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Chapitre 6

Dualité dans les espaces de


Lebesgue et mesures de
Radon finies

Nous allons maintenant revenir sur les espaces Lp du Chapitre 4, à la lumière


de certains résultats du Chapitre 5. Sauf mention ultérieure, (Ω, M, µ) désigne
un espace mesuré arbitraire.

6.1 Uniforme convexité et régularité de la norme


Proposition 6.1. Pour chaque 1 < p < ∞, l’espace Lp (Ω, µ) est uniformément
convexe.
La démonstration repose de manière essentielle sur la stricte convexité de
la fonction s → |s|p . Plus précisément, nous ferons référence au lemme suivant
dont la preuve, un peu fastidieuse mais en rien ingénieuse, est laissée en exercice.
Lemme 6.2. Pour chaque ε > 0 il existe δ > 0 tel que pour tous s, t dans C
vérifiant|s| ≤ 1, |t| ≤ 1 et |s − t| � 2ε, on a
s+t p |s|p + |t|p
| | ≤ (1 − δ) .
2 2
Pour la preuve de la Proposition ci-dessus, il est nécessaire de passer d’inégalité
ponctuelles comme celles du Lemme 6.2 a des inégalités intégrales.
Démonstration. Soit ε > 0. Il est suffisant de montrer qu’il existe δ > 0 tel
que pour tous u, v dans Lp (Ω, µ) vérifiant u Lp (Ω,µ) ≤ 1, v Lp (Ω,µ) ≤ 1 et
u − v Lp (Ω,µ) � 2ε, on a

u+v
≤ 1 − δ.
2 Lp (Ω,µ)

Définissons
εp
A := x ∈ Ω : |u(x) − v(x)|p > (|u(x)|p + |v(x)|p ) ,
2

60
et aussi r(x) := max(|u(x)|, |v(x)|). Par définition de A, r(x) > 0 pour tout
x ∈ A, et
u(x) v(x) ε
− ≥ 1.
r(x) r(x) 2p
Il suit du Lemme 6.2 qu’il existe δ > 0 tel que
p
u(x) + v(x) |u(x)|p + |v(x)|p
≤ (1 − δ)
2 2

pour tout x ∈ A. Par ailleurs, pour chaque x ∈ Ω \ A, par convexité de l’appli-


cation s → |s|p ,
p
u(x) + v(x) |u(x)|p + |v(x)|p
≤ .
2 2
En intégrant sur A et Ω \ A respectivement, on obtient
p
|u(x)|p + |v(x)|p u(x) + v(x)
dµ − dµ
Ω 2 Ω 2
p
|u(x)|p + |v(x)|p u(x) + v(x)
≥ dµ − dµ
A 2 A 2
|u(x)|p + |v(x)|p |u(x)|p + |v(x)|p
≥ dµ − (1 − δ) dµ
A 2 A 2
δ p p
≥ max( u Lp (A,µ) , v Lp (A,µ) ).
2
Comme u Lp (Ω,µ) ≤ 1, v Lp (Ω,µ) ≤ 1, le terme de gauche dans l’inégalité
u+v p
ci-dessus est inférieur à 1 − 2 Lp (Ω,µ)
. D’autre part, par définition de A,

1/p 1/p
p ε p p
|u − v| dµ ≤ |u| dµ + |v| dµ ≤ ε.
Ω\A 21/p Ω\A X\A

Par conséquent,

u−v Lp (A,µ) � u−v Lp (Ω,µ) − u−v Lp (Ω\A,µ) � ε,

et par l’inégalité triangulaire on obtient


ε
max( u Lp (A,µ) , v Lp (A,µ) ) � .
2
En définitive,
p
u+v δ ε p
1− ≥ ( )
2 Lp (Ω,µ) 2 2
et dès lors
1/p
u+v δ ε
≤ 1 − ( )p ≤ 1 − δ′ ,
2 Lp (Ω,µ) 2 2
δ ε p
en choisissant δ ′ := 2p ( 2 ) , et la conclusion suit.

