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Chapitre préliminaire : La notion de mondialisation

La mondialisation représente un ensemble de processus qui conduisent à une diminution des


obstacles aux échanges. Même si la mondialisation n'est pas un phénomène nouveau, la période
qui s'étend de 1945 à nos jours marque une ère de changements sans précédent par son intensité,
son extensivité, sa vélocité et ses effets sur le système international, les gouvernements et les
citoyens autour du globe.

Bien que le terme « mondialisation » soit aujourd’hui sur toutes les lèvres et que l’on puisse en
même temps se référer à toute une histoire de la mondialisation, le terme lui-même est
relativement récent. Il est apparu pour la première fois dans les années 1960 (Le terme
globalisation/mondialisation apparait pour la première fois en 1959 dans le journal Anglais
« the Economist » et apparait ensuite en français dans le journal « le monde »). Le terme a pris
de l’importance depuis les années 1980-1990, notamment avec l’ouverture des anciennes
économies planifiées de l’ancien bloc communiste en Europe centrale et en Europe de l’Est,
ainsi qu’en Chine et au Vietnam, et avec l’expansion simultanée du commerce mondial et
l’augmentation des investissements internationaux. Mais il s’est seulement imposé et généralisé
dans le langage courant au début du 21ième siècle. Cependant qu’est-ce que la mondialisation ?

Si être mondialisé signifie être répandu autour du monde, le corollaire de cette définition est
que la mondialisation représente un ensemble de processus qui conduisent à une diminution des
obstacles aux échanges. La mondialisation provoque ainsi une interdépendance accrue entre
différents acteurs. Telle que présentée par John W Burton (1972), la mondialisation est comme
une toile d'araignée (cobweb) où chaque acteur est uni à tous les autres par un enchevêtrement
d'interactions de formes très diverses. Dans le même esprit, le sociologue britannique Anthony
Giddens définit la mondialisation comme étant « l'intensification des relations sociales autour
du monde qui relient des localités distantes de telle façon que ce qui se passe dans un coin du
monde affecte ce qui se produit ailleurs à des milliers de kilomètres et vice-versa ». Ainsi, au
sens large, la mondialisation signifie l’interdépendance plus forte des Etats-nations et de leurs
sociétés au niveau politique, social et culturel.

Par ailleurs, au sens strict du terme, la mondialisation décrit l’imbrication croissante de


l’économie mondiale. Les principaux moteurs de la mondialisation à cet effet, ont été la
suppression des barrières douanières et des restrictions des mouvements de capitaux, ainsi que
l’essor de pays comme la Corée du Sud ou la Chine. Les innovations techniques et
technologiques, comme l’invention du transport par conteneurs ou l’invention de la fibre

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optique, ont réduit les coûts du transport international de marchandises et de la communication
mondiale.

Toutefois, il faut retenir que le terme « mondialisation » décrit une évolution historique
complexe. Il comprend une dimension économique, politique, culturelle, numérique et
écologique. Le numérique, qui connaît une évolution transversale, est en interaction avec toutes
les autres dimensions, dans lesquelles il accélère les processus d’inter-influence.

A- La dimension économique de la mondialisation

La mondialisation économique tourne essentiellement autour de l’augmentation des flux


transfrontaliers dans les secteurs suivants : marchandises ; services ; capitaux et travail.

Cela signifie que les produits, qui étaient uniquement offerts localement autrefois, peuvent
aujourd’hui être vendus dans le monde entier. Il est aujourd’hui également possible d’offrir un
service, comme la programmation d’un logiciel, à des clients situés dans d’autres continents.
Ceux qui ont des capitaux peuvent les investir de plus en plus facilement sur les marchés
étrangers. Les investisseurs peuvent se procurer des capitaux à l’étranger et les salariés de
différents pays sont de plus en plus souvent en concurrence les uns avec les autres.

L’augmentation de ces flux commerciaux internationaux s’est accompagnée de l’apparition


toujours plus marquée de multinationales, à savoir d’entreprises qui ont organisé leurs
investissements et leurs réseaux de production à l’échelle internationale.

B- La dimension numérique de la mondialisation

Avec l’Internet, la téléphonie mobile et les satellites, la communication mondiale s’est


concentrée et accélérée, facilitant considérablement la mondialisation économique, mais créant
aussi un espace public à l’échelle mondiale. Nous sommes de plus en plus nombreux à avoir
accès à toujours plus d’informations, y compris en offres de divertissement, publicités et
propagande. Les liens créés via les réseaux sociaux rendent aujourd’hui possible la prise rapide
de positions communes, et permettent également de décider très vite d’agir ensemble.

Cela a permis ou facilité l’apparition de mouvements d’opposition démocratiques dans de


nombreuses sociétés autoritaires, relativement fermées. Mais la plupart des gouvernements ont
entre-temps trouvé le moyen d’entraver, voire d’empêcher de tels processus.

Dans sa dimension numérique, la mondialisation peut être une force émancipatrice qui permet
la consolidation des connaissances et des compétences. Mais les gouvernements et les grands

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groupes se servent aussi du numérique pour nous surveiller dans le monde entier et pour
exploiter, dans un objectif politique ou commercial, nos préférences visibles sur Internet.
Google est l’exemple typique de société se servant de l’exploitation économique de nos
données, la NSA (National Security Agency), une agence de services secrets américaine, est un
autre exemple d’utilisation des données à des fins de renseignements.

C- La dimension politique de la mondialisation

Cette internationalisation de l’économie n’aurait pas été possible sans encadrement politique.
La principale mesure par laquelle les Etats-nations ont contribué à la mondialisation a été
l’ouverture des frontières nationales pour permettre la circulation des marchandises et des
capitaux. La plupart du temps, cela s’est passé dans le cadre de traités conclus avec d’autres
Etats ou dans le cadre d’institutions internationales. Le marché commun et l’Union monétaire
de l’Union européenne sont deux exemples d’une ouverture et d’une intégration
particulièrement poussées.

Aujourd’hui, nous vivons dans un monde multipolaire où interviennent de nombreux acteurs


puissants. Cela ne facilite pas l’élaboration de réglementations internationales, mais une fois un
accord trouvé, les nouvelles réglementations vont au-delà des intérêts d’une seule puissance
hégémonique.

Les institutions les plus importantes à l’échelle mondiale sont l’Organisation des Nations Unies
(ONU), le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale, l’Organisation mondiale
du commerce (OMC), le G7 et le G20. L’ensemble des structures et l’activité liée à la politique
internationale sont désignés par l’appellation « gouvernance mondiale ».

D- La dimension culturelle de la mondialisation

La mondialisation économique, encouragée par la politique, a également entraîné une


mondialisation de la culture. L’anglais est devenu une langue internationale.

Des valeurs liées à une culture particulière prennent de l’importance dans le monde entier. Des
marques mondiales comme Coca-Cola, McDonald’s, Google ou Facebook, influent sur le
comportement des consommateurs partout dans le monde. Cette évolution a été renforcée avec
la révolution numérique et la réussite phénoménale d’Internet.

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E- La dimension écologique de la mondialisation

L’évolution de la nature et de l’environnement sur notre planète représente encore une autre
dimension de la mondialisation. Certes, depuis la nuit des temps, l’humanité a toujours été
exposée à des transformations de son environnement (périodes glaciaires, éruptions
volcaniques, tremblements de terre), qui se moquaient des frontières des Etats (si tant est qu’il
en existait déjà). Mais la croissance de la population mondiale, avec ses possibilités et
développements technologiques et économiques, a entraîné une multitude de changements
environnementaux anthropogènes (à savoir dus à l’action de l’être humain). Aujourd’hui, ces
changements environnementaux anthropogènes marquent plus la planète que de nombreux
processus naturels.

Les partisans de la mondialisation (dans son sens restreint) mettront rapidement en évidence
que la prospérité accrue de l’économie mondiale est le résultat de la mondialisation ; et sans
doute la mondialisation est largement responsable de la croissance des nations économiquement
puissantes. On doit, toutefois souligner que la croissance de l’économie mondiale associée à la
mondialisation a vu des « gagnants » et des « perdants » dans « le village mondial ».

Avec la mondialisation, le monde a été témoin de l’augmentation des fusions et des rachats
d’entreprises qui ont conduits à la formation des sociétés multinationales. Ainsi, la
mondialisation a donné naissance non seulement à une interdépendance croissante mais aussi à
des profondes inégalités à l’échelon international. En d’autres termes, on pourrait comparer
l’économie mondiale à un terrain de jeu essentiellement inégal, caractérisé par la concentration
du capital et la production des technologies dans les pays développés et par la prépondérance
marquée dans le commerce des biens et des services.

