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V. Laudenbach
POINTS ESSENTIELS
· Les maladies cardiaques ne sont pas rares chez la femme enceinte (0,5-1 %). Les
cardiopathies congénitales en constituent la première étiologie, avant les valvulopathies. La
fréquence des cardiopathies ischémiques semble en augmentation.
· La plupart des traitements cardiologiques courants peuvent être prescrits, exception faite des
inhibiteurs de l'enzyme de conversion et des antagonistes des récepteurs de l'angiotensine,
formellement contre-indiqués. La cardioversion par choc électrique externe est possible.
· Si la maladie cardiaque est contrôlée, l'accouchement par voie basse est souvent la meilleure
option. En revanche, une atteinte aortique menaçante (dissection, dilatation) ou une HTAP
sévère imposent l'extraction par césarienne. Dans la majorité des cas et en dehors des contre-
indications (anticoagulants), l'anesthésie péridurale, seule ou combinée avec la rachianesthésie,
est la meilleure option. Toutefois, l'anesthésie générale reste possible. Elle fait appel à des
drogues respectant au mieux l'hémodynamique (étomidate, morphiniques, curares) et comporte
une séquence d'induction rapide. Un monitorage hémodynamique adapté, invasif si nécessaire,
doit être mis en œuvre.
· La prise en charge d'une femme enceinte ayant une cardiopathie est multidisciplinaire et doit
être menée dans un centre spécialisé, permettant la réanimation de la mère et de l'enfant.
INTRODUCTION
Dans les pays industrialisés, 0,5 à 1 % des femmes enceintes ont une cardiopathie [1].
L'équipe soignante peut être confrontée à une patiente porteuse d'une maladie cardiaque
connue et qui souhaite une grossesse. Dans d'autres cas, la patiente consulte une fois la
grossesse constatée. Les modifications importantes de la physiologie, notamment
cardiovasculaire et respiratoire, observées chez la femme enceinte sont susceptibles
d'aggraver une cardiopathie préexistante. Il faut donc déterminer les capacités d'adaptation
cardiovasculaire de la patiente afin d'optimiser conseils et prise en charge. La maladie
cardiaque peut également être révélée pendant la grossesse ou en post-partum, voire
directement induite par la grossesse. Bien que ces situations complexes ne soient documentées
que par des cas ou séries analysées de façon rétrospective ou observationnelle, la Société
européenne de cardiologie a récemment émis des recommandations afin de guider leur prise
en charge [2].
PHYSIOLOGIE CARDIOVASCULAIRE
DE LA FEMME ENCEINTE
Le débit cardiaque augmente d'environ 50 %, suivant une courbe dont la cinétique est proche
de celle de la volémie. L'augmentation du volume d'éjection systolique (VES) est plus
importante que celle de la fréquence cardiaque. En décubitus dorsal, la compression de la
veine cave inférieure par l'utérus gravide est responsable d'une réduction du retour veineux
susceptible d'induire, chez la mère, malaises, lipothymies voire syncope. La compression cave
(et aortique) peut également entraîner une hypoperfusion utéroplacentaire. Ce syndrome de
compression cave est symptomatique chez environ 10 % des patientes à terme mais peut avoir
une traduction hémodynamique infraclinique dès le début du deuxième trimestre [3]. Il peut
être prévenu par le positionnement en décubitus latéral gauche modéré ou droit complet.
Lors d'un accouchement par voie basse, la consommation en O2 est triplée. Le débit cardiaque
augmente encore de 10 à 40 % par rapport aux valeurs pré-partum. Les contractions utérines,
responsables d'une « chasse veineuse », et la levée de la compression cave participent à la
majoration, parfois brutale, du retour veineux lors de l'expulsion. La PA augmente lors des
contractions, en particulier lors de la deuxième partie du travail. Les valeurs de fréquence
cardiaque et de débit cardiaque reviennent aux niveaux pré-partum dès la fin de la première
heure après l'expulsion, la PA et le VES font de même dans les 24 heures. En revanche,
l'adaptation circulatoire gestationnelle n'est résolutive que très progressivement, en 12 à 24
semaines selon les paramètres [4].
