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PROBLEMATIQUE DES AFFRETEMENTS DE NAVIRE 

Problématique des affrètements de navire | El Watan

Par Ramdane Hamlaoui - Expert en transport maritime -08 février 2016 à 10 h 00 min.
Le transport maritime de marchandises a connu durant les vingt dernières années une évolution très dangereuse
pour la nation caractérisée par deux phénomènes :

– l’effondrement de l’armement national ;

– la situation quasi-monopolistique des transporteurs étrangers sur le marché algérien.

Pour ce qui de l’effondrement de l’armement national et ses causes, il est préférable de laisser le soin aux personnes
qui l’ont vécu d’en parler.

Quant à la position de monopole acquise par les transporteurs étrangers, elle est due au vide laissé par l’effondrement
de l’armement national ainsi que par le cadre juridique relatif au transport maritime des marchandises dans sa partie
relative aux affrètements.

Généralement, les transports maritimes sont réalisés soit par des propriétaires de navire, soit par des non-
propriétaires qui exploitent commercialement des navires loués auprès de tiers. Cette forme d’exploitation des navires
par le louage s’appelle « affrètement ».

Dans le monde d’aujourd’hui, de façon générale, il y a d’un côté les armateurs propriétaires de navires (fréteurs) et de
l’autre ceux qui les exploitent commercialement en les louant (affréteurs). Il s’agit là de deux métiers complètement
différents, mais très complémentaires.

Pour une bonne compréhension de tout cela, il faut savoir que le « déplacement » des marchandises par voie
maritime relève de deux types de trafic :

– celui des navires qui sont affrétés ponctuellement en vue d’accomplir un voyage ou d’être exploités pendant une
certaine durée ;

– celui des navires desservant une ligne régulière, qui sont en état d’offre permanent, pour transporter, entre les ports
desservis, toutes les marchandises qui leur sont offertes.

A ces fonctions économiques correspondent deux genres de conventions :

– l’affrètement,

– le transport sous connaissement.

L’affrètement, sous sa forme au voyage, est le mode le plus ancien d’exploitation du navire. Il naît de la conjonction
entre le besoin d’un marchand de transporter sa marchandise et la recherche par le propriétaire d’un navire, sans
emploi, d’un voyage à effectuer. L’armateur (fréteur) met la capacité de son navire à la disposition d’un marchand
(affréteur) et s’engage à accomplir un certain voyage. Le marchand paie un prix convenu pour ce service dénommé le
fret, d’où l’origine du mot affrètement.

La convention d’affrètement est constatée par un contrat appelé charte-partie.

Le code maritime algérien de 1976 définit dans l’article 640 le contrat d’affrètement comme « une convention par
laquelle le fréteur s’engage, moyennant rémunération, à mettre un navire à la disposition d’un affréteur ». Cette
définition très générale est commune à tous les types d’affrètement. L’affrètement d’un navire présente des
conditions avantageuses pour des lots homogènes de marchandises offrant un chargement complet au départ et le
plus souvent à destination d’un seul port.

Le code maritime algérien, toujours dans son article 640, distingue trois types fondamentaux d’affrètement :
l’affrètement au voyage, l’affrètement à temps et l’affrètement coque nue.

Le critère de la distinction entre ces trois variétés de contrat réside dans la teneur des pouvoirs conférés à l’affréteur
sur la gestion, commerciale et nautique, du navire.
Cette présentation schématique est rendue nécessaire pour faciliter la compréhension du sujet relatif aux
affrètements, notamment les règles législatives et règlementaires y afférentes.

La loi n°98-05 du 25 juin 1998 modifiant et complétant l’ordonnance n°76-80 du 23 octobre 1976 portant code
maritime dans son article 44 stipule ce qui suit : « L’article 649 de l’ordonnance n° 76-80, susvisée, est modifié et
rédigé comme suit :

Article 649 : les activités d’affrètement de navires peuvent être exercées par toute personne physique de nationalité
algérienne ou toute personne morale de droit algérien ayant la qualité d’armateur et dont le centre principal
d’activités se trouve sur le territoire national. Les dispositions du présent article sont précisées par voie
règlementaire.»

Qu’est-ce qu’un armateur ?

Le code maritime en donne une définition dans deux articles différents :

– Article 384 : « ‘Armateur’ signifie toute personne physique ou morale qui exploite un navire et engage dans ce but
des gens de mer. »

– Article 572 : « Est considérée comme armateur toute personne physique ou morale qui assure l’exploitation d’un
navire en son nom soit à titre de propriétaire du navire, soit à d’autres titres lui attribuant l’usage du navire.»

A travers ces définitions, nous comprenons ce qui suit : est armateur toute personne physique ou morale qui exploite
un navire soit en tant que propriétaire soit en tant qu’affréteur, qui en assure soit la gestion commerciale seulement
soit la gestion nautique et commerciale pour un temps selon les termes de la charte-partie.

De ce fait, nous avons donc deux catégories d’armateurs :

– l’armateur propriétaire de navires ;

– l’armateur disposant, par le biais de l’affrètement de navires.

Ainsi, pour avoir la qualité d’armateur, au sens du code maritime, il faut être soit propriétaire de navires soit en
disposer par le biais d’affrètement.

Avant d’aller plus loin, il est nécessaire de rappeler que ces dispositions juridiques du code maritime algérien ne sont
applicables que sur le territoire national sur les Algériens, personnes physiques ou morales. La question qui se pose
maintenant consiste à connaître les rouages juridiques initiés par les responsables de la mise en œuvre des
dispositions législatives relatives aux affrètements.