Ces asymétries de l’ordre mondial sont à la base des profondes disparités internationales en
matière de répartition de la richesse mondiale.

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CHAPITRE II : Aspects généraux de la mondialisation

La mondialisation est le processus de mise en relation et en interdépendance de la quasi-totalité


des pays du monde dans une sorte de vaste marché unique, de système-monde grâce à
l’extension et à l’intensification des échanges économiques et culturels à l’échelle de la planète.

Elle est le fruit d’un processus d’extension du capitalisme occidental dans l’espace mondial en
trois temps : après les Grandes Découvertes de la Renaissance, les empires coloniaux ont
couvert les 3/4 de la planète à la fin du XIXe siècle. A partir des années 50, l’économie
internationale devient globale, multinationale avec la croissance des investissements directs à
l’étranger.
La mondialisation renforce les concurrences à différentes échelles suscitant à la fois attirance
et rejet.
Qu’est-ce que la mondialisation ? Quelles sont ses conséquences ? Quelles sont ses limites ?
Dans une première étape, nous étudierons l’explosion des flux mondiaux, à l’origine de la
mondialisation actuelle. Puis, dans une deuxième étape, nous présenterons les acteurs et les
lieux de la mondialisation. Enfin, dans une dernière étape, nous nous intéresserons aux remises
en cause de cette mondialisation.
I. Le processus de mondialisation
La planète est affectée de plus en plus par un processus de mondialisation : les marchandises et
les services, les informations et les capitaux, les hommes n’ont jamais autant circulé
qu’auparavant.
A. La diffusion du capitalisme
La mondialisation constitue un processus d’extension progressive du capitalisme à l’ensemble
du monde. Il débute au XVIe siècle avec les Grandes découvertes qui mettent en relation
l’Ancien monde et le Nouveau monde. L’Espagne et le Portugal construisent de vastes empires,
Madrid et Lisbonne deviennent les centres du monde et l’Océan Atlantique remplace la
Méditerranée comme lieu essentiel des échanges. Cette première mondialisation est celle du
capitalisme marchand, c’est-à-dire que les échanges commerciaux s’effectuent à l’échelle
mondiale et non plus à l’échelle régionale.
Par la suite, au XIXe siècle, en lien avec la colonisation et l’industrialisation
européennes, débute la deuxième phase de la mondialisation qui est celle de la mondialisation
du capitalisme industriel. Londres et le Royaume-Uni deviennent le centre d’une première
économie-monde.

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Les échanges augmentent en volume et se met en place une première division
internationale du travail entre les pays colonisés fournissant les matières premières et les pays
industrialisés transformant ces matières premières en produits manufacturés qu’ils
commercialisent ensuite dans le monde. Enfin, après 1945, débute une troisième phase, celle
de la mondialisation financière, c’est-à-dire que le secteur financier domine les autres secteurs
de l’économie. Le centre du monde se déplace vers les Etats-Unis qui deviennent la nouvelle
économie-monde. Après 1990, cette mondialisation financière s’accélère avec l’effondrement
du bloc soviétique et l’affirmation de puissances émergentes dans une économie-monde
devenue multipolaire.
Le développement de la mondialisation est dû à différents facteurs.
Tout d’abord, les trois phases de la mondialisation ont bénéficié de révolutions dans les
transports et dans les moyens de communication qui ont progressivement contracté l’espace-
temps et l’espace-coût. Au XVe siècle, c’est l’invention de la caravelle qui permet les voyages
transatlantiques puis, au XIXe siècle, l’apparition de la navigation à vapeur facilite une
première maîtrise des routes transocéaniques. Enfin, au XXe siècle, la conteneurisation et la
spécialisation des navires favorisent les échanges maritimes (3/4 du volume et 2/3 de la valeur).
Le transport aérien connaît une évolution similaire avec la
généralisation des moteurs à réaction puis la construction d’avions à grande capacité et, enfin,
la multiplication des compagnies à bas prix. La diffusion du télégraphe au XIXe siècle, du
téléphone fixe au XXe siècle, d’Internet et de la téléphonie mobile au XXIe siècle (plus de 2
milliards d'internautes contre 500 millions en 2000 et près de 6 milliards de téléphones portables
en circulation en 2011), démocratise l’accès aux télécommunications et relie la quasi-totalité
du monde de plus en plus rapidement.
Ensuite, la mondialisation est soutenue par la diffusion de politiques libérales. Les Etats, en
effet, adoptent des politiques favorisant la libre-circulation des marchandises, des capitaux et
des hommes par exemple en abaissant les tarifs douaniers ou en créant des paradis fiscaux et
des zones de libre-échange. Par la conjonction de ces facteurs, la mondialisation a organisé le
monde.
Le GATT (Accord général sur les tarifs douanier et le commerce), institué en 1947, a entraîné
huit cycles de libéralisation des échanges. Le cycle d’Uruguay, achevé en 1994, a conduit à la
création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Toutefois, le " cycle de Doha " initié
en 2001 et destiné à poursuivre la libéralisation des échanges s’est heurté au protectionnisme
des pays développés dans le domaine agricole et au refus des puissances

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émergentes d’ouvrir leur marché à certains produits industriels. On assiste donc actuellement à
un certain blocage dans le processus de globalisation des échanges.
B. Des échanges de marchandises de plus en plus actifs
La mondialisation se traduit par une diffusion accrue des marchandises et des services à
l’échelle planétaire. Le commerce international s’est considérablement accru depuis le milieu
du XXe siècle, la valeur des exportations passant de 9% du PIB en 1950 à 26% en 2002.
La libéralisation des échanges, la révolution des transports (hausse des trafics aériens et
maritimes de 40% depuis 90) et des communications (hausse du trafic téléphonique de 500%,
satellites de communication, fibres optiques) ainsi que l’interdépendance de plus en plus
poussée entre les différents pays du globe en sont les trois moteurs essentiels.
La structure des échanges a longtemps été marquée par la prépondérance des matières premières
et des sources d’énergie. Ces flux sont toujours aussi importants en volume (2 milliards de
tonnes de pétrole, 100 millions de tonnes de blé échangés en 2002) mais, en valeur, ils ne
réalisent plus aujourd’hui qu’environ 10% du commerce international.
C’est le flux des produits manufacturés qui progresse le plus, pour représenter les 3/4 des
échanges mondiaux. Pour ces produits, ce sont les pays riches qui dominent car une très large
part du commerce des pays développés résulte des échanges que ces pays font entre eux (80%
du commerce international). Le commerce des marchandises a progressé de 6% entre 1990 et
2000.
Les échanges de services dans le monde progressent très rapidement depuis un quart de siècle
(en 2002, 1 500 milliards de dollars de services échangés soit 21% de la valeur du commerce
mondial). Cette progression est liée au développement technologique qui facilite la diffusion
des services.
Ils concernent pour l’essentiel les pays développés à travers les firmes multinationales, la
tertiarisation des activités et le degré de développement des sociétés.
Dès la première mondialisation, les flux de marchandises n’ont cessé de progresser. Avec le
développement technologique, d’autres flux se sont développés, en particulier les flux
informels.
C. L’explosion des flux informels
L’effet de la mondialisation est le plus sensible dans le domaine des flux informels.
L’information et les capitaux circulent de plus en plus vite – plus facilement que les hommes
et les biens matériels – et sur des distances de plus en plus grandes.

