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Le Nouveau Roman et Les petits chevaux

de Tarquinia

Le Nouveau Roman s’inscrit dans la France d’après-guerre, ravagée et


dépourvue d’illusions. Ses auteurs tentent alors, à travers leurs écrits, de
retranscrire le sentiment de malaise et d’insécurité, encore présent dans ce
climat de guerre froide. La prise de connaissance des études de Freud sur
la psychanalyse et l’inconscient influence leur conception du personnage, à
la psychologie énigmatique et insaisissable. C’est également à cette
époque que la société de consommation prend son essor, sacralisant
l’objet, le matériel. Le mouvement se développe donc dans un contexte de
changements des mentalités et de la société, un contexte de reconstruction,
de renouveau.

Le Nouveau Roman rompt avec la traditionnelle forme balzacienne du


roman, c’est à dire composée d’une intrigue et de personnages « types »
qui, au XXe siècle, ne représentent plus la réalité psychologique actuelle.
Dans son ouvrage Pour un nouveau roman , écrit en 1963, Alain Robbe-
Grillet évoque à ce sujet : « Le roman de personnages appartient bel et
bien au passé, il caractérise une époque : celle qui marqua l’apogée de
l’individu. ». En effet, suite aux deux guerres mondiales meurtrières, face à
l’évolution inquiétante d’armes de plus en plus destructives, la place de
l’homme est devenue presque insignifiante, son « apogée » n’est plus
d’actualité.
Les auteurs de ce mouvement rejettent la notion de héros, la cohérence
psychologique des personnages, la vraisemblance et l’omniscience du
narrateur au profit du monologue intérieur. Ils portent donc leur intérêt
particulièrement sur la vie intérieure de l’individu, qui est au centre du
récit. Tandis que, son identité à tendance à disparaître : absence de nom, de
forte personnalité. Les auteurs travaillent sur la mémoire, les souvenirs des
personnages.
L’intrigue est plus complexe puisqu’elle est le croisement de différentes
histoires, de différents points de vue. Son aspect énigmatique demande au
lecteur d’être plus actif. Les thèmes principaux relèvent du quotidien, de la
banalité, et l’action est concentrée sur des évènements sans importance.
Une même scène ou des scènes similaires peuvent se répéter sous des
angles multiples.
Les auteurs du Nouveau Roman délaissent l’écriture sophistiquée des
romans du XIXe en optant pour une rédaction plus moderne, un langage
plus courant, voire familier. Ils ont une complète liberté de style.
D’après Jean Ricardou, « Le roman n’est plus l’écriture d’une aventure,
mais l’aventure d’une écriture ». En effet, les auteurs du Nouveau Roman
proposent une lecture différente, où, en l’absence de personnages et d’une
intrigue clairement définis, le lecteur se concentrent uniquement, non pas à
ce qui est écrit, mais au processus d’écriture en cours. Chaque nouveau
roman se désire être porteur de novations et le laboratoire
d’expérimentation pour lequel l’écriture serait l’objet d’étude.
Le Nouveau Roman, caractérisé en parti par une série de rejets, se fait
coller des étiquettes par les critiques telles que celles d’« anti-roman » ou
d’« école du refus ».
L’Ère des soupçons de Nathalie Sarraute, publié en 1956, dans lequel elle
analyse la contribution des précurseurs du roman moderne (Proust, Kafka,
Woolf) à la révolution romanesque d’après- guerre, est considéré comme
l’œuvre précurseur du courant. Paru en 1963, Pour un nouveau roman,
d’Alain Robbe-Grillet, joue le rôle de manifeste pour le mouvement car
l’auteur y prend sa défense et conteste le roman traditionnel.
Les auteurs qui illustrent ce mouvement sont : Alain Robbe-Grillet,
Nathalie Sarraute, Claude Simon, Michel Butor, Robert Pinget, Jean
Ricardou, Claude Ollier, Samuel Becket, Marguerite Duras et Claude
Mauriac. La plupart de ces écrivains se regroupent autour des Éditions de
minuit.
Mon choix :

Pour illustrer le mouvement du Nouveau Roman j’ai choisi l’œuvre Les


petits chevaux de Tarquinia de Marguerite Duras, publié en 1953. Je
connaissais cette auteure uniquement de nom et ignorait ses œuvres, leur
nature et leurs sujets. Ce devoir fut l’occasion pour moi de le découvrir. Le
choix du roman fut déterminé par l’avis de ma mère, qui avait lu Les petits
chevaux de Tarquinia dans sa jeunesse et en avait gardé un souvenir
agréable.

