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Université de Yaoundé II

Faculté des Sciences Juridiques et Politiques

DROIT PENAL GENERAL


(Quelques éléments méthodologiques d’ordre général sur l’étude de cas)

Deuxième année de Licence en droit


Année Académique 2023-2024

Pr. NTONO TSIMI Germain


Agrégé de droit privé et des sciences criminelles

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I- Brèves considérations générales sur l’articulation des exercices
juridiques avec la technique du raisonnement juridique

Les trois exercices juridiques. Globalement en droit, et pour ce qui est des études du cycle de
licence, l’on distingue trois types d’exercices juridiques à savoir l’exercice d’argumentation qui
prend la forme de la dissertation juridique ; l’exercice d’analyse qui prend la forme d’un
commentaire ; l’exercice de mise en situation qui prend la forme d’une étude de cas.

Les exercices juridiques, la technique du raisonnement juridique et la formation du juriste.


Tous ces exercices juridiques (dissertation, commentaire, étude de cas) font appel à
l’application de la technique du raisonnement juridique. En droit, traiter un exercice, c’est faire
une application du raisonnement juridique. Etudier le droit, tout court, c’est apprendre la
technique du raisonnement juridique (ses conditions, ses méthodes, ses finalités, ses matières,
ses procédures et son processus). C’est la technique du raisonnement juridique qui fait la
différence entre les juristes et les non juristes. Le fait de lire des cours de droit, d’acquérir voire
de maitriser les codes de lois (code pénal, code civil, code du travail ou encore la constitution)
ne fait pas de nous des juristes. C’est aussi ce qui fait la différence entre la sensibilisation à la
connaissance des droits et les études de droit. Celles-ci uniquement forment participent à la
formation du juriste à travers les enseignements de la technique du raisonnement juridique
qui seuls forment l’esprit du juriste, ouvrent aux matières juridiques et déterminent la
connaissance de la science juridique.

Le rapport entre le raisonnement juridique et les exercices juridiques. En l’affirmant, il


convient de rappeler à tout étudiant que la raisonnement juridique s’applique et est appliqué
dans tous les exercices juridiques. Ainsi, lorsqu’on classe les exercices en trois groupes
(exercice d’argumentation, exercice d’analyse, exercice de mise en situation), il s’agit
davantage de dire que l’application du raisonnement juridique varie selon le types d’exercice
juridique et que le rapport de chaque exercice avec la technique du raisonnement n’est pas
uniforme.

Une illustration de l’application du raisonnement juridique à l’exercice d’argumentation


juridique. L’exercice d’argumentation juridique fait appel à l’application du raisonnement
juridique. Il s’agit ici de savoir comment le raisonnement juridique peut-être mobilisé en vue
de la construction d’une argumentation en droit. De façon pratique, le sujet de dissertation
juridique (exercice d’argumentation) se présente alors sous la forme d’un libellé ou d’un
énoncé théorique. Comme il s’agit de l’application du raisonnement juridique, l’étudiant doit
déceler le problème juridique contenu, soulevé ou sous-jacent à l’énoncé ou au libellé du sujet.
Cette approche par construction autour du problème juridique est le premier aspect de
l’application du raisonnement juridique dans la dissertation. Dans une seconde phase de son
argumentation, l’étudiant doit apporter une réponse juridique cohérente au problème
identifié. La construction de cette réponse juridique cohérente est la seconde phase du
raisonnement juridique. Elle constitue donc le développement de l’argumentation tandis que
le problème identifié en constitue le fondement ou la base.

A titre d’exemple, pour un sujet ainsi libellé, « Les conditions d’engagement de la


responsabilité pénale des personnes physiques ». L’étudiant peut idéalement formuler le
problème suivant, « Quelles sont les conditions d’engagement de la responsabilité pénale
des personnes physiques ? ». En formulant ainsi le problème juridique, l’étudiant formule
l’hypothèse que son argumentation portera sur la détermination des conditions d’engagement
de la responsabilité pénale des personnes physiques. Une telle hypothèse signifie qu’il a

