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Accord du participe passé des verbes pronominaux

On se fait toute une montagne de l'accord de ces fichus verbes pronominaux (= verbes construits avec
le pronom se) et pourtant l'exercice n'est pas si compliqué qu'on le croit. Enfin, presque...

Pour la petite histoire, c'est au poète François de Malherbe (1555-1628), considéré comme l'un des
Réformateurs de la langue française, que l'on doit les subtilités de la règle d'accord des verbes
pronominaux. Et notamment ce curieux paradoxe selon lequel les participes passés de ces verbes se
conjuguant avec l'auxiliaire être ne s'accordent pas systématiquement avec le sujet (principe qui
prévalait pourtant jusque-là... et qui simplifiait bien les choses).

Tout dépend en fait de la fonction du pronom se : s'agit-il d'un complément d'objet direct (auquel
cas se = soi), d'un complément d'objet indirect (auquel cas se = à soi, de soi) ou bien ne peut-il pas
être analysé comme complément d'objet ?

On l'aura compris, depuis Malherbe et son obsession pour la pureté de la langue française, l'accordeur
de participe passé doit davantage porter son attention sur lecomplément que sur le sujet... au risque
de s'emmêler les neurones. Il n'en demeure pas moins que, quel que soit l'auxiliaire employé, c'est
le sens de la phrase qui détermine l'accord.

Remarques liminaires

• Afin de faciliter la compréhension de la règle d'accord des verbes pronominaux, nous vous invitons à
lire au préalable l'article consacré à l'accord du participe passé en général.

• Il est très important de bien comprendre que ce n'est pas parce que les verbes pronominaux se
conjuguent avec l'auxiliaire être que leurs participes passés s'accordent systématiquement. Non ! La
subtilité desdits verbes pronominaux réside notamment dans le fait que leurs participes passés
s'accordent comme s'ils étaient employés avec l'auxiliaire avoir. La chasse au COD (s'il existe) sera
donc effectuée en posant la question qui / quoi ? au verbe conjugué avec avoir.

Elles se sont endormies (s'endormir est un verbe pronominal → on fait comme s'il était conjugué
avec avoir → elles ont endormi qui ? se mis pour elles, COD placé avant le pp → accord avec le
COD).

• Par la suite, participe passé sera abrégé en pp, complément d'objet direct en COD etcomplément
d'objet indirect en COI.

Rappel de la règle

Cas 1. Si le pronom se ne peut pas être analysé comme complément d'objet (direct
ou indirect), l'accord du pp se fait en genre (masculin / féminin) et en nombre
(singulier / pluriel) avec le sujet.

Cas 2. Si le pronom se peut être analysé comme complément d'objet (direct ou


indirect), l'accord du pp se fait avec le COD selon que celui-ci le précède ou non
(exactement comme s'il était employé avec l'auxiliaire avoir).

Une exception : le pp de s'arroger, bien que toujours employé à la forme


pronominale, s'accorde avec le COD selon que celui-ci est placé ou non avant.

Les droits qu'elles se sont arrogés (ils ont arrogés quoi ? les droits, COD placé
avant le pp → accord avec le COD).

Ils se sont arrogé des droits (des droits, COD placé après le pp → pas d'accord).

Cas 3. Suivi d'un infinitif, le pp des verbes pronominaux suit la même règle
d'accord que celui du verbe simple (voir l'article Accord du participe passé) :
employé avec l'auxiliaire avoir et suivi d'un infinitif, le pp s'accorde si le COD,
étant placé avant le participe, fait l'action exprimée par l'infinitif.

Ils se sont vus mourir (se, COD placé avant le pp, fait l'action de mourir →
accord) mais Ils se sont vu condamner (se, COD placé avant le pp, ne fait pas
l'action de condamner → pas d'accord).

2 exceptions : les participes passés de se laisser et se faire, suivis d'un infinitif,


sont rendus invariables.

Ils se sont laissé faire. Elle s'est fait couper les cheveux.

Cas 1 : le participe passé s'accorde avec le sujet

Ce cas concerne :

 les verbes essentiellement pronominaux (qui n'existent que sous la forme pronominale,
comme s'absenter, s'écrier, s'enfuir, s'envoler, s'ingénier, se repentir, se souvenir...).

Ils se sont souvenus de moi.

Les mésanges se sont envolées.

Remarque : La locution s'en prendre à, où se et en ne sont pas analysables, se comporte comme un


verbe essentiellement pronominal.

Elle s'en est prise à sa famille (mais L'envie lui a pris de partir).

 les verbes occasionnellement pronominaux (c'est-à-dire qui peuvent être employés à une
autre forme que la seule forme pronominale) dont le sens change quand on les emploie à la
forme pronominale (ces verbes sont encore appelés pronominaux non réfléchis, car l'action ne
se reporte pas sur le sujet). Par exemple : s'apercevoir de, s'attaquer à, s'attendre à, se
comporter, se douter de, se jouer de, se mettre à, se passer de, se plaindre de, se refuser à,
se résoudre à, se saisir de, se taire...
Elles se sont aperçues de leur erreur (s'apercevoir ne signifie pas « apercevoir soi-même » mais «
prendre conscience », ce qui est différent).