61
Proposition 6.3. Pour 1 < p < ∞ l’espace Lp (Ω, µ) est lisse et pour tout u
dans Lp (Ω, µ) \ 0 et tout v ∈ Lp (Ω, µ),

1−p
D · p (u)(v) = u p |u|p−2 uv dµ.
Ω
p
Démonstration. Notons que u → u Lp (Ω,µ) est la composition de u → u Lp (Ω,µ)
1/p
avec la fonction racine p-ième g : s → s . Il nous suffit donc d’établir la
dérivabilité en 0 de la fonction

ε→ |u + εv|p dµ
Ω

pour tout u in Lp (Ω, µ) \ 0 et pour tout v ∈ Lp (Ω, µ).


Notons aussi que pour µ-presque tout x ∈ Ω,
|u(x) + εv(x)|p − |u(x)|p
lim = p|u(x)|p−2 u(x)v(x),
ε→0 ε
et que, par le théorème des accroissements finis, pour tout ε ∈ (0, 1) il existe
tε ∈ (0, ε) tel que
|u(x) + εv(x)|p − |u(x)|p
≤ p|u(x) + tε v(x)|p−1 |v(x)|
ε
≤ C(|v(x)|p + |u(x)|p−1 |v(x)|) =: f (x),

pour une constante C > 0 qui ne dépend que de p. Par l’inégalité de Hölder,

f dµ ≤ C |v|p dµ + |u|p−1 |v| dµ


Ω Ω Ω
p p−1
≤ C v Lp (Ω,µ) + v Lp (Ω,µ) u Lp (Ω,µ) < ∞.

Il suit alors du Théorème de convergence dominée que


p p
u + εv Lp (Ω,µ) − u Lp (Ω,µ)
lim =p |u|p−2 uv dµ.
ε→0 ε Ω

Par la règle de dérivation des fonctions composées, on obtient alors


p p p
D(g ◦ · Lp )(u).v = Dg( u Lp ). D · Lp )(u).v

p p
= g′ ( u Lp ) D · Lp )(u).v

1−p
= u Lp (Ω,µ) |u|p−2 uv dµ,
Ω

ce qui termine la démonstration.


Remarque 6.4. Pour µ = LN , les deux propositions précédentes ne peuvent
pas être étendues au cas p = 1 ou ∞, i.e., ni L1 (Ω, LN ) ni L∞ (Ω, LN ) ne sont
uniformément convexe ou lisse.

Exercice 6.1. Montrer par quatre contre-exemples bien choisis les affirmations
contenues dans la remarque ci-dessus.

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6.2 Dualité dans les espaces de Lebesgue
En combinant les deux résultats de la section précédente avec le théorème
de représentation du Chapitre 5 (Théorème 5.15) nous obtenons le :

Théorème 6.5. Pour 1 < p < ∞, le dual de l’espace Lp (Ω, µ) est isométriquement

isomorphe à Lp (Ω, µ) où p′ := p/(p − 1). Plus précisément, pour chaque f ∈

(Lp (Ω, µ))′ , il existe un unique v in Lp (Ω, µ) tel que

f (u) = uv dµ,
Ω

pour tout u ∈ Lp (Ω, µ), et

f (Lp (Ω,µ))′ = v Lp′ (Ω,µ) .

Démonstration. Par le Théorème 5.15, pour chaque f ∈ (Lp (Ω, µ))′ \ 0, il existe
une unique w ∈ Lp (Ω, µ) tel que w Lp (Ω,µ) = 1 et tel que pour tout u ∈
Lp (Ω, µ),
f (u) = f (Lp (Ω,µ))′ D · (w)(u),
ce qui signifie, au vu de la Proposition 6.3,

1−p
f (u) = f (Lp (Ω,µ))′ w p u|w|p−2 w dµ = uv dµ,
Ω Ω

où v := f (Lp (Ω,µ))′ w p1−p |w|p−2 w. Comme w ∈ Lp (Ω, µ) et w Lp (Ω,µ) = 1,



il suit que v ∈ Lp (Ω, µ) et que v Lp′ (Ω,µ) = f (Lp (Ω,µ))′ .

