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Norois

Centralité urbaine et recomposition spatiale. L'exemple du Mans


Arnaud Gasnier

Abstract
ABSTRACT
The urban centrality's notion has developed a great deal during last years, in its definitions and action standings : from the intra-
urban scale, thinking about a centralizing needs citie, it gets to an inter-urban rank in a geography of the decision, where
valorizating images and competition, attraction and development, bring into conflict.
Le Mans goodly shows those social and politic transformations, as the whole urban society, by the town center's polarizing
dynamics, a space despecialization, an axial development of centrality's bearing elements and a fear of a socio-spacial division
's growth.

Résumé
RÉSUMÉ
Le thème de la centralité urbaine a fortement évolué, ces dernières années, dans ses définitions et niveaux d'actions : de
l'échelle intra-urbaine, considérant la ville comme centralisatrice de besoins, elle parvient au rang inter-urbain dans une
géographie de la décision, où se confrontent images valorisantes et concurrence, attraction et développement.
Le Mans témoigne bien des mutations politiques et sociales, que connaissent les sociétés urbaines, par des dynamiques
polarisantes du centre ville, une déspécialisation de l'espace, un développement axial des éléments porteurs de centralité et
une crainte d'un accroissement des segmentations socio-spatiales.

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Gasnier Arnaud. Centralité urbaine et recomposition spatiale. L'exemple du Mans. In: Norois, n°151, Juillet-Septembre 1991.
pp. 269-278;

doi : https://doi.org/10.3406/noroi.1991.6370

https://www.persee.fr/doc/noroi_0029-182x_1991_num_151_1_6370

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Norois, 1991, Poitiers, t. 38, n° 151, p. 269-278

Centrante urbaine et recompositions


spatiales: l'exemple du Mans

par Arnaud GASNIER


URA CNRS 915 - Université du Maine
Route de Laval, 72017 Le Mans Cedex

RÉSUMÉ

Le thème de la centi alité urbaine a fortement évolué, ces dernières années, dans
ses définitions et niveaux d'actions : de l'échelle intra-urbaine, considérant la ville
comme centralisatrice de besoins, elle parvient au rang inter-urbain dans une
géographie de la décision, où se confrontent images valorisantes et concurrence,
attraction et développement.
Le Mans témoigne bien des mutations politiques et sociales, que connaissent les
sociétés urbaines, par des dynamiques polarisantes du centre ville, une
déspécialisation de l'espace, un développement axial des éléments porteurs de centralité et
une crainte d'un accroissement des segmentations socio-spatiales.

ABSTRACT

The urban centrality's notion has developed a great deal during last years, in its
definitions and action standings : from the intra-urban scale, thinking about a
centralizing needs citie, it gets to an inter-urban rank in a geography of the
decision, where valorizating images and competition, attraction and development,
bring into conflict.
Le Mans goodly shows those social and politic transformations, as the whole
urban society, by the town center's polarizing dynamics, a space despecialization,
an axial development of centrality's bearing elements and a fear of a socio-spacial
division 's growth.

La notion de centre est géométrique et recouvre dans sa définition une


volonté de structurer et d'organiser l'espace. Le centre est le milieu d'un
espace donné, le point où convergent des actions diverses et où se produit
un grand mouvement.
Le Larousse encyclopédique définit le centre comme « le lieu d'un organe
vers lequel convergent ou duquel émanent les dispositions structurales ou
fonctionnelles qui confèrent à cet organe son unité et qui conditionnent
ses relations avec l'ensemble de l'organisme». La géographie utilise
fréquemment ce concept de centre appliqué à l'étude régionale mais aussi au

Mots-clés : Ville. Centralité. Le Mans.


Key words : Town. Centrality. Le Mans.
270 ARNAUD GASNIER

domaine de l'aménagement urbain. Le centre des villes est un espace


fortement marqué dans l'esprit du citadin puisqu'il est, dans la plupart des
cas, à l'origine du développement urbain. Il est le repère spatial sans
lequel l'homme des villes ne pourrait s'organiser socialement, même si la
vie sociale peut se concentrer autour d'autres lieux urbains.
En cette fin du XXe siècle, ces idées de centre et de centralité semblent
intéressantes à définir ou à redéfinir d'un point de vue socio-spatial, à une
période où de nouveaux intérêts et de nouveaux enjeux politiques,
économiques et sociaux apparaissent.

