Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Economierurale 880
Economierurale 880
L’externalité et la transaction
environnementale les deux faces de la même
pièce ?
Externalities and Environmental-Related Transactions: The Two Faces of the
Same Coin?
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/economierurale/880
DOI : 10.4000/economierurale.880
ISSN : 2105-2581
Éditeur
Société Française d'Économie Rurale (SFER)
Édition imprimée
Date de publication : 1 juin 2009
Pagination : 4-18
ISSN : 0013-0559
Référence électronique
Gilles Grolleau et Salima Salhi, « L’externalité et la transaction environnementale les deux faces de la
même pièce ? », Économie rurale [En ligne], 311 | Mai-juin 2009, mis en ligne le 05 mai 2011, consulté le
01 mai 2019. URL : http://journals.openedition.org/economierurale/880 ; DOI : 10.4000/
economierurale.880
développé par Pigou (1920), le concept d’ex- où Ak, Al correspondant aux activités ou
ternalité permet de rendre compte des inter- variables des individus, certaines étant
dépendances ou interactions hors marché, déterminées par l’agent j sans qu’il y ait de
entre fonctions d’utilité et/ou de production. compensations marchandes correspondantes.
Plus formellement, la fonction objectif d’un ∂Ui
Nous avons ≠ 0 pour certaines valeurs
agent comprend des arguments dont les ∂Alj
valeurs sont déterminées par d’autres agents de l, les valeurs négatives (positives) indi-
qui ne reçoivent ni compensations (en cas de quant des externalités négatives (positives).
bénéfices), ni ne payent de pénalités (en cas Quelques définitions du concept d’externa-
de coûts) pour ces valeurs imposées aux lité sont présentées dans le tableau 1. Ces
autres. Dans le cas de deux agents, la fonc- définitions témoignent d’une certaine variété,
tion d’utilité ou de production de l’agent i d’une tendance à un caractère hyper-inclusif
peut s’écrire sous la forme suivante : et de la volonté indéniable des économistes
Ui = f (Aki ,Alj) de parvenir à une définition opérationnelle.
générique pour englober les différents types teraction et sur le rôle crucial du système de
de défaillances du marché, comme les biens droits de propriété dans la résolution de
collectifs et les situations de monopole ce conflit. Ainsi, la pollution de l’eau se
naturel (Buchanan et Stubblebine, 1962), rapporte à l’utilisation incompatible par
ce qui le rend potentiellement vulnérable à deux (ou plusieurs) groupes d’agents de
l’ensemble des attaques et critiques adres- cette ressource, un groupe utilisant l’eau
sées à la théorie des défaillances du marché, comme réceptacle pour y déverser ses rejets
notamment celle décrite sous l’expression (e. g., agriculteurs) et un autre groupe utili-
d’‘approche du nirvana’ (Coase, 1960, sant cette même eau à des fins récréatives
1974 ; Demsetz, 1969 ; Coase, 1988 ; Peltz- ou de consommation alimentaire (e. g.,
mann, 1989 ; Zerbe et McCurdy, 1999). autres riverains). L’approche par les tran-
De plus, l’intervention étatique est elle- sactions, sans nier la nécessité de recourir
même victime de ses propres limites et à l’intervention d’une autorité dans
défaillances, pouvant dans certains cas certaines circonstances invite à s’inter-
engendrer une dégradation de la situation roger sur la capacité potentielle des tran-
plutôt que son amélioration (Schmidtz, sactions entre agents privés, détenteurs
1991). Par exemple, la réglementation d’informations cruciales, à résoudre ces
américaine relative à la protection des conflits d’usage, sur les déterminants du
espèces menacées ou en voie de disparition niveau des coûts de transaction empêchant
(Endangered Species Act) impose aux la réalisation de telles transactions et sur les
propriétaires terriens concernés des restric- stratégies permettant éventuellement de
tions draconiennes quant à l’exercice de les surmonter (Coase, 1960). Formulé en
leurs droits de propriété. En dépit d’inten- termes transactionnels, le problème d’une
tions louables relatives à la réduction du espèce menacé se rapporte notamment à
risque de disparition de certaines espèces, l’identification du détenteur des droits asso-
plusieurs études démontrent que les effets ciés à cette espèce, à son habitat ainsi qu’à
de cette réglementation sont non seule- l’évaluation des coûts et bénéfices qu’im-
ment très modestes, mais également contre- plique un arrangement contractuel pour
productifs dans plusieurs cas7. Lueck et son éventuelle préservation.