Résumé :
L’histoire est celle d’un groupe d’amis en vacances dans un village isolé
d’Italie et qui, tout simplement, cherchent à s’occuper. Parallèlement, un
couple de vieux viennent de perdre leur fils démineur. Dans le déni de sa
mort, ils refusent de quitter le lieu du décès, dans la montagne.

Les caractéristiques qui font de ce roman un « Nouveau Roman » :


La mémoire : Duras utilise à de nombreuses reprises la matière de la
mémoire en évoquant les souvenirs de ses personnages : « tout à coup,
Sarah se souvint de ce que Ludi avait dit d’elle. Il y avait maintenant huit
jours de cela. Jacques le lui avait répété un soir (...) ». Tout au long du récit
nous retrouvons des alternances entre les pensées intérieures d’un
personnage et l’action en cours de l’histoire : « Elles descendirent
ensemble des rochers. Peut-être qu’il n’y avait pas que l’amour et que le
désir lui aussi pouvait se désespérer de tant de constance. Qui sait ? Gina
était déjà loin dans la mer. ». Nous pouvons remarquer chez Duras
l’influence de la fameuse « madeleine de Proust » dans certains passages :
« Puis le pêcheur recommençait (...)Il revint à la mémoire de Sarah
d’autres pêcheurs qui, (…), jetaient leurs filets de la même façon sereine,
parfaite. ».
Des personnages anonymes : Les personnages qui ne composent pas le
groupe n’ont pas de noms, ils sont désignés par ce qu’ils représentent pour
le groupe d’amis : « l’enfant », « l’homme », « l’épicier », « la femme »,
« la bonne », etc. Cela renforce l’idée que les amis sont en osmose,
indépendamment des « autres ».

Un roman qui s’inscrit dans le contexte d’après-guerre : Ce roman


s’inscrit tout à fait dans le temps d’après-guerre puisque un des piliers de
l’intrigue est la mort d’un jeune homme lors d’un déminage. Cette tragédie
renvoie directement à ce terrible passé encore récent : «ce n’était pas
n’importe quelle mort que cette-là, que ce jeune avait été une victime
lointaine, certes, mais réelle de la guerre, et que c’était à ce titre que la
commune avait observé le deuil. ».
Certaines phrases laissent supposer des références aux guerres : « Le frère
était mort, et avec lui, l’enfance de Sara. Il devait en être toujours ainsi, et
dans tous les cas, désirait croire, ce jour-là, Sara. ». L’individu face au non-
sens de la guerre et du nombre effarant de victimes, préfère penser que
cela dépendait de la fatalité, que d’essayer d’en trouver une raison
cohérente. Le prénom « Sara » est un prénom à connotation juive, nous
pouvons nous demander si son frère n’a pas été une victime des camps
nazis.
« Ils parlèrent de la chaleur, de la mer, des chances de guerre dans le
monde. Personne n’était d’accord avec personne sauf en ce qui concernait
la chaleur et la mer. » Dans le contexte de la guerre froide, les tensions
mondiales sont sujets de discorde au sein du groupe d’amis, de la société
en générale.
Il semblerait que les personnages représentent une classe bourgeoise (ils
résident dans une villa), lettrée (« Nous, les spécialistes du langage »). Ils
sont blasés, n’apprécient pas la chance d’être en vacances, la tranquillité,
qui fut pourtant rare lors des tourments de la guerre.
Ils agissent constamment en groupe, nous pouvons nous interroger si cela a
un lien avec le communisme, idéologie très présente en France à cette
époque-là.

La liberté de style : Duras ne se soucie pas de la variété de son écriture,


du vocabulaire ; le même mot est souvent répété à peu d’intervalle.
Le roman est composé principalement de dialogues, la place de la
description du temps et du paysage y est également importante : « Le ciel
s’était un peu éclairci ».
Un langage plus moderne est employé : les personnages s’expriment de
manière familière, voire parfois grossière : « - Et ton chapeau, où tu l’as
foutu ? », « - Dis-le à ta salope de mère ».

Le récit a lieu dans un huis clos singulier : « Elle n’avait rien avoir, cette
mer là, avec aucune autre mer du monde. », « Est-ce que » ce n’est pas
vrai qu’il n’y a nulle part ce même soleil ? ». Les personnages se rendent
toujours aux mêmes endroits tous les jours : à la mer, au restaurant de
l’hôtel, dans la montagne. Le lieu exerce une influence sur eux, la chaleur
est une des causes essentielles de leur mauvaise humeur, il est
omniprésent, envahissant : « La mer pénétrait alors dans l’épaisseur des
cheveux jusqu’à la mémoire. ».