I. — CENTRALITÉ URBAINE ET ÉCHELLES GÉOGRAPHIQUES

A) POLARISATION ET REPRÉSENTATION

Selon M. Roncayolo, (1990) «la ville est une centralité en elle-même qui
assure, par son existence et sa localisation, la rencontre et l'échange entre
les hommes». Par cette définition, on se rend compte que la notion de
centralité peut s'appliquer à plusieurs échelles : à celle de la ville s'ajoutent
les niveaux inter et intra-urbains. M. Rochefort (1990) définit la ville
comme un élément centralisateur de besoins : «les entreprises de production,
agricoles ou industrielles, ne peuvent fonctionner sans utiliser des services
bancaires, d'assurances, de gestion, d'information. S'ajoutent les besoins
généraux de la société en services administratifs pour la gestion des affaires
publiques». La ville est donc un centre de services qui centralise des
fonctions politiques, financières, administratives, économiques et culturelles.
L'importance et le rôle de tel ou tel espace urbain seront fonction de sa
capacité à tout réunir en un centre unique d'action et d'autorité.
A l'échelle inter-urbaine, et selon la force polarisante de la ville, se
dessine une hiérarchie. Apparaît alors, en fonction de l'implantation des
grandes entreprises de production secondaire ou tertiaire, du rôle politique
et économique, du degré de rareté des services (université, restorat, conseil
général..., par exemple) une différenciation des villes. On peut parler de
centres nationaux, régionaux et locaux. Nous entrons donc dans la
géographie de la décision. Une ville tiendra une position centrale dans son
rayonnement national, régional ou local à la seule condition qu'elle possède
un pouvoir de décision politique ou économique important. Derrière les
métropoles régionales (Nantes, Tours...), prennent place les grands centres
régionaux (Le Mans, Brest...), puis les villes moyennes à vocation régionale
(Vannes, Alençon...). et enfin, les centres urbains à vocation locale (Sablé,
Clisson...). La décentralisation a contribué sans doute au développement
de centrantes principales ou secondaires et à des zones d'influence inégale.
Les enjeux qui se lisent au niveau inter-urbain s'observent également dans
les recompositions socio-spatiales de l'intra-urbain : le centre d'une
agglomération représente toujours le témoin historique (vieille ville gallo-romaine
et médiévale) de l'évolution urbaine, l'espace culturel (musées, bibliothèques,
palais des congrès...) et politique (mairie, préfecture) de la cité et une
image de prestige et de loisirs. Or, N. Sztokman (1991) précise que «Beau-
lieu est devenu un centre tertiaire important à l'échelle nantaise sans pour
CENTRALITÉ URBAINE ET RECOMPOSITIONS SPATIALES 27 1

