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L'INDÉPENDANCE

DU CONGO BELGE

À situation géographique du Congo au centre du continent


noir, sa superficie et ses richesses lui assignent une place
_| J de choix en Afrique. A cheval sur l'Equateur, le plus vaste
territoire de l'Afrique (2.345.000 km2) constituait jusqu'ici un état-
tampon entre la zone nord de l'Afrique Noire, évoluant assez
rapidement sur le plan politique selon les modèles britannique et
français, et une Afrique presque immobilisée, l'Angola et le Mozam-
bique portugais, l'Afrique Centrale Britannique et l'Afrique du Sud.
Le 30 juin prochain, le Congo devient un état indépendant
et souverain.
E n quelques semaines, la décision a été prise. L a conférence de la
Table Ronde de Bruxelles convoquée en janvier 1960 avait pour
objet « de prendre l'avis des représentants qualifiés du peuple
congolais sur certaines questions ». E n fait, les autorités belges
ont rapidement viré de cap et ce furent de véritables négociations
qui s'ouvrirent pour se terminer par l'adoption — à l'unanimité —
de seize résolutions fixant les modalités de l'accession à l'indé-
pendance dans les quatre mois.
Comment s'expliquer cette vertigineuse rapidité ? Cette évo-
lution précipitée contrastant avec la très sage lenteur caractérisant
le système belge jusqu'à ce jour ? Sans aucune formation, des
leaders congolais vont se trouver face à des responsabilités multiples
et d'autant plus lourdes qu'ils n'ont pas été préparés par leurs
tuteurs à les assumer. Le monde libre assiste avec perplexité et
inquiétude à cette levée de tutelle improvisée. L'opinion est
déboutée. Sur le plan économique, le Congo Belge n'était-il pas une
réussite de la colonisation et ne constituait-il pas un élément
essentiel de la puissance économique de la Belgique ? Sur le plan
politique comment s'expliquer cette brusque décision ? Quelles sont
J
LA KEVTJE N 12 1

»
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les résolutions adoptées et enfin quel peut être l'avenir du Congo


indépendant ? E n fait, un examen un peu attentif de la situation
de la colonie révèle des failles dans le système et des préoc-
cupations depuis 1957. Elles ne sont pas étrangères à l'appa-
rente volte-face du gouvernement belge en 1960, si l'évaluation
par la Belgique de la situation politique de l'Afrique en 1960
explique l'attitude finalement adoptée.

L E S CONDITIONS ÉCONOMIQUES

Au fleuve Congo (4.650 km.) et à ses affluents, l'entité congolaise


doit son unité. Une vaste cuvette centrale recouverte de forêts
équatoriales ou tropicales, entourée de rejbords montagneux,
monts du Cristal à l'ouest (site d'Inga), chaîne du Kiwu à l'est,
plateaux du Katanga et du Kasaï au sud.
Ce n'est pas sans hésitation que le peuple belge accepta en 1907,
de Léopold II, le cadeau offert, ce morceau de roi (seize fois la super-
ficie de la Belgique) qu'il avait découpé au cœur d'une Afrique
inconnue et dont i l s'était fait reconnaître la propriété personnelle
par la Conférence de Berlin de 1884-85. L a « Charte Coloniale »
de 1908 témoigne des réticences belges. Elle prévoit la séparation
totale des domaines de la Métropole et de la Colonie. Méfiants
les Belges ne veulent pas que les actifs et les passifs puissent se
confondre. Les finances du Congo Belge sont entièrement distinctes
de celles de la Métropole et donc gérées d'une façon autohome.
Avisés, réalistes, agissant en hommes d'affaires prévoyants, lès
Belges ont finalement accepté le Congo à la condition expresse
que cette immense propriété ne coûterait rien à l'État belge. Or,
elle devait produire des dividendes magnifiques. Géré comme
une entreprise privée, lë Congo devait être une affaire coloniale
des plus payantes. E n effet, à côté de ses richesses naturelles,
l'exploitation minière donnait des résultats spectaculaires grâce
à l'initiative et au dynamisme des Belges. L a production minière
est une des bases essentielles du développement congolais. Elle
contribue pour 25 % à la formation du produit national, repré-
sente environ 60 % de la valeur des exportations et fournit à
l'État une partie appréciable de ses ressources (droits de sortie
sur les produits, impôts sur les sociétés, et enfin revenus du porte-
feuille de l'État congolais qui est actionnaire de très nombreuses
sociétés).
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Le Congo a su conquérir une place de première importance sur