Michael (2003) démontrent que cette régle-
mentation sur les espèces menacées a
généré des incitations perverses au niveau
La transaction environnementale
des propriétaires fonciers qui se sont mis à
un complément utile
détruire de manière préventive des habitats
au concept d’externalité
susceptibles d’héberger le pic à face L’objectif de cette section est de montrer
blanche de manière à échapper aux restric- qu’une opérationnalisation à la Williamson
tions de leurs droits de propriété. des intuitions coasiennes dans le domaine
L’utilisation du concept de transaction de l’économie de l’environnement (1960)
permet d’envisager les problèmes d’envi- est possible et prometteuse. Les orientations
ronnement comme des conflits entre agents méthodologiques formulées par Coase pour
(ou groupes d’agents) pour un usage le choix des solutions de régulation des
mutuellement incompatible d’une ressource pollutions sont restées à l’état des
environnementale rare. Outre l’absence de principes généraux. Les deux articles
jugement moral, cette définition attire l’at- fondateurs de Coase (1937, 1960) partagent
tention sur le caractère bilatéral de l’in- une logique similaire (Coase, 1988) 8 ,
une référence commune aux coûts de tran- Selon Barnett et Yandle9, « deux choses
saction et aux droits de propriété. Dans peuvent empêcher la négociation et générer
cette perspective, les problèmes environ- des « externalités » persistantes (1) les
nementaux sont des conflits sur l’usage de contraintes gouvernementales qui empê-
certaines ressources mettant en évidence les chent la marchandisation des droits ou
problèmes relatifs aux droits de propriété l’échange de droits déjà existants (2) des
mal définis et aux coûts de transaction coûts de transaction qui excèdent les gains
positifs (Coase, 1960 ; Demsetz, 1967 ; espérés de l’échange ». Par exemple,
Aslanbeigui et Medema, 1998 ; Anderson pendant plusieurs décennies, la réglemen-
et McChesney, 2003). Ces deux causes tation française interdisait aux propriétaires
interagissent, puisque les problèmes rela- fonciers, (mais également à d’autres caté-
tifs aux droits de propriété sont généra- gories d’agents) d’inclure dans un contrat de
teurs de coûts de transaction. En somme, la fermage (de contractualiser sur) des
transaction en tant que catégorie analy- contraintes culturales spécifiques visant à la
tique de référence comporte en elle-même préservation de l’environnement. Ainsi,
le « caractère réciproque », la capacité de même un arrangement bénéfique pour les
permettre « un transfert de droits », dont la deux parties et pour la société en général
réalisation potentielle suppose des coûts était rendu quasiment impossible du fait
qui doivent être mis en regard des bénéfices des contraintes légales. L’un des exemples
espérés. Fait intéressant, la contribution les mieux documentés est celui de l’arran-
séminale de Coase (1960) a été élaborée gement contractuel entre l’embouteilleur
dans (et peut être pour) un contexte de de l’eau minérale Vittel et une quarantaine
Common Law (par opposition aux pays de d’agriculteurs afin de préserver la qualité de
Civil Law). Au nombre des différences son eau par rapport au risque de pollutions
notables entre les deux systèmes juridiques, diffuses (nitrates, pesticides). Outre les
figurent dans le cas des pays de common désaccords sur la nature et la valeur
law, la prééminence accordée aux droits de d’échange des droits à échanger et la situa-
propriété privés et aux arrangements tion de monopole bilatéral, les contraintes
contractuels privés, la volonté de limiter légales constituaient également des barrières
