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Fiche 34.

La détention provisoire
Céline Laronde-Clérac
Dans Plein Droit 2019 (2e éd.), pages 227 à 234
Éditions Ellipses
ISBN 9782340035126
© Ellipses | Téléchargé le 02/06/2023 sur www.cairn.info via Université de Strasbourg (IP: 130.79.14.140)

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Fiche 34
La détention provisoire

▶▶ Les objectifs de la fiche


• Définir la détention provisoire
• Connaître les conditions du placement en détention provisoire
• Connaître la durée de la détention provisoire

Références jurisprudentielles
–– Cass. crim., 17 juin 2015, n° 15-82.206 (durée raisonnable)
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–– Cass. crim., 7 févr. 2017, n° 16-86.877 (motivation de l’insuffisance du CJ et de l’ARSE)
–– Cass. crim., 24 janv. 2018, n° 17-86.265 (débat contradictoire)

I. Le cadre général de la mesure


La détention provisoire est une mesure privative de liberté qui permet d’incar-
cérer la personne mise en examen pendant l’instruction. Elle intervient à titre
exceptionnel, si les obligations du CJ ou de l’ARSE sont insuffisantes (CPP, art. 137,
al. 3). Elle ne peut être décidée que dans les cas déterminés par la loi au terme d’une
procédure précise (CPP, art. 143-1 et s.). La décision de placement en détention provi-
soire est susceptible de recours (appel : CPP, art. 186 et référé-liberté : CPP, art. 187-1).
II. Les conditions du placement en détention provisoire
Le placement en détention provisoire est soumis à des conditions de fond et de forme.

Conditions de fond Conditions de forme

Saisine du JLD par ordonnance


Tenant à l’infraction : art. 143-1 CPP
motivée du juge d’instruction qui
— crime
transmet le dossier accompagné des
— délit puni d’une peine correctionnelle
réquisitions du procureur de la
d’une durée égale ou supérieure
à trois ans d’emprisonnement République : art. 137-1 CPP
— le mis en examen s’est volontairement
soustrait aux obligations du CJ Débat contradictoire : art. 145 CPP
JLD statue par une ordonnance motivée
Tenant aux objectifs : art. 144 CPP qui énonce les considérations de droit et
Détention provisoire doit être l’unique de fait sur le caractère insuffisant des
moyen de parvenir à l’un des sept obligations du CJ et le motif de la
objectifs énumérés par ce texte détention par référence aux articles
143-1 et 144 : art. 137-3 CPP
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Les sept objectifs : 1° conserver les preuves ou les indices matériels qui sont néces-
saires à la manifestation de la vérité ; 2° empêcher une pression sur les témoins ou les
victimes ainsi que sur leur famille ; 3° empêcher une concertation frauduleuse entre
la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices ; 4° protéger la personne
mise en examen ; 5° garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition
de la justice ; 6° mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement ; 7° mettre
fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public provoqué par la gravité de
l’infraction, les circonstances de sa commission ou l’importance du préjudice qu’elle
a causé. Ce trouble ne peut résulter du seul retentissement médiatique de l’affaire.
Toutefois, le présent alinéa n’est pas applicable en matière correctionnelle.

III. La durée de la détention provisoire


La détention provisoire ne peut excéder une durée raisonnable, au regard de
la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité des
investigations nécessaires à la manifestation de la vérité. La mise en liberté de la
personne doit être prononcée dès lors que les conditions du placement en détention
provisoire ne sont plus remplies (CPP, art. 144-1).

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Fiche 34
Matières Textes Durée Prolongation Durée totale
Correctionnelle Art. 145-1 Quatre Quatre mois renou- – Un an
CPP mois velables – Deux ans pour
certaines infractions

Criminelle Art. 145-2 Un an Six mois renouve- – Deux ans si peine


CPP lables encourue inférieure
à vingt ans
– Trois ans dans les
autres cas
– Quatre ans pour
certaines infractions

Une prolongation exceptionnelle est possible lorsque les investigations du


juge d’instruction doivent être poursuivies et que la mise en liberté causerait pour
la sécurité des personnes et des biens un risque d’une particulière gravité ; elle est
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décidée par la chambre de l’instruction (CPP, art. 145-1, al. 3, 145-2, al. 3).
En toute matière, la mise en liberté assortie ou non du CJ peut être ordonnée
d’office par le juge d’instruction après avis du procureur de la République ou être
requise à tout moment par ce dernier (CPP, art. 147). Elle peut être demandée à tout
moment par la personne placée en détention provisoire (CPP, art. 148).
En matière correctionnelle, l’ordonnance de règlement met fin à la détention
provisoire (CPP, art. 179, al. 2). En matière criminelle, la personne reste détenue
jusqu’à son jugement (CPP, art. 181, al. 7).