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construit l’ensemble de son introduction autour de la définition de la notion d’engagement de
la responsabilité pénale des personnes physiques. Par exemple, il a dit que « l’engagement de
la responsabilité pénale s’entend de la mise en œuvre de la responsabilité pénale. Ce qui la
distingue notamment de l’existence de la responsabilité pénale ». Revenant au traitement
du sujet et après avoir posé cette question, l’étudiant formule la réponse juridique cohérente
selon laquelle, (c’est une illustration), « Les conditions d’engagement de la responsabilité
pénale des personnes physiques sont de deux ordres : une condition préalable qui est
l’imputabilité et une condition nécessaire qui est la culpabilité». Cette réponse sera donc
développée en deux parties ainsi présentées : « I- La condition préalable : l’imputabilité ; II-
La condition nécessaire : la culpabilité ». Si par exemple, l’étudiant développe : « I-
L’imputabilité ou la culpabilité ; II- L’absence de faits justificatifs ». Bien qu’une telle
approche ne soit pas fausse du point de vue de l’engagement de la responsabilité pénale des
personnes physiques, elle ne résulte pas d’une réponse juridique cohérente. On dirait même
que la réponse juridique est ici incohérente. Dans ce cas, l’étudiant fait une mauvaise
application du raisonnement juridique. Il développe deux idées distinctes sous un seul
problème juridique que ne les intègre pas clairement. Il s’agit ici d’une exigence de rigueur ;
la rigueur dans la conduite du raisonnement juridique.

Une illustration de l’application du raisonnement juridique à l’exercice d’analyse juridique


L’exercice d’analyse juridique aussi fait application à la technique du raisonnement juridique.
Peu importe sa forme (commentaire d’article, d’opinion ou de décision de justice), la
formulation du problème juridique reste la première étape de la construction du
raisonnement. Mais, dans le cas de cet exercice, le sujet ne porte plus sur un énoncé théorique
ou un libellé. Il porte sur une solution juridique (disposition d’un texte, décision de justice,
opinion doctrinale) qu’il faut analyser. Cette analyse est construite autour d’un problème
juridique et elle comprend généralement deux aspects : un aspect explicatif et un aspect
appréciatif. De manière tout à fait convenu suscitant parfois de confusions dans l’esprit des
étudiants sur la manière d’articuler ces deux aspects, il est souvent admis que commenter c’est
expliquer et apprécier. Si cela est vrai du point de vue de l’application du raisonnement
juridique à cet exercice, il convient de souligner que la nature de l’exercice commande la
manière d’articuler ces deux aspects du raisonnement.

Le raisonnement juridique et l’exercice de mise en situation. L’exercice de mise en situation


est ainsi qualifié en ce sens que par rapport aux deux premiers exercices juridiques et de
l’ensemble des trois exercices en droit, son rapport ou son lien avec le raisonnement
juridique est spécifique. En effet, si les deux premiers font appel à l’application du
raisonnement juridique dans une activité intellectuelle (argumenter ou analyser), l’exercice de
mis en situation est celui qui emmène l’étudiant à maitriser les différentes articulations du
raisonnement juridique. Ici, l’étudiant ne mobilise pas le raisonnement juridique. Il s’exerce à
son application intrinsèque à travers l’étude de ses différentes articulations. L’étudiant ne
travaille pas sur les objets du droit (notion, institution, catégorie, règle, théorie, principe,
opinion, affirmation etc…). Il travaille sur la matière du droit, sur les faits auxquels il doit
appliquer une règle de droit. C’est l’exercice de mise en situation.

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II- Brèves considérations générales sur la spécificité des exercices
juridiques

Les typologie et spécificités de chaque exercice juridique. Comme sus évoqué, et dans un
ordre totalement aléatoire, le premier exercice est celui d’argumentation qui se présente sous
la forme de la dissertation juridique. Un document distinct lui a été consacré. Il présente
notamment la philosophie de l’exercice (pourquoi dit-on qu’il s’agit de l’exerce
d’argumentation), ses variétés (quelles sont les types de dissertation susceptibles d’être
proposées au niveau licence), la construction du travail de l’étudiant (comment élaborer et
rédiger une dissertation juridique. Plus précisément, comment amener tel ou tel sujet en
fonction du type de dissertation, comment poser le problème, quelles sont les parties d’une
introduction, comment construire les développements). Ce document, élaboré pour le droit
pénal général, la procédure pénale et le droit pénal spécial contient des exemples pour chaque
cas

Le second exercice est l’exercice d’analyse dont la forme achevée est celle d’un commentaire.
Au cycle de licence, l’on distingue trois types de commentaire. Le commentaire de texte
(disposition d’un instrument supranational, législative, règlementaire ou énoncé d’un principe
général bien formulé et reconnu comme tel en droit). Le commentaire d’une opinion doctrinale
(extrait de la pensée d’un auteur tiré d’un article de doctrine, d’un ouvrage, etc.). Le
commentaire d’une décision de justice (Bien que l’archétype est ici le commentaire d’arrêt dans
le sens de la décision rendue par la juridiction suprême, cet exercice peut porter sur une
décision des juges du fond, des juges d’appel, des décisions ou opinions mêmes dissidentes
émises par des juges des juridictions supranationales).