le marché mondial.
Son pourcentage dans la production mondiale est de :
Diamant industriel, 75 %. — Cobalt, 69 %. — Diamant de
joaillerie, 15 % . — Etain, 9 % . — Cuivre, 8 %. — Manganèse, 5 % .
- Zinc, 3 %. — Or, 2 %.
E n valeur, disons qu'en 1957 le cuivre représentait environ
à l'exportation, 7.500 millions de francs belges, le cobalt 1.500 mil-
lions, le diamant une exportation de valeur égale.
Il est évident qu'à côté de ce « scandale géographique » du
Katahga, pour reprendre l'expression de Louis Armand, la très
grande masse de la population continue à vivre de l'agriculture
(80 % de la population autochtone vit en économie de subsistance)
et à base de cultures alimentaires dont le manioc constitue 60 %
du total si les « paysanats indigènes. » s'efforcent de diversifier
les cultures.
L'agriculture européenne est centrée sur des productions des-
tinées à l'expprtation. Les cultures industrielles (café, thé, cacao,
caoutchouc, fruits de palmes, quinquina et tabac) constituent
93 % de ce secteur animé par 2.400 entreprises européennes au
Congo et environ 200 au Ruanda Urundi.
Les capitaux se sont portés durant la période 1887-1956 sur
le secteur mines et industries dans la proportion de 30 %, contre
12 % à l'agriculture, 20 % aux communications et 31 % au secteur
commercial bancaire et immobilier. D'où proviennent Ces capitaux
de mise en valeur ? E n majorité de Belgique : 37,5 % contre 4,5 %
d'apports étrangers (les uns et les autres étant des capitaux privés).
Mais, en fait, le Congo s'est, pour la plus grande partie, autofi-
nancé à près de 60 % — proportion extraordinairement élevée
pour un pays en voie de développement — les investissements
provenant de ré-investissements des entreprises installées au
Congo.
L'origine des capitaux entre 1887 et 1953 a été la suivante :
Congo, Ruanda-Urundi, 58,24 %. — Belgique-Luxembourg,
37,39 %. — Royaume-Uni, 1,74%. — Pays-Bas, 1,53%. —
U . S. A., 0,32 %. j- France, 0,12 %.
En fait, les capitaux d'origine métropolitaine ont donné l'impul-
sion initiale et ils ont progressivement été remplacés par des capi-
taux créés sur place au Congo. L a part des capitaux congolais
(firmes européennes évidemment) n'a cessé d'augmenter et leur
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importance est non seulement considérable mais très supérieure


à celle des capitaux locaux dans l'ensemble des colonies de l'Afrique.
C'est le secteur minier qui a reçu le plus d'investissements.
« L'ampleur des installations à créer dans des régions souvent
arides et désertiques et toujours fort éloignées, qu'il faut compléter
par de vastes installations de traitement des minerais et de raffinage
des métaux, souvent même par des centrales électriques thermiques
ou hydrauliques, explique que de vastes moyens financiers soient
nécessaires. Le montant réévalué des capitaux investis de 1887
à 1956 dans les industries extractives s'élève à 14.885 millions
de francs belges » (1).
Or, ce développement du secteur privé de l'économie congolaise
par Vauto-financement, se retrouve dans le secteur des finances
publiques de l'état congolais. Rapidement, celui-ci s'est trouvé
non seulement grâce aux richesses naturelles du Congo, mais à
l'habile gestion belge, self-sustaining. Les budgets ordinaire et
extraordinaire n'ont pas'été jusqu'en 1958 alimentés par des fonds
métropolitains. Ceci à la différence des territoires français d'Afrique
comme le précise un rapport de l'O. N . U . sur la situation de
l'Afrique de 1950 à 1960 : « Dans les territoires français de l'Afrique
tropicale, le programme de développement est presque entièrement
financé par des fonds métropolitains fournis sous une forme ou
une autre » (sans compter les subventions spéciales de la Métropole
pour combler les déficits des budgets ordinaires).
Ainsi, le Congo Belge s'est-il administré civilement, gardé
militairement et enfin équipé sur ses propres ressources selon le
principe britannique du self-supporting. L'examen de la situation
en 1958 le révèle. A u budget des voies et moyens (budget ordinaire),
l'équilibre règne entre les dépenses et les recettes s'élevant les unes
et les autres à 12 milliards de francs belges. Ces recettes, quelles
sont-elles ? Impôts et taxes 9,7 milliards dont seulement 368 millions
d'impôts indigènes et 3.500 millions d'impôts sur le revenu et
5.400 millions de droits de douane, d'accises et d'entrepôts. Enfin,
10 % des dépenses sont couvertes par les revenus du portefeuille
de l'État (2).

(1) Economie, Bruxelles, 1958, Infor-Congo, p. 26.


