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06/01/2023 11:13 Gestion participative de la pré-collecte des déchets solides à Antananarivo, Madagascar

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Gestion participative de la pré-collecte


des déchets solides à Antananarivo,
Madagascar
Anne-Laure Wittmann, avril 2010

Le contexte : des quartiers « oubliés » par la collecte publique des déchets

Capitale d’altitude située sur les hauts plateaux de Madagascar, Antananarivo ras‐
semble 1,6 million d’habitants, soit plus de 61% de la population urbaine du pays, pour
une population totale estimée en 2005 à 18,6 millions d’habitants.

A Antananarivo, près de 70% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Le revenu


moyen mensuel par habitant est de 20 euros. Les dépenses alimentaires accaparent
70% du revenu de la majorité des habitants.

La Commune Urbaine d’Antananarivo (CUA) est administrativement divisée en six ar‐


rondissements et 192 Fokontany (quartiers) qui possèdent chacun un bureau munici‐
pal. La ville haute, située sur les collines, inclut le centre ville et les quartiers plus cos‐
sus alors que la ville basse, zone inondable installée sur d’anciennes rizières et maré‐
cages, englobe la majeure partie des quartiers pauvres.

La CUA délègue à une entreprise publique autonome, le SAMVA (Service Autonome


de Maintenance de la Ville d’Antananarivo), une grande partie de ses attributions en
matière d’assainissement, notamment la collecte, le transport et la mise en dépôt des
déchets ménagers à la décharge municipale d’Andralanitra. Les habitants déposent
leurs déchets dans les grands bacs de la commune et ceux-ci sont ensuite vidés par
les camions du SAMVA et acheminés jusqu’à la décharge municipale.

De nombreux quartiers sont établis sur d’anciennes rizières. Ils sont assez étendus et
sillonnés par des ruelles étroites qui ne sont accessibles qu’à pied. Le SAMVA ne peut
y déposer les grands bacs à ordures, ceux-ci sont uniquement situés sur les axes prin‐
cipaux de la ville.

Loin de ces bacs, les habitants, en grande majorité très démunis, jettent leurs déchets
dans les rues ou les canaux, ils les brûlent ou les enterrent, ou encore s’en servent
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pour remblayer des terrains inondables. Ces pratiques entraînent une grande insalu‐
brité, vecteur de maladies comme la peste, le choléra et les maladies diarrhéiques.

La démarche du projet

En réaction à cette situation, Enda Océan Indien, branche de l’ONG internationale


Enda Tiers Monde (environnement, développement, action) agissant à Madagascar
depuis 1996, a démarré un projet de mise en place de systèmes de pré-collecte des
ordures ménagères. La pré-collecte consiste à ramasser les déchets au domicile des
ménages et à les déposer dans les grands bacs à ordures du SAMVA.

Ce projet s’est déroulé en 2 phases :

1999-2003 : projet GOM (Gestion des Ordures Ménagères) dans deux quartiers ;
gestion transférée à l’association malgache ADH (Assistance pour le Développe‐
ment Humain) fin 2003.

2005 à aujourd’hui : projet ADQua (Assainissement Durable des Quartiers), avec


l’appui notamment de la Commission Européenne depuis janvier 2008. Fin dé‐
cembre 2008, il concernait 29 quartiers sur les 192 que compte la ville, touchant
ainsi 190.000 personnes.

Les objectifs initiaux en 2003 étaient :

Sensibiliser les habitants à une meilleure gestion des ordures ménagères

Mettre en place un projet pilote en matière de pré-collecte des ordures


ménagères

A terme, mettre en place la valorisation des déchets par la création d’un site de
compostage des ordures ménagères

Transférer la gestion du système de pré-collecte à une micro-entreprise


autonome

Les deux derniers objectifs n’ont pas pu être atteints à ce jour, mais les deux premiers
l’ont largement été. Il est présenté ci-dessous un résumé de la démarche du projet et
des leçons tirées de son expérience.

Démarche participative, acte I : validation du projet par la population

Le projet est lancé dans un Fokontany si et seulement si il a été validé par la popula‐
tion, c’est-à-dire si les ménages acceptent de payer la redevance mensuelle en
contrepartie d’un service de collecte des déchets de proximité.