autant être aujourd'hui un nouveau centre». En effet, cet espace manque


totalement d'éléments marquant la centralité : absence d'activités tertiaires
supérieures restées dans le centre-ville ancien, absence de commerces de
luxe ou semi-luxe... et surtout, absence d'une animation véritable.
Néanmoins, ne peut-on pas affirmer aujourd'hui que les centres-villes connaissent
une diversification certaine et des mutations de leur centralité urbaine ?
A ce niveau d'analyse, le centre-ville et le péricentre deviennent le terrain
d'enjeux importants et la cible de nombreux promoteurs et sociétés
d'investissement immobilier. Une véritable poussée d'opérations privées ou
mixtes, concernant plusieurs niveaux, a lieu (galeries commerçantes, bureaux
et logements) ainsi que la construction de nombreuses résidences de
standing. Si le centre urbain est l'objet de spéculations importantes, le péricentre
et la périphérie connaissent également une revalorisation spatiale par les
implantations de centres d'affaires, de recherche « High Tech » et
d'équipements commerciaux. Nous pouvons parler de polycentralité. G. Burgel
(1991) ajoute «qu'il y a dissociation des centralités au moment même où
elles n'ont jamais été aussi présentes socialement et économiquement».
Malgré un réinvestissement central dominant, on constate un
dysfonctionnement entre la centralité géographique et la centralité urbaine. Celle-ci
joue sur deux approches : la proximité du centre-ville et la diffusion de
pôles de développement économique et social dans toute la cité. Les
responsables politiques de gestion urbaine recherchent une nouvelle centralité
pour leur ville, qu'elle soit géographique, culturelle, économique ou encore
sociale. Aujourd'hui, les villes françaises se livrent une concurrence intense
en vue d'attirer des capitaux, des industries, des services, créateurs d'emplois
et générateurs de devises pour les collectivités (impôts, taxes...). La ville
doit se doter de moyens d'attraction afin de se développer sur le plan
économique et démographique. Développer sa centralité devient vital pour
dégager une image urbaine valorisante. Ainsi, des quartiers entiers se
recomposent et se restructurent : l'espace urbain doit trouver la modernité
de son temps, une architecture originale et audacieuse, l'animation et
l'ambiance urbaine auxquelles il doit prétendre par des opérations
d'aménagement, d'urbanisme et de revitalisation (voies piétonnes, galeries
marchandes...). De jeunes couples sont attirés par la proximité du centre et
par la qualité des logements neufs ou rénovés qui occupent l'emplacement
d'anciens entrepôts ou de vieilles usines. L'espace urbain se recompose
sous l'influence de nouvelles dynamiques et de nouvelles logiques de
développement.

B) ÉVOLUTIONS DU CENTRE URBAIN

Les années 1950 1 60 : fin de l'urbanisme progressiste


La ville des années soixante est, selon G.Di Méo (1988), «une
juxtaposition d'espaces (services tertiaires, zones industrielles, aires résidentielles)
profondément désarticulés entre eux». Les architectes et urbanistes,
imprégnés de l'idéologie urbaine progressiste de la charte d'Athènes,
construisent de grands ensembles, standardisent l'architecture et contribuent à
déstructurer l'espace. C'est le dépérissement des vieux centres inadaptés
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aux exigences du modernisme. Des quartiers entiers sont détruits, sans


préoccupation de l'histoire, de la nature, et de l'animation du tissu urbain.
On réalise de profondes percées centrales où des îlots d'habitation sont
détruits pour laisser place à d'imposantes barres et tours abritant logements
et bureaux. La ville et son centre recherchent, à cette période, le
fonctionnalisme sans se soucier de l'ambiance urbaine, du patrimoine architectural
et urbain et, plus encore, sans prendre en compte les aspirations des
citadins, vivant parfois dans des ensembles inhumains et dans une ville
saturée par les flux automobiles et congestionnée. C'est alors le départ des
populations citadines des centres-villes vers la périphérie et le périurbain,
synonymes d'espace, de nature, de propriété individuelle et de prix fonciers
relativement bas. Néanmoins, vers la fin des années soixante, on observe
un revirement de la politique urbaine mise en œuvre jusqu'ici.

Les années 1970 : un renouveau urbain


En 1962, des secteurs sauvegardés sont créés. L'urbanisme prend une
nouvelle direction, cherchant alors ses remèdes dans les opérations de
rénovation et de réhabilitation du tissu urbain, dans l'aide personnelle au
logement, dans l'importance accordée aux piétons par des voies qui leur
sont réservées ou sur lesquelles ils sont prioritaires, dans un souci
d'esthétique et de qualité de l'environnement et dans une volonté de protéger les
cœurs de ville. Toutes ces considérations commencent à être traitées comme
de véritables objectifs d'urbanisme. J. Jacobs (1985), sociologue urbain,
insiste, à cette époque, sur le rôle important de la rue : celle-ci, espace de
vie complètement annihilé depuis l'après-guerre, est un élément structurant
d'une grande importance. Pour elle, «l'abandon de la rue entraîne la
disparition des principaux avantages de la vie urbaine : sécurité, contacts,
formation des enfants, diversité des rapports...». Elle souhaite donc le
réaménagement des centres-villes afin de refaire des rues vivantes, animées
et commerçantes. C'est à partir de 1967 qu'est aménagée la première voie
piétonne française, la rue du Gros Horloge à Rouen. La fin des années
soixante est caractérisée par la renaissance de la rue. La piétonnisation,
élément valorisant pour l'image touristique et commerciale d'une ville, fait
partie intégrante des plans de sauvetage des quartiers centraux.