Un document distinct a également été préparé afin de présenter, comme pour l’exercice
d’argumentation, la philosophie de l’exercice (que faut-il entendre par exercice de
commentaire ? Que signifie commenter en droit ? Quelle en est la signification théorique et
quel en est l’implication méthodologique ? Comment comprendre les deux termes
« expliquer » et « apprécier » ? Comment les articule-t-on dans un commentaire qu’il soit celui
d’une disposition, d’une opinion doctrinale ou d’une décision de justice ?) ; les nuances entre
les types de commentaire (nuances entre les trois formes de commentaire, surtout nuances
entre les commentaires par exemple, comment commenter une disposition relevant des
dispositions générales et une disposition relevant davantage des dispositions spéciales. S’il
s’agit d’une opinion doctrinale, comment commenter l’opinion d’un auteur classique (nous
entendons ici l’opinion d’un grand maitre de la discipline dont la pensée fait largement
autorité) ou encore la pensée d’un auteur contemporain. S’il s’agit d’un arrêt, comment
commenter un arrêt de rejet ou arrêt de cassation ? S’il s’agit des opinions émises par des juges,
comment commenter une opinion individuelle ou encore une opinion dissidente), comment
construire le travail de l’étudiant (quelles sont les parties de l’introduction, comment la
structure-t-on selon les exercices, comment construire les développements etc…).

Le troisième type d’exercice juridique est l’exercice d’étude de mise en situation qui prend la
forme de l’exercice d’étude de cas. C’est de cet exercice dont nous parlerons très brièvement
et dans le seul cadre du droit pénal général. Car, il faut le souligner à grands traits, s’il y a
certes des considérations générales communes à tout exercice d’étude de cas, la construction
du raisonnement varie de manière relativement significative selon la matière ou la discipline.

Le particularisme de l’étude de cas selon les disciplines juridiques. Malgré des


considérations générales applicables à tout exercice d’étude de cas, le traitement d’une étude

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de cas varie. En droit pénal général, le raisonnement est assez distinct du raisonnement d’une
étude de cas de droit pénal spécial. Et si l’on étend le regard au-delà du pénal, le raisonnement
d’une étude de cas en droit des personnes ne sera pas rigoureusement identique à celui d’une
étude de cas en droit des obligations et encore moins d’une étude de cas en droit administratif
général.

La distinction peut être justifiée par les rapports que chaque discipline entretient avec les faits,
la philosophie générale de la discipline et la manière avec laquelle les problèmes sont soulevés
par chaque discipline. Ainsi, et l’étudiant doit le savoir, il y a des problèmes de droit pénal
général, des problèmes de droit pénal spécial, des problèmes de procédure pénale, des
problèmes de droit des personnes, des problèmes de droit des obligations, des problèmes de
droit administratif général, ceux de droit constitutionnel, etc… Si la technique du
raisonnement juridique est identique quel que soit la matière, la particularité des problèmes
fait varier la manière de construire ledit raisonnement. Cela doit être pris en compte par
l’étudiant. On pourrait ainsi dire qu’il y a des règles communes à toute étude de cas en droit
et des règles particulières à l’étude de cas par matière ou champ disciplinaire. Ces règles ne
sont généralement pas enseignées. L’étudiant les applique en fonction du type de problème
que soulève la matière objet de l’étude de cas. Par exemple, le droit pénal général se rapporte
au règles générales de la matière traitant de l’incrimination et de l’imputation c’est-à-dire de
l’acte infractionnel et de l’agent pénal. Le droit pénal spécial quant à lui se rapporte aux
qualifications spécifiques posées par le législateur ou le pouvoir règlementaire. Ces deux
perspectives distinctes engendrent des nuances dans la construction du raisonnement dans les
deux études de cas. Des illustrations plus concrètes sont faites dans un document distinct.

A titre d’exemple, les implications du principe de la légalité criminelle notamment la


contrainte de la qualification juridique est distincte d’une matière telle que le droit des
obligations dans laquelle il existe par exemple des contrats innomés ou encore du droit
administratif dont l’ensemble des règles applicables n’est pas codifié.

