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18 Le langage de l’image

Objectifs du chapitre
Approfondir la connaissance des outils d’analyse de l’image.
Envisager l’image comme œuvre (peinture, gravure, photo…) dont la forme, comme pour la littéra-
ture, est significative.
Envisager l’image dans son lien avec le(s) texte(s).

OBSERVER 1
1. Comprendre la composition de l’image
a. Ce tableau représente une maison éclairée au bord de l’eau, au milieu des arbres,
sous un ciel clair. Au premier plan, de l’herbe, un rocher, un arbre. Au second plan, la
maison au bord de l’eau, son portail et des arbres. À l’arrière-plan, des arbres. Le ciel
occupe toute la moitié supérieure du tableau.
b. L’arbre au premier plan dissimule une partie de la maison ; les arbres sont repré-
sentés comme une masse sombre qui dissimule tout détail. Ainsi le tableau est-il
composé de masses sombres qui viennent contraster avec la façade éclairée de la
maison et le ciel.

2. Interpréter le choix des couleurs et de la lumière


a. Ce sont des couleurs froides qui dominent : le bleu, le noir, le blanc. Les couleurs
correspondent aux zones d’ombre et de lumière du tableau.
b. La lumière est cantonnée au ciel ; la façade de la maison est aussi lumineuse, mais
c’est la lueur du réverbère qui l’éclaire. Le reste du tableau est sombre. Ainsi avons-
nous l’impression d’un paysage nocturne sous un ciel diurne, ce qui est insolite. Le
tableau semble organisé en deux espaces qui ne communiquent pas l’un avec l’autre.
c. Le tableau s’intitule L’Empire des lumières : ce titre peut désigner la puissance des
deux sources possibles de lumière : naturelle, dans le ciel, artificielle par le réverbère.
Le pluriel souligne bien les différentes sources de lumière visibles dans le tableau,
mais aussi peut-être la différence de leurs « empires » : il s’agit bien en effet de peindre
deux univers qui semblent clos sur eux-mêmes, régis par leur propre lumière. Illo-
gique, la représentation de cet « empire » dans lequel le ciel n’éclaire pas la terre peut
aussi faire référence à une autre dimension, un autre univers, dans lequel ciel et terre
ne communiquent pas. Cet aspect insolite peut être celui du rêve et renvoyer en ce
sens à l’esthétique surréaliste.
La langue et le discours

OBSERVER 2
1. Comprendre la composition de l’image
a. Le regard du spectateur est attiré vers le personnage présent à l’arrière-plan. Ce
personnage, unique dans la photographie, est en effet situé au point de fuite ; sa
PARTIE 1

silhouette sombre se découpe par ailleurs sur le pan de mur ensoleillé qui constitue
l’arrière-plan de la photographie.
b. Impressions possibles : vide, désolation, pauvreté, malheur, chaleur, enfermement…

CHAPITRE 18 Le langage de l’image 87


L’image est structurée par des lignes horizontales et verticales délimitant un espace
libre mais qui semble clos, enfermé par les murs. Cet espace est quasiment vide à
l’exception de l’enfant et de la charrette. La nudité du décor, l’absence de couleurs,
l’absence de ciel donnent une impression d’étouffement, d’écrasement : on imagine
l’enfant seul, pauvre, confronté à une vie difficile.

2. Observer et interpréter le choix de la lumière


a. Le découpage entre ombre et lumière est très marqué : le premier-plan est dans
l’ombre, l’arrière-plan dans la lumière. Les 2/3 de la photographie, côté gauche, sont
dans l’ombre. La limite est celle de l’ombre du bâtiment de gauche. Les démarcations
sont géométriques et soulignent la présence des lignes de fuite ainsi que le décou-
page rectangulaire des murs.
b. Le personnage se situe à la limite de l’ombre et de la lumière, ce qui met en valeur
sa présence : sa silhouette se découpe nettement. Il est toutefois complètement
à l’ombre, ce qui empêche de voir son visage comme tout détail. Il reste ainsi une
figure éphémère, une esquisse, ce que suggère aussi la position de son corps, comme
stoppé dans sa marche vers la partie gauche de la photographie.

