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URGENCES

2007 Chapitre 67
co-fondateurs
La qualité
en régulation médicale

M. GIROUD

1. Introduction
La régulation médicale est la prise en charge par un médecin exerçant dans une
organisation dédiée d’un patient se trouvant à distance (1). Introduit il y a une
trentaine d’années, cet exercice médical est peu à peu devenu une nouvelle
composante de l’art de soigner, sa particularité étant d’être un acte médical
pratiqué au téléphone. Nous traiterons ici de la régulation médicale exercée au
sein d’un SAMU (2). La démarche qualité y est d’autant plus nécessaire que les
actes de régulation médicale sont si nombreux et polymorphes que seule une
gestion méthodique permet de les appréhender.

2. Une mission bien définie et bien comprise des acteurs


2.1. La mission
La conformité à la mission est l’un des fondements de la qualité. Il est donc
essentiel que le médecin régulateur et ses collaborateurs aient une idée claire de
leur mission. Le Code de déontologie médicale (3) prescrit (art. 8) : « Dans les
limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles
qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. Il doit, sans négliger son
devoir d’assistance morale, limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est
nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins. ». Cette obligation
déontologique de prescriptions les plus appropriées est à mettre en parallèle de

Correspondance : Samu-SMUR, centre hospitalier de Pontoise, BP 79 Pontoise 95303 Cergy-Pontoise.


E-mail : marc.giroud@ch-pontoise.fr

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la mission du SAMU définie par le décret de 1987 (4) : « Déterminer et
déclencher, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature
des appels ».

2.2. La double finalité


La régulation médicale a, ainsi, deux principales finalités (1) : la première est
qu’elle apporte une aide à chacun des patients pour lesquels elle est sollicitée
(finalité individuelle) ; la seconde est qu’elle articule et facilite l’action des
intervenants et optimise l’usage des ressources (finalité communautaire). Le
médecin régulateur peut se sentir tiraillé entre l’intérêt communautaire
(préservation de la disponibilité des ressources) et l’intérêt du patient qu’il a en
charge (emploi des ressources). Ces deux finalités ne sont cependant pas
contradictoires ; elles s’additionnent. Le Code pénal prescrit l’obligation de
porter secours et la jurisprudence des tribunaux place au premier plan la finalité
individuelle de la régulation médicale. Une attitude trop restrictive dans l’emploi
des moyens lourds explique, d’ailleurs, une bonne partie des échecs dramatiques
de la régulation médicale et peut nourrir au sein du public un certain
ressentiment à son encontre. Il convient donc de guider la pratique des médecins
régulateurs en soulignant que la régulation médicale, comme tout acte médical,
est fondamentalement et prioritairement un acte à finalité individuelle avec un
effet secondaire communautaire.

2.3. La charte de la régulation médicale


Du fait de la spécificité de l’acte, il serait utile de disposer, au niveau national,
d’une « charte de la régulation médicale ». Sans attendre, nous recommandons
que chaque SAMU dispose d’un document général sur la régulation médicale
précisant la mission, les règles d’éthique et de déontologie, les principes
d’action, la politique, les orientations stratégiques et le projet médical du service
(C11). Ce document soulignera notamment les points suivants du Code de
déontologie médicale : l’indépendance du prescripteur (art. 5, 8, 95), sa
neutralité (art. 23, 57), l’information du patient et le respect de son libre choix
(art. 6, 35, 36), la confidentialité (art. 4, 72), le fonctionnement en réseau (art.
32, 33, 40, 60, 64), la responsabilité de chaque médecin (art. 69), la limite à ce
qui est nécessaire (art. 8). La notion de plus-value doit être mise en avant. Les
fonctions du centre de régulation médicale ne sont, en effet, utiles, voire
indispensables, que dans la mesure où elles ajoutent une valeur. Le SAMU n’est
pas – et ne doit pas être considéré comme – un « passage obligé », mais un
« acteur » du jeu de l’urgence, dont la légitimité est de faciliter, de sécuriser, de
potentialiser l’action de chacun, demandeurs et intervenants. La qualité de la
régulation médicale repose en grande partie sur la bonne compréhension de
cette logique de la valeur ajoutée.

1. Les annotations (C1) et les suivantes renvoient, en fin de l’article, au tableau des
critères de la démarche qualité de la régulation médicale au SAMU.

