Vous êtes sur la page 1sur 44

nouveleconomiste.

fr Leadership &
Management
Jeudi 16 juin 2011 Le journal des directions d’aujourd’hui Cahier 2 - Hebdomadaire

Click ou mortar
Les Fleurs du Net
Pub en ligne :
les indicateurs
de la maturité ? p.36
PAR PIERRE KOSCIUSKO-MORIZET
L’un ne va plus sans l’autre. Et vice versa
Par Edouard Laugier
Le e-commerce est mort, vive le
Double digit commerce connecté. Certes, le
Management attitude commerce électronique, après une
PAR PARTICK RICHER p.36 quinzaine d’années d’existence,
continue de battre, trimestre après
trimestre, tous ses records. Que ce
soit en chiffre d’affaires, en nombre
DOSSIERS de sites marchands ou d’acheteurs en
CREATION D’ENTREPRISE ligne, en panier moyen, ou en créa-
Finance tion d’emploi. Mais, selon un phéno-
Echauffement mène bien darwinien, le “e” de
Les concours dédiés aux start-up p.43 e-commerce laisse désormais la place
au commerce “connecté”, dans le-
quel le client recourt indifféremment
GESTION et en permanence à toutes les sour-
Risk-management ces d’information, on line et off line.
Un changement majeur, si ce n’est
La bonne couverture une révolution, pour les commer-
Les risques PME p.47 çants traditionnels comme pour les
pure players. Les uns condamnés au
e-commerce, les autres aux points de
COMMUNICATION vente en “dur”.
Publicité extérieure Mortar & click ou click & mortar ?
Un pavé dans la mare Quoi qu’il en soit, bienvenue dans le
Le projet de décret sur l’affichage le “e” de e-commerce laisse désormais la place au commerce “connecté”, dans lequel le client recourt indifféremment nouveau monde, réel et virtuel à la
extérieur p.51 et en permanence à toutes les sources d’information, on line et off line. fois. Lire p.34

SERVICES GENERAUX
Voyages d’affaires
Paradoxe français Vu d’en haut
Les hélicoptères d’affaires p.55
“L’Etat donne beaucoup d’argent aux grands groupes
Dématérialisation alors qu’il faudrait mettre le paquet sur les start-up”
Le sens de l’histoire Dr Philippe Pouletty, directeur général de Truffle Capital
Production, échange et archivage de
documents p.71 L’innovation, le grand ressort de la croissance, est contrariée par trop d’incohérences
Cet interne des Hôpitaux de Paris SiliconValley. Il a créé trois entreprises bien appréhendé les enjeux de ces expliquent que la France va mal du fait
AERONAUTIQUE dresse un diagnostic sans fard de l’état dans le domaine des biotechnologies, jeunes pousses à très fort potentiel. de la dette, du déficit, de la croissance de
Equipements de l’innovation en France, des et sa légitimité est sérieusement calée Aujourd’hui, il est à la fois leur l’économie, il temps de revenir à quelques
Big is beautiful dispositifs de recherche, du sur des expériences dans l’univers “naisseur”, coach, entraîneur, fondamentaux : la croissance d’un pays
La filière de l’aérostructure en efferves- financement des start-up et autres mondialisé de l’innovation.Ce qui rend financeur, avec la passion de l’artisan repose essentiellement sur les entreprises
cence p.63 ingrédients de la croissance de ce cofondateur du fonds qui n’aime rien tant que la belle qui se développent vite, créant ainsi
l’économie. Ayant déposé 29 brevets, d’investissements européen Truffle ouvrage, pourvu que celle-ci soit richesse et emplois. Si nous n’axons pas la
cet inventeur rompu aux mécanismes Capital quelque peu critique sur la fortement dosée en ambition pour le politique économique sur ces acteurs,
de financement a passé une belle gestion de ce domaine par les futur. nous continuerons à accumuler les
RESSOURCES HUMAINES partie de sa carrière du côté de la politiques qui n’ont visiblement pas “A un moment où les politiques déboires”... Lire p.38
Risk management
“Kidnap & Ranson”
Assurance enlèvement p.67

Chiffres révélateurs
Dirigeants :
le turnover est au plus bas
11,6 % : le taux de renouvellement des CEO
enregistré dans le monde, en baisse de 19 %
sur un an.
6,6 ans, la durée moyenne d’un mandat,
18 mois de moins qu’en 2000
2,2 %, le taux des départs contraints, en
baisse de 36 % vs 2009
Plus précisément, ce turnover des dirigeants
est resté stable en Amérique du Nord
(11,5 %), a augmenté au Japon (18,9 %), et a
fléchi en Asie et en Europe (10,2 %)
(Source : l’enquête CEO Succession, Booz &
Company)

ANNONCES LEGALES
P. 74 - Tél. 01 75 444 104
annonceslegales@nouveleconomiste.fr

Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire 33


A la une
Suite de la p.33 Autre signe : Groupon, spécialiste des

M
ai dernier, rue des Ar- achats groupés sur laToile, renvoie ré-
chives dans le Marais à gulièrement à des commerces “phy-
Paris. Spartoo.com, site siques” et a récemment intégré le
marchand spécialiste top 5 du palmarès de l’audience des
de la chaussure, ouvre une boutique sites de e-commerce. Pour Marc Loli-
d’un genre un peu particulier : un vier, “en 2010 un cap a incontestable-
concept-store éphémère. Plusieurs ment été franchi. Pour beaucoup
centaines de modèles de chaussures d’enseignes, cette convergence est même
y sont disponibles à l’essayage. Pas devenue une priorité stratégique”.
question pour autant de repartir avec
sa paire sous le bras.Après le choix du Du e-commerce
modèle, des hôtesses ont pour mis- au commerce connecté
sion d’expliquer aux visiteurs com-
ment passer leur commande sur le L’offensive massive des e-marchands
site de Spartoo via un iPad ou un or- en dehors de la Toile est une consé-
dinateur. En 48 heures, ce site enre- quence du succès grandissant du
gistre plus de 1 000 commandes. commerce sur Internet. En 2010, le
Intéressante, l’initiative souligne la chiffre d’affaires du commerce
tendance actuelle des pure-players électronique a atteint 31 milliards
du commerce électronique - mar- d’euros. Selon la Fevad, l’e-commerce
chands nés sur Internet - à “descen- hexagonal devrait dépasser
dre dans la rue”. Bienvenue à 45 milliards d’euros en 2012. Le nom-
nouveau dans le monde du mortar. A bre de sites marchands est passé de
la différence du début des années 23 000 en 2006 à plus de 80 000 au-
2000 où l’expression illustrait la ve- jourd’hui ! “Nous sommes sur une ten-
nue sur laToile des gens du “mortier”, dance forte, les différents freins à la
le commerce traditionnel, le click & pratique du e-commerce sont en train de
mortar d’aujourd’hui est marqué par tomber, estime Guy-Noël Chatelin, as-
Jean-Daniel Pick et Guy-Noël Chatelin, associés à OC &C Strategy Consultants : “Le click & mortar a comme avantage de
“Le click & mortar d’aujourd’hui pouvoir répondre à tous les besoins des clients de tous les segments et dans toutes les occasions.”
est marqué par le passage au monde réel de vendeurs
jusqu’ici 100 % Internet” connecté”. Peu importe le lieu de concurrence dans le e-commerce, le l’initiative de la boutique éphémère
vente : tout acte d’achat est influencé “click & mortar” constitue pour les en mai dernier a surtout visé à “rap-
le passage au monde réel de vendeurs socié à OC &C Strategy Consultants : par Internet. Présents sur un seul ca- pure-players une réponse à l’offensive procher une enseigne 100 % Internet de
jusqu’ici 100 % Internet. “Entre les ac- la sécurité dans les moyens de paiement nal de vente, les pure-players ne par- des commerçants traditionnels sur la ses clients”, selon Boris Saragaglia son
teurs du online et ceux du offline, un est acquise. ticipent pas à ce mouvement de Toile. Mais pas seulement. Pour Jean- PDG. Pour l’acheteur cela permet de
vrai phénomène de convergence est en L’ergonomie et la rapidité des sites se balancier entre le online et le offline. Daniel Pick, associé à OC &C Strategy voir et toucher les produits, d’avoir le
train de s’opérer”, confirme Marc Loli- sont renforcées. Il y a aussi la confiance C’est un problème. “Entre l’achat en Consultants, “le click & mortar a produit immédiatement, de pouvoir
vier, délégué général de la Fevad, la dans les différentes enseignes présentes ligne et l’achat en magasin, c’est un comme avantage de pouvoir répondre à bénéficier de conseils en point de
fédération du e-commerce et de la sur le Web. Nous ne sommes plus dans mouvement de va-et-vient permanent, tous les besoins des clients de tous les seg- vente et enfin d’utiliser plus facile-
vente à distance. Spartoo n’est pas la un monde de pionniers avec des confirme Gaël de Talhouët, directeur ments et dans toutes les occasions. Dans ment des possibilités de retour.Véri-
seule enseigne à investir le offline. marques inconnues sur lesquelles nous Marketing de Twenga. Est-ce que j’a- le e-commerce, c’est ce qu’il y a de table instrument marketing, la
Dans l’univers de la high-tech, Pix- pouvions avoir des doutes.” Sans sur- boutique en dur permet d’ancrer l’en-
mania est un pionnier du genre : le cy- prise, le Web occupe une place cen- seigne au plus près des consomma-
bermarchand est physiquement trale dans les achats. Les sites “Le “mortar” a principalement trois vertus : teurs. Double avantage pour les
présent dans une vingtaine d’empla- marchands sont influents dans les la réassurance des acheteurs, la relation client dotcoms, elle réduit la volatilité du
cements en France et à l’étranger. Il processus de consommation. Le Net et enfin l’exposition de la marque” client tout en améliorant sa connais-
dispose notamment d’une surface de est de plus en plus prescripteur des sance. “Tout ce qui touche au physique
vente de près de 500 m² à Boulogne- achats en magasin. Selon la Fevad, est un levier fort dans la relation”, cer-
Billancourt. De son côté Cdiscount plus de la moitié des internautes pré- chète tout de suite près de chez moi ou mieux”. Ulric Jérome, directeur exé- tifie Gaël de Talhouët de Twenga.
utilise parfois les magasins du groupe parent leurs achats sur Internet avant est-ce que j’achète en ligne quitte à rece- cutif de Pixmania, ne dément pas. Le Côté client, le “dur” peut aussi facili-
Casino auquel il appartient. De plus d’acheter en magasin. Pour Marc Lo- voir mon produit plus tard ? Entre les spécialiste de la distribution de pro- ter l’acquisition de nouveaux clients.
en plus de cybermarchands s’allient livier, “les consommateurs sont devenus deux options, le consommateur ne cesse duits électroniques et culturels pos- Les boutiques constituent un lieu pri-
au commerce traditionnel. Dans le des consonautes. Ils vont sur Internet d’arbitrer.” Le marchand présent sur sède 14 magasins et 3 points de retrait vilégié de marketing direct, le mar-
voyage, le spécialiste français Pro- avant d’aller en magasin et en magasin les deux canaux maximise donc ses en Europe. “Cela nous apporte surtout chand peut très bien distribuer des
movacances possède lui aussi plus avant d’aller sur Internet”. Pour Sté- chances de vente. Les enseignes tra- de l’interaction physique, ce que nous coupons à consommer sur le site de
ditionnelles qui ont investi le Web de- n’avions évidemment par sur Internet l’enseigne. Le click & mortar stimule
“Les consommateurs sont devenus des consonautes. puis plusieurs années bénéficient où tout se passe à distance par courrier la cross-fertilization en offrant de nou-
Ils vont sur Internet avant d’aller en magasin pleinement de la vitalité de l’électro- électronique et téléphone, explique-t-il. velles opportunités d’interaction avec
nique. “Certains acteurs comme Kiabi Cela nous permet aussi de toucher une les clients dont le vendeur tirera des
et en magasin avant d’aller sur Internet” ou Darty vendent très bien sur Internet clientèle qui n’est pas encore présente enseignements pour améliorer sa
mais ont aussi réussi à mettre leur ré- sur l’Internet. Certains clients n’au- stratégie commerciale. Selon certai-
d’une vingtaine de points de vente. phane Vendramini, directeur du Bu- seau physique naturellement au service
En mai dernier, le spécialiste britan- siness Development chez l’éditeur de de leur stratégie commerciale en ligne”,
nique de l’immobilier commercial solution de e-commerce Compario, constate StéphaneVendramini. Le click & mortar est porteur de contraintes et de risques :
Hammerson a passé un accord avec le “nous assistons à un phénomène in- financiers, organisationnels, marketing et commerciaux
leader Vente-privée.com visant à at- éluctable : l’ubiquité du client. C’est une Click & mortar
tirer de nouveaux clients dans les cen- mutation profonde qui pour les mar- vs mortar & click
tres commerciaux en proposant sur le chands se traduit par la bascule du com- raient peut être pas fait l’achat chez Pix- nes études, les clients multicanaux
site une vente de chèques-cadeaux. merce électronique au commerce A l’heure où il y a de plus en plus de mania si nous n’avions pas eu de sont bien plus rentables et consom-
magasins”, estime-t-il. Pour Stéphane mateurs que leurs homologues mono-
Vendramini de Compario, le “mor- sources. Selon la chaîne américaine
tar” a principalement trois vertus : de vente d’électronique grand public
Logistique aval “la réassurance des acheteurs, la rela- BestBuy, les clients multicanaux gé-
Le drive, nouveau moteur du e-commerce alimentaire tion client et enfin l’exposition de la nèrent plus de chiffre d’affaires et de
marque”. Les boutiques comblent un meilleures marges. Troisième avan-
Les géants de l’alimentaire auraient-ils enfin trouvé la martingale tés d’ici la fin de l’année. Système U dispose de 380 magasins per- certain vide. Et il est vrai que le fait tage du “mortar” : l’exposition de la
sur Internet ? Après des années de tâtonnements - l’alimentaire mettant de retirer les commandes passées par Internet. Quant à de savoir qu’il est possible de rappor- marque. Un boutique n’est pas per-
représente moins de 1 % du commerce électronique -, un concept Casino, son objectif serait de couvrir 100 % de son parc d’hypers le ter le produit à un responsable en cas çue comme une publicité. Elle contri-
prometteur baptisé le “drive” rencontre un succès grandissant plus vite possible. de problème constitue un plus pour bue pourtant fortement à la notoriété
auprès des grands acteurs de la distribution alimentaire. Le princi- Pour la distribution alimentaire, le “drive” est une révolution l’internaute. Bref, avoir affaire à une de la marque. “Le concept-store que
pe est simple : le client commande sur Internet et va chercher ses majeure. Les avantages ne manquent pas et c’est à se demander vraie personne rassure. “C’est nous avons monté participe à la straté-
colis avec son véhicule sur un lieu déterminé. Il est identifié avec un comment les enseignes n’y ont pas pensé plus tôt. Tout d’abord, le d’ailleurs devenu l’un des piliers de la gie événementielle de Spartoo, confirme
stratégie de Cdiscount ces dernières an- son PDG. La boutique a d’ailleurs été
nées”, confie un spécialiste du secteur. l’occasion de réunir nos fournisseurs,
Le client commande sur Internet et va chercher ses colis avec son véhicule sur un lieu déterminé. Le marchand qui a construit sa pro- prospects et partenaires le temps d’une
Il est identifié avec un code personnel et récupère ses achats dans un entrepôt dédié position de valeur sur la dimension de manifestation.”
prix bas a longtemps souffert d’une
code personnel et récupère ses achats dans un entrepôt dédié ou concept apporte des réponses à quelques-unes des principales très faible qualité de service. “En cas Du mono-canal au multi-canal
un espace accolé au magasin. Le système est inspiré des services problématiques de la distribution sur Internet. Dans le modèle de de problème, tout devenait extrême-
proposés dans la restauration rapide par les chaînes de fast-food. la vente à distance, la question logistique, notamment la livraison ment compliqué. Le fait d’avoir la pos- Le multicanal reste un exercice com-
Auchan, Intermarché, Système U, Casino ou encore Leclerc, tous sur les derniers kilomètres, a longtemps constitué une lourde char- sibilité de se faire livrer les produits dans plexe. Si les spécialistes du offline
les acteurs du secteur s’y mettent. Auchan, qui a été le premier à ge. Avec le “drive”, cette contrainte de la logistique aval est trans- les magasins Géant Casino est une déci- trouvent légitimement difficile de se
tester ce concept sur son marché, exploite aujourd’hui une cin- férée au client comme dans le modèle des hypermarchés et super- sion de nature à restaurer la confiance développer sur Internet, il en est de
quantaine de “drive”. Le groupement Intermarché dispose de marchés. des acheteurs.” Deuxième vertu : la re- même pour les pure-players. Le click
15 points de retrait mais compte bien passer à une centaine d’uni- E.L. lation client. Exemple avec Spartoo : & mortar est porteur de contraintes

34 Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire


A la une
concerne plus les “généralistes”. Avis croisés
“Dans certains secteurs, les pure-players
se font sérieusement attaquer, constate “Votre croissance passe-t-elle par
un spécialiste du Web. Dans la chaus-
sure par exemple, Internet devient de
le mortar ?”
plus en plus concurrentiel, Amazon et la
Redoute ont chacun créé des sites Web
Anne-Laure Constanza,
verticaux. Dans la high-tech, la Fnac et fondatrice de Enviedefraises.fr
Darty ne cessent d’améliorer leur expé- “Le “dur” est bien moins rentable que le Web”
rience sur leur propre site. Pour les his-
toriques comme Pixmania et autres, la Notre croissance ne passe pas par
présence en dur est de plus en plus in- le dur. C’est trop tôt. Vendre sur
contournable.” Internet et en magasin sont deux
métiers très différents nécessitant
Du multi-canal au cross-canal des expertises spécifiques en logis-
tique et en vente. En terme écono-
Issus du monde du online ou du of- mique, le “dur” est bien moins
fline, les marchands sont confrontés rentable que le Web. La question du
au même défi : celui de gérer les sy- multicanal et de la convergence se
nergies et d’unifier les expériences pose plus nettement pour des en-
client dans la multitude des canaux et seignes qui visent des cibles moins
des matériels qui s’offrent à lui. Web, différenciées qu’Envie de Fraises “Pour les produits de niche comme les
boutique, mais aussi mobile ou ré- positionné sur le marché de la nôtres, le canal Internet reste bien plus
seaux sociaux, comment suivre le femme enceinte. Pour les produits pertinent.”
client à travers tous ces canaux et ré- de niche comme les nôtres, le canal
ussir à lui proposer des offres cohé- Internet reste bien plus pertinent. ventes sur Internet ! Il n’en de-
rentes selon l’historique de son Fin 2009, nous avons eu une expé- meure pas moins que pour tout
parcours ? “Pour les pure-players, le click rience “mortar” - au travers d’une commerçant, il est important de
& mortar est un challenge de taille à re- vingtaine de points de vente multi- rencontrer ses clients en “vrai”. Au-
Marc Lolivier, délégué général de la Fevad : “Avec Internet, le secteur du commerce lever. Avec Internet, le secteur du com- marques et au travers d’un grand jourd’hui, nous organisons des évé-
dans son ensemble est en train de connaître des changements du niveau de ceux merce dans son ensemble est en train de magasin - qui n’a pas été nements plusieurs fois dans
de la révolution industrielle.” connaître des changements du niveau de concluante : 6 mois de vente en dur l’année. Pourquoi pas vendre à ces
ceux de la révolution industrielle, es- ne représentaient que 3 jours de occasions ? Nous verrons.
et de risques sont de trois types : fi- grand magasin parisien. “Nous avons time Marc Lolivier. Ce n’est pas le seul.
nanciers, organisationnels, et marke- arrêté au bout de 6 mois, explique sa La presse, les médias ou l’édition vivent
ting et commerciaux. “Etre présent en jeune fondatrice. La couverture poten- les mêmes bouleversements.”
magasin consomme beaucoup de capi- tielle en terme de clientèle n’est pas du Nouveaux modèles économiques,
Boris Saragaglia,
tal. En France, les sociétés doivent com- tout comparable, le chiffre d’affaires s’en nouveaux comportements, nouveaux PDG de Spartoo
métiers, le concept de magasin tel que “Il reste sur Internet des potentiels de croissance considérables”
nous le connaissons aujourd’hui est en
“Le click & mortar stimule la cross-fertilization train de changer. Internet génère de Spartoo est sur un marché d’offres.
en offrant de nouvelles opportunités d’interaction plus en plus de nouvelles demandes : Ce qui fait notre force aujourd’hui
avec les clients dont le vendeur tirera des enseignements scénarisation de l’offre, expérience grâce à Internet est de pouvoir pro-
pour améliorer sa stratégie commerciale” client, service et offres personnalisés. poser nos produits un peu partout
Nous passons du multicanal au cross- en France et en Europe à moindre
canal.Toujours connecté, le client est coût et dans une largeur de gamme
poser avec le “droit au bail”, rappelle ressent. Compte tenu des frais, ce n’est en demande d’une offre globale. Les que même les plus grands magasins
Guy- Noël Chatelin. Cette disposition pas du tout intéressant.” Ulric Jérome marchands ne sont pas face à des pro- ne peuvent pas s’offrir. Ouvrir des
n’existe pas dans beaucoup de pays. En prévient : “Il faut être très agile sur la fils monolithiques d’acheteurs : les boutiques physiques revient pour
Grande-Bretagne par exemple, le com- façon de piloter pour ne pas se retrouver premiers achetant exclusivement sur nous à resegmenter l’offre. Ce n’est
merçant paye un loyer : élevé si l’empla- avec des coûts de loyer exorbitants.” le Web et les autres pas. La réalité est pas dans notre intérêt à court
cement est de qualité mais il n’y a pas de Le second défi est organisationnel. plus complexe. Le consommateur tra- terme. Heureusement il peut exis- “Ouvrir des boutiques physiques revient
somme à débourser à l’ouverture.” Le Les difficultés du e-commercant qui verse les canaux. Pour Cyril Besse, se- ter des modèles mixtes. Sur cer- pour nous à resegmenter l’offre.”
fait d’avoir des emplacements en descend dans la rue sont les mêmes nior manager chez Logica Business tains lieux de vente, il est facile équipé de bornes de e-commerce,
“dur” est une activité capitalistique. que celles de tous les détaillants : lo- consulting, “le principal défi pour les d’imaginer quelques produits en se développe beaucoup en Asie.
Or historiquement les formes de com- exposition, à essayer et à acheter, Sur ce type d’approche, la France a
merce les plus rentables sont celles de cette offre étant complétée par des un niveau de maturité très faible.
la vente à distance. Les marges ne sont Web, boutique, mobile ou réseaux sociaux, accès à la boutique en ligne depuis Pour des entreprises comme les nô-
peut-être pas très élevées mais il y a comment suivre le client à travers tous ces canaux des bornes interactives disposées tres, il reste sur Internet des po-
peu de capitaux mobilisés. “Quand on et lui proposer des offres cohérentes selon l’historique dans le magasin. Nous avons tentiels de croissance
vient de l’Internet, les investissements de son parcours ? d’ailleurs testé ce système en mai considérables. A court terme, l’en-
ne sont plus du tout les mêmes. Le fi- dernier via un concept-store éphé- jeu principal de Spartoo est de
nancement du droit au bail et du pas de mère installé dans le quartier du continuer son développement et
porte nécessitent des moyens impor- gistique, gestion de l’espace et quali- marchands réside dans la capacité à gé- Marais à Paris. Ce modèle dual de son leadership européen sur le
tants, partage Boris Saragaglia de fication des équipes. La vente sur rer la synergie des différents canaux. distribution, magasin physique Web.
Spartoo. Et le PDG de se livrer à un ra- Internet n’a rien à voir avec la vente Nous estimons que les entreprises auront
pide calcul : notre site réalise 200 en magasin. L’expertise n’est pas la fini de déployer les nouveaux canaux
millions d’euros de chiffre d’affaires, une même. Il faut trouver les bonnes ré- d’ici fin 2011. Il faudra encore deux ans
boutique en dur générera environ 1 ponses aux problématiques d’empla- avant qu’elles n’opèrent un véritable
Ulric Jérome,
million d’euros de chiffre d’affaires pour cement. Certains concepts marchent marketing cross-canal capable de géné- directeur exécutif de Pixmania
un investissement d’au moins 500 000 en centre-ville, d’autres non, le tout en rer des rebonds les uns vers les autres”. “Notre présence dans le dur nous permet de toucher une
euros. Le ratio est bien plus favorable au clientèle qui n’est pas encore présente sur l’Internet”
Web.” La barrière économique à l’en-
trée est assez forte.Anne-Laure Cons-
“Internet génère de plus en plus de nouvelles demandes : Oui, notre croissance passe en par-
tanza, fondatrice de scénarisation de l’offre, expérience client, service et offres tie par le dur. Aujourd’hui nous
Enviedefraises.com, spécialiste de la personnalisés. Nous passons du multicanal au cross-canal” disposons de 17 boutiques dont 5 à
mode pour femme enceinte sur Inter- l’étranger et nous comptons bien
net, avait pourtant sauté le pas. “Sous les conserver. Ces lieux de vente et
la pression de mes clientes”, explique-t- fonction des villes. “Aller dans le réel est La stratégie gagnante sera sans doute points de retrait contribuent à no-
elle. Il y a un peu plus d’un an, la jeune un tout autre métier, estime Laurent de se positionner au niveau du client. tre expérience client en générant
start-up plonge dans le monde réel à Censier, fondateur d’Oclio, spécialiste Le cross-canal forme un cercle ver- de l’interaction physique entre no-
travers un vingtaine de points de de la puériculture sur Internet. Ce n’est tueux qui repose sur sa connaissance : tre enseigne et les consommateurs.
vente dans des multi-marques ainsi pas mon expertise.” De même que les plus je connais mes clients, plus je suis Cela nous permet de mieux perce-
que l’ouverture d’un “corner” dans un magasins n’ont pas forcément de cul- en mesure de mettre en adéquation voir les attentes des clients, bien
ture Web en interne, la logistique mon offre avec leurs besoins, plus mon mieux que nos concurrents uni- “Certains consommateurs n’auraient
Internet est aussi très différente, les offre est en adéquation avec les be- quement présents sur le Web. No- peut-être pas acheté chez nous si nous
pure-players vont devoir acquérir de soins du client, plus le marchand vend. tre présence dans le dur nous n’avions pas eu de magasins...”
CHIFFRES CLES
nouvelles compétences. “Pour des ac- Et plus le marchand vend, plus il permet aussi de toucher une clien-
Le e-commerce en France (2010) teurs comme les nôtres, plutôt de niche, connaît ses clients. La boucle est bou- tèle qui n’est pas encore présente tion de leurs produits. La jonction
le potentiel de croissance sur Internet est clée. sur l’Internet. Certains consomma- entre le physique et l’Internet est
Chiffre d’affaires : 31 Mds € encore très fort. Nous nous battons pour edouard.laugier@nouveleconomiste.fr teurs n’auraient peut-être pas une tendance lourde. Les vendeurs
Nb de sites marchands : 81 900
que nos produits soient de plus en plus acheté chez Pixmania si nous n’a- traditionnels vont bien sur Inter-
Nb d'emplois générés : 80 000
Nb d’acheteurs : 27,9 M palpables à l’écran à travers des nouvel- vions pas eu de magasins... Les Pix- net, pourquoi des nouveaux acteurs
Panier moyen : 91,1 € les technologies d’affichage. Nous avons mania store ont trois fonctions : une comme nous ne pourraient-ils pas
Dépense moyenne par acheteur par an : encore quelques belles années. Mais à un fonction de magasin normale, une descendre dans la rue ? C’est une
1 025 € moment, la croissance ralentira peut- fonction retrait et une fonction de nécessité : dans le retail en général
Nombre de colis envoyés : 300 millions être”, concède Laurent Censier. Pour showroom pour les marques où ces 85 % du business se fait toujours
Source : Fevad l’heure, la pression du click & mortar dernières peuvent faire la promo- dans les magasins...

Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire 35


Pouvoirs d’aujourd’hui
COMMUNICATION, DÉVELOPPEMENT DURABLE, DROIT, FINANCE, MARKETING, RESSOURCES HUMAINES, TECHNOLOGIES

Les fleurs du Net


Pub en ligne : les indicateurs de la maturité ?
PIERRE KOSCIUSKO-MORIZET d’augmenter de 60 % l’impact d’une campagne publi-
Au fur et à mesure que les budgets médias migrent vers citaire en termes d’adhésion à la marque, etc. Autant
le support Internet, que celui-ci soit fixe ou mobile, in- de cas plus ou moins ponctuels mais qui convergent
stitutionnel ou communautaire, les annonceurs sont tous vers des mêmes conclusions d’efficacité du mé-
de plus en plus enclins à vouloir mesurer l’impact des dia, qui justifient selon le cabinet que la part du nu-
formats interactifs de publicité. En Europe la publi- mérique dans les investissements publicitaires
cité en ligne a renoué en 2010 avec une croissance sou- mondiaux va continuer son augmentation régulière et
tenue. Après avoir augmenté de 20 % en 2008, puis de devrait représenter 21 % en 2014, contre 16 % en 2010.
seulement 4,5 % en 2009, elle a en effet retrouvé une Une croissance portée par les nouveaux formats vidéo
croissance à deux chiffres, de 15,3 % l’année dernière, et rich media. Pour autant l’indicateur de référence de
équivalente à celle des Etats-Unis, selon l’étude an- l’efficacité, le taux de clics, toujours utilisé par 60 %
nuelle de l’IAB Europe. Pour les 25 pays européens de des annonceurs, ne suffit plus, même s’il reste simple
l’étude, les dépenses publicitaires en ligne ont presque à mesurer et facile à comprendre. En effet, seuls 16 %
atteint les 18 milliards d’euros en 2010, contre un peu des internautes cliquent sur les publicités et 8 % des
plus de 15 milliards en 2009. Et l’année dernière la pro- internautes représentent 85 % des clics. Ainsi une très
gression des budgets in- grande majorité des
vestis en “display” Exposition, Interaction, Engagement : internautes ne cliquent
(bannières et formats des nouveaux indicateurs dont on n’a pas fini pas, mais sont bel et
graphiques) a été plus bien exposés à l’affi-
d’entendre parler
grande que celle des chage display. Le clic
achats de liens sponsorisés, qui continuent pourtant pris isolément ne suffit pas non plus, car il ne permet
d’enregistrer une croissance à deux chiffres. Avec la pas de mesurer le comportement de l’internaute sur
montée en puissance des budgets, l’efficacité de ces le site, ni n’indique en rien comment la marque et la
investissements est de plus en plus au cœur des pré- campagne ont été perçues. C’est pourquoi des nou-
occupations des acteurs concernés. C’est pourquoi l’In- veaux indicateurs apparaissent, tels que ‘l’Exposition’,
ternational Advertising Bureau a demandé au cabinet qui permet à l’annonceur de connaître la visibilité ré-
PWC un rapport sur la mesure de la publicité sur Inter- elle d’une publicité en mesurant la durée d’exposition
net, constitué à partir de l’analyse de plus de 200 étu- moyenne des internautes à cette publicité, laquelle va-
des locales réalisées sur ce thème, et des entretiens rie de 1 à 6 selon les formats publicitaires. De même
avec des annonceurs et des agences pour qu’ils expri- ‘l’Interaction’, par exemple la lecture d’une vidéo, dont
ment leur vision des enjeux, outils et bonnes pratiques les taux peuvent se révéler jusqu’à 20 à 50 fois supé-
de la mesure de la publicité en ligne. De nombreuses rieurs aux taux de clics, offre une première analyse de
études ponctuelles démontrent que pour une large ma- l’impact d’une campagne en matière de notoriété et
jorité des annonceurs, le Net est un média adapté pour de perception de la marque. L’analyse enfin de ‘l’En-
travailler la notoriété de la marque, l’adhésion et in gagement’ des internautes en étudiant leur compor-
fine l’intention puis l’acte d’achat. Telle étude améri- tement de navigation sur le site, qui peut augmenter
caine mesurait ainsi que le Net a permis d’augmenter de plus de 50 % suite à l’exposition à une campagne,
de 26 % en moyenne la notoriété assistée des marques permet d’évaluer l’impact des campagnes de branding.
de son périmètre, telle autre étude a montré que la Exposition, Interaction, Engagement : des nouveaux
combinaison du Web avec la télévision permettait indicateurs dont on n’a pas fini d’entendre parler.

Double digit
Management attitude
Déléguer est d’abord un moyen de faire partager durablement la vision
stratégique d’une entreprise en hypercroissance
PAR PATRICK RICHER, président fondateur de Neovian Partners
La plupart des PDG que nous avons interrogés le re- d’allouer les ressources en fonction de ce que les équi-
connaissent volontiers, tenir le rythme de l’hyper- pes “ont envie de faire”. Comme nous l’explique Jean-
croissance impose de savoir largement déléguer vers Yves Leclerc, PDG d’Ipanema Technologies, “il y a bien
des cadres impliqués, disponibles et autonomes. Mais sûr plusieurs axes stratégiques sur lesquels il n’est pas pos-
les bénéfices d’une telle aptitude à déléguer ne sont sible de transiger mais quand il y a deux options équiva-
peut-être pas ceux que l’on imagine de prime abord. lentes en termes de création de valeur, alors on alloue les
Certes, déléguer permet au PDG de se “démultiplier”, ressources en fonction de l’envie ou de l’agressivité des dif-
ses directeurs lui permettant de libérer de la bande férentes équipes”. Les hommes deviennent alors au
passante pour se consacrer à d’autres tâches, telles que moins aussi importants que les choix stratégiques de
la représentation sociale ou politique de l’entreprise, l’entreprise et la culture de la délégation favorise cette
l’animation de “réseaux d’alliés” ou bien encore la responsabilisation des opérationnels.
prise de recul ou- Ainsi, la déléga-
vrant le champ aux Déléguer, bien plus qu’un “gain de temps” pour le PDG tion s’avère être
remises en cause ou une “réactivité accrue” pour l’entreprise, un choix de mana-
et évolutions de la est un levier clé d’alignement stratégique des équipes gement qui in fine
vision stratégique bénéficie autant,
et de l’ambition à moyen et long terme de l’entreprise sinon plus, aux collaborateurs du PDG qu’à celui-ci.
qu’il dirige. Mais si elle implique nécessairement une perte de
Mais l’essentiel, à en croire les dirigeants qui ont ex- contrôle pour le PDG, elle ne peut se faire sans
périmenté et adopté de tels comportements et attitu- confiance et présuppose que le dirigeant ait lui-même
des de délégation, est ailleurs : déléguer, bien plus choisi, et “bien”, ses collaborateurs les plus proches.
qu’un “gain de temps” pour le PDG ou une “réactivité Une prochaine chronique explorera ce que “bien” choi-
accrue” pour l’entreprise, est un levier clé d’aligne- sir ses collaborateurs signifie, mais à l’heure où la so-
ment stratégique des équipes. ciété dans son ensemble paraît confrontée à des défis
Comme le note Stéphane Bohbot, CEO de ModeLabs, inédits et à des risques nouveaux, il semble légitime
déléguer vers ses directeurs permet de s’assurer que de se demander si nos dirigeants politiques ont bien
l’alignement est optimal en termes de vision et de com- raison de vouloir renforcer les mécanismes de contrôle
préhension du business. Les éventuels écarts sont ainsi déjà en place ou si, au contraire, ils ne feraient pas
identifiés et traités rapidement au lieu de donner lieu mieux de plus, ou mieux, “déléguer” …
à des incompréhensions potentiellement lourdes de
conséquences à terme.
La délégation a une autre vertu : elle permet au PDG

36 Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire


Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire 37
Vu d’en haut
Dr Philippe Pouletty,
Directeur général de Truffle Capital, cofondateur et associé commandité pour les Sciences de la Vie

“L’Etat donne beaucoup d’argent aux grands groupes alors


qu’il faudrait mettre le paquet sur les start-up”
L’innovation, le grand ressort de la croissance est contrariée par trop d’incohérences
SIPA

“Depuis 30 ans, nous avons une politique de la recherche privilégiant un certain égalitarisme et pas forcément les meilleurs chercheurs.”

Par Patrick Arnoux


Cet interne des Hôpitaux de Paris dresse un diagnostic sans fard de l’état l’innovation. Ce qui rend ce cofondateur du fonds d’investissements
de l’innovation en France, des dispositifs de recherche, du financement des européen Truffle Capital quelque peu critique sur la gestion de ce domaine
start-up et autres ingrédients de la par les politiques qui n’ont
croissance de l’économie. Ayant déposé Sa légitimité est sérieusement calée sur des expériences visiblement pas bien appréhendé les
29 brevets, cet inventeur rompu aux dans l’univers mondialisé de l’innovation. Ce qui le rend enjeux de ces jeunes pousses à très
mécanismes de financement a passé quelque peu critique sur la gestion de ce domaine fort potentiel. Aujourd’hui, il est à la
une belle partie de sa carrière du côté par les politiques fois leur “naisseur”, coach,
de la Silicon Valley. Il a créé trois entraîneur, financeur, avec la passion
entreprises dans le domaine des biotechnologies, et sa légitimité est de l’artisan qui n’aime rien tant que la belle ouvrage, pourvu que celle-ci
sérieusement calée sur des expériences dans l’univers mondialisé de soit fortement dosée en ambition pour le futur.

A
un moment où les politiques expliquent que la tain nombre de conditions, on pourrait construire de grosses entre- recteur de recherche avec des revenus inférieurs à ceux d’une se-
France va mal du fait de la dette, du déficit, de la prises de façon très proactive. crétaire en Californie. Donc, ceux qui s’en fichent ne font pas beau-
croissance de l’économie, il temps de revenir à coup de recherches et les très bons ne sont pas heureux de leur sort.
quelques fondamentaux : la croissance d’un pays re- Construire de futurs grands groupes Ils restent si leur femme, leur famille le leur demande mais s’en vont
pose essentiellement sur les entreprises qui se développent vite, Hormis les maths, la France a pris du retard dans toutes les scien- à la première occasion.
créant ainsi richesse et emplois. Si nous n’axons pas la politique éco- ces, que ce soit sur les index bibliométriques, les prix Nobel, les de-
nomique sur ces acteurs, nous continuerons à accumuler les déboi- mandes de brevet importantes, l’essaimage, les transferts de Combien de présidents d’université étrangers ?
res. Or dans nos pays à structures de coûts élevés, les entreprises technologie, l’attractivité du territoire, des centres de recherche de Même timide, la réforme de l’université va dans le bon sens.Sarkozy
doivent se montrer très innovantes pour être compétitives au plan grands groupes internationaux. Ceci est dû au fait que depuis 30 avait l’occasion de faire une réforme forte,mais il a retiré des briques
international. Et ce, grâce à la recherche scientifique, à la techno- ans, nous avons une politique de la recherche privilégiant un cer- essentielles,comme la sélection à l’entrée.Si vous regardez le conseil
logie et au contrôle de parts de marché fortes reposant sur des bre- tain égalitarisme, et pas forcément les meilleurs chercheurs, alors d’administration de Harvard ou de Stanford, vous n’y retrouvez pas
que la recherche mondiale s’est vraiment globalisée ces 20 derniè- les représentants des enseignants-chercheurs, des techniciens, des
“En France, nous n’avons pas une machine res années. Aujourd’hui, un très bon jeune chercheur a l’embarras
du choix : il peut aller à Harvard, au MIT, à Caltech, à Stanford, en “On privilégie l’élection en fonction
capable de fabriquer des grandes entreprises Chine, en Angleterre ou... rester en France. du plus petit dénominateur commun
en moins de 10-15 ans à partir de start-up issues Or que veut-il ?Travailler dans les meilleurs labos qui publient dans quand Harvard cherche avant tout
du monde académique” les meilleurs journaux,être au contact d’autres très bons chercheurs,
à trouver le meilleur”
vets, des produits améliorant vraiment la vie des gens. “Hormis les maths, depuis 30 ans
Malheureusement, notre politique économique ne prend pas cette étudiants qui siègent mais un aréopage de gens de très haut ni-
la France décline dans toutes les sciences”
donnée en compte. Il y a bien quelques initiatives. Observez le pay- veau : entrepreneurs, journalistes ou avocats qui tous ont fait leurs
sage français : à l’exception de Dassault Systèmes, tous les grands preuves.
groupes le sont depuis toujours. Aux Etats-Unis, 25 % des grands participer au conseil scientifique d’entreprise. Il préfère être au Sur les 90 universités que compte la France, pas un seul président
groupes étaient des PME il y a 25 ans - les Google,Yahoo, Cisco, Fa- même étage que tel prix Nobel plutôt que perdu dans un sous-sol qui ne soit pas français.Aucun ! On privilégie l’élection en fonction
cebook... En France, nous n’avons pas une machine capable de fa- de Jussieu où il ne fréquentera pas grand monde. Et il préfère avoir du plus petit dénominateur commun quand à Harvard,ils cherchent
briquer des grandes entreprises en moins de 10-15 ans, à partir de des moyens de recherche, être payé au prix du marché internatio- avant tout à trouver le meilleur.
start-up issues du monde académique. Or ce serait possible car nous nal que percevoir un salaire de misère, etc.
avons de la matière grise, des universités, des organismes de re- La structure de la recherche française n’a pas privilégié tout cela. Le financement de la recherche
cherche. Ils ne sont certes pas parfaits mais ils s’améliorent. Il y a de Vous devenez fonctionnaire à 31 ans et restez chercheur au CNRS L’autre pilier, c’est le financement. Mon projet a beaucoup œuvré
la science, de la technologie : à partir de cela, et en réunissant un cer- jusqu’à 60 ans.Votre salaire progresse de 3 % par an, pour finir di- pour que l’argent soit distribué aux meilleurs chercheurs et aux
38 Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire
Vu d’en haut
meilleurs projets scientifiques de recherche fondamentale. C’est la
seule façon de dynamiser le système : tout le monde peut venir cher-
cher l’argent, mais on ne finance que 20 % des meilleurs projets.
“Il faut que la meilleure science mondiale réside
dans quelques universités françaises
de très haut niveau”
Alors qu’aujourd’hui, l’essentiel des crédits qui va à la recherche est
accordé de manière quasi automatique. Le grand emprunt pourrait
changer cela. Il faut que la meilleure science mondiale réside dans
quelques universités françaises de très haut niveau.

Le financement des start-up


Ensuite, il faut de l’argent dédié au financement de start-up tech-
nologiques. Le but n’est pas de multiplier les jeunes pousses finan-
cées pendant 2 ans pour qu’ensuite les plus performantes d’entre
elles soient rachetées par des groupes étrangers ou ne trouvent pas
les moyens de leur croissance. Non, il s’agit de les accompagner du-
rant les 5 premières années, jusqu’à la cotation en Bourse. Prenez
les mêmes entrepreneurs, les mêmes projets de départ, une très
bonne équipe, un brevet et un bon projet. Selon que vous y mettez
5 ou 200 millions, vous aurez 10 ans plus tard une entreprise très dif-
SIPA

“Si la France ne met pas le paquet avec une cohé-


rence d’ensemble sur des PME, dans 5 ans,
on continuera à se lamenter avec une dette
très élevée et des salaires qui stagnent”
“Selon que vous y mettez 5 ou 200 millions, vous aurez 10 ans plus tard une entreprise très différente”.
férente ; l’agressivité de son business-plan et de son management
dépendra largement de la facilité ou pas à lever de l’argent : soit vous prises n’étaient pas des grosses PME qui du jour au lendemain ont qu’avec ce type d’entreprise innovante, on se dit au départ que pen-
vous donnez les moyens d’être le premier mondial, soit vous vous ré- décidé qu’elles allaient faire des moteurs de recherche. C’est le ré- dant 10 ans, on aura des pertes de 50, 100 ou 200 millions. Peu im-
signez à survivre comme une PME de la région parisienne et à res- sultat d’un essaimage académique de très haut niveau avec des fon- porte car à l’arrivée, on va construire une valeur énorme.
treindre votre périmètre. Or il faut des gens qui aient pour ambition dateurs, des administrateurs et des investisseurs partageant une
de devenir leader mondial et soient prêts pour cela à recruter les Localisation géographique
meilleurs chercheurs, techniciens et ingénieurs. Que ce soit dans le “Certains imaginent qu’il suffit de pousser Quand les chercheurs optent pour une université, ce n’est pas for-
domaine des télécommunications,du médicament ou du vaccin, les les entreprises existantes à faire de la recherche. cément leur choix mais celui de leur époux ou épouse qui préfère
marchés technologiques sont désormais mondiaux. Quand vous dé- vivre à tel endroit. Paris est très attractif. J’avais d’ailleurs proposé
veloppez un produit très innovant, il est rarement adapté unique- Contresens”
ment à la France… Si notre pays ne met pas le paquet avec une “On ne fait pas
cohérence d’ensemble sur des PME susceptibles d’acquérir une même volonté : devenir le premier mondial. C’est programmé dans de l’aménagement du territoire en zone défavorisée
taille significative, dans 5 ans, on continuera à se lamenter avec une leur business plan initial.
avec de la haute technologie”
dette très élevée et des salaires qui stagnent. L’autre raison est financière : quand une PME dégage du profit, il
lui est très difficile de décider de plonger dans des pertes abyssales il y a 5 ans de construire 40 000 m2 de laboratoire de très haut ni-
Small is superbeautiful pour financer massivement de la R&D. Ce n’est pas le même busi- veau à la pointe de l’île Seguin, lieu autrement plus séduisant que
Certains imaginent qu’il suffit de pousser les entreprises existan- ness model. Ce ne sont pas les banques qui financent à crédit et en le plateau de Saclay. On ne fait pas de l’aménagement du territoire
tes à faire de la recherche. Contresens. Google et toutes ces entre- général, les actionnaires sont attachés à leurs dividendes. Tandis en zone défavorisée avec de la haute technologie. Comme la com-

Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire 39


Vu d’en haut
pétition est très rude dans le domaine de la science, de la recherche derniers avaient alors pris l’engagement écrit de mieux financer les nologie de l’information et sciences de la vie.
et de la technologie, mieux vaut collectionner tous les atouts dans PME : ils ne l’ont pas tenu. Ces assureurs n’ont que 1 % de leurs ac- C’est un métier d’artisan, si vous essayez de faire de la quantité, le
le domaine de l’environnement pour séduire les chercheurs.Voilà tifs dans les PME. Cela a permis toutefois de récolter 1 milliard par danger est que vous êtes alors obligé de déléguer. Or nous sommes
pourquoi le Génopole d’Evry n’est pas le meilleur endroit pour at- an et au capital-risque de ne pas s’effondrer ; malheureusement ce toujours présents au conseil d’administration. Notre taille nous per-
tirer beaucoup de gens. Les chercheurs ont le choix entre Boston, n’est pas à la mesure des enjeux.Tandis que ces 5 % par an auraient met d’être chef de file, de faire des financements sur plusieurs an-
San Francisco, la Californie du Sud et moult autres endroits attrac- permis de consacrer 5 à 7 milliards aux entreprises. Les assureurs nées et d’investir ainsi jusqu’à 12, 15, 20 millions d’euros par
tifs. Quand on est en queue du peloton, on a intérêt à cocher toutes objectent les risques. Faux, car si vous mutualisez les placements, entreprise. Nous avons vendu 5 sociétés et coté 6 en Bourse. Plu-
les cases pour être sûr de rattraper son retard. vous diluez ces risques et avez des chances d’augmenter votre ren- sieurs sont sur le chemin de l’introduction en Bourse ou de la ces-
tabilité. sion. Cela représente entre 500 et 700 emplois créés.
Des décisions incohérentes
Si j’étais pessimiste, je ne serais pas à Paris mais ailleurs.Toutefois, Leçons de management La Bourse
je suis frustré de voir que depuis près de 30 ans, les gouvernements Ma première entreprise était dans le domaine de la transplantation Alternext n’est pas la solution de sortie mais plutôt un marché re-
alternent une bonne et une mauvaise mesure. Il n’y a pas de cohé- d’organes. Nul besoin de 50 consultants pour savoir si le besoin est lais de financement et de croissance qui pourrait fonctionner beau-
rence. Un exemple : ce statut de la jeune entreprise innovante que réel et qu’à terme on doit être capable de remplacer un cœur par coup mieux. Cela nous permet de préparer la liquidité et d’avoir des
un organe artificiel. Est-ce que notre équipe réunit les qualités de valorisations tout à fait correctes. Alors que très souvent, lorsque
“Depuis près de 30 ans, les gouvernements base nécessaires ? Oui bien sûr, parce qu’Alain Carpentier, chirur- vous gardez une société non cotée en private equity, vous êtes à la
alternent une bonne et une mauvaise mesure. gien mondialement connu, a déjà inventé les valves Carpentier Ed- merci de fonds prédateurs. Dans nos tours de table, nous évitons de
Il n’y a pas de cohérence” ward ; EADS avait mis des ingénieurs de très haut niveau sur ce faire venir des gens n’ayant jamais mis les pieds dans une entreprise
projet. Développer un cœur artificiel totalement automatisé mi- et qui, au moindre problème, vont prendre peur et ouvrir le para-
j’avais proposé à Jacques Chirac en 2004. On ne peut tricher avec mant la physiologie cardiaque, c’est de la très haute technologie. pluie. Pour tuer une entreprise, il n’y a pas pire que la non-décision.
cette typologie d’entreprise indépendante de moins de 8 ans, qui Puis il a fallu structurer, faire venir un management, recruter un di- Si vous avez 3 co-investisseurs qui n’ont pas les mêmes vues, cela
fait de la R&D et bénéficie d’une exonération des charges sociales recteur général venant des groupes méta-cardiovasculaires. Très
sur les chercheurs. Conséquence, vous embauchez davantage de vite, j’ai décidé d’accompagner le projet. Nous sommes le premier “Alternext n’est pas la solution de sortie
chercheurs en France et donc vous faites davantage de R&D et de- actionnaire avec 35 % du capital. EADS est le deuxième, Carpen- mais plutôt un marché relais de financement
venez plus compétitif. Or sans prévenir, la loi de finance 2011 a mas- tier et sa fondation ainsi que le management sont le troisième ac-
sacré ce statutpour économiser 54 millions d’euros. Et quand vous tionnaire. Il faut autant de travail pour s’occuper d’un projet et de croissance qui pourrait fonctionner
expliquez aux conseillers techniques de Christine Lagarde qu’avec médiocre que d’un projet très ambitieux et enthousiasmant. Si nous beaucoup mieux”
cette mesure, ils augmentent la masse salariale de 35 %, ils vous ré- réussissons, des dizaines de milliers de gens vivront 5, 7 ou 9 ans de
pondent que dans 5 ans, ces entreprises le récupéreront avec le cré- plus. peut être terrible. Dans une petite entreprise, vous ne pouvez pas
dit d’impôt-recherche. Seulement dans 5 ans, les entreprises ne Autre exemple : Deinove, coté en Bourse en 2010, que j’ai créé dans ne pas prendre des décisions. C’est un peu comme le type qui esca-
seront plus là ! ce bureau avec Miroslav Radman. Ce chercheur franco-croate de lade les tours à mains nues. S’il s’arrête, il glisse et tombe.
très haut niveau mondial qui vient d’avoir le prix européen de la Fé- Actuellement, 50 % des nouveaux médicaments viennent des bio-
Crédit d’impôt-recherche tech et des petites sociétés de biotechnologie. Pendant de longues
Nicolas Sarkozy a injecté beaucoup d’argent dans le circuit par le “L’important est de s’interroger au départ années, cela a été de la R&D et de la dépense. Tous les PDG des
biais d’un crédit impôt-recherche mais ce dernier est très mal ficelé grands groupes pharmaceutiques le reconnaissent, ils ont une très
: chaque année, Sanofi-Aventis reçoit du contribuable un chèque de
sur la mission et l’objectif : être leader mondial, mauvaise productivité de leur recherche interne. La philosophie
120 millions d’euros, alors que dans le même temps son PDG, esti- développer tel produit” des biotech est de comprendre comment fonctionne la vie afin de
mant que sa recherche interne est mauvaise, va faire des acquisi- la mimer ou de la reproduire . Alors que la pharmacie classique fa-
tions aux Etats-Unis. Résultat, l’Etat donne beaucoup d’argent à dération européenne de microbiologie est venu me convaincre : il brique par synthèse chimique des petites molécules. Je les balance
Sanofi-Aventis, à FranceTélécom et à d’autres grands groupes alors venait de découvrir comment une bactérie - le déinocoque - pouvait, et vois ce que cela donne.
qu’il faudrait mettre le paquet sur les start-up à très fort potentiel une fois son génome détruit, ressusciter lorsqu’on la plongeait dans C’est un changement de culture très fort. Mais les groupes phar-
installées en France au lieu de baisser artificiellement l’impôt sur l’eau. Je lui ai conseillé de déposer un brevet avant de publier son maceutiques rachètent des produits en licence et des boîtes. Une
papier ; puis je lui ai proposé de créer une entreprise et de nous don- fois le médicament sur le marché, c’est plusieurs centaines de
“Chaque année, Sanofi-Aventis reçoit du ner 9 mois pour voir dans quelle direction technologique on allait millions ou de milliards de dollars par an. Donc, des produits chers,
contribuable un chèque de 120 millions d’euros, l’orienter, puisqu’il s’agissait d’une découverte fondamentale. Nous à vie longue, parce qu’ils sont protégés par des brevets, des exclusi-
avons réuni des scientifiques, des ingénieurs puis fait des études de vités réglementaires.Vous n’êtes pas à la merci d’un concurrent au
alors que dans le même temps son PDG, estimant marché. Après 9 mois, nous avons décidé de la positionner en bio- bout de 2 ans comme dans le logiciel.
que sa recherche interne est mauvaise, éthanol parce ces usines bactériennes peuvent servir à dégrader la
va faire des acquisitions aux Etats-Unis” biomasse non-alimentaire et fabriquer de l’éthanol. Petite entre- Truffle capital
prise certes, mais une des dix dans le monde qui peut prétendre dé- Nous sommes quatre partenaires et créons six nouvelles sociétés
les sociétés de groupes, qui de toute façon font de l’optimisation fis- velopper les nouveaux procédés pour utiliser la biomasse par an qui se répartissent en trois tiers : hi-tech, science de la vie et
cale via leur filiale en Suisse, en Belgique ou à Londres. Ces gran- alimentaire, les déchets de forêt, le bois, les bio-celluloses pour faire énergie de matériaux. Il nous faut génèrer de la liquidité : les plus
des entreprises paient en moyenne un impôt sur les sociétés évalué de la chimie verte et du bioéthanol. Cette entreprise, encore en rapides à sortir sont dans le domaine des technologies de l’infor-
entre 15 et 20 % de leur chiffre d’affaires quand les PME ont un IS phase recherche, a déjà levé 12 millions d’euros en Bourse tout en mation et l’énergie de matériaux.Tandis que les sciences de la vie
à 33, 36 %. conservant 75 % du capital. prennent davantage de temps.Mais les valorisations sont également
Jusqu’en 2007, le crédit impôt- recherche était un système assez ver- Dans le domaine des sciences dures, les start-up “mangent” de l’ar- plus élevées. Donc, cela peut nous permettre de mutualiser les
tueux réservé aux PME : plus vous dépensiez, plus vous étiez aidé. gent pendant des années. Mais la valeur de ces entreprises est in- risques, puis d’avoir des cycles d’investissement différents, ce qui
Le 21 août 2007 Nicolas Sarkozy l’a sacrifié, expliquant : “je paie 30 dexée sur les produits futurs, elles peuvent donc valoir très cher.
% de la R&D à toute entreprise plafonnée à 100 millions d’euros, 5 % Notre fonds a investi dans 37 entreprises et nous gérons 500 millions “Il faut une vision internationale
au-dessus”. J’avais fait les calculs pour France Biotech, le gouverne- d’euros. Globalement, nous obtenons des taux de retour sur inves- et un management pas trop franchouillard,
ment avait dit : cela ne coûtera pas plus de 1 milliard et demi. En ré- tissement de 20 à 30 % annuels sur 5 à 8 ans. Une moyenne car car les concurrents sont – la plupart du temps –
alité, cela coûte 4,5 milliards. quelques-unes de ces entreprises échouent totalement. Celles qui
L’objectif est pourtant clair : il faut qu’on ait davantage de PME de végètent un peu, on les fusionne avec une autre. Certaines seront à l’étranger”
très haut niveau qui croissent vite.Il faut donc favoriser la très bonne de très belles réussites. L’important est de s’interroger au départ
science à l’universitéet la création de start-up, mais surtout assurer sur la mission et l’objectif : être leader mondial, développer tel pro- est plutôt favorable aux entreprises.
leur financement dans la durée, sur 5, 10 ou 15 ans.Après, elles ren- duit. Quand vous n’avez pas d’objectif clair, vous avez peu de chance 80 % de nos sociétés sont sur le sol français. Pour une bonne raison
trent dans le domaine commun… de l’atteindre. Avez-vous une propriété intellectuelle forte ? Abso- : si vous voulez en être proche, il faut moins de deux heures de
lument crucial. Pourrez-vous dégager assez d’argent pour financer transport, sinon ce n’est pas gérable.Toutefois, il faut absolument
Drainer l’épargne vers la création de richesse une vision internationale et un management pas trop franchouillard,
Le fond du problème ? L’emploi de l’épargne des Français qui consa- “Avez-vous une propriété intellectuelle forte ? car les concurrents sont – la plupart du temps – à l’étranger.
crent 1 500 milliards d’euros à l’assurance vie grâce à une collecte Absolument crucial. Pourrez-vous dégager
annuelle de 120 milliards. Colossal ! Alors que le grand emprunt
pèse peut-être 20 à 30 milliards d’euros. Or cette assurance vie est assez d’argent pour financer des étapes
drainée vers les emprunts des grandes entreprises et les emprunts créatrices de valeur ?”
d’Etat : le gouvernement explique que c’est indispensable pour fi-
nancer sa dette. En fait, si l’on veut la réduire, il ne faut pas le faire des étapes créatrices de valeur ? Une fois ces ingrédients réunis,
vous pouvez vous lancer. Ensuite, il y a le prototype, l’équipe, les par-
“La bonne réforme serait de consacrer 5 % tenaires, etc. Beaucoup de fonds de private equity préfèrent inves-
de l’assurance vie au financement tir quand il n’y a plus de risque. Nous essayons de bâtir des
entreprises. On n’a aucun mal à les trouver. Soit à partir de la re-
des jeunes entreprises innovantes” cherche académique, soit des “spin off” de grands groupes. Par
en consommant cette épargne mais l’utiliser pour construire de la exemple, en 2010, nous avons créé des holdings incubateurs avec
valeur économique, donc la drainer vers les entreprises. La bonne une première levée de fonds de 80 millions d’euros pour la création
réforme serait de consacrer 5 % de l’assurance vie au financement d’entreprises à partir de brevets du monde académique. Sur les Bio express
des jeunes entreprises innovantes. En 2004, un amendement voté 20 demandes de brevet qui nous intéressent, on rencontre les cher-
au Sénat prévoyait 5 % de l’assurance vie pour financer les PME. cheurs-inventeurs.Après, on en sélectionne 5, 6 ou 8, pour créer une Artisan de l’innovation
Levée de boucliers de la fédération des assureurs et du Trésor. Ces PME. Puis nous recrutons le directeur général. Docteur en médecine de l’université ParisVI, im-
Le chercheur prêt à faire “le grand saut” est assez rare, surtout en munologiste, cet ancien chercheur post-doctoral à
CHIFFRES CLES France. Notre métier consiste justement à construire l’équipe qui l’université de Stanford a créé trois entreprises spé-
peut tenir la route. Ensuite nous la surveillons comme le lait sur le cialisées dans la biotechnologie. Serial entrepre-
Truffle Capital feu, en étant très interventionniste.Voilà pourquoi nous sommes neur,le docteur Philippe Pouletty,qui a longtemps
L'un des plus importants fonds d'investissements européens en nou- souvent majoritaires. travaillé du côté de la SiliconValley, fut aussi pré-
velles technologies : Nous avons 3 FCPR pour des investisseurs institutionnels, et 8 FCPI sident de France Biotech, association française de l’industrie de la
- 460 M € gérés par 16 professionnels puis les holdings incubateurs. Mais nous les gérons tous de la même biotechnologie. Cofondateur avec Henri Moulard de Truffle Capi-
- Participations dans 36 entreprises (startup académiques et spin off façon, en co-investissement. Crise ou pas crise, il est important d’a- tal, l’un des plus importants fonds d’investissement indépendants
de grands groupes ) dont 14 dans le domaine de l'énergie, 12 dans voir la même stratégie d’investissement qui pour ce qui nous en Europe, ce médecin qui favorise la natalité des entreprises in-
celui des sciences de la vie et 10 dans les technologies de l'informa- concerne n’a jamais changé depuis 2001. Nous concentrons nos in- novantes est administrateur de nombreuses sociétés.
tion vestissements exlusivement dans nos trois secteurs : énergie, tech-

40 Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire


Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire 41
42 Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire
Création d’entreprise
FINANCE

- Pallier les manquements du capital-risque


- Un apport lié à la notoriété
- Un rôle pédagogique
- La question de la protection industrielle

Les concours dédiés aux start-up

Echauffement
Une bonne manière de se préparer au marché des capitaux

De la maturation d’une idée à la commercialisation d’une technologie, d’un pro-


duit ou d’un service innovant, le parcours d’un créateur de start-up est jalonné d’é-
tapes à franchir, nécessitant autant de compétences spécifiques et
complémentaires. Quel que soit le degré de maturation d’un projet, des disposi-
tifs, accessibles via des concours dédiés aux jeunes pousses, proposent un accom-
pagnement financier, opérationnel et/ou stratégique. Si l’impact d’une
participation reste difficile à évaluer tant les concours, de plus en plus nombreux,
sont variés en termes de publics visés, de notoriété que de bénéfices à en tirer, la
réussite de la démarche reste largement tributaire d’un solide business plan.

Par Elsa Bellanger

E
n création ou en émergence, le innovants. Laurent Probst, associé et responsa- label précieux pour la recherche de finance- Lameignère, directeur de Genopole®
développement des start-up, ces ble de l’innovation et du développement du ments complémentaires. Entreprises. Pour les collectivités, à l’instar de
jeunes entreprises dont la créa- cabinet d’audit et de conseil Dans une logique similaire, les investisseurs, et la Mairie de Paris et de son “Grand Prix de
tion repose sur une offre inno- PricewaterhouseCoopers (PwC) Luxembourg, notamment les business angels, voient dans les l’Innovation”, l’enjeu consiste à contribuer au
vante de technologies, de produits ou de évoque “une rupture dans la chaîne de l’innova- concours de start-up l’opportunité de détecter, dynamisme et à la croissance de l’écosystème
services, correspond à des processus variables tion liée aux difficultés de rencontre entre la et de suivre, les “pépites” de demain. “France économique local, en soutenant les jeunes pous-
selon le secteur d’activité et les besoins en demande et l’offre de financements, entre le monde Angels est associé à différents concours, au niveau ses innovantes.
recherche et développement (R&D) : de des entrepreneurs et celui des financiers”. “Dans sa national comme Tremplin Entreprises, organisé Côté entreprises, la participation à des concours
quelques mois pour les start-up du Web à plu- volonté de soutenir les entreprises qui feront la crois- par l’Essec, mais aussi au niveau local, souvent en de start-up, en tant qu’organisateur ou parte-
sieurs années pour celles évoluant dans les bio- sance de demain, PwC a identifié les concours lien avec les écoles et les incubateurs. Ce type de par- naire, répond à plusieurs logiques. Chez Orange,
technologies médicales. A chaque phase de comme une première étape de rencontre et de pré- ticipation permet d’identifier les 2 ou 3 bonnes grai- qui est notamment partenaire des “Start-up
développement d’une société innovante cor- Week-end” et autres “BemyApp”, ces concours
respondent également différents besoins tant qui réunissent une centaine de participants et
en matière d’accompagnement opérationnel et “L’apport des concours de start-up se mesure à leur notoriété, proposent de créer une start-up en 54heures en
stratégique que de financement. Des “Start-up à la qualité des partenaires et du processus de sélection” partant de l’idée retenue par le public jusqu’au
Week-end” au Concours national d’aide à la projet défini autour d’un prototype et d’un busi-
création d’entreprises de technologies inno- ness plan, “il s’agit notamment d’affirmer notre
vantes du ministère de la Recherche, de “SFR paration de ses start-up dans l’accès au marché et nes du moment ou à venir”, explique Benjamin engagement et notre expertise et de soutenir les
Jeunes Talents” au concours du bioparc au capital”, poursuit-il. Bréhin, directeur des opérations de la fédéra- initiatives émergentes”,indique Pascal Latouche,
Genopole®, les concours dédiés aux start-up Le Concours national d’aide à la création d’en- tion France Angels. directeur des nouveaux concepts marketing
affichent tous la même ambition: accompagner treprises de technologies innovantes du minis- Pour les incubateurs et les structures d’accom- chez Orange.
les créateurs d’entreprise, les aider à franchir tère de l’Enseignement supérieur et de la pagnement, qui interviennent en amont de l’a- Du côté du programme “SFR Jeunes Talents”,
les étapes clés de leur croissance, en particulier Recherche est né du même constat d’un vide morçage, l’ambition liée à un concours est plusieurs dispositifs remplissent des fonctions
dans la phase de levée de fonds, afin d’assurer dans la chaîne du financement. Lancé en 2009, souvent de repérer les projets porteurs de poten- différentes. Du concours initial, destiné aux
le développement de sociétés prometteuses. ce dispositif national d’amorçage a vocation à tiel de développement auprès d’une commu- artistes, à celui dédié aux jeunes entrepreneurs
“détecter et à faire émerger des projets de création nauté de chercheurs et d’ingénieurs. Le parc du numérique, si la volonté d’offrir un accom-
Pallier les manquements d’entreprises de technologies innovantes et à sou- dédié aux biotechnologies Genopole® lançait pagnement et un accès à une expertise et un
du capital-risque tenir les meilleurs d’entre eux grâce à une aide en 2010 son Concours d’aide à la création d’en- réseau est similaire, le concours dédié aux start-
L’émergence de ce type de dispositifs renvoie à financière et un accompagnement adapté”, treprises innovantes en bioctechnologies. “A l’o- up participe de la stratégie de R&D et d’inno-
une certaine prise de conscience des manque- explique le ministère. Piloté en partie via les rigine du concours, il y a la volonté de faire vation du groupe SFR. “En lien avec le fonds
ments du capital-risque dans le domaine de la directions régionales d’Oseo (organisme public connaître l’étendue des activités et l’offre du bio- d’investissement du groupe, SFR Développement,
maturation et de l’amorçage et à la quasi- de soutien à l’innovation et aux PME), il donne parc en matière d’accompagnement opérationnel créé en 2006, SFR Jeunes Talents Entrepreneurs
absence d’espaces de rencontres entre les mon- accès à des subventions à la création pouvant et stratégique, et d’attirer des porteurs de projets accompagne chaque année une dizaine de sociétés,
des du capital-risque et des entrepreneurs aller jusqu’à 450000euros et peut constituer un innovants d’horizons variés”, précise Eric sélectionnées au regard des choix et des orientations

Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire 43


Création d’entreprise
FINANCE

stratégiques du groupe”, précise Eric Fonteix, de financement, réside souvent dans la qualité commente Julien Morel. La visibilité constitue présage l’accès à des clients et des marchés
responsable de l’écosystème de l’innovation du business plan présenté.Ainsi pour Christian d’ailleurs un des principaux enjeux portés par potentiels. Dans le cas du programme “SFR
chez SFR. Sainz, “le concours ne peut avoir de sens que si la les concours. “Pour les start-up, dont la plupart Jeunes Talents” dédié aux start-up, les jeunes
participation repose sur un business plan solide, recherchent des financements, l’intérêt est de se sociétés lauréates se voient immerger dans l’é-
Un apport lié à la notoriété surtout pour les projets en amorçage”. mettre en avant, d’acquérir une visibilité et même cosystème du groupe. “L’accompagnement prend
L’offre de concours apparaît donc variée, tant en Pour autant, l’impact d’une participation à un une certaine crédibilité”, ajoute Benjamin la forme d’un appui logistique, de la mise à dispo-
termes de publics visés, que d’ambitions des concours sur le développement d’une start-up Bréhin. sition de moyens techniques, d’avantages tarifai-
organisateurs ou de bénéfices à en tirer. reste difficile à évaluer précisément, d’autant Dans une certaine mesure, les concours offrent res et d’un accès au carnet d’adresses professionnel
“L’apport des concours de start-up se mesure à leur que la jeunesse des initiatives ne donne pas le également l’opportunité d’affiner un projet. La du groupe”, rappelle Eric Fonteix. Idéalement,
recul nécessaire. Au sortir d’un “Start-up Week- confrontation à l’avis d’experts et d’investis- les technologies, produits ou services dévelop-
end”, par exemple, seuls 30 % des projets de seurs peut assurer la validation d’un concept. pés sont intégrés dans l’offre du groupe ou de
start-up sélectionnés par le jury d’entrepreneurs Pour Christian Sainz, “certains concours basés sur ses partenaires.
et d’investisseurs à l’issue du week-end survi- des pitchs sont un exercice utile pour peaufiner son Dans ce genre de configuration, mais aussi lors
vent au-delà de trois mois. “Ce concours réunit discours et le confronter aux investisseurs. L’objectif de la présentation de la société à des investis-
seurs, la question de la propriété industrielle
(PI) ne doit pas être négligée. Si une stratégie
“La clé de la réussite, réside souvant dans la qualité en matière de PI se définit souvent “au cas par
du business plan présenté” cas”, les porteurs de projets innovants doivent
protéger leurs innovations tout en affichant les
potentialités. “Sans dévoiler les secrets de fabrica-
souvent des porteurs d’idées qui manquent d’é- est alors d’obtenir des éléments pour valider le pro- tion, il faut savoir vendre son innovation. Parler
clairage sur des aspects techniques ou commer- jet ou un retour sur son évolution, quelle que soit la des applications sans tomber dans le développe-
ciaux. L’idée est d’encourager une forme maturité du projet”. Pour les entrepreneurs avec ment trop technique”, résume Julien Morel.
d’émulation et de stimuler les initiatives en appor- un profil d’ingénieur et de chercheur, un L’enjeu d’une participation réussie et bénéfique
© Xavier Renauld

tant des points de vue d’experts”, souligne Cyril concours peut permettre d’accéder à une for- à un concours de start-up se situe d’ailleurs dans
Dorsaz, vice-président de l’association Start-up mation minimale aux enjeux que représente
Week-end. une création. “Un concours peut aussi être l’occa-
Reposant sur une sélection opérée par un sion de prendre conscience d’un besoin de compé-
comité d’experts et d’investisseurs reconnus, le tences complémentaires pour bien se positionner
“La valeur ajoutée du concours, c’est la mise en concoursTremplin Entreprises, organisé depuis en termes de marché par exemple”, précise le
relation avec la structure d’accompagnement de 1999 au Sénat par l’Essec, affiche de meilleurs directeur des opérations de France Angels.
Genopole®.” Eric Lameignère, Genopole® résultats en termes de pérennité et de santé des
Entreprises. start-up. Une étude présentée par l’Essec, lors Un rôle pédagogique
de la 11e édition du concours en 2010, révèle que En ce sens, les concours de start-up remplissent
notoriété, à la qualité des partenaires et du proces- 90 % des 297 sociétés lauréates existaient tou- un rôle formateur auprès des entrepreneurs et
sus de sélection”, estime Christian Sainz, diri- jours et, alors que la manifestation consiste à engagent une démarche pédagogique. La plu-
geant de la PME Asolution, et représentant de présenter des start-up en recherche de finance- part proposent d’ailleurs un accompagnement

Sophie Robichon/Mairie de Paris


la CGPME pour “l’économie numérique”. De ment à un panel d’investisseurs, 55 % des parti- au développement de la société et des dotations
son côté, Julien Morel, directeur exécutif cipantes ont levé des fonds auprès de business financières. Là encore, chaque concours répond
d’Essec Ventures, la filière Entrepreneuriat de angels et de capital-risqueurs, dont 41% plus de à des problématiques différentes en termes de
l’Essec, estime : “Qu’on gagne ou qu’on perde, c’est 1 million d’euros. maturité des sociétés accompagnées: de la
toujours enrichissant. On en retire toujours quelque “Sponsorisé par des fonds d’investissement et de phase post-amorçage à celle de la commerciali-
chose. C’est par exemple un excellent moyen de grands acteurs de l’innovation, Tremplin sation, de la structuration du projet pour la créa-
connaître ses concurrents dans la recherche de Entreprises est un label. Les lauréats peuvent s’ap- tion de l’entreprise à l’approfondissement du
fonds.” Reste que la clé de la réussite, en parti- puyer sur la notoriété du concours pour asseoir leur business plan avant une levée de fonds.
culier dans les concours destinés à la recherche visibilité auprès de l’écosystème des investisseurs”, Benjamin Bréhin considère qu’en “cas de créa- “Les finalistes sont conviés notamment à des
tion d’entreprises reposant sur une technologie rencontres avec des représentants des grands
innovante, l’accompagnement doit se faire très en groupes partenaires.” Jean-Louis Missika, mairie
3 questions à amont de la phase de financement”. C’est la voca- de Paris.
tion du concours du ministère de la Recherche
Laurent Probst, associé et responsable de l’innovation ou d’initiatives comme celle menée par
et du développement du cabinet d’audit et de conseil Genopole®, qui ouvrent notamment la porte la capacité à présenter les marchés applicatifs
PricewaterhouseCoopers (PwC) Luxembourg des incubateurs d’entreprises innovantes. “La visés. “Une nouvelle technologie n’est rien sans un
valeur ajoutée du concours, c’est la mise en relation business plan bien défini”, confirme Benjamin
“Si l’aspect commercial est validé, les financements viendront” avec la structure d’accompagnement de Bréhin. “Il faut également savoir bien jauger ses
Genopole®”, assure Eric Lameignère. besoins et être ambitieux sans tomber dans l’ir-
Depuis maintenant trois ans, les acteurs du capital-risque y sont concentrés et Intervenant en amont de l’amorçage, les orga- réalisme”, conclut Julien Morel. 
PricewaterhouseCoopers (PwC) s’associe, aux recherchent la proximité avec les entrepreneurs, nismes d’incubation et de maturation jouent
côtés de l’agence de ressources sur les entreprises comme c’est le cas dans la Silicon Valley. Les marchés pour les projets technologiques un rôle struc-
Europe Unlimited, à l’organisation de l’Eurecan publics, comme ceux de l’armée, y sont utilisés comme turant de l’offre finale et assurent une certaine
European Venture Contest. Quelle est la raison de vecteur d’intégration et de développement des tech- garantie au financier dont le retour sur inves-
cet engagement? nologies. C’est une différence fondamentale. Aux tissement est corrélé aux résultats applicatifs
S’associer à des concours de start-up est une démar- Etats-Unis, dès qu’un prototype est prêt, il est présen- de la R&D. D’autres formes d’accompagnement
che récente au sein de PwC. Elle part du constat d’une té à des clients pour une phase de test et d’expéri- sont plus spécifiquement dédiées à la recherche
rupture dans la chaîne de l’innovation liée aux difficul- mentation sur le terrain. Les entrepreneurs proposent de financement et interviennent après la vali-
tés de rencontre entre la demande et l’offre de finan- des versions bêta de leurs technologies, de sorte que dation technologique. C’est le cas de Tremplin
cements, entre le monde des entrepreneurs et celui les financiers ont très tôt une démonstration tangible Entreprises qui met à disposition des lauréats
des financiers. En Europe, ce problème est d’autant de la stratégie de développement de la société. des “coachs” du cabinet Ernst & Young pour
plus prégnant que le marché y est fragmenté. Au-delà L’Europe, avec sa culture d’ingénieurs, fonctionne approfondir la réflexion sur des aspects juri-
de la question linguistique, il existe autant de pra- autrement. Les discours des entrepreneurs s’axent sur diques ou marketing par exemple.
tiques et de réglementations que de membres de l’UE. l’aspect technologique plutôt que sur les marchés Du côté des Grand Prix de l’innovation de la
Les fonds de capital-risque sont également insuffisam- applicatifs. Or un investisseur attend qu’on lui présen- Ville de Paris, dotés de 75000euros pour les lau- CHIFFRES REVELATEURS
ment dotés et les réseaux de business angels pas te une technologie testée et validée avec des clients réats des 5 catégories du concours, la participa-
Le concours du ministère de la Recherche
tion ouvre des perspectives d’intégration au sein
“Le principal reste que les start-up se concentrent de l’une des structures d’incubation, d’accom- Lancé en 1999 par le ministère de la Recherche pour
sur les applications commerciales. Ce sont elles qui font la différence” pagnement ou de financement de la ville, mais pallier le déficit de financement en amorçage, le
surtout une participation donne accès à l’éco- Concours national d’aide à la création d’entreprises de
encore assez constitués. L’enjeu est pourtant capital, plus qu’un business plan théorique. Si l’aspect com- système francilien de l’innovation via notam- technologies innovantes a soutenu la création d’un
car de nombreuses entreprises prometteuses vont mercial est validé, les financements viendront. ment le Paris Innovation Lab. “Les 25 finalistes peu plus de 1270 entreprises. Selon les données du
chercher des financements et des clients ailleurs. sont conviés notamment à des rencontres avec des ministère, 95% des entreprises sont encore en activité
Dans sa volonté de soutenir les entreprises qui feront Quelles sont les perspectives d’amélioration représentants des grands groupes partenaires. Une après 3 ans et 88 % après 5 ans.
la croissance de demain, PwC a identifié les concours en Europe? des lauréates, la PME Ethera, spécialisée dans la (Source: Ministère de l’Enseignement Supérieur et de
comme une première étape de rencontre et de prépa- Au vu de la structure actuelle du marché européen, la mesure de la qualité de l’air intérieur, a ainsi signé, la Recherche – juin 2010)
ration de ses start-up dans l’accès au marché et au perspective de solutions peut paraître assez lointaine, depuis son prix emporté en décembre dernier, un
capital. Un dispositif comme l’Eurecan European même si la crise a permis un nouveau démarrage repo- partenariat commercial avec Castorama et un Les autres concours
Venture Contest, qui rassemble au Luxembourg une sant sur l’innovation comme moteur de croissance. autre avec le laboratoire d’expérimentation de Tremplin Entreprises, Eurecan European Venture
trentaine de start-up européennes et une trentaine de Dans le cadre de la stratégie UE2020, la Commission Paris pour tester son dispositif dans une crèche”, Quest, SFR Jeunes Talents Entrepreneurs, Start-Up
sociétés de capital-risque, répond à une vraie deman- européenne consacre un volet important à l’optimisa- raconte Jean-Louis Missika, adjoint au maire de Week-end, Concours d’aide à la création d’entreprises
de. La manifestation ouvre un espace d’échanges tion du cadre européen du capital-risque qui se trouve Paris chargé de l’Innovation, de la Recherche et innvovantes en biotechnologies.
entre les différents acteurs et permet aux entrepre- aujourd’hui au creux de la vague. Des initiatives en des Universités. Dans ce cas, l’apport du
neurs d’accéder à des experts sur de nouveaux mar- matière de transfert technologique et de valorisation concours réside dans l’accompagnement vers
chés à l’étranger. de la recherche vers l’industrie vont dans le bon sens l’accès au marché.
et commencent à démontrer leur efficacité. Le principal
Quelle est la situation à l’étranger? reste que les start-up se concentrent sur les applica- La question de la protection industrielle
Le modèle en matière de capital-risque reste les Etats- tions commerciales. Ce sont elles qui font la différence. La mise en relation avec un réseau de partenai- Lire les dossiers précédents
Les archives numériques
Unis. La capacité d’absorption du risque et l’appéten- res constitue un autre des enjeux liés à la parti- nouveleconomiste.fr
ce pour les nouvelles technologies y sont importantes, E.B. cipation aux concours, dans la mesure où elle (consultation gratuite)

44 Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire


Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire 45
46 Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire
Gestion
RISK-MANAGEMENT

- Les nouveaux risques


- Risque client, risque roi
- De la bonne exposition
- De la bonne couverture

Les risques PME

La bonne couverture
Tout n’est qu’une question d’exposition

Déjà confrontées aux problèmes d’impayés ou de mauvaise gestion, dans un


monde toujours plus instable et plus global, les petites entreprises doivent faire
face à de nouveaux risques financiers : volatilité du marché des changes, fluctua-
tion des cours des matières premières ou des taux d’intérêt. Si des solutions de
couverture existent, encore faut-il bien évaluer le risque et choisir la réponse adap-
tée. Une étape que trop de petites entreprises négligent.