3. Comparer les images


a. Dans les deux cas, le point focal est au même niveau que l’objet représenté : pas
de vue surplombante ni ascendante. Il semble que la photographie ait été prise à
hauteur de l’enfant. Ce choix permet une certaine proximité avec l’objet représenté.
b. Points communs : le découpage ombre/lumière ; le guidage du regard par la lumière ;
le choix manifeste d’un objet central (la maison, l’enfant) au détriment d’autres élé-
ments (zones d’ombre chez Magritte, vide chez Cartier-Bresson).
c. Magritte crée une impression de mystère par le jeu ombre/lumière qui touche aussi
les fenêtres de la maison (seules certaines sont éclairées). Aucun sujet n’est visible ;
les zones d’ombre recèlent une part de mystère. Ce même contraste entre ombre et
lumière contribue aussi au mystère dégagé par la photographie, ainsi que l’éloigne-
ment du sujet par rapport à l’objectif, son emplacement dans l’ombre. Le vide de la
photographie, la sensation d’écrasement délimitée par le cadre et les lignes de fuite
renforcent cette impression de mystère.

EXERCICES
Exercice 1
1. 1er plan : une étoffe au sol, une table de chevet recouverte d’un tissu, une pomme
sur la table, un siège sur la droite et un bouquet jeté au sol. 2e plan : le couple et le
lit. Arrière-plan : le mur, la porte et son verrou, la tenture rouge du baldaquin.
b. Le blanc et le rouge dominent. Blanc : tenue vestimentaire de l’homme, en pleine
lumière, jupon de la femme, drap. Le blanc permet une mise en lumière des deux
amants, renforcée par les dégradés de rose des visages et des bras. Il peut conno-
ter le désir, l’intensité du moment. Rouge : étoffe du baldaquin. Connote la passion,
la violence.
c. La fonction de ce tableau est esthétique, mais aussi narrative : il raconte un moment
de passion amoureuse (scène galante et libertine), peut-être de violence (la femme
semble tenter de lutter ; l’homme ferme le verrou pour être libre de ses gestes : on
a pu voir dans ce tableau une scène de viol).
Exercice 2
a. L’affiche représente un gramophone ou un instrument à vent jaune sur fond noir
dessiné en forme de dollar ; d’un côté, une main enfonce à l’intérieur de l’appareil

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des billets de dollars tandis qu’une autre main actionne la manivelle. De l’autre côté,
jaillissent du pavillon des paroles en russe, enregistrées par des micros posés sur la
table au premier plan. Un texte en russe figure en bas de l’affiche, au premier plan.
Le sens dénoté porte donc sur la transformation de dollars américains en discours
russes diffusés par des médias.
b. Le dessin relie l’argent à la voix par l’intermédiaire du tube de l’instrument. Les
billets sont abondants, comme les mots qui sortent du gramophone. La taille de la
police utilisée suggère la puissance des discours diffusés. Le sens connoté est donc
celui d’une dénonciation : les soviétiques accusent Radio Free Europe, outil entre les
mains de l’Occident capitaliste, d’être financée par les États-Unis et de délivrer un
discours de propagande anticommuniste.
c. La fonction de cette image est idéologique, puisqu’il s’agit de dénoncer une pra-
tique contraire au régime. Son efficacité est due à sa simplicité : le dessin a une vertu
pédagogique, en montrant clairement le chemin parcouru par les dollars, vers la pro-
duction d’un discours anticommuniste, diffusé par des médias soviétiques.

Exercice 3
a. Au centre du tableau figure le couple de Roméo et Juliette. Il se trouve à l’inté-
rieur d’un tombeau, le tombeau des Capulets, comme le précise le titre du tableau.
Au premier plan, l’extrémité de la pierre tombale de Juliette. Roméo enlace celle qu’il
aime et qu’il croit morte, drapée dans son linceul. Le tableau illustre le dénouement
de la pièce de Shakespeare, le moment qui précède le suicide de Roméo.
b. Le tableau détache nettement, au deuxième plan, le couple des amants sur un
arrière-plan en demi-teintes. La cheminée, derrière Roméo et Juliette, dessine une
forme de cadre qui met en valeur le couple. Mais ce sont surtout les couleurs et la
lumière qui attirent le regard sur les deux personnages. La chair de Juliette, la blan-
cheur du linge qui la couvre à moitié, captent en effet la lumière, comme le visage
de Roméo qui jaillit d’un vêtement sombre. Leur posture est ainsi mise en valeur :
Roméo soutient le corps alangui de Juliette. Ainsi semblent-ils malgré tout éminem-
ment vivants, dans un décor macabre. C’est cette vie des personnages qui rend la
scène pathétique, puisque l’on sait les deux amants sur le point de perdre la vie.

