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Fiche 29.

Les commissions rogatoires (CR)


Céline Laronde-Clérac
Dans Plein Droit 2019 (2e éd.), pages 195 à 201
Éditions Ellipses
ISBN 9782340035126
© Ellipses | Téléchargé le 02/06/2023 sur www.cairn.info via Université de Strasbourg (IP: 130.79.14.140)

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Fiche 29
Les commissions
rogatoires (CR)

▶▶ Les objectifs de la fiche


• Définir la commission rogatoire
• Connaître les conditions de fond et de forme de validité d’une CR
• Connaître la manière dont s’exécute la CR
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Références jurisprudentielles
–– Cass. crim., 22 janv. 1953, Bull. crim., n° 24 (prohibition des CR générales)
–– Cass. crim., 10 nov. 1970, n° 70-91.436 (nécessité de dater la CR)
–– Cass. crim., 5 mars 2013, n° 12-87.087 (recueil de propos d’une personne mise en
examen par un OPJ)

I. La définition de la commission rogatoire


La commission rogatoire est un acte de procédure qui permet au juge d’ins-
truction de déléguer à un autre juge ou à un OPJ le pouvoir d’accomplir des actes
qui relèvent de ses prérogatives. Cette possibilité de délégation est énoncée par
l’article 81, al. 4 du CPP : « Si le juge d’instruction est dans l’impossibilité de procéder
lui-même à tous les actes d’instruction, il peut donner commission rogatoire aux OPJ
afin de leur faire exécuter tous les actes d’information nécessaires […] ». Le régime des
CR figure aux articles 151 et s. du CPP. Cette délégation trouve notamment son utilité
lorsque le juge d’instruction doit effectuer un acte d’instruction hors de son ressort de
compétence (par exemple : une perquisition). Ainsi, le juge d’instruction peut requérir
par CR tout juge de son tribunal, tout juge d’instruction ou tout OPJ (qui en avise le
procureur de la République), de procéder aux actes d’information qu’il estime néces-
saires dans les lieux où chacun d’eux est territorialement compétent (CPP, art. 151).
En théorie, le recours à la CR doit être exceptionnel. En pratique, il est courant.
II. Les conditions de validité de la commission rogatoire
Quant à sa validité, la commission rogatoire est soumise à des conditions de fond
et de forme.

Conditions de fond Conditions de forme

— impossilité pour le juge d’instruction — délégation écrite datée et signée


de faire lui-même l’acte par le juge d’instruction qui la délivre
— délégation à une personne déterminée et revêtue de son sceau
— délégation en vue de réaliser des actes — mentions obligatoires : nature
se rattachant directement à la de l’infraction, objet des poursuites,
répression de l’infraction poursuivie : délai d’exécution de la CR fixé
prohibition des CR générales par le juge mandant

L’omission de certaines formalités ou mentions peut entraîner la nullité de la CR


(par exemple : omission de la date, de la signature du juge mandant, CR générale).
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III. Les pouvoirs délégués
S’agissant des pouvoirs délégués, l’article 152 du CPP indique que les magistrats ou
OPJ commis pour l’exécution exercent, dans les limites de la CR, tous les pouvoirs du
juge d’instruction. En principe, ils peuvent donc effectuer tous les actes d’information
mentionnés dans la CR. Cependant, certains actes ne peuvent pas être délégués aux
OPJ. Il s’agit des interrogatoires et confrontations des personnes mises en examen
qui ne peuvent être réalisés que par un juge, des actes judiciaires tels les mandats.
Par ailleurs, les OPJ ne peuvent procéder à l’audition des parties civiles ou du témoin
assisté (V. fiche 32) qu’à la demande de ceux-ci.
Le juge d’instruction mandant peut se transporter pour diriger et contrôler l’exécution
de la CR dès lors qu’il ne procède pas lui-même à des actes d’instruction. À l’occasion
de ce transport, il peut ordonner la prolongation des gardes à vue prononcées dans
le cadre de la CR.
Les articles 61-1 et 61-2 du CPP relatifs à l’audition d’une personne soupçonnée
et de la victime (V. fiche 11) et les articles 62-2 à 64-1 du CPP relatifs à la garde à vue
(V. fiche 13) sont applicables lors de l’exécution des CR. Les attributions conférées par
ces articles au procureur de la République sont alors exercées par le juge d’instruction.
L’OPJ chargé de l’exécution d’une CR tient le magistrat commettant informé de son
activité. Il lui réfère sans délai des difficultés qui viendraient à se présenter et sollicite
ses instructions (CPP, art. D. 34).