Par Catherine Quignon

U
n nombre record de défaillances Les nouveaux risques incertain, les PME, tout comme les grands gent se retrouve bloqué à la demande du donneur
d’entreprises en 2010: 65900, “Le risque client, au sens large du terme, repré- groupes, sont concernées par l’instabilité des d’ordres”. Sans oublier les menaces liées à la
selon l’assureur-crédit Euler sente le principal risque financier pour les TPE- marchés. Et notamment par les fluctuations variation des taux d’intérêt ou aux fluctua-
Hermès. Parmi elles, 80 % de PME”, affirme Eric Demange, directeur de la des cours des matières premières. Selon la tions du taux de change, qui peuvent affecter
TPE-PME. Plus fragiles que les grandes entre- division entreprises, PME et solutions affini- Confédération générale des petites et moyen- grandement la trésorerie d’une PME. Il
prises, les petites sociétés présentent une sen- taires au sein du cabinet Marsh. Plus le porte- nes entreprises (CGPME), 74 % des patrons convient néanmoins de relativiser cette caté-
sibilité particulière aux risques financiers. feuille de clients est restreint, plus l’équilibre de PME s’inquiètent de l’augmentation du gorie de risques : seules 13 % des PME euro-
D’abord du fait de leur taille. “Si les PME sont financier de la PME est précaire. “Une jeune coût des matières premières. “La variation du péennes sont présentes sur les marchés hors
généralement plus structurées, avec une équipe entreprise cherche avant tout des clients. Elle cours du baril de pétrole représente chez nous Union, selon la Commission européenne. Si les
comptable, dans les TPE le dirigeant est générale- petites entreprises sont encore peu touchées
ment multi-casquettes et gère lui-même sa comp- par ces difficultés, leur nombre devrait indé-
tabilité”, rappelle Ghislain Verstraete, courtier “Le risque client, au sens large du terme, niablement s’accroître ces prochaines années.
en assurance-crédit pour le cabinet Deledalle “L’effet domino” ne doit pas être négligé non
ACF. Sans en avoir toujours les compétences. représente le principal risque financier pour les TPE-PME” plus: il suffit qu’un fournisseur ou qu’un client
“On trouve des patrons au profil plutôt commer- soit atteint par ce type de difficultés pour que
cial, d’autres avec une plus grande sensibilité finan- la PME en subisse les conséquences.
cière”, constate le courtier. Or, préparer un peut être amenée à récupérer des clients que d’au- 50 % des risques financiers”, déplore le gérant
budget ou élaborer un reporting financier ne tres entreprises ne veulent plus et qui ne sont pas d’une PME de literie basée dans le Nord. Risque client, risque roi
s’improvise pas. toujours solvables”, souligne Ghislain D’autres risques existent, liés à la mondiali- Quel que soit le type de risque – risque client,
D’autant que les grandes entreprises, face aux Verstraete. D’autres dangers menacent les sation. Selon Eric Demange, “dans le cas des risque de change, et même risque politique –
problématiques fiscales, admettent de moins en PME, comme le risque de carence fournisseur marchés hors communauté européenne, on cons- des solutions de couverture existent via des
moins une gestion de trésorerie hasardeuse de en cas de non-livraison de la marchandise et le tate une augmentation du risque politique. contrats d’assurance. Une option qui reste
la part de leurs filiales ou de leurs sous-traitants. risque de pertes d’exploitation causées par un Comme on a pu le voir lors des événements coûteuse pour les petites entreprises. “Quand
Mais surtout, le risque est grand pour une petite dommage matériel (panne de machine…) récents dans les pays arabes, les transactions peu- l’actionnariat d’une entreprise est familial, elle
entreprise de se laisser déborder en courant Mais ces dernières années ont vu l’apparition vent se retrouver bloquées à cause de l’instabilité a tendance à s’assurer un minimum”, constate
après les contrats et de sous-estimer son besoin de nouvelles catégories de risques touchant politique. Il existe aussi le risque de confiscation Eric Demange. Pour inciter les petites entre-
en fond de roulement (BFR) ou de négliger la les petites entreprises. Du fait de l’environne- (de nationalisation), comme au Venezuela, ou le prises à s’assurer davantage, des organismes
partie recouvrement des créances. ment économique mondial toujours plus risque d’appel abusif à caution, lorsque de l’ar- d’assurance comme la Coface ont développé

Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire 47


Gestion
RISK-MANAGEMENT

Si dans le cas de l’assurance-crédit, l’entre- d’assurance-crédit. Autre solution sur le prin-


preneur conserve la gestion des arriérés, dans cipe de l’affacturage, mais encore peu prati-
le cas de l’affacturage il délègue la gestion des quée en France: le “reverse factoring”. Ici, la
recouvrements. En vérité, “l’affacturage est un demande de rachat émane du créancier lui-
peu utilisé pour relancer les clients, et beaucoup même. Si l’affacturage permet de renflouer
pour assurer un financement à court terme”, cette trésorerie à court terme, cette solution
affirme Ghislain Verstraete. Alors que les nécessite que l’entreprise soit bien structurée
banques ont restreint leurs lignes de crédit et pour éviter la faillite. L’affacturage reste une
durci leurs conditions d’octroi pendant la solution à court terme et qui coûte cher.
crise, les petites entreprises ont largement eu
recours à ce dispositif. De fait, les autres outils De la bonne exposition
de financement à court terme des banques, Quelle que soit la couverture utilisée, celle-ci
insuffisamment souples, sont en perte de ne peut bien entendu pallier une mauvaise
vitesse. “L’escompte – avance de trésorerie sous gestion. “La couverture peut indemniser, mais
forme de traites ou lettres de change – est valable l’entrepreneur doit d’abord se demander com-
uniquement en France et peut nécessiter des ment relancer son activité”, indique Pierre
délais importants. Le bordereau Dailly – rachat Marchon, directeur général de Gras Savoye
de factures par la banque – est un mode de finan- Risk Consulting. Une bonne gestion permet
“Pour un contrat d’assurance-crédit qui
indemnise à 90 % le risque, les prix démarrent
autour de 2500 euros”, Ghislain Verstraete, “L’entreprise doit trouver un juste équilibre
cabinet Deledalle ACF. entre le prix qu’elle est prête à payer et le risque qu’elle est prête à tolérer”
toute une gamme de produits à destination “Quand l’actionnariat d’une entreprise est
familial, elle a tendance à s’assurer un
des PME : assurance prospection, assurance cement lourd à gérer”, estime Ghislain de faire baisser l’exposition aux risques. Une
minimum”, Eric Demange, Marsh.
change… Cependant, la crise a renforcé cette Verstraete. La banque peut également accor- entreprise touchée par la variation des taux
logique de contrôle des coûts. der des crédits de trésorerie, comme des faci- d’intérêt peut ainsi réduire son exposition en
Autre solution : le recours aux produits déri- lités de caisse ou autoriser un découvert, sous modifiant la structure de son capital et en tions de couverture plus flexibles existent, mais
vés. Ces produits, dont la valeur est détermi- réserve que le compte de l’entreprise se voit réduisant son endettement ; à l’opposé, une elles sont aussi plus onéreuses. Leur coût peut
née par un actif spécifique (devise, matière régulièrement crédité. Autre solution, le cré- gestion aléatoire risque de mener au renché- représenter 7 à 8 % de l’exposition à couvrir”,
première, taux d’intérêt), permettent à une dit de campagne, valable uniquement dans rissement des crédits. A la PME également de selon Benoît Cougnaud, qui ajoute: “Les prix
entreprise de se couvrir contre les fluctuations des cas très spécifiques, comme pour une diversifier ses sources de financement afin d’é- ne sont pas d’une transparence totale. Et plus
des marchés en s’engageant sur un taux de entreprise à activité saisonnière. Dans tous les viter les mauvaises surprises.“Trop souvent, les vous êtes petits, plus ça va être difficile de négo-
change ou un cours déterminé. Mais leur com- cas, la banque peut réclamer des garanties entreprises concentrent leurs sources de finance- cier”.
plexité – et aussi leur coût – rebutent encore importantes à l’entrepreneur. ment en un seul endroit”, observe Ghislain Reste que quelques règles de base permettent
les petites structures. Une situation qui a largement ouvert la voie à Verstraete. d’orienter le choix de la couverture. D’abord,
Sans surprise, les PME se soucient d’abord de l’affacturage. Mais attention, cet outil n’est Une autre question à se poser : faut-il ou non opter pour la simplicité: “Plus la couverture est
leur encours client; c’est pourquoi elles recou- pas à la portée de tous. “Pour être éligible à cette externaliser sa comptabilité? “A partir d’une complexe, plus elle est coûteuse”, rappelle Benoit
rent principalement à l’assurance-crédit. Cougnaud, qui prône une stratégie “sur-
Cette solution a vocation à assurer les créan- mesure”. Eviter également de choisir sa cou-
ces impayées, y compris en cas de dépôt de “Tout couvrir est une folie, verture dans une période d’instabilité –
bilan. Et son coût reste abordable pour une ne rien couvrir est également une folie” question de bon sens. Mais surtout, privilégier
petite entreprise. “Pour un contrat d’assurance- dans la mesure du possible des solutions en
crédit qui indemnise à 90 % le risque, les prix interne. Veiller également à faire appel à des
démarrent autour de 2 500 euros”, indique solution, il faut faire un chiffre d’affaires d’au certaine taille, mieux vaut suivre ça en interne”, courtiers spécialisés dans les risques d’entre-
Ghislain Verstraete. Seul problème : avant moins 250000 euros TTC. En dessous, cette solu- estime le gérant de la société de literie basée prise. Mais surtout, ne pas hésiter à faire jouer
d’accorder toute couverture, l’assurance-cré- tion reste très coûteuse. Quant à la valeur dans le Nord, lui-même formé à la comptabi- la concurrence. “Le prix de l’assurance pour une
dit contrôle la situation financière du client. moyenne de la facture, elle doit s’élever à 1000- lité. “On a mis en place des tableaux de bord per- TPE-PME peut varier d’une compagnie d’assu-
Elle peut donner son accord pour une couver- 1500 euros TTC”, précise Ghislain Verstraete. mettant de suivre nos marges client et nos marges rance et d’un courtier à l’autre, souligne Eric
ture totale du risque, son accord partiel ou Comme dans le cas de l’assurance-crédit, le produit. Une fois par mois, on suit tous nos indi- Demange. Le marché a baissé depuis quelques
refuser la prise en charge. D’où le recours montant des primes est proportionnel. Le cateurs.” Si des instruments de gestion inter- années: on a vu des prix qui ont fait du –50 %.”
croissant à l’affacturage. Selon l’Association choix de la solution – assurance-crédit ou nes existent, ces logiciels ne compensent pas En bref, la conjoncture est propice à la négo-
des sociétés financières (ASF), la production affacturage – dépend aussi de la volonté de le manque de formation du dirigeant. “On peut ciation. “L’entreprise doit organiser un appel
des sociétés d’affacturage a connu en 2010 une l’entreprise de conserver ou non la gestion de déléguer la gestion de la comptabilité à un expert- d’offres, jouer la concurrence. La TPE-PME peut
hausse de 19,4 % par rapport à 2009. Le factor son encours client. A savoir: les sociétés d’af- comptable ou à des centres agréés de gestion. Face également demander à son courtier ou à son
“rachète” les factures, moyennant un intérêt. facturage proposent également des services aux problématiques de fiscalité, il est parfois pré- agent le montant de sa commission – générale-
férable d’avoir recours à un professionnel”, ment de 15 à 20 % – de manière à pouvoir la rené-
indique de son côté Pierre Marchon. Un bon gocier à la baisse”, conseille-t-il. Une chose reste
point pour les PME: “si les grandes entreprises sûre cependant: en matière de couverture, il
Aides publiques au financement des PME sont plus structurées et ont un contrôle de gestion n’existe pas de solution miracle. 
Les 4 piliers beaucoup plus fin, les petites entreprises sont plus
près des réalités et ont une capacité de réaction
Pendant la crise, banques et compagnies d’assurance- res. La Médiation du crédit a quant à elle été recondui- plus forte”, assure Ghislain Verstraete.
crédit, ont été amenées à refuser de plus en plus de te pour deux ans en avril dernier. En revanche, le dispo- L’attention doit d’abord être portée sur le
dossiers ou à renégocier les tarifs à la hausse. Cette sitif Cap devrait prendre fin le 30 juin 2011, tandis que poste client. “En cas d’impayés, surtout ne pas
situation a incité le gouvernement à mettre en place un Cap+ s’est achevé fin 2010. Les garanties Cap Export et tarder. Plus on attend pour recouvrer une créance,
dispositif de soutien aux entreprises, et notamment Cap Export +, destinées aux entreprises françaises moins on a de chances de la récupérer. On peut
aux PME, sous forme d’octroi de crédits et de garanties exportatrices, ont toutefois été prolongées pour l’an- aussi être en concurrence avec d’autres créan-
et reposant sur quatre piliers: l’organisme de prêt aux née 2011. En remplacement des garanties Cap et Cap + ciers”, précise GhislainVerstraete. L’entreprise
PME Oseo, la Médiation du crédit, visant à accompa- ont été mises en place des offres de substitution par doit aussi définir précisément ses conditions
gner les entreprises dans les négociations avec leurs les compagnies d’assurance-crédit, moyennant géné- générales de vente, quitte à faire appel à un
banques, le Fonds stratégique d’investissement (FSI) ralement un surcoût. Ainsi, l’organisme d’assurance- juriste. Sans oublier qu’il est possible égale-
et le Complément d’assurance crédit public (CAP) pour crédit Coface propose la CofaCap + et l’assureur Euler ment de transmettre le risque de surcoût au
les entreprises qui voient leur couverture diminuée. Hermès un dispositif baptisé Cap + EH. client. “Dans le domaine du transport routier,
Une seconde garantie, baptisée Cap +, a été mise en Une “privatisation” justifiée par la reprise de l’activité par exemple, des contrats d’approvisionnement
place pour les sociétés dont la couverture n’est plus du économique. “Désormais, on est revenu à la normale peuvent comprendre des clauses d’indexation sur CHIFFRES REVELATEURS
le cours du pétrole”, assure Benoit Cougnaud,
L’organisme de prêt aux PME Oseo, consultant en gestion des risques chez Azurris Des impayés qui coûtent cher
la Médiation du crédit, le Fonds stratégique d’investissement (FSI) Risk Advantage. Selon l’Association française des credit managers,
et le Complément d’assurance crédit public (CAP) 40 % des impayés sont dus à des dysfonctionnements
De la bonne couverture internes (contrats mal négociés, erreurs de facturation,
tout prise en charge par les assureurs crédits. Ces en ce qui concerne l’assurance-crédit”, assure Ghislain Quand l’auto-couverture est insuffisante, le absence de relance…)
dispositifs ont connu un certain succès auprès des Verstraete. Du côté du crédit aux entreprises, la situa- transfert du risque aux marchés doit être envi- Près de 41 % de l’actif des entreprises est représenté
entreprises, comme l’indique une étude Deloitte édi- tion paraît plus mitigée. Selon la Fédération bancaire sagé. Mais attention à bien l’évaluer: “La cou- par le poste client. (AFDCC)
tée en mars dernier. Ainsi, l’action d’Oseo a permis le française (FBF), en 2010, les crédits mobilisés pour les verture des risques a un coût important qui 1défaillance d’entreprise sur 4est due à des retards de
financement de 26000 entreprises à décembre 2010. TPE-PME ont progressé de 3,6 % en 2010 par rapport rebute les PME, constate Benoit Cougnaud. paiement (Astares)
Via le dispositif de médiation du crédit, près de deux à l’année précédente. Mais la Confédération générale L’entreprise doit trouver un juste équilibre entre
entreprises sur trois (63 %) ont retrouvé un finance- des petites et moyennes entreprises (CGPME) signale le prix qu’elle est prête à payer et le risque qu’elle
ment, toujours selon cette étude. Quant aux garanties des difficultés persistantes d’accès au crédit. Selon est prête à tolérer. Tout couvrir est une folie, ne
Cap et Cap +, elles ont représenté plus de 6,5milliards son baromètre édité en avril 2011, 70 % des dirigeants rien couvrir est également une folie”. C’est pour-
d’euros d’encours depuis leur lancement. 10000 PME de PME déclarent ressentir au moins une mesure de quoi il est important de faire un audit de la
ont bénéficié de cette aide. durcissement de la part de leur banque, 45 % citent situation. Autre souci, selon le consultant: “Les
Une grande partie de ce dispositif est maintenue pour des frais élevés ou des montants plus faibles que sou- PME sont souvent orientées par leurs banques
2011. L’organisme Oseo s’est vu confier 2,5 milliards haités, et 36 % des demandes de garanties supplé- vers des produits de couverture rigides”. En s’en-
d’euros pour continuer à financer l’activité des entre- mentaires. gageant par exemple sur un niveau de cours Lire les dossiers précédents
Les archives numériques
prises. De son côté, le fonds stratégique d’investisse- C.Q. des matières premières, l’entreprise ne peut nouveleconomiste.fr
ment bénéficie de 1,5 milliard d’euros supplémentai- bénéficier des baisses éventuelles. “Des solu- (consultation gratuite)

48 Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire


Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire 49
50 Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire
Communication
PUBLICITE EXTERIEURE

- Grogne à tous les niveaux


- Alternatives numériques

Le projet de décret sur l’affichage extérieur

Un pavé dans la mare


L’occasion de repenser un média historique

Rejeté ou adopté normalement courant juillet, le projet de décret portant sur la


réglementation de la publicité extérieure ne cesse d’être attaqué. Si celui-ci est
approuvé, les professionnels de la publicité vont devoir réorienter leur plan média
vers d’autres canaux publicitaires. Sans conteste, les alternatives au média affi-
chage existent. Mais c’est à celui-ci que la relation de proximité avec les consom-
mateurs appartient originellement, et les annonceurs y tiennent. Adopté ou rejeté,
le décret aura au moins permis de repenser l’utilisation d’un média historique
dont l’avenir pourrait se trouver du côté du numérique.

Par Anna Papiachvili

L
utter contre “la pollution visuelle” situation délicate où l’un de leurs principaux dessus du niveau du sol”. placée sur une bâche de chantier ne devra pas
est devenu un enjeu de taille pour outils de travail semble en passe d’être remis en Le chapitre “Publicité, enseignes et pré-ensei- dépasser les 12 m2 et “ne peut excéder 50 % de la
la ministre de l’Ecologie, du question. gnes” du décret, quant à lui, limite la “pollution surface totale d’une telle bâche”. Enfin, le décret
Développement durable, des Dans un premier temps, le décret prévoit de visuelle” avec la suppression des publicités instaure la notion nouvelle de “densité maxi-
Transports et du Logement. Son projet de déc- modifier les tailles, hauteurs et surfaces maxi- lumineuses dans les villes de moins de 10000 male”de publicités. Elle préconise une distance
ret relatif à la publicité extérieure – une appli- males des différents dispositifs. La surface uni- habitants, contrairement à 2 000 auparavant. Il minimum de 80 mètres entre chaque dispositif
cation de la loi Grenelle II, promulguée le taire maximale de la publicité ne devra pas est ainsi souhaité qu’un couvre-feu s’installe publicitaire. Cette nouvelle idée n’enchante pas
12 juillet 2010 - était soumis à la consultation dépasser les 12m2 au lieu des 16m2 actuels et la pour les publicités lumineuses à partir de minuit Stéphane Dottelonde: “Chez nous, on travaille
publique jusqu’au 17 mars dernier. L’enjeu de hauteur limite devrait être fixée à 6 mètres au- dans les plus grandes agglomérations. Selon le sur le droit, la justesse du décret, et avec ces 80 mèt-
cette potentielle nouvelle loi est clair: permet- dessus du sol pour 7,5 mètres auparavant. Des rapport de présentation du projet de décret, les res de séparation, il va falloir supprimer au mini-
tre aux citoyens de pouvoir vivre, de plus en plus, mum 90 % des publicités actuelles. Cela n’a pas de
dans “des espaces de tranquillité”. En résumé, la sens.” Une incompréhension qui a été commu-
réglementation propose de limiter les supports Le décret prévoit de modifier les tailles, niquée au ministère lors de la consultation
de publicité aux niveaux de la surface, de la hau- hauteurs et surfaces maximales des différents dispositifs publique.
teur et de la densité, tout en réduisant les nui- Le décret prévoit par ailleurs que la ville sera
sances lumineuses et en favorisant les désormais responsable des charges d’entretien
économies d’énergie. Cette réduction des pos- restrictions s’appliquant désormais pour “les bâches et les dispositifs de dimensions excep- des réseaux d’abribus. Les mairies devront de
sibilités d’affichage apparaît comme un vérita- agglomérations situées dans une commune de plus tionnelles vont être eux aussi davantage régle- ce fait financer cela dans leur budget propre.
ble pavé lancé dans la mare des publicitaires. de 10000 habitants et dans les agglomérations mentés, sans donner de précision sur le Autre point abordé, le maintien du règlement
Cela nuit gravement à “la liberté d’expression des situées dans une commune de moins de 10000 caractère “exceptionnel” de ces dispositifs. local de publicité (RLP) pour les communes.
annonceurs”, attaque Didier Beauclair, respon- habitants qui fait partie d’une unité urbaine de Ainsi, ils ne sont plus “autorisés dans les agglo- Pris à l’initiative du conseil municipal, le RLP
sable médias et relations presse à l’Union des plus de 100000 habitants, ainsi qu’à l’intérieur des mérations situées dans des communes de moins de vient compléter la réglementation nationale.
annonceurs (UDA). Les professionnels crai- emprises des aéroports et des gares ferroviaires 10000 habitants qui ne font pas partie d’un ensem- En principe, il définit des règles plus restricti-
gnent aussi de voir s’envoler des sources de reve- situés hors agglomérations”, nous apprend le déc- ble multicommunal de plus de 100000 habitants”. ves que le règlement national. Si la remise en
nus utiles à tout un secteur: “Les dispositions ret. Précédemment, dans les agglomérations de Ce projet, qui n’est en rien définitif, possède par cause de la publicité extérieure est manifeste,
actuelles du décret menacent près de 15000 emplois moins de 10000 habitants (ne faisant pas partie ailleurs un coté très technique qui risque de il n’en reste pas moins une sensation d’inachevé.
directs et indirects de la publicité extérieure”, d’une unité urbaine de plus de 100 000 habi- compliquer sa mise en application et son Christophe Neyret, directeur conseil chez Euro
déclare de son côté Stéphane Dottelonde, pré- tants), la publicité non lumineuse pouvait contrôle. RSCG, précise que “la régulation de la publicité
sident de l’Union de la publicité extérieure atteindre une surface de 12m2 pour une hauteur Les publicitaires doivent aussi tenir compte des extérieure actuelle est une bonne chose à la fois pour
(UPE). En bref, avant la décision définitive du de 6 mètres maximum.A présent, elle ne pourra nouveaux agencements concernant les bâches respecter les lieux de vie mais aussi pour l’efficacité
législateur, les professionnels sont dans une “excéder les 4 m2, ni s’élever à plus de 2 mètres au- publicitaires de chantier. En effet, la publicité publicitaire de chaque affiche”. Pouvoir concilier

Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire 51


Communication
PUBLICITE EXTERIEURE

tie d’un package qu’on propose aux clients. Mais il


est clair que sa dimension de proximité lui confère
toujours un côté attractif et rentable”. En effet, la
publicité extérieure se porte bien. Les recettes
de ce média ont augmenté de 5,4 % (affichage
grand format, transport, mobilier urbain, aut-
res petits formats) entre 2009 et 2010. De plus,
selon une étude réalisée sur le marché publici-
taire en France en 2010 par l’Irep et France Pub,
les dépenses de communication des annonceurs
pour la publicité extérieure ont crû de 5,2%. La
modification des dispositifs actuels de la publi-
cité extérieure inquiète aussi les annonceurs
qui voient là une entrave à la liberté du com-
merce. Pour Didier Beauclair, l’affichage
reste en effet “un excellent moyen de communi-
cation pour l’entreprise. Cela permet de toucher
un public bien défini. On peut grâce à lui espérer
“L’affichage est un excellent moyen de
communication pour l’entreprise. Cela permet de
un gain de notoriété sur sa marque comme une
toucher un public bien défini.” Didier Beauclair. meilleure information de son produit. C’est un
moyen d’expression important, on ne peut pas s’en
ces deux aspirations n’est pas chose aisée. La loi passer”. Une préoccupation que partage la tota-
doit-elle jongler indéfiniment entre l’un et l’au- lité des professionnels du secteur qui se voient
tre camp? là dépossédés d’un outil auquel ils doivent com-
mencer à chercher un successeur.
Grogne à tous les niveaux Enfin, les publicitaires peuvent compter dans
Décret mal compris, malvenu ou mal ficelé, tou- leur lutte sur l’appui des élus locaux. En effet,

“La régulation de la publicité extérieure actuelle


est une bonne chose à la fois pour respecter les lieux de vie
mais aussi pour l’efficacité publicitaire de chaque affiche”

jours est-il que celui-ci réunit contre lui à la fois les recettes fiscales de la publicité extérieure
les professionnels de la publicité et les anti- représentent un budget intéressant pour les
pubs. Chez les anti-pubs, le projet de décret ne
va pas assez loin alors que pour les profession-
nels, il s’avère trop restrictif. Didier Beauclair
précise que suite aux réclamations de l’UDA,
“le ministère de l’Ecologie a lancé une étude d’im-
pact afin d’examiner les conséquences de ce déc-
ret”. Point positif donc pour les professionnels
de l’outdoor. Mais en attendant, la grogne conti-
nuel.
Les trois plus grands afficheurs de France,
JCDecaux, Clear Channel Outdoor et CBS
Outdoor, réunis au sein de l’UPE, exigent des
précisions sur le décret d’application. Stéphane
Dottelonde souhaite que “le ministère travaille
encore plus avec des juristes, qu’il tienne compte
de nos contributions argumentées. On attend
actuellement que des sous-projets voient le
jour pour savoir où l’on va”. La publicité exté-
rieure reste pour les annonceurs un moyen de
communication de masse et les agences de com- “Je ne crois pas à la suppression globale de
munication l’intègrent toujours dans leurs l’affichage publicitaire. Il joue un rôle
recommandations publicitaires, même si d’information, d’animation et un rôle
Christophe Neyret reconnaît que “l’affichage est économique utile à l’urbanisme.” Christophe
un de nos outils, mais il n’est pas le seul. Il fait par- Neyret.