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L’information est devenue un outil de travail, un facteur de production aussi important que la
main-d’œuvre et les capitaux, notamment pour les firmes multinationales ou les grands
organismes bancaires internationaux.
Mais elle influence aussi très largement la stabilité des gouvernements et des états-majors
militaires ainsi que les sociétés du monde entier. Aujourd’hui, chacun peut émettre une
information que le monde entier peut recevoir de manière quasi instantanée.
Les flux de capitaux, licites ou illicites, circulent dans un espace financier international bien
balisé.
S’appuyant sur les progrès dans les technologies d’informatique et de communication,
permettant un fonctionnement du marché 24 heures sur 24, les flux financiers sont devenus
colossaux (de 1 500 à 3 200 milliards de dollars sont échangés quotidiennement ce qui
représente cent fois les besoins du marché commercial et des services). Parmi ces flux, on
distingue pour l’essentiel des investissements directs à l’étranger (IDE) et les capitaux purement
spéculatifs.
La circulation de plus en plus rapide des flux informels dans le cadre de la mondialisation
s’accompagne d’un renforcement de la mobilité des hommes.
D. La mobilité des hommes
Les flux de travailleurs migrants sont alimentés par les inégalités socio-économiques
croissantes entre les pays : essentiellement Nord-Sud, ils sont passés de 75 à 175 millions entre
1965 et 2003, auxquels s’ajoute entre 25 et 40 millions d’illégaux. Longtemps cantonnées dans
une logique Sud-Nord (Mexicains aux Etats-Unis, Asiatiques du Sud-Est au Japon…), ces
migrations se sont complexifiées avec l’appel de main-d’œuvre de certains pays émergents, la
chute du communisme et la fermeture des frontières dans les pays développés (ou le tri de la
main-d’œuvre en fonction de leurs besoins). Si des migrations Sud-Sud se développent,
toutefois, les migrations Sud-Nord restent dominantes.
Leur effet est complexe : les pays de départ voient des forces vives et jeunes les quitter mais ils
reçoivent en échange des sommes considérables qui maintiennent leur économie sous perfusion
; les pays d’accueil profitent d’une main-d’œuvre bon marché mais ils ont de plus en plus de
mal à intégrer ces populations soit du fait de leurs particularismes, soit du fait des réactions
hostiles des autochtones.
Le tourisme de masse a remplacé le tourisme de classe. Il est né de la conjoncture des congés
payés, de la hausse du niveau de vie, de la révolution des transports et de la société des loisirs
dans les pays développés. Le tourisme de masse est passé de 25 millions de touristes, en 1950,
à près d’un milliard de touristes, en ce début de XXIe siècle.
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De plus, le tourisme dispose d’une marge de progression encore fabuleuse puisque 11%
seulement de la population mondiale est actuellement concernée. Le poids économique du
secteur touristique correspond à environ 500 milliards de dollars annuels et des millions
d’emplois directs ou induits (un actif sur dix dans le monde). Le tourisme reste cependant une
activité fragile et sensible : cataclysmes, attentats peuvent tout remettre en question. D’autres
effets négatifs apparaissent également : défiguration des sites naturels, pollution, dépendance
économique, acculturation. Toutefois, certains pays du Sud profitent du tourisme pour
maintenir et promouvoir leurs traditions et spécificités mais aussi pour asseoir des politiques de
développement.
Les réfugiés (plus de 30 millions dans le monde) prennent également de l’importance. La
multiplication des conflits entraîne des déplacements forcés et des fuites de populations souvent
chez les pays voisins (notamment en Afrique et en Asie mais également en Europe à la suite du
conflit yougoslave). Les Afghans constituent actuellement le groupe de réfugiés le plus
important dans le monde avec près de 4 millions de personnes déplacées.
La mondialisation est un processus qui s’est mis en place progressivement à partir du XVe
siècle. Il se manifeste par une intensification et une extension des flux qu’ils soient marchands,
informels ou humains. Ce développement renforce les liens entre les acteurs de la
mondialisation.
II. Les acteurs de la mondialisation
La mondialisation ne se réduit pas aux flux et aux réseaux. Elle doit se comprendre comme
l’interaction d’acteurs de plus en plus nombreux, aux intérêts parfois contradictoires, agissant
à des échelles différentes.
Ces acteurs participent à l’élaboration d’une nouvelle répartition des pôles moteurs de
l’économie mondiale.
A. Les Etats-nations face à la mondialisation
Pendant longtemps, les Etats géraient leurs affaires dans un cadre national aux
frontières délimitées : ils intervenaient pour soutenir leurs économies (protectionnisme,
nationalisations...) ou en définir les priorités à travers des politiques de planification plus ou
moins incitatives, pour organiser une certaine redistribution des fruits de la croissance à travers
les avantages sociaux de l’Etat-Providence.
Cependant, la mondialisation réduit aussi leurs pouvoirs en faisant disparaître les frontières et
en facilitant l’émergence de nouveaux acteurs non soumis au pouvoir des Etats (FMN, ONG).
Par conséquent, les Etats doivent trouver une nouvelle place dans le contexte de la
mondialisation. Ils assurent aussi un rôle de régulateur de la mondialisation en défendant les
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intérêts de leur population et de leurs entreprises. Dans ce cadre, l’Etat réhabilite, une forme
d’interventionnisme à travers l’attractivité ; pour attirer investissements et emplois, les Etats se
doivent de créer un environnement politique, économique, social, culturel favorable (les zones
franches ou, à l’extrême, les paradis financiers).
Les Etats restent aussi des acteurs importants en matière de négociations commerciales et
économiques avec les autres Etats, mais aussi avec les organisations supranationales
spécialisées (OMC, FMI, Banque mondiale...). Enfin, face à tous ces pouvoirs supranationaux
(les multinationales, le marché, les décideurs...), de plus en plus de citoyens réclament de l’Etat
davantage de régulation via les normes protégeant les consommateurs, de transparence,
de justice.
La mondialisation suscite le besoin accru d’un Etat protecteur. Par exemple, des Etats résistent
parfois à la mondialisation dès que les priorités nationales sont en jeu : c’est le cas de la France
avec son exception culturelle. Ce nouveau rôle de l’Etat reste encore largement à définir.
Les Etats-nations sont donc contraints de rechercher une nouvelle utilité dans le cadre de la
mondialisation.
Pour cela ils ont tendance à se regrouper dans des organisations internationales ou régionales.

B. Un rôle grandissant des organisations internationales et régionales


Issues pour la plupart des lendemains de la Seconde Guerre mondiale (FMI, Banque mondiale,
OMC, FAO, UNESCO...) ou d’autres formes moins institutionnalisées (G8, Forum économique
mondiale de Davos, mais aussi les associations altermondialistes), les organisations
internationales ont été mises en place afin d’établir une gouvernance mondiale et voient leur
rôle se renforcer dans le cadre de la mondialisation.
Ces institutions peuvent avoir une vocation universelle (ONU) ou présentées des compétences
spécifiques : aide au développement (FAO), éducation (UNESCO), justice (TPI), finance
(Banque mondiale, FMI).

Dans le cadre de la mondialisation, trois organismes jouent un rôle important : l’OMC


(Organisation mondiale du commerce) qui encourage les échanges mondiaux en limitant le
protectionnisme et en arbitrant les différents entre Etats, le FMI (Fonds monétaire
internationale) qui surveille la stabilité financière mondiale et la Banque mondiale qui accorde
des prêts aux pays en difficulté afin de permettre leur développement en échange de la mise en
place de réformes structurelles libérales.

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Le contexte de mise en place de ces institutions explique une domination totale des pays riches
à l’intérieur de ces organisations. Dans le cadre d’une économie devenue multipolaire, les
organisations internationales sont de plus en plus contestées et doivent se réformer, notamment
pour laisser une place plus importante aux puissances émergentes.
En attendant d’éventuels changements, la gouvernance économique mondiale évolue vers un
pilotage informel par de grands sommets internationaux du G8 (Etats-Unis, Canada, Royaume-
Uni, France, Allemagne, Italie, Japon, Russie) mais surtout du G20 (G8 + Afrique du Sud,
Arabie saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Mexique,
Turquie, Union Européenne).
Pour peser dans la mondialisation, les Etats se rassemblent dans des associations régionales
plus ou moins ambitieuses (projet politique d’intégration économique et territoriale comme
l’UE, intégration purement économique comme l’ALENA, le MERCOSUR ou l’ASEAN). Les
organisations régionales jouent également un rôle croissant dans le développement des
échanges. Ainsi, plus de 70% des échanges extérieurs de l’Union européenne se font entre ses
membres.
La remise en cause du pouvoir des Etats a conduit au développement du rôle d’organisations
internationales et régionales. Mais, à côté du pouvoir politique, un nouvel acteur s’est imposé :
les firmes multinationales.
C. Le rôle fondamental des firmes multinationales
Les 80 000 firmes multinationales ou transnationales (FMN/FTN – entreprises au chiffre
d’affaires supérieur à 500 millions de $ et effectuant plus du quart de ses activités de production
et d’échanges dans des filiales présentes dans au moins 6 pays) sont les principaux agents de la
mondialisation : avec 800 000 filiales à l’étranger, elles réalisent les 2/3 du commerce mondial
pour 25% du PIB mondial et emploient 77 millions de salariés, soit 4% de la main-d’œuvre
mondiale.
Leur puissance économique et financière dépasse celle de certains Etats et en fait de puissants
groupes de pression dans le cadre de la gouvernance économique mondiale. Ces entreprises,
bien qu’elles maintiennent un fort ancrage national (siège social, contrôle du capital,
dirigeants), s’organisent selon trois logiques : l’accès aux matières premières, l’accès aux
marchés et l’exploitation des avantages comparatifs des territoires. Elles sont aussi à l’origine
d’une nouvelle division internationale du travail qui recherche les meilleures conditions de
conception et d’élaboration de leurs productions.

