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LE NAVIRE

Le navire porte en lui le droit maritime. Il est, sauf exception, l'objet autour
duquel s'organisent les règles particulières du droit maritime : il n’y a pas de
droit maritime sans navire. A côté de multiples définitions qui coexistent dans
le droit international conventionnel, le code de la marine marchande togolaise,
le définit en son article 42 comme « tout engin flottant qui effectue, à titre
principal, une navigation maritime ».
Cette définition, bienvenue, n'est cependant pas tout à fait conforme à celle
que retient habituellement la jurisprudence, pour laquelle la qualification du
navire est fondée sur sa capacité à affronter le risque de mer.
Doté d'une sorte d'état civil, meuble individualisé, identifié, immatriculé,
contrôlé, le navire est un bien si particulier que la tentation a existé d'en faire
un immeuble, voire même, de manière assez étonnante, une personne .
Plus qu'une question de qualification, il est surtout question du droit
applicable : droit maritime en présence d’un navire ; droit commun dans les
autres cas (sauf exception)
Aujourd’hui et bientôt demain, c’est la question du navire autonome qui
interrogera profondément le droit.

1. La notion de navire
A côté du navire classique, il est aujourd’hui possible de s’aventurer en mer à
l'aide de choses mobiles, diverses et variées, mais qui échappent, sauf
exception, à la qualification juridique de navire et donc à l'application du droit
maritime.
Tel est notamment le cas, pour les petits objets, des zodiacs, jet-skis, surfs,
planches à voile, body-boards, pédalos, etc. (liste non exhaustive). Tel sera
aussi le cas, pour les plus gros, des « navions », des plate-formes de forage ou
d'exploitation du plateau continental, des usines flottantes, encore des îles
artificielles. De manière générale, on retiendra que le navire est donc un engin
flottable principalement affecté à la navigation maritime et apte à en affronter
les périls.
Navire et navigation maritime - L'objet du droit maritime se détermine par
rapport au navire, qui se détermine lui-même par rapport à la notion de
navigation maritime : il n'est de navire qui n'exerce son activité habituelle dans
les eaux maritimes. Mieux, un navire doit, a minima, être flottable, c'est-à-
dire apte à se déplacer à la surface des mers, car naviguer consiste à se rendre
d'un point à un autre de l'océan.

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Navire et aptitude maritime. - Ainsi qu'il a été dit, le droit maritime se fonde
sur la notion de risque de mer. C'est en ce sens qu'un engin affecté à la
navigation maritime mais inapte à en affronter les risques, n'est pas un navire
: « le droit maritime s'explique par la permanence du péril de mer ; le navire
est l'engin qui est exposé à ce péril et qui, en principe, en triomphe. » 1
L’aptitude du navire à affronter le risque de mer a été dégagée dès 1976 par
la Cour de cassation dans un arrêt resté célèbre. L'aptitude maritime peut être
présente ou future ; notamment, un bâtiment en construction est un navire.
L’appréciation de l'aptitude d'un engin à affronter les mers est subjective et «
souvent marquée par un souci d'équité » 2 . Ainsi, la qualification (ou non) de
navire emportera, par exemple, application (ou non) des règles relatives à la
limitation de responsabilité ou du régime spécifique des hypothèques et
privilèges maritimes, sans équivalent en droit commun.

2. L'identification du navire

Aux termes de l'article 43 du Code de la marine marchande du Togo, « les


éléments d'individualisation des navires sont : le nom ; le port d'attache
; le tonnage, la nationalité, le numéro d’immatriculation et le numéro
d’identification OMI ».

Nom du navire. L’attribution d'un nom au navire, obligatoire dès lors


que le navire supporte une jauge supérieure à deux unités, permet de
le distinguer des autres bâtiments de mer. En principe, le choix du nom
relève de la liberté créative de l'armateur, mais un navire de plus de 25
unités de jauge ne peut prendre un nom déjà adopté par un autre. Le
nom doit figurer en lettres de couleur claire à la poupe et à l'avant du
navire.

Port d'attache du navire. Le port d'attache du navire correspond à son


domicile légal. Il est librement choisi et modifié par son propriétaire en
fonction de différents paramètres (notamment le montant des taxes
perçues).