Les années 1980 .prise en compte globale de l'aménagement


A l'heure où la ville cherche à innover, à acquérir une image
internationale (sans pour cela négliger sa dimension locale) afin de marquer sa place
dans son pays et sa région, le centre urbain est un atout et un instrument
important. Cette optique marque, d'une certaine façon, l'aménagement.
De grandes opérations d'urbanisme sont réalisées dans les centres-villes où
l'on recherche une certaine complémentarité et unité. Les urbanistes veulent
élargir l'espace central des villes en créant de multiples pôles d'attraction,
éléments dynamisants et fixateurs d'espace. Ces différents noyaux attractifs
forment des axes dans et autour du centre. Il s'agit de créer des forces
centripètes en direction du centre urbain pour séduire, intéresser, attirer et
fixer de nouveaux habitants. Ce thème du retour au centre ne porte
encore que sur des effectifs faibles, sur des familles dont la composition
n'entraîne pas de dynamiques profondes (ménages monoparentaux, céli-
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bataires, personnes âgées, retraités...) et seulement sur les catégories sociales


les plus favorisées. En effet, la réhabilitation de vieux quartiers fait grimper
les prix et contribue à sélectionner les classes sociales, ainsi qu'Anne-
Marie Seronde-Babonaux (1991) l'a observé, dans le centre de Rome.

II. — LE MANS: UN EXEMPLE DE RECOMPOSITION DE L'ESPACE


CENTRAL

A) UN CENTRE VILLE EN PLEINE RESTRUCTURATION

La municipalité et la communauté urbaine du Mans considèrent le


centre-ville comme une patrimoine accessible et partagé par tous. Pour
répondre à ce souci d'égalité, la politique urbaine s'est portée sur la
réalisation de logements sociaux (Saint-Victeur, quartier Nationale-Bary...),
sur l'aménagement d'espaces réservés aux piétons (rue des Minimes, rue
Marchande) ou de cours urbaines sur lesquelles ils sont largement
prioritaires (rue de Bolton, rue de la Perle...) et encore sur la mise en valeur du
patrimoine historique et naturel (Vieux Mans, bords de rivière), puis,
enfin, sur l'importance accordée aux accès (voies réservées aux bus, parkings
publics). D'autre part, la ville s'est dotée de grands équipements tels que le
Palais des Congrès, la médiathèque, les nouvelles halles et, prochainement,
la cité judiciaire et l'école des Beaux Arts. Le centre du Mans bouge et
bougera encore dans ces prochaines années. Cet espace central subit encore
quelques polarisations ; néanmoins, ces polarités sont de plus en plus
ponctuelles et de moins en moins fonctionnelles. Le vieux centre historique,
le centre-ville piétonnier, les centres d'affaire existent toujours mais tendent
à s'imbriquer les uns dans les autres : la vieille ville médiévale s'intègre
dans la piétonnisation de l'ensemble du centre-ville et les centres d'affaires
sont de plus en plus bordés de cours urbaines ou de larges cheminements
piétonniers.
Aujourd'hui, la proximité du centre est recherchée et de nouvelles
dynamiques apparaissent même si elles ne touchent pas toutes les catégories
sociales, toutes les classes d'âge et tous les quartiers centraux et péricen-
traux: les prix des terrains montent rapidement et vont, petit à petit,
contribuer à une hiérarchisation socio-spatiale de l'espace. Néanmoins, les
division sociales sont freinées par les diverses aides au logement (APL...),
les aides à l'accession à la propriété et le logement social. Par exemple, le
quartier Bollée du Mans, historiquement et toujours actuellement bourgeois,
composé de nombreux hôtels particuliers, abrite des logements sociaux.
Le Mans caractérise bien ces polarisations qui ont des origines multiples :
certains quartiers vont bénéficier d'aménagements de rénovation (rues,
commerces...) qui, par conséquent, vont devenir des noyaux attractifs
grâce à l'ambiance urbaine réalisée, à la conception de l'architecture, du
standing... De plus, de grands équipements comme le Palais des congrès et
de la culture ou encore la gare TGV... valorisent l'espace. Profitant de ces
opportunités, des promoteurs privés projettent, dans leur proximité, la
création de résidences de standing (rue Barbier, boulevard Lamartine, par
274 ARNAUD GASNIER