III- L’étude de cas en droit pénal général


Les deux formes de l’étude de cas. L’étude de cas en droit pénal général se présente sous deux
formes comme dans les autres disciplines enseignées dans les facultés de droit : la forme du
cas pratique et la forme de la consultation du juridique.

L’étude de cas présentée sous la forme du cas pratique (dont la méthodologie ne sera pas
abordée ici)

Sous cette forme de cas pratique, l’étude de cas comprend deux parties : une première partie
(les faits) qui relate la petite histoire et une seconde partie (les questions sur les faits). La
spécificité de cette forme d’étude de cas repose essentiellement sur l’articulation de la
méthodologie. Dans cet exercice, il est généralement attendu de l’étudiant deux choses
essentielles :

 un résumé succinct des faits


 la réponse aux questions. Il est généralement conseillé aux étudiants de suivre l’ordre
des questions tel que mentionné sur le document de l’épreuve.

III-1. L’étude de cas présenté sous la forme d’une consultation juridique (objet de la
présente explication)

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Sous cette forme de consultation juridique, l’étude de cas comprend également deux parties :
une première partie (les faits) qui relate la petite histoire. Sur ce point, cette forme est identique
à celle du cas pratique. La petite histoire constitue le cas à étudier. La seconde partie constitue
la consigne de travail. C’est à ce niveau que se fait la différence entre l’étude de cas consultation
juridique et l’étude de cas, cas pratique. La consigne de travail est ici libellée de manière
générale. Aucune question particulière n’est posée à l’étudiant. Il lui ait demandé d’étudier le
cas et de le traiter en partant des enseignants dispensés.

Pour une bonne compréhension de la méthodologie, il convient de distinguer les faits de la


consigne de travail.

1.2. Les faits dans la consultation juridique.


Dans cette forme d’étude de cas, les faits se caractérisent par leur généralité, leur globalité et
leur homogénéité. Les faits forment un tout qu’il revient à l’étudiant d’étudier en disséquant
chacun des problèmes juridiques. Dans ce sillage, les faits peuvent être analysés de deux
manières : in personam et in rem

a)- L’analyse des faits in personam

Il faut entendre par analyse in personam, l’étude des faits basée sur la prise en compte des
protagonistes des faits. L’étudiant doit les énumérer de façon exhaustive puis, questionner le
rôle joué par chacun dans les faits. Il doit étudier lesdits rôles afin de dégager d’une part, les
rôles pertinents, d’autre part, la possibilité de regrouper les protagonistes ayant joué les rôles
à incidence juridique similaire. L’avantage de cette analyse des faits est qu’elle permet à
l’étudiant d’être assez exhaustif. Mais, l’inconvénient est que cette approche des faits peut
conduire l’étudiant à des répétitions.

En droit pénal général, la prise en compte des protagonistes permet d’examiner globalement
la participation criminelle. Ainsi, l’on peut distinguer trois types de problèmes relatifs à la
participation criminelle :

 Le problème relatif à la forme de participation criminelle (protagoniste auteur,


coauteur, complice ; pluralité d’auteurs ou auteur unique ; protagoniste à la
préparation ou protagoniste à l’exécution)
 Le problème relatif à la modalité de participation criminelle (protagoniste dont l’agir
pénal est allé jusqu’à la production du résultat, celui dont l’agir pénal n’a pas produit
le résultat de l’infraction, celui dont l’agir pénal s’est arrêté à un stade antérieur au
résultat)
 Le problème relatif à l’état psychologique du protagoniste dont la participation
criminelle est examiné (protagoniste pénale responsable, protagoniste pénalement
irresponsable, protagoniste ayant agi sur provocation, sur exécution d’un ordre, sur
exécution de la loi, sur exécution d’un devoir etc…).

N.B. : lorsque les faits sont courts dans leur énoncé mais contiennent plusieurs protagonistes,
il est recommandé à l’étudiant de recourir à l’analyse in personam des faits.

b)- L’analyse des faits in rem

Il faut entendre par étude de la situation in rem, l’analyse des faits basée sur la prise en compte
des situations infractionnelles. L’étudiant doit déterminer de façon également exhaustive

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toutes les situations infractionnelles, les classer et examiner si des regroupements sont
possibles du point de vue de l’incidence juridique de chaque situation. L’avantage de cette
approche par situation infractionnelle est qu’elle permet de déterminer les problèmes des faits
par regroupement. L’inconvénient de cette approche est précisément le risque de laisser de
côté une situation pourtant porteuse d’un problème juridique important.

