire lyrique. Selon le géographe Michel Foucher,
« l’appartenance d’une maison d’opéra à une aire linguistique donnée
favorise les œuvres écrites dans l’idiome national, tendance renforcée par
la préférence des capitales politiques pour les programmations en langue
officielle »35.
A ce titre, les cas de l’Allemagne et de la France illustrent encore
aujourd’hui cette tendance, comme on peut le vérifier lors de la saison
2018-2019 où une majorité des créations lyriques sont le fruit de
compositeurs nationaux. Par ailleurs, la composition dans la langue
vernaculaire n’est pas un frein au traitement de thématiques diverses,
comme l’illustrent les neuf œuvres nouvellement créées en France cette
saison-là :
– Bérénice de Michael Jarrell (Opéra Garnier) s’inspire de la pièce
éponyme de Racine.
– Le Cosmicomiche de Michèle Reverdy (Opéra de Toulon) est une
réflexion sur le sens de la vie à partir d’un recueil de l’écrivain italien
Italo Calvino.
– L’oratorio Nahasdzáán ou le monde scintillant de Thierry Pécou (Caen
et Rouen) raconte l’histoire des rites des Indiens Navajos du sud-ouest
des États-Unis.
– Nous sommes éternels de Pierre Bartholomée (Opéra-Théâtre de Metz)
explore les mondes de l’enfance. C’est une adaptation du roman
éponyme de Pierrette Fleutiaux (Prix Femina 1990).
– 7 minuti de Giorgio Battistelli (Opéra de Nancy) explore le thème de la
perte d’emploi et de la fermeture des usines.
– Trois contes de Gérard Pesson (Opéra de Lille) raconte des histoires
inspirées de contes français.
– Le Miroir d’Alice de Thomas Nguyen (Opéra de Reims) est une
adaptation d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll.
– Folles saisons de Bruno Bianchi (Trappes) est un opéra contemporain
pour enfants d’après la fable écologique de Jean François Chabas.
– Zauberland (Le Pays enchanté) de Bernard Foccroulle (Théâtre des
Bouffes du Nord) retrace l’histoire d’une femme qui cherche à quitter
l’enfer du Proche-Orient, à partir de thèmes sur les migrations et la
géopolitique.
Fort d’un patrimoine déjà bien affirmé dans les années 1870-1880, la
France est l’un des premiers États à avoir mis en place une politique
culturelle d’influence mondiale. Celle-ci se concrétise à l’étranger par des
actions telles que l’envoi de livres et de conférenciers, de compagnies
théâtrales, de films, ainsi que l’implantations d’écoles, de lycées et
d’instituts culturels (le premier à Florence en 1908)36.
L’héritage lyrique européen et l’expérience internationale sont deux
éléments, parmi ses atouts, sur lesquels la France peut compter pour
valoriser sa politique culturelle. Des réflexions et des initiatives sont en
cours pour développer et enrichir les échanges et le rayonnement français.
Rayonnement dont l’opéra ne doit pas être exclu.
Une stratégie de rayonnement fondée sur le ciblage géographique
La commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale s’est
saisie en 2018 de la question de l’influence culturelle de la France dans sa
globalité. Cette année-là, les députés Michel Herbillon et Sira Sylla ont
présenté le rapport de la mission d’information sur « La diplomatie
culturelle de la France : quelle stratégie à dix ans ? ».
Pourquoi la France doit-elle construire une stratégie culturelle ? Parce que
la diplomatie culturelle est un puissant vecteur de notre politique étrangère.
Les désaccords sur le plan politique peuvent être atténués par un
rapprochement des valeurs et des affinités artistiques ; le dialogue entre
deux cultures dépasse de loin le calendrier électoral ; le rayonnement
culturel et la politique étrangère s’inscrivent tous les deux sur le long terme,
et sont par conséquent étroitement liés.
Le principal mérite de ce rapport parlementaire est de dégager un état des
lieux de la situation globale de la diplomatie culturelle française. Si ses
analyses demeurent intéressantes, on ne peut que regretter que la question
de l’art lyrique n’ait jamais été abordée au cours des 173 pages de ce
document ! Or, la France peut-elle faire l’impasse sur un patrimoine lyrique
riche de près de quatre siècles d’histoire ?
On retiendra de ce document que la France doit repenser et évaluer la
diplomatie culturelle et d’influence et mener sans tarder « une vraie
réflexion stratégique »37, ce qui sous-entend d’avoir une vision d’ensemble
des enjeux et fixer des priorités claires.
Parmi ces priorités, citons dans un premier temps la production artistique.
Les députés rapporteurs notent que les créations françaises concernant les
arts de la scène « demeurent très demandées », et relèvent « une demande
plus forte de coopération et de coproductions » dans un environnement de
plus en plus concurrentiel38. Ces productions pourraient faire l’objet, selon
eux, de partenariats public-privé, en couplant par exemple l’artisanat, la
création lyrique et la mode. Ces coopérations multisectorielles permettraient
sans doute de donner davantage de visibilité à la création française sur les
scènes à l’étranger.
Cela suppose aussi que la France revoie ses priorités géographiques, qui
« ne sont pas objectivées, ne se traduisent pas réellement par une action
particulière dans les zones concernées », ce qui « envoie un signal politique
négatif à certains partenaires (Asie ou Amérique latine) ». Or l’Asie est
justement le premier marché des industries culturelles au monde, et le
marché de la culture y est en expansion. On voit mal comment la France
pourrait se passer d’un tel potentiel. Pour sa part, l’Institut français,
opérateur du ministère des Affaires étrangères et du ministère de la Culture,
a déjà établi un classement de 39 pays jugés prioritaires et qui font tous
l’objet d’un partenariat de long terme. La sélection de ces pays repose
notamment sur les enjeux politiques qu’ils représentent : Cuba, l’Ukraine,
les Territoires palestiniens, la République centrafricaine, le Mali, etc. Le
deuxième cercle de l’action culturelle extérieure concerne quant à lui des
zones géographiques stratégiques : des coopérations ponctuelles se
développent déjà en direction des pays du Golfe, notamment aux Émirats
arabes unis.
En attendant, les auteurs constatent que les initiatives françaises masquent
mal l’absence de vision et de stratégie à long terme : la constitution de
zones géographiques prioritaires a tendance à exclure de la réflexion
stratégique « des zones entières du monde » avec lesquels le dialogue
culturel connaît pourtant « un potentiel important ». Un zonage imparfait
qui semble, pour les députés, « davantage correspondre à une gestion de la
pénurie des moyens plus qu’à une véritable priorisation politique »39 !
Les moyens de rayonnement et d’influence ne manquent pourtant pas : les
orchestres classiques en sont un exemple. Ils peuvent être mis à l’honneur
occasionnellement pour marquer un évènement lié à un contexte
géopolitique.
Lors de l’inauguration du Programme culturel franco-émirien, en mars
2016, le Gustav Mahler Jugendorchester, sous la direction du chef
d’orchestre Christophe Eschenbach, a interprété en première mondiale deux
œuvres musicales : une création du compositeur émirien Faisal Al Saari (Le
Rêve de Zayed), et une fantaisie pour violoncelle signée du compositeur
français Bruno Mantovani (Once upon a Time). L’orchestre a joué en
seconde partie de soirée le célèbre ouvrage de Claude Debussy, La Mer
(1905). Ce programme de concert, intitulé « Inspirations universelles »,
s’inscrivait ce jour-là dans la perspective de l’inauguration du Louvre Abou
Dhabi, qui a ouvert l’année suivante. À cette occasion, le président de
l’Autorité du Tourisme et de la Culture d’Abou Dhabi, Mohamed Khalifa
Al Mubarak, déclarait : « Le Programme culturel franco-émirien est la
parfaite illustration de la pérennité dans les échanges entre la France et les
Émirats arabes unis. Nous sommes ravis d’ouvrir ce Programme avec le
célèbre Gustav Mahler Jugendorchester (…) qui interprétera deux
créations célébrant l’esprit d’universalité et d’ouverture aux autres
civilisations que représente le musée du Louvre Abou Dhabi. »40
De son côté, l’Orchestre symphonique du Théâtre Mariinsky de Saint-
Pétersbourg, dirigé par le chef d’orchestre Valery Gergiev, a marqué les
esprits la même année en jouant dans l’amphithéâtre de la cité antique de
Palmyre, tout juste délivrée du joug djihadiste, dans un programme autour
de Bach, Prokofiev et Chtchedrine. Ce spectacle représentait pour les
autorités russes une manière de lier l’action militaire à une politique – ou à
son affichage – de rayonnement culturel : un soft-power au service du hard-
power41.
La représentation des orchestres dans les grands évènements internationaux
permet d’afficher la culture musicale d’un pays, voire d’accompagner son
action diplomatique. La présence française dans des manifestations à
rayonnement mondial, notamment les arts visuels, est encouragée et
considérée comme une « priorité absolue »42. Pourquoi n’en serait-il pas de
même pour la musique, si tant est que les formations musicales ne s’en
tiennent pas uniquement à un rôle d’inauguration ? De ce point de vue, la
France pourrait investir sur des coopérations culturelles de long terme, en
lien avec nos priorités géographiques.
Si des efforts, notamment budgétaires, restent à accomplir, la France n’est
pas inactive et cible déjà quelques zones géographiques stratégiques sur le
plan du développement de l’économie culturelle. Le ministère de l’Europe
et des Affaires étrangères a créé depuis l’été 2019 plusieurs postes de
chargé de mission musique : l’un d’eux, basé à Bogota (Colombie) et
associé au Bureau Export, a une vocation régionale. Cet attaché culturel,
référent continental pour l’Amérique latine, aura la charge d’élaborer une
stratégie pour les industries culturelles et créatives dans le domaine de la
musique en vue de faciliter l’export de la filière musicale française en
Amérique latine43. Des projets intéressants qui contrastent avec l’initiative
de Claude Lévi-Strauss à New York en 194544.
Deux autres attachés musique ont vu le jour : l’un, basé à Abidjan, couvre
la zone Afrique (pays prioritaires : Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Ghana,
Kenya, Nigéria, RDC, Sénégal)45 ; l’autre, situé à Singapour, a vocation à
rayonner sur toute la zone Asie (Cambodge, Corée du Sud, Hong-Kong,
Japon, Malaisie, Singapour, Taïwan, Thaïlande, Vietnam)46. Notons que le
label américain Universal music a ouvert une antenne à Abidjan en
septembre 2018.
Autre dispositif français : les « relais spécialisés ». L’objectif est de
déployer des stratégies sectorielles selon une couverture géographique
spécifique et coordonner les coopérations artistiques et professionnelles
entre la France et des pays étrangers. La priorité est aujourd’hui donnée au
spectacle vivant en Europe du Sud-Est (Serbie notamment) et en Amérique
du Sud, aux arts pluridisciplinaires aux États-Unis et en Italie, et aux arts
visuels en Chine. Le marché de l’art chinois est d’ailleurs l’un des premiers
marchés mondiaux après celui des États-Unis et du Royaume-Uni, deux
pays qui arrivent en tête du classement sur le soft power culturel 2019 selon
une étude du Center on Public Diplomacy47. Fort de ce constat, un relais
spécialisé dans le spectacle vivant pour la zone Asie du Sud-Est pourrait
être basé à Bangkok48.
La question des publics est l’un des autres paramètres pris en compte dans
la politique de rayonnement. Aux États-Unis, le réseau diplomatique
français cherche à toucher ce qu’il appelle « la génération Y », les jeunes
nés entre 1980 et 2000. Faut-il à ce compte-là distinguer différents publics,
et la France s’inspirera-t-elle dans ce domaine de la méthode du British
Council49 ? Comme le souligne le rapport, des études seraient nécessaires
pour avoir une vision plus large de la question. Car les publics visés ne
concernent pas seulement les jeunes, mais aussi les élites économiques et
surtout les classes moyennes émergentes. En 2013, un conseiller de
coopération et d’action culturelle résumait ainsi son analyse : « Nos cercles
d’influence traditionnels nous éloignent du pouvoir actuel. Nous devons,
tout en conservant la fidélité de nos alliés historiques, nous ouvrir à de
nouveaux publics (…) Cela nous obligera à modifier la géographie de nos
interventions, à sortir des centres-villes, par exemple, pour investir dans les
périphéries des mégapoles »50.
Quand le baroque s’exporte
Comme nous l’avons écrit plus haut, la France se classe en 2019 au
3 rang mondial sur le plan du rayonnement culturel, derrière les États-Unis
e