Exercice 4
a. Le sujet est conçu pour permettre une expression personnelle de l’élève, la justi-
fication d’une préférence, à la manière de l’entretien au bac. Il peut donc constituer
un entraînement à l’épreuve, mais à l’écrit et sur une œuvre iconographique. Il s’agit
donc d’aller au-delà du sens connoté et de s’engager personnellement dans l’écrit.
Exemples de justification :
– Magritte, L’Empire des lumières : œuvre mystérieuse, qui fait rêver, qui laisse imagi-
ner l’intérieur de la maison, les personnes qui y vivent, comme les zones d’ombre qui
l’entourent. Impression de deux univers juxtaposés… Aspect quasi-photographique et
hyperréaliste du dessin, netteté, qui contraste avec son pouvoir poétique, suggestif…
– Henri Cartier-Bresson, Salerne, Italie : image quasiment vide, désolée, qui pourrait
La langue et le discours

presque évoquer un univers carcéral. La charrette suggère pourtant la vie, comme


le passage à l’arrière-plan vers la gauche, par lequel on imagine le départ de l’enfant.
Même si la photographie connote la misère et l’enfermement, elle évoque aussi la
possibilité d’une fuite et la vie de tous les jours. Sa structure géométrique pourrait
aussi la rapprocher de l’esthétique cubiste.
Autre piste : proposer l’écriture d’un récit dans le cadre de l’image préférée.

Exercice 5
PARTIE 1

a. Premier plan occupé par le socle du canapé et la base de la robe blanche de Jeanne
Duval, ses pieds qui dépassent de la robe. Deuxième plan : Jeanne Duval allongée

CHAPITRE 18 Le langage de l’image 89


sur un canapé ou une méridienne, le bras droit posé sur le dossier du siège, la main
gauche tenant un éventail. L’ampleur de la robe occupe la largeur du tableau, elle est
même coupée du côté droit, comme si le tableau ne pouvait pas la contenir. Arrière-
plan : des rideaux transparents (tulle ? organdi ?), brodés, qui semblent entourer la
méridienne et viennent se poser sur le dossier sur la gauche. La ligne de fuite prin-
cipale est dessinée par le corps de Jeanne Duval, en diagonale, sur la quasi-tota-
lité de la hauteur du tableau (dimensions 90 x 130 cm). Le point de fuite est donc
occupé par son visage, auquel conduit aussi la ligne de force, courbe, du dossier de
la méridienne. Le centre du tableau est toutefois occupé par la robe, qui concentre
la lumière : elle représente une importante tache blanche, centrale, rehaussée par les
rideaux blancs eux aussi. Les couleurs sont froides (blanc, vert), ce qui peut étonner
dans le portrait d’une « maîtresse ». Le visage est peu expressif, presque indifférent.
Le point focal est en légère contre-plongée. La place occupée par la robe, la position
décentrée du visage, son expression, la légère contre-plongée donnent l’impression
d’une distance avec le modèle.
b. L’exercice peut venir éclairer une explication linéaire du poème. L’élève peut évo-
quer les éléments suivants :
– L’expression du visage peut renvoyer au vers 2 : impression de distance, d’indiffé-
rence, voire de « tristesse ».
– La beauté de Jeanne Duval est davantage soulignée par la majesté de la robe que
par son visage.
– La distance placée par la femme aimée entre elle et le poète peut être vue dans
la contre-plongée et la place occupée par la robe dans le tableau. Le spectateur se
sent en effet assez loin du modèle, dont le visage est à l’extrémité de la ligne de fuite
et des lignes de force. Les vers 5 et 6 semblent ironiquement traduits par le tableau,
l’ampleur de la robe symbolisant « les lieues » accumulées entre Jeanne et le poète.
Les vers suivants : « Je m’avance à l’attaque et je grimpe aux assauts / Comme après
un cadavre… », semblent aussi illustrés par cette robe imposante qui masque le corps
de Jeanne dont on n’aperçoit que les pieds chaussés.
– La froideur est rendue par la couleur blanche, dominante, et par la couleur verte.
– Le tableau figure davantage une déesse inaccessible (y compris dans la posture
figée du modèle) qu’une amante passionnée. Cette représentation peut être com-
parée aux métaphores du début du poème (« vase de tristesse… grande taciturne… »),
précédées de l’apostrophe lyrique, ainsi qu’à la comparaison initiale : « à l’égal de la
voûte nocturne », qui peut assimiler Jeanne à une divinité païenne.
Ainsi le tableau de Manet se fait-il une fidèle illustration du poème d’amour de Bau-
delaire consacré à Jeanne Duval.

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