En droit pénal général, la situation infractionnelle permet d’examiner l’incrimination dans sa


globalité. Ainsi l’on distingue deux types de problèmes relatifs à la situation infractionnelle :

 Le problème relatif à la forme pénale de la situation infractionnelle ou encore forme


d’expression de l’incrimination. Ce problème se rapporte à la légalité criminelle :
l’incrimination visée dans les faits est-elle prévue par un texte ? (quelle est la nature de
ce texte loi ou règlement) ; quelle est la nature de l’incrimination (crime, délit,
contravention) ; quelle est la peine applicable à cette incrimination (peine de mort,
emprisonnement, amende ; admet-elle des peines alternatives…)
 Le problème relatif à la caractérisation de la réalisation de la situation infractionnelle.
Ce problème permet à l’étudiant de s’interroger sur le lieu de commission (problème
d’application de la loi pénale dans l’espace) ; au moment de la commission (problème
d’application de la loi pénale dans le temps) ; au processus de la commission (actes
préparatoire ou commencement d’exécution) ; au résultat de la commission (infraction
consommée ou infraction tentée) ; commission unique ou commission multiple.
N.B. Lorsque les faits contiennent peu de protagonistes (1 ou 2), il est recommandé de
privilégier l’étude de la situation in rem.

Après l’analyse des faits, leur examen par recoupement, croisement, regroupement des
protagonistes et/ou des situations infractionnelles, l’étudiant doit déterminer l’ensemble des
problèmes juridiques soulevés par les faits. Il doit être à la fois exhaustif et synthétique. Ces
différents problèmes forment en réalité les différentes parties du devoir tel qu’il va le
construire. La qualité de la détermination desdits problèmes sera nécessairement fonction de
sa capacité à faire une bonne analyse des faits. C’est ici que l’on distinguera l’étudiant ayant
bien travaillé sur son cours et celui l’ayant seulement lu en diagonal ; l’étudiant méthodique
et celui peu méthodique ; l’étudiants maitrisant la technique du raisonnement juridique
appliquée au droit pénal et celui sans ressource méthodologique. C’est également ici que la
différence se fera entre les étudiants au niveau de la notation.

1.3. La construction du devoir


La construction du devoir ici se fait en deux parties : une petite introduction (1) et le traitement
des problèmes soulevés (2).

a- La petite introduction
Selon les cas et selon la capacité de l’étudiant à construire, concevoir et élaborer notamment
au niveau de la qualification juridique, cette partie appelée « petite introduction » comporte
deux parties dont l’une est obligatoire (i) et l’autre éventuelle (ii).

i)- La partie éventuelle

Il s’agit ici de la partie dite de la qualification générale des faits. L’étudiant procède dans cette
partie à une sorte de phrase de situation générale des faits. Cependant, cette partie est
éventuelle car sa formulation dépend de l’énoncé des faits. Lorsque par exemple, les faits se

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rapportent une seule situation infractionnelle (complicité, tentative, responsabilité pénale du
mineur) ou à une thématique homogène. Lorsque les faits sont multiples, divers et contenant
plusieurs aspects juridiques, il est conseillé d’ignorer cette première partie en raison de la
difficulté parfois insurmontable. C’est pour cela qu’il s’agit d’une partie éventuelle.

ii)- La partie obligatoire

La partie obligatoire comprend deux sous-parties : le résumé des faits et l’annonce des
problèmes.

ii)-1. Le résumé des faits

Le résumé des faits est obligatoire en ce sens qu’il permet d’introduire aux problèmes qui
seront traités par la suite. Cette partie est fondamentale et devrait être minutieusement
élaborée. D’un point de vue méthodologique, l’étudiant peut formuler deux questions : de qui
s’agit-il ? de quoi s’agit-il ? Le résumé des faits doit toujours être succinct. Il ne s’agit pas de
reprendre les faits en ses propres termes ou de les paraphraser. Quelle que soit la longueur
des faits, le résumé des faits ne devrait pas dépassé trois phrases.

ii)-2. L’annonce du plan (la détermination des situations juridiques)

Cette partie suit directement le résumé des faits. Elle constitue l’annonce du plan. L’étudiant
reprend ici de façon totalement distincte les différentes situations juridiques qu’il va examiner
tour à tour. La manière de les annoncer peut varier sur le plan formel. Il peut utiliser les (I),
(II), (III), (IV) ou bien les (A), (B), (C), (D) ou encore les (1), (2), (3), (4). Il convient de préciser
ici que les différentes parties du plan dépendent du nombre de situations juridiques. Aucune
règle n’indique que l’annonce du plan d’une consultation juridique doit se faire en deux
parties comme dans une dissertation juridique. Absolument aucune règle. Il convient
d’ailleurs de lever cette équivoque. Le nombre de parties est nécessairement fonction du
nombre de situations juridiques identifiées par l’étudiant.