et le Royaume-Uni51. L’institut Portland, qui établit ce genre de


classements, écrivait en 2018 que la France dispose toujours d’« atouts
culturels », comme les arts et la musique, qui cependant « pourraient être
mieux valorisés » selon le rapport de l’Assemblée nationale52.
Ces atouts sont tout d’abord perceptibles dans l’économie française. Si l’on
s’en tient aux analyses du Bureau Export (BurEx), association qui a pour
but d’accompagner et de soutenir les artistes et les créations françaises à
travers le monde, le spectacle musical a généré plus de 80 millions d’euros
de revenus à l’exportation en 2019, dont 12,2 % pour les ventes de concerts
de musique classique. À l’export, les trois quarts du chiffre d’affaire des
spectacles de musique classique se font en Europe, suivi de l’Asie avec
12 % (le Japon est le premier territoire d’export en Asie, suivi de la Chine)
et de l’Amérique du Nord (6 %). On trouve à la marge l’Amérique centrale
et latine, l’Afrique et l’Océanie53.
Pour les besoins de l’étude, le BurEx a établi un classement des artistes
français qui ont connu en 2018 la plus forte exposition scénique. Sont pris
en compte : le nombre de spectateurs, de dates et les revenus générés. Un
classement a été établi pour les musiques classiques et baroques. Sur les dix
premiers, huit ensembles musicaux ont une spécialité reconnue et affichée
dans la musique ancienne (baroque). Le Quatuor Debussy (arrivé en 5e
position) fait exception, puisque son répertoire est essentiellement tourné
vers le XXe et XXIe siècle54.
Ce palmarès du répertoire baroque est remarquable. À l’exception des Arts
florissants, ensemble créé en 1979, les neuf autres formations ont toutes vu
le jour après 1990 dont cinq après 2000. Ces cinq dernières formations ont
donc su construire et nouer un lien relativement rapide avec le public.
Ces dix groupes de musique ont réuni à eux seuls, en 2018, 201 dates à
l’international et se sont produits dans 32 festivals internationaux. Leurs
représentations ont eu lieu en Europe (96 dates), en Asie (24 dates), en
Amérique du Nord (19 dates), en Australie (9 dates) pour la Camera delle
Lacrime, en Inde (4 dates), au Mexique et en Océanie.
Bien sûr il ne s’agit pas ici à proprement parler d’art lyrique mais
d’ensembles instrumentaux classiques qui explorent et font découvrir le
vaste répertoire de la musique baroque. C’est néanmoins un exemple
intéressant de médiatisation d’artistes français et de diffusion du patrimoine
français au niveau international.
En 2018, le ministère de la Culture a remis un trophée de l’export à trois
artistes français : Jain, Émile Parisien et… William Christie, fondateur il y a
40 ans du groupe de musique baroque les Arts florissants. La musique
baroque, ambassadeur culturel de la France ? Qui l’eût cru il y a quatre
décennies lorsque ce répertoire musical commençait à être redécouvert par
quelques grands pionniers de l’interprétation ? Les trois artistes cités
incarnent aujourd’hui, par leur parcours et leur engagement, « le
rayonnement des musiques françaises et leur diversité », selon les mots de
l’ancienne ministre de la Culture Françoise Nyssen55.
Le volet économique de la politique culturelle peut aussi compter sur la
mise en valeur du savoir-faire associé à l’art lyrique. De fait, la concurrence
entre les États se déroule aussi sur le terrain de l’offre d’expertise culturelle
qui représente un indicateur du niveau de développement du pays :
assistance technique, conseil et formation, création artistique, etc. Le
ministère de la Culture souhaite développer cet axe de la stratégie
internationale56.
La montée en puissance du secteur culturel s’observe notamment en Asie et
dans les pays du Golfe. C’est ainsi que l’idée d’un Centre national de la
musique (CNM) a vu le jour. L’institution, créée le 1er janvier 2020, est
dirigée par l’ancien directeur général adjoint de l’Opéra national de Paris
Jean-Philippe Thiellay57. Le ministère de la Culture est parti du constat que
la filière musicale française est l’une des premières industries culturelles.
Le CNM a notamment pour mission de soutenir économiquement
l’ensemble de la filière, tout en fournissant un travail essentiel de veille et
de prospective58.
C’est dans ce contexte que seront développées d’ici 2024 les relations
France-Chine. La convention, signée en 2019, qui associe notamment le
Bureau Export, la Philharmonie de Paris et le Shanghai Conservatory
Music, repose sur quatre types d’expertises : la formation de futurs
professionnels et leurs rencontres, l’invitation d’artistes chinois en France
pour travailler sur des projets de musiques traditionnelles chinoises et
contemporaines, et la recherche59.
L’art lyrique français, par la richesse de son patrimoine, reste un vecteur du
rayonnement culturel et artistique. Si, par le passé, celui-ci s’est fait
naturellement grâce à la qualité de la création, on note aujourd’hui une
volonté de structurer une politique pour venir en soutien à une véritable
diplomatie culturelle. L’opéra, qui semble encore à l’écart de cette
démarche, devra pouvoir bénéficier de cette dynamique pour le rendre plus
présent dans le monde.
L’enjeu économique fait également l’objet d’une attention au niveau des
instances de l’Union européenne. En 2020, la Commission européenne a
publié un rapport faisant un état des lieux des stratégies de l’UE pour
l’exportation de la musique60. Le document indique cinq grands objectifs,
qui rejoignent en partie déjà certaines initiatives françaises :
1) Créer une convergence entre les différents marchés intérieurs
européens ;
2) Simplifier les normes réglementaires, administratives, sociales et
fiscales pour favoriser l’exportation ;
3) Soutenir les acteurs professionnels pour mieux les sensibiliser aux
marchés non européens ;
4) Investir des projets en direction de quatre zones géographiques
(États-Unis, Canada, Chine et Afrique du Sud) qui représentent,
pour l’UE, un potentiel économique et une « grande marge
d’amélioration pour la musique européenne » ;
5) Enfin, réaliser la synthèse et l’exploitation des données au niveau
national, européen et international afin de mieux prendre en compte
les enjeux du secteur musical et les opportunités commerciales.
Le rapport précise cependant que la logique de marché ne doit pas guider
unilatéralement ces objectifs stratégiques, mais la démarche doit aussi
s’inscrire dans une perspective de partenariats et de relations
interculturelles.
Les États-Unis, autre cas de figure, qui n’ont pas de ministère de la Culture,
influencent le monde culturel par leur dynamisme économique et leur esprit
pionnier. C’est cette démarche différente que nous nous proposons
d’examiner maintenant.
B. LES ÉTATS-UNIS
La première maison d’opéra sur le sol états-unien actuel ouvre en 1791 à
la Nouvelle-Orléans61, ville qui privilégie pendant longtemps le répertoire
parisien62. Les Américains se sont appropriés les œuvres européennes en y
intégrant progressivement leurs propres sensibilités, comme le jazz ou la
comédie musicale.
Le pays a bénéficié à la fois de l’apport culturel de compositeurs étrangers
(des émigrés européens comme Edgar Varèse, Igor Stravinsky, Erich
Wolfgang Korngold, Sergueï Rachmaninov…) et de chefs d’orchestre
(George Szell à Cleveland, Bruno Walter à New-York, Zubin Mehta et Esa-
Pekka Salonen à Los Angeles…), ainsi que de ses propres artistes (Léonard
Bernstein, George Gershwin, Aaron Copland, Samuel Barber, pour ne citer
qu’eux) dont les œuvres ne tardèrent pas à trouver un écho important
ailleurs dans le monde. De fait, les États-Unis sont devenus une place
centrale dans le monde pour le chant et la musique, et la vie lyrique s’est
considérablement développée au cours du XXe siècle.
C’est le Metropolitan Opera (Met Opera) de New York, inauguré en 1883,
qui accueille aujourd’hui le plus grand nombre de spectateurs (environ
600 000, contre près de 900 000 dans une saison il y a 30 ans) ; son
rayonnement à l’international est l’un des plus importants parmi tous les
théâtres lyriques dans le monde, en grande partie grâce à ses diffusions
cinématographiques.
Si le répertoire des principaux théâtres lyriques aux États-Unis reste
principalement dominé par les grands auteurs européens (Wagner, Verdi,
Mozart), la création n’en demeure pas moins présente : la musicologue
Edith Borroff a recensé près de 400 ouvrages opératiques créés en deux
siècles aux États-Unis63.
Le pays est aujourd’hui vraisemblablement l’une des puissances qui a le
mieux su mettre en application dans le domaine lyrique l’idée de soft
power, en intégrant l’opéra dans une politique de rayonnement plus
offensive que les autres pays. Dans le cas des États-Unis, nous pouvons
distinguer le soft power de la « public diplomacy » (diplomatie publique),
qui en est une catégorie : celle-ci se distingue de la diplomatie traditionnelle
entre États par l’implication d’un nombre plus important d’acteurs ; la
« public diplomacy » s’adresse en effet à différentes catégories de
populations considérées comme des cibles stratégiques, dans le but
d’influencer favorablement l’opinion.
À cet égard, le Met Opera est un cas exemplaire de cette « public
diplomacy » par son rayonnement mondial. L’institutions new-yorkaise a
lancé en 2006 le programme The Met Live in HD qui propose aux
spectateurs la diffusion d’une dizaine de retransmissions annuelles de ses
productions dans les cinémas Pathé du monde entier. Le Met Opera fut le
premier théâtre lyrique au monde à investir de tels moyens audio et vidéo
(jusqu’à 12 caméras haute définition) pour diffuser massivement l’opéra au
cinéma. Depuis 13 ans, le succès ne s’est jamais démenti : ces spectacles
sont retransmis en simultané dans près de 1 900 salles dans plus de 70 pays,
ce qui représente une audience d’environ 300 000 personnes par diffusion.
Le but poursuivi est d’amener l’opéra dans des lieux où les gens ont
l’habitude de se rendre ; l’institution new-yorkaise espère ainsi attirer un
nouveau public et rajeunir l’audience64, dont les meilleurs résultats au
cinéma sont mesurés à Mexico65.
Grâce aux diffusions en salles, le Met Opera s’est retrouvé en quelques
années « au cœur de la géopolitique globale »66. Pour son directeur Peter
Gelb, qui partage une vision à la fois managériale et stratégique du secteur
lyrique — il a travaillé pendant plus de 15 ans chez la prestigieuse maison
de disque américaine Sony Classical Records —, la diffusion sur grand
écran joue un rôle important, et pas seulement pour le Met Opera :
« L’opéra, malgré son recul, devient un facteur d’harmonie, un référent
culturel commun dans des régions du monde qui ne se connaissent pas ou –
pire – s’affrontent »67. D’un point de vue marketing, on peut dire que Peter
Gelb a fait du Met Opera une marque qui s’exporte ; c’est une déclinaison
dans le secteur culturel de l’une des priorités des États-Unis : faire du pays
une image de marque internationale, ce que les Anglo-saxons appellent le
« nation branding »68.
Le rayonnement et l’influence d’une institution lyrique aussi prestigieuse
que celle du Met Opera est également un ressort commercial du pays.
Comme le fait remarquer l’historien Alain Dubosclard, « le succès des
modes culturelles dépendent aussi des procédés de fabrication industriels et
des vecteurs de diffusion des produits. En ce domaine, les États-Unis furent
tout au long du XXe siècle à la pointe de l’innovation »69. De fait, le
directeur du Met Opera investit depuis bientôt quinze ans dans les
meilleures technologies pour offrir aux spectateurs des productions filmées
dans des conditions presque dignes d’Hollywood. À tel point que chaque
sortie DVD de ces soirées est scrutée avec intérêt par les revues musicales
spécialisées.
En retransmettant dans le monde entier ses représentations, le Met Opera
présente au public son savoir-faire artistique : les « intermissions »
(entractes) font découvrir les coulisses de la scène, le montage des décors,
des entretiens exclusifs, etc. En s’entourant des plus grandes stars lyriques
de la planète, l’institution new-yorkaise s’assure une réputation d’envergure
internationale ; une façon comme une autre de se démarquer sur le plan
artistique, en montrant aux spectateurs que la vie lyrique se joue à New
York. Alors que certaines réalisations artistiques européennes, du point de
vue de la mise en scène, se retrouvent régulièrement sous le feu des
critiques pour leurs aspects jugés par certains trop modernes70, les
productions du Met Opera misent généralement sur des créations plutôt
classiques ; le travail de l’éclairage et la réalisation de somptueux décors
sont des éléments déterminants pour capter l’œil et faire de l’effet sur le
public au cinéma.
Cette stratégie de recherche du grand et beau spectacle ne date pas
d’aujourd’hui. Dès la création de l’Emergency Fund for International
Activities, qui finançait certains artistes américains, les États-Unis se
placent sur le terrain de la concurrence artistique en faisant valoir l’autorité
de ses propres créateurs en regard des Européens71. Lors des campagnes de
promotion de la culture et des artistes américains pendant la guerre froide,
les États-Unis ont toujours eu à cœur de montrer aux populations du Vieux
Continent qu’ils n’avaient pas, eux, le monopole de la production artistique
de qualité. La victoire au Concours international Tchaïkovski du pianiste
américain Van Cliburn, lors de la première édition en 1958, a fait taire les
critiques émanant des autorités soviétiques qui mettaient en doute
l’ouverture d’esprit des Américains pour la culture72.
Dans cette lutte d’influence géostratégique entre l’Ouest et l’Est, la mise à
l’honneur de l’opéra américain en Europe a pu jouer ponctuellement un rôle
dans la politique de promotion des valeurs culturelles des États-Unis. Il en
va ainsi de Porgy and Bess, qui traite de la vie des Afro-Américains dans un
quartier fictif d’une ville de Caroline du Sud. La tournée en 1954 en
Europe, notamment en Yougoslavie, de cet opéra de George Gershwin a
reçu un accueil favorable de la part des populations ayant assisté aux
représentations. Sur ce sujet, le commentaire du correspond du New York
Times à Belgrade, le 22 décembre 1954, est révélateur : « Comme l’a
formulé un responsable du gouvernement, les Yougoslaves ont accueilli
Porgy and Bess “en faisant remarquer que seul un peuple
psychologiquement mature était capable de mettre en scène un tel
spectacle”. C’est avec charme et grâce que les membres de la troupe ont
ouvert de nouveaux horizons à une population dirigée par des communistes
et habituée à aborder les États-Unis sous l’angle de l’exploitation et des
préjugés raciaux »73.
En finançant cette tournée opératique, le département d’État américain
cherchait à l’époque à mettre fin aux rumeurs soviétiques d’absence
supposée de vitalité artistique aux États-Unis et de montrer la possibilité
pour les Afro-Américains d’évoluer dans l’échelle de statut social. Citant
les résultats d’une étude de David Monod sur le sujet, la chercheuse Maud
Quessard précise que, si le bon accueil des populations européennes vis-à-
vis de cette œuvre ne doit pas tout à l’image du modèle d’intégration
diffusée par l’opéra, « la culture de la spontanéité véhiculée par la musique
et les images de l’Amérique d’après-guerre, seraient à prendre en compte
dans la séduction qu’a pu exercer l’opéra de Gershwin sur les
Européens »74.
Toutefois, le désir de rayonnement n’est pas exactement à l’image de la
réalité, bien plus contrastée quant aux valeurs artistiques et humaines que
les États-Unis voudraient afficher.
L’opéra et ses créations, reflet de l’histoire contemporaine des États-
Unis
Le développement de l’opéra aux États-Unis est indissociable de
l’histoire de la ségrégation raciale. Les chanteurs noirs furent longtemps
exclus des scènes lyriques, si bien que se sont constitués, parallèlement aux
scènes traditionnelles, des théâtres réservés uniquement aux chanteurs
noirs : c’est le cas du Washington D.C.’s Colored Opera Company créé en
1872, ou de la Theodore Drury Colored Opera Company. Dans ces
conditions, rares sont ceux qui fondèrent leur propre compagnie, à l’instar
du compositeur américain Harry Lawrence Freeman que l’on considère
comme le premier artiste noir des États-Unis à avoir composé un opéra
(Epthalia, en 1891). Pour d’autres, l’exil est parfois le seul moyen de se
produire sur scène75.
Au cours du XXe siècle, et surtout à partir de la fin de la Seconde Guerre
mondiale, cette image d’un opéra réservé aux Blancs s’atténue
progressivement avec l’émergence d’artistes afro-américains qui ne
tarderont pas à devenir des stars lyriques : Marian Anderson, Leontyne
Price, Kathleen Battle, Jessye Norman…
La problématique des minorités trouve aujourd’hui un écho dans les
créations lyriques contemporaines. Ainsi, la dernière création d’opéra du
compositeur américain Anthony Davis, The Central Park Five, met en
scène les défaillances de la justice pénale en s’inspirant d’un fait divers
sanglant : l’histoire réelle d’une affaire criminelle qui a défrayé la
chronique en 1989, lorsque cinq hommes adolescents afro-américains et
latinos ont été condamnés à la prison, accusés d’avoir battu et violé une
joggeuse à Central Park. Ils furent innocentés dans les années 2000, après
que Matias Reyes eut avoué en 2002 être le vrai et unique agresseur de
Trisha Meili. L’un des personnages de cette pièce n’est autre que Donald
Trump, qui chante « Faites revenir la peine de mort ! »76. Le compositeur
s’est inspiré de la campagne médiatique de l’époque ; celui qui n’était pas
encore le président des États-Unis publia alors une tribune sous le titre
« Bring back the death penalty. Bring back our police ! ».
De même, en juin 2013, l’annulation du cœur de la loi sur les droits de vote
de 1965 par la Cour suprême a encouragé le compositeur américain Philip
Glass à revoir son opéra Appomattox. Créé à San Francisco en 2007,
l’ouvrage, écrit sur un livret de Christopher Hampton, évoquait
originellement la guerre de Sécession. Mais la décision de la plus haute
juridiction américaine sur une loi aussi symbolique a motivé les deux
artistes à faire du droit de vote le sujet central de l’œuvre. La nouvelle
version fut présentée au Kennedy Center de Washington en novembre
201577.
Le thème de la ségrégation raciale nourrit aussi quelques créations lyriques
américaines dont The Little Rock Nine en 2017, l’une des dernières œuvres
de la compositrice cubaine Tania Leon, aujourd’hui installée aux États-
Unis, qui mêle dans sa partition des influences de jazz, de gospel et de
ragtime (première expression instrumentale de musique afro-américaine).
Le livret de la dramaturge Thulani Davis reflète l’histoire vraie des neufs
élèves afro-américains inscrits et admis, en septembre 1957, en pleine
ségrégation raciale, à la Little Rock Central High School de l’Arkansas.
Depuis 1954, et l’arrêt Brown v. Board of Education of Topeka de la Cour
suprême qui déclara la ségrégation raciale inconstitutionnelle dans les
écoles publiques, la séparation physique des personnes selon des critères
raciaux est illégale. Mais, dans les faits, la mixité entre personnes noires et
blanches est encore loin d’être effective. Empêchés une première fois
d’entrer au lycée central de la ville de Little Rock, sept des neufs élèves
afro-américains sont escortés, le 24 septembre, par la 101e division
aéroportée, et entrent en classe malgré l’accueil hostile sur place de
militants ségrégationnistes. L’opéra de Tania Leon, composé sur un livret
d’Henry Louis Gates, est une commande de l’université de Little Rock.
D’autres créations contemporaines, à l’image des œuvres précédentes,
explorent les questions de race et d’identité. C’est le cas de l’opéra Fire
Shut Up in My Bones du trompettiste de jazz et compositeur de musique de
film Terence Blanchard qui base le récit de son opéra sur les mémoires du
journaliste Charles M. Blow, racontant son passage de l’enfance à la vie
adulte. Créée à l’Opéra de Saint-Louis en 2019, cette œuvre est
programmée au Met Opera pour la saison 2021-2022. Pour la première fois
de l’histoire, l’œuvre d’un compositeur noir sera à l’affiche de l’institution
new-yorkaise.
Les bavures policières aux États-Unis trouvent également un écho dans la
production contemporaine, avec la création de l’opéra Blue ; nom qui, outre
la référence à la couleur de l’uniforme policier aux États-Unis, se réfère de
manière ambiguë au style d’une musique, ou encore à l’humeur, au
tempérament. Représentée pour la première fois au Glimmerglass Festival
(État de New York) à l’été 2019, cette œuvre créée par la compositrice
Jeanine Tesori met en scène une famille afro-américaine dont le père est
policier et dont le fils a été tué par un autre officier78. Si l’œuvre a été
qualifiée par certains commentateurs d’opéra sur la violence policière,
l’auteur du livret, Tazewell Thompson, l’a surtout écrit « à partir d’un
besoin obsessionnel et d’un sens des responsabilités de raconter une
histoire intime derrière le nombre effrayant de garçons et d’hommes qui
sont tués »79. Blue a reçu le prix du meilleur nouvel opéra par la Music
Critics Association of North America.
La diffusion à l’international des productions lyriques du Met Opera ne
reflète donc pas la juste mesure de la dynamique de création au niveau
national. Le modèle commercial de diffusion sur écrans géants, inauguré
par Peter Gelb, a propulsé l’idée d’une scène lyrique incontournable pour
les chanteurs comme pour les spectateurs. Si la scène new-yorkaise y
accueille effectivement les plus grandes stars lyriques de la planète, cette
image est quelque peu nuancée par les statistiques : les États-Unis
représentent un peu moins de 8 % de l’ensemble des représentations
lyriques dans le monde. Néanmoins, en s’appuyant sur les nouvelles
technologies, le Met Opera semble ambitionner de marcher dans les pas du
cinéma américain qui, lui, a conquis le monde.
La Chine est un autre exemple de diffusion et de développement de l’opéra,
mais dans un autre contexte socio-politique. En dépit d’un faible nombre de
représentations en comparaison des États-Unis et de la France, nous allons
voir qu’une volonté s’exprime clairement au sommet de l’État pour intégrer
l’opéra dans une politique de rayonnement culturel.
C. LA CHINE ET SES VOISINS
L’opéra tel que nous le concevons en tant qu’Européens ne recouvre pas
les mêmes caractéristiques en Chine, où l’on parle plus volontiers de théâtre
chinois. Cette forme d’art, qui rassemble des éléments aussi divers que la
musique, la danse, les acrobaties, les arts martiaux, ou les mimes, remonte
au XIIIe siècle (dynastie mongole Yuan, 1279-1368).
L’opéra chinois, dans la Chine traditionnelle, se distingue par quelques
traits caractéristiques, comme l’absence du compositeur en tant que
signataire ou le recours pour la partie musicale à des modes expressifs
singuliers (banqiang ou timbres qupai)80. Par ailleurs, le théâtre chinois a
toujours été partie intégrante de la vie sociale. « Lors des fêtes religieuses,
des spectacles d’opéra sont organisés pour divertir les divinités et pour le
plaisir des vivants, écrit l’anthropologue Catherine Capdeville-Zeng. Le
répertoire reproduit les grandes épopées de l’histoire chinoise. Les thèmes
les plus courants sont des histoires d’amour, des combats ou encore des
légendes »81.
La pénétration de l’opéra occidental en Asie est récente ; on peut la dater
des années 1980 ; cette période, après la mort de Mao Zedong en 1976,
correspond à la politique dite de « réforme et d’ouverture » mise en place
par Deng Xiaoping en 197882. Dès lors, la Chine décide de devenir un
acteur sur la scène internationale dans les domaines politiques et
économiques. En 1996, Alain Peyrefitte écrit : « Le grand mérite de Deng
Xiaoping devant l’Histoire restera (…) d’avoir mis fin à une existence
séculaire en vase clos. Il a compris que le principal moteur du
développement, c’est la concurrence avec les autres. Il a voulu féconder la
culture chinoise par des emprunts extérieurs »83. Dans cette perspective,
l’opéra chinois tente de gagner en visibilité, dans un effort d’affirmation du
soft power culturel de la Chine contemporaine.
Une politique culturelle axée sur l’idéologie du Parti communiste
chinois
Forte d’une culture plurimillénaire, la Chine prend conscience depuis une
trentaine d’années de l’importance de développer une diplomatie publique
(« public diplomacy ») et une action culturelle extérieure84. La stratégie
d’influence culturelle mise en place par l’État chinois est une priorité pour
les autorités politiques : elle vise à promouvoir et à légitimer vis-à-vis de
l’Occident les effets positifs du développement et leurs valeurs85.
Cette réflexion, en germe au sein de l’appareil d’État durant les années de
présidence de Jiang Zemin (1993-2003), ne prend corps politiquement que
sous l’ère de Hu Jintao à partir du début des années 2000. Dans un récent
ouvrage (« La diplomatie culturelle de la République populaire de Chine :
enjeux et limites d’une “offensive de charme”«, 2018), Audrey Bonne
commence l’étude de la diplomatie culturelle chinoise en 2002, date du
XVIe congrès national du Parti communiste chinois (PCC). Cette année-là,
le président chinois prononce un discours devant les membres du comité du
PCC, au cours duquel il formule sa vision de la culture qu’il souhaite la plus
étroitement liée à l’idéologie socialiste : « La culture tend de plus en plus à
devenir à notre époque une importante source de cohésion et de créativité
d’une nation et un facteur capital de la concurrence en matière de
puissance globale de pays, notre peuple aspire de plus en plus à un
enrichissement de sa vie spirituelle et culturelle. C’est la raison pour
laquelle il nous importera de maintenir l’orientation du progrès de la
culture avancée socialiste, d’imprimer un nouvel essor à son édification, de
façon à exalter l’enthousiasme national pour les créations culturelles et à
améliorer la puissance immatérielle de notre culture nationale. »86 À partir
de cette date, « la culture s’érige au cœur de la stratégie d’émergence de la
Chine, comme véritable source du soft power », et devient à l’occasion du
XVIIe congrès national du Parti en 2007 un « objectif explicite de politique
étrangère », analyse Audrey Bonne87/88.
Hu Jintao affirme dans son discours la volonté politique – en particulier à
l’initiative du ministère de la Culture – de promouvoir un soft power
culturel : « Nous devons (…) renforcer la culture en tant que force douce de
notre pays pour mieux garantir les droits et intérêts culturels fondamentaux
du peuple, enrichir la vie culturelle de la société chinoise et inspirer
l’enthousiasme du peuple pour le progrès. (…) Nous ferons davantage
connaître les belles traditions de la culture chinoise et utiliserons les
moyens scientifiques et technologiques modernes pour exploiter les riches
ressources de notre culture nationale. (…) Nous renforcerons également les
échanges culturels internationaux pour tirer parti des réalisations
remarquables des cultures étrangères et renforcer l’influence de la culture
chinoise dans le monde entier »89. La promotion du soft power culturel
chinois a été réaffirmée lors des XVIIIe et XIXe congrès nationaux du PCC
respectivement en 201290 – le communiqué final réaffirmant l’objectif
national de faire de la Chine une « superpuissance culturelle socialiste » –
et en 201791.
De fait, on observe depuis une quarantaine d’années deux mouvements
parallèles liés à une relative libéralisation idéologique. D’un côté, une
réhabilitation au plan national de la culture traditionnelle chinoise ; une
véritable « obsession » aujourd’hui si l’on en croit certains auteurs, dont le
politologue Barthélémy Courmont pour qui elle « continuera à se
développer avec l’explosion touristique, un sentiment de fierté nationale
confirmé, et la volonté de se positionner comme un modèle culturel »92/93.
D’un autre côté, la Chine s’est ouverte au monde et est devenue plus
tolérante quant à la pénétration d’éléments culturels étrangers,
particulièrement bien reçus par la jeunesse.
Mais le discours des autorités sur le soft power culturel masque en réalité la
diversité des points de vue sur le sujet. Le sinologue américain David
Shambaugh, qui a longuement étudié la question dans son livre « China
Goes Global. The Partial Power », distingue ainsi trois principaux courants
de pensée en Chine. Ses travaux nourrissent les réflexions sur la faisabilité,
ou non, du projet politique chinois.
Des discours aux actes : un soft power chinois à relativiser
Une première école veut croire que les valeurs chinoises (paix et
harmonie, convenances, moralité et bienveillance) sont capables, à elles
seules, de promouvoir une culture globale. Une deuxième envisage la
promotion de la culture chinoise davantage sous l’angle idéologique, voire
de la propagande. Mais certains sont critiques à l’égard de cette tendance, à
l’image de Yu Xintian, chercheuse au Shanghai Institute for International
Studies, pour qui les échanges culturels sont naturels et n’ont pas besoin
d’être promus outre mesure. Des intellectuels observent par ailleurs que la
Chine n’a pas besoin d’exporter et transposer sa culture. Et quand bien
même le pourrait-elle, le diplomate Wu Jianmin, ancien ambassadeur de la
République populaire de Chine dans plusieurs capitales européennes, dit
observer « une crise d’identité » au sein de la société chinoise, voire « un
vide intellectuel et moral ». Enfin, une troisième école veut croire que le
développement économique de la Chine est le fondement même du soft
power chinois94.
Mais de nombreux obstacles se dressent sur le chemin d’un soft power
chinois : la marque Chine souffre d’un déficit d’image et de message
universel, dont par ailleurs les œuvres lyriques européennes sont porteuses.
Quelles raisons permettraient d’expliquer que le « nation branding », tel
qu’il est théorisé et conçu par les États-Unis, ne fonctionne pas de ce côté-ci
du Pacifique ? Le vice-président de l’université des sciences sociales de
Shanghai, Huang Renwei, identifie trois facteurs :
1) Un grave déficit de la culture chinoise, en comparaison des pays de
l’Ouest ;
2) Un système politique qui ne donne pas suffisamment de place à la
démocratie ;
3) Un fort sentiment nationaliste qui fait obstacle à l’épanouissement
créatif.
Certains soulignent cependant que la Chine jouit d’un espace géo culturel
pour étendre son soft power en Afrique, en Asie centrale et en Amérique
latine, à la condition que le pays réussisse à développer des « valeurs
universelles de style chinois »95. Interrogé en 2009, le ministre de la Culture
Cai Wu déclarait : « Nous avons besoin d’être plus exhaustif dans la façon
dont nous nous présentons et pas seulement nous concentrer sur notre
histoire. Le meilleur avenir pour la culture chinoise, c’est sa diversité »96.
En attendant, le gouvernement chinois traite la question du soft power et la
diplomatie publique en oubliant un peu que ces concepts s’articulent avant
tout autour de valeurs humaines et culturelles, au-delà d’une simple
démarche de type industrielle de laquelle on attend un retour sur
investissement.
Un intellectuel du Parti communiste suggérait en 2011 à la Chine de
changer sa vision de la culture et de l’histoire, et de suivre le conseil du
politologue Joseph Nye : « the best propaganda is no propaganda »97. La
Chine ne détient aujourd’hui que 1,5 % du marché global des produits
culturels, contre 40 % pour les États-Unis98/99.
Le soft power de la Chine semble davantage tributaire des décisions des
autorités politiques que d’un rayonnement culturel naturel, résultant d’une
création artistique d’excellence. Cette situation n’est pas sans affaiblir la
portée du soft power, d’autant que les autorités n’ont pas renoncé aux
leviers de puissance traditionnels, l’économie et le militaire100/101.
La Chine souhaite en effet jouer sur les deux tableaux : les logiques de hard
power et de soft power doivent s’imbriquer ensemble, l’un pouvant au
besoin légitimer l’autre102. Barthélémy Courmont et le sinologue
Emmanuel Lincot relèvent que le succès du soft power sera évalué, dans les
prochaines années, par la capacité de la Chine a maîtriser son hard power,
en apaisant les tensions régionales et en apparaissant comme un acteur
géopolitique à la fois responsable et stabilisateur des relations
internationales103.
Même si la Chine a pris conscience de l’importance de développer ses
réseaux culturels à travers le monde (Instituts Confucius), sa force de frappe
reste néanmoins limitée ; David Shambaugh y voit une forme de
« puissance culturelle incomplète » (« a partial cultural power »)104.
Les créations lyriques contemporaines tournent souvent autour d’une
certaine idéologie nationaliste issue du communisme chinois ; une
thématique qui n’est pas favorable au rayonnement culturel. Cette situation
traduit peut-être en réalité la crise d’identité dont parlait le diplomate Wu
Jianmin105. Depuis la mort de Mao Zedong, la Chine a toujours oscillé entre
deux extrêmes : une modernisation tous azimuts ou le retour aux traditions,
sans avoir jamais trouvé de voie médiane106 ; une situation que résume
assez bien le paradigme « le savoir chinois comme fondement, le savoir
occidental comme moyen ». Ce savoir occidental est justement mis à
l’honneur dans la construction d’opéras.
Les constructions de nouveaux théâtres lyriques en Chine
La Chine investit sur le long terme le secteur de l’opéra (« un vaste
marché » dixit le secrétaire général du Shanghai Opera House, Gu
Weikand107), en témoigne l’édification des nouveaux théâtres lyriques : en
vingt ans, une cinquantaine auraient été construits108. Deux lieux
prestigieux en particulier ont ouvert leur porte : l’Opéra de Shanghai, conçu
par l’architecte français Jean-Marie Charpentier, inauguré en 1998, et le
Grand Théâtre national de Pékin, construit par Paul Andreu, très fréquenté
notamment par la jeunesse109.
Le chant tient une place importante en Chine, particulièrement à Shanghai.
En tant qu’activité culturelle structurante dans ce pays, de nombreux lieux
lui sont dédiés : parcs publics, centres culturels et théâtres proposent des
représentations d’opéras chinois ou occidentaux, karaokés, etc.110 La
structure moderne de l’édifice jouxte le Théâtre Yifu, haut-lieu de l’opéra
traditionnel chinois ; la contiguïté entre ces deux architectures
dissemblables peut être lue « comme signe de la volonté municipale
d’exprimer une identité urbaine shanghaienne empreinte d’hybridité entre
Chine et Occident, tradition et modernité. Le Grand Théâtre, par son
architecture grandiose, dont la conception en 1994 s’inscrit dans la plus
grande autonomie accordée à la ville depuis 1992, est également un
symbole du renouveau et de la stratégie d’internationalisation de
Shanghai », écrit Sarah Defoin-Merlin, doctorante en géographie à
l’université Paris-1111.
De son côté, le Grand Théâtre national à Pékin, inauguré en 2007, est situé
au cœur du quartier du pouvoir, implanté sur un terrain de douze hectares,
quasiment cinq fois plus grand que celui de l’Opéra Bastille à Paris. Le
bâtiment comprend trois salles : la salle d’opéra, avec une jauge de 2 416
places, une deuxième salle pour les concerts (2 017 places) et une troisième
qui accueille divers spectacles traditionnels du théâtre chinois (1 040
places). L’histoire de sa construction n’a pas été un long fleuve tranquille.
Le projet remonte aux années 1950, l’objectif premier était de fêter les 10
ans de l’arrivée sur la scène politique de Mao Zedong. Mais le contexte de
la Révolution culturelle, marqué par un fort tropisme nationaliste
imperméable à toute influence culturelle extérieure, n’était pas favorable à
la mise en œuvre d’un chantier comme celui-ci. Dans les années 1990, les
autorités chinoises relancent l’idée de construire le premier grand opéra
chinois en mariant les technologies modernes avec les traditions culturelles
du pays, et ce dans un contexte d’ouverture à l’économie mondiale. Elles
avaient été très marquées par l’originalité et l’impact visuel que pouvait
avoir l’opéra de Sydney sur la ville australienne et sur l’image de
l’Australie en général112. De fait, les instances communistes lancent en avril
1998 un concours international auquel répondent une centaine d’agences à
travers le monde. La commission nationale du plan valide le projet de
construction le 6 décembre 2001. Le président Jiang Zemin, grand amateur
d’art lyrique, demanda alors à Hugues Gall, directeur de l’Opéra de Paris de
1995 à 2004, d’être son conseiller technique pour construire ce nouveau
bâtiment.
Mais le projet ne va pas de soi et cristallise les oppositions : des architectes
comme Zhang Kaixi et Liu Xiaoshi estiment que les vues de Paul Andreu
ne respectent pas « le caractère culturel chinois », autrement dit trop
occidental au goût des dirigeants. C’est un point important étant donné que
l’opéra a été construit au cœur de Pékin, à proximité immédiate de la Cité
interdite et de la place Tian’anmen.
Pour autant, l’architecte français prend soin d’intégrer dans son projet les
grands symboles de la civilisation chinoise. Le plan d’eau et le parc qui
entourent l’immense bâtiment dédié à l’art lyrique rappellent à la fois les
thèmes de l’opéra (l’eau dans Pelléas et Mélisande de Claude Debussy, la