l’interférence de l’autorité centrale quant à à la réalisation de cette transaction envi-
l’exercice de ces derniers et le recours à des ronnementale. Le contournement de ces
juges indépendants chargés d’élaborer le contraintes légales par le montage de dispo-
droit. Une importante littérature issue de sitifs juridiques innovants, présentant une
l’analyse économique du droit s’intéresse certaine part de risque, comme la mise à
ainsi aux situations où les coûts de tran- disposition gratuite des terres plutôt que
sactions sont positifs et montre le caractère leur location dans le cadre du fermage ainsi
crucial du régime juridique en termes d’at- que les stratégies visant à rendre les contrats
tribution initiale des droits et de sélection exécutoires se sont avérés particulièrement
de la règle juridique visant à les protéger coûteuses (Déprés et al., 2008). À l’inverse,
(Calabresi et Melamed, op. cit.). Par consé- d’autres pays comme les États Unis dispo-
quent, les préconisations coasiennes en sent d’un cadre réglementaire plus flexible
termes de politique relative aux enjeux permettant ce type d’arrangements (Ease-
environnementaux s’appliquent beaucoup ments), et générant donc un niveau des coûts
plus naturellement dans les pays de de transaction a priori plus faible. Récem-
Common Law par rapport aux pays de Civil ment, la réglementation française a évolué
Law où le rôle interventionniste de l’État
est traditionnellement beaucoup plus
important (Stroup, 2004). 9. À paraître.
dans le sens d’une plus grande flexibilité tives fonctionneraient dans la pratique et
permettant aux propriétaires d’inclure des d’évaluer leurs performances respectives.
clauses prescrivant au fermier des pratiques En d’autres termes, nous devrions comparer
culturales spécifiques (loi d’orientation agri- l’effet total lié à l’adoption de ces arrange-
cole de janvier 2006). Néanmoins, la mise ments sociaux alternatifs. » En effet, Coase
en œuvre effective du bail environnemental (1960) propose explicitement quatre arran-
est soumise à la réalisation de conditions gements sociaux au travers desquels une
restrictives concernant l’identité du bailleur transaction pourrait être réalisée :
et la nature des terres. – le marché (e. g., l’achat ponctuel de doses
En se référant à la définition de Coase, la d’air pur à des bornes spéciales dans
transaction pourrait être définie comme certaines villes très polluées) ;
un transfert de propriété où ce qui est – le contrôle des deux activités au sein d’une
échangé sur le marché se rapportent aux même firme, (e. g., l’acquisition par certains
droits de réaliser certaines actions, ces embouteilleurs d’eau comme Plancoët en
droits détenus par les agents étant établis Bretagne des terrains avoisinant leur captage
par le système légal. Cette définition a été de manière à éviter certaines pollutions) ;
appliquée pour analyser les problèmes envi- – la réglementation par les autorités
ronnementaux dans les termes de l’éco- publiques (e. g., les contraintes régle-
nomie néo-institutionnelle (Richards, mentaires relatives aux périmètres de
2000 ; Esty, 2004 ; McCann et al., 2005 ; protection des captages) ;
Paavola et Adger, 2005). La transaction – le laissez faire.
environnementale apparaît donc un système
de résolution d’un conflit, impliquant un Essai de caractérisation
transfert potentiel et mutuellement béné- de la transaction environnementale
fique de droits de propriété relatifs à ces Le pouvoir explicatif de la théorie des
actifs environnementaux (ou à des compor- coûts de transaction repose essentiellement
tements associés). Autrement dit, les sur la spécificité des actifs (Williamson, op.