Il reste à montrer que si v dans Lp (Ω, µ) est telle que Ω uv dµ = 0, pour
2−p
tout u ∈ Lp (Ω, µ), alors v = 0. Il suffit pour cela de choisir u := |v| p−1 v.

Nous pouvons dès lors traduire la notion de convergence faible dans le cas
des espaces de Lebesgue : en effet, par le théorème qui précède chaque espace

Lp (Ω, µ) peut être vu comme un espace dual, celui de Lp (Ω, µ) (car (p′ )′ = p).
Sans ambiguı̈té, nous écrivons alors :

Définition 6.6. (Convergence faible dans Lp (Ω, µ)) Soit 1 < p < ∞, on
dit qu’une suite (un )n∈N ⊂ Lp (Ω, µ) converge faiblement vers u dans Lp (Ω, µ)

si pour tout v in Lp (Ω, µ),

un v dµ → uv dµ
Ω Ω

lorsque n → ∞.

Comme pour 1 < p < ∞, Lp (Ω, µ) est un espace de Banach séparable (voir
Chapitre 4), il suit du Théorème 5.10 que toute suite bornée (un )n∈N dans
Lp (Ω, µ) possède une sous-suite qui converge faiblement.
Bien qu’il ne soit ni lisse ni uniformément convexe, on peut néanmoins iden-
tifier la dual de L1 (Ω, µ) à L∞ (Ω, µ), au moins si µ est une mesure de Radon
sur un ouvert Ω de RN .

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Théorème 6.7. Soit µ une mesure de Radon sur un ouvert Ω de RN . Le dual
de L1 (Ω, µ) est isométriquement isomorphe à L∞ (Ω, µ) . Plus précisément, pour
tout f ∈ (L1 (Ω, µ))′ , il existe un unique v ∈ L∞ (Ω, µ) tel que

f (u) = uv dµ, (6.2.1)


Ω

pour tous u ∈ L1 (Ω, µ)), et

f (L1 (Ω,µ))′ = v L∞ (Ω,µ) .

Démonstration. Soit f ∈ (L1 (Ω, µ))′ . Soit φ ∈ L2 (Ω, µ) une fonction strictement
positive telle que pour tout compact K de Ω on a

inf φ(x) > 0.


x∈K

L’application fφ : w ∈ L2 (Ω, µ) → f (φw) est bien définie puisque

|f (φw)| � f (L1 (Ω,µ))′ φw L1 (Ω,µ) ,


� f (L1 (Ω,µ))′ φ L2 (Ω,µ) w L2 (Ω,µ) .

Dès lors fφ appartient à (L2 (Ω, µ))′ et par le Théorème 6.5 il existe un unique
vφ dans L2 (Ω, µ) tel que

fφ (L2 (Ω,µ))′ = vφ L2 (Ω,µ) ,

et pour tout w dans L2 (Ω, µ),

fφ (w) = vφ w dµ,
Ω

i.e.

f (φw) = φw dµ.
Ω φ
v
On définit alors v := φφ . Nous allons montrer que v appartient à L∞ (Ω, µ) et
que v L∞ (Ω,µ) � f (L1 (Ω,µ))′ . Supposons par l’absurde qu’il existe ε > 0 et
A ⊂ Ω, mesurable avec µ(A) > 0 tel que |v(x)| > f (L1 (Ω,µ))′ + ε, pour tout
x ∈ A. On considère alors la fonction

w(x) = 1A (x)signe(v(x)),

où signe(u) = 1 si u > 0, signe(u) = −1 si u < 0, et signe(u) = 0 si u = 0. Alors


f (φw) = φw dµ = |v|φ dµ � ( f (L1 (Ω,µ))′ + ε) φ dµ,
Ω φ A A

et
f (φw) ≤ f (L1 (Ω,µ))′ φw L1 (Ω,µ) = f (L1 (Ω,µ))′ φ dµ,
A

ce qui est une contradiction, puisque A φ dµ > 0.