ÉVALUATION CARDIOVASCULAIRE
AU COURS DE LA GROSSESSE
L'analyse de la symptomatologie cardiaque est rendue difficile par l'existence de signes qui
peuvent être associés à une grossesse normale (dyspnée, lipothymies, œdèmes, turgescence
jugulaire). Les modifications de l'auscultation accompagnant la grossesse peuvent rendre
délicate la détection d'une anomalie. L'électrocardiogramme (ECG) peut également être
modifié : changements d'axe du QRS, onde Q en DIII, élévation de l'onde R en V1V2,
fréquence accrue des extrasystoles auriculaires (ESA) et ventriculaires (ESV). Des sous-
décalages du segment ST, mimant une ischémie sous-endocardique mais ne s'accompagnant
d'aucun trouble de cinétique en échographie, ont été rapportés au cours de césariennes sous
anesthésie générale (AG) [5] [6]. En échocardiographie, on observe un élargissement
physiologique de l'ordre de 20 % pour les cavités droites et 6-12 % à gauche, persistant
parfois plusieurs mois après l'accouchement. La dilatation des anneaux mitral, tricuspide et
pulmonaire est responsable de fuites valvulaires modérées. Un épanchement péricardique de
faible abondance est courant en fin de grossesse.
CLASSIFICATION ÉTIOLOGIQUE
DES CARDIOPATHIES DE LA FEMME ENCEINTE
Cardiopathies congénitales
Valvulopathies
Les cardiopathies rhumatismales restent un problème majeur dans les pays sous-développés.
Dans nos contrées, elles ne concernent pratiquement que des individus migrants. Bien que
moins fréquentes que les cardiopathies congénitales, elles constituent une source de difficultés
plus importante pour certains centres, en raison notamment d'un suivi cardiologique
insuffisant avant la grossesse et du caractère instable de l'atteinte cardiaque. Le rétrécissement
mitral (RM) constitue la manifestation la plus fréquente [12]. Il expose au risque de
fibrillation auriculaire (FA) et d'œdème pulmonaire aigu (OAP). Ce dernier est favorisé par la
tachychardie (avec raccourcissement de la diastole) et la diminution de la pression oncotique
plasmatique qui accompagnent la grossesse voire, éventuellement, par des apports liquidiens
excessifs en péri-partum ou la perte de la systole auriculaire en cas de FA. Un RM serré (< 1,5
cm2) est associé à une mortalité maternelle de 5 %, alors qu'elle est inférieure à 1 % dans les
formes peu symptomatiques [7] [12]. Les insuffisances mitrale (IM) ou aortique (IA) de la
femme jeune sont également le plus souvent d'origine rhumatismale. Elles sont généralement
bien tolérées au cours de la grossesse, exception faite des formes les plus sévères. En dehors
du contexte post-rhumatismal, le prolapsus valvulaire mitral (maladie de Barlow) est la cause
la plus fréquente d'IM chez les femmes jeunes. L'abstention thérapeutique est la règle en
l'absence de troubles du rythme. Le rétrécissement aortique, rhumatismal ou congénital, est
beaucoup plus rare. Une forme serrée (< 1 cm2, gradient de pression supérieur à 50 mmHg)
peut être incompatible avec l'élévation du débit cardiaque qu'entraîne la grossesse et menacer
alors la mère et l'enfant. D'une façon générale, les fuites valvulaires ont une meilleure
tolérance gravidique que les valvulopathies sténosantes, en raison de l'abaissement des RVS.
Cardiomyopathies
Le traitement des cardiomyopathies en cours de grossesse n'est pas spécifique. Cependant, les
inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (IEC) (ainsi que les antagonistes des
récepteurs de l'angiotensine) sont formellement contre-indiqués car tératogènes et comportant
un risque d'insuffisance rénale aiguë chez le fœtus. Un traitement anticoagulant est
recommandée par la plupart des auteurs, en raison du risque d'embolies cruoriques [2] [7].
Dans le cas d'une menace d'accouchement prématuré chez une patiente porteuse d'une
cardiopathie hypertrophique, les agonistes bêta-2-adrénergiques doivent être évités au profit
d'autres agents (Mg++, antagonistes calciques, atosiban).