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La troisième phase de la mondialisation a fait des FMN les acteurs essentiels de la
mondialisation. Pourtant, de nombreux acteurs transnationaux non-gouvernementaux jouent
aussi un rôle croissant dans la mondialisation.
D. Les autres acteurs de la mondialisation
Tout d’abord, plus de deux milles Organisations non gouvernementales (ONG -
Greenpeace, Médecins du monde, Amnesty International, Attac...), d’origine privée et à
caractère non lucratif, ont été créées avant le processus de la mondialisation.
Cependant, avec celui-ci, elles deviennent de véritables contre-pouvoirs dans la
mobilisation d’une « opinion mondiale » sur des grandes causes internationales
(environnement, pollution, droits de l’homme...) et notamment pour s’élever contre la
mondialisation ou pour réclamer qu’elle soit plus respectueuse des hommes.
Toutefois, les ONG ne représentent que leurs adhérents, souvent originaires des pays
développés du Nord ; elles ne diffusent ainsi qu’une certaine vision du monde pas forcément
partagée par tous et ne sont pas présentes sur les lieux de décision.
Les réseaux criminels et illégaux sont à l’origine d’une mondialisation parallèle
marquée par des flux entre les espaces d’approvisionnement et de consommation et les pôles
financiers. Ces mafias conservent une base nationale et s’appuient sur une diaspora. Des régions
entières vivent de cette économie illégale, sous le contrôle d’organisations criminelles (plateaux
andins, rif marocain, Afghanistan, triangle d'or), tandis que les Etats hésitent entre répression
et complicité.

Enfin, chaque individu par sa consommation, ses déplacements touristiques ou


professionnels, son projet de vie dans son pays ou un autre pays, sa présence sur la toile…
participe à ce système-monde.
Par ailleurs, la multiplication des réseaux sociaux liée à la révolution internet a
entraîné l’émergence de mouvements spontanés, comme celui des "indignés" en Europe ou le
mouvement "Occupy Wall Street" aux Etats-Unis. Ces courants d’opinion critiquent le
fonctionnement du capitalisme mondialisé et doivent être pris en compte par les gouvernants.
Il est cependant impossible de mesurer leur influence sur le processus de mondialisation.
La mondialisation est donc le fait de très nombreux acteurs : Etats, organisations
multinationales, firmes transnationales, ONG... Leur importance est souvent liée à leur situation
géographique.