« externalités » résultent de l’existence de cit.). Les dimensions retenues par
coûts de transaction positifs (Coase, 1960, Williamson (spécificité des actifs, incerti-
1988 ; Dahlman, 1979 1 0 ), le véritable tude, fréquence) ont déjà fait l’objet de
problème étant de parvenir à identifier fine- quelques travaux visant à les transposer
ment les déterminants du niveau de ces aux transactions environnementales
coûts et l’arrangement institutionnel (Richards, 2000 ; Delmas et Marcus, 2004).
susceptible de les minimiser. Dans un premier temps, nous présentons
Pour Coase (1970, cité par Aslanbeigui et brièvement plusieurs dimensions suscep-
Medema, 1998), « le problème de base de la tibles de caractériser la transaction envi-
politique économique est d’envisager ronnementale avant de nous restreindre à
comment les institutions sociales alterna- trois dimensions qui nous semblent influer
le plus sur le niveau des coûts de transac-
10. « Au fond, la pertinence des externalités doit
tion (tableau 3).
reposer sur le fait qu’elles indiquent la présence de Les dimensions précédentes ne sont ni
coûts de transaction. Ainsi, en l’absence de coûts de figées, ni mutuellement exclusives les unes
transaction, les améliorations potentielles au sens de des autres et recoupent certaines des dimen-
Pareto pourraient être réalisées par une négociation sions proposées par Williamson.
gratuite entre des agents économiques à la poursuite
de leurs propres intérêts individuels. [...] La conclu-
sion est dès lors sans ambiguïté: dans la théorie des • La première dimension se rapporte au
externalités, les coûts de transaction sont la racine degré de sécurisation des droits de
de tous les maux. » (Dahlman, 1979, p. 142). propriété. Cette importance du degré de
11. Des droits de propriétés adéquatement définis et La transférabilité des droits de propriété octroie au
spécifiés confèrent à leurs détenteurs un usage détenteur de ces derniers le droit de les transférer,
exclusif des ressources sur lesquelles ils portent. Des en partie ou en totalité à un tiers. Cette transférabi-
droits de propriétés exécutoires impliquent que les lité est essentielle pour que les droits aillent à celui
détenteurs de ces derniers doivent raisonnablement qui les valorise le mieux. Le caractère exécutoire et
croire que leurs droits de propriété sont effectifs et la transférabilité sont conditionnés au préalable par
que toute violation de ces derniers sera sanctionnée. la délimitation et l’attribution du droit concerné.
Pour le premier type, il est ainsi possible de (un acheteur unique et plusieurs fournis-
distinguer les situations caractérisées par seurs de services écosystémiques) soient
(1) une pollution ponctuelle versus une propices à la réduction des coûts de tran-
pollution diffuse, (2) une pollution immé- saction et donc favorable à la réalisation de
diate versus une pollution décalée dans le transactions environnementales (Salzman,
temps, par exemple du fait d’un méca- 2005). Même lorsqu’un grand nombre
nisme d’accumulation (3) une action indi- d’acteurs (e. g., consommateurs d’eau
viduelle isolée sans conséquences versus d’une grande ville comme New York ou
une action, qui lorsqu’elle se trouve Munich) semblerait orienter le débat vers
combinée avec celles d’autres agents une solution faisant intervenir l’autorité
génère une pollution. La difficulté peut centrale, la capacité des agents individuels
aussi provenir de la difficulté à estimer les à se fédérer et à former des associations,
bénéfices et les coûts liés à la pollution et des clubs ou d’autres entités (e. g., services
aux éventuelles évolutions envisagées. Au chargés de l’approvisionnement en eau des
niveau des conséquences, le raisonnement villes de New York ou de Munich) peut
est à peu près identique, car la difficulté de permettre l’émergence d’arrangements
mesure dépend des mécanismes et des contractuels dans des contextes où ces
effets de la pollution sur les parties affec- derniers semblaient a priori improbables.