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Les indispensables
• La détention provisoire est une mesure privative de liberté qui permet
d’incarcérer la personne mise en examen pendant l’instruction.
• Elle intervient à titre exceptionnel si les obligations du CJ ou de l’ARSE
sont insuffisantes.
• La décision de placement en détention provisoire est susceptible de
recours (appel, référé-liberté).
• Le placement en détention provisoire est soumis à des conditions de
fond et de forme.
• Condition tenant à l’infraction commise qui doit être d’une certaine
gravité.
• La détention provisoire doit être l’unique moyen de parvenir à un ou
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plusieurs des sept objectifs énumérés par l’article 144 du CPP.
• Le placement en détention provisoire est décidé par le JLD saisi par
le juge d’instruction.
• Le JLD statue par une ordonnance motivée après un débat contra-
dictoire.
• La détention provisoire ne peut excéder une durée raisonnable ; le
CPP prévoit des durées précises.
• En matière correctionnelle, l’ordonnance de règlement met fin à la
détention provisoire alors qu’en matière criminelle, la personne reste
détenue jusqu’à son jugement.

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Cas pratique

CJ et détention provisoire

Henri est mis en examen du chef d’escroqueries commises au préjudice de personnes


âgées. Après avoir recueilli les réquisitions du procureur de la République, le juge d’ins-
truction ordonne un contrôle judiciaire. L’ordonnance indique que cette mesure est
nécessaire pour garantir la représentation en justice d’Henri et éviter qu’il ne puisse
rencontrer les victimes. Le juge d’instruction impose à Henri les obligations mentionnées
au 1°, 4°, 5° et 9° de l’article 138 du CPP. Henri s’étant volontairement soustrait à ses
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obligations, le juge d’instruction saisit le JLD aux fins de placement en détention provi-
soire. Dans le respect des conditions légales, Henri est placé en détention provisoire.
Quelques semaines plus tard, Henri déclare au greffe de l’établissement pénitentiaire
où il est détenu qu’il a désigné pour l’assister Maître Franck, avocat, en remplacement
de Maître Vincent. Cette déclaration a été transmise au juge d’instruction en charge
du dossier. Pourtant, quelques mois plus tard, c’est Maître Vincent qui est convoqué
en vue du débat préalable à une éventuelle prolongation de la détention provisoire
d’Henri. À l’issue du débat contradictoire au cours duquel Henri n’est assisté d’aucun
avocat, le JLD ordonne la prolongation de la mesure.

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231
Corrigé

▶▶ Exceptionnellement et sous certaines conditions, la personne mise en examen


peut être placée sous CJ ou en détention provisoire. C’est le cas d’Henri dans le cas
pratique qui nous est soumis. Il a été placé sous CJ (1) puis en détention provisoire (2).

▶▶ 1. Le contrôle judiciaire

Problèmes juridiques : le CJ est-il justifié ? La procédure a-t-elle été respectée ?

Pour qu’un CJ puisse être ordonné, plusieurs conditions doivent être remplies :
–– la personne mise en examen doit encourir au moins une peine d’emprison-
nement correctionnel (CPP, art. 138, al. 1er) ;
–– la mesure doit être justifiée par les nécessités de l’instruction ou être ordonnée
à titre de mesure de sûreté (CPP, art. 137, al. 2).
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D’un point de vue formel, le CJ est ordonné par le juge d’instruction qui statue
après avoir recueilli les réquisitions du procureur de la République (CPP, art. 137-2).
En l’espèce, Henri est mis en examen du chef d’escroqueries commises au préjudice de
personnes âgées. Selon l’article 313-2 4° du CP, l’escroquerie est aggravée lorsqu’elle
est réalisée au préjudice d’une personne particulièrement vulnérable en raison de
son âge. L’auteur encourt sept ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende.
Henri encourt une peine correctionnelle. La première condition est donc remplie.
Selon la jurisprudence, l’ordonnance du juge d’instruction doit préciser les circons­
tances justifiant le CJ au regard des objectifs légaux (Cass. crim., 13 févr. 2002,
n° 01-87.975). Cependant, le juge d’instruction apprécie souverainement si la
mesure est nécessaire (Cass. crim., 19 mars 2002, n° 01-88.829).
En l’espèce, l’ordonnance indique que la mesure est nécessaire pour garantir la
représentation en justice du mis en examen et pour éviter qu’il ne puisse rencontrer
les victimes. Cette motivation permet de justifier la mesure et les obligations imposées
au mis en examen sont en adéquation avec ces objectifs : 1° ne pas sortir de certaines
limites territoriales ; 4° informer le juge d’instruction de tout déplacement au-delà de
ces limites ; 5° se présenter périodiquement aux services de police ; 9° s’abstenir de
rencontrer certaines personnes. Par ailleurs, l’énoncé indique que le juge d’instruction
a statué après avoir recueilli les réquisitions du procureur de la République.
Les conditions du CJ sont donc réunies et la procédure a été respectée.

