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Rubéole congénitale
Encyclopédie Pratique de Médecine

V Mirlesse, F Jacquemard, F Daffos

L a rubéole congénitale constitue la plus classique des atteintes infectieuses embryofœtales. Elle peut se traduire
par la mort in utero, des anomalies cliniques multiples (neurologiques, ophtalmologiques, cardiaques...) ou
par une surdité isolée, habituellement de survenue tardive. Il n’existe aucun traitement spécifique de la rubéole
congénitale ; la notion d’un traitement préventif systématique par la vaccination prend donc ici tout son intérêt.
© Elsevier, Paris.


part, et par inoculation à des cellules amniotiques
Épidémiologie humaines d’autre part. Il n’existe pas de modèle Tableau I. – Risque de passage transplacen-
taire du virus de la rubéole en fonction du
animal du syndrome de rubéole congénitale.
terme de la grossesse.
C’est en 1941 qu’un ophtalmologiste du nom de


Infection fœtale (%)
Gregg [7] décrit l’association entre la rubéole Terme de la
Mode de transmission grossesse (SA) D’après Miller D’après Daffos
maternelle et la survenue de malformations fœtales. et al et al
Cette étude faisait suite à une épidémie de rubéole
après laquelle bon nombre de nouveau-nés < 12 − 57 (31/54)
< 13

}
L’infection congénitale se produit par passage 90 (9/10)
présentaient une cataracte congénitale. L’ensemble
transplacentaire du virus, contemporain de la 13-14 67 (4/6)
du syndrome n’a toutefois été décrit qu’après 15-16 67 (12/18) 67 (44/65)
l’épidémie mondiale de rubéole de 1962. Cette virémie maternelle. Le virus a été mis en évidence
17-18 47 (17/36)
épidémie a touché environ 12,5 millions de sujets, dans certains prélèvements de villosités choriales ou 19-20 39 (13/33)
entraînant 11 000 morts fœtales et la naissance dans les produits d’avortement, mais de façon 21-24 34 (20/59)
inconstante [5]. 25-28 25 (8/32)
d’environ 20 000 enfants atteints de rubéole
29-32 35 (11/31)
congénitale. 33-38 60 (15/25)
Dans les années qui suivirent, la mise au point La contamination est avant tout de > 38 100 (8/8)
d’une vaccination efficace a permis une diminution
type oropharyngé, à partir d’individus
radicale des cas de rubéole chez les femmes en âge
infectés. Le virus envahit le – la gravité de l’atteinte fœtale diminue avec le
de procréer, et une franche diminution des surdités
nasopharynx puis les muqueuses. La terme.
d’origine rubéolique [10].
virémie débute 7 jours après la Les études de Daffos et al [3], basées sur les
contamination et dure 7 à 10 jours, données biologiques fœtales, viennent modifier ces
L’incidence de la rubéole congénitale mais cesse généralement 1 à 2 jours données statistiques in vivo.
aux États-unis était évaluée à 0,05 / après l’apparition de l’éruption. Elles reposent sur la pratique de 119 diagnostics
100 000 naissances en 1987. Dans de Le virus peut cependant être retrouvé prénatals de rubéole :
vastes zones géographiques dans le dans l’oropharynx de 7 jours avant à 5 ■ séroconversions intervenues avant 12
monde, l’embryofœtopathie rubéolique jours après l’éruption, période pendant semaines d’aménorrhée (SA) : 54 diagnostics ont été
reste néanmoins une réalité laquelle le patient est contaminant. En réalisés :
dramatique par sa fréquence, sa effet, la rubéole est extrêmement – 31 diagnostics d’infections fœtales ont été
gravité et l’absence de politique de contagieuse, même si elle reste portés (57 %), 30 grossesses ont été interrompues ;
asymptomatique dans 25 à 30 % des une mère a poursuivi sa grossesse, l’enfant est né
santé publique permettant sa
cas [4]. bien portant, bien que l’infection néonatale ait été
prévention.
confirmée, posant le problème fort intéressant des
guérisons in utero ;


Le virus a pu être isolé des sécrétions – 23 diagnostics restants étaient négatifs (43 %) ;
Biologie endocervicales, ce qui rend possible une parmi eux, un enfant est né avec une rubéole
contamination per partum. Le risque de congénitale. Ce faux négatif a été réalisé au début de
contamination lors de l’allaitement existe également. notre expérience, à l’époque où nos connaissances
Le virus de la rubéole a été isolé en 1962. Il s’agit Deux points doivent être soulignés : sur la réponse immune fœtale étaient insuffisantes ;
© Elsevier, Paris

d’un virus à acide rhibonucléique (ARN) de 58 nm, – le risque de passage transplacentaire est nous avons dosé trop précocement les IgM ; cet
appartenant à la famille Togaviridae, genre maximal en début et en fin de grossesse. Le tableau I enfant est né avec un retard de croissance et une
Rubivirus, dont il n’existe qu’un seul type rapporte la fréquence des infections fœtales en myocardite ;
sérologique. L’isolement du virus a été réalisé en fonction du terme d’après les études de Miller et ■ séroconversions intervenues entre 13 et 18
1962 sur culture cellulaire de rein de singe d’une Pollock de 1982 [9] ; SA : 65 diagnostics ont été réalisés :