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3. Une structure aux normes


3.1. Les locaux et les équipements
La régulation médicale nécessite une structure adaptée et équipée dont les caracté-
ristiques ont bien été décrites dans une récente conférence d’experts (5). Les
décrets urgences (6, 7) soulignent les liens unissant les trois composantes de
l’urgence : régulation médicale, SMUR, service des urgences. Ces liens seront
d’autant plus solides que l’architecture les renforcera. La proximité entre ces trois
composantes doit donc être une norme. Considérant, par ailleurs, l’importance,
pour la qualité du service rendu aux patients, des liens entre tous les acteurs de
l’aide médicale urgente, il convient, le moment venu, de pouvoir accueillir au sein
du centre de régulation médicale, sans en être empêché par des locaux trop exigus,
les différents partenaires susceptibles de s’y joindre. Aucune norme n’est édictée
pour la surface de la salle de régulation. À la lumière des réalisations les plus récen-
tes (Grenoble, Corbeil) et des projets en cours (Paris, Pontoise) nous proposons la
norme de 500 m2 pour la salle de régulation et ses annexes directes (C2).

3.2. Les ressources humaines


Les médecins régulateurs sont assistés de permanenciers auxiliaires de régulation
médicale. Les effectifs de la régulation médicale ont fait l’objet de recomman-
dations professionnelles (5, 8). Ces effectifs doivent être calculés pour permettre,
en moyenne, la présence en salle de régulation d’un médecin et de deux per-
manenciers par tranche de 300 000 habitants. L’effectif réellement présent doit
être adapté à l’activité qui est variable dans le cours de la journée, de la semaine
et de l’année. Nous recommandons, au moins dans les périodes de forte activité,
qu’il y ait, d’une part, un permanencier d’accueil et d’orientation destiné à réa-
liser le tri des appels afin de limiter le temps d’attente en priorisant les cas les
plus urgents et, d’autre part, un chef de salle, ou superviseur, destiné à apporter
une sécurité supplémentaire à la gestion des demandes et des réponses (9).
Nous recommandons que l’équipe soit encadrée par un cadre de santé, de façon
à bien ancrer la régulation médicale dans une logique de soins et à faciliter son
intégration au sein de l’hôpital. L’équipe doit, en outre, comporter d’autres pro-
fessionnels ayant des qualifications spécifiques, notamment pour la documenta-
tion, la maintenance de certains équipements, l’analyse d’activité (C3).

3.3. Les permanenciers


Le rôle des permanenciers doit être clairement précisé dans les documents du
service (C4).

3.4. Les médecins régulateurs


Le SAMU dispose de deux catégories de médecins régulateurs, les médecins régu-
lateurs SAMU (généralement urgentistes ou anesthésistes-réanimateurs) et les
médecins régulateurs généralistes (C5). La complémentarité entre ces médecins

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est la meilleure façon de garantir une réponse coordonnée, efficace et adaptée à
tous les appels urgents dans leur diversité croissante, incluant à présent le champ
de la permanence des soins en médecine ambulatoire (PDSma). Les deux catégo-
ries de médecins régulateurs ne sont pas interchangeables. Au moins un médecin
régulateur SAMU doit être en permanence en activité à son poste de travail, y
compris la nuit (5). Cette exigence élémentaire est loin d’être toujours satisfaite. Il
convient, pour cela, de disposer, d’au moins deux médecins régulateurs SAMU de
nuit pour assurer, par rotation, une permanence continue en salle de régulation
(C6). Ce point est essentiel à la sécurité, nombre d’échecs de la régulation médi-
cale survenant au creux de la nuit, lorsque le médecin régulateur est subitement
réveillé. Les effets de l’engourdissement au réveil brutal semblent, en effet, aussi
sévères que ceux de l’ivresse (10).

3.5. La sécurisation
La grande panne de France Télécom de la Toussaint 2004 a révélé la vulnérabilité
des SAMU. Il convient de prévoir, d’une part, des modalités de fonctionnement
dégradé sur le même site et, d’autre part, le déplacement vers un autre site, par
exemple un autre SAMU où la documentation spécifique aura préalablement été
transférée (C7).