Tonnage du navire. Le tonnage (ou la jauge) exprime la capacité


intérieure du navire, son volume. Après avoir longtemps été exprimée
en tonneaux de jauge, elle obéit désormais à un système universel de
mesure exprimé en UMS (pour Universal Measurement System). Son
calcul résulte d'une opération technique relevant de la compétence des

1
A. Vialard, Droit maritime, coll. Thémis, PUF, Paris 1997, n° 275, p. 236.
2
P. Bonassies et Ch. Scapel, Traité de droit maritime, 2è éd., LGDJ, 2010, n° 152, p. 117

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douanes. Du jaugeage d'un navire, on déduira l'application de règles
juridiques concernant notamment la sécurité des navires ou les
compétences requises du capitaine. Révélant la valeur commerciale du
navire, il détermine également le calcul du plafond de limitation de
responsabilité du propriétaire ou de l'armateur du navire.
Les règles de calcul de la jauge sont inscrites dans la convention internationale
de Londres du 23 janvier 1969 sur le calcul des tonnages des navires, entrée
en vigueur le 18 juillet 1982. La convention distingue deux méthodes de calcul
de la jauge d'un navire : – la jauge brute est la capacité intérieure totale du
navire et de toutes les constructions qui se trouvent sur le pont, à l'exception
de certains espaces précisés par les règlements de jaugeage ; – la jauge nette
est sa capacité intérieure, déduction faite de tous les espaces utilisables par
les passagers ou les marchandises ; elle détermine le montant des droits de
port.

La nationalité du navire : le pavillon


Parce qu'elle exprime le lien reliant le navire à l'État du pavillon, la nationalité
est un aspect fondamental du droit des navires. Tous les navires ont une
nationalité et une seule, matérialisée par le port distinctif du pavillon national.
Dans une première approche, il apparaît que le navire relève de l'ordre
juridique dont il arbore le pavillon. La nationalité du navire est cependant une
fiction qui détermine les droits et obligations s'attachant à sa qualité de « bien
naturalisé ».
Par exemple, le pavillon détermine la loi applicable en haute mer ; il permet
aussi d'identifier les navires auxquels tel État accordera sa protection
diplomatique.
A l’inverse, la fiction selon laquelle un navire battant pavillon d’un État
pourrait être regardé comme constituant une portion du territoire national,
admise un temps mais sévèrement critiquée, ne vaut plus aujourd’hui .

̵ Le pavillon en droit international


Le navire a vocation à naviguer dans des eaux internationales ne relevant
d'aucune souveraineté étatique, dès lors le droit international exige de chacun
qu’il soit pourvu d'une nationalité – qui s’exprime par le port du pavillon
national - et donc soumis à un ordre juridique. Dépourvu de nationalité, le
navire apatride sera un navire pirate, un « ennemi commun de l'humanité »
Pour l’attribution de la nationalité, la convention de Genève du 29 avril 1958
sur le droit de la mer (art. 5) exigeait déjà qu’il existe un lien substantiel
(genuine link) entre l'État et le navire, l'État devant alors exercer « sa

