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10 mots français rigoureusement intraduisibles (et donc authentiquement délectables)

Publié le 29 mars 2011 par Valerie Boas

Comme toutes les langues, le français regorge de mots bien à lui. Revue de détail(s) de mes préférés.

- affriolant
Les dessous français doivent avoir quelque chose de plus que les autres, pour réussir à être sexy sans être tout à
fait provocateurs, excitants mais pas vulgaires… Bref, tout ça en un seul mot! Illustration parfaite avec mon
amie Emilie Cousteau et sa ligne de lingerie extraordinaire.

- aigrefin
Personnage maigre, au teint cireux, dont la dentition décatie et l’haleine fétide vous décourageront presque
certainement de lui adresser la parole. Tant mieux d’ailleurs, car si vous le faisiez, il n’aurait de cesse que de
vous dérober votre argent et de vous jouer tous les mauvais coups de la terre.

- ballot
Etre ballot, c’est être niais, bien sûr, mais aussi ressembler à un sac du même nom, mal fagotté, empaquetté à la
hâte. C’est aussi être vaguement maladroit, peut être à cause de l’embompoint car ‘balourd’ n’est pas loin. Pour
achever de rendre ce court mot totalement intraduisible, il contient aussi, diffusément, l’idée de mal tomber, de
ne pas être là au bon moment. C’est ballot, non?

- chauffer
C’est LE verbe difficile à expliquer aux étrangers par excellence. « Ça chauffe », suivant le contexte, ce peut
être en effet savoureux (si c’est de la soupe), inquiétant (si ça concerne deux individus en plein différend),
excitant (s’il s’agit de la performance d’un groupe rock)… Quant à comprendre pourquoi au Québec, ça veut
dire « conduire une voiture », alors là, je rends mon tablier.

- dépaysement
Ce sentiment étrange, ce flottement, cet entre-deux si bien décrit dans certains films (‘Lost in Translation’, par
exemple) est au coeur de la littérature et de la poésie de beaucoup de cultures. Pourtant, nulle autre langue que
le français n’a su mettre un mot aussi joli dessus.

- emberlificoter
Le résultat de ce verbe (presque jamais utilisé au présent!) est un récit compliqué, vaguement malhonnête mais
au final, plutôt joli. Il fallait un mot pour dire cela dans un pays qui a vu naître le prêt-à-porter… et les
assignats.

- gourgandine
Une jolie fille pas avare de ses charmes, mais aussi un peu stupide. Comme la langue française n’est, elle, pas
avare de trésors, l’étymologie nous apprend que la gourgandine était aussi, en Provence, un petit corset lacé
devant. Tout l’art de la métonymie est là: assimiler le contenant au contenu…

- mitonner
En matière culinaire, comme on pouvait s’y attendre, la langue française regorge de concepts-et donc de mots-
totalement idiosyncrétiques. Ainsi « mitonner » c’est bien plus que préparer un plat; c’est surtout y passer du
temps, y mettre de soi-même dans l’espoir non pas d’approcher la perfection, mais de (se) faire plaisir.
Mitonner ne se traduit pas, il se vit. En cuisine et ailleurs.

- se défenestrer
Curieusement, peu de langues ont un verbe qui décrit spécifiquement l’action de se jeter volontairement par la
fenêtre. Tout aussi étonnament, le concept de ‘l’appel du vide’ a bien de la peine à franchir la barrière de la
langue. Les français auraient-ils des tendances suicidaires plus marquées que les autres peuples, ou bien
simplement un souci de précision dans ce domaine (un peu déplacé, convenons-en)?

- se recroqueviller
Quand on a froid, honte, sommeil et qu’on en a assez du monde qui nous entoure, nous les français, on se
recroqueville. Ça ne rend pas le monde meilleur, mais ça nous permet de laisser passer l’orage. ‘Se
recroqueviller’ est un verbe orphelin, qui n’a jamais donné de substantif. Un verbe seul avec lui-même, un peu
dépressif sur les bords.

Mais n’oublions pas que tout le monde n’a pas la même idée de l’intraduisibilité. Pour Jorge Luis Borges, qui
en connaissait un rayon (il parlait quatre langues avant de savoir lire!), les mots français les plus difficiles à
traduire étaient « y » et « en » car ils permettent de pratiquer les ellipses grammaticales à l’envi. Je laisse à cet
aigrefin de Borges la responsabilité de ses propos, et je m’en vais me recroqueviller après avoir revêtu mes
dessous affriolants en bonne gourgandine que je suis.

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