Le Chef Quartier organise à cet effet une Assemblée Générale réunissant tous les mé‐
nages. Si la population accepte le principe du projet, le Chef Quartier vient solliciter
l’appui d’Enda OI pour la mise en place de la pré-collecte.
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Aujourd’hui, Enda OI est reconnue à Antananarivo pour son travail dans le domaine
de l’assainissement des quartiers. Les critères retenus pour lancer le projet dans de
nouveaux quartiers sont la validation du projet par la population et la motivation du
Chef Quartier.

Démarche participative, acte II : constitution d’un comité de gestion

Une fois le projet validé par la population, le Chef Quartier, appuyé par l’animateur
Enda, constitue un comité de gestion composé d’habitants du quartier.

Les membres du comité de gestion doivent définir comment seront répartis les bacs,
quel est le montant de la redevance mensuelle que les ménages doivent payer, com‐
ment va être réparti l’argent des redevances (indemnités des collecteurs, des régis‐
seurs, des autres membres du comité, la somme d’argent qu’il faut épargner chaque
mois, etc.).

Le comité, assisté par Enda et le Fokontany, doit également décider de ses propres
règles de fonctionnement (Comment adopte-t-on une décision ? quel sont les rôles
précis de chacun ? etc.).

Démarche participative, Acte III : les activités de terrain

Le comité doit recruter puis former les futurs collecteurs et déterminer l’emplace‐
ment exact des bacs.

En parallèle, les membres du comité doivent organiser des séances collectives de


sensibilisation dans le quartier afin de préparer les habitants à la mise en place du
projet. La sensibilisation se poursuit sur toute la durée du projet afin d’assurer des
bases solides au système de pré-collecte, son impact et sa viabilité. Diverses activités
sont organisées : carnaval, journées de grands nettoyages, visites à domicile, affi‐
chages, banderoles ou distribution de tracts.

Le lancement peut se faire sous forme de manifestation officielle. Les responsables de


la CUA, du SAMVA, du BDA (Bureau de Développement d’Antananarivo) et les parte‐
naires financiers sont conviés à la fête de lancement. Des spectacles sont organisés
par le comité et des troupes folkloriques sont invitées afin d’attirer les habitants du
quartier et de créer une dynamique positive autour du projet.

Une convention de partenariat est signée entre Enda, le Fokontany et le responsable


du comité. Enda confie alors au comité le matériel nécessaire au lancement du sys‐
tème de pré-collecte (bacs, brouettes, râteaux, pelles, balais, combinaisons,
imperméables…).

Démarche participative, Acte IV : fiabilité et responsabilisation

La stratégie d’Enda OI est d’assurer progressivement la pérennité des systèmes mis


en place dans chaque quartier grâce à la formation et à l’accompagnement des comi‐
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tés. L’appui d’Enda prend fin lorsque tous les indicateurs de suivi sont positifs : si le
comité est parvenu à mettre un montant conséquent d’épargne de côté, si le taux de
collecte de la redevance est élevé, si les bacs sont bien ramassés par les collecteurs 6
jours sur 7, si le comité a acquis une bonne maîtrise des outils financiers et si le co‐
mité est apte à prendre des décisions de façon autonome et à résoudre ses pro‐
blèmes par lui-même.

La responsabilité du contrôle du comité et du système de pré-collecte est alors trans‐


férée au Fokontany. Le comité informe régulièrement le Fokontany de ses activités et
lui donne un rapport financier tous les mois. Le Fokontany contrôle les comptes du
comité et s’assure du bon fonctionnement du système de pré-collecte.

« En 2006, j’ai entendu parler du projet ADQua dans les autres quartiers. Ça m’a beau‐
coup intéressée parce que dans mon quartier c’était dur de récupérer les déchets. Le
grand bac de la commune est loin, les gens jettent leurs déchets partout et ça
bouche les canaux. On a organisé une assemblée générale du Fokonolona [assem‐
blée de tous les habitants du quartier] et les habitants ont été d’accord pour payer la
redevance et mettre en place le projet. J’ai cherché des membres et on a formé un
comité de gestion.

Depuis ce temps-là, le Fokontany et le comité travaillent toujours ensemble. Par


exemple, dimanche dernier, on a organisé des réunions par secteur pour voir ce qu’il
faut faire pour améliorer le projet.