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III- La mondialisation en débat
Le processus de mondialisation s’accompagne de forces qui lui font contrepoids : la
fragmentation des territoires et la multiplication des frontières ; on assiste aujourd’hui à un
paradoxe : les frontières s’ouvrent et pourtant elles se multiplient. De même, la mondialisation
entraîne la différenciation des groupes humains selon des appartenances multiples alors qu’on
évoque souvent l’uniformisation culturelle.
A- États, frontières et mondialisation
Le rôle des États est de plus en plus contesté. Dans le champ politique, des décisions politiques
prises en dehors de leurs frontières peuvent s’imposer aux États, les résolutions des Nations-
Unies par exemple. Les acteurs des conflits récents ne sont plus uniquement des États. Des flux
illégaux traversent de plus en plus les frontières, les migrations internationales s’amplifient et
concernent de plus en plus de clandestins. De nombreux États apparus récemment sont d’un
poids minime. Dans celui de l’économie : l’importance des Etats se réduit face à d’autres acteurs
comme les firmes Quelle est la marge de manœuvre d’un gouvernement en matière économique
face aux marchés mondiaux ?
Pourtant, les États sont de plus en plus nombreux. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale,
le nombre des Etats a quadruplé. 51 nations signaient la Charte des Nations Unies après 1945.
Il atteint désormais le nombre de 193 membres de l’ONU en 2012. Dans les décennies 1950 et
1960 c’est le processus de décolonisation qui les a multipliés. Depuis la fin des années 1980,
l’effondrement du bloc communiste est le principal facteur de cette multiplication. On peut
aussi évoquer le règlement de conflits post coloniaux (Soudan du Sud, devenu indépendant en
2011). La mondialisation a pu aussi jouer un rôle en permettant l’enrichissement de micro-
territoires devenus des Etats et jouant le rôle de paradis fiscaux (Nauru, Tonga, St Kitts et Nevis,
etc.).
Ils sont perçus comme l’échelle à laquelle la démocratie doit être organisée, la manifestation
d’une volonté de vivre un destin politique commun. Il y a encore des aspirations à voir émerger
des Etats de la part de certaines populations : Touaregs, Ouïgours, Kurdes, Palestiniens. En
Europe certaines régions généralement plus dynamiques sont tentées par l’indépendance :
éventualité d’un Etat catalan, écossais, flamand, etc.
Les Etats-nations se sont constitués à l’abri de frontières qui délimitaient le territoire national.
Dans le contexte de mondialisation les frontières ont apparemment perdu de leur intérêt : les
progrès du libre-échange (153 pays membres de l’OMC en 2012) et la construction d’ensembles
régionaux contribuent à laisser passer de marchandises ; les TIC, ou technologies de
l’information et de la communication, effacent les barrières portées à la circulation des idées,
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des informations, des capitaux. Pourtant on constate que les frontières ne disparaissent pas, bien
au contraire.
Depuis 1991, plus de 27 000 kilomètres de frontières politiques ont été tracés, surtout en Europe
et en Asie centrale (disparition de l’URSS et de ses satellites). On en compte environ 250 000
km de par le monde. On recense 40 000 kilomètres de " frontières fermées ", majoritairement
entre des pays en paix. Elles sont fermées aux migrants qui voudraient se rendre dans un pays
à plus haut niveau de vie. Elles se transforment en mur là où les discontinuités de niveau de vie
sont très élevées (Maroc / présidios espagnols de Ceuta et
Melilla, Mexique/ Etats-Unis, Zimbabwe/ Botswana, également là où les relations politiques
sont tendues (Israël /territoires palestiniens ; deux Corées).
Finalement, on constate que les frontières n’ont pas disparu mais se sont
complexifiées, voire déplacées. Elles résistent car elles sont perçues comme protectrices et
garantes de l’indépendance nationale, de l’identité culturelle. Dans un contexte de crise, les
restrictions aux migrations se multiplient, dans ce cas les frontières jouent leur rôle traditionnel
et les moyens techniques mis en œuvre pour les contrôles sont de plus en plus sophistiqués. Si
les frontières se ferment aux hommes, elles sont ouvertes aux flux économiques (marchandises,
capitaux).
La mondialisation n’a donc provoqué la disparition ni des Etats, ni des frontières, mais oblige
ceux-ci à composer et à redéfinir le rôle qu’ils assignent à leurs frontières
B- Débats et contestation de la mondialisation
Les premiers effets sont économiques et sociaux. Dans le monde, la proportion des personnes
vivant dans la très grande pauvreté (moins de 1,25 dollar par jour) recule régulièrement : 46%
en 1990, 22% en 2008, peut-être 15% en 2015.
Ces dernières décennies, des centaines de millions de personnes sont sorties de la pauvreté en
Chine et en Inde. Les NPIA, Nouveaux Pays Industrialisés Asiatiques, et certains autres pays
émergents ont connu un développement économique et social très marqué (Chili, Malaisie,
Venezuela).
Cependant, la mondialisation n’a pas mis fin au cycle des crises : celle qui se déroule depuis
2008 et a provoqué la dégradation de l’emploi et de l’activité économique ; l’OCDE a connu
un pic historique de 8,5% des actifs en chômage en 2009 (48 millions de personnes), les BRICS
ont vu leur croissance ralentir : 2,7% au Brésil en 2011 contre 7,5% en 2010.
Il faut également citer les crises alimentaires : une hausse importante des prix
agricoles s’est manifestée depuis 2007. Elle a ralenti le rythme de réduction de la sous-
alimentation dans le monde ; des centaines de millions de personnes restent sous-alimentées
14
(925 M en 2008, + d’1 milliard en 2009, 868 millions en 2011) du fait de la hausse des cours
mondiaux des produits agricoles et ce malgré de bonnes récoltes.
Depuis quelques années, la mondialisation est souvent accusée dans les pays du nord de
précariser le travail, de mettre en concurrence les économies développées et offrant une
protection sociale avec celles des pays du sud qui ne souffrent pas de ces contraintes et se
révèlent plus compétitives, dans des domaines de plus en plus sophistiqués. Certains réclament
le retour au protectionnisme.
Le débat porte ensuite sur les effets environnementaux. Les transports consomment toujours
plus d’énergie ; les économies de carburant réalisées grâce au progrès technique sont effacées
par la hausse des kilomètres parcourus et la croissance du parc automobile mondial (environ 1
milliards de véhicules particuliers, une croissance de 30 à 40 millions de véhicules par an). A
l’heure actuelle les réserves prouvées de pétrole sont de 44 ans et celles de charbon de 183 ans.
Au même moment les besoins explosent : ils ont triplé entre 1960 et 2010 et
continuent à augmenter avec le développement de la Chine, de l’Inde etc., ce qui ne manque
pas de créer des tensions.
L’agriculture productiviste issue des révolutions agricoles est très critiquée : pollution par les
engrais chimiques : nitrates causant des algues vertes dans les cours d’eau ; pollution par les
pesticides et les produits phytosanitaires : les cas de cancers se sont multipliés parmi les
agriculteurs qui utilisent les produits chimiques (évalués à 26 000 cas par an en UE en 2008).
La destruction des sols est également critiquée : les engins agricoles tassent les sols, les
traitements chimiques et la monoculture appauvrissent les sols en faisant disparaître les vers de
terre, les bactéries.
La trop forte consommation d’eau : le prix de l’eau étant préférentiel pour les
agriculteurs, ceux-ci ont tendance à l’utiliser sans compter entraîne baisse des nappes
phréatiques.
On assiste en conséquence à un recul de la biodiversité : la culture du palmier à huile en
Indonésie ou du soja au Brésil, fait reculer la forêt et disparaître certaines espèces, répertoriées
ou inconnues.
L’utilisation des OGM fait débat, sans que le bilan de leur impact sur l’environnement soit
clairement établi.
Les pays pauvres sont prêts à accueillir des activités très polluantes sans contrôle sérieux pour
fournir des emplois : déconstruction des navires au Pakistan, en Inde, au Bangladesh ;
démontage des ordinateurs en Chine ; scandales des déchets toxiques dans les pays sans Etat
(Somalie par ex). Dans certaines régions du monde, la compétition pour le contrôle ses
15
ressources rares (minerais, terres rares) se fait au détriment des précautions environnementales
les plus élémentaires et des populations locales.
La multiplication des échanges peut accentuer les risques sanitaires en favorisant la propagation
des virus (grippe aviaire H1N1 en 2009, crise de la vache folle dans les années 1990 etc.).
Les habitants des pays du nord, les mieux intégrés à la mondialisation, laissent une forte
empreinte écologique. La moyenne mondiale de l’empreinte écologique est de 2,6 ha par
personne. Or, un Français a besoin de 4,6 ha pour maintenir son niveau de vie (si tout le monde
consommait autant qu’un Français, il faudrait disposer de 2,5 planètes) et un Américain a
environ besoin du double d’un Européen pour maintenir son niveau de vie (9 ha).
Le troisième grand enjeu est la question de l’uniformisation culturelle. En 1967 le sociologue
canadien Marshall Mac Luhan emploie l’expression "village global". La mondialisation pose la
question de la diversité culturelle : favorise-t-elle l’uniformisation, l’occidentalisation ou
l’américanisation des cultures ?
Aujourd’hui la culture est de plus en plus perçue à la fois une source de profit et d’influence.
C’est une compétition pour le soft power (pouvoir de séduction, de conviction) entre des pays
dominants, peu nombreux, et des pays émergents pour s’assurer une influence culturelle dans
de nombreux pays dominés qui en produisent peu. La répartition des "forces" est la suivante :
un géant, les USA, qui ont inventé une culture standardisée, qui l’envisagent comme un
instrument de puissance et une industrie stratégique (les industries de l’entertainment arrivent
en 2ème position dans les exportations américaines, après l’aérospatiale). Les USA réalisent
50% des exportations mondiales de contenus culturels.
Un concurrent en déclin : l’UE (1/3 des exportations - 1er importateur) - balance en déficit et
déclin constant des exportations. Par ailleurs la culture commune des Européens a tendance à
devenir américaine.
Une petite dizaine de pays (Japon, Chine, Corée du Sud, Australie) qui jouent un rôle important
et exportent des produits culturels. Quelques pays émergents : Brésil, Inde, Egypte, Afrique du
Sud, Pays du Golfe, Turquie.
La diffusion des NTIC s’accompagne de celle des produits américains qui diffusent les valeurs
et modes d’organisation des Etats-Unis.
Cependant l’américanisation suscite des refus et des résistances : critiques d’intellectuels
européens, protectionnisme de dirigeants politiques, rejet des fondamentalistes religieux...
Les crispations identitaires sont perceptibles dans le monde entier, en particulier à travers le
retour du religieux, un des fondements de la diversité des civilisations, souvent sous une forme
fondamentaliste et identitaire.
16
Finalement la recomposition des échanges culturels fait disparaître l’hypothèse d’une
hégémonie américaine : le soft power chinois ou des autres BRIC est en train d’émerger. Les
USA voient aussi leur culture populaire devenir de plus en plus cosmopolite (elle
se"latinaméricanise").
C- Vers une gouvernance mondiale ?
Les Etats ont toujours un rôle essentiel dans la gouvernance mondiale. Celle-ci peut s’organiser
lors de rencontres dans des institutions internationales : dans le domaine politique,
diplomatique, culturel (ONU, UNESCO), commercial (OMC), sanitaire (OMS).
Les organisations internationales étaient à l’origine dominées par les pays fondateurs, grandes
puissances du nord. La montée des émergents conduit à une réforme de ces institutions : la
Chine est devenue le 3ème actionnaire du FMI en 2010. Une réforme de l’ONU est souvent
annoncée avec une entrée de pays émergents (Inde, Brésil, Afrique du Sud) en tant que membres
permanents du conseil de sécurité.
Certains sommets débouchent sur des prises de décision, souvent complexes et
contestées, comme le protocole de Kyoto. C’est un traité international visant à la réduction de
l’émission des GES, pour donner suite au sommet de Rio de 1992. Ce protocole vise à réduire,
entre 2008 et 2012, de 5,2% par rapport au niveau de 1990 les émissions de gaz à effet de serre
(dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d’azote et trois substituts).
Les pays développés ont pris des engagements auxquels les pays en développement ne sont pas
soumis, considérant que la responsabilité historique de l’émission de GES repose sur les pays
développés et que les PED doivent accorder légitimement leur priorité à leur développement.
Chaque année, des scientifiques, réunis dans le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental
sur l’évolution du climat), fournissent des données aux politiques. Cependant en 2009, lors du
sommet de Copenhague qui visait a préparer l’après Kyoto (après 2012) aucun engagement
chiffré de limitation d’émission n’a été reconduit. Un nouveau "Pacte climatique" devrait être
négocié en 2015.
Les dirigeants politiques se rencontrent aussi dans des sommets non institutionnels : depuis les
années 1970, les dirigeants des Etats les plus puissants au G5, devenu G8 puis G20 en 1999 (19
pays = G 8 + Mexique, Brésil, Argentine, Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Turquie, Inde,
Chine, Corée, Indonésie, Australie + UE). Il s’agit de tenter de coordonner les politiques
économiques, parfois de questions plus politiques (lutte contre le terrorisme).
Les dirigeants politiques se concertent aussi avec des dirigeants de firmes lors de rencontres
comme le Forum économique mondial qui se réunit chaque année dans la petite localité Suisse
de Davos.
17
Enfin, on peut s’interroger sur le rôle des opinions mondiales. Des ONG constituées pour la
défense de l’environnement, de la démocratie, des populations pauvres sont généralement le fer
de lance des mobilisations.
Les altermondialistes se rencontrent lors de grands rassemblements internationaux comme le
forum social mondial qui s’est souvent déroulé à Porto Alegre au Brésil (2001 pour la 1ère fois)
mais aussi dans d’autres pays du sud. Depuis 2011 le mouvement des "indignés" parti
d’Espagne s’est répandu dans les pays développés ("Occupy Wall Street" en 2012). Les réseaux
sociaux permettent de nouvelles mobilisations. Ils obtiennent certains succès en
poussant les dirigeants à tenir compte de considérations environnementales, éthiques dans leur
prise de décision.
Depuis l’éclatement de la crise de 2008, ils sont inaudibles, car les populations sont plus
sensibles aux discours sur la croissance (et la création d’emplois), qu’aux initiatives pour la
préservation de l’environnement.
Cependant, de nombreux hommes politiques appellent même à la « démondialisation », et au
retour à une certaine forme de protectionnisme.

