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Revue

Hématologie 2007 ; 13 (3) : 193-204

Rôle du biologiste confronté


à une recherche de schizocytes
Schistocytes measurement in the laboratory of haematology

Résumé. Les schizocytes sont des hématies fragmentées observées au cours de


Jean-François Lesesve1 certaines anémies hémolytiques, en particulier les microangiopathies thromboti-
ques (MAT). La détection des schizocytes reste un critère important de leur
Sylvain Salignac1 diagnostic. Or, elle est difficile et les biologistes sont mal sensibilisés à son
Pierre Bordigoni2 importance et aux conséquences de leur réponse pour cet examen estimé a priori
Thomas Lecompte1 simple. Cette revue propose une démarche pratique pour guider la recherche des
schizocytes et fournir quelques éléments d’orientation pour le diagnostic. L’obser-
Xavier Troussard3, vation du frottis sanguin reste la base : un schizocyte est défini comme une hématie
et le Groupe français de taille diminuée, avec un segment rectiligne témoin de la zone de fragmentation
d’hématologie cellulaire et la présence d’angles (formes en casque, croissant, triangle). L’interprétation doit
s’effectuer avec les données numériques de l’hémogramme (hémoglobine, plaquet-
tes). Certains automates d’hématimétrie proposent le paramètre globule rouge
1
fragmenté (GRF), avec une corrélation partielle entre schizocytes sur frottis et GRF
Service d’hématologie biologique, automatisés, en revanche une bonne valeur prédictive négative. Il est utile de
CHU Nancy, 54511 Vandoeuvre
<jf.lesesve@chu-nancy.fr> disposer d’une exploration biologique plus complète (fonction rénale, test de
2
Unité de transplantation médullaire, Coombs). Enfin, une discussion avec le clinicien est importante, la présence de
CHU Nancy schizocytes ne se restreignant pas aux MAT.
3
Laboratoire d’hématologie,
CHU Caen Mots clés : schizocyte, microangiopathie thrombotique, hématimétrie

Abstract. The schistocytes are fragmented red blood cells mainly observed in the
setting of haemolytic anaemias and particularly among the thrombotic microangio-
pathies. The presence of schistocytes is an important criterion for the diagnosis
mechanical anaemias, though the identification of these cells remains problematic.
As we observed a high variability of the morphologic identification criterias of the
schistocytes among morphologists, we proposed some guidelines in a text of
recommendations (Delphi method, participation of approximately 100 biologists,
2003). A schistocyte was defined as a red blood cell of decreased size, with a
linear segment corresponding to the zone of fragmentation and the presence of
angles (helmet, crescent, triangle shapes). The recognition of the schistocytes being
observer-dependent, a computorised morphometric analysis of digitalized images
should help, but does not exist yet! In a more practical way, we evaluated the
contribution of the parameter fragmented red cell (FRC) available on some
automated blood cells analyzers. A partial correlation between schistocytes
observed on smear and automated counted FRC was found. The negative predic-
tive value of the FRC was good to exclude the diagnosis of thrombotic microangio-
pathy. In conclusion, the morphologist should be aware of the difficulties of the
research of the schistocytes on a blood smear and keep themselves up to date with
doi: 10.1684/hma.2007.0152

the technological possibilities recently developed by the blood cells counters.