(2) Un des éléments caractéristiques des finances publiques du Congo est l'existence
d'un portefeuille de valeurs détenu par la colonie. Il est constitué par des participations
obtenues à l'occasion d'octrois de concessions minières ou domaniales dans les secteurs les
plus divers : transports, mines, électricité, affaires immobilières, sociétés à portefeuille.
En 1958, sa valeur était de 31 milliards et il représentait presque l'équivalent de la dette
publique, ses revenus équilibrant peu à peu les charges d'intérêts et d'amortissements de
celles-ci.
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Le budget extraordinaire couvre les dépenses consacrées à


l'infrastructure économique et sociale, toujours considérable
dans un pays en voie de développement. Ces dépenses s'élevaient
à 3,6 milliards en 1958. Pour financer le « plan décennal », les
Belges ont recours soit aux excédents du bugdet ordinaire (heureuse
colonie!), aux emprunts"placés à l'étranger (Suisse et Etats-Unis),
aux prêts de la B . I. R. D., et enfin â des émissions sur le marché
interne du Congo.
Enfin, et ce dernier caractère contraste avec les relations
existantes entré la France et son Outre-Mer : le Congo Belge expor-
tait davantage vers les autres pays que vers la Belgique (plus de
68 %). E n d'autres termes, le Congo non seulement ne demandait
aucune devise à la Métropole pour couvrir ses importations, mais
était un pourvoyeur de dollars.
Telle était la situation à la veille encore de 1960. Une colonie
des plus prospères, à l'économie équilibrée, n'attendant aucune
assistance financière de la Métropole, dans laquelle les capitaux
privés trouvaient des placements de rapport intéressant, dont
l a balance des comptes de 1950 à 1958 connaît un solde bénéficiaire,
dont les structures administratives sont légères, et qui enfin,
intègre progressivement dans son élan des populations indigènes
que l'on espère peu à peu constituer en « classes moyennes ».

L E S CONDITIONS P O L I T I Q U E S

Réussite incomparable sur le plan économique, quelle était la


situation politique du Congo à la veille des événements de 1959 ?
La Constitution belge et la loi sur le gouvernement de la Colonie,
précisent que la Belgique exerce sa pleine souveraineté au Congo
Belge qui fait donc partie du territoire belge — ceci à la différence
du Ruanda-Urundi, territoire sous tutelle.
~~ Le pouvoir législatif est exercé par le Parlement belge, le Roi et
le Gouverneur Général. Le pouvoir exécutif est exercé par le Roi
et son représentant le Gouverneur général qui le traduit par voie
d'ordonnances. Subdivisé en six provinces, le Congo connaît une
certaine décentralisation au profit des gouverneurs de province
et des conseils provinciaux : Léopoldville, Equateur, Province
Orientale, Kiwu, Katanga et Kasaï. Telle est la structure politique
du Congo peuplé de treize millions d'habitants, dont environ
120.000 Européens sur lesquels l'on compte 80.000 Belges. Con-
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trastant avec le Ruanda-Urundi, qui a une densité de 84 habitants


au kilomètre carré, le Congo Belge a une densité relativement
faible de 5,5 habitants au kilomètre carré.
A la différence des Britanniques, qui ont toujours affirmé que
l'objet ultime,, de leur colonisation est l'indépendance, et pour
ce faire ou bien respectent les chefs traditionnels, ou préparent
des cadres autochtones ; à la différence des Français qui ont su
dégager des élites et associer des Africains à la vie politique de leurs
institutions nationales, les Belges n'ont aucunement préparé la
passation des pouvoirs pour une date aussi rapprochée que celle
en définitive retenue : 1960. Le système paternaliste belge avait
sans nul doute obtenu des résultats remarquables sur le plan
économique et social. Soucieux de construire un édifice durable,
lés autorités belges s'étaient attachées à jeter des' fondations
solides. L a pyrafnide sociale, répétaient-ils volontiers, doit être
large à sa base, et, dans leurs écoles et missions, ils s'efforçaient de
créer un type d'Africain sain et équilibré, doué d'un sens moral et
chrétien, doté d'un métier, et peu à peu rendu conscient de ses
responsabilités d'homme. Ils ambitionnaient d'adapter les Africains
aux nouvelles conditions que la vie occidentale et la technique
moderne apportent à des individus brusquement détribalisés
mais encore enfermés dans des structures mentales collectives.
S'attaquant à une œuvre de très longue haleine (et l'immense
retard de la masse africaine par rapport à nos techniques justifie
cette lente progression), les Belges espéraient créer une classe
moyenne africaine qui, peu à peu, aurait été associée aux respon-
sabilités civiques et politiques d'un état moderne.
Mais, en 1956, un seul Africain congolais avait conquis ses
grades universitaires... E n fait, l'histoire a rattrapé la Belgique
avant qu'elle n'eût le temps de mener à bien son expérience, expé-
rience qui eût été probablement la plus intéressante de toutes les
formes de colonisation. E n 1956, des tracts et brochures traduisent
Une certaine impatience des Congolais, en général chrétiens. Le
plus connu fut le manifeste du groupe « Conscience Africaine »
paru en fin 1956 et qui affirmait notamment : « Nous croyons que
le Congo est appelé à devenir, au centre du continent africain,
une grande nation » et i l se déclarait d'accord pour un plan
d'émancipation politique de trente ans... E n 1958, une
commission belge est désignée et doit recommander une politique
nouvelle, mais en janvier 1959, à la veille du message du Roi,
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des troubles ensanglantent ' Léopoldville et quelques centres.