La globalisation a permis un essor sans précédent des flux. Cependant, la croissance


économique n’a pas réduit les déséquilibres. Pour certains États et groupes sociaux, la
mondialisation est synonyme de pauvreté aggravée et de guerre civile.
Le mode de développement productiviste aggrave les pressions sur les milieux naturels. Les
altermondialistes dénoncent ces dérives et réclament une régulation internationale pour établir
un développement durable.

18
CHAPITRE III : L’AFRIQUE DANS LA MONDIALISATION

À l’échelle du monde, l’Afrique cumule les indicateurs économiques, sociaux et


environnementaux défavorables, auxquels s’additionnent de multiples conflits locaux, des
problèmes de gouvernances et une place marginale dans la mondialisation. En réalité, le
continent africain n’est pas homogène en termes de développement et les situations ne sont pas
figées. Des formes de décollage économique existent, malgré la persistance de problèmes aigus.
De même, on ne peut plus considérer que l’Afrique est à l’écart du monde. Le continent est
largement placé en relation subordonnée dans les échanges mondialisés, mais des exemples
d’adaptation aux mutations liés à la mondialisation doivent être soulignés, même si là encore,
les réalités du continent sont très hétérogènes.
I- Le continent africain face au développement
A- Le continent de la pauvreté
L’Afrique est le continent où les indicateurs de développement sont les plus bas, bien qu’il
existe de fortes disparités entre les pays. Plus de 300 millions d’Africains – près du tiers de la
population du continent - vivent avec moins de 1 dollar par jour en Afrique subsaharienne et
l’espérance de vie moyenne dépasse à peine les 55 ans. La sous-alimentation et l’insécurité
alimentaire touchent environ un tiers de la population et une partie importante des Africains
n’ont pas accès à l’eau potable ni à des installations sanitaires et médicales satisfaisantes. Une
majorité de personnes n’ont pas accès à l’éducation, aux soins médicaux alors que c’est la
région du monde la plus touchée par le paludisme et par le sida - plus de 30 millions de
personnes sont atteintes du VIH- ce qui explique la baisse actuelle de l’espérance de vie dans
plusieurs États. Enfin, l’Afrique dépend encore largement de l’aide financière internationale,
mais celle-ci ne suffit pas pour autant à assurer le développement des États.
La pauvreté est extrêmement répandue dans les campagnes, mais également dans les vastes
bidonvilles et même dans les villes elles-mêmes, puisque le taux de chômage y avoisine les 25
%. Cette situation est la source de tensions sociales qui traversent tout le continent dans les
campagnes et dans les villes. Celles-ci sont à l’origine des révolutions qui ont parcouru
l’Afrique du Nord depuis 2011, mais elles représentent un défi pour l’ensemble des
gouvernements africains, y compris dans les États les plus riches : la révolte permanente des
mineurs sud-africains depuis 2012 a causé plusieurs dizaines de morts et les violences se
multiplient dans les townships mais également dans les campagnes. La pauvreté qui pousse les
habitants des pays les plus pauvres vers les pays plus développés, comme les trois millions de

19
Zimbabwéens émigrés en Afrique du Sud, est également à l’origine de violences. À cela, il faut
ajouter les conflits interethniques permanents, eux aussi alimentés par la pauvreté.
Toutefois, on observe des écarts importants entre les États. Au nord, le Maghreb- Machreck est
plus riche et l’IDH se situe entre 0,65 et 0,8, ce qui est relativement élevé.
De même, l’Afrique du Sud, le Botswana et la Namibie ont un IDH situé au-dessus de la
moyenne. En revanche, la pauvreté et le mal-développement concerne pratiquement tous les
autres pays, en particulier les États sahéliens. L’Afrique subsaharienne compte 34 pays les
moins avancés (PMA) au sens de l’ONU et en dehors du Kenya, du Cameroun, du Congo et de
la Côte-d’Ivoire, l’IDH est faible (moins de 0,5) ou très faible (moins de 0,4). À cela, il faut
ajouter des contrastes de pauvreté extrêmement marqués au sein des États. Ainsi, l’Afrique du
Sud qui est le pays le plus riche du continent, compte plus de 50 millions d’habitants vivant
sous le seuil de pauvreté et son IDH est en baisse du fait de l’épidémie de sida qui a fait reculer
l’espérance de vie sous les 60 ans au cours des vingt dernières années.
B- Les obstacles au développement
Le premier obstacle au développement est certainement l’instabilité politique. L’Afrique a
longtemps été le continent des coups d’État et des guerres civiles. La démocratie progresse,
mais 20 % de la population africaine reste à la merci des conflits armés et les régimes
autoritaires demeurent plus nombreux que les démocraties. La corne de l’Afrique, mais
également l’Afrique de l’Ouest et une partie de l’Afrique du Nord sont situés dans l’ " arc des
crises " et la guerre civile est quasiment permanente dans certains États telle que la République
démocratique du Congo ou au Soudan. Les régimes démocratiques n’échappent pas eux-mêmes
à la corruption et à la violence politique qui gangrènent la majorité des États africains. Depuis
le " printemps arabe " de 2011, les pays du Nord du continent ont connu des révolutions qui ont
balayé les dictateurs au pouvoir, mais leur stabilité n’est pas assurée pour autant. Cette situation
freine les possibilités d’investissements étrangers en dehors de l’exploitation des matières
premières.
L’Afrique manque de toutes sortes d’infrastructures, en matière d’éducation, de santé, de
transports, d’équipements énergétiques, de nouvelles technologies, d’industries, etc. La plupart
des équipements datent de la période coloniale ou ont été mis en place par des grandes
compagnies étrangères, européennes, américaines ou chinoises dans le but d’exploiter les
matières premières du continent. Mais la plupart des habitants ne bénéficient pas de la "
politique du cadeau " de la Chine ou des infrastructures mises en place par les Occidentaux. Ce
déficit structurel représente un handicap important et empêche la plupart des États de sortir de
l’économie de rente et d’émerger dans d’autres secteurs. La majorité des habitants survivent
20
grâce au secteur informel et à l’économie des réseaux, ce qui freine à la fois le développement
et les investissements.
Enfin, la forte croissance démographique non maîtrisée constitue le troisième obstacle principal
au développement. Le continent est peuplé d’environ un milliard d’habitants, mais ce chiffre
devrait doubler d’ici 2050 et l’augmentation de la population devrait se poursuivre au moins
jusqu’au début du siècle prochain - soit 3,5 milliards d’Africains, le tiers de la population
mondiale. La population africaine est très jeune, puisque 41 % des habitants ont moins de 15
ans et que l’âge médian est de 21 ans en Afrique du Nord et de 17 ans en Afrique subsaharienne.
Cette jeunesse pourrait constituer un atout pour l’Afrique, en termes de dynamisme et de main-
d’œuvre, mais elle pose surtout le problème de l’accès à l’éducation et à l’emploi pour des
centaines de millions de jeunes africains.
C- Un décollage récent et limité
Dans les années 1990, la démocratie a néanmoins progressé en Afrique et, depuis les années
2000, les pays africains connaissent une croissance de leur PIB relativement forte, de l’ordre de
2 à 6 % par an. Cette croissance est tirée par un petit groupe de pays, les " lions africains ", que
les investisseurs considèrent comme émergents : il s’agit de l’Afrique du Sud, du Nigéria, de
l’Angola et, au nord, du Maroc, de l’Algérie et de l’Égypte. Ces États représentent à eux seuls
60 % du PIB africain. Cette croissance est cependant fragile et vulnérable aux aléas politiques.
D’autres pays du continent connaissent également une croissance soutenue et un
développement de leur classe moyenne, mais celle-ci n’entraîne pas forcément un processus de
développement, dans la mesure où la croissance ne bénéficie qu’à une frange restreinte de la
population et n’alimente pas la mise en place d’infrastructures permettant une réelle émergence
de ces pays. Ainsi, les PMA d’Afrique subsaharienne ont connu ces dernières années des taux
de croissance parfois supérieurs à 5 % par an, mais celle-ci est concentrée dans un
petit groupe de pays - Angola, Guinée équatoriale, Soudan - et résulte de l’exploitation des
richesses locales par des groupes étrangers. Il s’agit donc d’une "croissance sans
développement".
Le développement des villes représente une autre manifestation du modeste décollage de
l’Afrique. Outre les infrastructures et les équipements qui sont mis en place dans les grandes
villes, le niveau de vie des citadins est supérieur à celui des ruraux et une classe de
consommateurs est en train d’émerger. Le développement rapide de la téléphonie mobile et,
dans une moindre mesure, de l’Internet, en sont les manifestations les plus remarquables. 90 %
des espaces urbains sont couverts par les réseaux de téléphonie mobile - contre moins de 40 %