La mortalité de l'HTAP révélée par la grossesse varie de 30 à 60 % [17]. Le décès est dû à une
défaillance ventriculaire droite réfractaire ou à une mort subite (ischémie myocardique,
embolie, trouble du rythme). Il survient le plus souvent en post-partum, parfois de façon
nettement décalée, la majorité des décès étant recensés entre la naissance et le 14e jour, voire
jusqu'à 35 jours après la naissance [17]. Les facteurs responsables de cette chronologie
particulière sont notamment l'augmentation des taux de catécholamines et du retour veineux
liés au travail et à l'expulsion (cf. supra), éventuellement associées à une hypoxémie et à des
phénomènes thrombo-emboliques. L'HTAP primitive et le syndrome d'Eisenmenger
(cardiopathies congénitales avec shunt gauche-droit évoluant vers l'HTAP fixée avec
inversion du shunt) ont, avec une mortalité de 30 à 36 %, un pronostic moins défavorable que
l'HTAP secondaire compliquant, par exemple une cardiopathie gauche, une maladie
respiratoire, un traitement amphétaminique ou une maladie thromboembolique, la mortalité
globale de ces dernières lors d'une grossesse étant plus proche de 55 % [17]. Le taux
d'avortement spontané, d'accouchement prématuré et de retard de croissance intra-utérin
(RCIU) est élevé. Sur le plan thérapeutique, l'emploi des prostacyclines est déconseillé
pendant la grossesse en raison des doutes concernant d'éventuels effets sur la circulation
utérine et sur le développement embryonnaire. En revanche, l'administration de NO inhalé
lors de la naissance a été proposée avec succès chez plusieurs patientes en complément de
l'anesthésie, quel que soit le mode d'accouchement [18]. L'anticoagulation par héparine est
classiquement proposée au troisième trimestre et en post-partum.
Coronaropathies
Le risque d'atteinte coronaire compliquée à l'occasion d'une grossesse, bien que faible, semble
en augmentation en particulier chez les patientes âgées de plus de 30 ans, traitées par
œstroprogestatifs, ayant une HTA ou fumeuses (1 infarctus pour 10 000 grossesses) [2] [7].
Les grossesses multiples constituent également un facteur de risque [19]. L'infarctus est plus
souvent décrit à partir du début du troisième trimestre. En dehors de l'athérosclérose, la
coronarographie peut mettre en évidence une dissection coronaire (de l'artère
interventriculaire antérieure dans 80 % des cas). Elle peut également être normale, suggérant
la survenue d'un spasme qui serait, pour certains auteurs, favorisé par l'administration
d'ocytocine ou de bromocriptine en post-partum. Le diagnostic peut être retardé, en particulier
en raison du faible degré de suspicion par l'équipe médicale dans ce contexte, ce qui explique
sans doute en partie les chiffres de mortalité élevés (25 à 50 %). De plus, certains signes ECG
observés lors de grossesses normales peuvent être trompeurs (cf. supra). Les taux sanguins de
myoglobine, CPK et CPK-MB augmentent dans les suites immédiates de l'accouchement, ce
qui impose le dosage de la troponine I. Par ailleurs, les hémorragies du post-partum sont
fréquemment responsables d'ischémie myocardique, comme l'ont récemment démontré
Karpati et al. [20].
Toute patiente appartenant aux classes fonctionnelles NYHA III et IV est à fort risque,
compte tenu de l'absence de réserve permettant de faire face à la nécessaire augmentation du
débit cardiaque. Sur le plan étiologique, les niveaux de mortalité les plus élevés sont observés
chez les patientes atteintes de cardiopathies avec HTAP, de cardiopathies congénitales
cyanogènes (environ 2 %) et de cardiopathies obstructives gauches sévères, valvulaires ou
hypertrophiques. Dans toutes les situations évoquées précédemment, les complications graves
(arythmies, ischémie myocardique, défaillance cardiaque, thromboses, embolies et, selon la
nature de la cardiopathie, greffe bactérienne) sont plus fréquentes, pouvant concerner jusqu'à
50 % des patientes. De plus, au niveau fœtal, la réduction de la perfusion et de l'oxygénation
utéro-placentaire entraîne une morbidité (avortement spontané précoce, accouchement
prématuré, hypotrophie) et une mortalité très supérieures à celles de la population
générale [11]. Un tel niveau de risque contre-indique la grossesse a priori. Dans le cas où elle
serait amorcée, l'interruption doit être proposée, tout en prenant en compte les complications
inhérentes à la procédure d'interruption. Dans certains cas difficiles, la réalisation d'une
épreuve d'effort à l'aide d'un protocole adapté à la femme enceinte peut permettre une
évaluation plus précise du risque encouru en cas de poursuite de la grossesse [2].