Elle s'était attendue à sa remarque (s'attendre ne signifie pas « attendre soi-même » mais «
considérer comme probable »).

Ils se sont échappés (s'échapper ne signifie pas « échapper soi-même » mais « s'enfuir »).

Elle s'est mise à la musique (se mettre à signifie « commencer »).

 les verbes pronominaux de sens passif (comme s'accompagner, s'acheter, se conduire,


s'entendre, se jouer, s'ouvrir, s'utiliser, se vendre...).

Dans ce cas, le sujet (généralement un inanimé) n'accomplit pas l'action et l'agent n'est le
plus souvent pas exprimé.

Les tomates se sont bien vendues aujourd'hui (= ont été bien vendues).

La partie s'est jouée en deux manches (= a été jouée).

La porte s'est ouverte, s'est fermée.

Cas 2 : le participe passé s'accorde avec le COD (s'il existe)

Ce cas concerne les verbes occasionnellement pronominaux qui conservent leur sens premier quand
on les emploie à la forme pronominale. Par exemple : se laver (= laver soi-même), se parler (=
parler à soi-même).

Dans ce cas, la règle veut que le pp s'accorde avec le COD si ce dernier est placé avant. Il va de soi
que les participes passés des verbes n'admettant pas de COD (verbes transitifs indirects, tels que se
parler, se plaire à, se rire de, se sourire, se succéder, se suffire, se téléphoner, s'en vouloir de, etc.)
restent invariables (au masculin singulier).

Elle s'est jetée sur lui (elle a jeté qui ? se mis pour elle, COD placé avant le pp → accord).

Ils se sont lavé les mains (ils ont lavé quoi ? les mains, COD placé après le pp tandis que se est
COI → pas d'accord).

Ils se sont lavés à grande eau (ils ont lavé qui ? se mis pour ils, COD placé avant le pp → accord).

Elle s'est refait une santé (elle a refait quoi ? une santé, COD placé après le pp tandis que se est COI
→ pas d'accord, même si la liaison entre refait et une peut prêter à confusion).

Les postulants se sont succédé toute la matinée (ils ont succédé à qui ? à eux, seest COI, il n'y a
pas de COD → pas d'accord).

Elle s'est plu à l'embêter (se plaire, comme se succéder, ne peut avoir de COD).

Elle s'est remise de son voyage mais Elle s'est permis de le lui dire (et non Elle s'est permise).
Elle s'en est voulu de son erreur.

Elle s'est attiré les foudres de son patron (les foudres, COD placé après le pp).

Cas 3 : participe passé suivi d'un infinitif

Le cas 3, à l'analyse, n'est finalement qu'un corollaire du cas 2. En effet, la même règle (accord avec
le COD s'il précède le pp) s'applique, à condition de s'assurer qu'il s'agit bien du COD du pp et non du
COD de l'infinitif. Étant donné que le COD ne peut se rattacher au pp que s'il est aussi sujet de
l'infinitif, cela revient à la règle énoncée plus haut, plus facile à appliquer. Reprenons nos exemples :

Ils se sont vus mourir [= Ils ont vu eux-mêmes en train de mourir (sens actif) →se est COD du
pp vu et placé avant → accord].

Ils se sont vu condamner [= Ils ont vu (quelqu'un) les condamner (sens passif) →se est COD
de condamner, pas du pp → pas d'accord].

Elle s'est entendue dire merci à son ami (c'est elle qui dit merci) mais Elle s'estentendu dire
merci (quelqu'un de son entourage lui dit merci).

Remarque : Lorsqu'une préposition (à ou de) est intercalée entre le pp et l'infinitif, l'accord se fait
selon la règle générale.

Elle s'est contentée de le saluer.

Subtilités

Un même verbe pronominal peut se prêter à plusieurs analyses, selon la construction et le sens (et
donc dépendre du cas 1 ou du cas 2). Les subtilités d'accord – si souvent dénoncées par Grevisse et
Hanse, partisans de l'accord du pp de tous les verbes conjugués avec l'auxiliaire être (qu'ils soient
pronominaux ou non) – qui s'en ensuivent ont pourtant le mérite de préciser la pensée de celui qui
s'exprime : Elle s'est servi des légumes (au cours du repas) ne signifie pas la même chose que Elle
s'est servie des légumes (pour faire une soupe), par exemple ! Sans elles, cette distinction ne serait
plus possible...

Ils se sont adressés au concierge (ils ont adressé qui ? eux, se est COD placé avant le pp → accord)
mais Ils se sont adressé des injures (ils ont adressé quoi ?des injures, COD placé après le pp tandis
que se est COI → pas d'accord).