4. Un réseau vivant
4.1. Les partenariats
Les partenaires du SAMU sont les suivants : établissements de santé (notamment
leurs structures d’urgences et tout particulièrement les SMUR), médecins corres-
pondants SAMU, pompiers, ambulanciers privés, secouristes, acteurs de PDSma,
acteurs de l’HAD et des soins palliatifs, pharmaciens d’officine, dentistes, kinési-
thérapeutes, infirmiers libéraux, autres centres d’appels du secteur santé ou du
secteur social (centres anti-poisons, coordination périnatale, SAMU social, téléa-
larme, etc.), autres SAMU. Avec chacun, le SAMU doit développer des partena-
riats formalisés (conventions, protocoles) comportant notamment un comité de
liaison s’appuyant sur des évaluations objectives réalisées conjointement ; le
comité départemental présidé par le Préfet assurant la cohérence de l’ensemble
(C8). Des visites doivent être organisées pour que les professionnels de chacune
des structures participant au réseau puissent découvrir les autres organisations.
Ces visites croisées facilitent les relations au quotidien et constituent un des
outils les plus efficaces de la qualité (C9).

4.2. Les outils du réseau de l’urgence


Les décrets urgences (6, 7) créent le réseau de l’urgence doté de trois nouveaux
outils : la convention constitutive du réseau, le répertoire opérationnel des
ressources, la fiche de dysfonctionnement. Un quatrième outil du réseau, le
dossier médical personnel (DMP), est en cours de mise en place. La qualité du

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fonctionnement du SAMU sera très directement liée à celle de ce réseau. Il est
donc important que le SAMU s’y implique activement (C10). Ce réseau dont la
structure sera régionale ne devra pas faire obstacle à la recherche des solutions
les plus appropriées pour le patient, y compris au-delà des frontières
administratives. L’interopérabilité nationale du répertoire opérationnel des
ressources devra donc être recherchée et mise en œuvre.

4.3. Le réseau interSAMU


Entre les SAMU d’une même région et entre les SAMU voisins de régions diffé-
rentes, les liens doivent être étroits (C11). Certains SAMU disposent de consul-
tants spécialisés (pédiatres, psychiatres, toxicologues, sages-femmes, etc.). Ces
ressources doivent être mutualisées. Des accords doivent régir les questions fron-
talières et l’entraide que se doivent les SAMU voisins. En cas d’accident collectif,
nous recommandons l’abandon de la pratique courante qui consiste à attendre
la demande de renforts et son remplacement par un « devoir d’ingérence »
imposant l’envoi immédiat de moyens lourds dont l’intervention ne sera annulée
que suite à une information documentée démontrant leur inutilité.

5. Un ensemble de processus formalisés


5.1. Les références de la certification
Les références du manuel de certification (11) doivent être déclinées dans les
documents du service (C12). Parmi ces références (réf.), certaines méritent un
éclairage particulier s’agissant de la régulation médicale. L’identification du
patient (réf. 22) n’est pas aisée et doit susciter une vigilance qui sera
particulièrement sensible lorsque le DMP sera accessible du SAMU. Le respect de
la volonté du patient (réf. 26) suppose une grande qualité de l’échange
téléphonique qui va de pair avec la prise en compte du droit du patient à une
information complète, notamment en termes de bénéfices/risques (réf. 29, 31).
Les situations nécessitant une prise en charge particulière (réf. 29, 30),
notamment les fragilités sociales, et la douleur (réf. 32) doivent faire l’objet
d’une sensibilisation des permanenciers. L’éducation du patient (réf. 40) a une
place importante dans les conseils donnés par le médecin régulateur. Les soins
palliatifs et la fin de vie (réf. 42, 43) nécessitent une approche spécifique.

5.2. Les documents de la démarche qualité


Un premier document doit d’abord définir la procédure d’élaboration, de
concertation, de validation, de communication et d’évaluation des règles écrites
constituant la démarche qualité (C13). Viennent ensuite le document général
évoqué plus haut, le règlement intérieur, le livret d’accueil des agents, les fiches
de postes, l’organigramme précisant les responsabilités de chacun (C14). La
participation des professionnels à la gestion du service étant un facteur clé de la
réussite de la démarche qualité, il est particulièrement important de prévoir des

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responsabilités déléguées à des référents, médecins et permanenciers, dans des
domaines identifiés (C15).

5.3. Les protocoles de régulation médicale


Les protocoles de régulation médicale sont destinés à guider la réponse aux
demandes. Le guide de régulation (12) est une référence générale. Des règles de
bonne pratique plus ponctuelles se dessinent au fur et à mesure (C16, C17).