Key words: schistocyte, thrombotic microangiopathy, automated blood cell
counter

Tirés à part :
J.-F. Lesesve
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Hématologie, vol. 13, n° 3, mai-juin 2007
L
es schizocytes, du grec « schizo » « skhizein » texte de recommandations a été tentée [5]. L’analyse de
(fractionnement, fissure, division), sont des pratiques largement répandues (> 3/4 des morphologistes
hématies fragmentées circulantes [1]. Leur pré- interrogés), la réalisation de « conférences d’experts » avec
sence dans le sang est anormale et doit d’abord échanges d’images jusqu’à l’aboutissement d’un consensus
faire évoquer une anémie hémolytique mécani- (méthode Delphi) ont permis de rappeler une définition
que (anémie d’origine périphérique avec signes biologiques morphologique plus stricte du schizocyte. Les formes quali-
d’hyperhémolyse). En particulier, il est indispensable d’affir- fiantes pour désigner des schizocytes sont les formes en
mer ou d’écarter en urgence le diagnostic de microangiopa- triangle ou en casque (autres dénominations : hématie en
thie thrombotique (MAT), entité anatomopathologique com- « tête de chat », « chapeau de gendarme »...), parfois défor-
prenant deux syndromes majeurs : le purpura thrombotique mées en gardant un bord convexe (« croissant de lune »). Les
thrombocytopénique (PTT, ou syndrome de Moschcowitz) et hématies crénelées, spiculées ne sont pas à considérer
le syndrome hémolytique et urémique (SHU). En effet, le comme des schizocytes (figure 1). Les hématies « mordues »,
pronostic des MAT est souvent défavorable en l’absence de en virgule ou en bâtonnet, et les hématies de taille diminuée
traitement, et la détection des schizocytes doit être réalisée et déformée de manière importante ne doivent pas être prises
rapidement [2]. Affirmer ou écarter une MAT sera très proba- en compte. L’association de deux critères morphologiques est
blement la question clé posée par un clinicien souhaitant une une aide : 1) la notion d’angles quelle que soit la forme, en
réponse rapide. Cependant, les schizocytes peuvent être particulier au moins deux angles, et 2) la notion de fragment,
observés dans le cadre de nombreuses pathologies avec avec perte de taille (surface et volume) par rapport à l’héma-
atteinte de la morphologie érythrocytaire, et cette multitude tie initiale et présence d’une partie rectiligne indiquant une
de diagnostics ne doit pas égarer car il n’y a pas de ligne de cassure. Cependant, seuls les fragments en forme de
caractère d’urgence et leur valeur sémiologique est alors triangle ou de casque et leur dérivé en forme de croissant sont
faible. Leur identification reste réalisée sur un frottis sanguin caractéristiques et semblent constamment observés au cours
coloré observé au microscope optique, suivant une méthode des fragmentations d’origine extracorpusculaire [6]. De la
on ne peut plus habituelle. Pourtant cette recherche est manière la plus pratique possible, nous suggérons de se
souvent difficile, qui plus est en cas d’anisopoïkilocytose des focaliser lors des premières secondes d’observation du frottis
hématies, du fait d’un continuum entre les formes morphologi- sur la détection des formes en casque, typiques. Cette recher-
ques typiques et d’autres dystrophies des globules rouges ne che sera effectuée à un grossissement moyen (x 200 à
devant pas être retenues pour le diagnostic de MAT [3]. x 400). Si ces formes sont détectées, la présence d’hématies
Prenant en compte l’expérience de nombreux membres du triangulaires ou, plus souvent, en croissant corroborera le
Groupe français d’hématologie cellulaire (GFHC), cet article diagnostic positif. L’ensemble des formes pathologiques
propose une réflexion sur la difficulté de la recherche des devra être assez facilement trouvé (moins d’une minute) et
schizocytes et sur l’importance de la replacer dans son l’observateur devra consigner si elles sont isolées (ou pres-
contexte clinicobiologique. Une démarche de première ligne que) ou bien s’intégrant dans la complexité des déformations
est proposée. érythrocytaires d’une anisopoïkilocytose car les hypothèses
diagnostiques sont différentes.

Savoir reconnaître des schizocytes sur Par ailleurs, la recherche des schizocytes doit être effectuée
un frottis sanguin : pas si évident ! sur un frottis correctement étalé, et dans une zone appro-
La première étape passe par la réalisation d’un frottis priée, à savoir la zone d’étalement uniforme mais sans
sanguin et sa coloration par la technique de May- chevauchement des hématies. Cette zone est étroite, mais il
Grünwald-Giemsa, selon les procédures habituellement est indispensable de s’y maintenir. En effet, s’il est évident
réalisées. A priori, identifier des hématies fragmentées peut que les schizocytes sont difficiles à détecter dans le « talon »
sembler simple. Pourtant il n’existe pas de définition stricte du frottis (zone proche du dépôt de la goutte de sang), ils ont
et consensuelle du type de fragment à identifier, et la également tendance à se déformer et à perdre leurs critères
pratique met face rapidement à des interrogations telles distinctifs vers les franges de l’extrémité du frottis, devenant
que « dois-je considérer cette hématie bizarre comme un des (micro)sphérocytes [7].
schizocyte ou non ? ». Nous avons recensé au cours des
années 2000-2003 les attitudes de biologistes confrontés à Enfin, une estimation quantitative rapide est indispensable,
ce problème. Plusieurs enquêtes successives ont mis en car la théorie (pas de schizocyte sur un frottis normal)
évidence l’extrême variabilité interindividuelle tant au s’oppose à la pratique (rares formes typiques observables sur
niveau de la méthode de comptage (nombre d’hématies de nombreux spécimens non pathologiques), et il ne faut pas
comptées, compte rendu qualitatif ou quantitatif) que du tenir compte de rares schizocytes isolés. Un seuil pratique a
résultat (coefficient de variation approchant les 50 %) [4]. été proposé à 0,2 % comme étant une limite inférieure
Dans l’espoir de remédier à cet état de fait, la rédaction d’un raisonnable pour définir un résultat anormal [6].
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Hématologie, vol. 13, n° 3, mai-juin 2007
En effet, les dispositifs de recueil à pression négative pour- Apprécier la vraisemblance
raient favoriser lors du prélèvement la fragmentation de de la présence de schizocytes
quelques hématies plus fragiles.
en interprétant l’hémogramme
Une estimation quantitative des schizocytes n’est pas obliga-
et les autres données biologiques
toire car elle n’a pas d’intérêt diagnostique ou pronostique
important, même si des différences entre les pathologies
disponibles : indispensable
semblent exister [8], ou si, dans des contextes particuliers, La recherche de schizocytes n’est jamais une prescription
l’accroissement du pourcentage est lié à un pronostic plus isolée, puisqu’elle accompagne la prescription d’un hémo-
défavorable [9]. Si une réponse quantitative est souhaitée, ou gramme, et qu’une exploration biochimique est le plus sou-
est l’usage du service, un pourcentage obtenu sur un mini- vent associée (bilans dits « d’entrée » ou « d’urgence »).
mum de 1000 à 5000 hématies est souhaitable. Une numé- L’ensemble des résultats biologiques de première intention
ration n’est faisable en pratique que si les schizocytes repré- peut constituer une aide pour l’interprétation des résultats du
sentent l’anomalie nettement dominante (« isolée ») des frottis sanguin. Si associés à un test de Coombs érythrocy-
hématies. Une réponse seulement qualitative est plus raison- taire direct, ils orientent immédiatement le diagnostic [14].
nable si les schizocytes s’inscrivent dans un contexte d’aniso- Une anémie est souvent présente, le plus souvent franche.
poïkilocytose globale. Si des réponses quantitatives sont Cependant, le taux d’hémoglobine peut être normal ou très
demandées dans le cadre du suivi des malades ayant une modérément abaissé dans la phase initiale des MAT [15].
MAT avérée, un décompte par une même personne, ou un L’analyse de la courbe de répartition en volume des hématies
double comptage sont recommandés pour minimiser les sur l’hématimètre indique souvent un épaulement à gauche
variations interobservateurs. (hématies avec diminution de volume), avec augmentation de
Enfin, il faudra parfois répéter la recherche car, si la présence l’index de distribution (figure 2). Un épaulement à droite est
des schizocytes est manifeste dans la grande majorité des également usuel du fait de la grande régénération qui accom-
cas de MAT, elle peut manquer en particulier au début de la pagne ces anémies. Tout est affaire de chronologie : date du
maladie [10]. L’apparition des schizocytes peut en effet être prélèvement par rapport à la date réelle de début de la MAT.
retardée de quelques jours par rapport aux autres signes Ces anomalies et les alarmes dites « qualitatives » ou « de
cliniques et biologiques dans d’authentiques SHU/PTT. Dans suspicion » qui les accompagnent, bien que non spécifiques
de très rares cas, la recherche de schizocytes a été rapportée et variables selon les appareils, sont suggestives de la pré-
rester négative tout au long de la maladie [11-13]. sence de schizocytes. L’association anémie et thrombopénie

