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Introduction

Pour cette section, j'ai choisi le film argentin El hombre de al lado (L’homme d’á coté),
écrit et réalisé par Mariano Cohn et Gastón Duprat et avec les participations de Rafael
Spregelburd (Leonardo) et Daniel Aráoz (Victor).

Le film développe le conflit entre deux voisins. Leonardo est un designer argentin
installé dans la maison Curutchet construite en 1953 par Le Corbusier dans la ville de
La Plata. Il se réveille un matin avec les bruits de marteau provenant du bâtiment voisin.
Victor, son voisin, a décidé de construire une fenêtre dans le mur de mitoyen avec vue
sur le salon de Leonardo. De cette situation naît la relation entre ces deux personnages,
qui finissent par être antagonistes depuis leur aspect physique jusqu’à leur condition
sociale et intellectuelle.

Les cinéastes de ce film ont voulu raconter un conflit dans lequel « ni la justice ni la
police ne peuvent pas intervenir. Ici tout doit se régler à l’amiable, d’homme à
homme ».

La séquence

Tout d’abord, je vais analyser la première scène du film de la minute 0:06 à la minute
5:09. Le son diégétique des oiseaux accompagne les crédits du film d'ouverture, avant
d'entrer dans la première image, le spectateur peut commencer à déduire le contexte de
la scène. Un chien se fait entendre et la première image est introduite avec un klaxon:
c'est le matin dans une ville. Deux plans parallèles, à gauche une image blanche
uniforme (lumière) et à droite une image grise (ombre). Apres on voit le titre du film
écrit sous cet image El hombre / de al lado, faisant un contraste de jeu avec la couleur
de la typographie (blanc sur gris et vice-versa). L'action est précédée du bruit métallique
d'un outil de travail, là encore le son précède l'image. Sur la droite, nous voyons une
main avec un marteau qui commence à casser le mur, le son de l'action laisse derrière le
son de l'environnement que nous avons entendu au début. À gauche, l'image blanche
commence à se fissurer, ce qui nous permet de comprendre en quoi consiste le même
mur. Dans un seul plan, nous voyons l'intérieur et l'extérieur ainsi que le son est
également divisé en deux.

Dans le plan suivant, nous voyons un couple en train de dormir, le spectateur confirme
l'heure de la journée, le bruit de fond du martèlement le réveille. Le personnage
masculin se lève et dans les autres plans suivants, il traverse la maison à la recherche de
l'origine du son. Dans cette séquence de plans, nous voyons une maison moderne, avec
un style architectural marqué, avec une décoration qui nous permet de comprendre un
niveau socio-économique élevé et un intérêt marqué par l’art et l’esthétique. Ce
personnage est Leonardo. Il met ses lunettes (signe d'intellectualité) avant qu'il sorte de
la pièce, pendant qu’ilmarche la caméra montre une habitation où l'on voit une
couverture de lit fuchsia et un tableau de El Che Guevara, ce qui permet de déduire qu'il
s'agit de la pièce d'une adolescente, probablement sa fille. Léonard se rend dans le patio
de sa maison, où le son devient plus fort et où il constate que le mur de mitoyen est en
train d'être brisé par un homme. Puis, il reprend la route plus rapidement jusqu'à arriver
à la fenêtre de sa maison qui est en face au travail du voisin. Leonardo tente de mettre
fin à l'action du travailleur émerveillé et incrédule de la situation. Le travailleur qui, par
son accent et par ses caractéristiques physiques, on peut en déduire qu’il s’agit d’un
migrant, explique que le trou sera pour faire une fenêtre. La femme de Leonardo entre
dans le plan et quand elle essaie de savoir ce qu’il se passe, son mari l'éloigne de la
situation. Le travailleur indique que son employeur Victor est responsable de la décision
de faire la fenêtre et qu’il n’est pas là à ce moment-là. Alors, Leonardo demande à
l’homme que le propriétaire se communique avec lui dès que possible. Le travailleur
poursuit l'action jusqu'à ce que Leonardo, au moyen de cris mesurés, lui ordonne de
s'arrêter. Un gros plan du travailleur est observé avec un geste de dégoût. La situation
est tendue, le plan devient général, où l'on voit que la fille est arrivée à l'image, laissant
les trois devant la fenêtre.

Les modèles: pendant toute la scène, il y a une tendance à une performance discrète,
sobre et équilibrée, comme celle que Bresson explique dans son livre, de la part des
"intellectuels", signe de sa "classe" et de l'ouvrier, signe de son " soumission "en tant
que travailleur. Les émotions ne sont pas exprimées de manière exagérée et suractivée,
mais plutôt avec une naturalité et une organicité de la vie quotidienne, comme lorsque
Leonardo exprime son malaise de manière mesurée et que le travailleur le fait par le
silence, par un geste. Toute cette sobriété dans les expressions est clairement une
décision des cinéastes qui soulignera l'antagonisme entre les deux personnages
principaux.
En trois moments de cette scène, on peut observer la stigmatisation sociale des modèles,
qui ne sont que de brefs dialogues permettant au spectateur d’entrevoir le contexte
socioculturel:

"Non, laisse-moi." Leonardo quand la femme veut participer à la situation.