Mesures générales
Les naissances prématurées sont fréquentes, soit du fait de la pathologie cardiaque elle-même,
soit parce que, parvenu au terme de 32-34 SA à partir duquel on considère généralement la
viabilité de l'enfant suffisante, le pronostic maternel prime et peut amener à la décision de
prématurité consentie. Dans un cas comme dans l'autre, la prescription d'une corticothérapie
de maturation fœtale par bêtaméthasone doit impérativement être discutée. La consultation
d'anesthésie doit être programmée de manière à anticiper l'accouchement prématuré.
Tableau I. Effets indésirables des drogues cardiovasculaires les plus courantes pour le
fœtus. D'après [1].
Drogue Effets indésirables Sécurité Allaitement
fœtaux/néonataux d'emploi
rapportés pendant la
grossesse
®
Adénosine (Striadyne ) Pas d'effet indésirable Oui Pas de données
rapporté
Amiodarone RCIU, prématurité, Discuté, Non
hypothyroïdie possible
en fin de
grossesse
Bêtabloquants Bradycardie et Oui Oui, avec
hypotension, surveillance
hypoglycémie, RCIU de l'ECG néonatal
Digitaliques Prématurité, faible poids de Oui Oui
naissance
Diurétiques Hypoperfusion Risque potentiel Oui
placentaire
si hypovolémie
Dihydropyridines SFA par hypotension Oui Oui
(nicardipine, maternelle
nifédipine)
IEC Oligoamnios, RCIU, Non Oui
IRA, anémie,
hypotension,
arthrogrypose, défaut
d'ossification, décès
Lidocaïne Hypotonie à fortes doses Oui Oui
Trinitrine et dérivés Bradycardie, Données Pas de données
hypotension, SFA par limitées,
hypotension maternelle, risque potentiel
méthémoglobinémie
RCIU : retard de croissance intra-utérin ; IEC : inhibiteurs de l'enzyme de conversion de
l'angiotensine ; IRA : insuffisance rénale aiguë ; SFA : souffrance fœtale aiguë.
En cas de voie basse, il est indispensable d'éviter l'épreuve d'effort d'un travail long et
douloureux, ainsi que les efforts expulsifs. L'analgésie péridurale, seule ou combinée à la
rachianesthésie, a donc largement sa place (à condition de ne pas être contre-indiquée par des
troubles de l'hémostase ou un traitement anticoagulant). Les modifications hémodynamiques
sont contrôlées par titration des doses d'anesthésique local afin d'éviter un abaissement brutal
de la précharge ventriculaire. Une association morphinique et anesthésique local à faible
dose/concentration doit être privilégiée. Le traitement de l'hypotension artérielle par
phényléphrine à faibles doses ou une association phényléphrine-ephédrine évite l'aggravation
de la tachychardie maternelle sans risque pour la perfusion utérine [22]. La patiente est placée
en position proclive latéralisée à gauche afin de prévenir le syndrome de compression cave.
L'expulsion est généralement abrégée par l'emploi de forceps.
Que l'accouchement ait lieu par voie basse ou non, une surveillance multiparamétrique de
l'hémodynamique et des échanges gazeux est nécessaire, faisant appel notamment à
l'échographie mais aussi fréquemment à des moyens invasifs (cathéter artériel, cathéter
veineux central voire, selon les cas, cathéter de Swan Ganz). L'apport d'oxygène est
systématique. Les apports liquidiens et la diurèse doivent être strictement comptabilisés afin
d'éviter toute surcharge. Une réduction excessive de la PA chez une patiente porteuse d'une
HTAP peut contribuer à l'inversion d'un shunt gauche-droit en shunt droit-gauche, majorant
ainsi une hypoxémie. En cas de cardiopathie obstructive, une réduction brutale de la pré-
charge ventriculaire peut précipiter un collapsus. La prévention de telles situations impose une
évaluation précise et une compensation adéquate des pertes sanguines [23].