forêt dans Die Walküre de Richard Wagner) et les traditions chinoises, quant
aux aménagements des jardins, espace de convivialité, de tranquillité et de
méditation113. De même, pour ne pas atteindre les 45 mètres de hauteur du
bâtiment du Palais du Peuple, le sommet du dôme de Grand Théâtre
national ne dépasse pas 43 mètres…
Mais cette œuvre architecturale est aussi un projet politique, défendu par la
commission nationale du plan. Cette instance, chargée d’arbitrer les grands
investissements d’intérêt national, a reconnu d’utilité publique ce nouveau
temple lyrique pékinois. Si l’opéra est une machine à rêver, il est aussi, ici,
une œuvre politique : dans ses formes, ses matériaux et ses proportions,
l’esthétique du bâtiment fait référence à la pensée philosophique
chinoise114. Malgré les critiques, l’architecte français et son équipe ne
renoncent pas, conscients que ce projet arrive à un moment particulier de
l’histoire de la Chine, entre ambition économique et transformation
urbaine115.
La construction du Grand Théâtre national se déroule également dans un
contexte français, marqué par l’exportation de projets d’architectes à partir
des années 1990. En effet, pour répondre au déclin de la demande de
construction en France, les autorités françaises créent en 1996 l’Association
des architectes français à l’export. Deux ans plus tard, année de
l’inauguration de l’Opéra de Shanghai, le président français Jacques Chirac
lance le programme « 50 architectes, urbanistes et paysagistes chinois en
France », prolongé en 2009 par l’initiative « 100 urbanistes chinois en
France ». Tous ces projets et ces réalisations sont parmi les signes les plus
visibles du renforcement des échanges professionnels et culturels entre
architectes des deux pays116.
Disposant désormais de lieux prestigieux, la Chine peut dès lors se lancer
dans une nouvelle politique de créations d’œuvres.
Le patriotisme comme « objet de création »
En octobre 2014, un an après sa prise de fonction, Xi Jinping réunit à
Pékin un symposium sur les arts. À cette occasion, le président chinois
expose, devant un parterre d’artistes invités, sa conception idéologique et
morale de la création artistique, condition sine qua non de la « renaissance
chinoise » : « La littérature et l’art contemporains doivent s’emparer du
patriotisme comme objet de création. (…) Depuis la réforme et l’ouverture,
la création littéraire et artistique de la Chine vit un nouveau printemps, qui
a produit un grand nombre de chefs-d’œuvre universellement reconnus.
Dans le même temps, on ne peut pas nier qu’il y a aussi beaucoup de
productions manquant de qualité, il y a aussi des phénomènes de plagiat,
des problèmes de stéréotypes, une production mécanique et une
consommation rapide. Certaines œuvres vénèrent le futile, d’autres
déforment les classiques, subvertissent l’histoire, enlaidissent les masses
populaires et les personnages héroïques : certaines ne distinguent pas le
vrai du faux, le bon du mal, embellissent la laideur et exagèrent la face
sombre de la société ; certaines recherchent l’étrange dans un style
pompeux, le kitsch de manière invariable ou développent un goût pour le
vulgaire, utilisant des œuvres à des fins d’argent facile. (…) L’art et la
littérature ne peuvent pas se perdre dans les vagues de l’économie de
marché ».
Il s’agit de mettre en valeur la « magnifique culture traditionnelle » de la
Chine, par opposition à l’« agitation de la culture mondiale ». Et Xi Jinping
d’insister sur l’importance de la transmission de la culture chinoise, en
prenant toujours soin de séparer le bon grain de l’ivraie : « C’est mettre le
passé au service du présent, se servir de l’étranger pour le mettre au
service des valeurs chinoises, bien voir ce qu’on prend, être innovant,
écarter les facteurs négatifs, mener une pensée positive »117. C’est de ce
paradigme philosophique, qui tire entre autres ses racines de la Révolution
culturelle maoïste, que s’inspirent encore aujourd’hui de nombreuses
créations d’œuvres en Chine.
Les thématiques des opéras sont souvent représentatives des courants de
pensée philosophique d’un pays ou d’une civilisation, et sont aussi parfois
tributaires des contingences politiques. Ce fut le cas en 1962 lorsque, au
moment du grand tournant de la Révolution culturelle, le pouvoir politique
communiste effaça des mémoires le patrimoine artistique ancestral de la
Chine : des 50 000 pièces jouées à travers le pays avant 1962, seules sept
« œuvres théâtrales révolutionnaires modèles » furent acceptées en tout et
pour tout durant la période maoïste ! Dans ces pièces à caractère épique, le
combat des héros populaires contre les oppresseurs étrangers y est magnifié.
« La révolution s’identifie à la tradition la plus profonde. Elle replace sur
fond d’internationale l’éternel combat des patriotes » écrit Alain
Peyrefitte118.
Les sept « œuvres théâtrales révolutionnaires modèles » mettent toutes en
scène, de manière plus ou moins vraisemblable, un épisode réel de l’histoire
de la Chine communiste. La guerre avec le voisin japonais est mise en
évidence dans plusieurs opéras : en 1945, La Fille aux cheveux blancs
emprunte à certains mythes chinois ; l’un des personnages chante « Le
soleil s’est levé ! Des milliers d’années de souffrances voient aujourd’hui le
soleil se lever ! Le soleil, c’est le président Mao ! Le soleil, c’est le Parti
communiste ! » Dans Le fanal rouge, la résistance d’ouvriers communistes
chinois contre l’occupant japonais est mise en exergue à travers des chants
de louange adressés au pouvoir communiste : « Nous, les jeunes, devons
reprendre le flambeau révolutionnaire des mains de nos aînés. Je lève haut
le fanal rouge étincelant ! Mon père est un communiste inébranlable, ferme
et droit comme un pin ; je le suivrai sans hésitation » ; « Mille fleurs
s’épanouiront ; la Chine nouvelle, étincelante de drapeaux rouges, brillera
dans le monde, comme le soleil matinal » ; « Vive le président Mao ! » ;
« Des milliers et des milliers de braves ont donné courageusement leur vie
pour le peuple. Levons haut leur drapeau, avançons sur la voie que leur
sang nous a tracée ! »119 De son côté, l’opéra Sha Jia Bang dépeint la
libération par l’Armée rouge d’un village chinois, encerclé par les Japonais.
Les autres pièces mettent en avant l’attitude vertueuse du peuple chinois
contre l’ennemi intérieur. Dans Le détachement féminin rouge, opéra-ballet
en six actes, les scènes dépeignent le combat héroïque de soldats
communistes qui sauvent une jeune fille maltraitée par un propriétaire
foncier. Cette œuvre est présentée à Richard Nixon en 1972 lors de sa visite
officielle dans l’Empire du Milieu. De son côté, La Prise de la montagne du
Tigre raconte un fait authentique de l’Armée rouge au cœur de l’hiver 1946.
Enfin, la pièce le Port permet de mettre en scène le labeur des dockers de
Shanghai, tout en soulignant leur dévouement à la ligne du Parti et leur
prompte action à remettre dans le droit chemin un jeune étudiant saboteur.
La référence aux États-Unis est présente dans l’opéra Raid sur le régiment
du Tigre blanc : dans un village de Corée, des volontaires chinois et soldats
coréens mettent en commun leurs ressources pour briser l’offensive
américaine et célébrer la « grande victoire de la pensée militaire du
président Mao ».
Esthétiquement, ces spectacles mêlent des éléments chorégraphiques et
lyriques, d’inspiration européenne. Même si ce que le diplomate Alain
Peyrefitte voit et entend lui semble sans innovation particulière, elles
impressionnent malgré tout le public acquis à tous les effets de scène ;
spectacle total, qui met en valeur autant les costumes, le travail des lumières
et des couleurs, que les mouvements collectifs de la troupe de chanteurs et
danseurs120. Les compositions musicales de ces sept opéras sont parties
intégrantes de l’idéologie du Parti et des masses populaires121.
Que signifient ces mises en scène élaborées, très colorées et expressives ?
Pour le public chinois, les visages peints des acteurs ou chanteurs sur scène
symbolisent le caractère différent de chaque personnage. George Walden,
ancien diplomate de carrière en Chine, établit de son côté un parallèle entre
l’opéra chinois et l’état d’esprit des instances dirigeantes du pays122.
Le répertoire lyrique chinois dans le contexte politique actuel
Depuis son inauguration, le Grand Théâtre national, qui possède son
propre orchestre (essentiellement composé de musiciens chinois), a financé
près de 90 productions opératiques, théâtrales et chorégraphiques. Outre le
répertoire de l’opéra occidental, l’institution a proposé à ses spectateurs pas
moins de 17 nouvelles productions lyriques commandées auprès de
compositeurs nationaux. Ce chiffre, assez élevé pour une jeune institution
comme celle-ci, est le signe d’une certaine vitalité de la création en Chine,
quoique orientée idéologiquement comme nous allons le voir plus loin.
L’institution chinoise propose au public un mix entre des œuvres classiques
occidentales, en coproduction avec de prestigieuses maisons d’opéra (le
Royal Opera House de Londres, le Théâtre Mariinsky de Saint-
Pétersbourg…) et le répertoire chinois. Les responsables de l’institution
misent sur deux atouts :
– La jeunesse : la moyenne d’âge du public du Grand Théâtre national
de Pékin est d’à peine 30 ans (45 ans à l’Opéra de Paris)123.
– La création artistique : deux à trois opéras chinois sont créés chaque
année, un rythme supérieur à celui d’une institution européenne. Une
manière de montrer la vitalité culturelle chinoise, à l’image de
l’activité économique du pays.
Certaines œuvres proposent une distribution mixte : par exemple pour
l’opéra français Thaïs de Jules Massenet les premiers rôles étaient attribués
à la soprano Ermonela Jaho (Thaïs) et au baryton Placido Domingo
(Athanaël)124, tandis que les seconds rôles étaient tenus par des chanteurs
locaux : une manière habile de former sur place de nouveaux chanteurs, en
leur donnant leur chance de se produire sur scène avec les plus grandes stars
internationales du moment ; l’institution lyrique est vue, en effet, comme un
excellent outil pédagogique à destination des jeunes générations125.
Si l’on prend comme exemple la saison 2018-2019 du Grand Théâtre
national, nous voyons qu’elle illustre bien la politique de renouvellement du
répertoire.
Outre des œuvres anciennes programmées (Les Gardes rouges du lac Hong
Hu, créée en 1959), l’institution propose à ses spectateurs un certain
nombre de créations qui mettent toutes en valeur l’histoire, contemporaine
ou plurimillénaire, de la Chine :
– Manasi, opéra qui s’inspire de l’épopée de Manas, véritable
encyclopédie orale de l’histoire du Kirghizistan. Il y a dix ans,
l’inscription à la demande de la Chine de l’épopée kirghize au
Patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO n’était pas allé sans
créer quelques remous126.
– King Zhuang of Chu fait l’éloge de la civilisation Chu, et de son
souverain Zhuang qui régna de 613 à 591 avant J.-C. D’après la
présentation faite par le Grand Théâtre, cette œuvre « démontre non
seulement les nobles idéaux de nos ancêtres pour surmonter les
obstacles, mais fait également l’éloge des merveilles héroïques de la
civilisation Chu »127.
– L’opéra TU Youyou, créé en 2016, raconte l’histoire vraie de la
chercheuse chinoise en pharmacie – dont l’œuvre porte le nom – qui a
obtenu en 2015 le prix Nobel de médecine pour ses travaux de
recherche contre le paludisme128.
– Legend of the Chinese Song Fairy. Cette œuvre de la compositrice Lei
Lei célèbre le peuple Zhuang, deuxième plus grande minorité ethnique
de Chine.
– Fang Zhimin : composé par Meng Weidong, l’œuvre s’inspire de
l’histoire vraie de Fang Zhimin, présenté comme un martyr
communiste et exécuté par le Kuomintang en 1935.
– Lan Huahua est l’un des derniers opéras créés par le Grand Théâtre de
Chine129. C’est la 14e création depuis l’inauguration de l’institution en
décembre 2007. L’œuvre est inspirée d’une chanson folklorique du
nord-ouest de la Chine.
– L’opéra The Long March relate un épisode de l’histoire de la Chine
contemporaine, pendant la guerre civile chinoise. Créée le 1er juillet
2016, l’œuvre met en scène l’Armée populaire de libération et des
membres du Parti communiste chinois qui, à l’époque, firent un périple
de plus d’un an pour échapper à l’Armée nationale révolutionnaire du
Kuomintang130. Les autorités politiques actuelles s’y réfèrent encore
régulièrement. Xi Jinping, à l’occasion du 80e anniversaire de la
célébration de cet évènement, a déclaré : « Notre génération aura
également un long chemin à parcourir »131.
– Sandalwood Death (Le Supplice du santal) raconte la résistance d’une
famille chinoise, dans la péninsule du Shandong, contre les troupes
allemandes lors du siège de Tsingtao en 1914. L’œuvre est une
adaptation du roman de l’écrivain Mo Yan, prix Nobel de littérature en
2012132.
– Jinsha River est un opéra créé à l’occasion du 90e anniversaire de la
naissance de l’Armée populaire de libération. L’opéra est une
adaptation du roman du même nom, publié en 1959, de Mr Chen Jing.
Écrivain militaire, le thème de son roman porte sur la Longue Marche
qu’il a lui-même effectuée133.
– 2047 Apologue 2 est une réflexion sur la rencontre entre modernité et
tradition. Cette pièce lyrique fait intervenir de nombreux acteurs sur
scène, âgés de 5 à 80 ans134.
Comme nous le voyons, ces nouvelles productions vont toutes puiser dans
l’histoire nationale contemporaine ou plus ancienne, quitte à faire intervenir
les mythes ou les légendes médiévales. La compositrice Marie-Hélène
Bernard, qui s’est rendue plusieurs fois en Chine, note qu’au fil des années
la création d’opéras chinois est passée « d’une lecture initiale critique ou
distanciée à une sorte de glorification sans recul du passé de la Chine »135.
C’est le cas selon elle des œuvres du compositeur Tan Dun, lauréat en 1998
du prix américain Grawemeyer Award qui récompense chaque année depuis
1985 une composition musicale.
Créé à Munich en 1996, son premier opéra Marco Polo raconte l’histoire du
voyage de l’explorateur Marco Polo en Chine. Le compositeur a intégré à sa
partition des instruments européens modernes et médiévaux, ainsi que des
instruments appartenant à des aires culturelles traversées par Marco Polo
durant son périple : tabla, sheng, sitar, pipa, cors tibétains… Dans son
quatrième ouvrage opératique, The First Emperor, créé au Met Opera de
New York en 2006, Tan Dun met en scène Qin Shi Huang (259-210 av. J.-
C.), fondateur de la dynastie Qin et considéré à ce titre comme le premier
empereur de Chine. D’après Marie-Hélène Bernard, Tan Dun est passé
« d’une lecture à double niveau très ironique » autour de la figure de Marco
Polo, « à une version linéaire et quasi hagiographique » de la vie de
l’empereur Qin Shi Huang.
Si, paradoxalement, les œuvres lyriques sont soutenues, selon elle,
« quasiment exclusivement par des institutions culturelles américaines,
européennes, japonaises ou celles de Hong Kong »136, les autorités
chinoises ne sont néanmoins pas en reste quant à l’attention accordée aux
nouvelles productions et créations ; elles interviennent en soutien à l’opéra
chinois à différents niveaux.
D’une part, elles apportent un soutien financier à la création contemporaine,
via le Fonds national des arts de Chine (CNAF) dont l’objectif est
d’encourager le développement de l’opéra à travers tout le pays. Ce fonds a
financé en 2019 les créations ou les productions d’une vingtaine d’œuvres
lyriques ; certaines reçoivent directement le soutien du Département
idéologique et politique du ministère de l’Éducation et de la Direction des
Arts du ministère de la Culture et du Tourisme.
D’autre part, les autorités politiques encouragent les programmes de
recherches universitaires ou de formations musicales liés à l’opéra, toujours
via les financements du CNAF. Le 27 mai 2019, le projet « Recherches
pour mettre en lumière les défis importants de l’opéra chinois » a été
sélectionné pour intégrer le programme sciences humaines et sociales du
Département national de planification des sciences de l’art du Conservatoire
central de musique de Pékin. De même, le 8 juillet un programme conçu
pour donner en Chine une impulsion nouvelle à l’émulation entre recherche
et composition, ainsi qu’au développement de l’analyse critique opératique,
a été inauguré. Il bénéficie, lui aussi, du soutien du CNAF. Trente étudiants
chinois ont été sélectionnés pour suivre ce programme de recherche, dont
l’objectif est l’échange d’idées et d’expertise sur la théorie de l’opéra,
favoriser les échanges entre composition et recherche afin d’introduire une
nouvelle dynamique autour de la théorie et la critique des opéras en Chine.
Deux jours plus tard, le département des Arts du ministère de la Culture et
du Tourisme a publié la liste des œuvres lyriques qui devaient être
directement subventionnées au cours de la saison137 : Three Locks, Tian
Han138, Red Boat139 et The Road.
De son côté, l’université de Pékin héberge en son sein un Institut de
recherche sur l’opéra qui constitue l’un des 21 départements de sciences
humaines et sociales de l’établissement pékinois140. Dans cette université,
l’une des plus prestigieuses du pays, la discipline de l’opéra y est étudiée au
même titre que le droit, le marxisme, l’économie, la sociologie, la
philosophie ou l’histoire. À la fin du mois de novembre 2019, l’université a
accueilli le 4e forum d’opéra sur le thème de l’opéra contemporain. Parmi
les sujets abordés par les universitaires figuraient la question des écoles
d’opéra en Chine, la relation entre l’opéra contemporain et l’avant-garde,
l’étude de la composition et de l’interprétation de l’opéra dans le monde…
Autre conférence, les 13 et 14 décembre, à l’université de Shandong. Sujets
traités : la diffusion de l’opéra chinois dans le monde, la composition
proprement dite d’un opéra, et l’avenir envisagé pour cet art.
Ces exemples répartis sur la seule année 2019 montrent que le thème
lyrique suscite un réel intérêt dans le milieu universitaire. Les recherches
abordent le sujet sous différents angles, tant sur le plan de la formation que
sur celui du rayonnement culturel.
La Chine, nouvelle puissance musicale ?
Entre la Chine qu’a visitée Alain Peyrefitte en 1971 et celle de Xi
Jinping, l’évolution est considérable. Le pays a connu d’importants progrès
économiques et une croissance démographique notable : la population a
augmenté de plus de 500 millions d’habitants (environ 1,4 milliard
d’habitants en 2019) ; l’espérance de vie s’est accrue en moyenne de 16
années (76 ans en 2018 contre 60 ans en 1971) ; le pourcentage de la
population vivant avec moins d’un dollar par jour s’est effondré (moins de
1 % en 2016 contre 66 % en 1990)141 ; le PIB (en dollars US constant 2010)
a bondi de 9 104 % entre 1960 et 2020142. Des progrès ont été aussi
accomplis dans le domaine de l’éducation avec un allongement de la durée
des études : le taux d’inscription aux études supérieures était de 54 % en
2019 contre moins de 1 % dans les années 1970143. Une classe moyenne a
émergé, et les Chinois ont eu un samedi libre sur deux à partir du 1er mai
1995, puis tous les samedis libres dès l’année suivante. Ce temps libre
profite au tourisme et au développement d’un véritable marché culturel.
À cet égard, la frénésie pour la musique classique – vue par certaines
familles comme le nec plus ultra de l’élitisme – se lit dans le succès des
écoles de musiques (11 500 écoles de musiques, soit une école pour 12 000
habitants en moyenne contre une pour 26 000 en France144), le
développement des conservatoires – qui s’ouvrent à différents répertoires
(musique contemporaine, musique de chambre, etc.) –, et dans celui des
grands ensembles orchestraux (plus de 70 orchestres professionnels). Ces
chiffres illustrent l’intérêt que portent les Chinois au répertoire de la
musique classique, mais surtout du désir des autorités à accéder au marché
compétitif de la culture… y compris dans des répertoires parfois inattendus,
comme la musique baroque.
En effet, ce répertoire a aujourd’hui la cote en Chine au point de susciter un
réel marché. Zhu Jing, directrice artistique de l’Auditorium de la Cité
interdite, souligne par exemple que l’engouement pour la musique baroque
est l’un des phénomènes les plus remarquables de ces dix dernières années
en Chine : « Sa vigueur rythmique, la vitalité de ses mélodies séduisent, et
dans un pays où le chant lyrique fleurit, sa virtuosité souvent mélismatique
trouve des échos peut-être plus profonds avec notre propre répertoire vocal
que l’épanchement romantique. Le registre de contre-ténor exerce une
véritable fascination. Les images d’Épinal de l’Europe du Grand Siècle et
des Lumières y participent bien sûr, en particulier celle de Versailles »145.
Cet engouement en Chine constitue évidemment une stimulation à
l’exportation pour les groupes de musique baroque français.
Pour renforcer ses relations économiques avec des pays étrangers, la Chine
n’hésite pas à jouer de la fibre culturelle. Pour accompagner cette stratégie,
le pays peut compter sur la force de frappe du grand marchand d’arme
China Poly Group qui gère des équipements de salles de concerts ou
d’opéras.
Pour obtenir des marchés, l’entreprise chinoise doit investir dans des projets
d’intérêt général146. Il apporte par exemple son aide à de prestigieux
orchestres nationaux, comme le China Philharmonic Orchestra. Ce dernier a
joué à Vancouver le 30 novembre 2016 au Centre Chan pour les arts de la
scène, pour commémorer l’ouverture du siège social et de la galerie d’art
phare de Poly Culture Group en Amérique du Nord. L’orchestre fait office
ici d’ambassadeur culturel au service d’intérêts économiques et financiers.
Et cette diplomatie économico-culturelle semble plutôt bien reçue par les
autorités canadiennes, si l’on en croit les déclarations à l’époque du premier
ministre de la Colombie-Britannique Christy Clark : « Je ne peux pas
penser à un meilleur moyen de célébrer l’inauguration du siège social de
Poly Culture en Amérique du Nord, à Vancouver, qu’en faisant venir le
China Philharmonic Orchestra de renommée mondiale. L’investissement de
Poly Culture Group en Colombie-Britannique n’est pas simplement des
bureaux, mais un nouveau moyen d’échange culturel qui créera des
emplois, ajoutera à notre scène artistique multiculturelle déjà riche et
renforcera notre solide relation culturelle et commerciale avec la
Chine »147.
Poly Culture Group n’est pas le seul au monde à jouer sur ce tableau :
l’entreprise française Total (nouvellement rebaptisée TotalEnergies), pour
ne citer qu’elle, qui développe plusieurs projets énergétiques en Russie
depuis 1991, est l’un des nombreux sponsors du Théâtre Mariinsky à Saint
Pétersbourg.
Quelles relations entre la Chine et la France ?
Les contacts sur le plan culturel entre la France et la Chine sont anciens
et remontent en partie aux missionnaires jésuites par l’enseignement du
français. La France mène une politique volontariste dans cette région à
partir des années 1910, dans un contexte par ailleurs favorable aux intérêts
économiques français, en particulier à Shanghai (50 % du commerce
extérieur chinois, 30 à 40 % des marchandises importées et exportées y
transitent)148.
La pénétration culturelle française se fait sentir dans les domaines du
théâtre, du livre, du cinéma et de l’enseignement de la langue. La présence
de l’Alliance française à Shanghai joue en cela un rôle important de
diffusion auprès des publics locaux, toujours soucieuse de développer et
maintenir en Chine le prestige de la culture française « pour le plus grand
profit de notre influence nationale »149. Le Service des Œuvres Françaises à
l’Étranger (SOFE), créé en 1920 et rattaché au ministère des Affaires
étrangères, voyait ses missions ainsi définies : « Nos lettres, nos arts, notre
civilisation intellectuelle, nos idées ont exercé de tout temps un puissant
attrait sur les nations étrangères. Nos universités et nos écoles à l’étranger
sont de véritables foyers de propagande en faveur de la France, elles
constituent une arme aux mains de nos pouvoirs publics. C’est pourquoi le
ministère des Affaires étrangères et ses agents de l’extérieur doivent diriger
et contrôler les initiatives, inspirer et favoriser à tout prix la pénétration
intellectuelle française, avec la conviction qu’elle est l’une des formes les
plus efficaces de notre action à l’étranger, qu’elle est à l’égard des
différentes nations, l’un des moyens les plus riches en ressources et les
moins discutables de notre politique extérieure »150. La présence des
missionnaires en Chine touche à sa fin lors de la prise du pouvoir par les
communistes, les derniers jésuites quittent le pays en juillet 1951 marquant
ainsi momentanément la fin de toute influence française dans les
établissements supérieurs chinois151.
Les relations culturelles franco-chinoises retrouvent un certain dynamisme
sous la présidence de Charles de Gaulle, où la France mène en ce domaine
une politique active. À partir de 1964, les deux puissances mettent en œuvre
un plan d’échanges pluriannuels : scientifiques, universitaires et culturels.
Globalement, les réalisations sont « honorables mais limitées dans le
temps »152, marquées à la fois par la fascination et une certaine prudence.
Le lancement de la Révolution culturelle par les autorités chinoises à partir
de 1966 gèle les coopérations, mais les canaux de communications ne sont
pas interrompus153.
Dans le mouvement des réformes économiques entreprises par Deng
Xiaoping au début des années 1980, la France et la Chine réactivent une
coopération culturelle ponctuelle. En 1981, la France exporte en Chine
l’opéra Carmen ; une équipe française menée par le chef d’orchestre Jean
Périsson, la soprano Jacqueline Brumaire et le metteur en scène René
Terrasson, fait le déplacement jusqu’en Chine pour conseiller les
interprètes. L’année suivante, l’opéra de George Bizet, traduit en chinois,
fait l’objet d’un enregistrement commercialisé154. En 1996, la France et la
Chine programment conjointement Faust de Charles Gounod155.
Au fil de ans, artistes français et chinois ont appris à mieux se connaître, à
l’occasion de festivals ou de concours, comme Presences China qui
souhaite promouvoir « les échanges culturels et artistiques entre la Chine et
d’autres pays » selon son fondateur et directeur Qigang Chen156. En 2006,
la lettre d’invitation nominative envoyée à chacun des huit compositeurs
français précisait : « Pour faciliter votre composition, il est nécessaire que
vous possédiez une compréhension profonde, complète et détaillée des
instruments traditionnels chinois »157. À cette fin, les artistes ont été
familiarisés avec certains de ces instruments et autres mélodies populaires,
en vue de les intégrer dans leur composition finale.
En 1995, le Conseil économique et social publiait un rapport sur « Les
relations franco-chinoises », selon lequel la priorité sur le plan culturel
devait être donnée à trois domaines artistiques en particulier : le chant, la
chorégraphie contemporaine et la mise en scène. En dépit de ce souhait, et
nonobstant des initiatives ponctuelles, les programmes de coopération se
font relativement discrets158.
Selon Emmanuel Hondré, directeur du département concerts de la
Philharmonie de Paris, la compréhension mutuelle entre les deux cultures
« ne va pas de soi », au risque d’accumuler les malentendus : « Ce que les
Chinois souhaitent le plus nous envoyer, à savoir leurs orchestres et le
répertoire nouveau écrit pour eux, a peu de chances d’intéresser les
programmateurs occidentaux. On les juge encore inférieurs aux nôtres,
donc on les invite pour des raisons politiques et économiques, mais sans
désir (…) »159. L’incompréhension mutuelle que peuvent rencontrer des
équipes françaises et chinoises lorsqu’elles sont amenées à travailler sur des
projets communs peut-être illustrée par l’exemple suivant d’un opéra
avorté.
Au début des années 2010, en prévision du 50e anniversaire de la
reconnaissance de la République populaire de Chine par la France en 1964,
l’Opéra de Macau commanda un opéra à la compositrice française Graciane
Finzi. Terminée en 2013, l’œuvre aurait dû être créée l’année suivante mais
n’a finalement jamais vu le jour.
Le texte du livret, écrit en chinois, s’inspire du roman Jing Ping Mei
(« Fleur en Fiole d’Or »)160. L’œuvre écrite il y a environ quatre siècles, et
dont on ignore à ce jour l’auteur exact, est un roman d’inspiration
naturaliste qui met en scène la vie du riche marchand Ximen Qing qui
possède plusieurs femmes.
L’œuvre a déjà été censurée dans le passé car jugée pornographique, mais
certains traducteurs ou critiques littéraires remettent en cause cette
appréciation. Il s’agirait ni plus ni moins, pour Lu Xun, d’un des « plus
célèbres romans de mœurs » de la dynastie Ming et une sévère
« condamnation de toute la classe dirigeante » ; une vision morale
intransigeante selon le sinologue David Tod Roy, traducteur de l’œuvre en
anglais161.
Les raisons qui ont conduit à ce que cet opéra ne soit jamais donné à l’opéra
de Macau ne sont pas claires à ce jour162. L’institution de la ville aurait-elle
préféré un spectacle plus « populaire », comme une comédie musicale ? Ce
genre rencontre, comme la musique baroque, un succès grandissant en
Chine. Alors que la compositrice Graciane Finzi n’était soumise à aucune
contrainte artistique, l’œuvre a-t-elle déplu aux autorités politiques ? Sera-t-
elle remise à l’ordre du jour pour les 60 ans de la reconnaissance de la
Chine par la France en 2024 ? Cela pourrait être un message politique, mais
la période est-elle propice, à l’heure où les différents entre les pays
occidentaux et la Chine s’accumulent ? L’idée que les Européens se font de
l’opéra ne correspond pas nécessairement aux aspirations esthétiques des
Chinois. D’aucuns observent même aujourd’hui dans l’empire du Milieu un
retour en force de l’opéra propagande.
Pour autant, le succès en Chine de certains répertoires musicaux européens
pourrait permettre d’envisager autrement les relations et les échanges entre
ce pays et la France. Les comédies musicales françaises rencontrent en effet
une audience auprès d’un public désireux, dans le cadre d’une formation
pédagogique, de se familiariser avec la langue de Molière. Ce constat nous
amène à penser que le répertoire lyrique doit aussi être envisagé comme un
formidable vecteur de rayonnement de la langue française.
La Chine et son environnement immédiat : le Japon et la Corée du Sud
Comme la Chine, le Japon possède une très ancienne culture théâtrale et
musicale. Pour la première, elle puise ses origines dans les danses et autres
mimes d’origine chamanique (Kagura, danses d’invocation aux kamis).
Cette tradition se tourne au début du XVIIe siècle vers un théâtre de
marionnettes et de danses dites fūryū, qui évoluent plus tard vers le Kabuki
(théâtre japonais qui alterne parties chantées et dansées). L’influence
occidentale à l’époque de l’ère Meiji oriente le théâtre japonais vers un
réalisme plus prononcé : le Shingeki, par exemple, est une forme de théâtre
moderne de style occidental qui, s’inspirant de pièces occidentales, investit
le champ de la critique sociale163.
D’un point de vue musical, l’Empire du soleil levant possède une longue
histoire de traditions populaires et d’influences extérieures. Ces dernières
viennent de la Chine et de Corée sous les époques d’Asuka (VIe –
VIIIe siècle ap. J.-C.), Nara (VIIIe siècle) et Heian (VIIIe – XIIe siècle). À la
fin du XIXe siècle, la découverte du répertoire occidental et l’idéologie
impériale, qui tend à légitimer le Gagaku comme musique originelle du
Japon, influencent la destinée musicale de l’archipel164.
Dans l’histoire des relations entre la Chine et le Japon au XXe siècle, les
échanges culturels ont parfois joué un rôle politique, en particulier à
l’époque de Mao avec la diplomatie de l’Opéra de Pékin (Peking Opera
Diplomacy) et celui du Matsuyama Ballet165. En 1956, par exemple, Zhou
Enlai, premier ministre de la République populaire de Chine, persuade le
chanteur Mei Lanfang de l’Opéra de Pékin d’accompagner une délégation
culturelle cette année-là ; Mr Lanfang représentant alors en quelque sorte un
symbole puisque l’artiste avait refusé de chanter durant la guerre pour les
autorités japonaises. Zhou Enlai convainc Mei Lanfang de faire un geste de
réconciliation entre les deux pays, les Japonais ayant été eux aussi à certains
égards victimes. La troupe de l’Opéra de Pékin donnera finalement une
trentaine de représentations à travers une douzaine de villes japonaises : le
succès est au rendez-vous.
En retour, les membres du Matsuyama Ballet, l’une des troupes de ballet les
plus célèbres du Japon, ont été les hôtes réguliers de Mao, comme en 1958
pour les représentations de The White-Haired Girl (La fille aux cheveux
blancs) du compositeur Yan Jinxuan. En 2008, le diplomate chinois Tang
Jiaxuan déclarait que cette « diplomatie du ballet » avec le Japon avait été
aussi importante que la diplomatie du ping-pong avec les États-Unis – en
référence aux échanges de joueurs de ping-pong entre les États-Unis et la
Chine dans les années 1970 –, qui ouvrirent la voie à un rapprochement
diplomatique entre les deux superpuissances au cours de cette décennie166.
Si la musique classique rencontre un très grand succès à l’intérieur des
frontières, l’opéra, en revanche, s’est relativement peu développé. Le soft
power japonais est essentiellement marqué par ce que l’on appelle la
« culture populaire » japonaise. C’est un soft power très dynamique sur le
plan économique, représenté par la culture populaire baptisée « bunka
power » (pouvoir culturel) par les médias de l’archipel ; le Japon est devenu
en vingt ans le deuxième exportateur mondial de biens culturels derrière les
États-Unis. En 2003, les « industries de contenu » (content industry)
représentaient 2 % de son PIB et 10 % de la production mondiale167 ! Mais
pour l’instant, le manga japonais a eu davantage de succès que l’opéra.
La trajectoire de la Corée du Sud est à peu de choses près la même que celle
du Japon : la K-Pop (Korean pop music) connait un véritable succès au
niveau national et international depuis le début des années 2000 ; les médias
chinois parlent même de « vague coréenne » (Hallyu). En 2007, la balance
commerciale sud-coréenne est devenue excédentaire dans le domaine des
biens culturels ; les trois principaux marchés d’exportation sont le Japon, la
Chine et l’Asie du Sud-Est.
Plusieurs institutions nationales ont pour objectif d’approfondir les
échanges culturels entre la Corée du Sud et les pays étrangers : la Korea
Foundation for International Culture Exchange, la Korea Tourism
Organization et la Korea Content Agency. Cette dernière a pour mission de
mettre en valeur tous les contenus coréens liés au monde de la culture, des
jeux vidéo aux programmes télévisés. Les autorités souhaiteraient hisser la
Corée du Sud parmi les cinq fournisseurs de contenus les plus importants au
niveau mondial168.
Dans ce contexte, l’opéra n’est pas absent de la scène coréenne : l’exemple
du Festival de l’Opéra de Corée est à l’image de cette tendance du
développement de l’art lyrique en Asie. Créé en 2010, et regroupant six
compagnies nationales d’opéra, le festival se donne pour mission de
présenter aux spectateurs coréens un large éventail d’œuvres lyriques du
répertoire national et européen. Et, comme en Chine, certaines œuvres
combinent des influences occidentales et orientales. Ainsi l’opéra Lutgarda,
présenté lors de l’édition 2014, qui évoque l’histoire de la persécution de
chrétiens en Corée au XVIIIe siècle, intègre dans sa composition des
techniques du chant européen et du chant narratif traditionnel coréen. En
septembre 2020, le festival devait présenter en avant-première mondiale
l’opéra Red Shoes de Yi Eun Shum. Le compositeur coréen, qui s’inspire du
conte Les Souliers Rouges de Hans Christian Andersen, questionne ici
« l’oppression de la société collectiviste, une société qui oblige chacun à se
conformer aux normes du groupe tout en refusant l’originalité et les besoins
individuels »169. En dix ans, la manifestation a présenté plus de 40
productions, soit 200 représentations en tout qui ont touché 250 000
spectateurs170.
Dans une autre aire géographique, les États du Golfe semblent afficher eux
aussi de grandes ambitions dans le domaine lyrique. Mais à la différence de
la Chine, ces puissances arabes n’ont aucun patrimoine lyrique à leur actif.
Les projets lyriques récents s’inscrivent dans le sillage de politiques
culturelles balbutiantes où émergent plusieurs enjeux, bien au-delà de
l’opéra.
D. LES ÉTATS ARABES DU GOLFE
Les pays du Golfe se sont distingués ces dernières années par
l’inauguration en grande pompe de nouvelles institutions culturelles. La
pénétration fulgurante de l’art lyrique dans la péninsule arabique est un
phénomène d’autant plus intéressant qu’elle est l’une des dernières régions
au monde où l’opéra n’avait jusqu’à présent jamais essaimé. Les enjeux
musicaux ont pris une certaine importance dans la visibilité culturelle et
identitaire de ces États. Ils viennent aussi en appui d’investissements
économiques, financiers et politiques dans lesquels s’engagent les régimes
monarchiques de la région.