Finalement, le fait que (6.2.1) ait lieu pour tout u ∈ L1 (Ω, µ) suit de la
densité des fonctions continues à support compact dans L1 (Ω, µ).

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Exercice 6.2. Montrer qu’il existe toujours une fonction φ telle que indiquée
dans la démonstration précédente.

Définition 6.8. (Convergence faible dans L1 (Ω, µ)) On dit qu’une suite
(un ) ⊂ L1 (Ω, µ) converge faiblement vers u dans L1 (Ω, µ) si pour tout v ∈
L∞ (Ω, µ),
un v dµ → uv dµ
Ω Ω
lorsque n → ∞.

Il est important d’insister sur le fait que, à la différence de Lp (Ω, µ) (pour


1 < p < ∞), L1 (Ω, µ) n’est pas un dual et en particulier les suites bornées
dans L1 (Ω, µ) ne possèdent pas nécessairement dfe sous-suite faiblement conver-
gentes. En effet, il peut exister des phénomènes de concentration de masse le
long de la suite, qui feront survenir, au sens de la convergence des mesures
dont nous parlerons ci-dessous, par exemple des masses de Dirac comme points
d’accumulation.

6.3 Mesures de Radon finies


Soit Ω ⊂ RN un ouvert, on désigne par C0 (Ω, R) la fermeture de l’espace
Cc (Ω, R) dans BC(Ω, R) pour la norme uniforme.

Proposition 6.9. Une fonction f ∈ C0 (Ω, R) si et seulement si pour tout ε > 0,


il existe un compact Kε ⊂ Ω tel que |f | < ε sur Ω \ Kε .

Démonstration. Soit ε > 0 quelconque et soit K ⊂ Ω un compact tels que


|f | < ε sur Ω \ K. Par le Lemme d’Urysohn il existe g ∈ Cc (Ω, [0, 1]) telle que
g = 1 sur K. On pose h = f g, de sorte que h ∈ Cc (Ω, R) et f − h ∞ < ε. On
déduit que f ∈ C0 (Ω, R).
Inversement, soit f ∈ C0 (Ω, R), alors il existe une suite (fn ) ⊂ Cc (Ω, R) telle
que fn → f uniformément dans Ω. Soit ε > 0 et nε ∈ N tels que fnε − f ∞ <
ε/2, on définit ensuite K := {x ∈ Ω/ |fnε | ≥ ε/2}. Par construction K est un
sous-ensemble compacte de Ω et pour tout x ∈ Ω \ K, |f | ≤ |f − fnε | + |fnε | <
ε.

Définition 6.10. L’espace des mesures de Radon finies sur Ω, noté M(Ω), est
par définition le dual de l’espace C0 (Ω, R).

Notons que l’on a déjà introduit la notion de mesure de Radon positive dans
le Chapitre 3 sur l’intégration. Grâce au Théorème de représentation de Riesz
(Théorème 3.36), nous pouvons maintenant faire le lien entre ces deux notions
très proches.

Théorème 6.11. Quelle que soit L ∈ M(Ω) il existe deux mesures de Radon
positives λ+ et λ− sur Ω telles que

L(u) = u dλ+ − u dλ− .


Ω Ω

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Démonstration. On prétend que pour L ∈ M(Ω), il existe des formes linéaires
positives L+ et L− sur C0 (Ω, R) telles que L(u) = L+ (u) − L− (u) pour tout
u ∈ C0 (Ω, R). Une fois cette affirmation démontrée, la conclusion suivra alors
immédiatement du Théorème de représentation de Riesz (Théorème 3.36).
On définit le cône C + := {u ∈ C0 (Ω, R) : u ≥ 0}, et pour u ∈ C + ,

L+ (u) := sup{L(v) : v ∈ C + , v ≤ u}.