Le terme situation juridique est préféré ici à celui de problèmes juridiques parce que chaque
situation juridique peut contenir un ou plusieurs problèmes juridiques. Par exemple, une
situation juridique relative à l’application de la loi dans l’espace peut soulever le problème
juridique de la loi applicable aux actes de complicité commis à l’étranger en vue d’une
infraction réalisée sur le territoire ou encore le problème de la prise en compte sur le territoire
d’une sanction pénale étrangère par exemple pour appliquer les règles de récidive sur le
territoire de la République. Dans la consultation juridique l’annonce du plan s’entend de
l’annonce des diverses situations juridiques identifiées par l’étudiant.

Conformément à ce qui a été dit, les situations juridiques peuvent être annoncées par référence
aux protagonistes (situation juridique in personam) ou par référence aux situations
infractionnelles (situation juridique in rem). Bien entendu, l’étudiant n’écrit pas situation
juridique in personam ou situation juridique in rem. Par exemple, situation juridique de X ;
situation juridique d’application de la loi pénale dans le temps etc…

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b)- Le traitement de la ou des situation(s) juridique(s)
Le traitement de la ou des situation(s) juridique(s) signifie qu’une consultation juridique peut
contenir, comme il a été sus évoqué, une ou plusieurs situations juridiques. Cette phase
correspond à la phase de résolution des problèmes juridiques identifiés lors de la qualification
et de l’analyse des faits. A la différence du cas pratique pur, dans lequel l’étudiant répond
uniquement à la question posée par l’évaluateur (celle-ci étant généralement articulée autour
d’un seul problème), la particularité de la situation juridique est qu’elle peut contenir un ou
plusieurs problèmes juridiques distincts. Dans ce dernier cas, l’étudiant peut subdiviser la
situation juridique en autant de problèmes distincts. Il s’agit ici des problèmes distincts dans
la mesure où, les problèmes similaires peuvent être regroupés et faire l’objet d’un traitement
en une seule fois.

Par exemple, une situation juridique relative à aux faits commis à l’étranger par deux agents
pénaux peut uniquement soulever le problème de l’application de la loi dans l’espace
(problème unique). Elle peut aussi soulever uniquement le problème de la participation
criminelle des deux protagonistes A et B (problèmes similaires devant être regroupés et traités
en une seule fois plutôt que de distinguer la participation criminelle de A, d’une part, et celle
de B, d’autre part). Cette situation peut également donner lieu à trois problèmes distincts
(l’application de la loi dans l’espace, la participation criminelle des différents protagonistes, la
caractérisation des faits commis). Comme il a été dit plus haut, tout dépend de l’analyse des
faits.

Il convient de retenir que le traitement de la ou des situations juridiques est donc fonction des
problèmes juridiques identifiés. Chaque problème fait l’objet d’un raisonnement intégral. A ce
niveau, la méthodologie redevient quasiment identique à celle du cas pratique pur. Le
raisonnement comprend quatre parties :

 La formulation du problème juridique ;


 L’énoncé de la règle applicable ;
 L’application au cas d’espèce ;
 La solution

N.B. En élaborant son raisonnement, l’étudiant ne doit en aucun moment perdre de vue qu’il
est entrain de résoudre une étude de cas. En d’autres termes, il n’est pas dans une construction
générale et abstraite. Son raisonnement doit globalement porter sur la résolution du cas
soumis. La présente précision signifie que chaque élément du raisonnement doit se rapporter
directement au traitement de la situation juridique et à la résolution du problème identifié.

b)-1. La formulation du problème juridique (comment formuler le problème ?)

Pour une situation juridique relative aux faits commis à l’étranger et contenant trois
problèmes, l’étudiant peut procéder ainsi qu’il suit :

I- La situation juridique relative aux faits commis sur le territoire du Yal-Yal.