1. Oman
Le sultanat d’Oman est le premier à avoir implanté l’art lyrique au
Moyen-Orient. Le sultan Qabus, grand amateur d’art et de musique
classique (il était organiste et luthiste) initia en 1985 la création d’un
orchestre symphonique, puis, en 2001, la création d’un opéra dont la
construction s’est achevée dix ans plus tard. Signe distinctif : l’Opéra royal
de Mascate (ROHM, Royal Opera House Muscat) possède un orgue
immense de facture allemande (plus de 4500 tuyaux). L’architecture
fastueuse du bâtiment omanais de style contemporain a des allures de palais
de Maharadja ; la blancheur rayonnante de ses murs extérieurs contraste
avec les matériaux en bois et les couleurs dorées utilisés à l’intérieur de la
salle de spectacle.
Ces dernières années, le ROHM a attiré près de 180 000 visiteurs annuels.
Après 36 productions différentes présentées en l’espace de six ans, le
ROHM peut se targuer d’un taux de remplissage de 94 % sur la saison
2016-2017 (un peu plus de 65 % pour le Met Opera de New York la saison
précédente) ; les nationaux ne représentent cependant que 20 % du public.
Outre la salle de spectacle, l’institution lyrique abrite un centre commercial
de luxe, sept restaurants, 20 000 m2 d’expositions sur les liens entre
musique et opéra, et une bibliothèque musicale. À l’arrière, un théâtre de
540 places a vu le jour dernièrement ; destiné à la musique baroque, à la
musique de chambre et à la musique arabe, le lieu a aussi pour vocation de
devenir un centre de formation vocale et instrumentale171.
Comme les autres pays de la région, le sultanat d’Oman veut se positionner
comme un carrefour dans le domaine de la culture en mettant en avant le
patrimoine historique du pays, à l’instar de ses musées. Le ministère du
Patrimoine et de la Culture joue un rôle important dans le processus de
construction d’un récit national. Selon Marc Valeri, directeur du Centre
d’études sur le golfe Persique à l’université d’Exeter, le ministère « va ainsi
chercher à s’approprier tous les supports de la mémoire nationale ou locale
– qu’ils soient écrits, oraux, humains, etc. – pour en devenir le seul
détenteur sur le plan national et, en retour, pouvoir s’ériger en l’unique
source fondée à dispenser la vérité historique de l’Oman
contemporain »172. Cette politique s’applique notamment dans le domaine
musical, où les autorités essayent de mettre en place une immense base de
données avec les milliers d’heures de chants et de danses folkloriques
appartenant à l’histoire populaire du pays173.
L’inauguration de l’opéra royal a été pensée comme un centre d’excellence
permettant un meilleur dialogue des cultures. Plusieurs manifestations
existent déjà : des festivals, comme le « festival du patrimoine », insistent
sur le folklore national (danses paysannes, chants poétiques, etc.). « L’idée
sous-jacente, explique Marc Valeri, est qu’il n’y a pas de mouvement
artistique omanais moderne, mais seulement des variantes d’un même cœur
immuable et constitutif de l’âme nationale »174/175.
Pour la première fois de son existence, le RHOM a proposé en mars 2019 sa
propre production lyrique, entièrement conçue à Oman : Lakmé du
compositeur français Léo Delibes, mis en scène par Davide Livermore. Ce
joyau du répertoire français n’a probablement pas été choisi au hasard : le
sujet, fortement empreint d’exotisme, évoque les rapports entre hindous et
la puissance colonisatrice britannique. Dans un pays où 80 % de la
population non omanaise est composée d’Indiens et de Pakistanais176, le
thème du « choc des cultures » trouve également une certaine résonnance
pour le sultanat, très investi ces dernières années dans la résolution des
conflits régionaux.
Comme d’autres institutions lyriques, le RHOM s’engage petit à petit dans
une politique de coopération avec d’autres pays. Fin 2019, il a présenté, en
partenariat avec l’Opéra de Lyon, L’Enfant et les sortilèges de Maurice
Ravel. Cette année marqua aussi l’inauguration, sur la scène nationale, du
premier opéra en langue arabe Antar wa Abla, initialement créé au Liban.
Signe du désir d’Oman de faire sienne cette culture lyrique ?

2. Émirats arabes unis


Les Émirats arabes unis (EAU), précédemment rattachés au Royaume-
Uni, ont acquis leur indépendance en décembre 1971. Ce pays, situé
géographiquement entre Oman et le Qatar, fête son quarantième
anniversaire en 2021. En quatre décennies, l’évolution de l’émirat est
impressionnante. Basé sur le modèle du libre-échange, le système de
développement économique du pays est pleinement inséré dans la
mondialisation177.
La ville de Dubaï, capitale d’un des sept émirats des EAU (3 900 km2, 9 %
du territoire des EAU), compte aujourd’hui 2,8 millions d’habitants (1 200
hab. en 1822). Située sur la côte, en face du Golfe Persique, la cité portuaire
répond à toutes les caractéristiques de ce que l’on peut appeler une « ville
globale » ; elle polarise à la fois le capital humain, économique et financier.
Selon la géographe française Cynthia Ghorra-Gobin, l’expression « ville
monde » fait référence au patrimoine d’une ville et à son rayonnement
mondial178. Si les EAU ne possèdent pas encore un patrimoine culturel
aussi important que d’autres pays, l’ambition politique de ses dirigeants ne
fait cependant aucun doute. Cheikh Zayed, fondateur des EAU, déclarait
lors de son discours de la fête nationale en 2004 : « Nous allons continuer à
absorber et acquérir tous les développements modernes techniques,
économiques et culturels venus de l’étranger (…) ». Cette appropriation des
techniques et du savoir-faire étranger se retrouvent dans plusieurs
domaines : commerce, finance, bâtiment, divertissement179.
Le nouvel Opéra de Dubaï est à cet égard un véritable marqueur
architectural du discours de Cheikh Zayed ; il inscrit la ville dans un
processus de rayonnement artistique. Lors de son inauguration, le directeur
de l’Institution, Jasper Hope, ancien responsable du prestigieux Royal
Albert Hall de Londres, a salué une nouvelle étape dans l’émergence de
Dubaï en tant que ville de classe mondiale180. Pour Tala Badri, directrice du
Centre des arts musicaux, Dubaï a l’ambition d’être « l’une des meilleures
villes du monde »181. À évènement exceptionnel, invité prestigieux : le
célèbre ténor espagnol Placido Domingo était l’invité d’honneur du concert
inaugural.
L’inauguration de cet opéra – une première aux EAU – vise, d’une part, à
mettre en valeur l’histoire patrimoniale du pays, en articulant au mieux les
racines locales et la préservation d’une identité régionale182. D’autre part,
cet évènement peut se lire comme la volonté du pouvoir émirati de créer un
véritable secteur du patrimoine culturel de premier plan au niveau régional,
voire mondial183.
La construction de l’opéra va d’ailleurs de pair avec la douzaine de musées
et de galeries qui ont ouvert leurs portes dans le pays depuis le début des
années 2000. Le ministère émirati de la Culture annonce sur son site
internet vouloir offrir à ses résidents et touristes « une expérience culturelle
unique », en faisant de l’émirat une « destination culturelle durable »184. Le
tourisme représente environ 12 % du PIB185. C’est plus qu’en France (7 %),
en Chine (11 %) ou aux États-Unis (environ 2 %).
Cette « réinvention de l’héritage (ihya’ al turath) »186 des EAU trouve un
certain accomplissement au travers de l’architecture. De même que les
nombreux gratte-ciels rappellent, et symbolisent, la puissance économique
et financière des États-Unis, le nouvel opéra de Dubaï en forme de coque de
navire, conçu par l’architecte Janus Rostock, représente le passé maritime
du pays symbolisé par les bateaux en bois traditionnels de la péninsule
arabique. Ce thème nautique est développé sous différents aspects à
l’intérieur du bâtiment, comme dans la salle de spectacle qui peut accueillir
jusqu’à 2 000 spectateurs. À l’instar de l’Opéra de Dubaï, d’autres
bâtiments de la ville mettent en valeur, et à l’honneur, l’histoire et le passé
maritime des Émirats arabes unis, comme la tour-voile Burj al-Arab.
Le nouvel opéra fait partie de ces lieux prestigieux sur lesquels compte
s’appuyer le pouvoir émirien pour amplifier le tourisme. Il constitue donc
une formidable marque touristique pour la ville : Dubaï a accueilli
15 millions de visiteurs en 2016, et la barre des 20 millions en 2020 devait
être atteinte, selon les autorités, lors de la prochaine exposition universelle
(annulée et reportée en 2021/2022 en raison de la pandémie de
coronavirus)187. Cette « mise en tourisme de la ville (…) participe au
fonctionnement et à la fabrication de la ville mondiale car elle est une
priorité du gouvernement dans le cadre de la diversification de son
économie » écrit Laure Semple, doctorante en géographie188.
Mais l’Opéra de Dubaï n’est pas qu’une salle d’art lyrique. Il constitue plus
globalement le premier grand pôle des arts du spectacle aux EAU. De fait,
cet immense complexe dispose désormais d’importants moyens permettant
de créer et d’accueillir des spectacles tout au long de l’année. Les arts de la
scène ont désormais un lieu attitré et visible, au cœur du poumon
économique de la ville, dans l’une des dix métropoles les plus visitées au
monde et dans la deuxième économie du Golfe derrière l’Arabie Saoudite.
Après avoir construit un important parc d’infrastructures publiques depuis
les années 1970 (ports, aéroports, centres commerciaux, etc.), les autorités
souhaitent rendre visibles des lieux de culture.
Outre la mise en valeur de leur propre identité nationale, les EAU cherchent
aussi une visibilité culturelle mondiale. Depuis la création en 2006 de
l’ADACH (Abu Dhabi Authority for Culture & Heritage), plusieurs rendez-
vous ont eu lieu, dont des concerts de musique classique. Alexis Normand,
ancien conseiller en politique publique dans le Golfe, observe à cette
occasion que « la promotion de la culture arabe ne consiste plus seulement
à promouvoir les créations des Arabes, en arabe, mais les manifestations
d’une culture mondialisée produite dans le monde arabe, sur le modèle des
grandes métropoles culturelles »189. En somme, il s’agit de produire une
culture mondialisée dans une ville devenue le symbole d’un « stade
nouveau du capitalisme » selon l’historien Mike Davis190.
Pourtant, cette politique volontariste d’appropriation du socle culturel
étranger, et plus particulièrement de la culture lyrique européenne, ne va de
soi ni pour certaines populations émiraties, ni pour les autorités étrangères :
des résistances identitaires locales se créent ici ou là pour valoriser
davantage l’héritage arabe et islamique191. La question des publics se pose
aussi. Pour le nouveau directeur de l’Opéra de Dubaï, s’il ne fait aucun
doute que c’est la communauté internationale de la ville qui s’annonce être
la majorité des spectateurs, les émiriens n’en demeurent pas moins une des
cibles principales : « Ils seront ravis de ne pas avoir à toujours prendre
l’avion pour écouter ce genre de musique »192. Du moins, pour ceux qui en
auront les moyens.
Si les Émirats arabes unis ne font pas partie des pays cibles de la diplomatie
française, la France est néanmoins de plus en plus présente dans ce pays sur
le terrain culturel. L’université Paris IV et le Louvre se sont engagés depuis
2007 dans des projets de partenariats avec les Émirats ; des initiatives à
l’époque diversement appréciées au sein du monde académique français qui
redoute une marchandisation excessive des œuvres d’art193.
En marge de l’accord intergouvernemental entre les EAU et la France, en
vue de la création du Louvre Abou Dhabi, une convention de mécénat a été
signée pour restaurer le Théâtre impérial de Fontainebleau, construit entre
1853 et 1856 à la demande de Napoléon III194. Pour effectuer les travaux,
qui se sont étalés sur six années, l’émirat y a contribué à hauteur de dix
millions d’euros. Rouvert au public à l’été 2019, le lieu est désormais
uniquement réservé aux visites guidées, et aucun spectacle n’est pour le
moment prévu. Toutefois, des représentations exceptionnelles pourraient
avoir lieu une fois les travaux définitivement terminés, et réservées le cas
échéant à une dizaine de privilégiés. Peut-être des membres de la famille ou
du gouvernement émirien ? Toujours est-il que le théâtre a été rebaptisé
Théâtre impérial Cheikh Khalifa bin Zayed Al Nahyane, en contrepartie de
ce riche mécénat195.
L’engouement des EAU pour les affaires culturelles, au niveau national et
international, doit aussi être analysé à l’aune des antagonismes
diplomatiques avec ses voisins régionaux. La culture est une formidable
caisse de résonance pour les monarchies du Golfe : elle leur permet de
soigner leur image en investissant dans des lieux prestigieux et symboliques
de l’histoire patrimoniale française, à l’instar du Qatar196.
Reste, en attendant, à définir la nature à long terme de la coopération
culturelle entre la France et les EAU. Le contexte de compétition politico-
économique dans lequel se sont engagées les monarchies pétrolières du
Golfe rend la situation d’autant plus imprévisible pour les puissances
occidentales197. La diplomatie d’influence, telle que la conçoit la France,
s’accorde-t-elle avec une politique patrimoniale émiratie, où l’image et le
symbole comptent autant sinon plus que le contenu ? Sous un certain angle,
explique William Guéraiche, professeur associé en sciences sociales à
l’université américaine de Dubaï, « l’installation de ces institutions aux
Émirats se comprend plus (côté français) comme la volonté agressive de
marquage (« branding ») d’Abou Dabi que comme un désir d’approfondir
les relations entre les deux pays amis »198.