L'ocytocine doit être injectée lentement, en raison du risque d'hypotension artérielle. Une
élévation aiguë des résistances vasculaires pulmonaires a de plus été décrite lors de perfusions
continues. Ce risque est encore plus important avec la PGF2 (Nalador®), contre-indiquée en
cas d'HTAP ou de maladie coronaire. Par ailleurs, le risque d'hémorragie du post-partum
semble accru dans les cardiopathies avec HTAP, même en l'absence de traitement
anticoagulant. Leur dépistage et leur traitement précoce sont donc impératifs. Une
hospitalisation et une surveillance prolongées sont indispensables, les suites immédiates de
l'accouchement imposant de principe le séjour en unité de soins intensifs.
Antibioprophylaxie
Traitements anticoagulants
Ils peuvent compliquer les cardiopathies énumérées au chapitre IV. Même s'ils n'engagent pas
directement le pronostic vital maternel, ils menacent le fœtus en raison des perturbations
hémodynamiques associées. Leur traitement impose la recherche d'une cause (déséquilibre
ionique, hyperthyroïdie, effets facilitateurs du tabac ou de la caféine). Si un traitement anti-
arythmique est nécessaire, on choisira une drogue sans tératogénicité connue, à la dose
efficace la plus faible (tableau I). Dans le cas d'un trouble du rythme grave, une cardioversion
par choc électrique externe est possible sans risque démontré pour l'enfant. Plusieurs
observations de grossesses, menées chez des patientes porteuses de pacemaker ou
défibrillateurs implantables, ont été rapportées sans événement particulier.
Cardiopathies ischémiques
Dans le cas d'une cardiopathie valvulaire non contrôlée par le traitement médical, deux
options sont envisageables : interrompre la grossesse puis planifier une cure chirurgicale de
l'anomalie valvulaire avant un nouveau projet parental ou programmer une intervention. Les
sténoses valvulaires, en particulier mitrales et pulmonaires, sont fréquemment accessibles à
une valvuloplastie percutanée. La morbidité et la mortalité materno-fœtale des procédures
rapportées dans la littérature sont très nettement inférieures à celles d'une chirurgie,
notamment en raison d'une meilleure stabilité hémodynamique [2]. L'irradiation fœtale est
limitée autant que possible, notamment à l'aide d'une protection plombée. Certaines équipes
réalisent ce geste sous guidage échographique. Le risque de fuite mitrale sévère dans les suites
de ce geste reste cependant de l'ordre de 5 % [26]. La survenue d'une telle complication peut
imposer le recours urgent à la chirurgie. Pour cette raison, l'ensemble de la procédure doit
impérativement avoir lieu dans un centre spécialisé.
Dans une revue de la littérature publiée entre 1984 et 1996, il a été identifié 161 cas de
chirurgie cardiaque lors de la grossesse, dont 137 avec CEC [27]. La mortalité fœtale et
néonatale apparaît élevée, de l'ordre de 30 %. La mortalité maternelle est comprise entre 6 et
14 %, le pronostic maternel semblant d'autant plus défavorable que l'intervention est tardive,
au cours du dernier trimestre ou lors de la période post-partum, pour des indications urgentes
(dissections aortiques, embolectomies chirurgicales) [27]. Si le fœtus est viable, une
extraction préalable à la chirurgie cardiaque doit être proposée [2]. La surveillance du rythme
cardiaque fœtal, en cas de chirurgie avant la naissance, pourrait théoriquement guider
l'optimisation de l'hémodynamique utéro-placentaire (pression et débit de perfusion) mais elle
reste controversée.
Les principales causes d'arrêt cardiorespiratoire (ACR) au cours de la grossesse sont résumées
dans le tableau II.
1) Au cours du troisième trimestre, la RCP est totalement inefficace si conduite sur une
patiente en décubitus dorsal, en raison de la compression cave. Placer la patiente en décubitus
latéral gauche (30-45o) avec l'aide d'un assistant ou d'un dispositif prévu à cet effet est donc
indispensable. Au minimum, on doit s'attacher à déplacer manuellement l'utérus sur le côté.
2) En présence d'un ACR sans récupération d'une activité circulatoire spontanée en moins de
5 minutes chez une patiente au-delà de 24 SA, l'extraction fœtale en urgence est
recommandée, aussi bien pour tenter de sauver l'enfant que pour améliorer l'hémodynamique
maternelle. Cette recommandation semble encore trop peu appliquée [31].
CONCLUSION