Paris
Un nouveau projet de règlement local de publicité (RLP)
Le 11février dernier, la Mairie de Paris a adopté un nou- de ses administrés, quid des moyens permettant de
veau projet de RLP. Via celui-ci, les élus peuvent adap- compenser la diminution des recettes engendrées par
ter la réglementation nationale à leur territoire. Cette l’affichage? En 2009 en effet, la Ville de Paris a reçu
nouvelle réglementation a été initiée par Danièle 24,8 millions d’euros de recettes de la publicité exté-
Pourtaud, adjointe au maire de Paris, chargée du rieure. Un manque à gagner substantiel que la Mairie
Patrimoine. La conseillère socialiste souhaite “une tente de combattre. En avril dernier, des élus parisiens
diminution drastique de la publicité” dans la capitale. ont lancé un appel à projet sur le thème du “Mobilier
Pour cela, le nouveau règlement prévoit de diminuer la Urbain Intelligent”. Il s’agissait de proposer une nou-
publicité extérieure de 30% dans la ville, de limiter l’af- velle manière d’aborder la publicité extérieure. Parmi
fichage sur les bâtiments en travaux à 16 m2 de super- les vainqueurs, on retrouve Oxialive avec un projet de
ficie contre 50 % de la construction actuellement. colonne numérique, deux faces tactiles, deux faces à
Néanmoins, cette règle ne s’applique pas aux monu- écran LED afin de partager l’information. Petite nou-
ments historiques car ces lieux sont régis par le code veauté, la colonne sera équipée d’un défibrillateur.

Le nouveau règlement prévoit de diminuer


la publicité extérieure de 30 % dans la ville

du patrimoine, propriété du ministère de la Culture et JCDecaux, de son côté, propose un écran numérique
de la Communication. Il prévoit aussi de réduire à 8 m alimenté par l’énergie solaire et spécialisé dans la
2

les panneaux en bordure de périphérique et de sup- publicité associative. Le 4 par 3 disparaît au profit d’un
primer définitivement le format 12 m2 les affiches 4 par affichage plus interactif, et a fortiori, plus mémorisable
3. Enfin, le projet envisage de supprimer la publicité à par les consommateurs. A présent, les responsables
proximité des écoles dans un périmètre de 50 mètres. de la voirie parisienne cherchent les meilleurs espaces
A partir de 2017, il prévoit de réduire la publicité sur les d’expérimentation pour ces nouvelles idées. Les proto-
véhicules. Les vitres, par exemple, ne pourront plus types seront testés durant 6 mois minimum à partir de
être recouvertes. Selon un sondage Ifop pour Europe fin 2011. Le projet de modification du RLP sera soumis
Ecologie réalisé en juin 2010, sur 593 Parisiens, 45 % au vote lors du prochain Conseil de Paris, annoncé au
des interrogés déclarent qu’il y a trop de publicité en 20 juin. Pour être définitivement entériné, il devra
général dans leur ville. Ils sont 81 % favorables à l’obli- recueillir la majorité des voix, plus une. Si tel est le cas,
gation d’éteindre à partir de minuit les panneaux lumi- le Maire prendra un arrêté en vue de faire appliquer
neux défilant et enfin, ils pensent à 80 % que la sup- ces nouvelles dispositions dans toute la capitale.
pression des plus grands panneaux d’affichage est A.P.
une bonne chose. Si la Mairie semble donc à l’écoute

52 Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire


Communication
PUBLICITE EXTERIEURE

lement disparu de l’espace public, les profes- pas les contours de celui-ci. Pourtant, face à la ceurs, et information pour les citoyens.
sionnels réfléchissent à des situations alterna- réduction annoncée des possibilités en termes A l’heure actuelle, les consultations avec les pro-
tives. La plupart des villes continuent de profiter d’affichage traditionnel, les agences médias fessionnels continuent toujours, assure le minis-
de l’affichage et les publicitaires peuvent espé- voient dans ce nouveau support un moyen de tère. Mais quelle que soit la décision finale, une
rer s’appuyer sur ce média dans la limite des gagner de la visibilité. Si l’affichage tradition- chose est certaine : ce décret aura permis de
cadres législatifs. Christophe Neyret ajoute: “Je nel tend à se réduire, alors les publicitaires repenser l’affichage urbain, et pourrait ouvrir
ne crois pas à la suppression globale de l’affichage devront, coûte que coûte, se tourner vers les nou- la voie à l’affichage numérique en masse. 
publicitaire, cela n’a pas de sens. L’affichage joue velles possibilités qu’offre l’innovation techno-
un rôle d’information, d’animation et un rôle éco- logique en matière d’affichage. C’est ainsi que
nomique utile à l’urbanisme.” C’est ce côté “ani- les annonceurs s’intéressent petit à petit aux
mation” qui risque de primer dans les nouvelles publicités extérieures numériques. En accord
manières de voir la publicité dans nos rues. Si le avec la législation, “encore nébuleuse dans ce
décret est adopté, il faut s’attendre à un report domaine” précise l’Udecam, les professionnels
des investissements sur de nouveaux médias, à du secteur peuvent innover dans ce champ-là.
moins que les nouveaux formats interactifs En 2009, l’affichage numérique représentait
prouvent leur efficacité aux yeux des annon- 2 % des recettes de l’outdoor, ce qui équivaut à
ceurs. Ainsi, même si Didier Beauclair explique 20millions d’euros sur un total de 1118millions
“ne pas encore en être à penser constamment aux pour la publicité extérieure générale. Au-delà
alternatives”, il avoue que le marché de la publi- des chiffres, les études réalisées sur ce nouveau

“Nous sommes entourés d’écrans et nos clients


CHIFFRES REVELATEURS
apprécient ce côté vivant de la publicité que C’est bien là l’enjeu: pouvoir continuer à cibler Enjeux colossaux
l’affichage standard ne peut pas fournir de la une audience forte tout en renouvelant le genre des publicités proposées En 2010, la publicité extérieure est le 3e média le plus
même façon.” Alice Boulard. utilisé. Il l’est par plus de 50000 annonceurs. La télévi-
sion et la presse la devancent et Internet la précède.
communes. La taxe locale sur la publicité exté- cité extérieure “connaît des mutations perma- format permettent une mémorisation plus Son chiffre d’affaires s’estime à 1118 M€ pour cette
rieure instituée en 2007 permet à certains élus nentes et une évolution lente mais réelle”. Les grande de la marque qu’avec le format statique. même année.
de réaliser des gains considérables pour leur annonceurs commencent donc à se tourner vers Les agences de publicités peuvent donc comp- (source Irep)
budget local. Enfin, conclut Christophe Neyret, de l’affichage modernisé. Car c’est bien là l’en- ter sur le savoir-faire et la créativité des profes-
“le niveau global des panneaux en France me jeu: pouvoir continuer à cibler une audience sionnels de la publicité extérieure pour
paraît déjà avoir atteint un bon équilibre. Nous n’a- forte tout en renouvelant le genre des publici- maximiser au mieux l’impact des différents for-
vons rien à gagner en proposant aux clients une tés proposées.Alice Boulard, chef de projet digi- mats numériques sur les usagers. Par exemple, Sigles & acronymes
communication oppressante, agressive et intru- tal dans l’agence de publicité BETC, fournit 400 écrans LCD équipés d’une caméra intégrée
sive”. Ainsi, pour pouvoir déclencher l’acte d’a- l’analyse suivante: “Les consommateurs sont de ont été installés dans le métro parisien afin de UDA (Union des annonceurs) ; UPE (Union de la
chat chez le consommateur, la publicité doit être plus en plus tournés vers le virtuel et le digital. Nous voir quelle partie de l’affiche est regardée et publicité extérieure); RLP(Règlement local de publi-
vue, ni plus, ni moins. Une visibilité que cette loi sommes entourés d’écrans et nos clients apprécient combien de personnes sont passées devant cette cité); Udecam (Unions des entreprises de conseil et
semble vouloir contrecarrer. Néanmoins, ces ce côté vivant de la publicité que, malheureuse- dernière. Un inconvénient tout de même, le son, d’achat média) ; Irep (Institut de recherches et d’é-
nouvelles dispositions ont au moins permis d’ou- ment, l’affichage standard ne peut pas fournir de qui n’est pas utilisable pour le moment. A l’ave- tudes publicitaires).
vrir le champ des questions sur l’avenir de la la même façon.”Aussi, le ministère et les profes- nir, il faudrait donc négocier les espaces publi-
publicité extérieure. sionnels doivent s’entendre sur la substitution citaires différemment. C’est d’ailleurs ce qui se
d’un format au profit d’un autre. fait déjà en Allemagne avec Wall AG qui, sur une
Alternatives numériques Le ministère tient aussi compte du développe- publicité numérique, propose en même temps Lire les dossiers précédents
Sans en arriver à des situations extrêmes, ment de ces nouveaux procédés publicitaires des services immatériels pour la ville (informa- Les archives numériques
comme le cas de la ville de Forcalquier, dans les dans le projet de décret. Il propose un “encadre- tions sur les musées, les restaurants…). En nouveleconomiste.fr
ment”des supports numériques mais ne précise somme, un deal entre espace pour mes annon- (consultation gratuite)
Alpes de Haute-Provence, où la publicité a tota-

Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire 53


54 Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire
Services généraux
VOYAGES D’AFFAIRES

- “Bruyant, coûteux et tape-à-l’œil”


- Le champion des courtes distances
- Des infrastructures à la traîne
- Les cartes à jouer

Au pays du leader mondial du secteur

Paradoxe français
L’hélicoptère d’affaires n’est toujours pas entré dans la mentalité française

Pouvoir se poser à peu près n’importe où, échapper aux longues formalités d’em-
barquement ou encore aux embouteillages… L’hélicoptère dispose de nombreux
atouts pour séduire les chefs d’entreprises et cadres en voyages d’affaires.
Paradoxalement, en France, pays du leader mondial des fabricants d’hélicoptè-
res, Eurocopter, ce marché n’arrive pas à décoller. Secoué de plein fouet par la
crise, il souffre également d’un déficit d’infrastructures et peine à conquérir un
public pas vraiment converti à la solution hélicoptère. A rebours des clichés, flexi-
ble, rapide et de plus en plus confortable et silencieux, ce mode de transport a
pourtant beaucoup à offrir aux habitués des voyages d’affaires.

Par Claire Ageneau

M
atériaux précieux,boiseries élé- moins luxueux, et donc moins chers, aptes à mondial du secteur, est d’ailleurs installé à aires d’atterrissage et de décollage situées au som-
gantes,sièges et espaces de ran- séduire une clientèle business plus large. Malgré Marignane, près de Marseille. Pourtant, la clientèle met des immeubles. New-York et Tokyo figurent
gements pouvant adopter cet important savoir-faire technologique, indus- d’affaires qui utilise l’hélicoptère se réduit de mois en également parmi les mégapoles dans lesquelles
plusieurs configurations, triel et commercial made in France, le marché des mois”, déplore Eric Aguettant, président d’EBAA l’hélicoptère est largement utilisé. Perçu comme
niveau de confort très important… lors du salon hélicoptères d’affaires peine franchement à décol- France (European BusinessAviationAssociation). pratique, rapide et fiable en Amérique du Nord,
EBACE (European BusinessAviation Convention ler dans l’Hexagone. Une étude de la Chambre de Comme bien d’autres secteurs,l’hélicoptère a pâti enAsie du Sud-Est et dans bien des pays d’Europe,
and Exhibition) du mois de mai dernier, commerce et d’industrie de Paris, réalisée en de la crise et de la nécessaire réduction des coûts l’hélicoptère souffre en France d’une très mau-
Eurocopter, filiale d’EADS, présente l’EC145 2005, révèle ainsi que les voyages d’affaires effec- à tous les étages des entreprises. Mais pas seule- vaise image.
“Mercedes-Benz Style”. L’intérieur de l’appareil, tués en hélicoptère représentent à peine plus de ment. Au-delà de la conjoncture, l’hélicoptère
conçu par le constructeur automobile, s’inspire “Bruyant, coûteux et tape-à-l’œil”
des modèles très haut de gamme de Mercedes. Perçu comme pratique, rapide et fiable en Amérique du Nord, Si l’hélicoptère reste clairement sous-utilisé en
Dans la lignée de l’Eurocopter EC135 entière- en Asie du Sud-Est et dans bien des pays d’Europe, France, à la différence de nombreux autres pays
ment designé par Hermès, dont le premier exem- l’hélicoptère souffre en France d’une très mauvaise image étrangers, c’est en grande partie à cause de son
plaire a été vendu en mai 2009 à une compagnie important déficit d’image. Souvent perçu comme
d’Abou Dhabi, cet appareil a été conçu pour les étant réservé à l’univers “fric et frime”, il reste
déplacements privés, mais aussi professionnels, 1% des déplacements professionnels en France. semble peiner à convaincre les entreprises fran- snobé par des patrons soucieux d’afficher leur
d’une clientèle ultra-VIP.Sur le segment des appa- Une utilisation marginale qui peut laisser son- çaises. Une situation qui contraste fortement avec sobriété en temps de crise. “Le phénomène est assez
reils civils pouvant être dédiés aux voyages d’af- geur. “Il s’agit d’un énorme paradoxe. La France a celle observée dans d’autres pays.A Sao Paulo par net depuis les années 90. L’hélicoptère est associé à la
faires, le leader mondial des fabricants une longue histoire avec l’hélicoptère, elle fait partie exemple, les 540 appareils immatriculés dans la richesse, à l’élitisme. En France, une société dont les
d’hélicoptères propose bien sûr des appareils des pays pionniers en la matière. Eurocopter, le leader ville brésilienne disposent de 200 “hélipads”, ces membres se déplacent en hélicoptère est considérée

Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire 55


56 Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire
Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire 57
Services généraux
VOYAGES D’AFFAIRES

comme m’as-tu-vu. Les gens ne veulent pas être taxés termes d’image,l’hélicoptère est également freiné vés. Au fond, l’hélicoptère n’est pas assez connu
d’une telle réputation”, explique Alexandre par un deuxième obstacle de taille: son coût. des potentiels clients d’affaires français,qui le per-
Milleret, pilote d’hélicoptère, qui a beaucoup tra- Plusieurs solutions existent,de l’achat d’appareils çoivent comme tape-à-l’œil, cher, et pour certains
vaillé sur ce marché des déplacements profes- neufs ou d’occasion, à la location, en passant par bruyants et inconfortables, sans l’avoir véritable-
sionnels. Un frein d’autant plus important que les le recours à des opérateurs spécialisés. Ces der- ment expérimenté. “Pour beaucoup, la seule expé-
habituels clients français de l’hélicoptère, hom- niers facturent en règle générale l’heure de vol rience de l’hélicoptère se résume à avoir été redescendu
mes politiques, dirigeants de grandes entreprises entre1200 et2600 euros, selon le type d’appareil par les secours en montagne après une chute de ski.
du CAC 40 ou encore personnalités du show-busi- utilisé. “Oui c’est une somme, mais ce coût est à rela- Une expérience souvent un peu traumatisante, qui
ness, souhaitent souvent faire preuve de discré- tiviser. Emmener cinq clients en hélicoptère pour ne les pousse pas à aller vers ce mode de transport”,
tion lors de leurs déplacements. Une exception déjeuner dans un relais et château d’Ile-de-France, ajoute le président d’Aviaxess. Largement sous-
tout de même, l’usage “événementiel” de l’héli- n’est pas forcément plus cher que de les inviter à la utilisé, prisonnier de son image, l’hélicoptère d’af-
coptère, lors du Festival de Cannes ou du grand Tour d’Argent en plein Paris”, souligne Frédéric faires n’arrive donc pas à conquérir de nouveaux
prix de Formule 1 de Monaco, par exemple, pen- Aguettant, président d’Aviaxess, une compagnie publics et à entrer dans les mœurs. Une situation
dant lesquels il s’agit plutôt d’être vu que de ne aérienne d’hélicoptères et avions d’affaires, éga- d’autant plus dommageable que ce mode de
pas se faire voir. Pas forcément facile à assumer en lement gestionnaire d’une flotte d’appareils pri- déplacement a de nombreux atouts à offrir.

Militaire et civil Le champion des courtes distances


Le Bourget/Rambouillet en 15 minutes, Le
Une grande diversité d’application Bourget/Orléans en 45 minutes, Paris/Bruxelles
Disposant de véritables atouts sur le marché des voya- sportifs comme le tour de France, d’assurer le en 1h15, Paris/Londres en 1h20… Sur les courtes
ges affaires, l’hélicoptère ne se contente pas de ce seul transport off-shore des ouvriers de plateformes pétro- distances, l’hélicoptère défie toute concurrence.
segment et peut trouver une grande diversité d’appli- lières, d’assurer la surveillance des lignes électriques Plus rapide que la voiture, exempté des embou- “Emmener cinq clients en hélicoptère pour
cation. Sa maniabilité, sa capacité à se maintenir en vol et des éoliennes, ou encore de sauver des vies lors de teillages routiers, moins soumis à la pesanteur du déjeuner dans un relais et château d’Ile-de-
stationnaire et à atteindre des lieux difficiles d’accès grandes catastrophes naturelles, l’hélicoptère tire sa train et de l’avion, en matière d’infrastructures et France, n’est pas forcément plus cher que de les
ont fait son succès dans bien des domaines d’activité, force de ses qualités intrinsèques de rapidité et de de temps d’embarquement, il constitue donc une inviter à la Tour d’Argent en plein Paris.”
notamment militaire. Depuis le milieu du XXe siècle, en maniabilité. Cette grande diversité d’usages, assez alternative extrêmement pertinente pour de Frédéric Aguettant, Aviaxess.
particulier depuis les guerres menées par les Etats- peu connue du grand public, pourrait pourtant lui per- courts déplacements professionnels. “Sur un
Unis en Corée et au Vietnam, son usage s’est imposé mettre d’améliorer son image. “Il peut rendre des ser- rayon de 300 à 400 kilomètres, c’est une solution
sur les champs de bataille. En 2010, 49% des appareils vices énormes. Nous sommes tous potentiellement extrêmement performante qui mérite d’être étudiée. férence de taille par rapport aux avions de ligne
Pour les clients qui souhaitent miser sur la rapidité, et jets privés obligés de se poser dans des aéro-
Cette grande diversité d’usages, assez peu connue du grand public, c’est très adapté. Un trajet Monaco-Nice en hélicop- ports et aérodromes souvent éloignés des centre-
pourrait pourtant lui permettre d’améliorer son image
L’hélicoptère n’est pas assez connu des potentiels clients d’affaires français,
commandés à Eurocopter étaient des hélicoptères concernés par le fait que l’hélicoptère peut sauver des qui le perçoivent comme tape-à-l’œil, cher, et pour certains bruyants
militaires. On distingue également l’utilisation parapu- vies, par exemple lorsqu’il transporte en urgence des et inconfortables, sans l’avoir véritablement expérimenté.
blique de l’hélicoptère, pour des missions de recher- personnes venant d’être victimes d’un infarctus, pour
che et de sauvetage par la police, la gendarmerie, le lesquelles chaque minute compte”, souligne ainsi Eric
Samu ou encore la sécurité civile. Dans le domaine Aguettant, président d’EBAA France (European tère s’effectue en 6 minutes pour 150 euros par per- villes et sites ciblés par les déplacements
civil, outre le transport de passagers, l’hélicoptère peut Business Aviation Association). Cette multiplicité d’ap- sonne. Quand on voit le temps nécessaire par la route, d’affaires. L’hélicoptère est d’ailleurs souvent uti-
servir lors de missions beaucoup plus inattendues. plications a par ailleurs permis aux exploitants d’héli- cela fait réfléchir”,souligne Alexandre Milleret.Au- lisé pour pallier cet inconvénient et intervient
“Nous assurons, avec notre flotte, des prestations coptères français de miser sur la diversification de delà de sa rapidité intrinsèque, c’est la capacité alors comme dernier maillon de la chaîne lors d’un
techniques pour lesquelles l’hélicoptère est utilisé en leurs activités et ainsi de mieux faire face à la crise. Une de l’hélicoptère à se poser à peu près n’importe voyage professionnel. “En tant que compagnie
tant qu’engin de levage. Les gens ignorent souvent stratégie qu’ils pourraient bien être contraints de pour- où qui a de quoi séduire.“Je me souviens d’un grand aérienne de jets et d’hélicoptères, nous proposons le
qu’il est plus rapide, moins cher et plus efficace qu’une suivre vu la morosité du marché des hélicoptères d’af- patron que j’accompagnais d’usine en usine. Je me “bord à bord” à nos clients. Cela consiste à moduler
grue”, indique par exemple Laurent Safar, le président faires. posais directement sur les sites concernés ou dans les ces deux modes de transport. En descendant de l’a-
d’Ixair. Qu’il s’agisse de filmer de grands événements C.A. champs à proximité”, confirme le pilote. Une dif- vion, un homme d’affaires peut embarquer directe-

58 Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire


Services généraux
VOYAGES D’AFFAIRES

dans la culture business française. Mais pas seu-


lement. Pour se développer sur le segment des
voyages d’affaires et vaincre les préjugés, le sec-
teur a besoin d’un minimum d’infrastructures et
de soutien des pouvoirs publics.

Des infrastructures à la traîne


Si l’hélicoptère ne nécessite pas d’infrastructures
aussi lourdes que l’avion, il a tout de même besoin
d’un maillage minimum d’héliports ou d’hélista-
tions, d’entrepôts de stockage et de maintenance
des flottes, ainsi que de locaux d’accueil pour une
clientèle d’affaires haut de gamme. Problème: la
France semble plutôt à la traîne en la matière. Un
retard qui n’aide pas la profession à lutter contre
la crise et à élargir sa clientèle. “L’hélicoptère est en
plein boom dans le monde entier.Toutes les capitales
et les grandes villes s’équipent d’héliports dotés d’un
accueil de qualité. En France, l’Etat, pas plus que les
collectivités territoriales, n’ont de schéma directeur
en la matière. C’est vraiment dommage dans la
“Avec le développement du Grand Paris, et donc mesure où l’hélicoptère peut être un facteur de dés-
d’une agglomération aux limites plus enclavement, de dynamisation des territoires”,
perméables et extensibles, l’hélicoptère a une affirme Eric Aguettant. A Paris, l’activité se
véritable carte à jouer.” Eric Aguettant, EBAA concentre sur l’aéroport d’affaires du Bourget et
France. sur l’héliport “historique” de Paris,situé à Issy-les-
ment dans un hélicoptère pour atteindre le but pré- Moulineaux.Un site vieux d’un siècle,qui a vu cer-
cis de son voyage”,indique Laurent Safar,président tains pionniers de l’aviation tels que Louis Blériot
de la société Ixair,qui assure également un service se livrer à leurs premiers essais de vol, et qui cris-
de conseil à l’achat, à la vente et à la maintenance tallise aujourd’hui l’incompréhension entre les

L’Etat, pas plus que les collectivités territoriales,


n’ont de schéma directeur en matière de construction d’héliports

des avions et hélicoptère privés.Ces atouts de l’hé- professionnels de l’hélicoptère et les pouvoirs
licoptère – rapidité et flexibilité en tête – la filière publics. Situé dans un environnement urbain très
peine à les mettre en avant pour attirer une clien- dense, l’héliport est dans la ligne de mire de nom-
tèle d’affaires plus large. Un problème de menta- breuses associations de riverains, soutenus par les
lité certes, puisque l’hélicoptère n’est pas ancré élus locaux, qui réclament une réduction du tra-

3 questions à
Louis Le Portz, commissaire général du SIEA Paris Le Bourget*
“Une forte présence de délégations des pays émergents”
Le Salon International de l’Aéronautique et de
l’Espace, plus connu sous le nom de Salon du
Bourget, est un bon baromètre des tendances sur
les marchés concernés. Comment se porte celui
des hélicoptères d’affaires?
Les hélicoptères, c’est un marché un peu plat depuis
quelques années. De même que les avions d’affaires,
ceux destinés aux déplacements professionnels, ont
fortement souffert de la crise. Par ailleurs, les hélicop-
tères ont une image assez négative, à cause du bruit,
de l’inconfort, mais ces paramètres sont en train de
beaucoup s’améliorer. Les industriels nous indiquent
qu’ils observent des signes de reprise plutôt encoura-
geants. La filière hélicoptère est bien entendu intégrée
au programme du Salon. Eurocopter présentera
notamment le prototype X3, un appareil ultrarapide
qui atteint les 220 nœuds (408 km/h) en vitesse de
croisière.

