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Cet article n’a pas pour seule référence la géographie : il s’appuie sur les corpus francophone et
anglo-américain. Ce qui permet d’insister sur la richesse de la langue française parce qu’elle
véhicule deux termes « mondialisation » et « globalisation », en dépit de l’affirmation
souvent péremptoire de l’intrusion d’un anglicisme.
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La large diffusion du terme « globalisation » revient à l’économiste Theodore Levitt qui dans un
article publié dans Harvard Business Review en 1983 annonçait l’avènement de la firme
globale structurée sur le mode de la multi-localisation. La firme différencie et englobe des
sites de production, de décision, de conception, d’assemblage et de consommation qui sont tous
reliés par les outils de communication dont Internet et plus tard le smartphone. Elle bénéficie de
la baisse des coûts du transport (invention du conteneur en 1956), du faible coût de la main
d’œuvre dans les pays en développement (entraînant des phénomènes de délocalisations et de
sous-traitance) et de leur législation environnementale et sociale limitée.
La référence au « global » est reprise plus tard par Saskia Sassen (1991) qui a démontré que
l’économie globalisée (caractérisée par des flux d’échanges) était ancrée dans quelques villes
dont New York, Londres et Tokyo. Elle a ainsi construit la catégorie « ville globale » qui inclut les
villes « superstar » de l’économie globalisée et financiarisée. Elle a insisté sur le principe de
hiérarchie urbaine et du classement des villes à l’échelle mondiale pour mieux appréhender la
globalisation.
Cette tension d’ordre « local-gobal » a inspiré l’anthropologue Arjun Appadurai qui dans son
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ouvrage de 1996 précise combien la circulation des flux (relevant de la circulation des biens
et de la connectivité relationnelle) s’avère propice au travail de l’Imaginaire. Ce constat
peut facilement être validé par les individus ayant un double ancrage, comme les populations
immigrées ou réfugiées, les classes créatives et les expatriés On ne peut plus penser le local
comme un territoire ou une échelle géographique, il relève désormais d’une « invention »
permanente : le local devient « localité ».
L’intérêt d’une réflexion sur l’interaction entre le local et le global avait été signalé
précédemment par Roland Robertson (1992) qui a proposé de parler de « glocal ». Le principe
de l’interaction permet de prôner l’accroissement de la diversité (culturelle et
sociale) à l’échelle mondiale et nationale en raison de la reconfiguration des
identités. En prenant distance avec le discours de l’homogénéisation des sociétés [2], ce point
de vue autorise à penser l’hybridation entre le local et le global, comme le note le sociologue
Alejandro Portes (1997). Il remet en cause l’opposition traditionnelle entre le capital relevant du
global et le travail du local tout en différenciant la globalisation par le haut de la globalisation
par le bas. Il reconnaît dans les deux cas l’émergence de communautés transnationales en
raison de l’interpénétration entre le local et le global.
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La mondialisation avait été contestée dans les années 1990 et 2000 par les
altermondialistes qui n’avaient pas hésité à se mobiliser et à manifester. On se
souvient du premier Forum Social mondial (2001) qui s’était déroulé au Brésil au même moment
que le Forum Économique mondial à Davos (Suisse). En France la mouvance altermondialiste
s’était affirmée dans le débat politique avec la constitution d’ATTAC (Association pour la
Taxation des transactions financières et pour l’action Citoyenne). À l’heure actuelle la critique de
la théorie du libre-échange concerne aussi des dirigeants politiques.
En 2016, le candidat aux élections présidentielles américaines, Donald Trump, s’est appuyé sur
le mécontentement des « oubliés de la mondialisation » pour remettre en cause la théorie du
libre-échange et construire sa campagne sur America First [3]. Le jour même de son entrée
en fonctions, le président Trump a refusé de demander au Congrès de ratifier l’accord
transpacifique (TPP) négocié par l’administration Obama. Il a proclamé son intention de
renégocier l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) avec le Canada et le Mexique. Et il
a affiché son intention de relever de 45 % les droits de douane sur les importations chinoises
ainsi que les importations européennes. Et dans le but de maintenir l’attractivité de son pays, il
n’hésite pas à remettre en cause les règles contraignantes décidées par le président Obama
pour protéger l’environnement (Accord de Paris) et pour réformer le secteur de la finance (Dodd-
Franck Act).
Entre les années 1980 et 2008, la mondialisation avait connu une forte accélération. Avec la
crise on constate un sérieux ralentissement du commerce mondial, de la globalisation
productive – soit les IDE (investissement direct à l’étranger émanant d’entreprises globales) et
dans une moindre mesure de la finance de marché. À présent seule la globalisation
financière n’a rien perdu de son élan. Si dans les années 1980, le montant des flux
financiers équivalait celui des flux commerciaux, il est neuf fois plus important en 2010[4].