Schizocytes Diagnostic différentiel

triangulaire (Micro)sphérocyte

croissant Forme
non définie

casque

atypique Non discoïde


(compressée)

typique Cellule
mordue

atypique Acanthocyte
(crénelée)

Figure 1. Images de référence pour l’identification des schizocytes : fragments triangulaires, en forme de croissant et en forme de casque.
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RBC

REL#

50 100 200 300 fL

PLT

REL#

2 10 20 30 fL

Figure 2. Courbes de distribution des volumes érythrocytaires et plaquettaires (technologie Beckman Coulter). L’anisocytose importante
avec épaulement vers la gauche des globules rouges est liée à la présence de schizocytes. La courbe de distribution plaquettaire ne
revient pas à la ligne de base ; un lissage abusif est responsable d’une surestimation parfois importante de la numération plaquettaire
(contamination par des schizocytes de petite taille).

doit conduire à la recherche attentive de schizocytes sur le utile pour apprécier les fonctions hépatiques et rénales (pro-
frottis. En effet, une thrombopénie est un signe majeur d’orien- nostic et traitement). Le test de Coombs érythrocytaire direct
tation au cours des MAT, bien que toutes les anémies hémoly- est négatif dans le cas d’une MAT, éliminant en pratique une
tiques ne s’accompagnent pas obligatoirement d’une throm- hémolyse auto-immune où des microsphérocytes sont fré-
bopénie. La thrombopénie est généralement importante avec quemment observés et parfois de rares schizocytes. En prin-
un chiffre médian de 25 × 109/L [16]. Si la numération des cipe, cet examen peut être effectué rapidement.
plaquettes est effectuée par impédancemétrie, il peut exister Dans le cadre des diagnostics différentiels, une CIVD doit être
une pollution de la zone de comptage des grandes plaquet- écartée. En principe, elle est exceptionnelle au cours des
tes par des petits globules rouges et, en particulier, par les PTT/SHU de l’adulte. Quand elle existe, elle témoigne sou-
schizocytes. La validation du chiffre des plaquettes impose vent de formes frontières (par exemple, cancers mucosécré-
dans ce cas un contrôle de la numération en cellule, sur frottis tants métastasés), où la question devient de savoir si les
ou par cytométrie. La thrombopénie a été rapportée au cours schizocytes et la thrombopénie sont expliqués par une CIVD,
des MAT comme un signe très précoce, pouvant précéder les une MAT ou l’association des deux pathologies [17]. Au
anomalies de la série érythrocytaire et l’élévation des LDH. cours des CIVD, des schizocytes peuvent parfois être visibles.
Par ailleurs, le chiffre des plaquettes permet de juger de La CIVD est alors généralement grave, s’accompagnant de
l’efficacité du traitement. Il est recommandé de poursuivre la dépôts de fibrine dans les capillaires ou les artérioles du rein
thérapeutique jusqu’à normalisation du chiffre des plaquettes en particulier. Une CIVD importante peut s’accompagner
(> 150 × 109/L) et stabilisation de ce dernier (≥ 2 jours). d’une anémie hémolytique modérée avec présence de schi-
Parmi les autres explorations (tableau 1), la numération des zocytes, mais l’association avec une anémie importante se
réticulocytes permettra la mise en évidence de la régénéra- majorant est un argument en faveur d’une MAT surajoutée.
tion (à la phase initiale, l’augmentation franche est décalée Les signes biologiques les plus spécifiques d’une CIVD sont
de quelques jours). La disparition de l’haptoglobine du les monomères de fibrine, les fragments F1+2 de la prothrom-
plasma est un excellent stigmate de l’origine intravasculaire bine et les complexes thrombine-antithrombine. En revanche,
de l’hémolyse. Un bilan d’hémolyse plus complet (bilirubine les D-dimères peuvent être modérément augmentés au cours
libre et conjuguée, augmentation marquée des LDH) est à des MAT. Le diagnostic de CIVD doit associer au moins un
discuter suivant le contexte. Une exploration biochimique est critère témoignant de la consommation et au moins un
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Tableau 1
Diagnostic biologique rapide d’une microangiopathie thrombotique

Éléments du diagnostic biologique d’une hémolyse périphérique


avec fragmentation des hématies
Hémoglobine &, réticulocytes # # = anémie régénérative
Haptoglobine &, bilirubine non conjuguée #, LDH # = hémolyse
Hémoglobinurie +, hémosidérinurie + = intravasculaire
Test de Coombs érythrocytaire direct − = non immunologique
Schizocytes présents = fragmentation mécanique
Autres critères en faveur d’une microangiopathie thrombotique
Plaquettes &
Autre cause évidente d’anémie et de thrombopénie écartée en particulier CIVD (TP &, TCA #,
fibrinogène &, monomères de fibrine #)
Créatinine # (insuffisance rénale)

témoignant de thrombine circulante (ou de fibrine soluble, habituellement associé à une réduction de l’activité
indirectement par les produits de dégradation, ou directe- d’ADAMTS 13 [21]. Plusieurs revues ayant été consacrées
ment par les monomères de fibrine ± complexés) [18]. plus spécifiquement à ce chapitre dans ce journal, nous
En cas de diagnostic difficile, des examens anatomopatholo- suggérons de s’y reporter [22].
giques permettent de confirmer la suspicion clinique (biopsie
rénale ou gingivale) mais un délai de quelques jours est
obligatoire, ce qui est souvent incompatible avec l’urgence Interpréter la détection de globules
du traitement. La biopsie rénale permet, devant l’association rouges fragmentés par les appareils
créatinémie et hématurie, d’établir le diagnostic entre MAT, d’hématimétrie : avec prudence
angéite, syndrome des antiphospholipides (SAPL), et de
détecter une maladie sous-jacente (lupus, sclérodermie). La Les appareils automatisés d’hématologie, en raison de leur
gravité des lésions rénales conditionne le pronostic. Les capacité à analyser les caractéristiques physiques de plu-
lésions typiques sont constituées de microthrombi plaquettai- sieurs milliers de cellules, sont une alternative non
res au sein de la microcirculation, composés essentiellement observateur-dépendante au comptage microscopique des
de plaquettes et de facteur Willebrand (vWF), et associés à schizocytes. Certains modèles récents proposent un dépis-
de faibles quantités de fibrine ou de fibrinogène [19]. tage des fragments de globules rouges. Cette information est
L’étude des multimères du facteur Willebrand et de l’activité intéressante car disponible immédiatement (paramètre de
de sa protéase a permis d’avoir des indices directs prouvant l’hémogramme), mais elle manque de spécificité. Par contre,
la présence d’une MAT. La lésion endothéliale joue un rôle clé la valeur prédictive négative (excluant la présence de schizo-
dans la physiopathologie complexe des MAT. Elle est respon- cytes) semble importante. Actuellement, deux méthodes sont
sable de la libération plasmatique du facteur vWF et de proposées.
multimères de très haute masse moléculaire. Leur activité Pour les hématimètres de la gamme Sysmex Roche (XE-2100
proagrégante est importante, notamment au niveau micro- et dérivés), un système de double fenêtrage sur les hématies
vasculaire où les forces de cisaillement sont élevées. La de petit volume (microcytes) est réalisé au niveau du canal
physiopathologie du PTT est de plus généralement associée à réticulocyte, permettant d’éviter les interférences en cas de
un défaut de clivage de ces multimères de très haute masse carence martiale (figure 3). Ce système a été développé en
moléculaire par la protéase spécifique du vWF, la métallo- analysant des fragments de globules rouges (fragmented red
protéase ADAMTS 13 (a disintegrin and metalloprotease cells, FRC) produits artificiellement par chauffage (50 °C,
with thrombospondin type 1 domains) [20]. La répartition 100 minutes) et en déterminant empiriquement la zone
des multimères du vWF est analysable par électrophorèse en cernant une population de fragments dont le pourcentage
gel de SDS-agarose et permet de détecter la présence de était en accord avec l’observation microscopique [23]. Envi-
multimères de très haut poids moléculaire. Le déficit de ron 30 000 hématies sont analysées. Les valeurs de réfé-
l’activité d’ADAMTS 13 peut être constitutionnel ou acquis. rence pour les FRC étaient 0,03 %-0,56 % (762 témoins). Un
Dans le contexte des PTT « familiaux », des mutations du logiciel spécifique RET Master doit être implémenté sur les
gène codant pour l’enzyme sont responsables de l’absence appareils pour bénéficier du calcul des FRC. Une étude a
d’activité fonctionnelle. Les déficits acquis le sont générale- montré l’applicabilité de ce système pour la détection des
ment par le biais d’auto-anticorps inhibiteurs qui sont respon- schizocytes lors du diagnostic de patients atteints de MAT
sables des formes sporadiques. Le SHU n’est en revanche pas [24], ou le suivi après transplantation hépatique [25].
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PLQ-O

GR-O

FRC %

PLQ-O en
fluorescence

Figure 3. Cytogramme érythrocytaire et plaquettaire (technologie Roche Sysmex, XE 2100). Zone correspondant aux FRC (fragmented
red cells).

Lors de ces évaluations, la corrélation des FRC avec la techniques avec une excellente sensibilité, mais avec une
numération optique était excellente (r = 0,852 et 0,952 ; 43 mauvaise spécificité, ce qui oblige à un contrôle microscopi-
et 41 numérations respectivement). Le CV de la mesure était que des résultats positifs [26]. La comparaison du pourcen-
de 6,32 % (pour des FRC autour de 2,1 %) et de 1,42 % tage de schizocytes déterminé sur un frottis coloré au May-
(pour des FRC à 1,42 %). Une numération de FRC < 0,5 % Grünwald-Giemsa à la mesure directe des GR fragmentés
exclut la présence de schizocytes, avec une valeur prédictive obtenue par ADVIA 120 chez 135 patients suspectés de
négative proche de 100 % (communication personnelle MAT (PTT, SHU, greffé médullaire) ou porteur de valves
V. Asnafi, Hôpital Necker-Enfants malades, Paris). cardiaques a permis de mettre en évidence une bonne
Pour les hématimètres de la gamme Bayer (ADVIA 120 et corrélation entre les deux paramètres (r2 = 0,73). L’ADVIA
dérivés), une mesure directe des « globules rouges fragmen- 120 avait cependant tendance à surestimer le pourcentage
tés » (GRF) est réalisée par analyse optique bidimension- de schizocytes (0,4 % en moyenne). Par construction d’une
nelle. Ils correspondent à des éléments de nature érythrocy- courbe « ROC », un seuil pratique de positivité à 0,25 % a
taire et de très petite taille (seuil 30 fL, indice de réfraction été déterminé comme discriminatoire (absence de schizocy-
différent des plaquettes du fait du contenu en hémoglobine), tes frottis si GRF < 0,25 %, sensibilité = 100 %), mais avec
correspondant à d’authentiques schizocytes, mais aussi de une mauvaise spécificité (20 %) et, par conséquent, une
petits microcytes ou de divers fragments membranaires valeur prédictive positive médiocre. Cette mauvaise spécifi-
(figure 4). Cette technologie permet la discrimination d’élé- cité est aisément expliquée par le principe de mesure, la
ments de nature érythrocytaire dans la zone de volume qui sphérisation des hématies permettant de mesurer la taille et la
correspond habituellement aux interférences hématies/ structure mais excluant tout critère de forme. Ce paramètre
plaquettes pour les automates basés sur le principe de est donc une aide pour isoler les spécimens à résultats
l’impédance. Cette mesure est systématique mais l’obtention négatifs attendus, ce qui n’est pas négligeable en particulier
du résultat doit nécessiter une programmation spécifique. dans un contexte d’urgence ou de garde (excellente valeur
L’évaluation du paramètre « globules rouges fragmentés » prédictive négative). Par contre, un contrôle sur frottis de tout
par rapport à la technique microscopique de référence a résultat positif est nécessaire. Les faux positifs sont générale-
permis de valider les résultats fournis par l’automate en ment liés à la présence d’une anisopoïkilocytose plus ou
mettant en évidence une bonne corrélation entre les deux moins importante avec de rares schizocytes. Nous avons
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Volume GR Diffraction plaquettes

CH GR

Vol Plaquett...

Figure 4. Cytogramme érythrocytaire et plaquettaire (technologie Bayer, ADVIA 120). Épaulement vers la gauche de la courbe de
distribution en volume des globules rouges, lié à la présence de schizocytes, et vers la droite, lié à l’augmentation des réticulocytes. La
courbe de répartition (« diffraction plaquettes ») exclut une interférence liée aux globules rouges microcytaires grâce au principe de
numération optique bidimensionnelle (numération plaquettaire 17 G/L).

évalué ce paramètre GRF chez 69 patients greffés médullai- Trouver une méthode d’analyse
res, lesquels ont très fréquemment des schizocytes (condition- observateur-indépendante :
nement, cyclosporine, infections, MAT...) [27]. De façon
attendue, les patients ayant des signes cliniques de MAT ont
une gageure
plus de schizocytes que les patients non atteints (respective-
Nous avons tenté une identification/numération des schizo-
ment 1,1 versus 0,4 % de globules rouges fragmentés et 0,8
cytes par analyse d’image informatisée, en programmant un
versus 0,2 % de schizocytes, p < 0, 001). Environ 1/3 des
logiciel (QWin®, Leica) à partir de critères morphométriques
patients ont des globules rouges fragmentés supérieurs au
(figure 5). La capture de champs microscopiques a été effec-
seuil de 0,5 %, mais tous ceux chez qui le diagnostic de MAT
tuée au moyen d’une station d’analyse d’images (TRIBVN,
a été retenu ont des valeurs proches ou supérieures à 1 %
Neuilly-sur-Seine) par l’intermédiaire d’une caméra 3-CCD
(tableau 2). Il est donc probablement possible d’utiliser les
branchée sur le microscope. Les schizocytes étaient reconnus
résultats de GRF fournis par un appareil comme critère
comme des éléments de nature érythrocytaire (couleur), de
d’alerte pour le suivi quotidien des greffés médullaires.
taille diminuée (surface) et de forme allongée et non circu-
laire (critères de circularité, d’élongation et de diamètre

Tableau 2
Sensibilité, spécificité, valeur prédictive positive et négative pour les schizocytes déterminées par hématimètre ADVIA 120
et par numération microscopique dans le suivi des greffés médullaires

Technique Seuils Sensibilité Spécificité Valeur prédictive Valeur prédictive


(%) (%) (%) négative (%) positive (%)
Advia 120 (GR fragmentés) 0,5 100 73,4 100 22,7
1 80 95,3 98,4 57,1

Microscope (schizocytes) 0,2 100 78,1 100 26,3


0,5 60 100 97 100

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Figure 5. Analyse d’image informatisée (logiciel Qwin®, Leica) : écrans d’analyse et de résultats.

équivalent). Ces critères ont été déterminés de manière contexte d’une dysérythropoïèse ; 3) par chauffage de la
empirique par la mesure d’un grand nombre d’hématies membrane des hématies (brûlures), provoquant la séparation
normales et de schizocytes incontestables dans la zone de fragments souvent à tendance sphérique (blebs, buds)
d’étalement uniforme des hématies. Les résultats ont montré mais parfois proches des schizocytes. Le seul problème
que notre programme, bien qu’encore imparfait (existence clinique majeur est le diagnostic des MAT et donc la détection
de faux positifs et de faux négatifs, temps d’analyse légère- des fragments résultant du premier mécanisme. Mais le plus
ment supérieur à l’analyse microscopique), pouvait apporter fréquemment rencontré est celui correspondant à des anoma-
une plus grande cohérence aux résultats rendus par rapport à lies de fabrication des hématies au cours d’une dysérythro-
l’observation microscopique [28]. Cependant, la technique poïèse, que l’hémopathie soit maligne ou bénigne. Les cau-
reste à perfectionner, et ne serait utile que dans un contexte ses possibles sont données dans le tableau 3.
d’analyse de l’ensemble des déformations érythrocytaires. Le purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT), décrit
par Elie Moschcowitz en 1924, est défini classiquement par
l’association de cinq signes : fièvre, signes neurologiques
Analyser le contexte clinique variés (apathie, céphalées, troubles de la conscience, signes
et orienter vers une pathologie : focaux), insuffisance rénale, anémie hémolytique, thrombo-
place au dialogue clinicobiologique pénie (de survenue précoce et souvent importante avec
purpura pétéchial et ecchymotique) [22]. En fait, l’associa-
L’origine des schizocytes peut être triple : 1) mécanique, par tion des cinq signes serait minoritaire (40 % des cas), alors
fragmentation sur des filaments de fibrine au niveau micro- que 75 % des malades ont des anomalies majeures de
vasculaire (microangiopathie), sur une prothèse valvulaire l’hémogramme et l’association anémie avec schizocytes,
cardiaque désinsérée, dans un circuit de dialyse... ; 2) mem- thrombopénie et augmentation des LDH est suggestive [29].
branaire, par fragilité du cytosquelette, souvent dans le Les modalités thérapeutiques actuelles, perfusion ou échange
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Hématologie, vol. 13, n° 3, mai-juin 2007
Tableau 3
Principales pathologies responsables de la présence possible de schizocytes
sur un frottis sanguin (liste non exhaustive)

Hémolyses mécaniques (par fragmentation)


Macro-angiopathies
prothèses valvulaires ou vasculaires (anomalie de fonctionnement, infection), pathologies
vasculaires ou valvulaires non opérées, réparation d’une communication entre les cavités
cardiaques droite et gauche, circulation extracorporelle, chocs palmoplantaires répétés
(course à pied)

Micro-angiopathies
Formes « idiopathiques »
- Purpura thrombotique thrombocytopénique (syndrome de Moschcowitz)
- Syndrome hémolytique et urémique
- Syndrome d’Upshaw-Schulman
Formes secondaires
- Médicaments (thiénopyridines : ticlopidine, clopidogrel ; hypocholestérolémiants statines :
atorvastatine, simvastatine ; pénicilline, piperacilline, rifampicine, doxycycline ; ibuprofène,
pénicillamine ; anticancéreux : mitomicyne C, cisplatine, bléomycine, gemcitabine ;
déoxycoformycine ; immunosuppresseurs : ciclosporine A, tacrolimus, OKT3, sirolimus ;
interféron a et b ; quinine ; produits de contraste iodés)
- Greffe de moelle (allogénique : ICT, GvHD, MVO, sepsis, MAT)
- Transplantations (rein, cœur, poumon)
- Cancer métastasé (adénocarcinomes estomac, sein, poumon, prostate, pancréas), myélofibrose
- Maladies auto-immune (lupus érythémateux disséminé, sclérodermie, syndrome des anti-
phosphoLipides...)
- Grossesse et post-partum (pré-éclampsie, éclampsie, Hellp syndrome)
- Infection par le VIH
Hémolyses infectieuses ou parasitaires
Clostridium perfringens ou autres germes, Bartonella bacilliformis, Plasmodium falciparum,
Babesia, Trypanosoma
Hémolyses liées à des troubles métaboliques
Hypercuprémie, hypophosphatémie, hépatopathies (syndrome de Zieve,
stomatocytose/acanthocytose acquises), insuffisance rénale chronique
Hémolyses dues à des agents chimiques ou physiques
- Toxiques (plomb, cuivre, hydrogène arsenié, aluminium), médicaments, venins d’animaux,
champignons
- Surcharge aqueuse intravasculaire
- Chocs thermiques
Dysérythropoïèses
- Hémopathies malignes
- Syndromes myélodysplasiques ou myéloprolifératifs
- Myélofibroses
- Leucémies (LAM3, LAM6)
- Anomalies constitutionnelles de la membrane du globule rouge et de l’hémoglobine,
anémie de Biermer, carence martiale importante
Autres
- Nouveau-nés (souvent prématurés avec picnocytes ; pyropoïkilocytose ;
acidurie méthylmalonique)
- Malades splénectomisés

plasmatique, ont permis de réduire la mortalité à environ formes iatrogènes ont été rapportées, en particulier après
10 % des malades [30]. Des formes familiales ont été décri- initiation d’un traitement par ticlopidine ou clopidogrel [32].
tes, avec apparition dans l’enfance et récurrences à interval- Le syndrome hémolytique et urémique (SHU) survient plutôt
les réguliers. Des déficits héréditaires en ADAMTS13 carac- chez le jeune enfant, en épisode unique précédé par une
térisent le syndrome d’Upshaw-Schulman [31]. De rares diarrhée souvent sanglante. Le pronostic est favorable. La
201
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cause est bactérienne (Escherichia coli O157 : H7, shigelles la membrane globule rouge (elliptocytose...) et de l’hémoglo-
productrices de vérocytotoxine) ou virale. Chez les enfants bine (thalassémies, drépanocytose...) on note une poïkilocy-
plus grands, les SHU sont plus rares et atypiques, sans tose importante, avec des morphologies spécifiques (ovalo-
prédominance saisonnière, sans prodromes digestifs. Une cytes, drépanocytes...) mais également des fragments
insuffisance rénale aiguë de gravité variable peut survenir érythrocytaires. La présence de schizocytes est possible aussi
plusieurs jours après l’apparition de l’anémie. La thrombopé- chez les malades splénectomisés puisque la rate permet la
nie est souvent importante (de 5 × 109/L à 50 × 109/L) et séquestration suivie par la destruction des hématies à mem-
fréquente, mais les signes hémorragiques sont rares. Des branes rigides non déformables. Des corps de Jolly sont aussi
formes récurrentes par production défective d’une protéine visibles.
contrôlant le complément (facteur H) ont été décrites. Au cours des macroangiopathies, essentiellement après chi-
Parmi les MAT survenant dans un contexte particulier (causes rurgie des gros vaisseaux la schizocytose reste modérée et
« secondaires »), certaines entités doivent être mises en exer- transitoire (24 heures). Dans un contexte de chirurgie cardia-
gue. Les causes iatrogènes sont souvent de diagnostic diffi- que (suites de la pose d’une valve cardiaque, réparation
cile. Elles imposent l’arrêt immédiat du médicament et l’inter- d’une communication entre les cavités droite et gauche),
diction d’une prescription ultérieure. L’association à l’hémolyse mécanique est désormais rare avec les techniques
l’infection par le virus VIH doit être recherchée car l’incidence actuelles, infraclinique et peu détectable biologiquement. Sa
du PTT y est multipliée par 15 à 40 [33]. Au décours des survenue témoigne plus d’un dysfonctionnement valvulaire
greffes de moelle allogéniques, les schizocytoses sont fré- (désinsertion de la valve, fuite, régurgitation, infection) que
quentes mais rarement majeures (le plus souvent comprises d’une conséquence attendue. Les réticulocytes, l’haptoglo-
entre 1 et 5 %). Pourtant, la recherche de schizocytes est un bine sont le plus souvent dans les valeurs de référence ;
critère essentiel chez des patients dont les anomalies biologi- l’absence de schizocytes est habituelle [37].
ques sont constantes et multiples (anémie, thrombopénie, Chez le nouveau-né, l’interprétation des schizocytes peut être
fonctions rénales et hépatiques) donc difficilement interpréta- difficile, surtout en cas d’anisocytose importante. Ils ne sont
bles, mais chez lesquels la survenue d’une MAT est de généralement pas signalés car leur présence est habituelle :
mauvais pronostic. Certains centres suivent la numération des tout nouveau-né présente des picnocytes/schizocytes de
schizocytes tous les deux à trois jours en période post-greffe manière physiologique, d’autant plus qu’il est prématuré.
[34]. La présence de schizocytes a également été observée Dans ce contexte, des chiffres < 5 % sont possibles jusqu’à
au cours de défaillances multiviscérales, de sepsis graves, de 3 mois. Une pyropoïkilocytose chez un nouveau-né est très
cancers métastatiques étendus (adénocarcinomes de l’esto- visible et ne pose pas de doute en pratique (identification
mac, sein, poumon, prostate et pancréas) souvent à un stade d’une population très microcytaire anormale par les automa-
avancé et associé à une CIVD. Au cours de la grossesse, la tes, une ektacytométrie pourrait alors être conseillée). Au
présence de schizocytes peut être associée à des complica- cours des rares cas de SHU familiaux ou d’acidurie méthyl-
tions obstétricales (hypertension maligne, pré-éclampsie, malonique (anomalie du métabolisme de la vitamine B12
éclampsie, HELLP syndrome) ou à un véritable PTT pouvant se avec mutant CBLC) de révélation néonatale, les anomalies
prolonger après l’extraction fœtale ou survenir dans le post- morphologiques importantes des hématies ne permettent pas
partum. Enfin, on peut trouver des schizocytes au cours des d’individualiser les schizocytes et il en résulte des difficultés à
maladies auto-immunes (lupus érythémateux disséminé, sclé- établir un seuil pathologique entre hématies déformées, pic-
rodermie, syndrome des antiphospholipides) [35]. nocytes habituels et schizocytes anormaux.
Cependant, il faut souligner que des schizocytes peuvent être
observés en dehors d’une MAT, cas le plus fréquent. Leur Conclusion
numération n’a alors aucun intérêt clinique, et généralement
peu d’intérêt diagnostique. Une anémie hémolytique impor- Les schizocytes sont des fragments globulaires dont l’identifi-
tante contrastant avec un nombre minime de schizocytes doit cation au microscope reste difficile. L’ensemble des diagnos-
conduire à envisager d’autres causes possibles d’hémoly- tics envisageables ne doit pas induire des confusions qui ne
ses : immunologique (allo- ou auto-anticorps), infectieuse, se posent pas en pratique. L’attention doit rester focalisée
parasitaire (paludisme) ou médicamenteuse. Toute poïkilocy- vers les PTT et SHU aux conséquences graves (pronostic vital,
tose en rapport avec une myélofibrose (par exemple primaire pronostic fonctionnel rénal). Un dialogue clinicobiologique
au cours d’une splénomégalie myéloïde, ou secondaire lors est indispensable à la bonne prise en charge de ces malades
d’une métastase) peut comporter des schizocytes. Même au qui nécessitent une intervention thérapeutique rapide. La
cours des anémies de Biermer (qui peuvent poser des problè- recherche de schizocyte doit être effectuée rapidement par
mes diagnostiques importants : patients se présentant avec un observateur conscient de sa difficulté et formé à la lecture
un tableau neurologique, une thrombopénie, une anémie des indices fournis par l’hématimètre car elle engage la
avec schizocytes et augmentation de la bilirubine et des conduite thérapeutique. En revanche, la sensibilité du critère
LDH), des schizocytes peuvent être notés [29, 36]. Enfin, schizocyte n’est pas absolue (car il existe de rares tableaux
dans le tableau de toutes les anomalies constitutionnelles de d’anémie hémolytique mécanique sans schizocyte visible, en
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fait le plus souvent d’apparition simplement différée) et la 16. Rock G, Kelton JG, Shumak KH, Buskard NA, Sutton DM,
spécificité est également mauvaise (« faux » schizocytes Benny WB. Laboratory abnormalities in thrombotic thrombocy-
topenic purpura. Canadian Apheresis Group. Br J Haematol
dans un contexte de poïkilocytose). Il est important de ne 1998 ; 103 : 1031-6.
retenir que des formes incontestables comme schizocytes
17. Salignac S, Walter A, Feugier P, Lecompte T, Lesesve JF.
dans le but de réduire la variabilité interindividuelle d’identi- Une observation de tumeur solide en phase terminale : interpré-
fication. De nouvelles technologies (hématimétrie, analyse tation des anomalies biologiques (tests hématologiques). Ann
d’images) apportent également un espoir de standardisation Biol Clin (Paris) 2002 ; 60 : 96-100.
et de précision mais elles restent à développer et à évaluer. ■ 18. Coagulations intravasculaires disséminées (CIVD) en réani-
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