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Fiche 29
Les indispensables
• La CR est un acte de procédure qui permet au juge d’instruction
de déléguer à un autre juge ou à un OPJ le pouvoir d’accomplir des
actes qui relèvent de ses prérogatives.
• La CR a notamment une utilité pratique lorsque le juge d’ins-
truction doit effectuer un acte d’instruction hors de son ressort
de compétence.
• En théorie, le recours aux CR doit être exceptionnel. En pratique,
il est courant.
• La CR est soumise quant à sa validité à des conditions de fond et
de forme.
• Le juge d’instruction doit être dans l’impossibilité d’effectuer
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l’acte lui-même.
• La CR doit viser des actes se rattachant directement à la répression
de l’infraction poursuivie : prohibition des CR générales.
• La CR prend la forme d’un écrit daté et signé du juge d’instruction
mandant qui comporte certaines mentions obligatoires.
• Le non-respect des conditions de fond et de forme peut entraîner
la nullité de la CR.
• En principe, les délégataires peuvent effectuer tous les actes
d’information (à la condition qu’ils soient mentionnés dans la CR).
• Cependant, certains actes ne peuvent être faits que par un juge
et ne peuvent donc pas être délégués à un OPJ : interrogatoires et
confrontations des personnes mises en examen, délivrance d’un
mandat.

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Cas pratique

Actes d’instruction et commissions rogatoires

Un juge d’instruction est saisi par réquisitoire introductif pour vols à la suite de
cambriolages dans un quartier de la ville de B. Paul est soupçonné d’en être l’auteur.
Une perquisition est effectuée à 6 heures au domicile de Mme D., mère de Paul chez qui
celui-ci vit. Mme D. est présente durant la perquisition. Plusieurs objets provenant des
cambriolages sont découverts dans la chambre de Paul. Ce dernier étant en fuite, le juge
d’instruction décerne un mandat d’arrêt. Arrêté quelques jours plus tard à proximité
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du domicile de sa mère, Paul est présenté au juge d’instruction. Dans le respect des
dispositions du CPP, le juge d’instruction procède à l’interrogatoire de première
comparution. Informé de ses droits, Paul décide, en accord avec son avocat, de se
taire. À l’issue de l’interrogatoire, le juge d’instruction lui notifie sa mise en examen et
il est placé en détention provisoire. Dans le même temps, le juge d’instruction donne
commission rogatoire aux OPJ Luc et Jean pour ces vols afin de poursuivre les inves-
tigations en procédant à de nouvelles perquisitions, notamment dans un garage loué
par Paul où il aurait pu entreposer des objets volés. À l’issue de l’interrogatoire, Luc et
Jean conduisent Paul à la maison d’arrêt. Durant le trajet, Paul leur fait des confidences
sur sa participation aux vols et leur déroulement. De retour au commissariat, les deux
OPJ dressent un PV visant la délégation du magistrat instructeur qui retranscrit les
propos de Paul et le transmettent au juge d’instruction.

▶▶ Dans le cadre des actes d’instruction, des irrégularités ont-elles été commises ?

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Corrigé

Fiche 29
▶▶ Identification des actes d’instruction : une perquisition, un mandat d’arrêt, un
interrogatoire de première comparution.

▶▶ 1. La perquisition

Problème juridique : la perquisition au domicile d’une personne autre que


celui de la personne mise en examen a-t-elle été réalisée dans le respect des
dispositions du CPP ?

Dans le cadre de l’instruction, le juge d’instruction peut effectuer des perqui-


sitions dans tous les lieux où peuvent se trouver des objets dont la découverte
serait utile à la manifestation de la vérité (CPP, art. 94). Si la perquisition a lieu
dans un domicile autre que celui de la personne mise en examen, la personne
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chez laquelle elle doit s’effectuer est invitée à y assister et les dispositions de
l’article 59 du CPP qui prescrivent que les perquisitions ne peuvent avoir lieu
avant 6 h et après 21 h s’appliquent (CPP, art. 96).
En l’espèce, la perquisition est effectuée au domicile d’une personne qui n’est pas
mise en examen puisqu’il est le domicile de la mère de la personne soupçonnée
de vols. L’énoncé indique qu’elle était présente lors de la perquisition qui a eu
lieu à 6 h. Les règles applicables ont été respectées.

▶▶ 2. Le mandat d’arrêt

Problème juridique : les conditions permettant au juge d’instruction de


décerner un mandat d’arrêt sont-elles réunies ?

Si la personne est en fuite, le juge d’instruction, après avis du procureur de la


République, peut décerner contre elle un mandat d’arrêt si le fait comporte
une peine d’emprisonnement correctionnelle ou une peine plus grave (CPP,
art. 131). Le vol avec effraction dans un local d’habitation est puni de sept ans
d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende par l’article 311-5 3° du CP.
En l’espèce, la personne soupçonnée des cambriolages encourt une peine
correctionnelle et est en fuite. Si l’avis du procureur de la République a été
sollicité, le juge d’instruction pouvait décerner un mandat d’arrêt contre Paul.

