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Pr Nicolas LELLOUCHE,
Ségolène ROUFFIAC,
service de cardiologie, rythmologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil
Publié le 15 NOVEMBRE 2023
Les extrasystoles ventriculaires (ESV) sont un trouble du rythme très fréquent. On estime que 50
% de la population totale présente au moins 1 ESV si on réalise un Holter ECG systématique de
24 heures dans une population âgée de plus de 50 ans. Cependant cette prévalence tombe entre
1 et 4 % si on considère les patients avec des ESV > 60/h(1). Chez environ 1/3 des patients, ces
ESV sont asymptomatiques.
La raison pour laquelle certains patients ressentent leurs extrasystoles et d’autres non n’est pas
clairement comprise. Le ressenti varie aussi chez un même patient. Cependant ces patients
asymptomatiques ont des caractéristiques souvent associées à un mauvais pronostic, car
ils consultent plus tardivement. La présence d’ESV n’est pas forcément considérée comme
pathologique notamment chez des patients avec de très rares ESV et sans aucune maladie
cardiaque sous-jacente. Il est indiqué chez un patient asymptomatique de débuter une recherche
de cardiopathie au-delà de 500 ESV/24 heures(2).
Concernant les thérapeutiques, le patient asymptomatique présente une diminution des
indications de traitement. Enfin, l’évaluation du caractère asymptomatique d’ESV est par
définition subjective et il est possible d’observer une minoration du ressenti des symptômes
chez certains patients qui sont en fait symptomatiques, mais adaptent leur vie quotidienne pour
ne plus l’être. Ce diagnostic de faux asymptomatique peut être fait rétrospectivement en cas de
doute après traitement si le patient décrit une amélioration clinique après régression des ESV.
Figure 1. A. ESV avec retard droit provenant du ventricule gauche ayant fait diagnostiquer une
cardiopathie ischémique. B. ECG de base d’un patient présentant des ESV infundibulaires
droites. L’ECG montre des troubles de repolarisation de V1 à V3 et légère fragmentation à la fin
du QRS, signes évocateurs d’une DAVD.
Examens complémentaires
Comme discuté ci-dessus, le bilan diagnostique va dépendre de l’origine de l’ESV et aura pour
but de rechercher une cardiopathie sous-jacente, qui fait le pronostic de l’ESV. Certains examens
vont constituer le bilan diagnostique de première intention.
Le Holter-ECG des 24 heures:
Cet examen de première intention permet de quantifier le nombre d’ESV sur 24 heures. Il ne
permet pas de localiser les ESV (sauf certains Holter-ECG avec 12 dérivations), mais d’autres
informations importantes peuvent être recueillies par cet examen. Notamment, la répartition sur
le nycthémère des ESV permet de caractériser plusieurs profils de patients qui peuvent aussi
guider la thérapeutique. Certains patients présentent des ESV plutôt diurnes, augmentant en
période de stress ou d’effort. Ces patients seront plutôt des bons répondeurs au traitement
bêtabloquant. À l’opposé, ceux présentant des ESV plutôt nocturnes ou en période de repos
(souvent jeunes, avec cœur sain), ont un excellent pronostic, mais seront de mauvais répondeurs
aux bêtabloquants et ce traitement peut même potentiellement aggraver le nombre d’ESV.
D’autres antiarythmiques devront alors être proposés(3).
L’épreuve d’effort:
L’intérêt de l’épreuve d’effort est multiple. Elle permet, d’une part, d’enregistrer des ESV sur un
ECG en 12 dérivations si cela n’était pas encore le cas. D’autre part, elle va montrer si les ESV
diminuent voire régressent à l’acmé de l’effort ou si au contraire elles augmentent avec l’effort.
L’augmentation des ESV à l’effort est en faveur de la présence d’une cardiopathie sous-jacente
et a été associée à un moins bon pronostic(4). Ainsi, il faudra systématiquement rechercher une
coronaropathie et si elles proviennent du VD, il faudra également rechercher des arguments en
faveur d’une DAVD. Cependant, ce n’est pas parce que les ESV disparaissent à l’effort qu’elles
sont forcément béni gnes (ex emples des ESV tueuses ou de mort subite survenant dans un
contexte d’hypertonie vagale au cours du syndrome de Brugada ou de la repolarisation précoce)
et à l’inverse certaines ESV bénignes peuvent s’aggraver à l’effort. Cet élément n’est donc pas
discriminant à lui seul.
L’ETT sera systématiquement réalisée en première intention à la recherche d’une cardiopathie
sous-jacente : troubles de cinétique segmentaire VD ou VG, dysfonction VG, pathologie
valvulaire, hypertensive, etc.