La situation juridique relative aux faits commis à l’étranger soulève trois problèmes : celui de la loi applicable
aux faits commis sur le territoire du Yal-Yal (A) ; celui des formes de participation criminelle de deux
protagonistes (B) et celui du bénéfice ou non des circonstances atténuantes (C)

A- Le problème de la loi applicable aux faits commis sur le territoire du Yal-Yal

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C’est ici que l’étudiant formule juridique le problème. Il faut donc faire une différence entre l’énoncé du
problème et la formulation du problème juridique. Dans le présent exemple, l’intitulé du « A » constitue
l’énoncé du problème (A- Le problème de la loi applicable aux faits commis sur le territoire du Yal-Yal). A
partir de cet énoncé du problème, l’étudiant doit procéder à la formulation du problème juridique. La
spécificité de la formulation du problème juridique est qu’elle doit conduire l’étudiant de manière tout à fait
logique à la règle de droit applicable. C’est en cela que l’on dit que le problème juridique bien formulé appelle
nécessairement la règle de droit applicable. Dans le présent exemple, la formulation du problème juridique
doit déjà indiquer si les faits sont commis sur le territoire de la République ou s’ils sont commis à l’étranger.
Cette précision est fondamentale en droit pénal général parce que la matière recourt à cette distinction et
formule deux types de règle : la règle applicable aux faits commis sur le territoire de la République et la règle
applicable aux faits commis sur le territoire étranger.
Pour formuler le problème juridique ici, l’étudiant peut par exemple recourir à la formule suivante : « Le
problème juridique soulevé dans cet énoncé est celui de la détermination de la loi applicable au faits commis
sur le territoire étranger » (D’autres précisions peuvent être apportées telles que la nationalité de l’auteur ou
son âge selon que cet élément est ou non substantiel dans la recherche de l règle applicable).
Après avoir ainsi formulé le problème juridique, l’étudiant va logiquement à la ligne pour énoncer la règle
du droit pénal général applicable aux faits commis à l’étranger.

b)-2. L’énoncé de la règle applicable (Comment énoncer la règle de droit applicable au


problème juridique formulé ?)

L’énoncé de la règle applicable est également une phase importante. D’un côté, elle permet à
l’étudiant de montrer qu’il a bien saisi le problème juridique. En effet, il doit y avoir une
cohérence entre la règle applicable et le problème juridique formulé. D’un autre côté, la règle
permet à l’évaluation de se rendre compte de la maitrise des solutions juridiques par
l’étudiant.

L’énoncé de la règle de droit comprend généralement trois parties :

L’indication de la référence de la règle (n°_ de l’article, nature de la règle à l’instar d’un


principe général, règle jurisprudentielle)

L’articulation ou la disposition de la règle (ici, l’étudiant doit donner le contenu de la règle).


La précision ici est que l’étudiant ne doit articuler ou disposer la règle uniquement dans la
partie de la règle contenant la solution au problème formulé. L’articulation de la règle ne doit
pas être générale, globale ou abstraite. Il n’articule globalement que si toutes les parties de la
règle s’appliquent au problème formulé. Ainsi, si la règle comprend plusieurs alinéas,
l’étudiant ne doit évoquer que le seul alinéa pertinent pour résoudre le problème formulé.

Par exemple, si le problème formulé porte sur la définition de la tentative, il ne serait pas cohérent que
l’étudiant évoque les trois alinéas de l’article 94 du code pénal alors qu’un seul de ces alinéas, notamment le
premier, traite de la définition de la tentative. De même, si le problème formulé porte sur le traitement pénal
de l’acte préparatoire, l’étudiant devrait énoncer uniquement l’alinéa 3 de l’article 94 en ce qu’il dispose,
«L’acte préparatoire ne constitue pas une infraction ». De même, si la règle contient une seule articulation et seule
une partie de celle-ci s’applique au problème formulé, il est apprécié que l’étudiant montre qu’il a saisi cette
subtilité en énonçant uniquement la partie pertinente de la règle applicable. Il pourra par exemple recourir
aux raisonnements tels que, « in limine » ; « in medio » ; ou encore « in fine ». En définitive, l’énoncé de la règle
doit être extrêmement spécifique au problème juridique formulé.

Petite explication de la règle énoncée. Après avoir indiqué la référence de la règle, donné son
contenu ou son articulation, il est recommandé à l’étudiant d’expliquer brièvement la solution
contenue dans la règle énoncée. Cette explication est importante à un double titre. Elle permet
à l’étudiant ne de pas se limiter à une formule abstraite de la règle de droit au risque d’avoir

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une construction rigide, désincarnée et peu agréable à lire. Elle permet aussi et surtout à
l’étudiant d’amorcer déjà la phase de l’application de la règle au cas d’espèce.