Le travailleur qui fait le "travail dur" est l'immigré.

"- Quel pays laid, la pute mère." Leonardo dit à sa femme qui acquiesce avec la tête en
présence de sa fille.

Les sons: Pendant toute la scène, les cinéastes utilisent le son diégétiques, à la fois dans
un premier plan et dans un second. On entend le bruit d’ambiant des oiseaux, des
chiens, des voitures, des coups de marteau et l'effondrement du mur, les bruits dans le
plan qui accompagnent les gestes de la marche, de l'ouverture des portes et de la fenêtre.
Au contraire, on ne peut pas entendre de musique d'aucune sorte. Il y a une tendance à
utiliser les sons avant les images et c’est pourquoi elles ont une valeur aussi puissante
que les actions elles-mêmes, permettant ainsi d’équilibrer ces deux éléments
cinématographiques, comme le recommande Bresson.

L’illumination et le couleur: la scène est à l'intérieur de la journée (se déroule dans la


journée), à l'exception du milieu du premier plan parallèle. La lumière est naturelle et
l'architecture et le design de la maison Curutchet permettent une luminosité favorable
pour la visibilité des images, car celle-ci est conformée par de nombreux vitraux et
fuites de lumière. Les cinéastes jouent avec le contraste de la lumière au premier plan de
la scène (blanc / gris) qui peut se traduire par une sémiotique de l'antagonisme entre
voisins. Dans le plan général dans lequel on voit la famille devant la fenêtre, elle peut
être vue car la lumière extérieure contraste fortement avec l’ombre de l’intérieur, ce qui
nous permet de réfléchir à l’importance de la luminosité recherchée par Victor lorsqu’il
fait le trou dans le mur de séparation.

La gamme de couleurs utilisée dans la scène a tendance à être grise, sobre, à l'exception
du tableau et de la couverture dans la chambre de l'adolescent et de quelques images
décoratives de la maison. Au même temps, cette gamme de gris est également donnée
par la lumière et les ombres.

La caméra: description des cadres et des plans de la scène.


Plan 1: détail plan parallèle d'un homme brisant le mur, caméra fixe.

Plan 2: premier plan du couple qui dort, il est focus sur Leonardo. Caméra à la main.

Plan 3: plan médian de Leonardo qui marche arrière. Caméra à la main qui le suit.

Plan 4: plan médian de Leonardo de dos. Camera continue de le suivre, observant la


chambre de sa fille à l'arrière-plan.

Plan 5: même cadrage et même utilisation du camera, le salon est montré.

Plan 6: même cadrage, Leonardo descend les escaliers en déchaînant un plan du


personnage en piqué. Caméra à la main.

Plan 7: même cadrage, Leonardo est de dos et la caméra continue de le suivre, il s'agit
d'un plan de durée plus longue que les précédents qui décrivaient la maison. La route
passe par différents niveaux donnés par l'architecture du lieu (étapes) jusqu'à ce qu’on
arrive au mur de mitoyen d'où provient le son, la caméra effectue un mouvement
panoramique oriental, de bas en haut et il se termine par un plan contre piqué qui
montre l'objet de conflit

Plan 8: plan général de Leonardo qui monte les escaliers en suivant un chemin
ascendant diagonal de gauche à droite. Caméra à la main.

Carte 9: plan médian de Leonardo et de sa femme devant la fenêtre. Caméra à la main.

Plan 10: premier plan du travailleur. Caméra à la main.

Plan 11: plan général de la famille devant la fenêtre et caméra fixe.

Une caméra fixe est utilisée au début et à la fin de la scène pour marquer la recherche et
la rencontre de l'équilibre de l'objectif dramatique de la scène. Mais d'autre part la
séquence au milieu de ces deux plans se fait avec une caméra à la main tremblante qui
accompagne le déséquilibre qui conduit à la situation d'incertitude du personnage.

Conclusion

De mon point de vue, cette scène permet de montrer comment les cinéastes ont utilisé
les ressources cinématographiques de manière équilibrée et synthétique, jouant entre ce
qui est montré et ce qui ne l’est pas. Il y a un jeu socioculturel qui reste à entre voir dans
les dialogues, dans l'architecture de la maison et dans la manière de parler des
personnages. Il n’y a aucune émotion ou musicalité abrupte qui couvre le naturel de la
situation. Ils ont utilisé plutôt les sons de la rue et ce qui se passe dans le moment. Les
modèles sont justes dans leurs interprétations et leurs gestes. L'illumination est naturel,
la lumière du jour est utilisée pour l'heure de la scène. Je considère que cette séquence
est proche de ce que Bresson a tenté d'expliquer dans son livre.

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