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Fiche 14.

Facteurs exogènes de la criminalité


Annie Beziz-Ayache, Magali Ravit
Dans Fiches 2021, pages 101 à 106
Éditions Ellipses
ISBN 9782340039995
© Ellipses | Téléchargé le 08/11/2023 sur www.cairn.info par Mohammed EL BAKIR (IP: 105.154.27.169)

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Fiche 14
Facteurs exogènes
de la criminalité

I. Milieu inéluctable et criminalité


II. Milieu occasionnel et criminalité
III. Milieu choisi ou subi et criminalité

• Définitions

• Milieu : monde environnant au sein duquel vit l’homme.


• Milieu social : milieu composé des conditions générales de la vie en société
relatives à la situation politique, économique, sociale et culturelle d’un pays.
• Milieu personnel : milieu concernant l’environnement personnel de chaque
individu.
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• Facteurs mésogènes : facteurs du milieu.

Au niveau macrocriminologique, c’est-­à‑dire à l’échelle collective, l’analyse des


facteurs de criminalité conduit à s’interroger sur :
x l’influence du milieu physique : la situation géographique d’un pays et son
climat ont-­ils une incidence sur la criminalité ?
x l’influence des systèmes politiques et économiques : la démocratie libérale
peut-­elle être un facteur de criminalité ? Le type d’organisation de l’économie
d’un pays peut-­il être criminogène ?
x l’influence de l’organisation sociale : souvent complexe, cette organisation
entretient-­elle des rapports avec la criminalité ?
Les réponses à ces questions défendent étroitement des types de société et ne se
prêtent pas à la généralisation. Aussi ne sont-­elles pas développées dans la présente
fiche.
Au niveau microcriminologique, c’est-­à‑dire à l’échelle individuelle, s’interroger
sur les facteurs exogènes de la criminalité, c’est rechercher l’impact criminogène ou
non du milieu humain dans lequel vit chaque individu. Ce milieu produit en effet des
conséquences décisives sur son comportement.

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Le milieu humain ou milieu personnel englobe l’entourage de chacun. Selon la
distinction de E. De Greeff (1898-1961), psychiatre belge, il se divise en milieu
inéluctable, occasionnel, choisi ou bien subi.

I. Milieu inéluctable et criminalité

Le milieu inéluctable est celui dans lequel l’individu ne peut faire autrement que
d’y vivre en raison de sa naissance et de son environnement. Il se rapporte à la famille
d’origine, à l’habitat et au voisinage.

A. L’influence de la famille

La famille joue un rôle fondamental dans la socialisation de l’enfant, la formation


de sa personnalité et l’apprentissage du respect de la loi. Son effet criminogène a
été analysé dans des études montrant le lien entre milieu familial et délinquance
d’après la qualité des pratiques éducatives parentales et celle des relations parents-­
enfants. Ainsi, deux catégories de familles ont pu être mises en évidence : les familles
directement corruptrices et les familles défaillantes.
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Les familles directement corruptrices
Ce sont celles qui s’écartent volontairement des valeurs morales dont s’inspire le
Code pénal. L’enfant vit avec des parents, sans scrupule, parfois même délinquants
et il se construit selon ce modèle. Au cours de la formation de sa personnalité,
sa conscience morale s’installe en contradiction avec les normes en vigueur de la
société. La règle de conduite de son milieu d’origine efface la règle collective. Une
fois adolescent puis adulte, il peut devenir délinquant par imitation de ses parents
et transmission de leurs valeurs. Dès la fin du xixe siècle, Tarde avait souligné le
mécanisme de l’imitation dans la genèse du comportement criminel (V. Fiche 5).
L’apprentissage de la violence se fait à travers les conflits familiaux et les violences
intra-­familiales. La violence s’acquiert grâce (à cause) du style de vie du père et (ou)
de la mère résultant d’un ou de plusieurs des éléments suivants : niveau d’instruction
bas, handicaps psychologiques, consommation de produits toxiques, pauvreté en raison
d’une situation économique précaire, pratiques parentales inadéquates (maltraitance).
Il faut remarquer que de leur côté, les psychanalystes ont mis en relief le rôle
de l’identification de l’enfant à ses parents, identification pouvant expliquer une
carrière criminelle.

Les familles défaillantes


Ce sont celles qui, sur le plan affectif et éducatif, n’apportent ni sécurité (rejet
de l’enfant, disputes parentales) ni affection (froideur, indifférence) ni stabilité
(laxisme éducatif) à l’enfant. Il a été constaté un taux de délinquance plus élevé

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parmi les jeunes appartenant à des familles nombreuses ; il peut s’expliquer par le
relâchement du contrôle familial. Les changements qui ont affecté la famille ces
dernières années, comme l’augmentation du nombre des divorces et des familles

Fiche 14 • Facteurs exogènes de la criminalité


monoparentales notamment, expliquent en partie ces états de fait. Aucune recherche
récente n’a permis d’établir un lien significatif entre divorces et criminalité. Il est
excessif de prétendre que les familles dissociées sont toutes criminogènes. En effet,
un seul parent peut maintenir des conditions de stabilité et de sécurité nécessaires à
l’enfant alors que dans les familles non dissociées, ces mêmes conditions sont parfois
absentes. Il est vrai néanmoins que la rupture du couple parental peut entraîner dans
certains cas un risque majeur de précarisation socio-­économique qui représente un
facteur criminogène.
Les conséquences de l’incarcération de l’un des parents ont fait l’objet d’études (V.
supra). La rupture du lien familial père (ou mère) – enfant et la situation économique
précaire sont déterminantes dans la conduite délinquante de l’enfant.