232
▶▶ 2. La détention provisoire

Fiche 34
Problèmes juridiques : le fait de se soustraire volontairement aux obligations
du CJ peut-il justifier un placement en détention provisoire ? La procédure
de désignation d’un nouvel avocat a-t-elle été respectée ? L’ordonnance de
prolongation de la détention provisoire est-elle frappée de nullité faute pour
l’avocat du mis en examen d’avoir été convoqué au débat contradictoire et
d’avoir pu y assister son client ?

a. Le placement initial en détention provisoire


Selon les articles 141-2 et 143-1 du CPP, si la personne se soustrait volontairement
aux obligations du CJ, le juge d’instruction peut saisir le JLD aux fins de placement
en détention provisoire. En l’espèce, l’énoncé indique qu’Henri s’est soustrait
de manière volontaire aux obligations. Le juge d’instruction a donc pu saisir le
JLD. Selon l’énoncé, l’ordonnance de placement en détention provisoire a été
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prise dans le respect des conditions légales.

b. La procédure de désignation d’un nouvel avocat


Selon l’article 115 du CPP, les parties peuvent à tout moment de l’information
faire connaître au juge d’instruction le nom de l’avocat choisi par elles. Lorsque
la personne mise en examen est détenue, le choix effectué peut faire l’objet d’une
déclaration auprès du chef de l’établissement pénitentiaire qui est adressée
sans délai au greffier du juge d’instruction.
En l’espèce, le mis en examen déclare au greffe de l’établissement péniten-
tiaire où il est détenu qu’il a désigné pour l’assister Maître Franck, avocat, en
remplacement de Maître Vincent. Cette déclaration a été transmise au juge
d’instruction en charge du dossier.
La procédure de désignation d’un nouvel avocat a donc été respectée.

c. La prolongation de la détention provisoire


Selon l’article 145-1 du CPP, en matière correctionnelle, la détention provisoire
peut, à titre exceptionnel, être prolongée par le JLD au moyen d’une ordon-
nance motivée rendue après un débat contradictoire organisé conformément
aux dispositions du sixième alinéa de l’article 145, l’avocat ayant été convoqué
selon les dispositions du deuxième alinéa de l’article 114. Ce texte prévoit que
les avocats sont convoqués au plus tard cinq jours ouvrables avant la tenue du
débat contradictoire par LRAR, télécopie avec récépissé ou verbalement avec
émargement au dossier de la procédure.
Selon la chambre criminelle de la Cour de cassation, la détention provisoire ne
peut être prolongée que par une ordonnance rendue après un débat contradic-
toire, l’avocat désigné par le mis en examen ayant été convoqué conformément
aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 114. Viole les textes applicables
et ce principe la chambre de l’instruction qui refuse de faire droit à la demande
d’annulation de l’ordonnance de prolongation de la détention provisoire prise

233
après un débat contradictoire où le mis en examen n’était pas assisté d’un avocat.
Son avocat valablement désigné en remplacement d’un autre n’avait pas été
convoqué au débat (Cass. crim., 20 août 2014, n° 14-83.699).
En l’espèce, le juge d’instruction a été averti qu’Henri avait désigné un nouvel
avocat en remplacement de Maître Vincent. Pourtant, c’est Maître Vincent qui a
été convoqué au débat contradictoire préalable à l’ordonnance de prolongation
de la détention provisoire. Maître Vincent ne représentant plus Henri ne s’est
évidemment pas présenté et son nouvel avocat Maître Franck n’a pu se présenter
faute d’avoir été convoqué. En conséquence, Henri n’a été assisté d’aucun avocat
durant le débat contradictoire. En application de la jurisprudence précitée, le mis en
examen peut obtenir devant la chambre de l’instruction la nullité de l’ordonnance
de prolongation de sa détention provisoire.
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