Des thèmes ordinaires :


- L’amitié : Les personnages se présentent comme étant amis mais
pourtant ont du mal à s’entendre et à se faire confiance « -Mais j’en ai
marre de ton marxisme à la fin ! ». L’amitié semble leur être nécessaire
dans ce cadre estivale : « Et comme ils étaient en vacances, elle n’eut rien
d’autre à faire que d’attendre l’arrivée de Ludi ou de Diana. ». L’action est
perpétuellement menée en groupe. Ludi est le leader du groupe : « Jacques
aurait bien voulu aller dans la montagne, mais Ludi ne voulait pas y aller tout
de suite et il resta avec lui. ». Il est le seul à véritablement aimer ce lieu,
tous les autres, qui pourtant le détestent (« Je ne peux plus le supporter. Il
me dégoûte, je ne peux plus le supporter. »), l’ont suivi dans ce choix de
vacances. « -Quel temps magnifique, dit-il. - Tu te fous de notre gueule, dit
Jacques. » Malgré leurs nombreux conflits et désaccords, leurs sentiments
les uns envers les autres sont sincères : « Je vous aime tellement qu’il me
semble quelques fois que c’est à partir de vous que j’ai découvert
l’amitié. ».
- L’amour : Le groupe d’amis est composé de deux couples. Jacques et
Sara, après 7ans d’amour, s’ennuient ensemble. L’idée de se séparer n’est
pas farfelue à leurs yeux : « si on doit vraiment se séparer, ce n’est pas la
peine de commencer si tôt à se gâcher la vie avec ça ». Mais de nombreux
indices nous donnent la certitude qu’ils tiennent, tout de même, l’un à
l’autre : « Quand t’es pas là ça me fait chier. ». La relation éphémère
qu’aura Sara avec l’homme lui fera réaliser que l’amour ne peut être
absolu, parfait : « Il n’y a pas de vacances à l’amour, dit-il, ça n’existe pas.
L’amour, il faut le vivre complètement avec son ennui et tout, il n’y a pas
de vacances possible à ça. (…) Et c’est ça l’amour. S’y soustraire, on ne
peut pas. Comme la vie, avec sa beauté, sa merde et son ennui. ». Ludi et
Gina sont un couple orageux mais pourtant ne semblent pas pouvoir se
passer l’un de l’autre : « - Et si c’est toi que je veux, espèce de connasse,
cria Ludi, et si c’est de la salope que tu es que je veux ! ». La vision de
l’amour est plutôt négative : « -Tout amour vécu est une dégradation de
l’amour, déclara Diana en riant. ». Le rire, dans l’œuvre de Duras,
dédramatise le pessimisme des personnages.
- L’envie d’un nouveau départ : Le désir de changer de vie est très
présent dans le livre : Ludi rêve depuis des années d’aller à New-York
avec Gina, mais celle-ci le lui refuse. Le roman porte le nom Les petits
chevaux de Tarquinia car Jacques souhaite partir de ce lieu avec Sara pour
voir ces « petits chevaux étrusques » et peut-être, aussi, pour l’éloigner de
l’homme. Ce voyage sortirait le couple de son quotidien et donc, le
sauverait. Les deux hommes sont dépendants de leur compagne : « Je
voudrais de toutes mes forces pouvoir par exemple partir tout seul. Sans
toi. ». Vers la fin du roman, tous les amis se mettent d’accords pour
changer leur quotidien : en premier lieu, manger autre chose que du
poisson au restaurant.
- L’alcool : Les bitter campari sont omniprésent : les personnages ne
cessent d’en boire, du matin au soir, peut-être pour combler ou oublier leur
ennui. C’est une obsession, particulièrement pour Diana : « -Bois un autre
bitter campari, dit Diana. Je crois beaucoup au bitter campari. ».
« C’étaient des boissons fraîches, qu’on buvait comme de l’eau et qui
rendaient joyeux et plein d’initiative, aussitôt bues. »
Les sujets des discussions se répètent : la chaleur, la question du couple et
de l’amour, les parents du démineur, la nourriture, les bitter campari,
l’homme. « -Qu'est-ce que c'est que la portée et la signification de
l'amour ? demanda Sara. » « Mais la nourriture, c’est symbole pour moi. »

Les mêmes scènes se répètent : Les actions des personnages se


reproduisent sans arrêts : dormir, aller à la mer, boire des bitter campari,
rendre visite aux parents du jeune décédés, jouer aux boules, etc :« A part
les nuits,quand on dort, la mer et, enfin, l’amour, je ne vois pas ce qu’on
peut faire. ». Nous avons l’impression, au cours de la lecture, d’assister à
un jour sans fin : « comme chaque jour à cette heure-là », « Chaque soir, à
cette heure-là ».