3. Qatar
Dans cette mouvance régionale, le Qatar, lui aussi, développe à dessein le
secteur de la culture, et sa stratégie est peu ou prou la même que celle de ses
voisins arabes.
L’émirat, qui a l’intention depuis les années 1990 de devenir un pôle
culturel majeur, déploie sa politique culturelle dans deux directions : l’une
favorise la mise en lumière de la culture de tradition islamique, l’autre
soutient la création contemporaine, que ce soit dans le domaine du cinéma,
de la littérature ou de la musique199. Cette politique, qui tente de lier
traditions et modernité, découle à la fois d’une recherche de ce que devrait
être l’identité nationale de l’émirat, et d’une « entreprise de légitimation »,
menée par la famille royale, en direction de la communauté
internationale200/201.
Les musées jouent en cela un rôle particulier. L’acquisition, à prix d’or,
d’œuvres mondiales et la promotion des arts islamiques locaux par le Qatar
Museums Authority illustrent la stratégie de l’institution : s’ouvrir à
l’étranger tout en faisant rayonner sa propre culture religieuse. Le champ
des arts musicaux et scéniques s’inscrit dans la même démarche, ainsi que
l’illustre l’histoire de la fondation du Qatar Philharmonic Orchestra.
Sa création en 2007, encouragée par la Qatar Foundation présidée par
Sheikha Mozah, la femme de l’émir Al Thani père, a nécessité le
recrutement de 101 musiciens sur près de 3 000 candidatures reçues ; âgés
d’à peine une trentaine d’années, ils viennent tous de pays étrangers
(Allemagne, Corée du Sud, Hongrie, Russie, Égypte, Liban…) ; aucun n’est
natif du Qatar, ce qui en fait probablement l’orchestre le plus hétéroclite du
monde sur le plan ethnique. La phalange joue à l’Opéra de Doha (Katara
Opera House, 550 places), ou à l’amphithéâtre de Katara, de style gréco-
romain, inauguré en 2011. Comme à Dubaï, les autorités du Qatar ont invité
en 2008 et 2011, lors des concerts inauguraux de l’orchestre et de
l’amphithéâtre, les plus grandes stars : le chef d’orchestre Lorin Maazel, la
soprano roumaine Angela Gheorghiu et le ténor français Roberto Alagna.
L’enjeu pour cet orchestre, dans un premier temps, est de se constituer un
répertoire musical. En 2012, le compositeur libanais Marcel Khalifé, par
ailleurs membre du conseil d’administration de la phalange, expliquait :
« L’orchestre s’inscrit dans une double culture. J’écris ainsi des œuvres
mêlant des instruments traditionnels arabes, comme l’oud ou le rababa, à
l’orchestre symphonique occidental. Je me suis aussi intéressé aux
musiques traditionnelles du Qatar. Avant l’arrivée du gaz et du pétrole, le
pays comptait de nombreux pêcheurs, qui chantaient de magnifiques
mélodies »202.
Le Qatar compte investir le terrain culturel comme un levier politique :
l’année culturelle France-Qatar 2020 illustre la manière dont l’émirat soigne
le renforcement des liens diplomatiques et économiques avec la France203.
Il est intéressant de noter que cet évènement fut une initiative de l’émirat,
coordonnée par l’ambassadeur du Qatar à Paris Cheikh Ali bin Jassem Al
Thani, en collaboration avec plusieurs institutions dont la Qatar Museums
Authority, la Qatar Foundation et le Doha Film Institute204. L’Orchestre
philharmonique du Qatar inaugura les festivités le 10 janvier 2020 dans la
salle du Katara Opera House. Dirigé par le chef français Marc Piollet,
l’orchestre y joua des pièces du compositeur qatari Hamad Naama (Doha
Secrets Symphony), le concerto n°2 pour piano et orchestre de Camille
Saint-Saëns, avec la pianiste Lise de la Salle, et la Symphonie fantastique
d’Hector Berlioz. Pour le secrétaire général du ministère de l’Europe et des
Affaires étrangères, François Delattre, cette année culturelle France-Qatar
2020 constitue « une occasion exceptionnelle pour développer nos relations
dans de nouveaux champs de coopération » et fournit « une opportunité
privilégiée pour les publics français et qatariens de mieux découvrir la
richesse et la diversité de nos cultures respectives »205.
L’éducation (la première école primaire date de 1952) est incontournable
dans le développement du secteur de la culture au Qatar. Parallèlement aux
activités de l’orchestre, l’émirat a créé en 2011 un conservatoire – la Qatar
Music Academy, toujours parrainée par la Qatar Foundation – où les jeunes
qataris et des enfants d’expatriés sont formés aux rudiments de la
musique206. L’université s’est par ailleurs beaucoup développée durant le
règne de Hamad ben Khalifa Al Thani (1995 – 2013), avec le soutien des
États-Unis via le puissant think tank américain de la Rand Corporation207.
Pour rayonner sur le terrain de la recherche et de l’expertise académique, le
Qatar ambitionne d’attirer à lui des chercheurs et de développer des
expertises dans des domaines clés208. Cela sera-t-il le cas de la musique, en
collaboration avec des universités internationales ? Et quelles sont les
marges de manœuvre de la France ? Le Qatar souhaite-t-il construire une
véritable culture musicale nationale, ou ne s’agit-il que d’une politique de
« marketing mondial de positionnement »209 ?
Si l’on sent une réelle volonté de la part de l’État de développer le secteur
culturel, de tels évènements sont aussi une manière de redorer l’image du
pays. Afficher son ouverture sur l’art lyrique peut être vu comme une
tentative de paraître œuvrer pour le bien et le beau en faisant oublier
d’autres aspects plus dérangeants210/211.
Par ailleurs, une politique culturelle se construit sur le long terme et dans un
environnement sûr. À cet égard, la situation géopolitique est une autre
donnée à prendre en compte ; la position enclavée du pays dans une région
en tension ne joue pas en sa faveur en cas de conflit. En 2012, une
musicienne de l’Orchestre philharmonique du Qatar confiait : « On est prêt
à partir si un conflit éclate »212.

4. Bahreïn
Manama a inauguré le 12 novembre 2012, la même année de son élection
comme « capitale culturelle arabe » et « capitale touristique », son premier
opéra : le Théâtre national du Royaume de Bahreïn. L’institution, implantée
dans le quartier de la culture et construite par l’agence française
d’architecture AS Architecte-Studio, est doté d’une superficie de 12 000 m2
et d’une salle de 1001 places, nombre hautement symbolique en référence
aux légendaires contes des Mille et Une Nuits. C’est le troisième plus grand
théâtre du monde arabe, après celui du Caire et d’Oman.
Évoquant l’aspect architectural du bâtiment, le journal bahreïni
Alwatannews parla à l’occasion d’un « théâtre grec combinant détails
arabes bahreïnis et conception occidentale contemporaine et qui évoque, de
surcroît, l’héritage indien »213. Selon les journalistes, le théâtre « sera tel
un ambassadeur ; Bahreïn sera connue dans le monde entier »214. Le
ministère bahreïni de la Culture a proposé un partenariat avec le Festival
d’Aix en Provence. Ce dernier a signé en 2013 une convention de travail
entre ses équipes et celles du Théâtre national215.
Comme à Dubaï, les spectacles proposés sont essentiellement inspirés
d’œuvres européennes. Rares sont les œuvres musicales arabes (en
moyenne une par an) : un concert autour des œuvres du compositeur
libanais Elias Rahbani en 2014, le premier opéra libanais en langue arabe
Antar wa Abla en 2016 ; une composition de l’irakien Hussain Al-Adhamy
en 2017 ; une soirée autour de la comédie musicale A Tale from
Muharraq216, dans le cadre de la clôture des cérémonies de « Muharraq,
capitale de la culture islamique »217.