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juridiction et son contrôle, dans les domaines technique, administratif et
social, sur les navires battant son pavillon ».
Aujourd'hui, la convention de Montego Bay sur le droit de la mer prévoit que
« chaque État fixe les conditions auxquelles il soumet l'attribution de sa
nationalité aux navires, les conditions d'immatriculation des navires sur son
territoire et les conditions requises pour qu'ils aient le droit de battre son
pavillon. Les navires ont la nationalité de l'État dont ils sont autorisés à battre
le pavillon. Il doit exister un lien substantiel entre l'État et le navire » (art. 91,
« nationalité des navires »).
Alors que la nationalité d'une personne désigne « (le) lien juridique et politique,
défini par la loi d'un État, unissant un individu audit État » 27, la nationalité
du navire désigne uniquement la relation juridique d'interdépendance établie
entre l'État et le navire. Dès lors, en l’absence de définition du lien
substantiel28, l'attribution de sa nationalité par chaque État demeure un acte
de souveraineté, chacun l'accordant au navire selon les critères qu'il aura
librement fixés. Abandonnant donc l'interprétation du lien substantiel aux
États, la liberté du pavillon a parfois entraîné le relâchement du lien tendu
entre le navire et certains États : dans ce dernier cas, apparaît le phénomène
des pavillons de complaisance.
̵ Les pavillons de complaisance
Conséquence de l'absence de contrôle international des conditions dans
lesquelles un État accorde son pavillon à un navire, le phénomène de la
complaisance s'explique par les dérives de la mondialisation et depuis 1945
par la concurrence accrue entre États dits développés et en voie de
développement. Face à l'ambigüité du lien substantiel et bien que les États se
soient accordés sur la nécessité d'établir des règles internationales exigeant
un minimum de conditions pour l'attribution de leur nationalité, certains
États remettent leur pavillon à des navires dont les propriétaires pourront dès
lors se soustraire à des charges ou obligations imposées par l'État dont ils
possèdent la nationalité. Dans ces cas, l'octroi du pavillon n'a pas pour but de
soumettre tel navire à sa réglementation, mais, au contraire, de permettre à
son armateur d'échapper aux exigences juridiques et administratives de l'État
dont il est ressortissant. En choisissant un pavillon de complaisance (Panama,
Liberia, Bahamas, Chypre, Iles Saint-Vincent parmi d'autres), un armateur se
place sous la juridiction d'un ordre juridique peu contraignant, en dehors de
l'obligation de s'acquitter d'une faible taxe fiscale lors de l’immatriculation.
Les navires sous pavillon de complaisance (ou « de nécessité », ou de « libre
immatriculation » selon les formules) échappent notamment aux contrôles de
sécurité stricts pratiqués par les États maritimes plus scrupuleux.
Ce laxisme explique le succès de cette pratique, puisqu’un navire sur deux de
la flotte mondiale bat aujourd'hui le pavillon d'un État de libre
immatriculation, véritable instrument économique visant à contourner les

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contraintes imposées par les législations sociales et fiscales, voire
environnementales des pays plus scrupuleux.
̵ La togolisation des navires
Aux termes de l’article 44 du nouveau Code de la marine marchande du Togo,
« la togolisation des navires est l’actes par lequel l’Etat confère à un
navire le droit de battre pavillon togolais avec les privilèges et les
obligations qui s’y rattachent » (al. 1).

Il s’agit d’une opération administrative constatée par un acte de nationalité


togolaise (al. 2) relativement au navire appartenant à des personnes physiques
ou à une personne morale.
L’article 46 al. 1er fixe les conditions dans lesquelles l’acte de togolisation est
octroyé aux personnes physiques. Le navire doit selon législateur : « appartenir
pour moitié au moins de sa valeur à des togolais ou ressortissants ou des
ressortissants d’un des pays membres de la CEDEAO et avoir satisfait aux
formalités qui ont pour objet de :
Lui donner un nom après accord de l’autorité maritime compétente ;
Le faire jauger par l’autorité maritime compétente ;
L’immatriculer au service de la marine marchande togolaise ».

Quant à l’alinéa 2, il détermine les conditions dans lesquelles une personne


morale peut bénéficier de l’acte de nationalité togolaise. À cet effet, le navire
doit appartenir à une société :

Ayant 51% au moins du capital social détenu par les nationaux togolais ou
ressortissants d’un pays membre de la CEDEAO ;
Ayant son siège social au Togo - Disposant d’un Conseil d’administration de
surveillance dont le président et la majorité des membres sont togolais ou
ressortissants de la CEDEAO ;
Ayant son directeur général ou gérant de nationalité togolaise ou ressortissant
de la CEDEAO et avoir satisfait aux formalités qui ont pour objet :

« Lui donner un nom après accord de l’autorité maritime compétente ;


Le faire jauger par l’autorité maritime compétente ;
L’immatriculer au service de la marine marchande togolaise »

Aux termes de l’article 48, « tout navire perd sa nationalité dans les conditions
ci-après :

« manquement aux obligations relatives à son obtention ;


suppression de l’une quelconque des conditions requises pour son obtention ;
tout changement de nom d’un navire, sans déclaration préalable, dans sa forme
ou de toute autre manière ;
naturalisation frauduleuse d’un navire étranger ;
double nationalité ;
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à la demande de l’armateur après avis de l’administration maritime ;
pratique de la pêche illicite, non déclarée et non règlementée (pêche INN) dans
les eaux sous juridiction togolaise ou en dehors de ces eaux ».

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