Les émeutes sont brutales et les désordres graves. A u conflit
opposant les Blancs et les Noirs, s'ajoutent de multiples querelles
inter-tribales que les Belges maîtrisent avec plus ou moins de
facilité. Le feu couve un peu partout, et en 1960 l'état de siège
doit être prononcé dans les provinces de Kasaï et du Katanga.
Les forces belges et congolaises se montent à moins de
25.000 hommes.
** * i

Face aux négociateurs belges, les chefs congolais constituent,


plus rapidement que les Belges ne l'escomptent, un front commun.
Les 52 délégués africains étaient ainsi répartis : onze représentants
du Cartel, dirigés par M . Kasavubu, Président de la société à
l'origine culturelle, puis politique, de l'Abako, assisté de Daniel
Kanza ; six représentants de la tendance Lumumba (Mouvement
National Congolais) ; deux représentants du Conakat (Parti Auto-
nomiste du Katanga) ; et enfin des représentants d'autres partis
et des milieux coutumiers.
M . Lumumba, libéré spécialement ' de prison pour assister
à la conférence de la Table Ronde, est partisan d'un Congo unitaire et
centralisé, si dès à présent i l a condamné la démocratie occidentale
comme incapable de répondre aux exigences d'un état africain
devant mobiliser toutes ses ressources en hommes et en richesses.
M . Kasavubu, âgé die quarante-deux ans, est appelé Roi Kasa par les
foules du Bas-Congo (« Ruau ! Ruau I » s'exclament-elles lorsqu'il
paraît, ce mot étant la déformation africaine du mot « Roi »). De
race Bas-Congo, tribu se trouvant au Cabinda et en Angola por-
tugaise et dans la République du Congo, M . Kasavubu envisagerait
e
volontiers de recréer le Royaume Bas-Congo qui existait au x v siècle
et dont la reconstitution pourrait être le prélude à l'éclatement
de l'actuel Congo Belge. Enfin, un troisième leader est apparu,
M . Balinkongo. Il aurait les préférences des éléments éclairés, i
Il est également de formation catholique comme les deux autres
et appartient à la tribu guerrière des Bangala du Congo supérieur.
Belges et -Congolais se sont finalement mis d'accord sur un régime
provisoire associant les Africains au gouvernement d'ici le 30 juin,
et sur les principes généraux devant guider le futur état après
l'indépendance.
Des élections sont prévues en mai et juin. Le pouvoir législatif
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sera exercé par deux assemblées : L a Chambre des Représentants


comprenant 137 membres élus au suffrage universel, et le Sénat
composé principalement des membres désignés par les Assemblées
provinciales.
Une certaine décentralisation au profit des six provinces est en
effet prévue, mais i l faut attendre la Constitution qui sera élaborée
par les deux Chambres intégralement africaines pour mesurer
le caractère unitaire du nouvel état. Dès à présent, cependant,
oh semble avoir renoncé à la création d'une Fédération, qui ne
résisterait probablement pas aux forces centrifuges dont nous aurons
l'occasion de reparler. A Bruxelles, Belges et Congolais se sont
mis d'accord pour prévoir une répartition des compétences entre
le pouvoir central et les six provinces. Seront du domaine de la
compétence de ce pouvoir central : les Relations Extérieures, la
Défense Nationale et la Gendarmerie, les Finances Nationales, les
Douanes, la Monnaie, le Régime des Changes, l'Enseignement
Supérieur, les Travaux Publics, les Transports, les Télécommuni-
cations, la Recherche Scientifique et l'Organisation Judiciaire.
Cependant, la question capitale des relations financières entre
l'état et les provinces n'est pas tranchée et les représentants de
la très riche province du Katanga ont fait admettre que les rede-
vances payées par les mines ne seraient pas versées au pouvoir
central. Le Katanga jouera-t-il un rôle comparable à celui de la
Côte d'Ivoire qui a été à l'origine de la balkanisation de l'A.O.F. ?
Un régime provisoire va associer pendant les quatre mois qui
séparent du 30 juin les Congolais au Gouvernement. Les décisions
de l'administration seront désormais prises avec l'accord des
Africains. Le 30 juin, c'est l'indépendance totale, les 80.000 Belges
ne seront ni électeurs ni éligibles, les fonctionnaires européens
passeront sous l'autorité du gouvernement congolais qui disposera
également de la force publique. Le Gouverneur général aura
regagné la Métropole. Une «impie mission technique belge assurera
alors : « la coordination des mesures d'assistance technique et
économique prises par le gouvernement belge, dans le cadre
des accords conclus avec le gouvernement congolais. » Un traité
d'amitié doit en principe être conclu après le 30 juin entre les gou-
vernements des deux états souverains : l'Etat congolais et l'Etat
belge. C'est un pari, un coup de poker, une volte-face, un quitte
ou double. Les commentateurs s'étonnent et s'ingénient à expliquer
le renversement brutal et total de la politique belge.
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L E POURQUOI D E L A V O L T E - F A C E ?