tées. Par exemple, la chaîne de causalité Dans le cas de Vittel, la négociation unique
entre le(s) fait(s) générateurs et le dommage avec un petit groupe d’agriculteurs permet-
subi peut être évidente et communément tait certes de réduire les coûts de transac-
acceptée ou au contraire être extrêmement tion d’une part, mais contribuait parallèle-
controversée et difficile à établir. ment à augmenter les problèmes liés au
pouvoir de monopole bilatéral d’autre part
• La troisième dimension se rapporte au d’où un arbitrage complexe (Déprés et al.,
nombre et au degré d’hétérogénéité des op. cit.).
transactants. Cette hétérogénéité comprend Les coûts d’opportunité des transactants
à la fois l’hétérogénéité à l’intérieur d’un par rapport à la modification envisagée
groupe de transactants (qui peut être inexis- pourraient également constituer un para-
tante si l’une des parties de la transaction mètre permettant de caractériser le degré
représente un seul agent, e. g., la société d’hétérogénéité. Par exemple, confronté à
Vittel) ou entre les deux parties de la tran- un problème de pollution affectant de
saction. La description des structures de nombreux agents, un agent du fait de la
transaction (et donc la prise en compte du valeur nette (une fois les coûts de transac-
nombre de transactants de part et d’autre) tion pris en compte) qu’il accorde à l’actif
peut naturellement s’insérer dans cette environnemental concerné peut sur une
dimension, en continuité avec les intui- base volontaire résoudre le problème. Cette
tions déjà présentes chez Pigou et Coase, initiative individuelle est également suscep-
mais également avec la contribution tible de résoudre le problème des autres
d’Olson (1965) soulignant l’augmentation agents affectés sans que ces derniers soient
des coûts de transaction avec l’augmenta- sollicités. Ainsi, au-delà de considérations
tion du nombre de transactants. Le nombre générales, l’analyse des « structures de
de transactants constitue un paramètre transaction » sur le niveau des coûts de
déterminant car il définit des « structures de transaction demeure une question cruciale.
transaction » précises qui influent sur la Dans une sorte d’analyse réduite, nous
mise en place effective de marchés relatifs pouvons intuitivement postuler que les
à des actifs environnementaux. Il semble- coûts de transaction (CT) diminuent, ceteris
rait ainsi que les situations de monopsone paribus, avec une meilleure sécurisation
des droits de propriété (DP), mais augmen- mesure, certes élevés, mais plus faibles en
tent avec une plus grande difficulté de comparaison des autres arrangements
mesure (M) et une plus grande hétérogé- possibles. Ainsi, un rapport de l’OCDE
néité au niveau des transactants (H). (2001)14, reconnaît qu’« il y a de nombreux
cas où le recours aux instruments de type
T = f (DP, M, H)
– + + Command and Control est nécessaire. C’est
notamment le cas, lorsque des problèmes
Cette conceptualisation des relations entre techniques ou de mesure rendent difficiles la
coûts de transaction et dimension des tran- vérification permanente des dommages envi-
sactions présente l’intérêt de permettre la ronnementaux attribuables aux agents indi-
formulation de propositions testables. Au vu viduels […] ». Outre la magnitude de ces
du travail considérable de collecte des deux types de coûts concomitants (dépol-
données pertinentes (McCann et al., 2005), lution, transaction), la question de leur répar-
une stratégie alternative pourrait s’appuyer tition entre les différents agents peut être à
sur des études de cas détaillées qui « permet- l’origine de pertes d’efficience liées à la
traient de découvrir quels facteurs sont recherche de la minimisation par un agent de
importants et lesquels ne le sont pas dans la ses propres coûts, quitte à augmenter les
détermination du résultat et [...] condui- coûts totaux de réalisation de l’objectif. Par
raient à des généralisations ayant une base exemple, dans le cadre des contrats agri-
solide » (Coase, 1974). environnementaux, l’État pourrait être inté-
L’analyse du choix de la structure de ressé par la minimisation de ses propres
gouvernance (marchés spots, arrangements coûts administratifs quitte à augmenter les
contractuels, intégration hiérarchique, coûts de transaction supportés par les agri-
gestion étatique [instruments réglementaires culteurs, ce qui pourrait contrarier l’effi-
durs, instruments économiques et volon- cience globale de l’instrument.