5.4. Le dossier de régulation médicale


Le dossier de régulation médicale est un élément clé de la qualité. Il doit
comporter : motif de recours, antécédents, résumé de l’interrogatoire médical,
hypothèses diagnostic et pronostic, débat bénéfices-risques avec, le cas échéant,
l’analyse des termes de ce débat et la réaction du patient à son exposé, expression
du consentement éclairé du patient ou de son choix, éléments du suivi de la régu-
lation médicale, bilans itératifs des éventuels effecteurs, procédure de clôture du
dossier (validation de la démarche et information du médecin traitant) (C18).
L’opération de clôture du dossier est un temps fort de la qualité et de la prévention
des risques. C’est le moment de vérifier et valider l’ensemble de la démarche. Au
moindre doute, le rappel du patient et/ou des effecteurs permettra de sécuriser la
prise en charge. L’information du médecin traitant doit être organisée. La commu-
nication au patient suppose l’établissement d’un dossier formalisé (13). L’enregis-
trement des communications téléphoniques est habituel, mais il n’est pas
obligatoire. La question de savoir s’il fait ou non partie du dossier n’est pas tran-
chée. Il est utile à l’évaluation et à la formation et s’inscrit à ce titre dans la démar-
che qualité. L’accès du SAMU au DMP sera un progrès déterminant.

5.5. Le conseil et la prescription téléphonique


Le conseil intervient soit en réponse à une demande explicite, soit en substitution
à une demande d’intervention, soit en attendant l’arrivée des secours. Seules les
situations urgentes concernent le SAMU. Les conseils pour des situations non
urgentes doivent être réorientés vers le médecin traitant, voire, lorsqu’il en
existe, vers un centre d’appels spécialisé. La prescription téléphonique par le
médecin régulateur n’est, aujourd’hui, ni autorisée, ni codifiée. Elle devrait l’être
prochainement, ce qui nécessitera une procédure spécifique.

5.6. Le suivi des réponses données


Actuellement, les SAMU n’assurent le suivi systématique que des cas les plus
lourds. Or, un suivi (par exemple dans un délai d’une heure) des cas considérés
au départ comme légers permettrait de rattraper certaines erreurs ou incompré-
hensions initiales, de prendre en compte l’évolution, de gérer à temps une éven-
tuelle défaillance du dispositif mis en œuvre (C19). Le suivi systématique
apporterait en outre un retour d’information précieux au médecin régulateur et
au service. Enfin, un tel suivi s’avère particulièrement bien perçu par le patient.

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5.7. La gestion des événements, des non-conformités et des plaintes


La remontée à l’encadrement des informations relatives aux événements remar-
quables, échecs, difficultés, non-conformités, réclamations, plaintes, etc. est une
contribution majeure de la démarche qualité. Les responsabilités de chacun dans
ce domaine doivent être précisées, ainsi que la méthode utilisée pour améliorer,
à partir de ces cas, la qualité du service rendu (C20). Un dossier formalisé (13)
doit être établi dans tous les cas susceptibles de faire l’objet d’une sollicitation
(C21). Le dossier formalisé doit être une traduction fidèle des éléments du dos-
sier informatique, assortie des commentaires nécessaires à la compréhension.

6. Une équipe de professionnels qualifiés


6.1. La gestion de l’équipe et son intégration hospitalière
La qualité de l’équipe est, bien entendu, le facteur principal de la qualité. Le recru-
tement et l’intégration d’un nouveau membre sont des temps majeurs (C22).
L’intégration hospitalière des équipes médicales du SAMU garantit le haut niveau
de qualité de la médecine d’urgence pré-hospitalière ; elle doit être un objectif
prioritaire (C23).

6.2. La formation continue et la recherche


La très grande variété des situations rencontrées justifie un effort particulier de
formation continue des médecins régulateurs et des permanenciers (C24). Le
diplôme universitaire de régulation des urgences médicales de Créteil délivre une
formation spécifique aux médecins régulateurs (14). Mais c’est l’ensemble du
vaste champ de la médecine d’urgence et de la médecine générale qui est, en
fait, le domaine de pratique du médecin régulateur. La mise en place de la nou-
velle spécialité de médecine d’urgence et la récente création de la société fran-
çaise de médecine d’urgence créent un cadre très favorable au développement
de la formation des médecins régulateurs. Mais, jusque-là, peu de travaux scien-
tifiques ont été spécifiquement dédiés à la régulation médicale. Il convient de
rattraper ce retard. Pour les permanenciers, la formation initiale dépend beau-
coup de la nécessaire évolution statutaire attendue. Mais, dès à présent, la for-
mation des effectifs en place doit être organisée sur la base du programme de
la formation d’adaptation à l’emploi des permanenciers (15).

7. Une évaluation des pratiques


7.1. La revue des dossiers
La revue des dossiers de régulation médicale est un exercice difficile compte tenu
de leur nombre. Il convient donc de l’aborder avec méthode, en procédant

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notamment par tirage au sort. L’évaluation doit porter sur la tenue du dossier
et sur la conformité aux procédures des réponses données (C25).

7.2. L’évaluation des pratiques professionnelles


La dispersion des pratiques est une des faiblesses de toute structure d’urgences.
La mise en place de l’EPP (16) s’annonce donc comme une contribution majeure
à la qualité (C26).

8. Une mesure du service rendu


8.1. La pertinence médicale
La pertinence médicale de l’acte de régulation s’évalue à partir des seules infor-
mations acquises lors de l’interrogatoire téléphonique. Toutefois, les informations
acquises ultérieurement sont utiles à la compréhension du cas. Ainsi, s’il est, par
exemple, pertinent d’envoyer un SMUR sur une douleur thoracique exprimée lors
de l’appel, il est très important de connaître le diagnostic établi dans la suite de la
prise en charge pour nourrir la réflexion de l’équipe sur la pratique de la régula-
tion médicale. Le retour d’information vers le médecin régulateur est aujourd’hui
très incomplet. Il ne concerne généralement que les cas les plus graves et seule-
ment aux premiers instants de leur prise en charge. Le retour d’information vers le
service se fait par des courriers plus ou moins systématiques (comptes-rendus des
services receveurs), par des messages ciblés (généralement des plaintes) ou à tra-
vers des registres (syndromes coronariens, AVC, traumatismes crâniens, etc.). Le
retour d’information parvenant au médecin régulateur n’est pas toujours enregis-
tré et partagé au sein du service. Inversement, il n’est pas simple pour le service
de répercuter vers chacun des professionnels concernés les informations parve-
nant à distance de l’acte de régulation médicale. L’évaluation de la pertinence
médicale nécessite une gestion de ces retours d’information ; ceci pour tous les
cas et pas seulement pour les plus graves (C27).

8.2. Le service rendu aux patients


8.2.1. La rapidité de la réponse
Il n’existe pas de norme officielle en dehors de la prescription très générale de
rapidité figurant dans le décret précisant la mission du SAMU : « répondre dans
les délais les plus brefs » (4). Il est bien connu que, d’une part, le patient est très
attaché à la rapidité de la réponse (qui conditionne d’ailleurs son acceptation de
la régulation médicale) et que, d’autre part, le délai de prise en charge du patient
est, dans les cas les plus urgents, un facteur important de qualité et de sécurité.
SAMU de France propose comme norme que 99 % des appels soient décrochés
dans la minute, le traitement de l’appel étant engagé aussitôt, au moins, par
l’écoute et la priorisation de la demande. Pour suivre en continu cet indicateur, il
faut avoir un dispositif d’analyse automatique du trafic téléphonique (C28).

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8.2.2. La gestion du temps


La régulation médicale doit faire gagner du temps par un déclenchement rapide
des moyens adaptés, une orientation d’emblée appropriée et l’admission directe
du patient en service spécialisé. Il convient d’évaluer chacun de ces items (C29,
C30). Certaines stratégies de régulation peuvent, paradoxalement, s’avérer
consommatrices de temps, notamment, lorsque la décision d’envoi du SMUR
n’intervient qu’en deuxième intention, après l’envoi préalable d’un premier
intervenant, médecin, pompier ou ambulancier. Deux situations sont parfois à
l’origine d’un délai : le doute sur la gravité et l’éloignement du patient. Le délai
supplémentaire supporté par le patient est d’autant plus pénalisant que le trajet
pour se rendre auprès de lui est plus long (milieu rural isolé). Pour cette raison,
le SMUR doit être déclenché d’autant plus volontiers et d’autant plus rapidement
que le patient en est plus éloigné, et pas l’inverse, quitte à annuler le concours
du SMUR en fonction du bilan passé par le premier intervenant, par exemple le
médecin correspondant SAMU (17). D’une façon générale, le doute doit
bénéficier au patient. Certains indicateurs, utilisés par les ARH, visent à évaluer
la gravité des patients pris en charge par les SMUR. Ces indicateurs ne prennent
pas en compte les patients de gravité élevée pour lesquels le SMUR n’a pas été
envoyé, ou n’a été envoyé qu’en deuxième intention. Nous proposons (18) de
mesurer, pour chaque médecin régulateur, son taux de déclenchement du SMUR
en première et deuxième intention (C31).

8.2.3. La satisfaction
L’enquête téléphonique différée réalisée sur une période donnée est un moyen
approprié pour mesurer la satisfaction du patient (C32). L’analyse des réclama-
tions et des plaintes répond au même objectif (C33).

8.2.4. Les échecs


Il est généralement constaté, par exemple, qu’un infarctus sur deux arrive aux
urgences sans avoir bénéficié de l’intervention du SMUR. D’autres patients lourds
arrivent également aux urgences sans SMUR. Il s’agit d’échecs imputables soit à
l’insuffisance de l’information du public, soit à une imprudence, soit à une erreur de
régulation médicale. Quoi qu’il en soit, le registre de ces cas représente une source
irremplaçable d’informations (C34). Les décisions en deuxième intention sont des
échecs relatifs qu’il convent d’analyser pour en tirer des enseignements (C35).

8.3. Le service rendu aux partenaires


Le bon fonctionnement des réseaux et des filières repose notamment sur l’infor-
mation réciproque des partenaires. Dans cette logique, le SAMU doit fournir à
ses partenaires des états portant notamment sur l’orientation des patients. Ces
états comportent, le cas échéant, les raisons qui ont pu aboutir à des décisions
d’orientation dérogeant aux conventions (C36).

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8.4. Le service rendu à la collectivité


Les ressources n’étant pas illimitées, il y a un avantage collectif à les utiliser d’une
façon adaptée. C’est là une des finalités de la régulation médicale. La mesure du
rôle communautaire de la régulation médicale repose sur la description de son
activité (C37) et notamment sa capacité à optimiser le bon usage des ressources
(C38). Pour apprécier l’activité du SAMU, il est généralement fait référence au
nombre d’affaires traitées. Pour être plus pertinents dans les comparaisons entre
deux centres de régulation, nous suggérons de définir des « groupes homogènes
de situations de régulation » (18) et nous proposons de présenter les actes de
régulation, en distinguant bien les « demandes » et les « réponses ». Ce qui
permettrait de mettre en évidence la plus-value majeure de la régulation
médicale lorsqu’elle requalifie une demande présentée comme non urgente en
cas urgent ou inversement (C39).

9. Conclusion
La limite principale à l’application de la démarche qualité est le temps qu’il faut
lui consacrer (C40). Un arbitrage devra nécessairement être fait au sein de
l’équipe entre les différentes priorités. La non-qualité ayant un coût humain mais
aussi financier, il convient que des moyens soient affectés à la qualité. Ces
moyens ne permettront cependant jamais ni de tout faire ni de le faire immé-
diatement. Il conviendra donc d’être réalistes et pragmatiques, en sachant que
l’essentiel est dans la démarche. La qualité ne se fait qu’avec l’adhésion de tous,
ce qui ne peut être acquis ni par un acte autoritaire, ni par un programme ambi-
tieux mais mal compris. Mieux vaut donc une démarche lente et participative
qu’un résultat trop vite acquis. Mieux vaut également une évaluation temporaire
à laquelle chacun adhère plutôt qu’un enregistrement continu souvent trop
lourd à porter par une équipe.

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Tableau des critères de la démarche qualité


en régulation médicale au SAMU

C1 Le SAMU dispose d’un document général précisant la mission de la


régulation médicale, les règles d’éthique et de déontologie, les
principes d’action, la politique, les orientations stratégiques et le
projet médical du service.
C2 La salle de régulation, équipée et suffisamment vaste, est située à
proximité immédiate du SMUR et du service des urgences.
C3 Le SAMU dispose d’une équipe d’auxiliaires de régulation médicale
bien dimensionnée et encadrée.
C4 Le rôle des permanenciers est précisé dans un document.
C5 Le SAMU dispose de régulateurs généralistes, au moins aux heures de
forte activité dans le domaine de la PDSma.
C6 Un médecin régulateur SAMU est en permanence éveillé à son poste
en salle de régulation, y compris la nuit.

LA QUALITÉ EN RÉGULATION MÉDICALE 669


URGENCES
2007
co-fondateurs

C7 Le SAMU dispose, pour le cas d’une panne, d’une procédure de


fonctionnement dégradé et de suppléance par un autre SAMU.
C8 Le partenariat du SAMU avec l’ensemble des acteurs de l’aide
médicale urgente et de la permanence des soins est formalisé.
C9 Des visites des autres structures du réseau d’urgence sont régulièrement
organisées pour les professionnels du SAMU et, inversement, les autres
professionnels du réseau sont invités à visiter le SAMU.
C10 L’implication du SAMU au sein du réseau de l’urgence est organisée,
notamment par la désignation d’un médecin référent.
C11 Les liens avec les SAMU voisins et les SAMU de la région sont
formalisés.
C12 Les références de la certification sont déclinées à l’échelle du service.
C13 Les règles de gestion des documents qualité sont écrites.
C14 Les documents généraux de la démarche qualité sont écrits.
C15 Des référents, médecins et permanenciers, sont désignés et leur rôle
est formalisé.
C16 La veille scientifique et la diffusion en interne des recommandations
externes sont organisées.
C17 Le service élabore des protocoles internes.
C18 Les règles de la tenue du dossier patient sont formalisées.
C19 Le suivi par la régulation médicale de l’ensemble des réponses
données est organisé.
C20 La remontée vers l’encadrement des informations sur les événements
remarquables, les difficultés et les réclamations est organisée et les
responsabilités de chacun sont précisées.
C21 Un dossier formalisé est établi dans les cas susceptibles de faire l’objet
d’une demande de transmission du dossier médical.
C22 Le recrutement et l’intégration des nouveaux membres de l’équipe
sont formalisés.
C23 Les différentes formes de mutualisation au sein de l’ensemble des
structures concourant à l’urgence sont favorisées (postes partagés,
entraide, réunions communes…).
C24 Il existe un plan de formation des médecins et des permanenciers.
C25 Le dossier de régulation médicale est l’objet d’un programme
d’évaluation portant sur la tenue du dossier et sur le respect des
procédures.
C26 L’EPP est organisée.

670 ■ RÉGULATION MÉDICALE


URGENCES
2007
co-fondateurs

C27 Une évaluation de la pertinence médicale des actes de régulation


(réponse donnée) est réalisée à partir de la demande (motif de
recours) et des informations obtenues ultérieurement (retours
d’information).
C28 L’autocommutateur du SAMU dispose d’une fonction d’analyse
automatique du trafic téléphonique et des tableaux de bord du délai
de décrocher sont établis à partir de ces analyses.
C29 Des études ciblées du temps de régulation, entre l’appel et la décision,
sont réalisées ; ces études prennent en compte la gravité des cas.
C30 Des études ciblées de l’orientation des patients sont réalisées ; ces
études mettent en évidence le taux d’orientation directe en service
spécialisé.
C31 Une mesure du taux de SMUR de première intention est réalisée à
périodicité régulière ; chaque médecin régulateur est informé de son
taux personnel et du taux moyen de l’équipe.
C32 Des enquêtes de satisfaction sont réalisées par téléphone auprès
d’échantillons de patients.
C33 Les réclamations et les plaintes sont systématiquement analysées et
exploitées.
C34 En lien avec les services des urgences du département, il est tenu un
registre par établissement des patients arrivés aux urgences sans
SMUR alors que leur état l’aurait justifié.
C35 Les échecs sont analysés et les conclusions de cette analyse sont
exploitées.
C36 L’orientation des patients fait l’objet de tableaux de bord qui sont
communiqués aux partenaires.
C37 L’activité du SAMU est décrite en faisant apparaître les demandes et
les réponses qui sont apportées à ces demandes.
C38 Le taux de gravité des patients pris en charge par les SMUR est
mesuré, de même que le nombre de patients de gravité équivalente
qui n’ont pas été pris en charge par un SMUR.
C39 Le taux de requalification des demandes est mesuré.
C40 La démarche qualité fait l’objet d’un rapport annuel précisant les
actions réalisées et une estimation du temps qui leur a été consacré.

LA QUALITÉ EN RÉGULATION MÉDICALE 671

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