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Conclusion
Après la contraction sévère des échanges enregistrée avec la crise de 2008-2009 suivie d’un
rebond en 2011-2012, on observe un tassement de la croissance du commerce mondial. Il est
toutefois difficile de parler de « démondialisation », compte tenu de l’intensité de la
circulation des capitaux, de l’efficacité des paradis fiscaux ainsi que du
positionnement explicite de la Chine au profit de la mondialisation.[6]
Repères bibliographiques
Aglietta Michel et Moatti Sandra, 2016, Le FMI : de l’ordre monétaire aux désordres
financiers, Economica [Disponible sur Gallica].
Appadurai Arjun, 1996, Modernity at Large. Cultural dimensions of globalization . University
of Minnesota press (2015 pour la traduction française sous le titre Après le colonialisme : les
conséquences culturelles de la globalisation).
Badie Bertrand, 2014, La fin des territoires , CNRS.
Boyer Robert et Durand Jean-Pierre, 1993, L’après fordisme, Syros.
Boucheron Patrick (dir.) 2009, Histoire du monde au XVème siècle, Fayard.
Braudel Fernand, 1986, 2017, Civilisation matérielle, économie et capitalisme XVe-XVIIIe
siècle, Colin. Compte-rendu dans Population, 1981.
Dollfus Olivier, 1997, La mondialisation, Presses de Sciences po.
Ghorra-Gobin Cynthia (dir.), 2006, Dictionnaire des mondialisations , Armand Colin. Compte-
rendu de Pierre-Yves Saunier dans Géocarrefour.
Ghorra-Gobin Cynthia (dir.), 2012, Dictionnaire critique de la mondialisation, Colin. Compte-
rendu de Marie-Noëlle Carré dans Cahiers des Amériques latines .
Ghorra-Gobin Cynthia et Reghezza-Zitt Magali (dir.), 2016, Entre local et global. Les
territoires dans la mondialisation, Le Manuscrit, coll. Fronts pionniers.
Christian Grataloup, 2007, Géohistoire de la mondialisation, Armand Colin. Compte-rendu de
Gilles Fumey dans les Cafés géographiques [pdf].
Christian Grataloup, 2017, Le monde dans nos tasses. Trois siècles de petit-déjeuner, Colin.
Compte-rendu de François Jarraud dans Le Café pédagogique .
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Levitt Theodore, 1983, “The Globalization of Markets”, Harvard Business Review, May-June.
Lévy Jacques (dir.), 2008, L’invention du monde : Une géographie de la mondialisation ,
Presses de Sciences Po.
Lussault Michel, 2013, L’avènement du Monde. Essai sur l’habitation humaine de la Terre ,
Seuil, coll. La couleur des idées. Compte-rendu de François Thoreau dans Lectures.
Lussault Michel, 2017, Hyper-lieux. Les nouvelles géographies de la mondialisation , Seuil,
coll. « La couleur des idées ». Présentation de l’ouvrage par l’auteur à l’occasion d’un café
géographique à Lyon.
Portes Alejandro, 1997, Globalization from Below : the Rise of Transnational Communities ,
working paper, University of Princeton, 27 p. [pdf]
Robertson Roland (1992), Globalization. Social Theory and Global Culture . Sage Publications.
Sassen Saskia (1991, 2001), The Global City: New York, London, Tokyo . Princeton university
press.
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Veltz Pierre (2005, 2014), Mondialisation, villes et territoires. L’économie d’archipel . PUF.
Compte-rendu de l’édition de 1996 dans Politique étrangère .
Sitographie
[1] L’historien Patrick Boucheron (2009) a mis en évidence l’idée selon laquelle les Européens ont commencé
à véhiculer dès le XVème siècle une représentation du Monde.
[2] Le discours sur les risques d’une homogénéisation des sociétés fut dominant dans les années 1980-1990.
[3] La mobilisation nationaliste observée aux États-Unis n’épargne pas l’Europe où s’observent différentes
formes de populisme.
[4] Voir "The retreat of the global company", The Economist, 28 janvier 2017, pp. 14–17 ; le site du FMI ; ainsi
que Cynthia Ghorra-Gobin et Martine Azuelos, « La mondialisation risque-t-elle d’être remise en cause ? Un
regard ancré aux États-Unis », blog Skyscraper/la transition métropolitaine, avril 2017.
[5] Marie Charrel, « Où est passé l’inflation ? » Le Monde 14 novembre 2017, p. 6–7. Ce transfert de
l’inflation explique en partie les processus de gentrification observées dans de nombreuses villes.
[6] D’après le FMI, la Chine représente 17,3 % de l’économie mondiale en 2016 contre 15,8 % pour les États-
Unis. La chute des investissements chinois à l’étranger, tout au long de l’année 2017 suite à une décision du
Parti, est en contradiction avec le projet de 2013 intitulé One Belt, One Road visant à ouvrir une série de
corridors ferroviaires et maritimes reliant la Chine à l'Europe.
Cynthia GHORRA-GOBIN
Directrice de recherche émérite au CNRS, professeure à l'Iheal (Université Sorbonne nouvelle
Paris III) et à l’école doctorale de l’Institut de géographie (Université Panthéon Sorbonne Paris I).
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