taires]) peut être renouvelée par les apports À l'instar des travaux de Williamson
de l’économie des coûts de transaction. (op. cit.), l’exploration de la difficulté de
Ainsi, les recommandations économiques mesure, comme attribut essentiel et déter-
relatives au choix de l’instrument de poli- minant du choix du mode de gouvernance
tique environnementale sont généralement des transactions environnementales nous
basées sur la minimisation des coûts de semble la voie la plus prometteuse15. L’une
dépollution obtenue grâce à l’égalisation des stratégies empiriques consisterait à
des coûts marginaux de dépollution des estimer empiriquement les coûts de tran-
pollueurs (Bureau, 2005). Or, la prise en saction (notamment les coûts administra-
compte simultanée des coûts de dépollu- tifs d’élaboration, de mise en œuvre et de
tion et des coûts de transaction peut néan- contrôle) associés à un instrument donné
moins remettre en question les recomman- pour un problème environnemental bien
dations traditionnelles des économistes en défini, puis de les comparer au cas où le
faveur des instruments économiques. En même résultat serait généré mais à l’aide
effet, lorsque la difficulté de mesure est d’un autre instrument ou arrangement.
élevée et donc susceptible de générer des Bien que la littérature soit encore balbu-
coûts de transaction élevés, le recours à une tiante et appliquée à des questions diffé-
solution hiérarchique de type intervention
réglementaire peut être justifiée, du fait que
la perte générée par une non-égalisation des 14. In OCDE, page 190.
15. Dans une contribution récente, Barzel (2005)
coûts marginaux de dépollution des affirme que les problèmes liés à la mesure seraient
pollueurs est plus que compensée par les « plus généraux », « plus opérationnels » avec un
économies permises par des coûts de pouvoir explicatif plus fort que la spécificité des actifs.
rentes (McCann et Easter, 1999 ; Falconer récemment été avancées par Richards
et al., 2001), elle pourrait fournir la base (2000), Delmas et Marcus (2004) et
d’études originales sur une estimation Bougherara et al. (à paraître) qui considèrent
comparative des coûts de transaction de que cette voie de recherche pourrait débou-
différents arrangements. cher sur des propositions concrètes de choix
d’instruments (ou de structures de gouver-
Conclusion nance environnementale) permettant de
minimiser les coûts de transaction (et de
Cet essai essentiellement exploratoire visait dépollution) pour une transaction préala-
à montrer que le concept de transaction blement caractérisée. Une telle avancée
environnementale pourrait utilement permettrait de renouveler l’analyse de la
compléter celui d’externalité. Tout en recon- question paradigmatique du décideur public
naissant à la théorie des externalités des en matière d’environnement sous contrainte
résultats louables, il se peut qu’elle ait égale- d’efficience, celle du choix de l’instrument
ment contribué à détourner l’attention des de politique d’environnement similaire à
économistes de solutions alternatives repo- celle du « faire ou faire faire ».
sant sur une meilleure connaissance des S’intéresser aux potentialités offertes par
causes précises des coûts de transaction une analyse en termes de transactions a
« trop élevés » et sur les stratégies suscep- également la vertu de recentrer la discussion,
tibles de permettre leur atténuation, voire non sur la seule nature intrinsèque et inal-
leur suppression. Outre, l’approfondisse- térable des biens qui justifierait leur gestion
ment des dimensions de la transaction envi- par l’État, mais sur les obstacles, notam-
ronnementale et leur validation par des ment institutionnels (et sur les modalités
travaux empiriques, reste encore à distinguer de leur éventuelle suppression) à la récon-
les structures de gouvernance environne- ciliation de la main invisible des marchés et
mentale. Des propositions dans ce sens ont de la protection de l’environnement. ■
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES