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UNITÉ 7

Les proportions, l’échelle, les rapports de dimensions

SÉANCE 1
Espace réel / espace figuré ; la représentation

JE SAIS DÉJÀ
En regardant ce qui unit les éléments à l’intérieur d’un espace, on perçoit sa réalité et parfois, cette perception est per-
turbée par des effets plastiques. Tu en as déjà expérimenté un aspect avec la photographie qui permet de donner l’illusion
que quelqu’un est tout petit alors qu’il est plus loin. Cette particularité concernait davantage les éléments figurés, nous
allons maintenant nous attacher à la représentation de l’espace lui-­même.
Imagine l’intérieur d’une fusée : l’espace habité par les cosmonautes semble réduit car il les enferme littéralement.
Il leur est impossible de sortir et le volume attribué à chacun est d’autant plus faible que la cohabitation dure long-
temps ! À l’inverse, une personne isolée au milieu du désert bénéficiera d’un espace beaucoup plus vaste… En réa-
lité, ce qui détermine ici la taille de l’espace est donc le rapport entre ce qu’il contient et son volume : si l’on emplit
le désert de millions de personnes, l’espace semblera trop petit.
De cette situation découle un certain nombre de notions en binôme : vide/plein ; saturé/espacé ; ouvert/fermé ;
occupé/inoccupé ; libre/étouffé ; intérieur/extérieur ; grand/petit ; etc.

En regardant attentivement cette image (vue de la Salle des Géants,


1526-1534, fresque, Palais du Tè, Mantoue, Italie), tu découvriras
une peinture recouvrant intégralement les murs et le plafond d’une
pièce. Aucune photographie ne peut rendre compte de ce que per-
çoit le spectateur qui visite le palais où le peintre l’a réalisée car on
ne peut photographier les quatre murs ensemble.
Ce peintre est Giulio Romano, un des élèves du grand Raphaël (l’un
des plus importants artistes de la Renaissance, contemporain de
Léonard de Vinci et de Michel-­Ange). Son inspiration est bien en-
tendu fantastique puisqu’il s’agit d’un combat de géants et malgré
cela, le décor et les personnages sont figurés avec réalisme. Si tu
masques le bas de l’image (le sol et les grilles qui empêchent les
touristes d’endommager les murs), tu peux difficilement percevoir
les dimensions de cette peinture. Pour cela, il faut regarder la taille
de la porte de droite : elle mesure un peu moins de deux mètres
de haut ! Les géants sont donc peints à une échelle supérieure à
celle de l’homme (on voit des personnages à taille humaine sur le
plafond).
Les binômes dont je t’ai parlé plus haut se retrouvent bien ici :
la totalité de l’architecture est recouverte de peintures, l’espace
représenté y est totalement saturé (pas une partie de libre, chaque
centimètre représente quelque chose). Bien que le spectateur soit
isolé dans une pièce relativement petite, il n’en paraît pas moins
— Giulio Romano, Salle des géants
au milieu d’un espace immense, peuplé de centaines de personnages. La salle est couverte de peintures, aucune
ouverture n’est visible ; on est donc bien à l’intérieur d’un espace clos mais il figure une ouverture sur l’extérieur.
Tous ces binômes sont utilisés par l’artiste pour jouer avec l’œil du spectateur qui, au bout d’un moment, finit par
ne plus savoir où se situe réellement le réel. On appelle cela un « trompe-­l’œil » et les fresques utilisent souvent ce
principe, notamment pour créer des ouvertures par de faux ciels au plafond…
Les jeux d’échelle ne sont pas obligatoirement représentés, ils peuvent également être « présentés ». Nous ne nous
trouvons plus alors dans le registre du trompe-­l’œil à proprement parler puisque les éléments plastiques évoqués
dans la séance précédente ne sont plus mis en jeu. Pour réellement mettre ensemble des objets (ou des person-
nages) qui n’utilisent pas la même échelle de représentation, il est toutefois indispensable de « tricher » avec la
réalité.

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C’est par exemple ce que fait le cinéma quand il met ensemble des géants et des Lilliputiens. Cherche sur un moteur
de recherche le film de Jack Sher, Les voyages de Gulliver. Tu verras des photos et l’affiche du film. Avant que l’ordina-
teur ne permette toutes sortes de manipulation du réel et, en particulier de son échelle, autorisant l’invention d’univers
virtuels, le cinéma devait utiliser ce que l’on appelait des « trucages »… Dans ce cas, le spectateur n’est plus confronté aux
mêmes enjeux que ceux dont nous venons de parler (les binômes ne sont plus aussi perceptibles).

JE RETIENS

En jouant sur des éléments plastiques propres à la perception de l’espace (échelle, dimensions, saturation, cou-
leurs, lumière, etc.) le trompe-­l’œil fait douter le spectateur des limites du réel.

SÉANCE 2
Espace réel, espace figuré ; la présentation

JE SAIS DÉJÀ
Figurer l’espace, cela signifie le représenter. Cela signifie également « donner une image de l’espace ». « Donner une
image de l’espace », peut donc vouloir dire « l’interpréter » puisque celle que donne l’artiste est nécessairement subjective,
ce qui peut perturber le spectateur. En tout cas, figurer l’espace, cela veut dire ne pas utiliser l’espace réel.
Et pourtant…Quand un artiste contemporain souhaite perturber la perception de l’espace du spectateur, il peut le
faire en dehors des moyens conventionnels et notamment utiliser l’espace réel pour créer une installation. Il peut
s’inviter dans le registre de l’humour (nous avons déjà noté que cela fait partie des modes créatifs actuels).

Ilya Kabakov est un artiste d’origine russe qui tra-


vaille avec sa femme, Emilia. L’humour est pour eux
un moyen de critiquer la politique menée dans leur
ancien pays, mais aussi celle de l’Occident où il vivent
maintenant.
Dans l’image reproduite ici (Where is our place [« Où
est notre place »], 2003, Fondation Querini Stampalia,
Venise, Italie) tu vois la partie d’une installation dans
laquelle le public se promène autour des jambes
d’autres spectateurs beaucoup plus grands dont on ne
perçoit que le bas. L’échelle de l’exposition n’est pas
la nôtre et pourtant le plafond correspond bien à notre
taille. Sur les murs, tu peux apercevoir deux rangées
d’images : une inférieure constituée de dessins sous
verre, à la taille moyenne de nos yeux et une supé- — Where is our place, Ilya Kabakov
rieure, constituée de tableaux encadrés dont on ne
voit que la moitié, l’autre étant coupée par le plafond. Quelle est l’échelle « correcte » ? Sommes-­nous devenus tout
petits ou avons-­nous été envahis par des géants ? Comment se fait-­il, quelle que soit la réponse, que nous cohabi-
tions dans le même espace, un lieu d’exposition ? Quelles sont les œuvres que nous devons regarder ici : celles qui
sont sur les murs encadrées d’or ?.. Celles qui sont plus petites mais entières ?.. Ou aucune de celles-­ci ?
Ce qui est réellement en jeu ici n’est, à mon avis, rien de tout cela mais notre place dans un musée… En effet, les
questions que soulève Kabakov peuvent s’étendre à toutes sortes d’exposition : que regardons nous en
vérité ? Quelle est notre place dans le musée ?..
On peut imaginer toutes sortes d’autres questions, notamment concernant les œuvres : sont-­elles toutes si impor-
tantes que cela ? Que signifie leur présence dans un musée ?..
Le jeu d’échelle nous concerne ici en tant qu’humains : notre taille si fortement réduite (nous adoptons ici la taille
d’un petit chien !) incite davantage à rire qu’à avoir peur. Le rire est simultané à un processus de dérision (l’artiste se
moque d’un univers généralement respectable et respecté) qui nous invite à prendre de la distance, à ne pas tomber
dans le piège. On pourrait donc définir le processus en jeu ici comme le contraire d’un trompe-­l’œil.

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JE RETIENS
L’installation dans laquelle le spectateur déambule permet de le confronter à son propre espace, sans le repré-
senter comme dans une fresque murale par exemple. En perturbant les rapports de proportion au point de
déstabiliser notre perception naturelle, nous nous questionnons évidemment sur notre environnement, ce qui
entraîne des questions plus « théoriques » (politiques, culturelles, sociales, environnementales, etc.).