exemple). Cette revitalisation du centre du Mans procède par opérations


ponctuelles et finit par dynamiser l'ensemble de l'espace central : ainsi, les
deux plateaux piétonniers ont du mal à s'intégrer l'un à l'autre, mais le
premier, qui date de 1979 (quartier des Minimes) et le deuxième, réalisé
plus récemment (quartier Saint-Nicolas), vont être réunis par la piétonni-
sation de la Place de la République qui assurera la jonction. Il existe donc
divers pôles d'attraction qui s'étalent inégalement dans le temps et dans
l'espace, mais qui finissent par trouver une certaine unité entre eux pour
contribuer à donner une nouvelle centralité à la ville.
D'autre part, les responsables ont la volonté d'intégrer Administrations,
Commerces et Equipements culturels dans un même ensemble selon le
procédé d'une boucle de limitation de l'espace central. On a d'abord favorisé
les déplacements du piéton dans les quartiers centraux administratifs (avenue
De Gaulle, percée centrale, allée du bourg d'Anguy), ainsi qu'en bordure
des grands équipements comme les halles (rue Lecornué), puis, la piéton-
nisation s'est élargie et développée en plusieurs points du centre pour
joindre et englober les différents noyaux administratifs, politiques,
commerçants et résidentiels du centre-ville. Il semble que la politique urbaine
actuelle essaie de déspécialiser l'espace en créant des opérations d'urbanisme
associant logements, bureaux et commerces. C'est le cas de la galerie
« Bérengère », Place de la République et de celle des « Quatre Roues », rue
des Minimes. Se crée une mixité des fonctions s'accompagnant d'une
mixité de logiques de fréquentation. Cette intégration intra-urbaine
s'accompagne d'une extension de l'espace central: on cherche à élargir le
centre en le structurant autour d'éléments urbains valorisants. La piéton-
nisation se développe rapidement ; fixée dans liiypercentre et dans la
vieille ville, elle s'étend à l'ouest avec la rue Lecornué (halles), au sud avec
la rue Nationale et à l'ouest avec l'opération «étoile-Jacobins». Cette
extension restructure l'espace central selon une position axiale et une
couronne de développement qui dessine une ligne autour du centre du
Mans. Elle joint les halles (marché couvert, logements, bureaux, hôtel) au
Palais des congrès, à la Place de la République, haut lieu de fréquentation
et de mixité sociales, en passant par la percée centrale (commerces-admi-
nistrations-logéments), les Jacobins, secteur en pleine mutation devant
accueillir une cité judiciaire, un bâtiment administratif réservé aux services
municipaux et communautaires, une opération de 150 logements et des
commerces, pour relier enfin le vieux Mans et l'école des Beaux Arts (en
construction actuellement). Chaque élément possède un parking afin de
favoriser le stationnement et de faciliter la circulation.
Aussi, chaque projet d'aménagement a-t-il fait l'objet d'un concours
d'architecture. On mise sur l'image, sa signification et sa portée dans la
société urbaine d'aujourd'hui : modernité, transparence, mariage du verre
et de la pierre, symétrie et géométrie doivent dégager une curiosité
architecturale, une harmonie et le symbole de la haute technologie pour montrer
que l'on s'est donné les moyens de préparer l'avenir. En revanche, le
quartier Saint-Nicolas joue plutôt sur la réhabilitation architecturale, le
respect de la tradition urbaine et la splendeur de l'urbanisme classique.
Quoiqu'il en soit, le centre-ville retrouve une grande part de symbolisme
CENTRALITÉ URBAINE ET RECOMPOSITIONS SPATIALES 275

ORGANISATION SPATIALE

DU

CENTRE-VILLE MANCEAU

Equipements
centralité àporteurs
vocationde:

Culturelle (PCC, médiathèque,


théâtre, Beaux- Arts...)