Le croisement entre plusieurs histoires : Nous pouvons faire un


parallèle entre Sara et la femme. Chacune s’écarte du groupe : la vieille ne
parle presque pas, refuse de signer l’acte de décès de son fils, Sara évite de
rester avec ses amis. Elles devront, toutes les deux, faire un choix : la
femme, se décider à partir, accepter que la vie continue après la mort; Sara,
renoncer au désir, admettre les imperfections de l’amour (« -Aucun amour
au monde ne peut tenir lieu de l’amour, il n’y a rien à faire. »). Chacune
est/était très attachée à son enfant : la femme, terrassée par la mort de son
fils, répète plusieurs fois, sans raison, le mot « Amour ».
La liberté du lecteur : Duras n’indique pas de manière précise les
expressions, les manières de parler de ses personnages. Ces absences
d’indications permettent au lecteur d’interpréter à sa manière leurs paroles
et leurs gestes. Il est actif au cours de sa lecture. Il y a beaucoup de non-
dits : par exemple, nous ignorons l’âge de Sara. Il semble, à la fois, qu’elle
soit jeune puisque qu’elle a un enfant de 4 ans mais il lui arrive pourtant de
se sentir âgée : « Jeune, elle les avait désirés. Maintenant que c’était,
croyait-elle le moment de vieillir, elle aurait préféré (…) que cette
échéance se déroulât ailleurs ». Nous pouvons donc imaginer de manière
plus personnelle l’histoire.

Cependant, ce livre n’est pas en complète harmonie avec le mouvement.


Le temps se déroule de manière linéaire, il est précisé même avec une
grande application : « En deux minutes, elle sortit l’auto, et en cinq
minutes elle fut sur la place de l’hôtel.». Le nombre de jours où la femme
n’a pas signé le certificat de décès est compté :« ça fait quatre jours ».
De plus certains caractères ne sont pas effacés comme dans les œuvres
du Nouveau Roman mais au contraire bien affirmés. Nous pouvons citer
ceux du couple de Ludi et Gina : « Si vous étiez ma bonne, dit Gina, je
vous enverrai une paire de gifles. ».
Mais, leurs réactions sont parfois surprenantes, dénuées de bon sens
pour le lecteur, ce qui fait d’eux des personnages du Nouveau Roman,
incohérents et ambigus : « Je ne veux plus voyager, dit Gina. Je ne veux
plus rien que crever. ». Par exemple, lorsque Gina souhaite offrir les pâtes
au vongole au vieux couple, Ludi réagit de manière exagérée : « Je
préférerais que tu me trompes, à la fin ». Certaines réactions, réponses
semblent étranges pour le lecteur : « Je voulais te dire quelque chose, une
idée qui m’est venue. - Quand ? » répond Sara au lieu de « Quoi ? », elle
porte plus d’importance à la temporalité qu’à l’idée même.
L’extrait :
Cet extrait se situe au début du roman, lorsque, au bar de l’hôtel, Sara,
attendant son amie Diana, discute avec l’homme. Ils évoquent l’idée
d’aller ensemble faire un tour de bateau.
En quoi cet extrait est révélateur du reste du roman ?
1. Cet extrait donne au lecteur des indications sur l’environnement dans
lequel se déroule l’histoire et la relation entre les personnages.
A. Les personnages sont dépendants les uns des autres.
Sara semble incapable de pouvoir agir sans ses amies. Les prétextes
qu’elle emploie pour ne pas accompagner l’homme sur son bateau est
qu’elle les attend : « j’attends Diana ». Cela montre bien l’interdépendance
qui lie ce groupe d’amis, ils ne font jamais rien sans l’autre.
Sara s’intéresse à son avis extérieur sur ses amis : « Vous les trouvez
gentils ? ». Cette question, un peu enfantine, montre qu’elle n’est elle-
même pas certaine de leur gentillesse. Au cours de l’histoire, Sara se
détache de ses amis, tout en se rapprochant de l’homme.
L’unique action de cet extrait est l’arrivée de Diana. Elle perturbe leur
entrevue. Elle est le personnage qui remarquera le plus l’idylle qui se
forme entre Sarah et cet inconnu : « Seule, Diana le remarqua. ». Elle est
l’unique célibataire du groupe, ce qui lui donne un regard plus détaché sur
l’amour que les autres : « Et que Diana, on le voyait tout de suite,
comprenait tout à fait ce qui se passait, comme elle comprenait toujours
tout, et qu’elle souffrait comme elle souffrait toujours, pour chacun, de son
impuissance à régir les problèmes de la souffrance et de l’amour. ». Elle
est, tel le lecteur, le témoin des crises, des passions, parfois
incompréhensibles, qui agitent les couples.
B. Le lieu et le temps y sont décrits.
Sara le désigne comme un « endroit infernal ». A plusieurs reprises, tout au
long du livre, elle s’en plaint. Le lecteur vient alors à se demander
spontanément : « Pourquoi y venir en vacance alors ? ». La première chose
dont Diana parle après les avoir salué est la chaleur : « Quelle chaleur ». Si
nous devions désigner un antagoniste ce serait certainement cet élément :
« Le soleil faisait peur. » . La chaleur paralyse les personnages, est la cause
de leur inaction : « Alors attendons la pluie pour partir, dit Sarah. ». Elle
donne l’occasion aux personnages de se plaindre, de se lamenter sur ces
vacances ratées. Le lieu se divise en deux « côtés » : « de ce côté là ». Cela
est significatif : à la fin du roman, Sara doit se décider, soit aller de l’autre
côté du fleuve (où on dit qu’il fait moins chaud) pour retrouver l’homme et
céder à l’adultère, soit rester avec Jacques de ce côté-là.