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– 29 diagnostics étaient positifs (44 %), ‚ Fœtus


conduisant à 15 interruptions de grossesse. Tableau II. – Manifestations cliniques de la
rubéole congénitale. Le bilan de la contamination fœtale se fait sur
Quatorze grossesses ont été poursuivies ; parmi sang fœtal à partir de 20 SA.
elles, deux enfants présentent une surdité sévère, Générales Après contrôle de la pureté du prélèvement,
dont un dès la naissance ; Retard de croissance intra-utérin l’échantillon de sang fœtal est analysé à la
– 36 diagnostics étaient négatifs (56 %) et tous Fausse couche spontanée
recherche :
les enfants bien portants à la naissance. Mort in utero
■ de signes spécifiques d’infection :
Neurologiques – présence d’IgM spécifiques ;
Surdité
Il n’a jamais été décrit de – cultures virales ;
Méningoencéphalite, microcéphalie, calcifica-
contamination embryonnaire lorsque tions intracrâniennes ■ de signes non spécifiques :
l’éruption survenait au moment des Retard psychomoteur, troubles du comportement, – dosage de l’interféron plasmatique fœtal [8] ;
autisme, hypotonie, défaut d’élocution – anomalies hématologiques ou biochimiques
dernières règles ou dans les 11 jours
Ophtalmologiques fœtales.
suivants.
Cataracte, rétinopathie, glaucome
Microphtalmie, anomalie de la cornée
Les réinfections rubéoliques maternelles peuvent
L’apparition des IgM spécifiques, en
Cardiaques cas d’infection fœtale, est fonction du
donner lieu à des syndromes de rubéole Persistance du canal artériel, sténose pulmonaire,
congénitale, notamment chez les sujets vaccinés hyperplasie pulmonaire, coarctation de l’aorte,
degré de maturité du système
avec échec de séroconversion, s’il présente une communication interventriculaire ou interauricu- immunitaire fœtal. Elle est donc
réelle augmentation des taux d’IgG (4 dilutions) [2]. laire, myocardite inconstante dans les termes les plus
Hépatiques précoces.


Ictère, hépatosplénomégalie


Manifestations cliniques Hématologiques
Anémie, hémolyse Prise en charge
‚ Mère Divers
Pneumopathie interstitielle, anomalies osseuses, – Lorsque l’infection maternelle a eu lieu entre 11
La principale manifestation rubéolique est une anomalies immunologiques, anomalies endocri- jours après les dernières règles et 11 SA, une
éruption maculaire prurigineuse, débutant sur la face niennes (diabète insulinodépendant, défaut de sé- interruption de grossesse peut être proposée
et s’étendant en 1 à 2 jours vers le tronc et les crétion de l’hormone de croissance, dysthyroïdie)
d’emblée. En effet, la fréquence des infections fœtales
extrémités. Elle peut être précédée d’un malaise avec étant de 90 % et la gravité de l’embryopathie majeure
fièvre, céphalées, conjonctivite, adénopathies dans cette fourchette de terme, il peut paraître inutile
multiples et arthralgies. L’infection maternelle en techniques immunologiques de type Elisa. Les IgM se d’attendre la confirmation diagnostique qui ne peut
cours de grossesse peut aboutir à une fausse couche positivent 15 jours à 3 semaines après le contact être obtenue qu’après 20 SA.
spontanée, à un arrêt de grossesse, à une mort in viral, ou une semaine après l’éruption, et restent – Lorsque l’infection maternelle a eu lieu entre 12
utero, à une infection placentaire sans atteinte positives pendant environ 2 mois (parfois plus et 20 SA, un bilan de contamination fœtale sera
fœtale ou à une atteinte fœtoplacentaire entraînant longtemps) [6]. proposé. Il comprend un double prélèvement de
des lésions variables. liquide amniotique et de sang fœtal réalisé vers 20 SA
Le diagnostic peut également être posé par une
surveillance sérologique plus systématique. Le profil et permet de mettre en évidence une contamination
‚ Nouveau-né
d’évolution des taux d’anticorps est directement lié à fœtale par des signes spécifiques : culture virale dans
Le tableau II résume les manifestations cliniques le liquide amniotique et le sang fœtal (présence d’IgM
la technique employée : inhibition de l’hémaggluti-
accompagnant le syndrome de rubéole congénitale. spécifiques et augmentation de l’interféron total) et de
nation, immunofluorescence, techniques radio-
On peut schématiquement distinguer le tableau signes non spécifiques d’infection (tableau II). En cas
immunologiques ou immuno-enzymatiques.
très sévère des atteintes précoces, associant ces d’infection prouvée entre 12 et 20 SA, l’interruption de
L’ensemble de ces techniques, que nous ne
diverses atteintes, avec 30 % de décès dans les 4 grossesse peut être discutée en fonction des données
détaillerons pas ici, vise à préciser s’il s’agit d’une
premiers mois. précises de chaque cas.
primo-infection ou d’une réinfection, et quelle en est
la date par rapport au terme de la grossesse [2]. – Au-delà de 20 SA, l’infection fœtale n’entraîne
Dans les tableaux moins sévères, la que des formes infracliniques et une simple
manifestation la plus fréquente est la surveillance postnatale est proposée. Les
diminution de l’audition, qui peut Cas particulier des réinfections nouveau-nés infectés sont porteurs du virus durant
maternelles avant 20 SA la première année de vie dans les sécrétions
apparaître de façon très retardée dans
pharyngées, les urines et les selles. Ils doivent donc
la première décade de la vie. Elle peut Les réinfections sont toujours
être maintenus à distance des femmes enceintes
être accompagnée d’autres possibles, notamment chez les
séronégatives.
manifestations neurosensorielles et patientes restées séronégatives après
métaboliques (glaucome, diabète vaccination. Elles s’accompagnent
insulinodépendant, pathologie
thyroïdienne).
d’une élévation des IgG avec ou sans
élévation d’IgM. Dans ce contexte, les
contaminations fœtales semblent