Moi-même, j’incite les ménages à payer la redevance. Quand ils viennent au Fokon‐
tany pour obtenir des papiers, ils doivent toujours présenter leur carte de redevance
et il faut qu’elle soit à jour. Ce n’est pas difficile de faire payer les ménages. Parfois, ils
se plaignent du manque de bacs ou du travail des collecteurs qui est mal fait. Alors on
en discute, on règle le problème et après c’est bon, ils sont d’accord pour payer. C’est
toujours possible de les convaincre.

Récemment, le Fokontany a financé l’achat de 8 nouveaux bacs pour le projet et le


Fokontany donne aussi un peu d’argent en plus aux collecteurs pour qu’ils ramassent
ces nouveaux bacs.

Il y a vraiment une bonne collaboration entre le comité et le bureau du Fokontany. »

Madame Georgette, présidente du Fokontany d’Angarangarana depuis 1999

Les résultats atteints

Fin décembre 2008, 29 comités de gestion mettent en œuvre le projet ADQua dans
29 Fokontany de la capitale malgache :

Améliorant ainsi le cadre de vie de près de 3.000 ménages

Avec 3.170 bacs de pré-collecte des ordures ménagères


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Et ayant créé 197 emplois de collecteurs rémunérés

Grâce à la mobilisation de 166 membres des comités de gestion

Sur ces 29 quartiers :

10 comités sont actuellement considérés comme étant autonomes. Enda OI ne


les appuie plus que de façon ponctuelle

5 comités sont en phase de préparation de l’autonomie

6 comités sont en phase d’accompagnement

8 nouveaux comités sont en cours de formation

L’autonomie des comités se distingue selon 3 niveaux :

N1 : Le comité se réunit même en l’absence de l’animateur, gère ses activités


quotidiennes et parvient à résoudre les problèmes rencontrés. Ces comités sont
néanmoins encore demandeurs d’un appui d’Enda Océan Indien.

N2 : Le comité peut se réunir en l’absence de l’animateur, gère ses activités quo‐


tidiennes, mais a besoin de l’animateur pour résoudre ses problèmes.

N3 : Le comité ne se réunit pas sans l’animateur et a besoin de son soutien pour


gérer ses activités quotidiennes et résoudre ses problèmes.

Principaux obstacles

Au niveau de la gestion financière du système de pré-collecte

Des détournements d’argent ont été détectés dans 2 comités en 2006 : régisseurs
n’ayant pas versé au trésorier la totalité des redevances perçues, trésorier qui a utilisé
une partie des fonds du comité à des fins personnelles, etc. Depuis 2007, Enda effec‐
tue des audits réguliers des comptes des comités. Ils permettent d’assurer un
contrôle sur la gestion des fonds. L’auditrice, aidée de l’équipe, compare les cartes de
redevance des ménages avec les cahiers des régisseurs. Il en ressort que 3,10% des
collectes observées n’ont pas été enregistrées par les régisseurs (conservées par les
régisseurs ? perdues ?). Le pourcentage de fraudes présumées est relativement faible,
mais les conséquences d’une fraude peuvent être importantes sur la confiance des
ménages et les audits constituent un bon outil de prévention.

Faiblesse des taux de collecte de la redevance

Les taux de collecte sont parfois un peu faibles. Pour 11 comités, le taux de collecte est
inférieur à 50%. Cependant, grâce au suivi mensuel des indicateurs, les animateurs
ADQua renforcent leur suivi de terrain ainsi que la motivation des différents acteurs,
en particulier des régisseurs. Il est à noter que, malgré ces taux de collecte peu élevés,

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les comités de gestion réussissent à payer les salaires des collecteurs, ce qui permet
au système de pré-collecte de continuer à fonctionner. Ceci s’explique par le fait que
les plans de financement ont été élaborés de façon à laisser une grande marge de
manœuvre aux comités.

Au niveau de la propreté du quartier et de la sensibilisation des ménages

Même si 100% des bacs sont utilisés, il y a encore des ménages qui ne jettent pas
leurs déchets dans les bacs intermédiaires mais dans les canaux et les ruelles. La sen‐
sibilisation des ménages doit s’inscrire dans la durée. Les animateurs du projet AD‐
Qua travaillent étroitement avec les comités et les Chefs Quartier pour renforcer la
sensibilisation auprès des ménages et pour trouver des formes de communication
plus innovantes.

Villes du Sud : des modes de gestion des déchets à inventer en permanence

L’expérience d’Antananarivo nous montre, d’une part, que le système de collecte pu‐
blique est peu performant car il ne dessert pas l’ensemble du territoire urbain et met
ainsi en danger la santé des habitants de ces quartiers et, d’autre part, que la
« privatisation » à petite échelle ne fonctionne pas. Ainsi, l’objectif de création d’une
micro-entreprise de gestion des déchets n’a pas été atteint car les collecteurs per‐
çoivent leur travail comme un simple moyen de gagner de l’argent et n’ont pas envie
de s’impliquer dans la gestion du système de collecte. Ils ont besoin d’un appui exté‐
rieur pour les aider à résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés (emplace‐
ment des bacs, relations avec les ménages, sensibilisation, etc.) ; ils ont également be‐
soin d’une personne qui gère l’argent.

En revanche, les comités de gestion constitués d’habitants du quartier mais logés au


sein du Fokontany semblent être le modus vivendi qui permet à la fois une gestion
participative, efficace économiquement tout en responsabilisant l’autorité locale
compétente.

C’est d’ailleurs dans cette perspective que Enda Océan Indien organise des
« dialogues politiques » au sens de « dialogues sur les politiques publiques » entre les
comités de gestion et les décideurs. Il s’agit de faire remonter les doléances des uns
et des autres (manque d’entretien des infrastructures, problème de ramassage des
déchets par les camions de la Samva…) pour faire avancer la conscience collective sur
les questions environnementales et la vigilance des populations par rapport aux
décideurs.

Dans le cadre des actions menées par Enda à Antananarivo, la valorisation des or‐
dures ménagères a été reléguée au deuxième plan par rapport à la priorité numéro
un qui était de mettre en place un système de pré-collecte fiable, apprécié des popu‐
lations et reconnu par les autorités locales. Il ne s’agissait pas de brûler les étapes et

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de risquer de briser la mobilisation populaire encore fragile sur les questions environ‐
nementales, en mettant en place des systèmes de tri ou de recyclage inadaptés.

Aujourd’hui, le thème de la valorisation des déchets est à nouveau abordé. A Antana‐


narivo, il pourrait être intéressant d’inciter les habitants des quartiers semi-ruraux à
composter la fraction organique de leurs déchets, notamment dans les quartiers où
le système de pré-collecte fonctionne de façon efficace et autonome.

D’autre part, Enda OI envisage d’étendre son projet d’assainissement des quartiers à
d’autres villes de Madagascar dans la perspective d’appuyer les communes au niveau
de la gestion des déchets de façon générale. Dans ce cadre, et notamment au niveau
des communes semi-rurales, il sera possible de mettre en place, en fonction des at‐
tentes de la population, d’autre modes de gestion des déchets : compostage, collecte
des déchets par charrette à zébus jusqu’à la décharge, etc. La question des déchets
de type électroniques ou bio-médicaux, qui ne peuvent pas être pris en charge de
manière aussi participative car ils nécessitent un traitement technique adéquat, sera
également être abordée.

Enfin, les populations et les autorités locales, sensibilisées aux questions des déchets
et responsabilisées quant à leur gestion, devraient élaborer des stratégies afin d’anti‐
ciper les flux de déchets probablement de plus en plus importants qu’elles auront à
« gérer ». Il s’agit d’entamer une réflexion sur la limitation de la production de déchets
et, notamment, les sacs plastiques et emballages de toutes sortes, issus de l’industria‐
lisation croissante de Madagascar et de l’ouverture du pays aux produits importés, au
détriment d’une valorisation de la production locale et de circuits courts de commer‐
cialisation, seuls garants d’un développement local durable et d’une cohésion sociale
forte.

Sources :
D-P-H (Dialogues, Propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale) www.d-p-
h.info/index_fr.html

Lieux :

Afrique

Madagascar

Mots-clés :

lutte contre l’exclusion

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politiques publiques

insertion par l’activité économique

gestion des déchets, recyclage et réemploi

Origine du document :

Dossiers et Débats pour le Développement Durable (4D)

Axes thématiques :

Autres entrées :

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