Elle s'est cogné la tête (elle a cogné quoi ? la tête, COD placé après le pp tandis que se est COI →
pas d'accord) mais Elle s'est cognée à la tête (elle a cogné qui ?elle, où ? à la tête, se est COD placé
avant le pp → accord).

Ils se sont cognés (ils ont cogné eux-mêmes) mais Ils se sont cogné dessus (ils ont cogné l'un sur
l'autre).
Elles se sont rendues à Paris. Elle s'est rendue maître de la situation mais Elles se
sont rendu compte de leur erreur (elles ont rendu compte à elles, se est COI etcompte COD placé
après le pp → pas d'accord).

Elle s'est souvenue avoir pleuré (se souvenir est un verbe essentiellement pronominal → accord)
mais Elle s'est rappelé avoir pleuré (se est COI, avoir pleuréest COD placé après le pp → pas
d'accord) et Elle s'est rappelée à son bon souvenir (se est COD placé avant le pp → accord).

Elle s'est autorisée à l'inviter mais Elle s'est autorisé une pause.

Elle s'est proposé de lui parler (se proposer = se fixer comme but) mais Elle s'estproposée (se
proposer = se mettre en avant) pour ce poste.

Elle s'est permis de lui parler mais Cette pause, elle se l'est permise.

Elle s'est promis de le lui dire mais Cette chose qu'elle s'est promise.

Elle s'est imaginé qu'il viendrait (s'imaginer est à prendre ici au sens de « croire » : Elle a imaginé en
elle-même quoi ? qu'il viendrait ; se est donc COI → pas d'accord) mais Elle s'est imaginée dans
cette situation (s'imaginer est à prendre ici au sens de « se voir, se représenter » : Elle a imaginé
qui ? se mis pour elle → accord) et L'histoire qu'elles se sont imaginée (que mis pour histoireest
COD, placé avant le pp → accord avec histoire).

Elle s'est dit qu'elle aimerait partir en voyage (se dire signifie ici « dire à soi-même » et relève du cas
2, se = à soi est COI → pas d'accord) mais Elle s'est ditesatisfaite de son voyage (ici, se dire signifie
« se déclarer » : elle a dit qu'elle était satisfaite → se ne peut être analysé comme complément
d'objet → accord avec le sujet) et Bien des choses se sont dites lors de cette réunion (ici, se dire est
employé au sens passif et relève du cas 1 → accord).

Elle s'est servi du café au petit déjeuner (se servir est ici un verbe occasionnellement pronominal à
sens réfléchi : elle a servi quoi ? du café, à qui ? à se mis pour elle → pas d'accord)
mais Elle s'est servie de sa clef pour fermer la porte (se servir est là un verbe pronominal non
réfléchi avec le sens de « utiliser » et non de « servir à soi-même » → accord).

Ils se sont assurés contre le vol (s'assurer signifie ici « se prémunir, se protéger »,se est COD), Elle
s'est assurée que la porte était fermée (s'assurer signifie « se rendre certain ») mais Elle s'est
assuré le soutien de sa famille (s'assurer signifie « se procurer » ; se est ici COI).

Elle s'est mise en danger (elle a mis elle-même en danger) mais Elle s'est miscette idée en tête (elle
a mis cette idée dans la tête d'elle-même).

Ils se sont réparti les bénéfices mais Les bénéfices qu'ils se sont répartis.

Elles se sont disputées avec leurs amis (se disputer = se chamailler) mais Elles se sont disputé sa
place (se disputer = chercher à obtenir).

Remarque 1 : Si le pp du verbe faire est invariable devant un infinitif, il s'accorde naturellement


devant un adjectif ou un nom, sauf dans quelques expressions figées à connaître (voir Se faire fort
de).

Elle s'est faite belle. Ils se sont faits moines ou soldats. Elles se sont faites à cette idée mais Elle
s'est fait mal. Elle s'est fait fort de le convaincre. Elle s'est fait avoir.

Les spécialistes sont partagés sur le cas de se faire l'écho de : Ils se sont fait l'échode cette
rumeur (invariabilité selon Girodet, Thomas et Larousse) mais Ils se sont faits l'écho de cette
rumeur (accord selon Hanse, Grevisse et Georgin : Ils ont fait eux-mêmes l'écho, où écho est attribut
du COD se).

Remarque 2 : Dans s'en prendre à (= s'attaquer à, incriminer), les pronoms se et enne sont pas
analysables. C'est pourquoi cette locution est assimilée à un verbe essentiellement pronominal, dont le
pp s'accorde.

Elle s'en est prise aux membres de sa famille.

Remarque 3 : Quand le pp est suivi d'un autre pp, on peut considérer que ce dernier est attribut du
COD s' avec lequel il s'accorde.

Elle s'est crue (être) abandonnée.

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