21
dans les espaces ruraux - et les villes africaines sont à présent considérées comme un marché
potentiel important de consommateurs par les grandes firmes transnationales.
Les progrès sont réels dans la lutte contre la malnutrition et la mortalité infantile, la vaccination,
l’accès à l’eau potable, l’éducation, etc. Mais ils sont très lents et sont concentrés sur quelques
noyaux bénéficiant de la proximité d’activités rentables. Ils sont surtout insuffisants au regard
de l’explosion démographique que connaît le continent africain. Certains prédisent pour
l’Afrique un décollage économique comparable à celui de l’Asie à partir des années 1980, mais
le relais entre l’économie de rente et l’industrialisation tarde, malgré quelques délocalisations,
et les progrès du bien-être des masses africaines est loin d’être assuré sur le court et le moyen
terme. Là encore, les progrès en matière de développement et l’augmentation des
investissements s’effectuent dans un contexte de profonde mutation démographique que la
plupart des gouvernements africains ne parviennent pas à gérer.
II- Une intégration marginale mais croissante dans la mondialisation
A- Les manifestations de la mondialisation
A priori, l’Afrique est en marge de la mondialisation. Le continent ne produit que 1 % des
richesses mondiales et ne compte que pour 3 % des importations et des exportations à l’échelle
planétaire. Il faut ajouter que 80 % des exportations sont constituées de matières premières et
dans la plupart des États africains, celles-ci sont limitées à deux ou trois produits. De ce fait, la
part de l’Afrique, et en particulier de l’Afrique subsaharienne, a diminué d’un tiers dans le
commerce mondial depuis les années 1950. En réalité, les États africains ne sont réellement
intégrés à la mondialisation que grâce à leurs ressources pétrolières ou minières, ou par
l’exportation de leurs produits agricoles - cacao, coton, café, fruits tropicaux.
Toutefois, la mondialisation se manifeste de plusieurs façons en Afrique : par les métropoles,
qui sont les relais locaux de la mondialisation, par la "mondialisation sauvage", avec les trafics
illégaux ou non régulés d’armes, de diamants, de drogue, de déchets toxiques et par la
"mondialisation par le bas" liée au secteur informel. Les flux humains qui traversent le
continent, entre les pays africains - 82 % des migrations -, entre l’Afrique centrale et l’Afrique
du Sud, entre le sud et le nord du Sahara et entre l’Afrique et l’Europe participent également
des manifestations de la mondialisation, à défaut d’une réelle intégration dans la manifestation.
Elles s’accompagnent d’échanges d’informations, de biens, de transferts de capitaux, etc. On
peut évoquer également le développement d’activités touristiques dans certaines régions
d’Afrique du Nord et même d’Afrique subsaharienne.
L’accélération des échanges transnationaux est une autre manifestation de l’influence de la
mondialisation en Afrique. La régionalisation progresse dans plusieurs régions d’Afrique et les
22
accords de coopération dynamisent les échanges. Ainsi, 8États d’Afrique de l’Ouest coopèrent
au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et utilisent une monnaie
unique, le franc CFA. De même, trois espaces économiques existent à l’Est et au Sud : l’union
de la Communauté de Développement de l’Afrique australe (SADC), la Communauté
d’Afrique de l’Est (EAC) et le Marché Commun de l’Afrique de l’Est et Australe (COMESA).
Les dirigeants des États membres de ces alliances régionales ambitionnent de créer une vaste
zone de libre-échange, regroupant 26 pays africains mais ouverte à d’autres États en dehors du
continent. Cette intégration prendra du temps dans la mesure où elle implique des efforts
importants pour les pays concernés : libéralisation de leurs marchés, amélioration de la
circulation commerciale et surveillance efficace des frontières.
B- Un continent sous influence
L’intégration de l’Afrique dans la mondialisation a toujours été dirigée par des puissances
extérieures. Dès le VIIe siècle, le trafic d’esclaves est organisé à travers le Sahara et vers l’océan
Indien et les caravanes transportent de l’or, de l’ivoire, etc. à travers les routes commerciales
débouchant sur le monde musulman. Les Occidentaux développent des routes commerciales
atlantiques à partir du XVe siècle et le "commerce triangulaire" se met en place entre l’Europe,
l’Afrique et l’Amérique. Au XIXe siècle, la colonisation partage l’ensemble du continent
africain entre les métropoles européennes, la France et le Royaume-Uni au premier chef.
L’exploitation économique de l’Afrique et les échanges qui en résultent sont organisés par les
États et les entreprises européennes. De même, après la décolonisation, la plupart des pays
africains conservent des liens privilégiés avec leur ancienne métropole et les économies de
rentes mises en place pendant la période coloniale sont toujours exploitées par des compagnies
occidentales.
Les richesses de l’Afrique - pétrole, minerais et terres rares - sont aujourd’hui encore exploitées
par des compagnies européennes, nord-américaines, mais également par les puissances
émergentes, la Chine en particulier, suivie par l’Inde - après la "Françafrique", le terme de
"Chinafrique" s’est imposé et celui d’ "Indafrique" émerge. Plus récemment, d’autres États
comme le Brésil, la Turquie et le Qatar se sont intéressés aux richesses du continent africain.
Des compagnies étrangères toujours plus nombreuses sont donc en concurrence pour
l’exploitation des ressources, ce qui entraîne des revenus importants pour les gouvernements
des États africains. De même, les terres cultivables africaines sont de plus en plus recherchées
par des pays en déficit de terres, qui louent ou achètent des terres aux gouvernements des pays
africains - c’est le land grabing. Ainsi, la Chine a acheté récemment plusieurs milliers d’hectares
de terres agricoles à Madagascar.
23
L’Afrique se place juste derrière l’Asie dans les prévisions d’investissement, selon le FMI.
Malgré la crise économique mondiale, les investisseurs étrangers, en particulier ceux des pays
émergents, considèrent de plus en plus l’Afrique comme une opportunité. Toutefois, là encore,
les prévisions d’investissement montrent une répartition très inégale entre les différents États.
En 2011, l’analyse du cabinet Ernst and Young portant sur les perspectives de projets d’IDE en
Afrique s’intitule : "It’s time for Africa". Le continent est enfin convoité par les FTN
occidentales ou des États émergents pour la masse de consommateurs potentiels qu’elle
représente. Plus de 30 % de la population du continent appartient désormais à la classe
moyenne, ce qui représente plus de 300 millions de personnes dans l’immédiat, mais plus du
double à moyen terme.
C- De nombreux défis à relever
Le premier défi de l’Afrique est d’améliorer les conditions de vie d’une population jeune et en
très forte croissance. Il s’agit pour les gouvernements d’assurer la sécurité physique des
habitants, puis leur sécurité alimentaire et sanitaire. L’éducation et l’emploi représentent
également des défis importants, dans la mesure où ils conditionnent le développement des États
et le niveau de vie des habitants. Pour cela, les pays africains doivent poursuivre dans la voie
de la démocratisation, régler les tensions et les violences liées aux problèmes ethniques (RDC),
politiques (Kenya, Zimbabwe) ou religieux (Nigéria, Mali), mieux maîtriser les frontières et
lutter contre une corruption endémique. Il est impossible de surmonter ces défis si le produit de
la manne des richesses naturelles continue d’être confisquée par l’entourage d’autocraties en
place au détriment du développement. De même, la stabilisation politique est une condition
indispensable à l’émergence de certains pays, ce qui est loin d’être acquis dans plusieurs États
africains.
Le deuxième défi consiste à sortir de l’économie de rente pour promouvoir le développement
d’infrastructures - transports, accès aux services, etc. - et encourager les initiatives de
développement locales. Les gouvernements doivent pour cela tenir compte de spécificités
africaines, telles qu’une activité plus tournée vers les échanges que vers la production. En cela,
l’approfondissement de l’intégration régionale est une nécessité, les organisations régionales
existantes n’étant pas pour l’heure suffisamment efficaces. Dans le domaine agricole, les
spécialistes estiment que l’Afrique a besoin d’une révolution verte permettant de parvenir à une
meilleure productivité, mais sans nuire à l’environnement.
Le troisième défi majeur concerne les enjeux écologiques du développement durable.
L’exploitation des ressources naturelles de l’Afrique entraîne des problèmes environnementaux
importants. Pollution des eaux dans le delta du Niger à cause des fuites d’hydrocarbures,
24
déforestation massive due à l’exploitation des minerais, à l’agriculture productiviste et au land
grabing, dégradation des sols due à l’utilisation d’OGM, problème de la gestion des déchets
dans des villes en pleine croissance anarchique, etc.
Pour l’heure, ces questions environnementales semblent mineures au regard des grands
problèmes de l’Afrique. Mais elles se poseront avec de plus en plus d’acuité avec le
développement rapide de la population, des métropoles et l’augmentation des besoins en termes
de consommation.
III- Les "Afriques", entre dynamisme, intégration et marginalisation
A- Un État intégré à la mondialisation et des puissances régionales
L’Afrique du Sud représente à elle seule 23 % du PIB africain. Les économistes la classent dans
la catégorie des pays émergents. C’est le seul pays africain réellement intégré à la
mondialisation, dans la mesure où il héberge les seules entreprises multinationales africaines.
Johannesburg, la capitale économique, est une des seules villes mondiales d’Afrique et c’est la
première place boursière du continent. Les activités économiques sont diversifiées et le pays a
connu une forte tertiarisation de son économie. En tant que puissance, l’Afrique du Sud
revendique une place permanente au Conseil de sécurité de l’ONU. Toutefois, elle conserve
encore des caractéristiques d’un pays en développement : les produits bruts représentent encore
40 % des exportations du pays, le taux de chômage est important et, surtout, le pays est traversé
par de très fortes inégalités socio-spatiales.
En Afrique occidentale, le Nigéria s’est affirmé comme seule puissance régionale, au détriment
de la Côte d’Ivoire qui revendiquait le leadership de la région. Première économie d’Afrique
de l’Ouest et du Centre, le pays dispose de grandes entreprises et de banques, grâce à la manne
pétrolière notamment. C’est également le troisième producteur de films au monde (" Nollywood
") et sa diaspora est bien implantée dans le continent africain. Le pays exerce une influence
diplomatique et politique sur toute la région et il aspire à devenir une puissance émergente :
lorsqu’il a été question d’une ouverture du Conseil de sécurité des Nations-Unies, le Nigéria
s’est immédiatement positionné comme l’État africain le plus puissant. Mais cet immense pays
de plus de 200 millions d’habitants (en 2022) souffre également des traits du mal-
développement (IDH : 0,448, 142e rang mondial).
L’Égypte et les États du Maghreb peuvent également être considérés comme des puissances
régionales. Leur IDH est plus élevé que la moyenne du continent africain et leurs économies
sont plus diversifiées que celles des pays d’Afrique subsaharienne. Leurs littoraux sont ouverts
au commerce mondial et ces pays ont développé des infrastructures portuaires et/ou
touristiques. À l’échelle de l’Afrique, ils peuvent donc être considérés comme des " pays riches
25
". Toutefois, ils ont eux aussi conservé des traits du mal-développement : déséquilibre des
structures économiques, manque d’infrastructures, fortes inégalités socio-spatiales, etc. Enfin,
les incertitudes politiques liées au " Printemps arabe " rend leur situation incertaine et pèse sur
certaines activités vitales, comme le tourisme en Tunisie ou en Égypte.
B- L’intégration par les métropoles
C’est dans les métropoles africaines que l’on trouve les activités économiques innovantes et
l’ouverture à la mondialisation, tant dans les puissances régionales qui viennent d’être évoquées
que dans les pays en développement ou les PMA. Le taux d’urbanisation en Afrique est encore
modeste - environ 35 % de la population totale-, mais il ne cesse de croître, d’environ 5 % par
an. Alors que l’Afrique blanche est largement urbanisée, au nord, certains États d’Afrique noire
ont des taux d’urbanisation très faibles, comme le Rwanda ou le Burundi (moins de 10 %), mais
d’autres ont dépassé les 50 %, comme le Gabon, le Congo, le Sénégal et bientôt l’essentiel des
États du Golfe de Guinée et de l’Afrique australe. L’urbanisation est plus importante dans le
Maghreb et les villes australes.
Les villes africaines se structurent autour des vieilles médinas (en Afrique du Nord) ou des
villes coloniales dans lesquelles se bâtissent des CBD - le quartier du "plateau", à Dakar. Elles
polarisent les services publics, les sièges sociaux des entreprises et les investissements, les
équipements ainsi que les revenus des économies de rente. Le phénomène de littoralisation est
particulièrement présent en Afrique, puisque le centre du continent se caractérise par l’absence
de villes ou bien l’existence de petites et moyennes agglomérations - en dehors des grandes
villes fluviales -, tandis qu’on observe un alignement urbain tout au long des côtes de l’Afrique.
Ce phénomène est particulièrement net autour du Golfe de Guinée, de Luanda (Angola) à
Abidjan (Côte d’Ivoire), où un chapelet de métropoles ouvre les pays de la région à la
mondialisation et constituent des moteurs de développement.
D’une manière générale, la ville africaine est un foyer de création, d’innovation et de
dynamisme. Toutefois, les défis à gérer face à une croissance urbaine non maîtrisée sont
nombreux. Les villes africaines connaissent des problèmes importants, que ce soit en Afrique
du Nord, en Afrique subsaharienne ou en Afrique australe : bidonvilles, violences, importance
des inégalités socio-spatiales, etc. Mais partout, elles servent de relais à la mondialisation et
font preuve d’une grande vitalité.

