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Eléments d’introduction
Voltaire, philosophe des Lumières, est un écrivain qui a marqué son époque par son importanteproduction littéraire
et ses combats politiques pour la liberté. Recourant à l’argumentation directe par la rédaction d’articles dans
l’Encyclopédie, il a aussi utilisé l’argumentation indirecte à travers la poésie et surtout les contes.
C’est ainsi qu’en 1759, il publie Candide ou l’optimisme, conte philosophique dans lequel il dénonce toutes les
« abominations » de l’époque. Candide, le héros éponyme, jeune et naïf au début de l’apologue revient peu à peu de
ses illusions au fil de ses expériences et rencontres.
L’extrait que nous proposons d’étudier se situe au chapitre XIX. Après le pays de l’Eldorado, le pays de l’or où
Candide et son compagnon Cacambo ont trouvé la richesse, ces derniers se mettent en route vers le Surinam,
colonie hollandaise. Rien ne semble pouvoir entacher le rêve de bonheur des deux compagnons jusqu’à ce qu’ils
rencontrent un esclave noir dont l’état pitoyable les ramène brutalement à la réalité.
→ position « par terre », extrême dénuement : « n’ayant plus que la moitié de son habit » symétrie des termes
« jambe » / « main », « gauche » / « droite » relève de la tonalité pathétique ; l’adjectif « pauvre » qui qualifie
« l’homme » relève de la polyphonie puisqu’il s’agit d’une pauvreté aussi bien matérielle qu’affective. L’emploi de
cet adjectif vient d’ailleurs contrarier l’apparente neutralité de la description.
L’esclave n’est plus que la moitié d’un homme. Le narrateur adopte le point de vue interne du personnage Candide
est sous l’effet du choc.
● intervention au discours direct
→ l’emploi de l’interjection « Eh, mon Dieu ! » traduit l’émotion de Candide.
Cela rappelle la spontanéité de Candide, toujours sensible à la souffrance d’autrui.
→ phrase interrogative « que fais-tu là, mon ami, dans l’état horrible où je te vois ? »
Cela appuie un peu plus l’intensité de l’émotion et montre aussi la naïveté de Candide qui rencontre pour la
première fois un esclave. Il l’appelle « mon ami », le mettant ainsi sur un plan d’égalité et s’étonnant de son état
« horrible », alors qu’il s’agissait du traitement habituel que les esclaves subissaient.
● réponse de l’esclave
→ sobriété de la phrase, à but uniquement informatif: “J’attends mon maître, Monsieur Venderdendur” nom qui
repose sur un jeu de mots sur les sonorités : alliteration en [d] qui fait de lui un être antipathique + triple allusion:
- rappel du nom de son éditeur hollandais Van Düren avec qui Voltaire avait eu des démêlés
- « vendeur à la dent dure » : négociant dur en affaires
- « vendeur de dents dures » : critères de valeur des esclaves en fonction de leur dentition.
Résignation de l’esclave, qui évoque le statut de son maître « le fameux négociant » : le négrier est certes connu
mais plus pour sa cruauté que pour ses vertus. L’adjectif a un sens ironiquement cynique.
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- Rappelons à ce propos la position de Voltaire: il était déiste, croyait au « grand horloger du monde » mais
profondément anticlérical.
● condamnation des propos fallacieux des religieux
● Mise en accusation de l’hypocrisie des homes d’église
→ « nous sommes tous enfant d’Adam, blancs et noirs » présent de vérité générale + 1ère personne du pluriel qui
désigne tous les êtres humains
Le philosophe met en évidence la contradiction entre l’apparente égalité des humains prônée par le discours
religieux et l’exploitation des uns par les autres
● le personnage se fait porte-parole des opinions de l’auteur
→ « Je ne suis pas généalogiste » : Le terme savant « généalogiste » ne peut pas être celui d’un esclave privé
d’instruction de même que le raisonnement logique qui suit : « si ces prêcheurs disent vrai » proposition
subordonnée circonstancielle d’hypothèse => déduction « nous sommes tous cousins issus de germains »
Voltaire donne ainsi la parole à ceux qui ne l’ont pas.
● L’esclave achève alors son discours en prenant à témoin Candide
→ interpellation : « vous m’avouerez » + hyperbole « d’une manière plus horrible »
Ce dernier, quoiqu’impuissant, ne peut que partager cette opinion.
Eléments de conclusion
Cette page est un violent réquisitoire contre l’esclavage. Elle s’inscrit à l’époque dans un vaste mouvement
d’opinion qui le dénonce et demande son abolition. C’est tout le système de l’exploitation de l’homme par l’homme
qui est ici dénoncé : la pratique du commerce triangulaire, la banalisation d’un système économique cynique qui
repose sur la loi corruptrice de l’argent et sa perversité qu’elle engendre dans les liens familiaux. Un système sous le
sceau d’une triple amputation : physique, sociale et intellectuelle, inconscience coupable des parents ; phénomène
d'acculturation et donc de perte de la culture africaine (langue, religion).
Cet épisode de Candide est donc bien une illustration de notre parcours « écrire pour combattre les
inégalités.
En France, il faudra attendre 1848 pour que l’esclavage soit définitivement aboli dans nos colonies.