5. Arabie saoudite
L’Arabie saoudite, comme ses voisins régionaux, a investi ces dernières
années le terrain culturel. C’est une tendance relativement récente dans un
pays qui a construit son histoire et sa richesse à partir de l’exploitation des
gisements de pétrole. Mais à partir des années 1970, plusieurs évènements
bouleversent la donne : la prise de La Mecque en 1979 par un groupe
dissident religieux, la baisse des prix du pétrole dans les années 1980,
l’explosion démographique, puis la guerre du Golfe en 1991 et les attentats
de septembre 2001. Cette période est l’occasion pour le pouvoir
monarchique de s’interroger sur son identité nationale et l’image qu’il
souhaite véhiculer à l’extérieur de ses frontières.
En effet, le caractère tribal de la société saoudienne a toujours été rejeté au
profit d’une conscience unificatrice centralisée, fortement liée à la famille
Al Saoud. « Si l’État saoudien a su s’imposer comme entité centrale
dominante, ses liens avec la société et l’histoire sont plus complexes. La
bonne fortune liée à l’industrie pétrolière (…) a encouragé la création d’un
récit national sur mesure pour légitimer le rôle historique joué par la
famille royale »218, explique la politologue Fatiha Dazi-Héni. Ce récit
national de l’autorité dynastique tend aujourd’hui à être rééquilibré par
plusieurs initiatives culturelles.
La création du festival de la Jenadriyah marque un premier tournant. La
promotion du folklore culturel local du Najd (danse du sabre traditionnelle
et lecture de poésies bédouines en dialecte najdi) participe de la volonté de
faire de la culture najdie un premier marqueur de l’identité nationale, qui
n’est donc plus constituée exclusivement du référent islamique219.
L’ouverture en 1999 d’un musée national, où différentes cultures locales y
sont présentées, constitue une deuxième étape importante quant aux liens
qu’entretient l’État Saoudien avec sa propre histoire.
Le contexte international au début des années 2000, marqué par l’attentat
contre le World Trade Center, dont la plupart des pirates de l’air venaient
d’Arabie saoudite, renforce la conviction des autorités de promouvoir une
politique étrangère marquée par une ouverture culturelle220.
L’Arabie saoudite tente en effet de restaurer et promouvoir son patrimoine
culturel via l’activité touristique. Pour ce faire, le pays s’appuie
principalement sur la Commission suprême pour le tourisme (CST),
longtemps dirigée par le deuxième fils du roi Salman bin Abdelaziz, Sultan
bin Salman, astronaute et ancien pilote de la Force aérienne royale
saoudienne. Depuis 2000, cet organisme a mis en place des programmes de
valorisation de sites archéologiques (Hifra, a’Ulâ…), parfois antérieurs à la
période islamique, et de villes historiques comme Madâ’in Salih et Djeddah
(un des ports principaux de la mer Rouge). Ces deux villes ont été classées
au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2008 et 2014. La question de
l’identité et la défense du patrimoine culturel induisent par ailleurs une
redynamisation de la langue arabe, notamment à travers des concours de
poésie221.
Développement de la vie culturelle
Une réflexion au plus haut sommet de l’État est en cours pour organiser
et dynamiser la vie culturelle saoudienne, qui se produit actuellement
essentiellement dans un cadre privé. La création en juin 2018 d’un poste de
ministre de la Culture, occupé par l’homme d’affaires Badr ben Abdullah
ben Mohammed ben Farhan Al Saud, en est le signe le plus concret.
En 2016, un an après avoir été nommé prince héritier d’Arabie saoudite,
Mohammed ben Salmane, également président du conseil des affaires
économiques et du développement d’Arabie saoudite, présentait son projet
« Vision 2030 ». Ce plan, qualifié d’« ambitieux mais réalisable » par le
prince héritier lui-même, vise à ancrer de plain-pied le pays dans la
mondialisation et la modernisation.
Par ces initiatives, le pouvoir tente aussi de desserrer la contrainte
religieuse. L’annonce de l’ouverture prochaine d’un théâtre (le festival des
Troupes de théâtre a été relancé en 2015222), de salles de cinéma, de
galeries d’art est la preuve de la volonté des autorités de « sortir le pays de
son enfermement doctrinaire wahhabite », en prenant soin de valoriser
l’héritage des Al Saoud223.
Les initiatives se déclinent aussi au niveau international, par la signature
d’accords bilatéraux avec de prestigieux théâtres lyriques européens. La
Scala de Milan a annoncé en mars 2019 l’ouverture d’un conservatoire de
musique à Ryad. L’accord de projet entre l’institution lyrique italienne et
l’Arabie saoudite a été négocié par le ministre saoudien de la Culture. Le
conservatoire, dont la date d’ouverture n’a pas encore été communiquée,
accueillerait environ 600 élèves âgés de six à dix ans, et des cours de chant
seraient dispensés par des professeurs issus de l’Académie de la Scala224.
De son côté, l’ex-ministre française de la Culture Françoise Nyssen
annonçait en avril 2018 la signature d’un accord entre le royaume saoudien
et l’Opéra de Paris. Selon Jean-Philippe Thiellay, à l’époque directeur
adjoint de l’Opéra de Paris, cet accord consisterait dans un premier temps à
faire un « audit de ce qui existe en termes de musique et d’enseignement
musical dans le but de créer un orchestre symphonique et lyrique »225. Cela
fait suite à l’annonce par les autorités saoudiennes, en février de la même
année, d’un vaste plan d’investissement dans la culture et le divertissement
de 64 milliards de dollars sur dix ans226.
Les relations culturelles entre la France et l’Arabie saoudite n’ont jamais été
très développées, malgré les débuts prometteurs dans les années 1960, où
l’enseignement public saoudien proposait à ses étudiants des cours de
langue française. Mais depuis la signature du pacte du Quincy227, l’Arabie
saoudite a toujours été culturellement plus proche des États-Unis. Le
diplomate saoudien Faisal Almejfel relève d’ailleurs qu’il est « très
étonnant de noter l’absence de la France dans le grand élan saoudien
d’ouverture culturelle. Riyad a, en effet, misé considérablement sur le
développement de l’éducation et de l’enseignement et sur la promotion des
dialogues interculturels et interreligieux, au point de leur consacrer de 20 à
25 % de son budget entre 2003 et 2007. Hormis la France, la plupart des
alliés de l’Arabie Saoudite a pris une part active dans la nouvelle politique
saoudienne, dont il faut dire qu’elle n’est pas sans servir leurs propres
intérêts, les États-Unis en premier lieu, puis la Grande-Bretagne et, dans
une moindre mesure, le Canada et l’Australie, voire la Chine, la Malaisie et
l’Inde »228.
Mais les initiatives des deux théâtres lyriques européens ne sont pas sans
poser quelques problèmes. L’accord entre l’Opéra de Paris et Ryad serait
pour l’instant en attente. La situation des droits de l’homme, régulièrement
dénoncées par les ONG, l’assassinat du journaliste saoudien Jamal
Khashoggi au consulat de son pays en Turquie en 2018, et la guerre que
mène l’Arabie saoudite au Yémen depuis 2014, qui a déjà fait des dizaines
de milliers de morts, ne coïncident pas vraiment avec les valeurs de liberté
et d’humanisme véhiculées par l’art lyrique européen. De même, la Scala a
dû reculer après la polémique suscitée par l’annonce du financement de la
célèbre institution italienne par l’Arabie saoudite et l’entrée au conseil
d’administration de son ministre de la Culture. Pour La Lettre du Musicien,
« les artistes doivent aujourd’hui se mobiliser pour que les opéras
occidentaux ne deviennent pas le cheval de Troie de l’un des pires régimes
du monde en matière de droits de l’homme, qui, en 2019, continue à lapider
les femmes »229.
Malgré ces polémiques, la possibilité de construction d’un opéra à Djeddah
constituerait une première. S’il est un jour confirmé, le choix de cette ville
ne relèverait pas du hasard. Stratégiquement située sur la route de l’encens
et du café, sur la côte ouest au bord de la mer Rouge, cette cité a toujours
été historiquement tournée vers l’extérieur.
Ancienne capitale diplomatique jusqu’au mitan des années 1980, Djeddah
est aujourd’hui la deuxième ville du pays en nombre d’habitants (environ
4 millions). En raison de sa proximité avec La Mecque et Médine
(respectivement 3e et 5e villes du pays, qui représentent le cœur religieux et
touristique du Royaume) et de la concentration de son activité portuaire et
commerciale, Djeddah bénéficie d’une attractivité certaine, notamment sur
le plan démographique. De fait, le brassage des populations fait aujourd’hui
de la ville de Djeddah un lieu où les règles en matière de mœurs religieuses
sont moins intransigeantes que dans d’autres villes du pays230.
La construction d’un opéra à Djeddah traduirait aussi une concurrence de
plus en plus forte entre les pays de la région pour devenir un pôle culturel à
part entière ; l’organisation annuelle de foires de l’art (Art Dubaï, Muscat
Art Festival, Abu Dhabi Art Fair…) en est une parfaite illustration231.
Parmi les enjeux du développement culturel en Arabie saoudite, la jeunesse
constitue un autre défi : 46 % de la population du pays a moins de 30 ans.
Alors que plus de six millions des moins de 15 ans arriveront sur le marché
du travail en 2030, Mohammed ben Salmane veut construire une société qui
s’appuie davantage sur les secteurs de la culture et des loisirs232. La
création au printemps 2016 des Hautes autorités des loisirs, de la jeunesse et
des sports répond à cette volonté. Il part du constat que les attentes des 18-
30 ans se portent aujourd’hui davantage sur les notions de libertés, de loisirs
et de culture233.
Mais pour l’Arabie saoudite, comme ses voisins du Golfe, il reste à savoir
ce qui prime entre les objectifs artistiques et les projets touristiques ;
l’aspect capitalistique d’un tel marché culturel interroge sur la finalité du
projet saoudien234.
30 Michel FOUCHER, « Géographie des maisons d’opéra : variations sur la culture lyrique et la
géopolitique en Europe », dans Les ouvertures de l’Opéra, une nouvelle géographie culturelle ?,
Lyon : Presses universitaires de Lyon, 1995, p. 57.
31 Ibid., p. 61.
32 Ibid., p. 59.
33 Ibid., p. 67.
34 Quelques exemples de premiers opéras créés dans la langue nationale du pays : En Pologne, en
1778, Nędza Uszczęśliwiona (La pauvreté rendue heureuse) de Maciej Kamieński ; en Russie, en
1836, Жизнь за царя (Une vie pour le tsar) de Mikhaïl Ivanovitch Glinka ; en Serbie, en 1903, Na
uranku (À l’aube) du compositeur Stanislav Binicki.
35 Michel Foucher, op. cit., p. 73.
36 François CHAUBET, Rôle et enjeux de l’influence culturelle dans les relations internationales,
Revue internationale et stratégique [En ligne], n°89, 01/2013. [Consulté le 7/08/19]. Disponible à
l’adresse : https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2013-1-page-93.htm
37 Michel HERBILLON, Sira SYLLA, Rapport d’information déposée par la Commission des
Affaires étrangères en conclusion des travaux d’une mission d’information constituée le 24 octobre
2017 sur « La diplomatie culturelle et d’influence de la France : quelle stratégie à dix ans ? », Paris,
Assemblée nationale, 2018, n°1359, p. 119. Disponible à l’adresse : http://www.assemblee-
nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_afetr/l15b1359_rapport-information
38 Ibid., p. 71.
39 Michel HERBILLON, Sira SYLLA, op. cit., p. 122.
40 Inspirations universelles : concert pour le Louvre Abu Dhabi, Institut français [En ligne]. 2016.
[Consulté le 7 avril 2021]. Disponible à l’adresse : https://institutfrancais-uae.com/2016/03/13/16-
marsinspirations-universelles-concert-pour-le-louvre-abu-dhabi/
41 Le concept de « hard-power » désigne en géopolitique la puissance coercitive (militaire,
économique, financière…).
42 Michel HERBILLON, Sira SYLLA, op. cit., p. 69.
43 Le Bureau Export ajoute : « Les projets seront conçus et pilotés en liaison avec le Bureau Export,
les opérateurs, ainsi que la mission économique et Business France le cas échéant. Il s’agit
d’analyser, de comprendre et de restituer la structuration de la filière musicale à l’échelle régionale
et au sein des différents marchés (en priorité : Argentine, Chili, Colombie, Costa Rica, Mexique,
Uruguay), dans le secteur des musiques actuelles et de la musique classique et contemporaine, et
pour chacun des métiers (production et édition phonographique, production de spectacles, édition
musicale…) ».
44 Denis ROLLAND, Histoire culturelle des relations internationales. Carrefour méthodologique,
Paris : L’Harmattan, 2004. Les tentatives de l’anthropologue Claude Lévi-Strauss d’établir à New-
York, fin 1945, un Bureau centralisé des conférences ainsi que la création d’un attaché musical ont
échoué. Ces initiatives ne reçurent pas l’accord du ministère des Affaires étrangères.
45 En association avec le Bureau Export, le MAEA recrute un.e chargé.e de mission de coopération
à vocation régionale (domaine des musiques actuelles), Le Bureau Export [En ligne]. 2019.
[Consulté le 11 septembre 2019]. Disponible à l’adresse :
https://www.lebureauexport.fr/info/2019/05/cote-divoire-en-association-avec-le-bureau-export-le-
meae-recrute-un-e-charge-e-de-mission-de-cooperation-a-vocation-regionale-domaine-des-musiques-
actuelles/
46 En association avec le Bureau Export, le MAEA recrute un.e chargé.e de mission ICC, Le Bureau
Export [En ligne]. 2019. [Consulté le 11 septembre 2019].
Disponible à l’adresse : https://www.lebureauexport.fr/info/2019/04/singap our-le-bureau-export-
recherche-un-e-charge-e-de-mission-icc/
47 Le concept de « soft power » (puissance douce en français), développé par le politologue
américain Joseph Nye, désigne la capacité d’influence ou de persuasion d’un pays ou d’une
organisation pour amener l’interlocuteur, sans contrainte apparente, à modifier son comportement ou
sa manière de penser. La « soft power » s’oppose au « hard power ».
48 Michel HERBILLON, Sira SYLLA, op. cit., p. 160.
49 Le British Council distingue quatre types de public : le public en « face to face » comme il
l’appelle (étudiants, enseignants…), le public des manifestations culturelles, le public en ligne et le
public audiovisuel. Partant de ce classement, le British Council distingue les influenceurs (les
personnes qui relaient l’opinion), les leaders et les aspirants.
50 Le réseau culturel de la France à l’étranger, Rapport de la Cour des Comptes, 2013, p. 125.
Disponible à l’adresse : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-reseau-culturel-de-la-france-
letranger
51 Pour établir son classement Softpower, l’Institut Portland prend principalement en considération
les éléments suivants : l’éducation, la gouvernance, le numérique, l’entreprise, l’engagement (vis-à-
vis de thèmes comme le développement et l’environnement) et la culture. Disponible à l’adresse
suivante : https://softpower30.com/country/france/
52 Michel HERBILLON, Sira SYLLA, op. cit., p. 88.
53 Le volume économique de la filière musicale à l’international : bilan économique 2019, Le
Bureau Export [En ligne]. 2019. [Consulté le 3 septembre 2021]. Disponible à l’adresse :
https://cnm.fr/wp-content/uploads/2021/08/le-bureau-export-bilan-economique-2019.pdf
54 La filière musicale française à l’international : bilan économique 2018, Le Bureau Export [En
ligne]. 2019. [Consulté le 5 septembre 2021]. Disponible à l’adresse : https://cnm.fr/wp-
content/uploads/2021/08/le-bureau-export-brochure-bilan-et-succes-export-2018.pdf
55 Françoise Nyssen, ministre de la Culture, accueille le Bureau Export de la musique pour célébrer
le rayonnement international de la musique française, Communiqué de presse, Ministère de la
Culture, [En ligne]. 2018. [Consulté le 21 août 2018]. Disponible à l’adresse :
https://www.culture.gouv.fr/Presse/Communiques-de-presse/Francoise-Nyssen-ministre-de-la-
Culture-accueille-le-Bureau-Export-de-la-musique-pour-celebrer-le-rayonnement-international-de-la-
musique-francaise
56 Michel HERBILLON, Sira SYLLA, op. cit., p. 162.
57 « L’Assemblée vote la création du Centre national de la musique », France Musique [En ligne].
2019. [Consulté le 29 août 2019]. Disponible à l’adresse : https://www.francemusique.fr/actualite-
musicale/l-assemblee-vote-la-creation-du-centre-national-de-la-musique-72461
58 Notre-Dame, médias, musique… Les grands dossiers de la rentrée, Ministère de la Culture [En
ligne]. 2019. [Consulté le 29 août 2019]. Disponible à l’adresse :
http://www.culture.gouv.fr/Actualites/Notre-Dame-medias-musique-Les-grands-dossiers-de-la-
rentree
59 Dispositif sur les échanges musicaux France-Chine (2019 – 2024), Le Bureau Export [En ligne].
2019. [Consulté le 12 septembre 2019]. Disponible à l’adresse :
https://www.lebureauexport.fr/info/2019/07/france-dispositif-sur-les-echanges-musicaux-france-
chine-2019-2024/
60 A European music export strategy : final report, Rapport de la Commission européenne [En
ligne]. 2020. [Consulté le 30 avril 2021]. Disponible à l’adresse : https://op.europa.eu/en/publication-
detail/-/publication/d7de0905-68c5-11ea-b735-01aa75ed71a1
61 La Nouvelle-Orléans est française jusqu’en 1803.
62 Hervé LACOMBE, op. cit., p. 182.
63 Edith BORROFF, American Operas : A Checklist, Warren (Mich) : Harmonie Park Press, 1992 ;
cité dans Hervé Lacombe, Géographie de l’Opéra au XXe siècle. Paris : Fayard, 2007, p. 196.
64 « Interview de Peter Gelb, Directeur Général du Metropolitan Opera », Tutti Magazine [En ligne].
2012. [Consulté le 3 novembre 2019]. Disponible à l’adresse : http://www.tutti-
magazine.fr/news/page/Interview-Peter-Gelb-Metropolitan-Opera-Met-Live-in-HD-fr/
65 « Peter Gelb : “L’Opéra de New-York ? C’est le meilleur de l’Amérique” », Le Figaro [En ligne].
2018. [Consulté le 5 novembre 2019]. Disponible à l’adresse :
https://www.lefigaro.fr/musique/2018/04/22/03006-20180422ARTFIG00126-peter-gelb-l-opera-de-
new-york-c-est-le-meilleur-de-l-amerique.php
66 « Peter Gelb : “Nous devons mobiliser tout ce qui forge l’horizon intellectuel des jeunes
générations” », Forum Opéra [En ligne]. 2019. [Consulté le 5 novembre 2019]. Disponible à
l’adresse : https://www.forumopera.com/actu/peter-gelb-nous-devons-mobiliser-tout-ce-qui-forge-
lhorizon-intellectuel-des-jeunes-generations
67 Ibid.
68 Maud QUESSARD, « Quel soft-power pour les États-Unis ? La diplomatie publique de
l’administration Obama entre engagement et retrait », dans Frédéric CHARILLON & Célia BELIN
(dir.), Les États-Unis dans le monde, Paris : CNRS Éditions, 2016, p. 257-286. Maud Quessard note
que ce changement de conception de la diplomatie américaine fut formulé dans une note blanche
d’une sous-commission des Affaires étrangères du Congrès en 1964 : « Certains objectifs de
politique étrangère peuvent être poursuivis en traitant directement avec les habitants des pays
étrangers, plutôt qu’avec leurs gouvernements. Grâce à l’utilisation d’instruments et de techniques
de communication modernes, il est aujourd’hui possible d’atteindre des segments importants ou
influents des populations nationales – pour les informer, influencer leurs attitudes, et parfois peut-
être même pour les motiver à agir dans un certain sens (…) ».
69 Denis ROLLAND, Histoire culturelle des relations internationales : carrefour méthodologique,
Paris : L’Harmattan, 2004.
70 « Pour en finir (enfin) avec le regietheater », Resmusica [En ligne]. 2018. [Consulté le 23 janvier
2020]. Disponible à l’adresse : https://www.resmusica.com/2018/05/01/pour-en-finir-enfin-avec-le-
regietheater/
71 Maud QUESSARD, « Quel soft-power pour les États-Unis ? La diplomatie publique de
l’administration Obama entre engagement et retrait », dans Frédéric CHARILLON & Célia BELIN
(dir.), op. cit., p. 142.
72 Ibid., p. 143.
73 « Cultural Activities », FRUS 1955-1957, vol. IX, p. 508 ; cité dans Maud QUESSARD, « Quel
soft power pour les États-Unis ? La diplomatie publique de l’administration Obama entre
engagement et retrait », dans Frédéric CHARILLON & Célia BELIN (dir.), Les États-Unis dans le
monde, Paris : CNRS Editions, 2016, p. 143.
74 Maud QUESSARD, « Quel soft-power pour les États-Unis ? La diplomatie publique de
l’administration Obama entre engagement et retrait », dans Frédéric CHARILLON & Célia BELIN
(dir.), op. cit., p. 144.
75 Eric Ledell SMITH, Blacks in opera : an encyclopedia of people and companies, 1873-1993,
Londres : McFarland & Co Inc, 1995 ; cité dans Hervé LACOMBE, Géographie de l’opéra au
XXe siècle, Paris : Fayard, 2007, p. 184.
76 Michael COOPER, « This Summer, Opera Grapples With Race », The New York Times [En ligne].
2019. [Consulté le 24 janvier 2020]. Disponible à l’adresse :
https://www.nytimes.com/2019/05/30/arts/music/central-park-five-opera.html
77 Michael COOPER, « Seeing Voting Rights Under Siege, Philip Glass Rewrites an Opera », The
New York Times [En ligne]. 2015. [Consulté le 1er août 2020]. Disponible à l’adresse :
https://www.nytimes.com/2015/11/11/arts/music/revisiting-the-opera-appomattox-in-the-course-of-
human-events.html
78 Blue, Glimmergmass Festival [En ligne]. 2019. Disponible à l’adresse :
https://glimmerglass.org/events/blue/
79 Tazewell Thompson, « My Journey to Writing an Opera About Police Violence », The New York
Times [En ligne]. 2020. [Consulté le 29 juillet 2020]. Disponible à l’adresse :
https://www.nytimes.com/2020/06/17/arts/music/blue-opera-police-violence.html
80 Marie-Hélène BERNARD, « Croisements France-Chine ». Tierce : Carnets de recherches
interdisciplinaires en Histoire, Histoire de l’Art et Musicologie [En ligne], Numéros parus, 2018-3,
Dossier mis à jour le 02/03/2020. Disponible à l’adresse : https://tierce.edel.univ-
poitiers.fr/tierce/index.php?id=378.
81 Catherine CAPDEVILLE-ZENG, « Opéra », dans Thierry SANJUAN (dir.), Dictionnaire de la
Chine contemporaine, Paris : Armand Colin, 2006, p. 175.
82 Hervé LACOMBE, op. cit., p. 205.
83 Alain PEYREFITTE, De la Chine, Paris : Omnibus, Paris, 1997, p. 1329.
84 La Chine est déjà très active dans ce domaine, comme en témoigne le développement fulgurant
des Instituts Confucius, établissements culturels à but non lucratif qui dispensent partout dans le
monde des cours de langue et de civilisation chinoise. La Chine a inauguré en 2004 son premier
Institut à l’étranger, à Séoul (premier institut Confucius en France en 2005, à Poitiers). On comptait
en 2019 plus de 500 Instituts répartis dans environ 140 pays.
85 François-Régis DABAS, Quelle stratégie pour la Chine ?, Paris : Nuvis, 2012, p. 134.
86 Rapport présenté au XVIIe congrès du Parti communiste chinois, Perspectives Mondes [En ligne].
2007. [Consulté le 2 septembre 2020]. Disponible à l’adresse :
https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMDictionnaire?iddictionnaire=1885
87 Dans un discours prononcé lors du XVIIe congrès du Parti communiste chinois en 2007, Hu Jintao
déclare que le parti doit « renforcer la culture comme partie prenante du soft power du pays afin de
mieux garantir à la population les droits et les intérêts culturels de base » (« Hu Jianto calls for
enhancing soft power of Chinese culture », Xinhua, 15/10/07).
88 Audrey BONNE, La diplomatie culturelle de la république populaire de la Chine : enjeux et
limites d’une « offensive de charme », Paris : L’Harmattan, 2018, p. 17.
89 « Full text of Hu Jintao’s report to the 17th Party Congress », China Daily [En ligne]. 2007.
[Consulté le 29 avril 2019]. Disponible à l’adresse : http://www.chinadaily.com.cn/china/2007-
10/24/content_6204564_8.htm
90 Emmanuel LINCOT & Barthélémy COURMONT, La Chine en défi, Erick Bonnier, 2012, p. 138.
91 « Texte intégral du rapport de Xi Jinping au XIXe congrès du PCC », Xinhuanet [En ligne]. 2017.
[Consulté le 18 février 2020]. Disponible à l’adresse : http://french.xinhuanet.com/chine/2017-
11/03/c_136726219.htm
92 Pour David Shambaugh, aussi, la Chine « est devenue obsédée par le soft power » (David
SHAMBAUGH, China Goes Global, the partial power, New-York : Oxford University Press, 2013).
93 Barthélémy COURMONT, Chine, la grande séduction. Essai sur le soft power chinois, Paris :
Choiseul, 2009, p. 53.
94 David SHAMBAUGH, op. cit., p. 213-214.
95 Pan ZHONGQI & Huang RENWEI, Zhongguo de diyuan wenhua zhanlue (La stratégie géo-
culturelle de la Chine) Xiandai Guoji Guanxi, n°1, 2008, p. 44-49. Cité dans David SHAMBAUGH,
China Goes Global. The Partial Power, New-York : Oxford University Press, 2013, p. 216.
96 Ibid., p. 240.
97 Stéphanie BALME, La Tentation de la Chine, nouvelles idées reçues sur un pays en mutation,
Paris : Le Cavalier Bleu, 2013, p. 223.
98 Stéphanie BALME, op. cit., p. 212.
99 Étude menée par l’USC Center on Public Diplomacy, organisme de recherche sur la diplomatie
publique, et le cabinet de conseil Portland, le soft power chinois se classe 27e sur 30 [En ligne].
Disponible à l’adresse : https://softpower30.com/
100 Voir les articles suivants :
Bates GILL & Yanzhong HUANG, Sources and limits of chinese soft power, Survival, Global
Politics and Strategy, 2006. Disponible à l’adresse :
https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00396330600765377
Sheng DING & Robert A. SAUNDERS, Talking up China : an analysis of china’s rising cultural
power and global promotion of the Chinese langage, East Asia 23, 3-33, 2006. Disponible à
l’adresse : https://doi.org/10.1007/s12140-006-0021-2
Thomas LUM, Comparing global influence : china’s and US diplomacy, foreign aid, trade, and
investment in the developing world [En ligne], CRS Report for Congress, 2008. Disponible à
l’adresse : https://fas.org/sgp/crs/row/RL34620.pdf
Stéphanie BALME, La tentation de la Chine, Nouvelles idées reçues sur un pays en mutation, Paris :
Le Cavalier Bleu, 2013.
101 Jean-Pierre CABESTAN, La politique internationale de la Chine, entre intégration et volonté de
puissance, Paris : Les Presses de Science Po, 2015, p. 103.
102 Discours de Hu Jintao, janvier 2006 : « Le renforcement du statut international de la Chine et de
son influence internationale doit être reflété à la fois dans un hard power incluant l’économie, les
sciences et la technologie et la défense nationale, et dans un soft power comme la culture ». Cité par
Barthélémy COURMONT, Chine, la grande séduction. Essai sur le soft power chinois, Paris :