Affirmer que tous les Belges en Belgique et au Congo soient


d'accord avec les seize résolutions adoptées à l'unanimité, penser
que c'est de gaîté de cceup, sans inquiétude et sans nostalgie qu'ils
les aient ratifiées serait évidemment faux. Acceptation en Belgique,
résignation au Congo, tels sont les deux sentiments majeurs dés
Belges. i
Mais l'observateur étranger doit cependant s'efforcer de s'expli-
quer ce revirement de l'attitude gouvernementale. L a délégation
belge était parfaitement représentative à la Table Ronde. Ne
comprenait-elle pas, outre deux membres du Gouvernement, dix
Parlementaires représentant les trois grandes formations nationales
belges (chrétiens, libéraux et socialistes) ? Des raisons profondes
ont donc motivé cette grave décision de procéder en quatre mois
du transfert de toutes les compétences aux Congolais. Cette., attitude
était inconcevable i l y a un an encore. Le 13 janvier 1959, le roi
Baudouin emploie à dessein le mot magique d'indépendance,
dans un discours sans ambiguïté, ne laissant aucune possibilité
d'interprétation de la part des Congolais et des Belges. Tous savent
alors que la Belgique accordera l'indépendance au Congo, mais
aucune date n'est encore précisée, la Belgique agira « sans ater-
moiement », mais aussi « sans précipitation inconsidérée ». E n fait,
les milieux informés envisagent l'indépendance pour l'année 1964.
Les raisons politiques. — Selon un quotidien belge, le Ministre
du Congo a fait « table rase et non table ronde de ce qui était
jusqu'ici l'alpha et l'oméga de sa propre politique congolaise ».
L a démission de M . Van Hemelryck, Ministre du Congo, trouvétrop
libéral, le 2 septembre 1959, signifiait que le gouvernement belge
refusait une politique d'aventure et le plan de son successeur
prévoyait des paliers successifs. Or, celui-ci, M . de Scheyver,
a dépassé les propositions de son prédécesseur, brûlé les étapes,
et n'a cherché aucune garantie ! Pourquoi ? Le Ministre des Affaires
Economiques du Congo, M . Scheyver s'en est expliqué : « Pourquoi
^cette rapidité ? Pouvions-nous ignorer ce qui se passait aux fron-
tières mêmes du Congo, ce grand mouvement qui secoue toute i
l'Afrique ? Rappelez-vous le discours du général de Gaulle à Brazza-
ville et son retentissement à travers toute l'Afrique. Léopoldville
sentait croître un complexe d'infériorité à l'égard de Brazzaville.
A u Congo, ici et là, des élus prenaient des allures de chefs, et
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l'incertitude d'une trop longue période transitoire risquait de mener


à des déchirements internes, et jusqu'à l'éclatement du Congo.
Nous pouvions freiner. On peut toujours freiner, mais nous avons
pensé qu'il valait mieux jouer le jeu » (1).
L a période transitoire a donc été réduite au minimum. Là
où les Britanniques ont mis dix ans (1950-1960) pour tenter de
créer, à partir de régions et de tribus hostiles, la Fédération de
la Nigeria, les Belges tentent l'opération en quatre mois et dans un
pays infiniment plus arriéré sur le plan humain... E n 1960, les
Belges ont estimé qu'ils ne disposaient plus du laps de temps
suffisant étant donné l'agitation sporadique observée au Congo.
L'engagement solennel du Roi ne pouvait suffire à couper court
aux surenchères de leaders congolais, rivalisant entre eux de
démagogie pour « se placer » en position avantageuse auprès de
foules crédules et sans expérience. Dans ces conditions, le gouver-
nement belge a voulu dégager le plus rapidement possible sa
propre responsabilité dans le maintien de l'ordre pour laisser les
leaders congolais face à leurs tâches plutôt que de leur laisser
tous les avantages, d'une opposition négative et destructrice.
Opposition,, qui aurait non seulement pu causer des dommages
matériels considérables, mais risquait de créer entre les Belges
(responsables du maintien de l'ordre) et les Africains des ressen-
timents et des haines rendant toute coopération difficile.
Le Ministre du Congo, M . de Scheyver, a clairement exprimé
son point de vue : « L'indépendance est devenue en Afrique une
mystique. Pour nous opposer à celle du Congo, l'emploi de la force
aurait été nécessaire. Or, ni le gouvernement, ni l'opinion belge
ne l'aurait admis. Dans ces conditions, pour préserver l'avenir des
relations belgo-congolaises, le mieux était d'aller vite, de ne pas
se borner à des demi-mesures et d'accorder tout de suite au Congo
sa pleine souveraineté » (2).
Le journal De Gazet van Antwerpen a traduit sans détours cette
même opinion : « L a Belgique ne pouvait adopter une autre politique,
car elle n'en avait pas de rechange, à moins de vouloir maintenir
par la force sa position au Congo. Mais l'opinion publique n'aurait
jamais approuvé une telle politique qui aurait eu pour conséquence
une guerre d'Algérie congolaise. Evidemment, c'est un coup
de dés... », conclut la publication flamande.