Etape 1 : L+ est positive et finie sur C + . Soit u ∈ C + . Comme 0 ∈ C + ,


L (u) ≥ 0. Soit ensuite v ∈ C + tel que 0 ≤ v ≤ u. Par continuité de L,
+

L(v) ≤ L v ∞ ≤ L u ∞ , et en prenant le sup par rapport à v on obtient


0 ≤ L+ (u) ≤ L u ∞ < ∞.
Etape 2 : L+ est additive sur C + . Soient u1 et u2 ∈ C + et v ∈ C + tel
que 0 ≤ v ≤ u1 + u2 . On décompose v en v = min(u1 , v) + max(v − u1 , 0), où
min(u1 , v) ≤ u1 et max(v − u1 , 0) ≤ u2 . Comme min(u1 , v) et max(v − u1 , 0) ∈
C + , on a

L(v) = L(min(u1 , v)) + L(max(v − u1 , 0)) ≤ L+ (u1 ) + L+ (u2 ),

et en prenant le sup sur tous les v on obtient

L+ (u1 + u2 ) ≤ L+ (u1 ) + L+ (u2 ).

Pour démontrer l’inégalité inverse, soit ε > 0 . Par définition de L+ , il existe v1


et v2 ∈ C + tels que 0 ≤ vi ≤ ui et L+ (ui ) ≤ L(vi ) + ε pour i = 1, 2. Comme
0 ≤ v1 + v2 ≤ u1 + u2 , il suit que

L+ (u1 + u2 ) ≥ L(v1 + v2 ) = L(v1 ) + L(v2 ) ≥ L+ (u1 ) + L+ (u2 ) − 2ε,

et il suffit alors de faire tendre ε → 0.


Etape 3 : Définition et additivité de L+ sur C0 (Ω, R). Soit u ∈ C0 (Ω, R). On
décompose u comme la différence de ses parties positive et négative u = u+ −u−
avec u± ∈ C + . On définit L+ (u) := L+ (u+ ) − L+ (u− ). Si u et v ∈ C0 (Ω, R),
alors (u + v)+ − (u + v)− = u+ − u− + v + − v − de sorte que (u + v)+ + u− + v − =
(u + v)− + u+ + v + . Par additivité de L+ sur C + ,

L+ ((u + v)+ ) + L+ (u− ) + L+ (v − ) = L+ ((u + v)− ) + L+ (u+ ) + L+ (v + ),

and en échangeant ensuite l’ordre des termes on obtient L+ (u + v) = L+ (u) +


L+ (v).
Etape 4 : L+ est continue sur C0 (Ω, R). Soit u ∈ C0 (Ω, R). Comme L+ est
positive, on a L+ (|u| ± u) ≥ 0, et par additivité de L+ , L+ (|u|) ≥ ±L+ (u), i.e.,
|L+ (u)| ≤ L+ (|u|). Soit donc u1 et u2 ∈ C0 (Ω, R), par les étapes 3 et 1,

|L+ (u1 ) − L+ (u2 )| = |L+ (u1 − u2 )| ≤ L+ (|u1 − u2 |) ≤ L u1 − u2 ∞.