B. L’influence de l’habitat et du voisinage

L’habitat et le voisinage sont-­ils des facteurs criminogènes ?


Concernant l’habitat urbain, dès la fin du xixe siècle, le milieu urbain se distingue
du milieu rural par une plus grande criminalité. Cela s’explique essentiellement par
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le fait que dans les campagnes, la famille contrôle davantage le comportement de
ses membres sauf dans le cas d’explosion de la violence favorisée par l’usage d’alcool.
Shaw et Mc Kay (V. Fiche 7) ont montré que la forte criminalité des villes résulte
des modes d’urbanisation. Il y a une répartition inégale de la criminalité à l’intérieur
même des villes. Plus précisément, ils ont observé que, en découpant une ville type
en zones concentriques allant du centre-­ville aux banlieues, la délinquance est plus
importante en centre-­ville et diminue progressivement jusqu’aux banlieues. De ce constat
est née la théorie des aires de délinquance c’est-­à‑dire des zones de détérioration
matérielle et morale formant en quelque sorte des réserves de délinquants. Ces zones
correspondent à des quartiers sous-­prolétariens insalubres des grandes villes.
D. Szabo qui a organisé la recherche et l’enseignement criminologique au Québec
dans les années 1960 est l’auteur d’une thèse soutenue en 1960, Crimes et villes. Il a
démontré le lien existant entre développement urbain et criminalité. Un criminologue
français d’origine roumaine, V. Stanciu, auteur de La criminalité à Paris (1968) a étudié
la criminalité dans plusieurs arrondissements de Paris en relevant les conditions
économiques et sociales de leurs habitants : défauts de l’urbanisme et de l’habitat,
inégalités sociales, pauvreté. Il a constaté le taux important de délinquants dans
certaines rues ou dans les immeubles mal construits et surpeuplés.
Aujourd’hui, les données statistiques permettent d’établir le profil criminel d’une
ville. Les différences de conditions de vie, les modes d’urbanisation et d’habitat
(immeuble collectif, HLM, maison individuelle) peuvent entraîner la formation des aires
de délinquance comme le sont certaines banlieues. Quant au voisinage, il alimente

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les bandes de jeunes qui engendrent un mode de vie antisocial et une culture de
rue à l’origine de comportements criminels marqués par les luttes de territoires et la
recherche de la confrontation avec l’autorité.

II. Milieu occasionnel et criminalité

Comme le sont le milieu d’orientation professionnelle et le milieu du service


militaire, l’école est le lieu où se forment les contacts sociaux. Ces milieux ne sont
pas criminogènes en eux-­mêmes. Ce qu’il l’est, c’est l’inadaptation des individus à
ces milieux et le fait qu’ils veulent s’en échapper.
S’agissant du milieu scolaire, l’espoir avait été grand, au xixe siècle que le
développement de l’instruction publique allait contribuer à diminuer la délinquance.
Victor Hugo pensait qu’en ouvrant des écoles, on fermerait des prisons… L’inadaptation
scolaire se manifeste par des retards, des décrochages, des échecs, des dégradations
matérielles ou un absentéisme, l’école buissonnière étant la première expérience de
vie en marge de la société. Elle entraîne découragement et révolte. Généralement,
elle s’ajoute à d’autres facteurs criminogènes : carences affectives familiales, chômage
et marginalité des parents. La violence est une réponse à cette inadaptation. Elle
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prend la forme d’atteinte aux personnes (racket, harcèlement et aujourd’hui cyber-­
harcèlement sous forme de rumeurs sur internet ou de diffusion de photos intimes),
aux biens (dommage aux locaux et au matériel) ou à la sécurité (port d’armes). Les
élèves et le personnel des établissements scolaires en sont les victimes. Lorsqu’elle
se généralise, cette violence en elle-­même délictueuse, entraîne une accoutumance
à ce mode de réaction qui devient l’unique moyen de régler les conflits.
Les violences scolaires représentent, avec leur nombre en augmentation constante
depuis une vingtaine d’années, un problème majeur pour l’Éducation nationale.
Notons que si la délinquance est, à divers degrés, la principale réponse à
l’inadaptation scolaire, elle n’est pas la seule. En effet, les enfants peuvent souffrir
de névroses dues à cette inadaptation.

III. Milieu choisi ou subi et criminalité

Dans quelle mesure le foyer personnel et le milieu professionnel, milieux choisis ou


acceptés ainsi que la prison, milieu subi par le délinquant peuvent être criminogènes ?