Choiseul, 2009, p. 52.
103 Emmanuel LINCOT & Barthélémy COURMONT, op. cit., p. 148.
104 David SHAMBAUGH, op. cit., p. 207.
105 Voir note 100, déclaration du diplomate Wu Jianmin.
106 Zheng LU-NIAN & Daniel HABER, Chine-Occident, le grand malentendu du XXIe siècle,
Paris : L’Harmattan, Paris, 2010, p. 81.
107 Jean-Marc PROUST, « Chine : quand l’opéra s’éveillera », Slate.fr [En ligne]. 2014. [Consulté le
30 janvier 2019]. Disponible à l’adresse : http://www.slate.fr/story/90927/opera-chine
108 Ariane BAVELIER, « Les opéras du bout du monde », Le Figaro [En ligne]. 2013. [Consulté le
10 septembre 2020]. Disponible à l’adresse : https://www.lefigaro.fr/musique/2013/05/10/03006-
20130510ARTFIG00187-les-operas-des-antipodes.php
109 Jean-Marc PROUST, op. cit.
110 Sarah DEFOIN-MERLIN, « Géographie et lieux de chant à Shanghai », EchoGéo [En ligne], 46 |
2018, mis en ligne le 31 décembre 2018. [Consulté le 14 janvier 2019]. Disponible à l’adresse :
http://journals.openedition.org/echogeo/16304
111 Ibid.
112 Laurent PETITGIRARD, L’Opéra de Pékin de Paul Andreu, Séance solennelle de l’Académie
des beaux-arts [En ligne]. 2019. [Consulté le 27 novembre 2019]. Disponible à l’adresse :
https://www.academiedesbeauxarts.fr/sites/default/files/inline-files/discours-laurent-petitgirard-
opera-de-pekin-de-paul-andreu-seance-solennelle-2019.pdf
113 Emmanuel LINCOT, De l’opéra au temple. L’œuvre de Paul Andreu à Pékin, revue Cités [En
ligne]. 2019. [Consulté le 15 janvier 2019]. Disponible à l’adresse : https://www.cairn.info/revue-
cites-2011-2-page-179.htm : « Dans la transformation mentale que suppose le passage du monde
quotidien au rêve éveillé de l’opéra, on pressent le rôle assigné par Andreu à cette étape centrale du
recours au parcours initiatique. S’offre au spectateur une allée centrale de marbre blanc de Xuzhou
flanquée de deux allées de briques d’or, ces briques chinoises de couleur grise fabriquées à Suzhou,
située près de Shanghai. Ce motif renvoie aux cheminements, jadis, de l’empereur dans la Cité
interdite voisine. Comme l’empereur, le spectateur siège dos au nord (caractérisé, dans les croyances
ancestrales, par l’humidité, l’obscurité, le froid et la couleur noire) et regarde la scène au sud
(région de la lumière, de la chaleur, du feu et de la couleur rouge). À sa gauche, l’est, région faste,
du matin, du printemps, correspondant à l’élément bois et à la couleur verte. À sa droite, l’ouest,
contrée néfaste, du soir, de l’automne, du rapport avec le métal, la mort et la couleur blanche
symbole de deuil. Cette association des couleurs aux régions cardinales était, dans la cosmologie
chinoise, l’expression des lois physiques de la nature. Quel est donc ce spectateur impérial à qui
Andreu réserve une place de choix ? Le Peuple. Le Peuple de Chine dont le régime communiste, à
travers son histoire pourtant tumultueuse, n’a jamais cessé de rechercher l’unanimité. »
114 Emmanuel LINCOT, op. cit.
115 Laurent PETITGIRARD, op. cit.
116 Colloque « Villes durables de demain » et hommage à Paul Andreu à l’Ambassade de France en
Chine, Ambassade de France à Pékin, ministère de l’Europe et des Affaires étrangères [En ligne].
2019. [Consulté le 13 décembre 2019]. Disponible à l’adresse : https://cn.ambafrance.org/Colloque-
villes-durables-de-demain-et-hommage-a-l
117 François BOUGON, Dans la tête de Xi Jinping, Paris : Actes Sud, Paris, 2017, p. 181.
118 Alain PEYREFITTE, Quand la Chine s’éveillera… le monde tremblera, Paris : Fayard, 1973.
119 Paroles citées par Alain Peyrefitte, dans Quand la Chine s’éveillera, Paris : Fayard, 1971, p. 238.
120 Alain Peyrefitte, op. cit., p. 238.
121 Ibid., p. 229. Alain Peyrefitte rapporte cette anecdote, représentative de l’idéologie de l’époque :
« Quel est le compositeur ? demandons-nous – Il n’y a pas de compositeur, nous répond-on ; cette
musique a été composée par les masses, armées de la pensée invincible du président Mao ». Au-
dessus de la fosse d’orchestre de l’Opéra de Wuhan, un calicot se déploie, reproduisant une
calligraphie de Mao : “Avec de l’étranger, faisons du national” ».
122 George WALDEN, China : a wolf in the world ?, Londres : Gibson Square, 2008, p. 216.
123 Jean-Marc PROUST, op. cit.
124 Opera Thaïs, NCPA [En ligne]. Disponible à l’adresse :
http://en.chncpa.org/whatson/zdyc/201711/t20171107_178839.shtml
125 Jean-Marc PROUST, op. cit.
126 « L’épopée Manas volée par la Chine », Courrier international [En ligne]. 2009. Disponible à
l’adresse : https://www.courrierinternational.com/breve/2009/10/23/l-epopee-manas-volee-par-la-
chine
127 Hubei Opera and Dance Drama Theatre King Zhuang of Chu, NCPA [En ligne]. Disponible à
l’adresse : http://en.chncpa.org/whatson/zdyc/201802/t20180211_182609.shtml
128 Ningbo Performing Arts Group Incorporated Company TU Youyou, NCPA [En ligne].
Disponible à l’adresse : http://en.chncpa.org/whatson/zdyc/201803/t20180315_183996.shtml
129 NCPA Opera Commission LAN Huahua, NCPA [En ligne]. Disponible à l’adresse :
http://en.chncpa.org/whatson/zdyc/201809/t20180920_190975.shtml
130 NCPA Commission & Chinese Epic Opera The Long March, NCPA [En ligne]. Disponible à
l’adresse : http://en.chncpa.org/whatson/zdyc/201803/t20180319_184069.shtml
131 Commission and Chinese Epic Opera The Long March appears in the Guangzhou Opera House
on invitation, NCPA [En ligne]. Disponible à l’adresse :
http://en.chncpa.org/NEWS/wzxw/201906/t20190605_203682.shtml
132 Shandong University of Arts Sandalwood Death (Opera Commission), NCPA [En ligne].
Disponible à l’adresse : http://en.chncpa.org/whatson/zdyc/201808/t20180828_189878.shtml
133 NCPA Opera Commission Jinsha River, NCPA [En ligne]. Disponible à l’adresse :
http://en.chncpa.org/whatson/zdyc/201805/t20180521_186204.shtml
134 2047 Apologue 2 by Director ZHANG Yimou, NCPA [En ligne]. Disponible à l’adresse :
http://en.chncpa.org/whatson/zdyc/201803/t20180319_184065.shtml
135 Marie-Hélène BERNARD, Les compositeurs chinois à l’heure de la mondialisation R-R-R :
Résider-Résonner-Résister. Recherche dans les arts : présentation des travaux en cours, EHESS,
avril 2011, Paris, France. Disponible à l’adresse : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-
00670728/document
136 Marie-Hélène BERNARD, « Croisements France-Chine ». Tierce : Carnets de recherches
interdisciplinaires en Histoire, Histoire de l’Art et Musicologie [En ligne]. Numéros parus, 2018-3,
Dossier, mis à jour le 2/03/2020. [Consulté le 10 septembre 2020] Disponible à l’adresse :
https://tierce.edel.univ-poitiers.fr/index.php?id=378
137 En France, par exemple, si l’État participe à hauteur d’environ 60 % au financement des 22
théâtres lyriques, il n’est pas dans l’usage, à la différence de la Chine, de financer prioritairement
telle ou telle œuvre selon la thématique abordée.
138 L’opéra Tian Han, qui fait partie du programme « Développement de l’héritage opératique » du
ministère chinois de la Culture et du Tourisme, évoque la vie de l’écrivain chinois Tian Han qui a
notamment composé les paroles de l’hymne de la République populaire de Chine, « La Marche des
Volontaires », inscrit dans la Constitution chinoise en 2004. Tian Han est mort emprisonné pendant la
Révolution culturelle.
139 L’opéra Red Boat raconte l’histoire du premier congrès national du PCC en 1921, qui s’est tenu,
en partie, sur un bateau, sur le lac Nanhu à Jiaxing. Parmi les personnes présentes à ce congrès
originel figurait Mao Zedong.
140 Humanities & Social Sciences, Peking University [En ligne]. Disponible à l’adresse :
http://english.pku.edu.cn/research_humanity.shtml
141 Pauvreté, pourcentage de la population vivant avec moins d’un dollar par jour (PPP),
Perspectives Mondes [En ligne]. 2016. [Consulté le 4 mai 2021]. Disponible à l’adresse :
https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays/?
codeStat=SI.POV.DDAY&codePays=chn&codeTheme=2
142 PIB ($ US constant 2010), Perspectives Mondes [En ligne]. 2019. [Consulté le 4 mai 2021].
Disponible à l’adresse : https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays?
codeTheme=2&codeStat=NY.GDP.MKTP.KD&codePays=CHN&optionsPeriodes=Aucune&codeTh
eme2=1&codeStat2=x&codePays2=CHN&optionsDetPeriodes=avecNomP
143 Inscriptions à l’école, enseignement supérieur (% brut), La Banque mondiale [En ligne]. 2019.
[Consulté le 4 mai 2021]. Disponible à l’adresse :
https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SE.TER.ENRR?
end=2019&locations=CN&start=1970
144 Selon Le Monde, on recensait 2 500 écoles de musique en 2008. Élodie CORVÉE, « Les
musiciens amateurs ont fait de sacrés progrès », Le Monde [En ligne]. 2011. Disponible à l’adresse :
https://www.lemonde.fr/culture/article/2011/06/20/les-musiciens-amateurs-ont-fait-de-sacres-
progres_1538342_3246.html
145 Vincent AGRECH, « Quand la Chine s’éveilla à notre musique », revue Diapason, n°687, février
2020, p. 25.
146 « Un marchand d’armes investit dans les salles de spectacle », France Musique [En ligne]. 2018.
[Consulté le 12 septembre 2019]. Disponible à l’adresse : https://www.francemusique.fr/emissions/la-
chronique-d-antoine-pecqueur/chine-un-marchand-d-armes-investit-dans-les-salles-de-spectacle-
66238
147 « Poly Culture Group Brings World Renowned China Philharmonic Orchestra for Landmark
Vancouvert Performance », Canadian Insider [En ligne]. 2016. [Consulté le 12 septembre 2019].
Disponible à l’adresse : https://www.canadianinsider.com/poly-culture-group-brings-world-
renowned-china-philharmonic-orchestra-for-landmark-vancouver-performance
148 Jacques WEBER (dir.), La France en Chine (1843-1943), Centre de recherches sur l’histoire du
monde atlantique, Nantes : Presses académiques de l’ouest, 1997, p. 103.
149 A.D.N., Shanghai, carton 172, 31 janvier 1929, Comité régional de Shanghai au consul général ;
cité dans Jacques WEBER, La France en Chine (1843-1943), Centre de recherches sur l’histoire du
monde atlantique, Nantes : Presses académiques de l’ouest, 1997, p. 118.
150 Albert SALON, L’action culturelle de la France dans le monde, thèse de doctorat, Paris,
Panthéon Sorbonne, 1981, p. 197 ; cité dans Jacques WEBER (dir.), La France en Chine (1843-
1943), Centre de recherches sur l’histoire du monde atlantique, Nantes : Presses académiques de
l’ouest, 1997, p. 106-107.
151 Jacques WEBER (dir.), op. cit., p. 117.
152 Bernard KROUCK, De Gaulle et la Chine. La politique française à l’égard de la République
Populaire de la Chine, Paris : Les Indes savantes, 2012, p. 386.
153 L’opéra La Fille aux cheveux blancs a été donné en France en 1977, d’après Alain Peyrefitte.
154 Alain PEYREFITTE, De la Chine, Paris : omnibus, 1997.
155 Les relations franco-chinoises, Rapport du Conseil économique et social, 1995, p. 146.
156 Lettre d’invitation envoyée à la compositrice Graciane Finzi, consultée par l’auteur.
157 Ibid.
158 Tournée en Chine de l’Orchestre national de France, Ambassade de France en Chine [En ligne].
2020. [Consulté le 4 mai 2021]. Disponible à l’adresse : https://cn.ambafrance.org/Tournee-en-Chine-
de-l-Orchestre-National-de-France
159 Vincent AGRECH, op. cit.
160 L’œuvre a paru chez Gallimard en 1985, et a fait l’objet de rééditions.
161 Victor H. MAIR, The Columbia History of Chinese Literature, Columbia University Press, 2002,
p. 642. Disponible à l’adresse : https://books.google.fr/books?
id=n2DfEmr2g0YC&pg=PA640&redir_esc=y#v=snippet&q=uncompromising%20moral%20vision
&f=false
162 Un premier livret a été écrit, mais, insatisfait, le metteur en scène l’a fait retravailler par un autre
auteur, ce qui n’a pas plus au premier librettiste. Le metteur en scène David Li Wei a proposé l’œuvre
au Grant théâtre national de Pékin, mais ce dernier ne l’a pas accepté non plus. En fin de compte,
l’institution a commandé une œuvre de style plus léger (opérette musicale) à un autre compositeur.
163 Louis FRÉDÉRIC, Le Japon, Dictionnaire et civilisation, Paris : Robert Laffont, 1996, p. 1 116.
164 Seiko SUZUKI, « Le gagaku, musique de l’Empire : Tanabe Hisao et le patrimoine musical
comme identité nationale », Cipango [En ligne]. 2013. [Consulté le 4 mai 2021]. Disponible à
l’adresse : https://journals.openedition.org/cipango/1999
165 Jing SUN, Japan and China as Charm Rivals, The University of Michigan Press, 2013, p. 25.
166 Ibid., p. 51.
167 Jean-Marie BOUISSOU, Géopolitique du Japon. Une île face au monde, Paris : Presses
universitaires de France, 2014, p. 118.
168 Arnaud LEVEAU, Géopolitique de la Corée du Sud. Une puissance paradoxale, Paris : Argos,
2014, p. 113.
169 Red Shoes, KOREA NATIONAL OPERA [En ligne]. Disponible à l’adresse :
http://www.nationalopera.org/ENG/Pages/Perf/Detail/Detail.aspx?
idPerf=500505&genreid=88&year=2020
170 Song SEUNG-HYUN, « Korea Opera Festival to begin from June 4 », The Korea Herald [En
ligne]. 2020. [Consulté le 13 août 2020]. Disponible à l’adresse :
http://www.koreaherald.com/view.php?ud=20200519000686
171 Jean-Claude RASPIENGAS, « L’Opéra de Mascate, un écrin de splendeur », La Croix [En
ligne]. 2018. [Consulté le 26 décembre 2018]. Disponible à l’adresse : https://www.la-
croix.com/Culture/Musique/LOpera-Mascate-ecrin-splendeur-2018-12-26-1200991716
172 Marc VALERI, Le sultanat d’Oman, une révolution en trompe-l’œil, Paris : Khartala, 2007, p.
216.
173 Ibid., p. 217.
174 Oman : les années de la réussite, Mascate, Ministère de l’Information, 2001, p. 114 ; cité dans
Marc VALERI, Le sultanat d’Oman, une révolution en trompe-l’œil, Paris : Khartala, 2007.
175 Ibid., p. 224.
176 Marie-Aude ROUX, « Oman, un opéra ouvert sur le monde », Le Monde [En ligne]. 2019.
[Consulté le 3 mars 2020]. Disponible à l’adresse :
https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/04/05/oman-un-opera-ouvert-sur-le-
monde_5446077_3246.html
177 Caroline PIQUET, Les défis de l’identité aux Émirats arabes unis ; cité dans Emma SOUBRIER
(coord.), Les pays du Conseil de coopération du Golfe. Nouvelles puissances du monde arabe ?,
Paris : Éditions du Cygne, 2014.
178 Cynthia GHORRA-GOBIN, « Une ville mondiale est-elle forcément une ville globale ? Un
questionnement de la géographie française », revue L’Information géographique [En ligne], 02/2007,
Vol.71, p. 32-42 [Consulté le 12 novembre 2020]. Disponible à l’adresse :
https://www.cairn.info/revue-l-information-geographique-2007-2-page-32.htm?contenu=article
179 Thierry BURON, « Dubaï : mise en scène d’une ville-monde », revue Conflits, n°15, octobre-
décembre 2017, p. 80-81.
180 Rob GARRATT, « A grand opening at Dubai Opera », The National [En ligne]. 2016. Disponible
à l’adresse : https://www.thenational.ae/uae/a-grand-opening-at-dubai-opera-1.154703
181 « Dubaï inaugure son opéra », France Musique [En ligne]. 2016. Disponible à l’adresse :
https://www.francemusique.fr/opera/dubai-inaugure-son-opera-249
182 Caroline PIQUET, Les défis de l’identité aux Émirats arabes unis. Cité in Emma SOUBRIER
(coord.), op. cit., p. 134.
183 Rory MILLER, Desert Kingdoms to Global Powers. The rise of the Arab Gulf, Yale University
Press, 2016, p. 293.
184 Promoting the Arts, Department of Culture and Tourism [En ligne]. 2016. [Consulté le
10 septembre 2020]. Disponible à l’adresse :
https://tcaabudhabi.ae/en/what.we.do/culture/promoting.the.arts.aspx
185 Émirats arabes unis, BNP Paribas [En ligne]. [Consulté le 5 novembre 2020]. Disponible à
l’adresse : https://www.tradesolutions.bnpparibas.com/fr/explorer/emirats-arabes-unis/apprehender-
le-contexte-economique
186 L’expression est de William Guéraiche, professeur associé en sciences sociales à l’université
américaine de Dubaï.
187 Situation économique de Dubaï, Ministère de l’économie, des finances et de la relance [En
ligne]. 2018. Disponible à l’adresse :
https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2018/10/04/situation-economique-de-dubai
188 Laure SEMPLE, « Le mégaprojet du Dubai Water Canal : fabrique d’une ville mondiale à travers
la construction d’un réseau touristique », Géoconfluences, 2017. Disponible à l’adresse :
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-thematiques/de-villes-en-
metropoles/corpus-documentaire/doubai-canal-ville-mondiale
189 Alexis NORMAND, Les émirats du Golfe, au défi de l’ouverture, Paris : L’Harmattan, 2011, p.
134.
190 Mike DAVIS, Le stade Dubaï du capitalisme, Paris : Les Prairies Ordinaires, 2007.
191 Caroline PIQUET, Les défis de l’identité aux Émirats arabes unis. Cité dans Emma SOUBRIER
(coord.), Op. cit., p. 129.
192 « Opera’s Middle Eastern conquests », The Economist, 16 juin 2016.
193 Tribune de Françoise Cachin, Jean Clair et Roland Recht, « Les musées ne sont pas à vendre »,
Le Monde [En ligne]. 12 décembre 2006. [Consulté le 12 novembre 2020]. Disponible à l’adresse :
https://www.lemonde.fr/idees/article/2006/12/12/les-musees-ne-sont-pas-a-vendre-par-francoise-
cachin-jean-clair-et-roland-recht_844742_3232.html
194 Jean-Jacques LARROCHELLE, « Patrimoine : le Théâtre impérial de Fontainebleau, tremplin de
la renommée », Le Monde [En ligne]. 23 août 2019. [Consulté le 23 août 2019]. Disponible à
l’adresse : https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/08/23/patrimoine-le-theatre-imperial-de-
fontainebleau-tremplin-de-la-renommee_5501795_3246.html
195 Claire ARSENAULT, « Le théâtre impérial de Fontainebleau retrouve son lustre grâce à Abou
Dhabi », RFI [En ligne]. 4 mai 2014. [Consulté le 23 août 2019]. Disponible à l’adresse :
http://www.rfi.fr/france/20140504-france-emirats-arabes-unis-theatre-imperial-fontainebleau-abou-
dhabi-mecenat
196 Ce dernier a signé avec l’hôtel de la Marine, en 2018, une convention s’étalant sur 20 ans afin de
présenter des expositions permanentes et temporaires de la collection d’art de l’émir Hamad bin
Abdullah. En contrepartie de la mise à disposition des lieux par la France, le Qatar aurait déboursé
20 millions d’euros. Emmanuelle GIULIANI, « L’hôtel de la Marine, vitrine pour le Qatar », La
Croix [En ligne]. 23 octobre 2018. [Consulté le 23 août 2019]. Disponible à l’adresse :
https://www.la-croix.com/Culture/Lhotel-Marine-vitrine-Qatar-2018-10-28-1200979195
197 Denis BAUCHARD, « La France et les émirats et monarchies du Golfe. Un partenariat d’intérêt
mutuel », revue Pouvoirs, 2015, n°152, p. 107-120. Disponible à l’adresse :
https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2015-1-page-107.htm?contenu=article
198 William GUÉRAICHE, Géopolitique de Dubaï et des Émirats arabes unis, Nancy : Arbre bleu,
2014, p. 127.
199 Mehdi LAZAR, Le Qatar aujourd’hui. La singulière trajectoire d’un riche émirat, Paris :
Michalon, 2013, p. 180.
200 Ibid., p. 184.
201 Nabil ENNASRI, L’énigme du Qatar, Paris : Armand colin, 2013, p. 144.
202 Antoine PECQUEUR, « Le Philharmonique du Qatar : Bartok et Mozart au pays de l’or noir »,
revue Classica, décembre 2012 – janvier 2013, p. 67.
203 Pascal BONFICACE & Sylvie MATELLY, Les relations économiques entre la France et le
Qatar : des bénéfices mutuels, étude de l’IRIS, mars 2016, p. 40. Disponible à l’adresse :
https://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2016/07/Etude-Qatar-France-mars-2016.pdf
204 L’Ambassadeur de l’État du Qatar organise une réunion préparatoire pour l’année culturelle
Qatar-France 2020, Ambassade du Qatar à Paris [En ligne]. juillet 2019. [Consulté le 6 janvier
2020]. Disponible à l’adresse :
https://paris.embassy.qa/fr/actualit%C3%A9s/actualit%C3%A9s/details/2019/07/23/l’ambassadeur-
de-l’etat-du-qatar-organise-une-r%C3%A9union-pr%C3%A9paratoire-pour-l’ann%C3%A9e-
culturelle-qatar---france-2020
205 Nouveau programme de l’année culturelle Qatar-France 2020, ministère de l’Europe et des
Affaires étrangères [En ligne]. [Consulté le 6 janvier 2020]. Disponible à l’adresse :
https://qa.ambafrance.org/Annonce-de-l-Annee-culturelle-France-Qatar-en-2020-Paris-4-decembre-
2019
206 About us, Qatar Music Academy [En ligne]. [Consulté le 1er avril 2019]. Disponible à l’adresse :
https://www.qatarmusicacademy.com.qa/about-us
207 Joy S. MOINI, Tora K. BIKSON, C. RICHARD NEU, Laura DESISTO, Mohammed AL
HAMADI, Sheikha JABOR AL THANI, Revitalizing Qatar’s National University, RAND
Corporation [En ligne], 2009. [Consulté le 12 novembre 2020]. Disponible à l’adresse :
https://www.rand.org/pubs/research_briefs/RB9456.html
208 Mehdi LAZAR, Op. cit., p. 177.
209 Concept créé par Loïc Ravenel, maître-conférencier à l’université de Franche-Comté et co-auteur
de L’Atlas du sport mondial. Business et spectacle : l’idéal sportif en jeu, Paris : Autrement, 2010.
210 « Qatar : le Club Med des terroristes », Courrier international [En ligne]. 20 septembre 2014.
[Consulté le 8 janvier 2020]. Disponible à l’adresse :
https://www.courrierinternational.com/article/2014/09/30/le-club-med-des-terroristes
211 Christian CHESNOT & Georges MALBRUNOT, Qatar papers. Comment l’émirat finance
l’islam de France et d’Europe, Paris : Michel Lafon, 2019. Les journalistes Georges Malbrunot et
Christian Chesnot ont révélé des documents confidentiels qui montrent comment la plus puissante
ONG de l’émirat, Qatar Charity, « liée au sommet de l’État qatarien », mène un certain prosélytisme
en France et en Europe via des projets de financement de mosquées, d’écoles et de centres
islamiques, au profit d’associations liées à la mouvance des Frères musulmans.
212 Antoine PECQUEUR, op. cit., p. 70.
213 , Alwantan News [En ligne]. [Consulté le 10 septembre 2020]. Disponible à
l’adresse : https://urlz.fr/dMij
214 Ibid.
215 Ariane BAVELIER, « Les opéras du bout du monde », Le Figaro [En ligne]. 10 mai 2013.
[Consulté le 30 décembre 2019]. Disponible à l’adresse :
https://www.lefigaro.fr/musique/2013/05/10/03006-20130510ARTFIG00187-les-operas-des-
antipodes.php
216 Dreams of a Traveler – A Tale from Muharraq, Bahrain Authority for Culture & Antiquities [En
ligne]. Disponible à l’adresse : http://culture.gov.bh/en/events/past_events/Name,16236,en.php
217 Muharraq Capital of Islamic Culture 2018, Bahrain Authority for Culture & Antiquities [En
ligne]. Disponible à l’adresse :
http://culture.gov.bh/en/authority/CulturalHighlights/MuharraqCapitalofIslam icCulture2018/
218 Fatiha DAZI-HÉNI, L’Arabie Saoudite en 100 questions, Paris : Tallandier, 2017, p. 132.
219 Certains auteurs critiquent cependant cette réappropriation de la culture bédouine par l’État.
Ainsi, Pascal Ménoret, agrégé de philosophie et ancien collaborateur de l’ambassade de France à
Riyad, distingue par exemple « la conservation de coutumes et de comportements inentamés par la
modernisation, et la réinvention d’une tradition artificielle ou factice en réponse à la modernisation
et comme un ultime avatar de la modernité ». L’auteure saoudienne Faziya Abu Khalid, citée par
Pascal Ménoret, critique aussi la confusion entretenue selon elle entre la modernité matérielle et
l’héritage spirituel qui ne peut aboutir qu’à la construction artificielle d’une culture nationale. Cité
dans Pascal MÉNORET, L’énigme saoudienne, les saoudiens et le monde, 1744-2003, Paris : La
découverte, 2003, p. 191-192.
220 Faisal ALMEJFEL, Les relations entre la France et l’Arabie Saoudite, de 1967 à 2012, Paris :
L’Harmattan, 2014, p. 379. Page 372, Faisal Almejfel écrit par ailleurs : « Après le 11 septembre,
Riyad a adopté une nouvelle politique étrangère dans le domaine culturel, surtout pour les
programmes relatifs aux bourses d’études. De plus, de nouvelles classes sont construites sur le
modèle occidental. La France ne saisit pas cette occasion et ce sont les États-Unis et la Grande-
Bretagne qui en bénéficient. En France, il n’y a que 1500 étudiants saoudiens, contre 40 000
étudiants saoudiens en Grande-Bretagne et 200 000 aux États-Unis. »
221 Caroline PIQUET, Les pays du Golfe, de la perle à l’économie de la connaissance : les nouvelles
terres du libéralisme, Paris : Armand Colin, 2013, p. 149.
222 Yasmina TOUAIBIA, Arabie Saoudite, Paris : De Boeck Supérieur, 2018, p. 94.
223 Fatiha DAZI-HÉNI, op. cit., p. 145.
224 « La Scala lance une école de musique en Arabie Saoudite sur fond de polémique en Italie », Le
Figaro [En ligne]. 28 mars 2019. [Consulté le 4 avril 2019]. Disponible à l’adresse :
http://premium.lefigaro.fr/musique/la-scala-lance-une-ecole-de-musique-en-arabie-saoudite-sur-fond-
de-polemique-en-italie-20190328
225 « Arabie Saoudite : la France et l’Opéra de Paris vont aider à la création d’un orchestre », France
Musique [En ligne]. 10 avril 2018. [Consulté le 28 mars 2019]. Disponible à l’adresse :
https://www.francemusique.fr/actualite-musicale/arabie-saoudite-la-france-et-l-opera-de-paris-vont-
aider-a-la-creation-d-un-orchestre-60967
226 Daniel BASTIEN, « L’Arabie Saoudite frappe les trois coups de la culture et du
divertissement », Les Echos [En ligne]. 22 février 2018. [Consulté le 25 août 2020]. Disponible à
l’adresse : https://www.lesechos.fr/2018/02/larabie-saoudite-frappe-les-trois-coups-de-la-culture-et-
du-divertissement-985102
227 Pacte conclu entre les États-Unis et l’Arabie saoudite en février 1945. À l’issu de cet accord, le
premier s’engage à protéger militairement le second en échange d’une garantie d’approvisionnement
en pétrole.
228 Faisal ALMEJFEL, op. cit., p. 380-381.
229 Antoine PECQUEUR, « Arabie Saoudite et opéras », La Lettre du Musicien [En ligne]. 2 avril
2019. Disponible à l’adresse : https://www.lalettredumusicien.fr/s/articles/6011_317_arabie-saoudite-
et-operas?idarticle=6011
230 David RIGOULET-ROZE, Géopolitique de l’Arabie Saoudite, Paris : Armand Colin, 2005, p.
128.
231 Franck TÉTARD, La péninsule arabique : cœur géopolitique du Moyen-Orient, Paris : Armand
Colin, 2017, p. 166.
232 Rapport McKinsey, décembre 2015 ; cité dans Fatiha DAZI-HÉNI, L’Arabie Saoudite en 100
questions, Paris : Tallandier, p. 165.
233 Fatiha DAZI-HÉNI, op. cit., p. 166.
234 Pour Rory Miller, professeur à l’université de Georgetown au Qatar et auteur de « Desert
Kingdoms : The Rise of the Arab Gulf », les initiatives de l’Arabie Saoudite soulèvent « un certain
scepticisme quant à savoir si l’investissement massif dans les pôles culturels du golfe ne sont pas
principalement motivés par des objectifs moins idéalistes, d’abord et avant tout un désir de
transformer la région en une destination artistique à la mode qui peut attirer des touristes haut de
gamme. » (p. 295)
Chapitre III