(1) Interview : Journal île Genève, 12 février 1960.


(2) La Vie Fronçai»».
L'INDÉPENDANCE D U CONGO B E L G E 587

De l'étranger, le Times de Londres devait, dans un éditorial


consacré au « pari congolais », essayer de comprendre : « Confrontés
a la réalité, leB Belges ont décidé de tout miser sur la seule politique
qui leur paraît avoir quelque chance de conserver la sympathie
des Africains. Us estiment que la voie choisie est celle qui, à long
K

terme, peut le moins mal préserver leurs énormes investisse-


ments » (1). Mais, nous voici ainsi conduits à examiner les raisons
économiques de ce désengagement politique et, probablement
conduits au cœur même du problème belgo-congolais.
Les raisons, financières. — Pas plus qu'elle n'a cru pouvoir
continuer à ignorer l'évolution politique de ses voisins et en parti-
culier de la Communauté franco-africaine; la Belgique ne pouvait
pas ne pas mesurer la « transformation » du phénomène colonial
e
sur le plan financier au x x siècle. Si, pour quelques individus
et certaines sociétés, le Congo pouvait demeurer une « excellente
affaire », les Belges estiment que pour la Métropole et le contribuable,
le Congo devient une source de dépenses. Cela, pour la première fois
dans l'histoire de la Belgique. Souvenons-nous que le Congo n'avait
jamais pesé sur les finances belges, un rapport de l'O. E . C. E .
l'a précisé en des termes clairs : « Contrairement à ce qui s'est
produit dans les territoires d'Outre-Mer des pays membres de
l'O. E . C. E . , le récent développement des territoires belges n'a
été stimulé ni par des dons, ni par des prêts ou des investissements
importants du gouvernement • métropolitain (2). Le Ministre
du Congo a certainement mesuré le coût des investissements
sociaux et scolaires, urbains ,et agricoles, répondant à un accroisse-
ment démographique net de 350.000 individus par an : « Le Congo,
a-t-il déclaré, présente toutes,les caractéristiques d'un pays sous-
développé : 86 % de ses ressources proviennent de matières pre-
mières qui sont sujettes à des fluctuations de cours. Il faut s'attendre
à voir la population du Congo passer de 13 à 26 millions d'habitants
au cours des vingt-cinq prochaines années ! Les problèmes sont
considérables. Le Congo a besoin de capitaux et de techniciens. »
L'attitude belge s'explique mieux à examiner la situation
économique et financière depuis 1957, année de récession. L'accrois-
sement des charges de l'État ne cesse d'augmenter. Entre 1947 et
1957, l'ensemble des dépenses budgétaires du Congo a triplé tandis

(1) The Times, 9 mars 1960.


(2) 0 . E . C E . : Développement économique des pays et T. 0. M. associés aux pays
membres de l'O. E . C. E . , 1958, p. 42.
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que le total des dépenses publiques a quadruplé. Le budget de


l'enseignement passe de 300 millions en 1950, à 2.460 millions en
1960... Celui de l'administration de 2 milliards en 1950 à 5.750 mil-
lions en 1959. La dette publique (intérieure et extérieure) suit une
évolution parallèle. Elle a décuplé en dix ans. Sa charge, c'est-à-dire
le paiement des intérêts des emprunts, qui ne s'élevait en 1950 qu'à
215 millions (soit 4,4 % du budget) atteint le chiffre de 4.298 mil-
lions (c'est-à-dire près de 25 % des dépenses du budget ordinaire !)
L a conséquence est que le Congo belge se classe aujourd'hui au
niveau des pays connaissant la plus forte pression fiscale dans le
monde — plus de 25 % —. Il rejoint ainsi la situation peu enviable
de la Grande-Bretagne, du Venezuela, des Etats-Unis, de la France
et de l'Allemagne Fédérale. Mais, dans cette Afrique, les Européens
et les sociétés sont évidemment les plus taxés : à titre d'exemple,
l'union minière du Haut-Katanga contribue aux recettes fiscales
dans la proportion de 20 à 33 %. E n juin 1959, le gouvernement a dû
majorer de 24 % l'impôt sur les revenus. Si l'on ajoute finalement
que la balance du commerce connaît des difficultés (elle devient
déficitaire en 1957, et n'est rajustée en 1958 qu'en comprimant les
importations de 18 %), si l'on précise qu'en 1959 la balance des
comptes est déficitaire de 8 milliards de francs belges, i l faut
reconnaître que tous ses éléjnents ont conduit les Belges à réfléchir
sur l'avenir du Congo.
Très positifs dans leurs conceptions, les Belges ont donc à cet
instant précis trouvé une formule qui combine les avantages d'une
politique libérale vis-à-vis des Congolais, et ceux d'un désengagement
financier, au moment où l'opération Congo n'apparaît plus intéres-
sante. L a Belgique se tourne alors vers la Communauté internatio-
nale, fait appel à l'Europe et au monde libre.
M . Scheyven, Ministre chargé des Affaires. Economiques et
Financières du Congo, a d'ailleurs exposé la situation aux délégués
congolais réunis à Bruxelles pour la table ronde. Avec franchise
et lucidité, i l a précisé que la Belgique avait demandé à la Banque
Mondiale d'établir un plan de cinq ans de développement écono-
mique pour le Congo. Ainsi, espère-t-elle intéresser les milieux
internationaux à la mise en valeur de ce territoire,
« ... E n effet, si l'on veut augmenter de 2,5 % le produit national
du Congo, i l faudrait 12 milliards de francs belges d'investissements
publics et privés en 1960 et 14 milliards en 1965. Encore ces mon-
tants seront-ils insuffisants puisque dans cette hypothèse, le pro-
L'INDÉPENDANCE D U CONGO B E L G E 589