N.B. Ces trois parties de l’énoncé de la règle se font généralement en un bloc. Sauf, lorsque la
règle comprend par exemple plusieurs fondements se rapportant tous à la solution au
problème juridique formulé.

b)- 3. L’application de la règle de droit au cas d’espèce (Comment fait-on l’application de la


règle au cas d’espèce ?)

L’application de la règle de droit au cas d’espèce renvoie à la confrontation de la règle de droit


avec le cas d’espèce. Ici, l’étudiant doit encore rapporter la preuve de la cohérence de son
raisonnement. Il doit montrer que la solution énoncé saisit effectivement, pertinemment et
harmonieusement les faits de l’espèce. La particularité ici est que la solution énoncée ne
s’applique qu’à une partie des faits et non à tous les faits ; cela parait totalement logique.
L’étudiant doit donc déterminer la partie des faits saisis par la solution qu’il a énoncée
préalablement.

Cette rubrique comprend deux parties :

La reprise ou l’énoncé des faits pertinents de l’espèce. Il s’agit des faits sur lesquels la règle de
droit va s’appliquer. La formule est généralement la suivante : « Dans les faits de l’espèce, les
faits commis par l’agent X constitutifs de deux infractions ont été commis sur le territoire du
Yal-Yal, territoire étranger ». Cette énonciation des faits ne doit pas dépasser une phrase.
Autrement, elle pourrait ne plus contenir uniquement les faits de l’espèce. Car, il faut aussi
entendre par faits de l’espèce, les faits de l’espèce de la règle de droit énoncé.

L’analyse des faits de l’espèce. Il s’agit ici de monter que les faits sont effectivement ceux de
l’espèce, qu’ils rentrent intégralement dans les prévisions de la règle de droit et que celle-ci
s’applique à ceux-là. Il s’agit d’un travail de correspondance. Il y a ici deux cas envisageables.
Soit l’étudiant montre que les faits de l’espèce correspondent à l’hypothèse abstrait de la règle
(les conditions d’application de la règle sont réunies) et la règle saisit bien les faits. Soit,
inversement, les conditions d’application de la règle ne sont pas réunies, et la règle ne peut se
saisir des faits.

Cette analyse est fondamentale dans la construction du raisonnement juridique par l’étudiant.

b)- 4. La solution ou conclusion (Comment conclure au terme du traitement d’un problème


juridique ?)

Cette étape est la dernière. L’étudiant apporte juste la réponse simple à la question contenue
dans le problème de droit formulé. Cette réponse est dite simple parce qu’elle ne contient plus
d’éléments de démonstration. Cette réponse est appelée conclusion. Il peut arriver que la
conclusion contienne des nuances. Il en est ainsi lorsque l’étudiant a procédé à un
raisonnement par hypothèse. Sa conclusion devrait logiquement faire ressortir les réponses
simples aux diverses hypothèses.

Chaque problème énoncé sous une situation juridique doit suivre ce canevas. Des exemples et
illustrations sont contenus dans les fiches de TD DPG. Des modèles d’étude de cas corrigés
sont remis aux étudiants afin qu’ils se familiarisent avec l’articulation du raisonnement
juridique et la méthodologie de l’exercice dans l’ensemble. Il est recommandé aux étudiants
de s’exercer au quotidien car la méthodologie se pratique. Les quelques explications ci-dessus

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présentées s’appliquent d’abord à une étude de cas de droit pénal général, même si elles
peuvent être adaptées ou exploitées dans d’autres matières juridiques. Comme nous l’avons
dit, l’étudiant ne doit pas perdre de vue la spécificité des situations juridiques en fonction de
sa discipline. Enfin, l’étudiant doit toujours avoir un raisonnement dynamique. Les études de
cas peuvent varier en fonction des situations, des exercices et des épreuves. En effet, des études
de cas peuvent être fermés à une discipline comme tel est le cas dans des évaluations
facultaires ou encore ouverts sur une plusieurs disciplines comme tel peut être le cas par
exemple dans l’examen d’aptitude à la profession d’avocat. Ainsi, les règles ne sont pas fichées.
Elles ne constituent des rudiments ou des outils pour une appropriation, autonomisation et
perfectionnement de l’étudiant.

La seule vraie règle de la méthodologie des exercices juridiques est celle de l’exercice
quotidien.

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