Comment s’annonce cette édition 2011 du Salon du


Bourget?
Nous sommes un salon généraliste qui couvre à la fois “Des études d’impact et de motivation
le civil, le militaire, l’aéronautique, l’aviation Cette démontrent que nous demeurons le plus grand
année, nous allons battre tous les records en terme de salon du monde dans notre domaine, un must en
nombre d’exposants. C’est le signe d’une véritable la matière.”
reprise du secteur. Des études d’impact et de motiva-
tion démontrent que nous demeurons le plus grand note depuis quelques années la présence de fortes
salon du monde dans notre domaine, un must en la délégations des pays émergents, tels que la Chine,
matière. Comme chaque année, le programme sera l’Inde ou certains pays d’Amérique du Sud, comme le
riche et varié, avec entre autres la présence du Boeing Chili. Les jours suivants, du vendredi 24 au dimanche
787, du Boeing 747-800, des avions d’affaires de 26 juin, sont ensuite consacrés à l’accueil du grand

“Nous allons battre tous les records en termes de nombre d’exposants.


C’est le signe d’une véritable reprise du secteur”

Bombardier ou encore des appareils d’Airbus Military. public. On réalise alors que la France a une longue his-
Solar Impulse, l’avion monoplace uniquement alimen- toire aéronautique et que cela fait encore rêver les fou-
té par l’énergie solaire, développé par Bertrand Piccard les. Les gens viennent en famille, c’est une grande fête
et André Borschberg, constituera également une populaire. Les démonstrations en vol rencontrent un
attraction important du salon et devrait attirer beau- franc succès. Ces dernières sont très spectaculaires
coup de monde. puisque nous faisons voler une multitude d’avions en
pleine zone urbaine, ce qui implique évidemment le
Qui sont les visiteurs qui se rendent au Salon du respect de processus de sécurité drastiques.
Bourget?
Du lundi 20 au jeudi 23 juin, le Salon est réservé aux * Salon International de l’Aéronautique et de l’Espace,
professionnels des secteurs de l’aéronautique, de l’a- aéroport Paris Le Bourget, du 20 au 26 juin 2011.
viation et de l’aérospatiale. Lors de ces journées, les 138000 visiteurs professionnels, 193000 visiteurs
visiteurs étrangers sont toujours très nombreux. grand public.
Traditionnellement, les Anglo-Saxons, et surtout les
Américains, sont parmi les plus représentés, mais on C.A.

Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire 59


Services généraux
VOYAGES D’AFFAIRES

fic et donc du bruit. Les préoccupations croissan- l’Hexagone? Entre la mauvaise image dont souf- mode de transport. Ces éventuels clients n’ont CHIFFRES REVELATEURS
tes en matière de développement durable, conju- fre ce mode de transport et le soutien restreint pas forcément vocation à adopter l’hélico à
guées à l’installation en 2014 à proximité du futur des pouvoirs publics à la filière, les perspectives haute fréquence et à grande échelle, mais peu-
Le fleuron industriel Eurocopter
ministère de la Défense, sorte de Pentagone à la de développement semblent limitées à court et vent l’utiliser de façon ponctuelle et non négli-
française, nécessitant une limitation des survols, moyen terme. Certaines prestations, générant geable. Si les mentalités françaises n’évolueront Eurocopter, filiale du groupe EADS, qui emploie 15600
ne jouent pas en faveur des businessmen habitués une activité plus soutenue, sont tout de même pas du jour au lendemain, l’hélicoptère entend personnes est le numéro 1 mondial sur le marché des
de l’héliport. En juin2009, le secrétaire d’Etat aux développées par les opérateurs du secteur pour bien bénéficier des dynamiques engendrées par hélicoptères civils et parapublics. L’entreprise dont le
Transports Dominique Bussereau annonçait ainsi convertir de nouveaux clients à la solution héli- certains grands projets. “Avec le développement siège social est situé à Marignane, a réalisé en 2010 un
que les vols des hommes d’affaires et VIP – qui coptère. Beaucoup proposent par exemple des du Grand Paris, et donc d’une agglomération aux chiffre d’affaires de 4,8 Md€, en hausse de 6 % par
représentent un tiers des 12000 rotations annuel- vols touristiques, baptêmes, survols de lieux limites plus perméables et extensibles, l’hélicoptère rapport à 2009. Eurocopter a livré 527 appareils en
les – seraient interdits à l’horizon 2014 à l’héliport prestigieux et autres déplacements liés aux loi- a une véritable carte à jouer. Avec les avancées tech- 2010 et a reçu 346 commandes d’appareils, pour un
d’Issy, sauf lors d’événements exceptionnels tels sirs. Un bon moyen de capter un public qui pour- nologiques, le bruit a été divisé par trois en dix ans. montant de 4,3 Md€. Des prises de commande qui
que le salon du Bourget.Trois nouvelles hélista- concernent pour 51 % d’entre elles des hélicoptères
tions devraient être créées aux abords de Paris “Nous avons proposé d’effectuer des liaisons Paris-Roissy, civils et pour 49%des appareils militaires. 27%de ces
pour compenser cette mesure. Mais ces projets commandes sont destinées au marché européen et
tardent, pour l’heure, à voir le jour. “Nous nous
cela a été refusé” 73 % à l’exportation au-delà du continent. 11200
appuyons sur des infrastructures, nous avons donc appareils produits par Eurocopter sont actuellement
besoin d’avoir une volonté politique derrière nous. Or rait aussi adopter l’hélicoptère pour ses voyages Aujourd’hui un appareil qui vole à 300 mètres d’al- en service dans le monde, auprès de 2900 clients,
nous avons l’impression que notre potentiel de dyna- d’affaires. “Ces moments de découverte sont l’oc- titude ne fait pas plus de bruit qu’un camion sur le répartis dans 147 pays. Les hélicoptères produits par
misation économique n’est pas toujours pris en casion rêvée de faire la promotion de l’hélicoptère. périphérique. Il a donc toute sa place en zones urbai- cette entreprise représentent 33 % de la flotte mondi-
compte. Nous avons proposé d’effectuer des liaisons Quand nous sommes face à un cadre ou un chef nes”, déclare Eric Aguettant. Mais à l’heure des ale civile et parapublique.
Paris-Roissy, cela a été refusé. Aujourd’hui, un busi- d’entreprise, nous essayons de lui faire percevoir les déplacements doux et du développement dura-
nessman américain qui par exemple vient prospec- atouts d’un tel mode de transport au plan profes- ble, la route – ou plutôt le vol – est encore long
ter pour installer une société a le choix entre le taxi et sionnel”, raconte Frédéric Aguettant. Les opé- avant que l’hélicoptère puisse être utilisé à la
le RER pour quitter l’aéroport”, indique Laurent rations d’incentive que permet l’hélicoptère manière d’un taxi, comme au Canada, aux Etats- Sigles & acronymes
Safar. Secoué par la crise, plombé par son déficit auprès de salariés, de fournisseurs ou de clients Unis ou au Brésil. C’est d’ailleurs la clientèle
d’image, l’hélicoptère souffrirait donc d’un impor- remplissent le même office. “Avec la crise, les bud- d’affaires étrangères qui utilise en grande par- EBAA (European Business Aviation
tant manque de soutien public. Difficile dès lors gets de communication, de marketing ont été for- tie l’hélicoptère en France. En Ile-de-France, sur Association); SIAE (Salon international de
de développer un maillage territorial important tement réduits un peu partout, mais nous la Côte d’Azur ou dans les Alpes, les ressortis-
l’aéronautique et de l’espace)
qui pourrait drainer une clientèle d’affaires plus observons tout de même des signes encourageants sants des Pays de l’Est, du Moyen-Orient ou
large, qu’elle passe par l’achat, la location d’héli- de reprise. Beaucoup de chefs d’entreprise se ren- d’Amérique du Nord sont demandeurs en la
coptère ou qu’elle fasse appel à des compagnies dent compte que leurs clients aiment l’hélicoptère”, matière. Reste à leurs homologues français à se
spécialisées. poursuit le président d’Aviaxess. Les vols tou- laisser convaincre par la rapidité et la flexibilité
ristiques et opérations d’incentive sont d’autant de l’hélicoptère, pour impulser un cercle ver-
Les cartes à jouer plus intéressants qu’ils permettent de toucher tueux, qui verrait ce marché croître, les infras- Lire les dossiers précédents
Les archives numériques
Les voyages d’affaires en hélicoptère sont-ils des PME ou des entreprises au potentiel finan- tructures se développer et l’offre s’élargir. 
nouveleconomiste.fr
donc voués à demeurer marginaux dans cier moins important que les “habituées” de ce (consultation gratuite)

60 Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire


Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire 61
62 Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire
Aéronautique
ÉQUIPEMENTS

- La niche ou la taille
- Aerolia, le consolidateur
- Latécoère, la pépite
- Sogerma et Daher Socata, en retrait
- Le coup d’envoi d’Airbus

La filière de l’aérostructure en effervescence

Big is beautiful
A quand le coup d’envoi de l’inéluctable concentration

Dans un marché dominé par des géants comme l’Américain Spirit ou les Japonais
MHI, KHI et IHI, les entreprises d’aérostructures françaises peinent à atteindre
une taille critique. Le secteur a cependant besoin d’un acteur français ou euro-
péen de stature internationale. Car la généralisation de l’externalisation et de la
pratique du risk sharing chez les donneurs d’ordre tels que Boeing et Airbus
demande aux fournisseurs d’avoir les reins solides. Les groupes Latécoère, Aérolia,
Sogerma ou encore Daher Socata devront sans doute se lancer dans un mouve-
ment de concentration s’ils veulent participer aux prochains programmes des deux
géants de l’aéronautique.

Par Fabien Humbert

L
e marché mondial de l’aérostruc- L’actuelle effervescence autour du secteur de l’aé- vers leurs filiales. “Ce secteur d’activité est marqué un avion de A jusqu’àZ,se félicite Damien Lasou,
ture – qui regroupe les éléments de rostructure pourrait favoriser la création d’un par une très forte exigence de qualité, explique ce serait dommage de perdre cette spécificité parce
structures métallique et composite champion français et/ou européen, susceptible de Damien Lasou, c’est pourquoi Boeing et Airbus que les acteurs de la filière aérostructure n’ont pas
des avions et hélicoptères – pèse concurrencer Spirit.“Airbus a en effet intérêt à sus- feront appel aux meilleures entreprises pour travailler atteint la taille critique.”
actuellement 40 milliards de dollars par an. Un citer la naissance d’un groupe européen pouvant faire sur leurs avions, qu’elles soient françaises, américai-
chiffre d’affaires certes significatif, mais que se face à Spirit,affirme Damien Lasou,ne serait-ce que nes ou autres.” La niche ou la taille
partagent pas moins de 168 acteurs. “Il s’agit là pour empêcher la création d’un monopole”. Le secteur de l’aérostructure est donc promis à un La généralisation de la pratique du “risk sharing”
d’une spécificité de la filière,analyse Damien Lasou, Il faut cependant se garder de voir le marché de bel avenir… sous réserve pour ses acteurs d’at- ou partage de risque, devrait de toute façon pré-
responsable mondial de l’activité aérospatiale et l’aérostructure mondiale comme une lutte entre teindre la taille critique. “S’ils veulent participer cipiter la concentration du secteur.Avant les der-
défense d’Accenture, car sur d’autres marchés Européens et Nord-Américains. La réalité est en au programme New Short Range, qui est destiné à niers développements, Airbus imaginait et
comme les moteurs ou les systèmes,les acteurs impor- effet beaucoup plus complexe, puisque les entre- remplacer l’A 320 à horizon 2020, les acteurs français construisait la plupart des pièces d’aérostructu-
tants se comptent sur les doigts de la main.” prises américaines n’hésitent pas à faire appel à ou européens devront atteindre une taille critique qui res destinées à ses avions. Mais la firme de
La filière s’illustre de plus par un nombre impor- des entreprises européennes et vice-versa. Par me semble être autour des 2 milliards de dollars de Toulouse a commencé à externaliser la fabrica-
tant de nouveaux entrants. Cette appétence s’ex- exemple, en 2008 Airbus a confié à Spirit chiffre d’affaires par an”, explique David Bonnus. tion de pièces de fuselage de plus en plus grosses.
plique par le fait que l’aérostructure est une Aerosystems la production d’éléments de fuse- Or la plupart des acteurs de rang 1 de l’aérostruc- Puis, en particulier dans le cadre de Power 8, elle
bonne porte d’entrée pour se positionner comme lage de son futur long courrier A350 XWB. Spirit ture française peinent à atteindre le milliard de
acteur global sur le marché de l’aérospatial. C’est a de son côté construit une usine à Saint-Nazaire. dollars de CA.La route est encore longue pour éga-
par exemple la stratégie choisie par l’Indien Boeing travaille régulièrement avec des parte- ler les 3,6 milliards de dollars réalisés par Spirit
Mubadala. naires français à travers la Boeing French Team, dans l’aérostructure. La solution la plus rapide
La filière de l’aérostructure française est pour sa
part relativement naissante, car elle a été long- Le marché de l’aérostructure – qui regroupe les éléments de structures
temps intégrée. Le modèle économique d’Airbus
était alors de conserver les entreprises en son sein. métallique et composite – pèse actuellement 40 milliards de dollars.
Puis des produits jusqu’alors construits parAirbus Un chiffre d’affaires que se partagent pas moins de 168 acteurs
ont été progressivement confiés à des tiers.“Cette
tendance s’est concrétisée avec le vaste de plan de ce qui représente 4milliards de dollars de chiffre semble être une concentration par le rachat ou la
réduction des coûts, plan baptisé Power 8 et lancé par d’affaires par an pour l’industrie hexagonale. De fusion.Et cette concentration devrait se faire dans
Christian Streiff en 2007”, explique David Bonnus, son côté,Aerolia,filiale d’EADS,a signé un contrat les 5 ans, et peut-être en plusieurs étapes pour que
cofondateur de Step Consulting.Très décrié à l’é- avec Bombardier et travaillera sur les fuselages la nouvelle entité soit prête à se lancer dans ces
poque, ce plan devait permettre à la société d’é- du Global 7000 et du Global 8000 de l’avionneur programmes à forte valeur ajoutée. Car les aéro-
conomiser 2 milliards d’euros, en supprimant canadien. structuriers français devront être capables de sou-
10000 emplois et en cédant plusieurs usines. Un autre niveau de complexité apparaît lorsqu’on tenir des investissements lourds, avec des
Notamment celles produisant des aérostructures. sait que des groupes comme Airbus et Boeing sont partenariats basés sur le partage du risque. Ils
Airbus suivait ainsi l’exemple de Boeing qui, en les plus gros donneurs d’ordres du secteur, mais devront notamment être capables de faire face à
lançant une vaste campagne d’externalisation, possèdent aussi certains des plus importants four- la production de morceaux de fuselage de plus en “La France est un des rares pays à savoir
avait suscité l’émergence du numéro 1 mondial nisseurs. Comme Aerolia et Spirit. Il arrive ainsi plus gros et de plus en plus complexes. “La France construire un avion de A jusqu’à Z.” Damien
de l’aérostructure, l’Américain Spirit. que Boeing et Airbus travaillent ensemble à tra- est un des rares pays (avec les USA) à savoir construire Lasou, Accenture.

Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire 63


Aéronautique
EQUIPEMENTS

ses doivent grossir si elles veulent continuer à décro- de Méaulte et Saint-Nazaire, Aerolia, entreprise d’Investissement (FSI) à son capital, Daher
cher des partenariats en risques partagés, face à des de 2500 salariés, est désormais une filiale à 100% a pu lancer un nouveau plan d’investissements de
concurrents américains ou asiatiques de taille signi- d’EADS.Créée en 2009,Aerolia est une entreprise 200 millions d’euros sur cinq ans, l’ambition
ficativement plus importante.” Que ce soit avec au chiffre d’affaires diversifié, mais spécialisée étant d’atteindre 1,5milliard de dollars de chiffre
Airbus, Boeing ou les acteurs émergents. dans la fabrication de pointes avant d’avions. d’affaires en 2013. Le groupe a entre
De plus, si les acteurs restent petits, ils subiront la Cette appartenance au groupe EADS lui permet autres lancé la construction de deux nouvelles usi-
concurrence des pays à bas coûts. Notamment certes d’être impliqué sur tous les best-sellers nes, à Nantes et Marignane. Bien qu’ayant été
l’une des premières à pratiquer le risk sharing,
Daher ne semble pas intéressé par une fusion ou
“Le groupe Airbus a intérêt à susciter la naissance une acquisition sur le marché de l’aérostructure
d’un groupe européen pouvant faire face à Spirit qui remette en cause son modèle économique.“Le
ne serait-ce que pour empêcher la création d’un monopole” groupe est très diversifié, et organisé autour de deux
axes: un axe industrie-services et un axe aéronau-
ceux qui profitent de la faiblesse du dollar par rap- d’Airbus, et de bénéficier de l’expérience de la tique-nucléaire-défense, analyse David Bonnus. Un
port à l’euro. Dans ce cas, les acteurs français peu- maison mère, de ses carnets de commandes rem- investissement massif sur le marché de l’aérostruc-
vent eux-mêmes délocaliser dans des pays à bas plis et d’importantes cadences de production. ture les freinerait dans leur développement sur les aut-
coût. “Mais c’est reculer pour mieux sauter, prévient Mais elle doit également démontrer sa capacité à res axes.” Et de fait, Daher-Socata semble s’être,
Jérôme Rein. Car la seule stratégie par les coûts bas fonctionner avec d’autres donneurs d’ordres. pour l’instant, retiré du jeu de la concentration.
“Les acteurs français et européens vont devoir ne permettra pas de rester partenaire de rang 1.” La Aerolia est en effet restée quasiment mono-client
atteindre une taille critique s’ils veulent course à la taille n’est cependant pas la seule jusqu’à la signature cette année du contrat avec Le coup d’envoi d’Airbus
participer au programme New Short Range.” option qui s’offre aux fabricants d’aérostructures Bombardier. Aerolia a été choisi pour la concep- En sa qualité de maître d’œuvre et de construc-
David Bonnus, Step Consulting. français et européens. “Une bonne solution peut tion, la production et le support du fuselage pour teur d’aérostructure (via ses filiales Aerolia,
aussi consister à devenir un acteur de niche, un spé- les avions d’affaires biréacteurs Global 7000 et Sogerma et Aerotec), Airbus sera sans doute au
a demandé à ses fournisseurs de développer puis cialiste d’une partie de fuselage complexe où la Global 8000 de Bombardier. Les tronçons cen- centre des velléités de concentration du secteur.
d’assembler eux-mêmes ces sous-ensembles d’a- concurrence peut être plus faible, quitte parfois à se traux de ces avions, longs de 12 à 14 mètres, seront “La politique d’externalisation et de collaboration
vions. “Les fournisseurs doivent désormais investir en partage de risque, amorcée sur l’A350, devrait
lourdement dans la R&D, explique Jérôme Rein, Si toutes les pièces du puzzle sont aujourd’hui connues, prendre de l’ampleur dans les futurs programmes,
consultant chez Roland Berger. Ils partagent les prévoit Zafar Kahn. Ce qui donnera aux aérostruc-
risques avec les avionneurs en concevant et en assem- personne ne sait encore avec certitude comment elles s’assembleront
blant eux-mêmes des parties importantes et com-
plexes du fuselage.” Une pratique qui change positionner en rang 2”, explique Jérôme Rein. La produits dans les trois usines du groupe,en France
complètement le modèle économique des acteurs spécialisation sur des niches par opposition au et enTunisie. Ce succès commercial doit à présent
car fabriquer et commercialiser de petites pièces positionnement sur des pièces de fuselage plus se doubler d’un succès industriel avec ce nouveau
de fuselage nécessite des investissements plus simples permet ainsi de limiter la concurrence des partenaire. Fort du soutien d’Airbus et de cette
modérés. En partage de risques, le fournisseur pays à bas coûts et de conserver des positions diversification en cours,Aerolia pourrait jouer un
investit en amont, mais est intéressé sur le long enviables auprès des avionneurs. rôle de consolidateur qui en ferait un acteur
terme. Les bénéfices seront plus importants si le incontournable du secteur.
programme fonctionne. “Il faut donc avoir les reins Aerolia, le consolidateur
solides pour supporter de tels programmes, analyse Comme sa “jumelle” allemande Premium Latécoère, la pépite
Jérôme Rein, c’est pourquoi les entreprises françai- Aerotec, construite sur la base des usines Airbus Alors qu’en 2009, Latécoère apparaissait comme
l’acteur principal de la future concentration de
l’aérostructure française, la crise, le dollar et les
3 questions à positions prises sur plusieurs programmes ont
stoppé,ou du moins nettement repoussé,ses ambi-
Yves Galland, PDG de Boeing France tions. Le groupe aéronautique français avait lour-
“Un travail d’équipe très rare dans le monde des affaires” dement investi dans des projets en partage de
risques avec ses partenaires. Sans doute trop à la
Le groupe Boeing travaille-t-il avec des entreprises fois. Or la plupart ont connu des retards, repous-
“Les fournisseurs partagent les risques avec les
françaises? sant d’autant le retour sur investissement. Il s’en
avionneurs en concevant et en assemblant eux-
La relation nouée entre Boeing et les entreprises fran- est suivi une dette colossale qui a un temps placé mêmes des parties importantes et complexes du
çais est déjà ancienne. Cette histoire commune a vrai- l’entreprise au bord du gouffre. Un accord a été fuselage.” Jérôme Rein, Roland Berger.
ment débuté avec la collaboration entre Boeing et trouvé avec ses créanciers, mais au vu de cette
SNECMA sur le moteur CFM 56 du 737. Mais ces par- situation qui reste néanmoins périlleuse, en est-
tenariats entre Boeing et les entreprises françaises se ce bien fini des ambitions de l’équipementier cen- turiers la possibilité de décrocher d’importants
sont surtout multipliés et diversifiés avec le program- tenaire ? “D’un point de vue strictement industriel, contrats.”Le groupe franco-allemand a donc inté-
me 787 Dreamliner. ce groupe est très attractif, estime Jérôme Rein.Son rêt à voir émerger au moins un acteur qui pourrait
Boeing a décidé de faire appel aux meilleures entrepri- portefeuille produits est très diversifié car, en plus de supporter de lourds investissements et des caden-
ses mondiales pour travailler sur cet avion très exi- concevoir et fabriquer des aérostructures, Latécoère ces importantes.Airbus devrait donc donner sous
geant, et ce quelle que soit leur nationalité. Les indus- est positionné sur les métiers clefs du câblage, ainsi peu le véritable coup d’envoi de la concentration
triels français ont fait une percée significative lors de que sur de la prestation Etudes. Enfin, Latécoère est du secteur. “Mais cette décision comportera aussi
cet appel d’offres. Si bien que huit partenaires français présent auprès de tous les grands donneurs d’ordres.” une grande part de politique,tant au niveau des Etats
de rang 1 ont travaillé sur ce programme. Par exemple Une analyse que confirme David Bonnus. français et allemands que d’EADS, explique David
Dassault Systèmes a élaboré la plateforme logicielle “Latécoère est un groupe diversifié clients, ce qui n’est Bonnus. Nous ne savons pas encore dans quel sens les
PLM, Latécoère les portes passagers, Zodiac un grand pas si courant dans ce secteur. Il peut ainsi compter pouvoirs publics pousseront. Mais ils rechercheront
nombre d’équipements, Labinal le câblage ou encore sur les commandes d’Airbus, Embraer, Boeing, probablement une solution franco-allemande pari-
“Ce partenariat génère 4 milliards de dollars de
Messier-Bugatti-Dowty le train d’atterrissage, les chiffre d’affaires pour l’industrie française et Dassault…”. taire.”Selon Zafar Kahn, la naissance d’un acteur
roues et les freins. Et nous avons réuni tous ces four- plus de 23000 emplois directs et indirects.” Cependant, avec une dette avoisinant les de premier ordre en Europe serait aussi une
nisseurs dans la Boeing French Team. 350millions d’euros et un cash-flow de 90millions, bonne nouvelle pour Boeing. L’entreprise améri-
le groupe ne sera pas totalement sur pied avant caine n’a en effet pas hésité à faire appel à des
Quelles sont les particularités Quel avenir pour cette relation quelques années. Ce qui apparaît comme proba- entreprises françaises sur le 787.Et il pourrait pro-
de la Boeing French Team entre Boeing et la France? ble, c’est que Latécoère ne sera pas en mesure de fiter d’un peu plus de concurrence et d’émulation
Cette équipe, composée des quatorze principaux four- Il ne faut pas oublier que ce partenariat entre les entre- racheter un autre aérostructurier à court terme. dans le secteur.
nisseurs français de Boeing, a été formée à partir du prises françaises et Boeing génère 4 milliards de dol- Le groupe pourrait toutefois se faire racheter ou Si toutes les pièces du puzzle sont aujourd’hui
succès du projet 787. Ses membres se retrouvent lars de chiffre d’affaires pour l’industrie française et fusionner. “Etant donné que le marché de l’aéros- connues, personne ne sait encore avec certitude
régulièrement, tant sur des sujets strictement Boeing plus de 23000 emplois directs et indirects. Cette colla- tructure civile se porte bien, les acheteurs potentiels comment elles s’assembleront. Il semble cepen-
que sur des activités qui concernent tout le secteur. boration est vouée à prendre encore plus d’ampleur sont en confiance, analyse Zafar Kahn, responsa- dant acquis qu’Airbus jouera un rôle moteur dans
ble de la recherche sur le secteur aérospatial et la concentration du secteur de l’aérostructure
défense à la Société Générale, Latécoère, qui est française et que Latécoère fera partie d’une façon
Boeing a désormais l’habitude de travailler avec des entreprises françaises dans de grosses difficultés financières, pourrait bien ou d’une autre de ce mouvement. Quoi qu’il en
sur un très grand nombre de produits et de systèmes être le premier deal.” soit,le nouvel acteur qui émergera devra être doté
d’une bonne assise technique et industrielle, mais
Par exemple, lorsque partant du constat que prendre dans le futur. Nous pensons que le chiffre d’affaires Sogerma et Daher Socata, en retrait aussi financière pour pouvoir faire face aux nou-
l’avion pouvait apporter plus de contraintes que de annuel passera à 4,5 milliards d’ici deux ans, ne serait- Filiale à 100 % du groupe EADS, Sogerma est veaux programmes d’Airbus et de Boeing. 
plaisir pour le passager, nous avons organisé un sym- ce qu’avec la montée en puissance du programme aujourd’hui en pointe dans deux activités princi-
posium, “Retrouvons le plaisir de voler”. Ou encore 787. Si nous réfléchissons à plus long terme, il est pales: l’aérostructure et la fabrication de sièges.
lorsque nous nous sommes aussi réunis pour réfléchir acquis que notre prochain programme sera un moyen- L’entreprise a connu en 2006 à Mérignac une CHIFFRES REVELATEURS
à l’environnement et aux biocarburants. courrier. Si les entreprises françaises veulent travailler période de très grave crise, ponctuée par la vente
Sur les sujets plus spécifiques à Boeing, je réunis tous sur cet avion, il faudra à nouveau qu’elles répondent à des activités de maintenance, qui constituaient Marché atomisé
les membres de l’équipe pour rencontrer les dirigeants un appel d’offres et qu’elles apportent la preuve qu’el- jusque-là le principal métier du site, au groupe Le marché mondial de l’aérostructure pèse 40 Md$.
de Boeing lorsqu’ils se déplacent en Europe. Il m’est les sont les meilleures dans leur domaine. Le fait d’êt- TAT-SabenaTechnics. Si elle s’est relevée specta- 168 acteurs se le partagent. L’Américain Spirit a réalisé
aussi arrivé d’emmener des industriels français à re déjà fournisseur et d’appartenir à la Boeing French culairement,notamment grâce au business sur les un chiffre d’affaires de 3,6 Md$dans l’aérostructure en
Seattle pour des réunions de travail avec nos équipes Team constitue bien évidemment un acquis positif. Les sièges, elle n’a pas encore la taille critique pour 2010. Le partenariat avec Boeing a rapporté 4 Md$ aux
américaines. Boeing France joue un peu le rôle d’inter- entreprises françaises ont fait une percée diversifiée devenir le champion français de l’aérostructure. entreprises de la Boeing French team en 2010.
face entre la maison mère et ses fournisseurs français. chez Boeing qui a désormais l’habitude de travailler De son côté, le groupe Daher, qui a acquis Socata
Ce travail d’équipe est très rare dans le monde des avec elles sur un très grand nombre de produits et de en 2009, affichait en 2010 un chiffre d’affaires de Lire les dossiers précédents
Les archives numériques
affaires et cette dimension nationale française autour systèmes. A elles maintenant de transformer l’essai près de 1 milliard de dollars et 7000 salariés. En nouveleconomiste.fr
de Boeing est unique. sur nos futurs programmes. F.H. 2009, grâce à l’entrée du Fonds Stratégique (consultation gratuite)

64 Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire


Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire 65
66 Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire
Ressources humaines
RISK MANAGEMENT

- Les mauvais élèves de la classe


- Garanties hors normes Garanties hors normes
- Le temps de la prévention
- Le temps de la négociation
- Les préjugés sont tenaces

Assurance enlèvement

“Kidnap & Ranson”


Cela n’arrive pas qu’au autres

A mesure que les entreprises françaises se développent dans un environnement


international de plus en plus mouvant, les risques de kidnappings se multiplient.
D’autant que les Français, souvent mal informés et mal préparés, ne mesurent pas
toujours le danger que peuvent représenter certains de leurs déplacements en
zones sensibles. Pour faire face à ce type d’imprévu, une poignée de sociétés d’as-
surances a mis en place le contrat Kidnap & Ranson. Une police d’assurance sur-
mesure, capable d’anticiper et de gérer ce type de crise. Une assurance qui met
un point d’honneur à ne pas faire parler d’elle.