duit national n'augmenterait qu'à la même cadence que la popu-


lation du Congo de telle sorte que chaque habitant n'aurait pas
plus de revenus à sa disposition qu'auparavant.
« Si l'on veut augmenter le revenu national de 5 %, i l faudrait
réaliser des investissements bruts de 17 milliards en 1960, pour
arriver à 25 milliards en 1965. Devant l'immensité de cet effort,
qui doit être accompli, on devra faire appel à des capitaux d'investis-
sement non seulement belges mais étrangers » (1).
Ainsi, la Belgique a-t-elle fait ses «omptes. Elle a mesuré le
poids représenté par le développement social d'un Congo
soumis à une pression démographique impressionnante et ses
dirigeants ont conclu qu'il était temps de passer la main aux Congo-
lais sur le plan politique et de s'appuyer sur le monde entier sur le
plan économique. De cette façon, elle pense pouvoir sauver l'essentiel
de ses intérêts et continuer son œuvre dans un nouveau contexte.
Cependant, un point noir subsiste même en suivant le raison-
nement de Bruxelles : le manque de cadres supérieurs africains.
Ici, manifestement^ les Belges ont sous-estimé le temps dont ils
disposaient pour former les élites. E n 1960, sur 13 millions de
Congolais, i l y a 132 ingénieurs, 716 médecins, 1.112 agronomes,
1.553 instituteurs d'état, mais pas un administrateur, et pas
un officier. E n fait, l'administration a été beaucoup plus timide
et réservée que les Missions.

L ' A V E N I R D U CONGO

Parmi toutes les questions qui se posent, deux d'entre elles sont
particulièrement préoccupantes : le Congo va-t-il conserver son
unité politique, ou ne risque-t-il pas d'éclater? Quels seront, d'autre
part, les droits des Européens qui demeureront dans cet état
africain ?
L'unité territoriale du Congo ? S'il est un domaine sur lequel
les Africains éclairés peuvent être reconnaissants à la Belgique,
c'est le souci constant de celle-ci de maintenir l'unité du Congo.
Cette unité a été créée par les Belges et elle est encore très arti-
ficielle. Si elle est maintenue, un marché commun de 13 millions
d'habitants pourra se développer et offrir une clientèle indispensable

, (1) Congo belge 60, février i960 (bulletin d'information).


590 LA REVUE

à l'industrialisation naissante, sinon c'est l'éclatement en petites


économies cloisonnées, où régneront des potentats africains. L a
tentation de balkaniser le Congo ne paraît pas avoir effleuré
Bruxelles, i l appartient aujourd'hui aux Congolais de respecter
un des plus beaux cadeaux qu'a su leur apporter la Métropole :
l'organisation de leur espace politique. Cependant, des forces
centrifuges s'observent à l'ouest comme au sud en particulier.
A l'est, c'est le souvenir de l'antique royaume Bas-Congo
qui est évoqué. Les tribus Bas-Gongo s'étendent à la suite des par-
tages européens sur le Cabinda et l'Angola, mais également sur
la province de Léopoldville et la République du Congo. M.Kasavubu
et l'abbé Fulbert Youlou sont en relations et si un état Bas-Congo
était créé, i l couperait l'accès à la mer au nouvel état du
Congo.
A u sud, la province du Katanga regarde vers les Rhodésies.
Sir Roy Welensky, le premier ministre, a confié au Daily Express
qu'il recevait des lettres du Katanga lui demandant l'union de
cette province à la Rhodésie le jour où le Congo deviendrait indé-
pendant. L a réaction belge et congolaise a été unanime à s'opposer
à cette prétention, mais i l est encore trop tôt pour juger de la
solidité d'un Congo qui sera peut-être un état, mais non encore une
nation.
Les droits des personnes. — Le Roi des Belges, dans sa décla-
ration de janvier 1959, avait précisé : « L'indépendance est un
statut qui garantit la liberté, l'ordre et le progrès. Elle ne se conçoit
que moyennant des institutions solides et bien équilibrées, des
cadres administratifs expérimentés, une organisation sociale,
économique, financière bien assise aux mains de techniciens éprouvés
et enfin.une formation intellectuelle et morale, sans laquelle un
régime démocratique n'est que dérision, duperie et tyrannie. »
Nous sommes loin, aujourd'hui, d'une telle exigence. Manifestement,
chacun admet que le Congo s'orientera vers une forme d'état expri-
mant la « personnalité congolaise », comme le Ghana, la Guinée, le
Soudan, ont traduit la « personnalité africaine » par des régimes au-
toritaires. De là sans doute le luxe de précautions de la résolution
numéro 8 où l'on souhaite que, dans la loi fondamentale du Congo,
soient inscrits onze principes sacrés sur l'égalité de tous les êtres hu-
mains devant la loi, la garantie de la liberté individuelle, la liberté de
pensée et d'expression, le droit de propriété, le respect des investis-
sements et des biens et enfin l'inviolabilité du domicile, etc..
L'INDÉPENDANCE D U CONGO B E L G E 591

Autant risquent d'en emporter le vent de l'indépendance, les


exigences de la lutte pour la conquête du pouvoir.
Un souffle de panique a déjà parcouru le pays. Le Gouverneur
de Stanley ville a pu, à la radio, le comparer à la grande peur de
l'an 1000 et dénoncer cette psychose de fuite s'emparant des
(

Blancs. Certes, des menaces africaines ont effrayé, des impôts


et des rôles parallèles avaient été institués et des condamnations
prononcées par les comités africains, des listes de partage de biens
— sinon de femmes — ont même circulé à Bukavti. Les leaders
africains ont réagi à leur retour de Bruxelles, M . Kasavubu a
invité la population au travail et à la production. Il a exigé le
paiement de l'impôt à l'État « qui est dès maintenant le nôtre ».
Quoiqu'il en soit, les Belges du Congo paraissent soit résignés,
soit frappés de stupeur derrière un optimisme de commande que
leurs autorités s'efforcent de faire partager.
•En fait, tout dépend désormais non pas seulement de la sagesse
des chefs africains, mais de leur autorité sur leurs troupes. Sau-
ront-ils les tenir en main et leur faire comprendre que l'indépendance
n'est pas le signal de grandes vacances ? Les tentations vont être
.multiples pour la foule certes, mais également pour les chefs
eux-mêmes qui risquent d'être écrasés par les problèmes financiers.
L'on imagine aussi le rôle difficile, délicat et ingrat des admi-
nistrateurs coloniaux belges après le 30 juin. Us vont être pris
entre leur sympathie vis-à-vis de leurs compatriotes devenus
une minorité sans droit et leur loyauté vis-à-vis de leurs nouveaux
ministres africains à qui ils auront dû prêter serment. De toutes
parts, un immense effort de compréhension et de sagesse sera
nécessaire pour mener à bien une opération bâclée dans le temps.

L E CONGO : PROBLÊME INTERNATIONAL

Le transfert de pouvoir exercé par des Blancs à des autochtones


est toujours une opération difficile et complexe. Que pourra-t-il se
er
passer après le 1 juillet à Luluabourg dans la province de
Kassaï ? ,
Cette transition accélérée ouvre une ère où les Soviets peuvent
trouver plus d'une occasion d'intervenir. Sans doute le « colonia-
lisme » ne pourra plus être dénoncé, mais un nouveau mot d'ordre
est déjà prêt : la lutte contre l'assistance que la Belgique et le
592 LA REVUE

monde libre apporteront au Congo indépendant. Cette aide sera


critiquée comme une forme de « néo-colonialisme » et d' « impé-
rialisme économique ». Seront suggérés des remèdes radicaux
comme la nationalisation des sociétés étrangères et l'exemple
du Canal du Suez et des pétroles d'Iran sera évoqué.
L'importance stratégique du Congo ne peut échapper ni aux
Occidentaux, ni aux Soviétiques. Avec l'Angola, i l représente
une superficie égale à celle de l'Inde. Il constitue la plaque tour-
nante du continent noir. Les nations libres doivent apporter un
concours éclairé à l'expérience belgo-congolaise, d'autant plus que
la rapidité du transfert a rendu l'opération particulièrement hasar-
deuse. La deuxième conférence de la Table Ronde, en avril, sur
les problèmes économiques, a précisé les principes de la coopération
attendue.
De 1884 à 1908, l'état indépendant du Congo a connu une histoire
malheureuse. De 1908 à 1960, la colonie du Congo Belge a été le
cadre de l'expérience la plus féconde et la plus digne de réussite si
le temps lui avait été donné d'être menée à bien. E n 1960, la
parole passe aux Congolais.
RENÉ VERMONT.

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