Thématiques et concours

Nous nous proposons à présent de voir plus en détail la question des


thématiques des créations lyriques, déjà évoquée dans les chapitres
précédents. Si les sujets abordés par les nouvelles productions opératiques
sont très liés en Chine à un contexte socio-politique, qu’en est-il aux États-
Unis et en Europe ? Une étude plus systématique des créations sur la saison
2018-2019 nous permettra d’apporter quelques éléments de réponses. De
même, le classement des concours internationaux de chant nous renseignera
sur l’évolution du monde de l’opéra depuis la fin de la guerre froide.

A. LES THÉMATIQUES ABORDÉES DANS LES OPÉRAS


Sans prétendre à l’exhaustivité, et selon les informations disponibles,
nous avons tenté de répertorier les principales créations mondiales pour la
saison 2018-2019, essentiellement en Europe de l’Ouest et aux États-Unis
(voir histogramme ci-dessous).
Les thèmes qui ont un rapport avec la condition humaine (l’amour, la
mort, la folie…) et les sujets de société (LGBTQ, les fermetures d’usines, le
Brexit, le sport et la corruption, l’intelligence artificielle, les enjeux de la
numérisation, etc.) arrivent en tête, avec près de vingt créations mondiales.
Viennent ensuite une dizaine de « biopic » qui narrent la vie du poète
Lorenzo da Ponte, de la compositrice Clara Schumann, du peintre Giorgia
O’Keeffe, du théologien Martin Luther… Sept créations mondiales
abordent des sujets liés à l’histoire : le 100e anniversaire du soulèvement
des marins de Kiel ; la guerre de Sécession américaine au XIXe siècle ; les
inondations de l’Ohio en 1913 ; la monté du national-socialisme et de
l’antisémitisme en Allemagne…
C’est aux États-Unis et en Allemagne que les sujets de société sont les plus
traités dans les nouvelles productions lyriques, deux pays où les créations
sont parmi les plus importantes (respectivement six et cinq créations
mondiales). Les thématiques qui abordent la condition humaine sont aussi
le fait majoritairement de productions allemandes (six créations), suivies de
l’Italie (quatre créations), de la Suisse et de l’Espagne. La France, quant à
elle, mêle dans ses créations des imaginaires inspirés de romans ou de
nouvelles.
À rebours de ce que certains peuvent penser, l’opéra est bien un art vivant.
Les compositeurs, comme les cinéastes, puisent leur inspiration dans des
sujets de société contemporains. Cette tendance semble néanmoins prendre
le pas sur les créations d’inspiration historique, médiévale et antique, ou les
grands mythes grecs revisités. On remarque en effet que les sujets d’histoire
ne sont traités que dans une minorité des créations de la saison 2018-2019.
Faut-il y voir une évolution significative de l’opéra en ce début de
XXIe siècle235 ? Il n’en est pas de même en Chine, où les programmations
mettent en exergue des évènements historiques nationaux. Pour cette seule
saison, trois créations du Grand Théâtre national de Chine ont pour thème la
période communiste chinoise.
Curieusement en France, un thème aussi abondamment traité et médiatisé
que celui de la Révolution française n’inspire aucun compositeur
contemporain. Faut-il y voir un désintérêt pour l’histoire en général ou un
manque d’inspiration ? Les compositeurs ne se sentent-ils pas à l’aise avec
des thématiques qu’ils pensent, à tort ou à raison, trop clivantes ? Le genre
opératique se renouvelle pour autant, mais le chemin de la création se
singularise selon l’histoire des pays et la nature des régimes politiques.

B. LES CONCOURS INTERNATIONAUX DE CHANT


LYRIQUE
Les concours internationaux de chant lyrique sont souvent un passage
obligé des artistes pour se faire connaître et espérer monter les marches des
grandes scènes internationales. Au-delà de l’aspect purement artistique, il
est intéressant d’analyser les résultats des concours et essayer de voir dans
quelle mesure nous pouvons les insérer dans une grille de lecture
géopolitique.
L’un des constats qui s’impose est une évolution significative des
classements internationaux à partir du mitan des années 1990. Globalement,
on peut dire qu’avant la chute du Mur de Berlin les premiers prix de
concours furent remportés essentiellement par des artistes européens ou
nord-américains, à quelques rares exceptions. Les choses ont changé depuis
trente ans et, désormais, de plus en plus de nationalités extra-européennes
accèdent au podium. Il est intéressant de noter que ce changement s’opère
dans un contexte géopolitique qui coïncide curieusement avec la fin de la
guerre froide. Les cartes lyriques apparaissent ici comme un des capteurs du
phénomène de « pivot géopolitique » vers l’Asie, que l’on observe par
ailleurs depuis plusieurs années sur le plan économique notamment.
Le Concours international Tchaïkovski, par exemple, est révélateur de cette
tendance. L’un des plus prestigieux concours de musique classique, fondé
en 1958, décerne des prix dans deux disciplines : instrumentale (piano,
violon, violoncelle) et lyrique (masculin et féminin). Depuis que l’épreuve
lyrique existe, un des trois premiers prix a toujours été remporté par au
moins un russe – la moisson des médailles étant fluctuantes selon les années
–. En 1970, huit finalistes russes accédèrent aux trois premières marches du
podium. Jusqu’au milieu des années 1990, 37 russes, six Américains et
quelques Européens (deux Bulgares, deux Hongrois, deux Polonais, trois
Roumains) se sont disputés les premières places.
Un changement s’opère à partir de 1994 où pour la première fois dans
l’histoire du concours deux Asiatiques remportent le 1er et le 3e prix : les
chinois Chen-Ye Yuan et Ho Gwan Su. En 1998, le 1er prix d’interprétation
féminine est remporté par la japonaise Mieko Sato.
Depuis 2002, la Corée du Sud a remporté un nombre inédit de prix lyriques,
du jamais vu depuis la création de l’épreuve chant du concours en 1966 : en
2002 (3e prix pour Kim Don Seub), 2011 (1er prix pour la soprano Sunyoung
Seo et la basse Jongmin Park), et 2015 (3e prix pour le baryton Hansung
Yoo).
Certains de ces chanteurs font aujourd’hui une carrière internationale. C’est
le cas de la soprano Sunyoung Seo qui chante principalement dans son pays
natal, mais aussi en France (à Nancy) et en Allemagne236. La basse
Jongmin Park a chanté de très nombreux rôles principalement au Wiener
Staatsoper et dans certains festivals européens (Salzbourg, Festival d’opéra
de Savonlinna)237. Quant au baryton Hansung Yo, sa carrière se déroule en
grande partie outre-Rhin, au Staatstheater de Kassel238. Preuve que les
concours ne servent pas à rien, et que tous ne repartent pas dans leur pays
natal une fois en poche le premier sésame.
Un autre pays asiatique a fait ces dernières années son entrée sur le podium
des finalistes du Concours Tchaïkovski : la Mongolie239. Le baryton
Ariunbaatar Ganbaatar a remporté le 1er prix d’interprétation masculine lors
de l’édition 2015240/241 ; son compatriote Enkhabtyn Amartüvshin avait
raflé la deuxième place du concours quatre ans auparavant. Ce dernier
remplaça au pied levé le célèbre baryton italien Léo Nucci dans une
représentation de Nabucco de Verdi au Théâtre des Champs-Élysées le
9 novembre 2018 ; signe de la confiance que lui accordent déjà certains
théâtres.
L’évolution de ce concours n’est pas un cas isolé puisque d’autres épreuves
internationales de chant confirment la tendance décrite ci-dessus : c’est le
cas en France, en Belgique et en Italie.
Au Concours international de chant de Toulouse, organisé depuis 1954,
Russes et Américains se sont longtemps partagés les Grands Prix
(respectivement 12 et 10 Grands Prix). En quatrième position, juste derrière
la Roumanie, la Corée du Sud peut déjà s’enorgueillir de six Grands Prix.
Depuis 1993, aucun chanteur masculin européen n’a remporté la plus haute
récompense du concours toulousain (le premier Grand Prix homme n’a pas
été décerné en 1998, 2002, 2004 et 2010) ; six Coréens, deux Chinois et un
Japonais ont chacun remporté un 1er Grand Prix lors des dix dernières
éditions depuis 2000242. Certains de ces finalistes mènent aujourd’hui une
carrière à l’internationale : Junghoon Kim en Angleterre et en Allemagne,
Seung-Gi Jung en Allemagne (Badisches Staatstheater de Karlsruhe).
Au Concours international de chant lyrique de Bordeaux-Robert Massard,
Naka Yuko et Sayaka Takahashi, originaires du Japon, ont remporté les
deux premiers Prix Opéra de l’édition 2017243.
Au prestigieux Concours musical international Reine Élisabeth de Belgique,
cinq Coréens sont déjà montés sur la première marche du podium depuis
2008, dont deux dans la catégorie chant : les sopranos Haeran Hong et Sumi
HWang, en 2011 et 2014244/245/246/247. Depuis 2016, Sumi HWang a déjà
chanté pas moins de onze rôles en Allemagne principalement (Theater
Bonn) et en Autriche. En 2018, c’est le baryton allemand Samuel
Hasselhorn qui a été élu Lauréat de ce concourt. Mais les profils des 64
candidats sélectionnés, sur la base d’une vidéo et d’un dossier, sur 312
candidatures reçues confirment, ici aussi, la poussée asiatique : la Corée du
Sud a été la Nation la plus représentée parmi les candidats, au nombre de
treize, devant la France (12) et l’Allemagne (7)248.
En 2011, le Concours Long-Thibault-Crespin a ajouté une épreuve chant.
Le 1er Grand Prix des lauréats 2011 est revenu à la basse sud-coréenne
Kihwan Sim249. Comme d’autres compatriotes, le chanteur se produit
depuis 2015 essentiellement en Allemagne, à l’Opéra de Francfort, où il a
déjà chanté pas loin de vingt rôles250.
En septembre 2018, la 2e édition du Concours lyrique international Adriana
Maliponte avait lieu à Milan. Parmi les 17 finalistes, le ténor chinois Li
Chen (1er Prix) et la soprano sud-coréenne Hyewon Jung (3e Prix), ex-aequo
avec la soprano turque Simges Buyukedes251. Un second sud-coréen, le
baryton Bok Eum Yu, a remporté le prix spécial « jeunes talents »252.
Et l’on pourrait, ainsi de suite, égrener une liste interminable de concours
de chants, mais un constat s’impose : les chanteurs asiatiques ont pris une
place prépondérante depuis une vingtaine d’années dans les classements des
concours internationaux de chant lyrique. Cette présence est aussi marquée
dans les grandes métropoles (Saint Pétersbourg, Milan) que dans les villes
régionales (Bordeaux et Toulouse).
Selon les organisateurs du concours Paris Opéra Competition, cette
visibilité accrue des talents lyriques coréens est due à une plus forte
émigration coréenne vers l’Europe, où les chanteurs viennent ensuite se
perfectionner dans les meilleures écoles de chant du continent ; les jeunes
chanteurs peuvent aussi bénéficier, en retour, de l’expérience de leurs aînés
à travers des master-class253.
Et pourtant, malgré cette présence remarquée dans les concours
internationaux, une minorité de chanteurs asiatiques fait aujourd’hui une
carrière internationale254. On en retrouve néanmoins un certain nombre en
Allemagne, pays où les théâtres lyriques ont conservé des troupes de
chanteurs permanents ; ce système permet aux artistes extra-européens de
s’intégrer plus facilement dans le paysage lyrique255.
Il serait cependant inconvenant de ne mettre la lumière que sur les
chanteurs asiatiques, au risque de créer une loupe déformante ; si la
tendance d’un accroissement de ces candidats dans les concours
internationaux de chant est une réalité, elle ne signifie pas pour autant une
baisse des candidatures européennes – ni que la Chine et la Corée sont les
seules Nations à percer, l’Amérique Latine est un autre continent émergent
–. L’éventail de participation des candidats aux concours d’art lyrique
coïncide plutôt avec le processus de mondialisation que nous avons décrit.
La prolifération de candidatures originaires des pays asiatiques, qui
démontre un intérêt croissant de ces pays pour la culture classique
européenne, met aussi en exergue l’activité des centres de formation et des
écoles de chants européens. À ce titre, le Conservatoire national supérieur
de musique et de danse de Paris est une vitrine du rayonnement français,
puisqu’une promotion accueille chaque année environ 15 % d’élèves hors
Union européenne, dont 65 % viennent de pays asiatiques – majoritairement
du Japon (51 %), de la Corée du Sud (28 %), de la Chine, du Kazakhstan et
de la Thaïlande256.

235 En 2010, Jean-Claude Yon rappelait, dans un article de la revue de l’École des Chartes, que les
sujets liés à l’Antiquité gréco-romaine ont toujours inspiré les créations de l’Opéra de Paris au cours
du XIXe siècle. Un arrêté parisien de 1807 stipulait comme suit : l’Opéra « peut seul représenter les
pièces qui sont entièrement en musique et les ballets du genre noble et gracieux : tels sont tous ceux
dont les sujets ont été puisés dans la mythologie ou dans l’histoire, et dont les principaux
personnages sont des dieux, des rois ou des héros. » Arrêté cité par Nicole Wild, Dictionnaire des
théâtres parisiens au XIXe siècle, Paris : Aux amateurs de livres, 1989 ; cité dans Michel NOIRAY &
Solveig SERRE, Le répertoire de l’Opéra de Paris (1671 – 2009), analyse et interprétation, études et
rencontres de l’École des Chartes. Disponible à l’adresse : http://www.chartes.psl.eu/fr/publication/r
epertoire-opera-paris-1671-2009
236 Sunyoung Seo, Opera base. Disponible à l’adresse : https://www.operabase.com/a/sunyoung-
seo/16367/fr
237 Youngmin Park, Opera base. Disponible à l’adresse : https://www.operabase.com/a/jongmin-
park/8735/fr
238 Hansung Yoo, Opera base. Disponible à l’adresse : https://www.operabase.com/a/hansung-
yoo/24147/fr
239 Kate MOLLESON, « How Mongolia went wild for opera », The Guardian [En ligne]. 2 janvier
2018. Disponible à l’adresse : https://www.theguardian.com/music/2018/jan/02/how-mongolia-went-
wild-for-opera-ariunbaatar-ganbaatar
240 « From the steppes to the stage », BBC Radio 4 [En ligne]. 11 janvier 2018. Disponible à
l’adresse : https://www.bbc.co.uk/programmes/b09l1ygv
241 Enkhbatyn Amartüvshin, Mongolia state academic theater of opera and ballet, E. Amartuvsin,
« Eri tu… », BBC Cardiff Singer of the World 2015. [Vidéo]. 2015. Disponible à l’adresse :
https://www.youtube.com/watch?v=9-cR75I9Rmw
242 Jean-Michel OGIER, « Triomphe sud-coréen au 51e Concours international de chant de
Toulouse », France Info [En ligne]. 12 septembre 2016. Disponible à l’adresse :
https://culturebox.francetvinfo.fr/opera-classique/musique-classique/triomphe-sud-coreen-au-51e-
concours-international-de-chant-de-toulouse-245861
243 Concours international de chant « Robert Massard », AGT Opéra de Bordeaux. Disponible à
l’adresse : http://agtbordeaux.blogspot.com/2016/0 1/concours-international-de-chant-robert.html
244 https://www.youtube.com/watch?v=peJTLsB1tcI
245 Haeran Hong, Opera base. Disponible à l’adresse : http://operabase.com/a/Haeran_Hong/6669/fr
246 Sumi Hwang, Opera base. Disponible à l’adresse :
http://operabase.com/a/Sumi_Hwang/21982/fr
247 Sumi Hwang, G. Puccini Si, Mi chiamano mini from Opera La Bohème, Concert du centre des
arts de Séoul [Vidéo]. 2015. Disponible à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?
v=q82CXn6DIzk
248 « Les candidats du Concours Reine Élisabeth sont connus », RTBF, 5 mars 2018. Disponible à
l’adresse : https://www.rtbf.be/culture/musique/concours-reine-elisabeth/detail_les-candidats-du-
concours-reine-elisabeth-sont-connus?id=9858123
249 Lauréats concours international chant 2011, Concours Long Thibaud-Crespin. Disponible à
l’adresse : http://www.long-thibaud-crespin.org/concours/chant-2011.html
250 Kihwan Sim, Opera base. Disponible à l’adresse : https://www.operabase.com/a/kihwan-
sim/9735/fr
251 Programma del concerto finale, Concours lyrique international Adriana Maliponte. Disponible à
l’adresse : https://docs.wixstatic.com/ugd/4d50ad_623a596f627e4c2a8326f6bb31ef1f5a.pdf
252 Seconda Edizione Concorso Lirico Internazionale, Associazone Artistico Culturale Italiana.
Disponible à l’adresse : https://www.assivtc.org/concorsi
253 Thierry HILLÉRITEAU, « La déferlante asiatique à l’opéra », Le Figaro [En ligne]. 25 juin
2013. Disponible à l’adresse : http://premium.lefigaro.fr/musique/2013/06/25/03006-
20130625ARTFIG00259-la-deferlante-asiatique-a-l-opera.php
254 « Opéra : les chanteurs asiatiques peuvent-ils faire carrière en France ? », France Musique [En
ligne]. 20 octobre 2017. Disponible à l’adresse : https://www.francemusique.fr/opera/pas-facile-de-
faire-carriere-dans-le-lyrique-quand-est-chanteur-d-origine-asiatique-37901
255 Ibid.
256 Anne-Laure LEMANCEL, La composition musicale au Conservatoire de Paris : un
rayonnement international, Sacem, blog de la fabrique culturelle, 15 janvier 2019. Disponible à
l’adresse : https://la-fabrique-culturelle.sacem.fr/blog/education-sacem/la-composition-musicale-au-
conservatoire-de-paris--un-rayonnement-international
CONCLUSION

Nous avons voulu montrer dans quelle mesure le monde de l’opéra est
parfois tributaire d’un environnement culturel, social, politique, ou pouvait
être le bras culturel d’enjeux géopolitiques.
En Europe, l’art lyrique bénéficie aujourd’hui d’un patrimoine culturel
important et de ressources qui lui permettent de rester en tête pour une
créativité de qualité. Il n’est plus, à la différence du XIXe siècle, un enjeu
identitaire imbriqué dans des rivalités géopolitiques. La vocation de
l’Europe et de la France en particulier est d’assumer cet héritage culturel, et
de le faire prospérer.
La France compte développer et promouvoir une diplomatie culturelle et
d’influence dont on peut espérer que l’opéra en soit une des composantes.
Les autorités travaillent sur une stratégie qui tente d’articuler une politique
d’exportation des œuvres et des créations avec un meilleur ciblage des
publics. Mais ces initiatives ne peuvent réussir qu’à condition de reposer
sur des convictions et une exécution suivie de la stratégie définie, eu égard
aux retombées positives pour la France.
Aux États-Unis, le rayonnement international de l’art lyrique bénéficie en
grande partie de la renommée historique du Met Opera, dont le théâtre new-
yorkais a su investir des moyens dignes d’Hollywood pour diffuser ses
spectacles dans les cinémas du monde entier. Pour autant, le rayonnement
artistique de l’institution fait quelque peu écran aux activités des autres
théâtres aux États-Unis, où la création suit de près l’histoire contemporaine
du pays.
Si en Chine le théâtre jouit d’une longue tradition, un regain d’intérêt pour
l’opéra a été constaté ces dernières années ; la mise à contribution de
l’université dans le domaine de l’art lyrique, par exemple, montre qu’une
dynamique volontariste de développement est enclenchée. Mais au moment
où la jeunesse du pays est plus disposée que les générations précédentes à
assister à des représentations lyriques, l’opéra redevient un vecteur de
propagande des autorités communistes. Dans ce contexte de durcissement
du régime, l’opéra chinois est encore loin de s’imposer comme une
référence culturelle nationale, et encore moins internationale.
Dans les États arabes du Golfe, enfin, l’opéra a fait en moins de dix ans une
percée remarquable sur la scène régionale. Les nouveaux temples lyriques
viennent en appui du rayonnement des mégalopoles ; pour ces monarchies
pétrolières, ils sont le symbole de leur volonté de grandeur, l’espoir de faire
jeu égal avec l’Occident et l’affirmation de pouvoirs régionaux. Mais cette
dynamique architecturale court le risque de n’être qu’une coquille vide si
elle ne s’adosse pas à une politique de formation de qualité.
L’opéra apparaît comme un révélateur intéressant de la valeur qu’une
société accorde à la culture : espace de liberté, production de sens,
exploration spirituelle, quête d’absolu, ou bien uniformisation des esprits et
des représentations, politisation de la création, voire financiarisation des
échanges. Si en France une tradition de liberté de création se perpétue et
enrichit le patrimoine lyrique, il en va autrement en Chine : l’opéra est au
contraire perçu par les autorités comme un instrument politique au service
de l’idéologie du Parti communiste.
De leur côté, les pays du Golfe profitent de l’image de prestige dont jouit
l’opéra en Occident pour investir ce secteur comme ils le font dans d’autres
domaines (musées, sites archéologiques, etc.). Encore faut-il que cette
réplique d’un art européen sur des terres vierges de toute tradition lyrique
soit inscrite dans un projet national et culturel cohérent, où la création
locale serait par exemple mise à l’honneur, ce qui est encore loin d’être le
cas. De leur côté, les États-Unis ont peut-être trouvé un certain équilibre
entre le rayonnement international d’un art classique, via l’institution phare
du Met Opera, et la création contemporaine.
Dans les différents cas analysés, nous avons constaté que si la forme
institutionnelle a été copiée, le contexte culturel (philosophique,
religieux…) et politique (démocratie, parti unique, monarchies…) de
chaque pays a engendré des contenus différents, à l’image des enjeux
culturels et politiques propres à chaque zone géographique. L’opéra peut,
grâce à sa richesse de créations, rayonner au profit d’un pays et d’une
culture, mais également être mis à l’honneur par un régime, avec une
intention déclarée ou non de valoriser ce régime ou une identité nationale.
Quel que soit le pays étudié, l’image d’un art jugé « passéiste » ne résiste
pas à l’analyse ; les exemples abondamment cités ci-dessus démontrent, au
contraire, qu’il demeure un art ancré dans le présent. Les nouvelles œuvres,
les thématiques abordées et le succès des concours lyriques sont la preuve
d’une émulation certaine chez les créateurs autant que chez les interprètes.
Si les dynamiques de développement de l’opéra ont évolué différemment au
cours des dernières décennies, c’est que l’engouement contemporain de
l’opéra, que d’aucuns ont pu constater, est autant le produit d’une longue
histoire que le reflet d’une époque257.
Après ce parcours nécessairement limité de l’opéra dans le monde austère
de la géopolitique, ne perdons pas de vue cependant que son
développement, autant en Europe que dans le reste du monde, est dû avant
tout à la magie de la beauté que cet art total a pu exercer sur plusieurs
générations de publics, d’artistes et de compositeurs. Il est une forme
d’expression de la spiritualité humaine, forme dans laquelle tout homme,
quelle que soit sa culture, peut se retrouver et s’exprimer.

257 La Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles,


adoptée en 2005 par une large majorité d’États, à l’initiative de l’UNESCO, reconnait la valeur des
biens et services culturels comme « porteurs d’identité, de valeurs et de sens », et réaffirme le rôle de
la culture dans l’agenda politique international. Nous avons vu que l’opéra y tient toute sa place.
BIBLIOGRAPHIE

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SOUBRIER, Emma (coord.). Les pays du Conseil de coopération du Golfe.
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CHARILLON, Frédéric & LEVEAU, Rémy (dir.). Monarchies du Golfe, les
micro-États de la péninsule arabique. Paris : La documentation française,
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• Qatar
ENNASRI, Nabil. L’énigme du Qatar, Paris : Armand Colin, 2013.
DA LAGE, Olivier, EL OIFI, Mohammed, LECADRE, Renaud, et al. Qatar,
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HERBILLON, Michel & SYLLA, Sira. Rapport d’information déposée par la
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culture.net/fichiers/files/note_de_synthese_sur_l_art_lyrique_en_france.p
df
TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION
Chapitre I : Genèse et diffusion de l’opéra
Les processus de mondialisation de l’opéra
L’Égypte et la Turquie : premières formes lyriques
à l’est de la Méditerranée
Une nouvelle mondialisation ?
Chapitre II : Les enjeux du monde de l’opéra
dans une nouvelle géographie des espaces lyriques
A.La France en Europe
Une stratégie de rayonnement fondée
sur le ciblage géographique
Quand le baroque s’exporte
B.Les États-Unis
L’opéra et ses créations, reflet de l’histoire
contemporaine des États-Unis
C.La Chine et ses voisins
Une politique culturelle axée sur l’idéologie
du Parti communiste chinois
Des discours aux actes : un soft power chinois à relativiser
Les constructions de nouveaux théâtres lyriques en Chine
Le patriotisme comme « objet de création »
Le répertoire lyrique chinois dans le contexte politique actuel
La Chine, nouvelle puissance musicale ?
Quelles relations entre la Chine et la France ?
La Chine et son environnement immédiat :
le Japon et la Corée du Sud
D.Les États arabes du Golfe
1. Oman
2. Émirats arabes unis
3. Qatar
4. Bahreïn
5. Arabie saoudite
Chapitre III : Thématiques et concours
A.Les thématiques abordées dans les opéras
B.Les concours internationaux de chant lyrique
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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