2. Cet extrait donne lieu à l’élément perturbateur du roman.


A. « L’homme »
« L’homme » est le nouvel arrivant qui va bousculer le quotidien du
groupe d’amis. Il est associé à son bateau à moteur, qui est source d’envie,
de fascination chez les vacanciers « Tout le monde le suivit des yeux. ».
Ici, son bateau est au centre de la discussion, et il le sera à nombreuses
reprises tout au long du roman. Les personnages souhaitent être son amis,
recherchent sa présence car il représente la nouveauté (« Ça change un peu
des autres ») et est indispensable pour les sortir de leur torpeur (« On est
tous là à s’aimer, à s’aimer les uns les autres, qu’est-ce qui nous manque ?
- Peut-être l’inconnu (…) -Heureusement qu’il y a ce type avec son bateau
(…) tout chargé d’inconnu, et chargé à lui seul, le pauvre, d’assumer tout
notre inconnu. » .
B. Un début de romance se forme.
Sara et l’homme se complaisent à la volonté de l’autre : « Si vous
voulez », « Quand vous voudrez ». Sara est surprise de la réponse qu’elle a
laissé s’échapper, de son envie incontrôlé de se retrouver avec lui, d’être à
nouveau désirée. Cela laisse présager leur future aventure.
« Il la regarda » C’est dans cet extrait que débute la longue série de
« regards » de l’homme posés sur Sara. L’auteure n’indique jamais de
quelle manière il la regarde, ce qui laisse au lecteur l’occasion de
l’imaginer. De plus, dans les dialogues, elle n’utilise comme indicateur que
principalement « dit-il », « dit-elle », et donc, encore une fois, nous
sommes libres d’interpréter la manière dont les personnages se parlent.

J’ai choisi cet extrait car je trouve qu’il indique presque l’intégralité des
éléments essentiels du roman. Il annonce le début de la relation entre Sarah
et l’homme, l’unique véritable intrigue du roman. Les liens entre les
personnages, la chaleur, le bateau sont mentionnés. De plus, je considère
que cet extrait illustre le style de Duras : la liberté qu’elle laisse au lecteur,
l’utilisation de la mémoire (« Elle se souvint de ce que Ludi avait dit. ») et
d’un langage moderne.

Mon avis :
Au cours de ma lecture, ce roman ne m’a pas vraiment plu. Le manque
d’actions, les répétitions m’ont fait bayer plus d’une fois. Cependant, les
réactions incohérentes, voire étranges, des personnages m’ont surprise et
amusée. J’ai trouvé leurs discussions et leurs différents points de vue sur
l’amour très intéressants et j’ai aimé penser que Marguerite Duras me
faisait partager ses propres avis contradictoires sur la question. J’ai
réellement aimé ce livre lorsqu’il est devenu, non pas objet de loisir, mais
un objet d’étude. J’ai compris que je m’étais ennuyée parce que l’ennui est
le sujet principal de ce roman, parce que c’était l’ambition de l’auteure. Tel
que Flaubert dans L’Éducation Sentimentale, Duras nous fait ressentir ce
que ses personnages éprouvent : leur lassitude du quotidien même en
vacances...

« Ça n’existe pas les nuits de noces de


l’adultère . »

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