Politique et Juridique (mairie,


A Préfecture, cité judiciaire)

Commerciale (halles, galeries


marchandes, grands magasins,
marchés)
Opérations en cours de
réalisation :
- commerces (FNAC.)
- bureaux (CUM...)
I - logements

A.GASNIER- 1991

100 m.
I I

■■■■■>■■■■■< Vieille ville médiévale

Nord
\Espaces piétonniers
piétonnes
verts
et cours urbaines)
(places, voies
Mixité commerces /bureaux /logements

Fonction résidentielle dominante


276 ARNAUD GASNIER

dans ses fonctions (un marché couvert, des équipements culturels à portée
de tous, des logements confortables intégrés...), dans son architecture,
dans son urbanisme (développement de la vie de quartier, amélioration du
cadre de vie...) et dans son image. Les patrimoines d'hier et d'aujourd'hui
doivent valoriser la ville, l'épanouir et lui assurer une construction et une
organisation socio-économiques solides. Ces noyaux d'attraction se localisent
sur des axes aux trois orientations différentes.

* Axe nord-est / sud-ouest : Des Jacobins au Palais des Congrès


Cet axe comprend l'Hôtel de Ville, la collégiale saint Pierre (musée),
l'école des Beaux Arts (le tout longeant le Vieux Mans), les halles, la
médiathèque et le Palais des Congrès. On a l'impression que ces opérations
récentes suivent la même direction, assurant une continuité de l'espace
culturel et de loisirs, dans lequel sont intégrées les fonctions politiques et
administratives. De plus, le citadin peut s'y promener en toute sécurité
puisqu'existent de nombreux cheminements piétonniers (Jacobins, Vieux
Mans, rue de Rostov-sur-le-Don, Place de l'Eperon, les Halles). C'est
donc tout le côté nord et ouest du centre-ville qui se trouve revitalisé. Une
certaine unité s'opère malgré les diverses époques architecturales des
monuments et des quartiers. Les deux points forts de cet axe sont la Place
des Jacobins et le Palais des Congrès. Ces deux ensembles sont fortement
attractifs grâce à leurs parkings, à leur fonction culturelle (théâtre, concerts,
expositions) et à leur architecture contemporaine, pour le Palais des
Congrès; il s'y ajoute un compromis entre passé (cathédrale) et présent
(cité judiciaire), pour les Jacobins.

* Axe nord/ sud : De la vieille ville à la rue Nationale


Cette direction correspond à la traversée de lTiypercentre et rassemble
une forte densité de petits commerces (cossus, luxueux), des centres de
direction bancaires (BNP, Société Générale, Crédit Lyonnais...), d'assurances
(Mutuelles du Mans), administrations (impôts...), de galeries marchandes,
de grands magasins, de nombreuses voies piétonnes, de cinéma... Cet
espace se densifie par des réhabilitations de logements (publics ou privés),
de commerces et d'espaces de bureaux adaptés aux techniques de
communications d'aujourd'hui.

* Axe ouest /est : Du palais des congrès à la percée centrale


II concerne le côté sud de ltiypercentre et traverse des quartiers de
logements (individuels ou collectifs) et de commerces sur voirie
traditionnelle, ainsi que la préfecture.
Ainsi, ces éléments sont caractéristiques du centre-ville par l'attraction
qu'ils exercent sur la société et par l'influence qu'ils ont sur l'organisation
et la structuration de l'espace urbain. On trouve, au centre de ces axes,
Miypercentre du Mans (la Place de la République y occupant une place de
choix) qui se structure et s'identifie à l'intérieur des flux canalisateurs,
sources de centralité urbaine et d'une certaine unité spatiale pour l'ensemble
des équipements et des quartiers multi-fonctionnels.
CENTRALITÉ URBAINE ET RECOMPOSITIONS SPATIALES 277

B) FINANCEMENT ET AMÉNAGEMENT : VERS UN ÉQUILIBRE


SOCIAL MENACÉ?

Les villes, en général, et le Mans n'échappe pas à la règle, cherchent à se


donner une dimension d'ordre européen : quelle grande ville ne se dit pas
aujourd'hui « le carrefour de l'Europe»? La cité, par ses nouvelles
centrantes, notamment en son centre, cherche à se grandir, à être à la pointe du
progrès en matière de recherche scientifique, urbanistique et architecturale.
On fait appel à la créativité locale pour s'engager dans cette compétition
de l'évolution urbaine, économique et sociale des villes. A côté de ces
objectifs, l'espace urbain semble évoluer vers des contradictions
grandissantes dans le domaine social: Galeries marchandes luxueuses/ ZUP -
Architecture innovatrice /immeubles dégradés de banlieue... Que devient
l'urbanisme social ? Les collectivités manquent-elles d'argent ? Selon G.Di
Méo (1988), l'amenuisement des ressources collectives tient à deux séries
de causes principales : les restrictions budgétaires croissantes et la stagnation
des subventions d'État allouées aux collectivités locales». A cela s'ajoutent
les pertes de population dans les villes-centres correspondant à de fortes
diminutions des ressources fiscales des municipalités et à des taux élevés
d'infrastructures de transport à cause de la périurbanisation. Aussi,
chômage, RMI, TUC... coûtent cher et permettent difficilement aux
municipalités de continuer à mener une politique sociale.
Le Mans, comme beaucoup d'autres cités, tient à se donner l'image
d'une ville dynamique, au cadre urbain de qualité. Peut-être est-ce le seul
moyen d'attirer de jeunes cadres, des chercheurs et des jeunes ménages
afin de les fixer dans la cité et de créer des emplois ? C'est peut-être aussi
la seule possibilité de tirer profit des nouvelles entreprises secondaires ou
tertiaires, sous la forme de taxes diverses (impôts locaux...). De plus,
depuis environ sept années, la ville et la communauté urbaine du Mans
font de plus en plus appel à un partenariat public-privé et à des sociétés
d'économie mixte, ce qui permet d'alléger les dépenses municipales. Il
existe aujourd'hui un véritable monopole du secteur privé, notamment
dans le domaine de la construction immobilière de grand standing. De
nombreux terrains appartenant à la ville sont vendus à des promoteurs
pour y bâtir des logements, des bureaux ou des commerces, ou même
parfois les trois opérations à la fois. Mais cette politique urbaine ne
risque-t-elle pas d'accentuer les segmentations socio-spatiales de la cité,
entre un centre-ville de plus en plus valorisé et des zones péricentrales ou
périphériques en cours de dévalorisation, pour aboutir à une stagnation,
voire à une régression des logements HLM et sociaux ? En tout cas, ces
stratégies de politique urbaine correspondent à une volonté de dynamiser
la ville et d'assurer des rapports multiples entre les différents acteurs
urbains.
En ce début des années 90, la lecture de la cité devient complexe. En
même temps que se jouent à la périphérie des enjeux importants, le centre
est plus que jamais la vitrine urbaine de la ville. Le géographe se doit de
traduire les différents messages qui se lisent dans l'espace central à travers
les diverses recompositions fonctionnelles.
278 ARNAUD GASNIER

Dans une autre étude, il serait intéressant de comparer les politiques


urbaines, les choix et les décisions concernant la centralité entre des villes
n'appartenant pas au même niveau hiérarchique : qu'est-ce qui les
différencie? quels éléments urbanistiques et quelles stratégies vont privilégier
les responsables de villes de 10000, 50000 et 100000 habitants ? Ce
renouveau de la centralité concerne toute la hiérarchie urbaine en tenant compte
des différences de potentiel économique et politique de chaque ville.

BIBLIOGRAPHIE

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