▶▶ 3. L’interrogatoire de première comparution

Problème juridique : une fois la personne en fuite arrêtée en vertu d’un


mandat d’arrêt, comment se déroule la procédure et a-t-elle été respectée
en l’espèce ?

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La personne saisie en vertu d’un mandat d’arrêt doit être présentée dans les vingt-
quatre heures suivant son arrestation devant le juge d’instruction pour qu’il soit
procédé à son interrogatoire et qu’il soit le cas échéant statué sur son placement
en détention provisoire (CPP, art. 133).
En l’espèce, l’énoncé indique que Paul est présenté au juge d’instruction dans un
délai qui n’est pas précisé. Nous supposerons que le délai légal a été respecté.
Le juge d’instruction doit procéder à l’interrogatoire de première comparution
selon les modalités de l’article 116 du CPP. En l’espèce, il est indiqué que cet
interrogatoire a eu lieu dans le respect des dispositions du CPP. Dans le cadre de
cet interrogatoire, Paul a fait le choix de se taire. À l’issue de l’interrogatoire, il est
mis en examen et placé en détention provisoire.

▶▶ 4. La commission rogatoire

Problèmes juridiques : la commission rogatoire du juge d’instruction aux


deux OPJ est-elle régulière ? Dans le cadre de l’exécution de cette CR, se pose la
question de la nullité du PV dressé par les OPJ et transmis au juge d’instruction
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qui retranscrit les propos tenus par le mis en examen durant son transfert à la
maison d’arrêt par lesquels il s’auto-incrimine.

Le juge d’instruction peut requérir par CR tout OPJ de procéder aux actes d’infor-
mation qu’il estime nécessaires. La CR indique la nature de l’infraction, objet
des poursuites et elle ne peut prescrire que des actes d’instruction se rattachant
directement à la répression de cette infraction. Les dispositions de l’article 151 du
CPP interdisent les commissions rogatoires générales. En l’espèce, la CR vise les vols
pour lesquels l’instruction a été ouverte et précise la mission des OPJ : poursuivre
les investigations en procédant à de nouvelles perquisitions, notamment dans un
garage loué par Paul où il aurait pu entreposer des objets volés. Sous réserve du
respect des conditions de forme prévues par le CPP, la CR est régulière.
Dans le cadre d’une CR, les OPJ ne peuvent pas procéder aux interrogatoires de la
personne mise en examen (CPP, art. 152, al. 2). Ces interrogatoires relèvent de la
compétence exclusive du juge et doivent avoir lieu en présence de l’avocat de la
personne mise en examen (CPP, art. 114, al. 1er, 116 du CPP).
Au visa des articles préliminaire, 114 al. 1er et 152, al. 2 du CPP, la chambre crimi-
nelle de la Cour de cassation dans une décision du 5 mars 2013 (n° 12-87.087) pose
le principe « qu’est contraire au droit à un procès équitable et aux droits de la
défense, le fait, pour des OPJ d’entendre, dans le cadre d’une même information,
sous quelque forme que ce soit, une personne qui, ayant été mise en examen, ne
peut plus, dès lors, être interrogée que par le juge d’instruction, son avocat étant
présent ou ayant été dûment convoqué ». Dans l’affaire ayant donné lieu à cet
arrêt, le mis en examen avait fait des confidences sur sa participation à l’infraction
aux OPJ durant son transfert à la maison d’arrêt. Les deux OPJ qui avaient reçu
du juge d’instruction une CR ont retranscrit les propos du mis en examen dans un
PV et l’ont transmis au juge d’instruction. La chambre de l’instruction saisie par le
mis en examen d’une requête en nullité de ce PV considère que les OPJ n’ont pas

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procédé à un interrogatoire, mais ont seulement retranscrit les confidences

Fiche 29
du mis en examen au cours du transfert vers la maison d’arrêt, dans un PV de
renseignements relatant et transmettant au juge d’instruction les propos tenus
devant eux. La chambre criminelle casse cette décision : « Le recueil des propos
par lesquels le mis en examen s’incriminait lui-même, avait pour effet d’éluder
les droits de la défense et les OPJ auraient dû se borner, constatant la volonté du
mis en examen de s’exprimer plus amplement sur les faits, à en faire rapport au
juge d’instruction, seul habilité à procéder à un interrogatoire dans les formes
légales, la chambre de l’instruction a méconnu les textes et principe susvisés ».
L’application à l’espèce de cette décision permet de conclure à la nullité du PV
dressé par les OPJ.
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