Etape 5 : L+ est une forme linéaire sur C0 (Ω, R). L’additivité de L+ montre
que pour tout n ∈ N, L+ (nu) = nL+ (u). Comme (−u)± = u∓ , on obtient
L+ (−u) = −L+ (u) et l’identité précédente s’étend ensuite à n’importe quel
n ∈ Z. Si maintenant r = p/q ∈ Q avec p, q ∈ Z et q = 0, alors L+ (qru) =

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qL+ (ru) = L+ (pu) = pL+ (u), et donc L+ (ru) = rL+ (u). La continuité de L+
et la densité de Q dans R implique finalement que L+ (αu) = αL+ (u) pour tout
α ∈ R.
Etape 6 : L− est une forme linéaire positive sur C0 (Ω, R). On définit
L := L+ − L. Alors L− est clairement une forme linéaire. De plus, comme

par définition de L+ , L+ (u) ≥ L(u) pour tout u ∈ C + , on conclut que L− est


positive.
Remarque 6.12. Il est d’usage d’utiliser la notation

L(u) = u dλ,
Ω

où λ désigne la mesure signée λ := λ+ − λ− .

Définition 6.13. (Convergence faible dans M(Ω)) On dit qu’une suite


(λn )n∈N ⊂ M(Ω) de mesures de Radon finies sur Ω converge faiblement vers λ
in M(Ω) si pour tout v in C0 (Ω, R),

v dλn → v dλ
Ω Ω

lorsque n → ∞.

La convergence faible des mesures de Radon finies est donc un cas particulier
de convergence faible dans un dual telle que nous l’avons définie au Chapitre 5
(avec la remarque que celle-ci est parfois appelée la convergence *-faible).

Exercice 6.3. Au Chapitre 2, nous avons démontré que l’espace BC(K, R) est
séparable quel que soit le compact K ⊂ RN . En déduire que Cc (Ω, R) est
séparable.

Au vu de l’exercice précédent, et du Théorème 5.10, on déduit immédiatement


le
Théorème 6.14. De toute suite bornée de mesures de Radon finies on peut
extraire une sous-suite qui converge au sens faible des mesures.
Si µ est une mesure de Radon positive, on observe que l’espace L1 (Ω, µ) peut
être injecté de manière canonique dans M(Ω) via l’application

u ∈ L1 (Ω, µ) → T u ∈ M(Ω),

où
T u : v ∈ C0 (Ω, R) → uv dµ.
Ω

En conséquence, si (un )n∈N est une suite bornée dans L1 (Ω, µ), alors on peut
extraire une sous-suite qui converge au sens faible des mesures de M(Ω) vers
une mesure de Radon finie, i.e., il existe (unk )k∈N et λ ∈ M(Ω) telles que pour
tout v ∈ C0 (Ω, R),
unk v dµ → v dλ.
Ω Ω

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Il est important de noter que cette notion de convergence faible est différente
de, et plus faible que, celle introduite à la Définition 6.8. Le résultat suivant,
que l’on mentionne sans démonstration, fournit une caractérisation complète
des suites dans L1 (Ω, µ) qui convergent faiblement au sens de la Définition 6.8.

Théorème 6.15 (Dunford-Pettis). Soit Ω un ouvert de RN et µ une mesure


de Radon positive et finie sur Ω. Soit (un )n∈N une suite bornée dans L1 (Ω, µ).
(i) Si un ⇀ u faiblement dans L1 (Ω, µ) pour un certain u ∈ L1 (Ω, µ), alors
(un )n∈N est nécessairement équi-intégrable.
(ii) Si (un )n∈N est équi-intégrable, alors il existe une sous-suite (unk )k∈N
et u ∈ L1 (Ω, µ) telles que unk ⇀ u faiblement dans L1 (Ω, µ) lorsque
k → +∞.

La notion d’équi-intégrabilité (Définition 3.31) implique qu’il n’y ai pas de


concentration de masse L1 sur des ensembles de mesure arbitrairement petite.
Si µ(Ω) = +∞ (ce qui est exclu dans l’énoncé ci-dessus par l’hypothèse que µ
est finie), il faudrait en plus s’assurer que la masse L1 de (un )n∈N ne s’échappe
pas à l’infini. En plus de (i), il faudrait ainsi supposer que pour tout ε > 0 il
existe un compact Kε ⊂ Ω tel que

sup |un | dµ < ε.


n∈N Ω\Kε

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