Par Ambre Delage

S
i les kidnappings sont l’un des sujets Centre français de recherche sur le renseigne- quitte, parfois, à prendre des risques. Car la liste déplacement,sont des proies de choix pour les kid-
de prédilection des blockbusters ment,le nombre d’enlèvements est estimé aujour- des pays considérés comme potentiellement dan- nappeurs. Ce sont aussi des proies faciles. Ainsi,
américains, il arrive parfois que la d’hui entre 20000 et 30000 par an, dont un quart gereux est longue. Irak, Afghanistan, Brésil, toujours d’après le ministère des Affaires étran-
réalité dépasse la fiction. La menace d’Occidentaux. Le “chiffre d’affaires” représenté Colombie,Mexique,et toute la bande sahélo-saha- gères, les salariés français envoyés en mission à
évolue, entre bandes criminelles très organisées par les demandes de rançon atteindrait, quant à rienne qui s’étale de la Mauritanie au Soudan… l’étranger par leur entreprise représentent envi-
et flash kidnapping, tout ressortissant français à lui, près de 40millions de dollars. Tous figurent sur la liste noire du ministère des ron 50000 personnes chaque année.
l’étranger devient une cible potentielle. L’entreprise est prospère. Et contre toute attente, Affaires étrangères et européennes. Sans comp- Mais si les Français arrivent seconds sur le podium
Officiellement, aujourd’hui, une dizaine de nos les Français arrivent en deuxième position der- ter leVenezuela qui a la triste réputation d’avoir des nationalités les plus convoitées par les ravis-
compatriotes, dont Hervé Ghesquière et rière les Chinois dans le classement des nationa- réussi à dépasser les records d’enlèvements de la seurs, ce n’est pas seulement pour leur présence
Stéphane Taponier, journalistes pour France à l’international, c’est aussi, et surtout, pour leur
Télévisions, sont retenus en otage à travers le – très – mauvaise connaissance des risques qu’ils
monde. Officieusement, les victimes sont bien “En 2008, cinquante-neuf Français auraient été la proie des ravisseurs encourent.A titre de comparaison,lesAméricains,
plus nombreuses. “En réalité, seulement 10 % des de tous horizons, contre seulement onze en 2004” dont les programmes de sécurité sont plus déve-
kidnappings sont déclarés aux autorités”, explique loppés qu’en France, n’entrent même pas dans le
Anthony Fienberg, expert en assurance Kidnap Top 10 des cibles les plus visées par les ravisseurs,
& Ransom pour le site toutsurlassurance.com.Car lités les plus régulièrement kidnappées. Devant Colombie: 385 cas recensés pour l’année 2008! alors qu’ils sont très présents à l’étranger.
en la matière, pouvoirs publics, forces de police et l’ampleur que prend ce phénomène, l’assurance “Les entreprises françaises ont cette spécificité d’être Pour Louis Bernard, négociateur et gestionnaire
entreprises font régner l’omerta. Moins nous en kidnapping – autrement appelée “K&R” pour particulièrement implantées à l’étranger, notam- de crise pour l’organisme Layer Cake,“les Français
savons, moins les ravisseurs en savent. CQFD. Kidnap & Ransom – vole au secours de ces entre- ment en Afrique, et comptent beaucoup d’humani- sont globalement moins informés et ils sont égale-
Cependant, les derniers chiffres diffusés à la fin prises françaises présentes dans les zones à risque. taires dans des zones de conflits comme le Rwanda, ment moins respectueux des consignes de sécurité”.
de l’année 2009 par le ministère des Affaires Un sujet hautement sensible, là encore classé le Darfour, la Somalie ou le Yémen”, explique Pour caricaturer, un dirigeant d’entreprise en
étrangères et européennes sont là. En 2008, cin- confidentiel. Anthony Fienberg. Or, d’après une enquête réali- voyage d’affaires à l’étranger se repère comme le
quante-neuf Français ont été la proie des ravis- sée par Le Figaro en janvier 2010, dans des pays nez au milieu de la figure. Pourtant, d’après nos
seurs de tous horizons, contre seulement onze en Les mauvais élèves de la classe comme la Colombie, le Brésil ou le Nigeria, une experts,il suffirait d’appliquer deux ou trois règles
2004. Le nombre de pays “à risque” suivant la Dégager de nouveaux profits: une préoccupation vie française peut se monnayer entre 50000 et de base pour limiter les risques. Par exemple, ne
même courbe exponentielle et passant, dans la récurrente pour les entreprises françaises qui 250000 euros. Les ressortissants français, expa- pas voyager avec un bagage sur lequel figure le
même période, de cinq à quinze. Pire, d’après le n’hésitent plus à se développer à l’international triés ou simplement dirigeants d’entreprise en nom de la société ou encore ne pas effectuer sys-

Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire 67


Ressources humaines
RISK MANAGEMENT

des contraintes rendrait la tâche encore plus difficile.” Le temps de la négociation sur place. Ainsi, à titre d’exemple, une TPE qui
De fait, en 20 ans et plus de 1000 sinistres de ce C’est donc le contrat d’assurance qui prend en envoie dix personnes en Algérie une semaine
type, Hiscox se targue de n’avoir jamais connu un charge l’intervention du gestionnaire de crise, tous les trois mois paiera environ 3000euros par
seul litige ou un seul arbitrage.Et pour cause,aussi 24h/24 et 365 jours par an. En moins de24 heures, an.Tandis qu’une PME dont le PDG passe, dans
large soit-elle, cette assurance est surtout provi- via un système de hotline dédié, il est à même de une année, une semaine en Russie, une semaine
dentielle. Elle intervient en cas de crise majeure, se rendre sur le lieu du crime. Mais contre toute au Brésil et une semaine en Chine, s’acquittera
d’atteinte physique et morale à la personne et à attente, ce gestionnaire de crise n’endosse d’une prime d’environ 1000 euros.
ceux qui l’entourent. Bref à un moment de grande presque jamais le rôle de négociateur. Et pour Mieux. Contrairement aux idées reçues, les poli-
détresse qu’il est indispensable de ne pas gérer cause: “Il est essentiel que le lien avec le ravisseur soit ces d’assurance enlèvement se contractent plus
seul, et sans avoir connaissance de ce qu’un kid- maintenu avec la famille de la victime ou des per- facilement encore qu’une simple assurance
napping et une demande de rançon impliquent. sonnes de la société”, explique Louis Bernard.Ainsi, santé. Un questionnaire de deux pages suffit
ce sont les proches eux-mêmes qui se chargent,sur pour que le contrat soit conclu. L’entreprise a-t-
Le temps de la prévention les conseils du consultant, de négocier le montant elle déjà reçu des menaces? Quel est le contenu
Et c’est notamment en cela que ces assurances de la rançon et la libération. Pourquoi? de son activité? Qui se déplace à l’étranger?
interviennent. Soutenu par des sociétés de ges- “Simplement, poursuit Louis Bernard, parce que Où? Pendant combien de temps… Rien de très
tion de crise, comme Control Risks ou NeilYoung notre discours serait trop professionnel. Il résonne- inattendu donc.
Seulement voilà, malgré la recrudescence de
kidnappings et devant la capacité quasi chirur-
Cette assurance-là, bien que très marginale, gicale à gérer ces crises, les assurances “K&R”
est la meilleure des garanties en cas de prise de risque à répétition. n’ont pas encore totalement convaincu les entre-
prises françaises. Pour Anthony Fienberg,“à ce
Oubliez les sempiternelles assurances responsabilité civile et autres
jour, il ne doit pas y avoir en France plus de 1000
polices d’assurance de ce type contractées, sur une
“Les Français sont globalement moins informés Associates, l’assureur donne le pouvoir à des rait comme un message aux ravisseurs lui signi- cible potentielle d’environ 500000 entreprises”.
et ils sont également moins respectueux des consultants spécialisés qui interviennent auprès fiant que la société peut payer… Et ce n’est C’est peu. Pourtant, un sondage réalisé en
consignes de sécurité.” Louis Bernard, Layer de l’assuré en cas d’incident,mais également pour évidemment pas le but.” Même les services de avril2010 par le Club des directeurs de sécurité
Cake. mener des actions de formation et de prévention police locaux sont presque systématiquement des entreprises (CDSE) auprès de ses membres,
en matière de sécurité. Informer et former, tels mis à l’écart. Nos experts avouant sans ambages indiquait que “la sécurité des salariés à l’étranger”
tématiquement les mêmes trajets. Cette dernière sont leurs credo.“La souscription d’un contrat K&R que ceux-ci ne travaillent pas toujours dans l’in- arrivait en tête de leurs préoccupations. Les
règle étant à l’origine des plus grands maux.Selon implique une partie prévention au moins aussi térêt des victimes. “Dans les pays émergents, là assurances enlèvement souffrent du préjugé
la société de conseil Clayton Consultants, plus de importante que la gestion de crise en elle-même. Le où se déroulent 93 % des kidnappings, les forces de selon lequel elles encourageraient les ravis-
85 % des kidnappings surviennent en effet un consultant délégué par l’assurance effectue des ses- police ne sont pas fiables”, reconnaît Anthony seurs. Qui contracte une assurance de ce genre
jour ouvrable, sur la route entre le lieu de travail sions de formation, il fait partie de la cellule de crise Fienberg. Au client, donc, de se débrouiller. doit forcément avoir les moyens de payer, ce qui
et le domicile.EtAnthony Fienberg d’ajouter: “La et de la résolution de la crise”, souligne Louis Commence alors le jeu du chat et de la souris. en fait une proie de premier ordre. D’où l’obsti-
plupart des cibles le savent et pourtant négligent de Bernard. Des consultants qui vont jusqu’à opérer En moyenne, la gestion d’une crise de ce type nation des Liberty France,Aon ou Hiscox à faire
prendre les mesures nécessaires pour réduire le risque. une veille géopolitique afin d’être en mesure de prendrait de 1 à 3 mois. Un temps démesuré- profil bas.
Ils conduisent des grosses cylindrées, portent des vête- donner, jour pour jour, l’évolution des zones à Enfin, cette branche marginale de l’assurance
ments à la mode et empruntent tous les jours le même risque dans le monde entier. Un rôle clé qui fait est parfois perçue comme étant à la limite de
itinérairepour aller travailler.”Une désinvolture qui partie intégrante des garanties proposées par l’as- l’illégalité. Si ces polices d’assurance sont admi-
fait bel et bien le jeu des ravisseurs. sureur. Et qui peut, le cas échéant, faire l’objet ses en France, le simple fait de rembourser une
d’une négociation afin d’abaisser le montant de rançon par contrat peut être considéré comme
Garanties hors normes la prime. allant à l’encontre de l’article 6 du code civil
Selon l’assureur Hiscox, leader mondial en Un service essentiel qui s’accompagne de garan- selon lequel “on ne peut déroger, par des conven-
matière d’assurance “K&R” avec des parts de ties très larges. D’abord le remboursement de la tions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre
marché situées entre 60 et 70%, moins de 1% de rançon ou de la perte de rançon. Puis les frais public et les bonnes mœurs”. “De fait, résume
tous les enlèvements sont assurés. A l’échelle de médicaux, qui équivalent à une assurance bles- Anthony Fienberg, les autorités de tutelle fran-
la France, qualifier l’assurance kidnapping de sure/tout dommage corporel et les frais de recours çaises exigent un respect des lois locales et de celles
confidentielle serait pur euphémisme puisque les éventuels (si l’employé enlevé décide de se retour- de leur pays d’origine pour accorder le droit de pra-
contrats de ce type ne représentent pas plus de ner contre la société).Viennent ensuite les frais tiquer l’assurance K&R en France.” Un droit qui
0,1% de taux de pénétration. Autant dire rien. supplémentaires afférents au rapatriement, au n’a été, jusque-là, délivré qu’à une poignée d’as-
Et pourtant, cette assurance-là, bien que très mar- déplacement et à l’hébergement de la famille, sureurs. 
ginale, est la meilleure des garanties en cas de ainsi qu’au soutien psychologique de l’ensemble
prise de risque à répétition. Oubliez les sempi- des personnes touchées par le kidnapping. Sans
ternelles assurances responsabilité civile et aut- oublier le remplacement éventuel de la personne
res assurances automobile.Les assurances“K&R” enlevée ainsi que son salaire. Et enfin, un capital
sont hors norme. Du sur-mesure qui ne connaît décès/invalidité.Car aussi terrible que cela puisse
aucune limite. “Aucune clause suspensive ne peut être, dans 2 % des cas d’enlèvements, la victime
venir entacher ces contrats,précise Louis Bernard. ne survit pas!
Nous sommes ici dans la gestion de crise. Imaginer
“A ce jour, il ne doit pas y avoir en France plus
de 1000 polices d’assurance de ce type
contractées, sur une cible potentielle d’environ
Mise en situation 500000 entreprises.” Anthony Fienberg,
Stages commandos toutsurlassurance.com.
Si les industriels et autres cadres de PME posant régu- fameux stage de “mise en situation pour la sécurité
lièrement leurs valises dans des zones dites “sensi- des personnes dans les zones à risques”. Ici, le costu-
bles” peuvent se prémunir du danger, ce n’est pas uni- me trois-pièces est volontiers troqué contre le treillis. ment long en de telles circonstances, mais qu’il
quement grâce aux polices d’assurance spécifiques. Et rien n’est épargné aux recrues: simulation de kid- convient de ne pas trop compresser: “Plus le
La solution? Des agences privées et autres déléga- napping (cagoule sur la tête et entraves aux mains et temps de négociation est long, plus le kidnappeur
tions de l’armée française qui organisent des stages aux pieds, perte des repères géographiques, interro- comprend que l’on ne répondra pas à toutes ses
commandos à destination des journalistes, industriels, gatoire et exfiltration), progression sous des tirs nour- attentes. La victime n’est alors plus considérée CHIFFRES REVELATEURS
expatriés ou étudiants d’écoles de commerce interna- ris… Cependant, cette mise en situation éprouvante comme une proie facile”, analyse Anthony
tional. L’idée étant de mettre les stagiaires en condi- qui s’étale sur trois jours et deux nuits est impérative- Fienberg. Hausse inquiétante
tions réelles afin de les préparer aux risques du terrain. ment précédée d’une formation théorique. Le but Le nombre d’enlèvements dans le monde a augmenté
Ainsi, en 1993, le ministère de la Défense décide-t-il étant d’apprendre à des civils peu aguerris à ce genre Les préjugés sont tenaces de 70 % en 8 ans.
d’organiser des stages d’une semaine, deux fois par de situation, à maîtriser leurs peurs et à dominer la vio- Des conditions illimitées, une organisation bien Les salariés français envoyés en mission à l’étranger
rodée, ces assurances “K&R”, peu dissertes sur par leur entreprise représentent environ 50000 per-
Des délégations de l’armée française organisent
leurs activités, sont perçues comme des polices sonnes chaque année.
des stages commandos à destination des journalistes, industriels, hors de prix. D’autant qu’elles affichent une En 2008, 59 Français ont été la proie des ravisseurs
expatriés ou étudiants d’écoles de commerce international capacité par risque plafonnée à quelque dans le monde entier, contre seulement 11 en 2004.
an, au Centre national d’entraînement commando lence qui peut leur être infligée dans de telles circons- 50millions d’euros. Pourtant, s’il est difficile d’é- En 2009, plus de 3 000 personnes ont été enlevées
(CNEC) de Mont-Louis et Collioure, dans les Pyrénées- tances. Mais en l’occurrence, apprendre à dominer ses valuer le montant exact des primes, Anthony dans le monde
Orientales, gérés par l’Armée de terre. Au menu: mar- émotions a un coût: 3000 euros par personne. Fienberg maintient qu’elles sont loin d’être (Sources: Assurance Lloyds et ministère des Affaires
ches topographiques, démonstrations d’armes et Dans les zones dites dangereuses, ou les kidnappings aussi onéreuses qu’il n’y paraît. Evidemment, étrangères et européennes)
d’explosifs ou encore instruction à la protection en sont fréquents, la dizaine de sociétés privées spéciali- une société dont les salariés se rendent plusieurs
milieu hostile. Depuis, plusieurs centaines de journa- sées dans la sécurité, dont Gallice, intervient directe- fois par an en Irak paiera forcément son assu-
listes ont suivi ce stage. Et en 2011, d’après le ministè- ment en protection rapprochée auprès des expatriés, rance plus cher qu’une entreprise qui n’aura
re de la Défense et des Anciens combattants, vingt- journalistes, chefs d’entreprise ou ONG. Pour besoin que d’une couverture temporaire. Là Sigles & acronymes
cinq journalistes auront participé aux stages d’infor- 2500 euros la journée, une pléiade d’hommes armés encore, le contrat Kidnap & Ransom se plie au
mation aux risques en zones de conflits. jusqu’aux dents accompagne dans tous ses déplace- sur-mesure, les conditions de la police d’assu- CDSE (Club des directeurs de sécurité des entrepri-
Des sociétés privées, ont, elles aussi, suivi l’exemple. ments, et en véhicule blindé, la proie potentielle. rance s’adaptant aux besoins spécifiques de ses) ; CNEC (Centre national d’entraînement com-
Parmi lesquelles Gallice Security. Cette structure, fon- Les demandes pour de tels services sont, malgré les chaque client. “Concrètement, les primes moyen- mando)
dée en 2007 et dirigée par un ancien commandant du prix, de plus en plus nombreuses. Et pour cause: en nes peuvent s’étendre de 5 dollars (soit 3,50 euros )
GIGN, Frédéric Gallois, ainsi que par un ex-cadre du 2009, plus de 3000 personnes ont été enlevées dans à 10000dollars (soit 7004 euros), selon les besoins
service action de la DGSE, Gilles Sacaze, propose des le monde. des souscripteurs”, résume Anthony Fienberg. En Lire les dossiers précédents
Les archives numériques
stages d’immersion dans la forêt de Compiègne. Des A.D. d’autres termes, selon la dangerosité du pays nouveleconomiste.fr
stagiaires qui se retrouvent soudain confrontés au visité et selon le nombre de personnes envoyées (consultation gratuite)

68 Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire


Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire 69
70 Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire
Services généraux
DEMATERIALISATION

- La jurisprudence fait son chemin


- Interopérabilité et conservation
- La copie de confort

Production, échange et archivage de documents

Le sens de l’histoire
A quand le “nativement numérique”

Si la dématérialisation est aujourd’hui ancrée dans l’univers professionnel, à la


fois du côté des différents services et dans la fonction informatique, les entrepri-
ses continuent néanmoins à produire des documents papier, à les signer pour
ensuite les numériser tout en conservant l’original. Mais le tout numérique est-il
souhaitable pour autant ? Car l’échange d’un document numérique entre deux
entreprises est loin d’être simple, et demande un travail préparatoire afin que les
systèmes puissent communiquer. Frein technique, mais aussi psychologique, avec
un attachement au papier encore très fort, autant de facteurs qui rendent le 100 %
numérique quelque peu utopique.

Par Jean-Marie Benoist

L
a dématérialisation est le plus vailler sur des documents numériques est un sus, différents canaux de communication à dif- dont l’importance ne fera que croître.”
souvent comprise comme la gain en qualité. "La gestion électronique de docu- férents moments. Par exemple, un client qui
transformation du papier en ment en interne est également un outil de cohé- veut souscrire un produit bancaire peut rece- La jurisprudence fait son chemin
fichiers numériques. Mais il s’a- sion, qui fédère les flux et les équipes", estime voir une proposition de contrat par mail. Il Malgré ces avantages, le tout numérique ne
git en fait de quelque chose de plus complexe. Martine Joulia-Cubizolles, directrice générale répond avec une pièce jointe dématérialisée, décolle pas en France. Pourtant, les textes exis-
“Ce qui compte, c’est la donnée, explique Eric de Novaxel.Toutes les entreprises – ou presque et pour boucler le process, le gestionnaire rap- tent. “En termes de factures, le zéro papier est
Wanscoor, président de Qweeby. Le papier n’est – fonctionnent en se reposant sur l’informa- pelle le client final, et le contrat est signé en encadré par des textes de loi précis, aussi bien au
qu’un vecteur.” Au bout de sa logique, la déma- tique, et ont appris à raisonner en termes de ligne. “Le client veut des réponses immédiates, et niveau européen que français, détaille Alexis
térialisation élimine totalement le papier: le process. Ils peuvent être automatisés, tracés, veut que les produits soient faciles à mettre en Renard. Sauf à respecter certaines conditions –
numérique devient le seul support utilisé. Sous donc optimisés. Si cela est déjà vrai pour la œuvre, explique Laurent Corazza. La dématé-
son premier sens, elle est acceptée et comprise numérisation des documents, passer au zéro rialisation est un des outils qui participe à cette
par la totalité des entreprises. Tout le monde papier augmente les gains. “La facture électro- facilité.”
est d’accord sur le principe. Et pourtant, rare
sont ceux qui ont poussé la logique jusqu’à s’af-
franchir complètement du papier. “Le premier avantage de la dématérialisation est le gain opérationnel
“Dématérialiser est dans le sens de l’histoire, dû à la rapidité de traitement électronique”
estime Laurent Corazza, associé en charge de
la dématérialisation chez Logica Business
Consulting. On est même plutôt en retard par rap- nique facilite les échanges et représente un gain Pour l’émetteur du document électronique, il
port au reste de l’Europe. Les Suédois ont une fiche de temps et de productivité considérable”, existe un effet “vert”, qui ne découle pas tant
de paye électronique depuis 10 ans.” explique Alexis Renard, pdg de b-process. A du papier économisé que des économies réali-
Passer à des documents nativement numé- titre d’exemple, la plupart des grands groupes sées sur l’impression et la logistique d’envoi.
riques est source d’économie. Par exemple, les demandent à ce que la facture comporte un Mais les préoccupations écologiques n’occu-
coûts liés aux impressions et à la logistique numéro de commande. En cas d’oubli sur une pent pas le devant de la scène. “Compte tenu de
d’envoi sont considérablement réduits. “Le ROI facture papier, cela peut occasionner un délai la situation économique, les entreprises ont des
d’un projet de dématérialisation est entre 6 et 8 de traitement supplémentaire pouvant aller préoccupations plus pragmatiques”, souligne
mois”, explique Gilles Moujeard, responsable jusqu’à deux semaines. Sans oublier que “la Magali Michel, directeur business unit chez
de l’offre dématérialisation, business unit Web sécurité est aujourd’hui au moins aussi bonne Yooz. Dématérialiser ne suffit en effet pas à
et IT chez Micropole. Le retour sur investisse- pour les documents électroniques que pour le résoudre les problèmes d’éco-responsabilité
ment quantitatif est assez évident, mais le qua- papier, si ce n’est plus”, assure Etienne Pruvost, des entreprises…“D’un point de vue écologique, “Pour qu’un document électronique ait une
litatif l’est moins. “Le premier avantage de la Pdg de Gesway. même éliminer le papier n’est pas suffisant, valeur légale, il faut qu’il ait été produit à la
dématérialisation est le gain opérationnel dû à la Mais le principal bénéfice des documents détaille Pierre Fonlupt, président de base de façon électronique, et qu’il existe des
rapidité de traitement électronique”, poursuit numériques est de pouvoir faire du cross-canal. Locarchives. L’électronique consomme beaucoup preuves de son intégrité.” Gilles Moujeard,
Gilles Moujeard. Pour une entreprise, tra- Cela consiste à utiliser, pour le même proces- d’énergie; maîtriser sa consommation est un sujet Micropole.

Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire 71


Services généraux
DEMATERIALISATION

des cas, les documents n'ont pas besoin de certifi- Interopérabilité et conservation
cation forte, il s'agit simplement d'échange d'in- Tant sur le plan technique que réglementaire,
formation", souligne Martine Joulia-Cubizolles les possibilités de “tout numérique” sont là, bien
Le premier système à grande échelle de docu- qu’encore au stade expérimental pour certai-
ment électronique a été la déclaration d’impôt, nes. Si les entreprises ont du mal à franchir le
qui se faisait au départ en téléchargeant un certi- pas, ce n’est donc pas par manque de solutions,
ficat. Aujourd’hui, il est possible de générer en mais justement parce qu’il faut choisir la bonne;
ligne un certificat, de façon transparente et fluide. un choix qui ne dépend pas que de l’entreprise.
Il y a quelques années, ces derniers ont même été “Les premières expérimentations ont en fait été
supprimés au terme d’une mesure du risque: quel plus faciles: il n’y avait pas à avoir le consentement
avantage aurait un citoyen à déclarer les impôts et la participation d’un tiers”, explique Eric
de son voisin? Le processus de sécurité a donc été Wanscoor. Mais la notion d’échange de docu-
dégradé à un système avec identifiant et mot de ment électronique, comme son nom l’indique,
Le problème ne porte pas seulement sur le format du fichier,
mais bien sur l’interopérabilité, qui revient à générer
des flux d’informations gérables par le destinataire Martine Joulia-Cubizolles, dg de Novaxel : “Dans
99,9 % des cas, les documents n'ont pas besoin
passe. “Il faut travailler sur le risque opérationnel”, suppose au moins deux participants. Emettre de certification forte, il s'agit simplement
explique Laurent Corazza. Ce qui permet de un document électronique que le destinataire d'échange d'information”.
“Ce qui compte, c’est la donnée. Le papier n’est
qu’un vecteur.” Eric Wanscoor, Qweeby. déterminer le niveau de sécurité que l’on souhaite n’est pas équipé pour traiter n’apporte rien. Le
fixer. Par exemple, une certification vocale – l’en- problème ne porte pas seulement sur le format jet lui-même. Le mot-clé est objet. Pour une
celles de l’article 289bis et 289-5 du Code Général registrement du consentement oral – archivée du fichier, mais bien sur l’interopérabilité, qui reconnaissance de dette par exemple, sujet sen-
des Impôts – le document original doit être au for- avec le contrat peut suffire, dans certains cas. Ce revient à générer des flux d’informations géra- sible par excellence, l’énorme majorité des per-
mat papier.” Dans le cadre du b-to-b, la facture n’est pas légalement valide,car le client qui a sous- bles par le destinataire. “Et c’est plus complexe sonnes voudra un document papier. Et même si
est particulièrement cruciale car elle sert de jus- crit n’avait pas certificat ou de clé. Malgré cela, qu’il n’y paraît, prévient Eric Wanscoor. Même on leur explique tous les avantages de la numé-
tificatif pour la collecte de la TVA. C’est pour- c’est un élément de preuve, et la jurisprudence faire discuter entre eux deux SAP est loin d’être évi- risation, ils préfèrent encore avoir un document
quoi le principe de la dématérialisation de physique, qu’ils peuvent tenir entre leurs mains.
factures fait l’objet d’une réglementation clai- Autre contrainte qui a limité le déploiement du tout numérique: Ce sentiment est à l’origine des impressions
rement définie dans le cadre du Code général la contrainte de conservation des documents pour usage personnel, autrement appelées
des impôts. Il en va de même pour les autres copies de confort."Il faut accepter que des gens
documents. Si les circonstances exactes varient, existera bientôt. Il s’agit plus de gérer le risque dent.” La facturation implique par exemple de s'opposent au processus,explique Martine Joulia-
le mécanisme est quant à lui défini, et le décret opérationnel que légal, autrement dit examiner connecter un à un les fournisseurs de chaque Cubizolles. Mais cela nous pousse à améliorer nos
d’application est très clair. La base en est l’i- le rapport entre le coût d’un faisceau de preuves entreprise. Mais ce n’est pas le volet le plus pro- outils et à devenir plus performants". D’une cer-
dentification forte. Le concept est né du besoin et le risque. Plus le risque est élevé, plus la sécu- blématique. Chaque acheteur a ses propres exi- taine façon, on est à la frontière entre les deux
d’assurer la sécurité des documents électro- rité sera forte. gences sur les données qui doivent figurer sur mondes. Et même parmi ceux qui ont franchi le
niques. Cette dernière s’articule autour de deux les factures. Passer au format électronique sup- cap, certains ont encore besoin d’un substrat du
principes: l’authenticité de l’origine, et l’inté- pose de partager les référentiels de données papier, d’un représentant virtuel du tangible:
grité du contenu. Il existe deux systèmes pour pour chacun. “Le problème est l’alignement des c’est le rôle rempli par le format PDF. Ce même
les assurer: la signature électronique ou la liste données échangées entre l’acheteur et ses fournis- sentiment est également à l’origine des systè-
récapitulative. “Pour qu’un document électro- seurs, explique Alexis Renard. La création de cette mes de signature sur tablette. “Il existe des solu-
nique ait une valeur légale, il faut qu’à la base, il base commune demande un travail assez consé- tions intermédiaires, comme des stylos équipés de
ait été produit de façon électronique, et qu’il existe quent pour faciliter ensuite l’échange électronique.” caméra qui, une fois un formulaire rempli, peuvent
des preuves de son intégrité”, détaille Gilles Aucun format universel de facture ne peut tenir en donner une version numérisée”, décrit Etienne
Moujeard. Depuis l’arrivée du Saas et du cloud, compte de l’ensemble des contraintes des dif- Pruvost. Un moyen de produire une copie numé-
des logiciels sous forme de services permettent férents secteurs économiques et des besoins rique de façon automatique et qui ne dérange
de gérer le tout, et dans le même temps d’en- d’informations spécifiques de chacun des pas les habitudes des personnes. Certaines tech-
voyer les documents dans un archivage électro- acteurs. Il s’agit là d’une complexité qui ne peut nologies répondent également à la question de
nique. Mais la loi évolue, et les textes et être prise en compte qu’au cours du déploie- comment générer un document électronique à
jurisprudences relatifs aux différents types de ment auprès des fournisseurs. Il faut faire un tra- valeur légale en face-à-face, en attendant l’arri-
documents se construisent progressivement. vail spécifique pour chacun, et cela requiert de vée de cartes d’identité numériques. Par exem-
“Selon la typologie des documents, les contraintes l’argent et du temps. “Les clients les plus avancés ple, des périphériques de signature prennent le
juridiques et réglementaires peuvent être très for- dématérialisent 85 % de leurs factures, remarque paraphe lui-même, mais aussi un ensemble de
tes; par exemple, pour un contrat numérique”, Alexis Renard. Mais au-delà, la loi des retours données biométriques – vitesse, pression du
explique Gilles Moujeard. Pour le “tout- décroissants s’impose: la rentabilité de la facture stylo… Si elles n’ont pas de valeur légale, ces
venant”, qui n’a pas de valeur juridique spéci- électronique se pose pour les quinze derniers pour- données sont des éléments de preuve.
fique, il n’y a aucun problème. Par exemple, les “Les TPE et PME, nombreuses en France, n’ont cents, qui correspondent le plus souvent à de petits Autant d’éléments qui rendent donc le tout
bons de livraisons ne sont pas essentiels si les pas vraiment de pouvoir de persuasion.” Magali fournisseurs ou des fournisseurs ponctuels.” Sans numérique utopique. Il faut se rendre à l’évi-
autres pièces nécessaires sont là. "Dans 99,9 % Michel, Yooz. oublier les éventuels intermédiaires.Voilà pour- dence: il y aura toujours du papier entre deux
quoi, majoritairement, le profil des entreprises entreprises. Les deux systèmes de traitement –
Papier ou numérique ayant déjà adopté la facture électronique sera numérique et analogique – existeront en paral-
le même: un petit fournisseur, et un gros ache- lèle. “La tendance à la diminution du papier est
La Poste, opérateur historique teur. Ceux qui y vont le font la plupart du temps claire, souligne Pierre Fonlupt. Mais la cohabi-
Depuis plusieurs années, la Poste s’est lancée dans la vrais sujets quand les flux d’informations sont pré- sous la pression de leurs clients. “Les TPE et tation du papier et du numérique va être une
dématérialisation. Toutes ses activités sur ce secteur cieux, rappelle Muriel Barneaoud. Il faut alors vraiment PME, nombreuses en France, n’ont pas vraiment réalité.” La question reste donc de savoir com-
sont rassemblées dans la holding Docapost (Aspheria, se poser la question de la présence dans cinq décen- de pouvoir de persuasion”, déplore Magali Michel. ment déclencher cette bascule vers le numé-
Certinomis, Dynapost, ISC Ingénierie Solutions nies du prestataire choisi pour l’archivage.” Que se Autre contrainte qui a limité le déploiement du rique, et la rendre la plus importante possible,
Courrier, Maileva, Orsid, Selisa, Seres, SF7, Synaxio…), passe-t-il par exemple si l’on change d’emploi et que le tout numérique: la contrainte de conservation même si elle ne se fera pas jusqu’au bout. Il n’y
qui réalise 400 millions d’euros de chiffre d’affaires, et coffre numérique appartient à son employeur? La des documents. “S’il y a des documents officiels, il a pas nécessairement besoin de grand-chose. La
emploie 5000 personnes. La dernière en date: un cof- même question se pose avec un FAI. Même si les y a forcément une obligation de conservation”, rap- déclaration d’impôts par Internet est un succès,
fre-fort numérique à destination aussi bien des entre- garanties contractuelles existent, l’inquiétude subsis- pelle Eric Wanscoor. Et pas n’importe quelle et il aura suffi d’une légère remise assortie d’un
prises que des particuliers, baptisé Digiposte. Celui-ci te. Une méfiance face à laquelle Docapost affiche une conservation. Il convient de faire la différence délai de réponse allongé pour lancer le mouve-
vient rejoindre les services de numérisation, impres- position confortable, étant affiliée à un nom reconnais- entre archivage, archivage à valeur probante, et ment. 
sion ou archivage déjà mis en place. sable, et surtout qui a un passé plus long que dix ans, une simple sauvegarde. Les DSI ont toujours
Il peut sembler paradoxal que la Poste, a priori le roi du ce qui dans le milieu des prestataires de dématériali- confiance dans les systèmes de stockage et de
papier, se soit attaquée avec autant d’enthousiasme à sation vaut de l’or. “Le zéro papier n’arrivera pas, esti- sauvegarde – qui sont différents de l’archivage
ce qui, au premier coup d’œil, pourrait bien lui être me Muriel Barneoud. C’est un support précieux. –, qui non seulement organisent, mais repré-
sentent un outil de recherche. Mais désormais,
L’arrivée du numérique rebat les cartes autour du modèle papier, le système se complique encore avec l’obliga- CHIFFRES REVELATEURS
mais ne le fera pas disparaître tion de respecter certaines contraintes législa-
Encore loin du tout numérique
tives particulières. “L’archivage se traite de plus
fatal. “Notre métier, ce n’est pas le papier, c’est l’infor- L’arrivée du numérique rebat les cartes autour du en plus en amont, et se rapproche du domaine de la Plus de 2 milliards de factures sont échangées chaque
mation, souligne Muriel Barneoud, pdg de Docapost. modèle, mais ne le fera pas disparaître.” La circulation direction juridique”, souligne Pierre Fonlupt. année en France. Près de 90 % d’entre elles ont encore
C’est faire le lien entre deux de nos clients. Nous de papier va certainement diminuer en volume, mais L’offre de coffres-forts électroniques se déve- été échangées au format papier en 2010. Pourtant l’EDI
savons organiser la circulation de l’information de changer en qualité. Pour véhiculer un message, le loppe rapidement en ce moment, et se démo- – système permettant l’échange de factures électron-
façon sécurisée.” papier a en effet un impact bien différent du mail. Il cratise du même coup, surtout avec l’arrivée de iques – existe depuis plus de 10 ans, tout comme les
De la numérisation à l’EDI, la Poste offre sa propre ver- peut également s’enrichir: par exemple, sur des factu- solutions cloud. premières législations sur le sujet.
sion de tous les services de dématérialisation exis- res, il est possible d’intégrer un message publicitaire,
tants, et invente les siens. Par exemple, la lettre recom- mais aussi une bêta-matrice, qui renvoie sur un site ou La copie de confort Sigles & acronymes
mandée par Internet. Le fait de travailler sous l’égide un centre d’appel une fois pris en photo sur un télé- Enfin, dernier obstacle mais non le moindre:
du groupe La Poste est un élément important pour phone portable. “Nous travaillons beaucoup en ce l’humain. Nous sommes ainsi faits que nous Saas (Software as a Service ), EDI (Electronic Data
solidifier la confiance et remporter un franc succès, à moment sur des offres de simplification à destination aimons voir et toucher les choses. Et c’est éga- Interchange )
raison de plus de 150000 lettres envoyées par jour. Il des TPE et des PME”, poursuit Muriel Barneoud. C’est lement une affirmation de notre statut. “Pour
faut dire que Docaposte profite de la renommée du en effet la prochaine cible, après les grands comptes et certains, c’est le fait de toucher physiquement l’in-
groupe. Ainsi, pour une offre de coffre-fort électro- les particuliers. formation qui leur donne leur légitimité”, souli- Lire les dossiers précédents
Les archives numériques
nique, il est capital de pouvoir afficher des valeurs d’u- gne Eric Wanscoor. Il y a un côté rassurant à tenir nouveleconomiste.fr
niversalité, de pérennité et de confiance. “Ce sont des J.-M.B. dans sa main – ou à avoir sur son bureau – l’ob- (consultation gratuite)

72 Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire


Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire 73
Annonces légales & judiciaires Vie juridique, avis judiciaires, appel d’offres
Le nouvel Economiste a été habilité pour la période du 1er janvier au 31 dé- thétique, SPA, coiffure, onglerie, UV de biens de consommation ou intermé- 12.600 € à 13.600€, et d’autre part, de
cembre 2011 publicateur officiel de toutes annonces judiciaires et légales en et toutes activités liées au bien être. diaires, et en particulier de jeux, jouets, transférer le siège social de la société
matière de procédure civile et de commerce, ainsi que les actes de société, Gérant : Sephora MAZALTO, de- articles de fêtes et de puériculture ; au 100 rue Jouffroy d’Abbans - 75017
pour les départements de Paris (Arrêté préfectoral 2010-357-1 du 23 décembre meurant 3 boulevard Voltaire - 75011 l’achat, la vente de biens d’équipement PARIS.
2010) et des Hauts-de-Seine (Arrêté préfectoral CAB/BCI n°2010 - 1040 du 22 PARIS. La société sera immatriculée de la personne et de la maison, toutes
décembre 2010). au RCS de PARIS. opérations d’import export y afférentes AL1571/0611/2203
; la détention et la gestion de droits in-
AL1571/0611/2196 corporels (marque, brevet)».
Tarifs des annonces légales : Hauts-de-Seine
- Paris : 5,34 € H.T. la ligne
- Hauts-de-Seine : 5,34 € H.T. la ligne Avis est donné de la constitution pour AL1571/0611/2197
une durée de 99 ans de la société
Constitution
Ligne de 40 caractères. Les surfaces consacrées aux titres, sous-titres, MAISON RABIH
filets, paragraphes, alinéas sont définies par arrêtés d’habilitation. MPNF KAYROUZ Avis est donné de la constitution pour
SARL au capital de 100.000 € une durée de 99 ans de la société
Avis est donné de la constitution pour SARL au capital de 7.000 €
Paris une durée de 99 ans de la société Siège social : 39 rue de la Gare de
Reuilly - 75012 PARIS. Objet social :
Siège social : 38 boulevard Raspail SCREENVISION CAPITAL
- 75007 PARIS, 509 443 255 RCS
SCI 7 SEVRES Bâtiment tous corps d’état, plomberie,
Constitution serrurerie, électricité. Gérant : Bruno
PARIS. Suivant délibérations des SAS unipersonnelle au capital de
A.G.E. en dates du 13/05/2011 et du 600.000 €
SCI au capital de 2.103.000 € DOS REIS, demeurant 9 rue des 31/05/2011, il a été décidé, d’une part,
Avis est donné de la constitution d’une Siège social : 47 quai Carnot - 92210
Siège social : 17 rue de Sèvres - 75006 Pitourées - 91200 ATHIS MONS. La la continuation de la société malgré un
S.A.R.L, dénommée : SAINT-CLOUD. Objet social : l’ex-
PARIS. Objet social : l’acquisition par société sera immatriculée au RCS actif net devenu inférieur à la moitié du ploitation et la commercialisation sous
voie d’achat ou d’apport, la propriété, de PARIS. capital social, et d’autre part, d’aug-
Laboratoires FANNAMEX toutes ses formes de toutes entreprises
la mise en valeur, la transformation, la menter le capital social d’une somme de vente et location de publicités.
construction, l’aménagement, l’admi- AL1571/0611/2198 de 600.000 €, afin de porter le capital
Siège social : 68 Rue du Faubourg Président : Thierry PASQUET, de-
nistration et la location de tous biens social à 700.000 €. meurant 101 boulevard Malesherbes
Saint-Honoré - 75008 Paris
Capital social : 2.000 €
et droits immobiliers. Gérant : Laurent
JOCOB-FRANCK, demeurant 1204
Cession AL1571/0611/2199
- 75008 PARIS. La société sera im-
Durée : 99 ans matriculée au RCS de NANTERRE.
rue de la Cité 27, GENÈVE (SUISSE). Suivant acte SSP en date du 29/04/2011
Objet social : Fabrication de produits
Agrément : les parts sont librement à PARIS (75), enregistré au SIE de GLOBALIS MEDIA AL1571/0611/2192
de Beauté, d’Hygiène et de soins,de
cessibles entre associés et descen- PARIS 17ème (75), le 10/06/2011,
dispositifs medicaux, de produits bio-
dants. La société sera immatriculée SYSTEMS Avis est donné de la constitution pour
cides (désinfectants) et de produits de Bord. 2011/618, case n°14, Ext.4574, SARL au capital de 10.671,43 €
au RCS de PARIS. la société une durée de 99 ans de la société
bébé. Exportation de produits.
Gérance : Mme Li Na demeurant 204- Siège social : 6 bis, rue Auguste Vitu
AL1571/0611/2193
1-45 Xizhimenbeidajie, Haidianqu Bei- KOTI - 75015 PARIS, 413 141 193 RCS MEUBLES
jing P.R of China
Immatriculée au R.C.S de PARIS.
S.A.R.L. au capital de 8.000 € PARIS. Suivant délibérations de INVESTISSEMENTS
l’A.G.O en date du 26/05/2011, il a été
Siège social : 1 rue du docteur décidé de nommer en qualité de gé- SARL unipersonnelle au capital
AL1571/0611/2189 Heulin - 75017 PARIS, 510 562 556 rant, Frédéric HOVART, demeurant 2, de 1 €
RCS PARIS, a vendu à la société allée des Coutures - 92130 ISSY LES Siège social : 1 bis, rue des
MOULINEAUX, en lieu et place d’Alain Volontaires - 92140 CLAMART.
L’USAGE DU INDUSAN FAUVEAU, démissionnaire. Objet social : l’animation de socié-
MONDE SARL au capital de 3.000 €
AL1571/0611/2200
tés de groupes et plus généralement,
Société à responsabilité limitée toutes prestations de services en ma-
au capital de 2.000 Euros Siège social : 11 passage Hebrard tières administrative, financière, comp-
Siège social : - 75010 PARIS, 531 552 495 RCS LUC DUPUIS table, commerciale, informatique ou
13 avenue Jean Aicard PARIS, le fonds de commerce de res- SARL au capital de 12.600 € de gestion ou profit des filiales de la
75011 PARIS tauration traditionnelle, sis et exploité, 1 société ou de toutes autres sociétés.
rue du Docteur Heulin - 75017 PARIS. Siège social : 97 rue du Bac - 75007 Gérant : Thierry GUIBERT, demeu-
AVIS DE CONSTITUTION Prix principal : 220 000 €. Date d’en- PARIS, 331 037 721 RCS PARIS. Sui- rant 1 bis, rue des Volontaires - 92140
trée en jouissance : le 29/04/2011. vant décisions des A.G.E. en date du CLAMART. La société sera immatri-
Aux termes d’un acte sous seing Les oppositions, s’il y a lieu, seront re- 10/06/2010 et 30/06/2010, il a été dé- culée au RCS de NANTERRE.
Vos Annonces Légales çues dans les 10 jours de la dernière cidé, d’une part, d’augmenter le capital
privé en date à REIMS du
dans Le nouvel Economiste 26/05/2011, enregistré au S.I.E. en date des publications légales, chez social de 1.000 € afin de le porter de AL1571/0611/2201
PARIS 11ème SAINTE Maître Gaëlle ELBAZ, Avocat à la cour,
Tél. 01 75 444 104 MARGUERITE, le 07/06/2011, domiciliée 10 rue de Florence - 75008
annonceslegales@nouveleconomiste.fr bordereau n° 2011/254, case n° 16, il PARIS, pour la correspondance et la
a été constitué une société validité.
présentant les caractéristiques
wilegal suivantes : AL1571/0611/2195
SELARL d’Avocats DENOMINATION SOCIALE :
au capital de 10.000 Euros L’USAGE DU MONDE.
www.wilegal.fr FORME SOCIALE : Société à
responsabilité limitée.
Avis est donné de la constitution SIEGE SOCIAL : 13 avenue Jean
en date du 7 juin 2011 par acte sous Aicard - 75011 PARIS. Cabinet de Formalités pour
seing privé, pour une durée de 99 OBJET SOCIAL : les Avocats, les Experts-comptables,
années, d’une société par actions - La prise de participations dans les Notaires, les Entreprises
simplifiée qui sera immatriculée au toutes sociétés civiles, et les Administrations
R.C.S. de PARIS, dénommée commerciales, industrielles,
Permanence 7H / 23H – 7 jours sur 7
“KYOTHERM”, au capital de immobilières, financières ou de
Un véritable savoir faire en France
100.000 Euros, ayant pour objet la prestations de services, françaises
comme à l’International
conception, la réalisation, le ou étrangères ;
financement et l’exploitation - L’animation, la direction office.central.f@orange.fr
d’installations techniques ayant pour générale, la gestion administrative, Tél : 09 63 51 12 71 - Fax : 03 44 66 29 45
objet la réalisation d’économies juridique, comptable, fiscale et Port : 06 20 28 17 41 ou 06 98 22 17 41
d’énergie ou la génération et la vente financière de ses filiales ;
d’énergie, notamment renouvelable et - L’octroi de prêts et d’avances en Modification
thermique, ainsi que toute activité de compte courant à ses filiales ;
service liée à cette activité. - La gestion de trésorerie pour Par décisions de l’assemblée
SIEGE SOCIAL : PARIS (75116), ses filiales ; générale extraordinaire en date du 31
93 avenue Kleber. - Toutes prestations de conseil, décembre 2010, les associés de la
PRESIDENT : Monsieur Arnaud d’ingénierie et commerciales ; SARL AMARANTE, société à
SUSPLUGAS, demeurant à PARIS - La location et la mise à responsabilité limitée au capital de
(75116), 93 avenue Kleber. disposition à ses filiales de biens 30.500 Euros, siège social : 202
COMMISSAIRE AUX COMPTES meubles ou immeubles. avenue du Maine - 75014 PARIS, 429
TITULAIRE : La société DFM DUREE DE LA SOCIETE : 99 ans 487 226 R.C.S. PARIS, ont pris acte
Expertise & Conseil, sise à PARIS à compter de la date de de la démission du poste de
(75015), 50 rue Castagnary. l’immatriculation de la société au cogérante de Maria Manuela
COMMISSAIRE AUX COMPTES Registre du Commerce et des BARBOSA TEIXEIRA.
SUPPLEANT : Monsieur Louis Sociétés. L’inscription modificative de la
DAMEZ FONTAINE, sis à PARIS CAPITAL SOCIAL : 2.000 Euros. société sera effectuée au R.C.S. de
(75015), 50 rue de Castagnary. GERANCE : M. Patrick ROLLIER, PARIS.
MENTIONS COMPLEMENTAIRES : demeurant 13 avenue Jean Aicard - Pour avis.
ADMISSION AUX ASSEMBLEES : 75011 PARIS.
Tout associé a droit de participer aux IMMATRICULATION DE LA NE7511000067
décisions collectives du moment SOCIETE : Au Registre du Commerce
que ses actions sont inscrites en et des Sociétés de REIMS. GROUPE JEMINI
compte au jour de l’assemblée. Pour avis : La gérance. S.A. à Directoire et
DROIT DE VOTE : Chaque action Conseil de Surveillance
de catégorie A donne droit à une voix NE7511000069 au capital de 5.120.849 €
et chaque action de catégorie B
donne droit à cent voix. Avis est donné de la constitution pour Siège social : 91 boulevard Saint
DROIT DE PREMIER REFUS : une durée de 99 ans de la société Germain - 75006 PARIS, 523 107 324
Toutes les cessions d’actions sont RCS PARIS. Suivant délibérations de
soumises au respect d’un droit de SR BEAUTE l’A.G.E des Actionnaires en date du
premier refus. 06/05/2011, il a été décidé de modifier
Pour avis : Le président. S.A.R.L. au capital de 10.000 € l’objet social qui est désormais libellé
Siège social : 115 boulevard Voltaire comme suit : « La commercialisation,
NE7511000068 - 75011 PARIS. Objet social : Es- la fabrication, la distribution, le négoce

74 Le nouvel
Le nouvel Economiste
Economiste - n°1571
- n°1571 - Cahier
- Cahier n°2n°2 - Du
- Du 1616
auau
2222 juin2011
juin 2011- -Hebdomadaire
Hebdomadaire
Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire 75
76 Le nouvel Economiste - n°1571 - Cahier n°2 - Du 16 au 22 juin 2011 - Hebdomadaire

Vous aimerez peut-être aussi