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C- Les PMA, en marge du développement
Sur les 50 pays les plus pauvres de la planète, 33 sont des PMA d’Afrique subsaharienne. Leur
croissance moyenne ces dernières années, située autour de 6 % par an, a surtout été alimentée
par les exportations de pétrole et de minerais et a bénéficié à quelques pays comme l’Angola,
le Tchad ou la Guinée. Ces bénéfices n’ont pas été réinvestis dans les infrastructures, le niveau
de développement n’a pas augmenté et la manne n’a profité qu’à un petit segment de la
population. La majorité des habitants, qui survivent grâce à l’agriculture, n’a tiré aucun bénéfice
de cette rente. Et dans les États qui n’en bénéficient pas, le sous-développement s’aggrave et
les investissements diminuent. " Plus du tiers des habitants de ces États vit avec moins de un
dollar par jour. Ils étaient 44 % il y a dix ans. Mais derrière ce progrès apparent, la pauvreté
augmente en chiffres bruts, puisque plus de 200 millions d’habitants de ces pays vivent sous le
seuil de pauvreté absolu et que ce nombre devrait augmenter dans les prochaines années du fait
de la forte natalité. À ce jour, aucun programme d’aide international n’est parvenu à inverser
cette tendance et on voit mal comment ces pays pourraient progresser alors qu’ils ne
parviennent pas à gérer l’augmentation de leur population.
Un seul pays, le Botswana, a pu sortir de la liste des PMA africains en 1994. Cet
État démocratique, dont la richesse se fonde sur le pétrole, les diamants et quelques minerais, a
su gérer cette rente et développer d’autres secteurs, comme le tourisme. Alors qu’il était l’un
des pays les plus pauvres au monde, le Botswana est devenu un État à revenus moyens, avec
un PIB par habitant de 16 800 dollars par an (75e rang mondial en 2012) et un IDH supérieur à
0,6 (0,4 en 1980). À titre d’anecdote, c’est le second pays africain après l’Afrique du Sud à être
répertorié en 2012 sur Google Street View. Certes, le pays comprend encore 30 % de pauvres
et l’épidémie de sida y fait des ravages. Mais le Botswana représente néanmoins un modèle de
réussite qui pourrait inspirer d’autres PMA d’Afrique.
Conclusion
Les défis restent nombreux à relever pour que l’Afrique sorte du sous-développement et
s’intègre dans la mondialisation : maîtriser la croissance démographique et la croissance
urbaine, subvenir aux besoins alimentaires et sanitaires des populations, surmonter l’instabilité
politique et progresser dans la voie de l’intégration régionale, etc. Le développement durable,
qui n’est pour l’instant pas une priorité pour les dirigeants africains, devra mieux être pris en
considération, en particulier pour assurer aux populations africaines un accès plus équitable aux
revenus générés par les richesses et les potentialités du continent.

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