Prévention


rarissimes, même si un syndrome de Ce vaccin doit être effectué chez tout enfant de 15
Diagnostic rubéole congénitale grave est possible mois ; un rappel est préconisé avant l’adolescence, un
et justifie donc un bilan prénatal.
La vaccination antirubéolique est un
‚ Mère vaccin vivant atténué entraînant une
Le diagnostic positif de l’infection maternelle est Les techniques d’études de l’avidité des anticorps immunisation active, efficace à 90 %
simple en présence de l’éruption typique : il s’appuie peuvent, dans certains cas, contribuer à préciser la chez les patientes séronégatives [1].
sur la recherche des IgM spécifiques par des date de séroconversion.

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contrôle sérologique sera au mieux pratiqué en serait une indication à interrompre la grossesse ; en volontaires de grossesses ou grossesses extra-utérines.
période prénuptiale ou lors des bilans avant effet il n’a jamais été décrit d’embryofœtopathie L’immunisation passive par injection de
contraception. La vaccination doit s’accompagner de 3 secondaire à une vaccination en début de grossesse. gammaglobulines spécifiques est possible en cas de
mois de contraception dans la mesure où le virus, La vaccination s’impose en post-partum immédiat contage en cours de grossesse. Son rôle sur la
même atténué, traverse le placenta. En aucun cas chez les patientes séronégatives, mais aussi dans les prévention de la contamination fœtale reste
cependant, une vaccination en cours de grossesse ne suites immédiates des fausses couches, interruptions indéterminé.

Véronique Mirlesse : Gynécologue-obstétricienne, médecin assistant.


François Jacquemard : Gynécologue-obstétricien.
Fernand Daffos : Gynécologue-obstétricien, médecin assistant.
Service de diagnostic prénatal et de médecine fœtale, Institut de puériculture de Paris, 26, boulevard Brune, 75014 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : V Mirlesse, F Jacquemard et F Daffos. Rubéole congénitale.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0380, 1998, 3 p

Références

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107 : 17-30 Transactions of the ophtalmological society of Australia, 1941 : 334-345

[2] Cradock-Watson JE. Laboratory diagnosis of rubella: past, present and future. [8] Lebon P, Daffos F, Checoury A, Grangeot-Keros L, Forestier F, Toublanc JE.
Epidemiol Infect 1991 ; 107 : 1-15 Presence of acid labile alpha interferon in sera from fetuses and children with
congenital Rubella. J Clin Microbiol 1985 ; 21 : 775-778
[3] Daffos F, Forestier F, Grangeot-Keros L, Capella-Pavlovsky M, Lebon P,
Chartier M et al. Prenatal diagnosis of congenital Rubella. Lancet 1984 ; 2 : 1-3 [9] Miller E, Cradock-Watson JE, Pollock TM. Consequences of confirmed ma-
ternal rubella at successive stages of pregnancy. Lancet 1982 ; 2 : 781-786
[4] Enders G, Jonatha W. Prenatal diagnosis of intra-uterine rubella. Infection
1987 ; 3 : 162-164 [10] Peckham CS, Martin JA, Marschall WC, Dudgeon JA. Congenital rubella
deafness: a preventable disease. Lancet 1979 ; 1 : 258-261
[5] Enders G, Nickerl-Pacher U, Miller E, Cradock-Watson JE. Outcome of con-
firmed periconceptional maternal rubella. Lancet 1988 ; 1 : 1445-1447

[6] Grangeot-Keros L, Pillot J, Daffos F, Forestier F. Prenatal and postnatal pro-


duction of IgM and IgA antibodies to rubella Virus studied bay antibody capture
immunoassay. J Infect Dis 1988 ; 158 : 138-143

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