A. Le foyer personnel et la criminalité

Par foyer personnel, il faut entendre la famille que fonde un individu. Des études
réalisées sur les rapports entre cette dernière et la délinquance, il résulte que le célibat

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a une influence sur la délinquance grave ou d’habitude. On l’explique par le fait que la
famille et les enfants issus du couple parental, facteurs d’équilibre, détournent de la
criminalité. Lorsque l’équilibre est rompu, les conflits conjugaux sont criminogènes.

Fiche 14 • Facteurs exogènes de la criminalité


Ils peuvent conduire à des actes criminels comme les violences entre conjoints. Ils
peuvent aussi entraîner de lourdes conséquences sur le psychisme des enfants, à
l’origine d’actes délictueux.

B. L’influence du milieu professionnel

La situation économique de l’individu, dépend de sa profession qui lui permet de


subvenir à ses besoins et ceux de sa famille. L’absence de profession ou même de
qualification professionnelle peut entraîner chômage et pauvreté et conduire à une
délinquance de nécessité.
La vie professionnelle par ses échecs et par les occasions liées au type de profession
choisie peut favoriser les orientations criminelles ou être à l’origine d’une carrière
criminelle. Aussi, certains métiers exposent plus que d’autres à la criminalité, par
exemple, hôteliers et proxénétisme. L’exercice de certaines professions peut avoir
une influence sur le caractère de celui qui l’exerce. Il en est ainsi par exemple dans
le milieu politique (atteintes au bien public), sportif (corruption) ou dans le milieu
des affaires où l’appât du gain peut constituer un facteur criminogène.
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La criminalité d’affaires est un phénomène ancien, comme en témoignent
l’existence des spéculations illicites sur les produits sous l’Ancien Régime ou les
fréquentes malversations au xixe siècle rapportées dans les romans de Balzac et de
Zola. Au xxe siècle, elle a été étudiée par E. H. Sutherland, auteur de la théorie des
associations différentielles (V. Fiche 7) dans l’ouvrage White collar crime (1940). Il
l’a définie comme étant un ensemble d’activités illégales, déployées dans l’exercice
de leurs activités professionnelles, par des personnes respectables, de statut élevé.
Le milieu des affaires, en favorisant des comportements illicites, tels que fausses
factures, société fictive, comptabilité truquée peut donc se révéler criminogène.

C. Influence du milieu subi

Le milieu subi est celui où vit le criminel, auteur d’une infraction, quand il est arrêté,
jugé et condamné à une peine qu’il exécute en prison. Ce milieu, va-­t‑il l’inciter à
récidiver ou au contraire l’en dissuader ? La prison, facteur criminogène, est une question
largement débattue en droit des peines, au regard notamment des courtes peines de
prison. Le débat n’est pas clos. Du point de vue criminologique, on peut seulement
affirmer que ce qui est criminogène, ce n’est pas la prison en tant qu’institution mais
la façon dont est exécutée la peine privative de liberté. Le surpeuplement carcéral
et les conditions de vie l’intérieur des établissements pénitentiaires sont loin de
préparer le délinquant, de façon satisfaisante, à sa réinsertion. Sur la prison comme

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facteur ou non de la récidive, V. A. Bebin, Quand la justice crée l’insécurité, Fayard,
2013, p. 131 et s.

• À retenir

La plupart des facteurs criminogènes n’agissent pas en un trait de temps mais


sur une période plus ou moins longue au cours de laquelle l’individu se trouve
confronté à des situations diverses. C’est leur interaction, leur accumulation ou
leur persistance qui permet une appréhension multidimensionnelle des conduites
criminelles.

Pour en savoir plus


− D. Farrington, « Examen critique des influences environnementales et familiales de la
délinquance », Criminologie, 1994, n° 1, p. 23.
− J. Murray et D. Farrington, « Les effets sur l’enfant de l’incarcération parentale », AJ
pén., 2011, p. 398.
− Sur l’inadaptation scolaire, V.R. Gassin, S. Cimamonti, P. Bonfils, Criminologie, Précis
Dalloz, 7e éd., p. 559 à 568.
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− E. Dugas, Les violences scolaires d’aujourd’hui en question, L’Harmattan, 2018.
− E. Debardieux, Violences à l’école : un défi mondial, A. Colin, 2008.

POUR S’ENTRAÎNER : QUESTIONS

Parmi ces affirmations lesquelles sont justes ?


a. l’enfermement en prison est toujours criminogène
b. le milieu urbain connaît le même taux de criminalité que le milieu rural
c. D. Szabo a montré le lien entre développement urbain et criminalité
d. les familles dissociées sont toutes criminogènes
e. Sutherland est l’auteur de « criminalité en col blanc »
f. l’imitation joue un rôle important dans la formation de la personnalité
g. l’inadaptation des mineurs au milieu scolaire peut être criminogène
h. le milieu professionnel n’a aucune incidence sur la délinquance
i. les conduites criminelles s’expliquent par l’interaction de plusieurs
facteurs

CORRIGÉ

c. ; e. ; f. ; g. et i.

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