Le premier texte jamais appliqué en la matière est le fameux arrêté interministériel daté de février 1987 qui n’a jamais
fait l’objet de publication au Journal officiel.

Quatre articles ont été consacrés aux affrètements des navires étrangers afin de préciser les conditions des règlements
financiers, i.e., les modalités de paiement des loyers dus aux affrètements au voyage et à temps. Il y est stipulé que
toutes les modalités de règlement bancaires sont conditionnées par la production de « l’autorisation d’affrètement »
délivrée par les services du ministère chargé de la marine marchande.

Cette autorisation, jamais délivrée, sauf à quelques entreprises publiques telles que Sonatrach, Naftal, OAIC, etc., a
constitué un obstacle absolu au développement de la pratique des affrètements par les nationaux.

Toujours en matière de paiement des loyers dus au titre des affrètements, le nouveau décret n°14 365 du
15 décembre 2014 relatif aux comptes d’escale et comptes courants d’escale, pris pour remplacer l’arrêté suscité,
stipule dans son article 44 : «La régularisation de ce paiement doit intervenir dans les 90 jours par la production à la
banque domiciliataire de la charte-partie tenant lieu de contrat d’affrètement, appuyée d’une copie de la convention
de concession d’exploitation des services de transport maritime.»

Or, pour bénéficier de la convention de concession d’exploitation des services de transport maritime, il faut être
armateur propriétaire ou disposant comme l’énonce le décret exécutif n°08-57 du 6 février 2008 fixant les conditions
et les modalités de concession d’exploitation des services de transport maritime comme suit, dans son article 4 : La
concession est octroyée à toute personne physique ou morale telle que définie par les dispositions de l’article 571-1
de l’ordonnance n° 76-80 du 23 octobre 1976, susvisée, disposant de capacités de transport maritime nécessaires à
l’activité et remplissant les conditions suivantes :

Alinéa n°5 : disposer d’au moins un navire soit à titre de propriétaire, soit à d’autres titres lui attribuant l’usage du
navire.
Nous avons vu plus haut que pour pouvoir régulariser le paiement dans les 90 jours, l’intéressé doit présenter à sa
banque domiciliataire la charte-partie tenant lieu de contrat d’affrètement, appuyée d’une copie de la convention de
concession d’exploitation des services du transport maritime.

Donc, pour affréter un navire, il faut obtenir une concession d’exploitation des services maritimes. Mais pour avoir
cette concession, il faut être armateur propriétaire ou affréteur-disposant.

Le serpent se mord la queue. Voilà comment est construit réglementairement le « cercle vicieux » qui empêche les
nationaux de pratiquer ce mode d’exploitation commercial des navires le plus répandu dans le monde. Il faut savoir
que ces règles ne sont imposables et opposables qu’aux Algériens résidents qui souhaitent investir dans ce créneau.

Monopole inversé :

La nature ayant horreur du vide, ces blocages ont donné lieu à deux phénomènes qui font très mal.

– Quelques Algériens ont décidé d’expatrier leurs capitaux et d’investir à l’étranger en créant des sociétés pour
réaliser des opérations de transport en lignes régulières sur l’Algérie par le biais de l’affrètement de navires, et ce, au
grand bonheur des pays qui les accueillent où ils créent des emplois et paient des impôts.

– Des étrangers, venus de toutes parts, se sont rués sur le marché algérien des transports maritimes en créant des
lignes régulières sans aucune formalité particulière, contrairement à celles imposées aux nationaux.

– Les importateurs de marchandises homogènes comme les céréales, le bois, le ciment, le rond à béton, le sucre, etc.,
passaient des contrats d’achat en coût et fret (C&F) laissant le soin au vendeur de choisir du navire et de négocier le
montant du fret maritime, montant qui sera intégré dans la facture de vente de la marchandise et transféré le plus
simplement du monde sans aucune autorisation préalable.

Compte tenu des besoins immenses en matière de moyens de transport maritime générés par les importations
massives durant les 15 dernières années, d’une part, et de l’affaiblissement de l’armement national, d’autre part, une
situation de monopole « inversé » a été créée, au profit de transporteurs étrangers, mettant le pays en danger,
sachant que presque tout est importé pour la satisfaction des besoins nationaux.

N’ayant pas de chiffres précis, mais partant du ratio coût du transport/valeur des importations, il est facile d’imaginer
les montants exorbitants qui ont fait l’objet de transfert à l’étranger.

Ainsi, avec le recul, il est possible de dire que cette situation très préjudiciable apporte un démenti cinglant aux
rédacteurs de la législation actuelle qui ont posé tous ces verrous empêchant le développement des affrètements par
les nationaux au motif de protéger le pavillon national.

De tout ce qui précède, il devient clair que l’urgence, aujourd’hui, est à la libéralisation, réelle et sans préalable, des
activités d’affrètement des navires au profit des personnes physiques de nationalité algérienne ou morales de droit
algérien détenues en majorité par des Algériens résidents.

En matière d’affrètement, la liberté des conventions est totale ; les deux parties étant considérées comme de poids
économique égal, les législations nationales n’édictent pas de règles impératives. Elles sont seulement supplétives à la
volonté des parties. Pour cela, le verrou à faire sauter se trouve dans l’article 04 du décret 08-57 du 6 février 2008
fixant les conditions et les modalités de concession d’exploitation des services de transport maritime, déjà cité plus,
notamment l’alinéa 05 qui impose comme préalable d’être armateur, condition qu’aucun Etat au monde n’impose à
ses concitoyens.

Le rôle de l’Etat consistera en le développement de la formation dans les métiers de courtage d’affrètement et de tous
les métiers annexes nécessaires afin d’éviter le recours à l’expertise étrangère.

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