Traitement
L’indication d’un traitement des ESV dépend essentiellement de son caractère symptomatique.
En l’occurrence, chez les patients asymptomatiques, l’indication formelle d’un traitement est
la présence d’une dysfonction VG associée à des ESV qui peuvent être responsables de la
dysfonction VG (cardiomyopathie aux ESV).
Le critère retenu dans les guidelines est basé essentiellement sur le taux d’ESV qui doit être > 10
% d’ESV sur 24 heures(9).
La question du traitement des ESV asymptomatiques chez les patients avec une fonction
VG normale n’est pas clairement résolue, mais les dernières recommandations européennes
ouvrent la possibilité de traiter ces patients par ablation si le taux d’ESV est > 20 % sur le Holter
de 24 heures.
Par ailleurs, si l’ESV révèle une cardiopathie sous-jacente, il convient systématiquement de
traiter cette cardiopathie : ischémique, valvulaire, hypertensive…
Les options thérapeutiques sont :
• Les traitements médicamenteux antiarythmiques :
– le traitement bêtabloquant est le traitement de choix surtout chez les patients présentant une
aggravation de leurs ESV à l’effort ;
– sinon les antiarythmiques de classe Ic : flécaïnide, propafénone, sont souvent efficaces dans
les cas d’ESV sur cœur sain ou dans la DAVD ;
– l’amiodarone reste le traitement de choix en cas de dysfonction VG, mais sa prescription
au long cours doit être réfléchie du fait de ses nombreux effets secondaires surtout chez les
patients jeunes.
• L’ablation des ESV : il s’agit d’une excellente alternative aux traitements antiarythmiques(2) au
long cours ou lorsque ceux-ci ne sont pas efficaces. Les taux de succès de l’ablation des ESV
sont de l’ordre de 70-80 % avec une absence de récidive au long cours dans la majorité des cas.
Cependant, cette intervention est d’autant plus difficile que la localisation anatomique du foyer
est difficile à atteindre, que le nombre de foyers d’ESV est important et donc que la cardiopathie
sous-jacente est sévère.
Figure 2. A. ESV bigéminées infundibulaires droites. B. Carte d’activation lors du mapping d’ESV
infundibulaires. Mapping dans l’infundibulum pulmonaire avec précocité de -30 ms sur la portion
antéro-septale de l’infundibulum pulmonaire (flèche blanche). C. ECG post-ablation.
Les auteurs ne déclarent pas de conflits d’intérêts pour cet article.
Références
Cliquez sur les références et accédez aux Abstracts sur
1. Fleg JL, Kennedy HL. Cardiac arrhythmias in a healthy elderly population: detection by 24-hour
ambulatory electrocardiography. Chest 1982 ; 81 : 302-7. Rechercher l'abstract
2. Arnar DO et al.; ESC Scientific Document Group ; EHRA Scientific Documents Committee.
Management of asymptomatic arrhythmias: a European Heart Rhythm Association (EHRA)
consensus document, endorsed by the Heart Failure Association (HFA), Heart Rhythm
S Rechercher l'abstract
3. Hamon D et al. Premature ventricular contraction diurnal profiles predict distinct clinical
characteristics and betablocker responses. J Cardiovasc Electrophysiol 2019 ; 30 :
836-43. Rechercher l'abstract
4. Hemingway H et al. The prognostic significance of premature ventricular complexes in adults
without clinically apparent heart disease: a meta-analysis and systematic review. Lee V, Heart
2012 ; 98 : 1290-8. Rechercher l'abstract
5. Jeserich M et al. Patients with exercise-associated ventricular ectopy present evidence of
myocarditis. J Cardiovasc Magn Reson 2015 ; 17 : 100. Rechercher l'abstract
6. Sadron Blaye-Felice M et al. Premature ventricular contraction-induced cardiomyopathy:
Related clinical and electrophysiologic parameters. Heart Rhythm 2016 ; 13 :
103-10. Rechercher l'abstract
7. Yokokawa M et al. Impact of QRS duration of frequent premature ventricular complexes on
the development of cardiomyopathy. Heart Rhythm 2012 ; 9 : 1460-4. Rechercher l'abstract
8. Hamon D et al. A new combined parameter to predict premature ventricular complexes
induced cardiomyopathy: impact and recognition of epicardial origin. J Cardiovasc
Electrophysiol 2016 ; 27 : 709-17. Rechercher l'abstract
9. Zeppenfeld K et al.; ESC Scientific Document Group. 2022 ESC Guidelines for the
management of patients with ventricular arrhythmias and the prevention of sudden cardiac
death. Eur Heart J 2022 ; 43 : 3997-4126. Rechercher l'abstract