SÉANCE 3
Espace construit et aménagé

Ce que l’on appelle « espace construit et aménagé » implique deux directions : les bâtiments
et ce qu’ils contiennent (les murs mais aussi les ouvertures et le mobilier). Parmi ceux qui
travaillent à l’aménagement et à la construction de notre espace, il faut citer les architectes
dont c’est précisément le métier. Avant de réaliser une construction, ils doivent montrer
aux commanditaires (= ceux qui vont payer) à quoi va ressembler le bâtiment. Pour cela, ils
utilisent des dessins, plans, perspectives, infographies en « 3D », etc.
Ce qui est le plus efficace pour communiquer un projet bâti est la maquette (= reproduc-
tion à une échelle inférieure). Elle permet de montrer les proportions, les jeux de formes
et de matières et parfois les couleurs. Néanmoins, si cette maquette est détachée du
contexte, elle ne permet pas d’en comprendre l’échelle.
Peux-­tu imaginer, en regardant la maquette reproduite ici, quelle sera la taille réelle
du bâtiment ?.. C’est impossible car il n’y a aucun élément en relation avec elle. Pour
cette raison, son auteur, l’architecte Jean Nouvel, a réalisé une infographie simulant la
position du bâtiment dans son environnement. Grâce à celle-­ci, on peut comprendre ce
que signifie la maquette.

— Jean Nouvel, Maquette

JE SAIS DÉJÀ
Ici, l’échelle est compréhensible grâce à des éléments que tu as étudiés :
des humains au premier plan permettent de repérer leur taille dans le
décor, la perspective atmosphérique donne l’idée de la profondeur qui est
renforcée par une perspective très linéaire. La lumière indique les volumes
et le rapport entre eux par un jeu d’ombres, les couleurs indiquent des
reflets qui suggèrent des matières… Tout ceci est réalisé par l’ordinateur
qui prend le relais des constructions traditionnelles parfois fastidieuses en
créant des dégradés, des camaïeux et des contrastes colorés.
La maquette est un élément très important pour jouer sur la représen-
tation spatiale, notamment en figurant des constructions. C’est pour-
quoi de nombreux artistes contemporains en utilisent.

Pierre Huyghe est l’un d’entre eux. Pour une exposition récente, il a
réalisé des autoportraits sculptés sous forme de marionnettes de
diverses tailles et a imaginé le décor à la même échelle réduite. Ce
décor est une maquette qui représente le Département des Beaux-­
Arts de l’Université de Harvard, conçu par le grand architecte Le
Corbusier.
Huyghe a conçu une petite vidéo de 24 minutes dont tu vois ici la
reproduction d’un photogramme (= image fixe extraite d’un film).
Son titre est It’s not a time for dreaming (« Ce n’est pas le moment
de rêver »), pour l’exposition « Celebration Park », 2004, Musée d’Art
Moderne de la Ville de Paris). Sa marionnette tire les ficelles d’autres
marionnettes, encore plus petites que lui : l’une représente Le Corbu-
sier, l’autre représente à nouveau Pierre Huyghe. — It’s not a time for dreaming, Pierre Huyghe

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Quelle est donc l’échelle de ce que nous voyons ? Ici, aucun élément ne permet de le savoir puisque l’image ne
reproduit rien de l’environnement réel ; même l’arbre n’est pas un vrai…
Si tu imagines le prolongement des fils de la plus grande marionnette, tu comprendras qui les tire : c’est Pierre
Huyghe lui-­même qui s’est ainsi filmé, mettant son image en abîme (= image dans l’image dans l’image, etc.). Il se
met ainsi en parallèle avec Le Corbusier, comparant son labeur quotidien avec les difficultés du grand architecte…

JE RETIENS

La maquette est un moyen de construire un projet en réduction. Elle permet de comprendre l’échelle d’une
construction à condition d’être mise en relation avec d’autres éléments. Ce sont essentiellement les architectes
qui les utilisent.

Le coin des curieux

En cliquant sur ce lien, tu te rendras sur la galerie Marion Goodman. Elle présente les œuvres d’artistes contem-
porains importants, parmi lesquels Pierre Huyghe : http://www.mariangoodman.com/

Avant de passer à l’unité suivante (unité 8) tu dois faire le devoir 7.

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