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Applications industrielles du froid

Généralités
par Christophe MARVILLET
Ingénieur de l’École centrale de Lyon
Chef de laboratoire au CEA / GRETh (Groupement pour la recherche sur les échangeurs
thermiques)
Enseignant à l’IFFI (Institut français du froid industriel) - CNAM Paris

1. Différentes fonctions de la réfrigération dans les procédés


industriels .................................................................................................. BE 9 755 - 3
1.1 Fonctions de la réfrigération dans le domaine industriel ........................ — 3
1.2 Poids respectif des différents secteurs dans l’application du froid......... — 3
1.2.1 Froid mécanique ................................................................................. — 3
1.2.2 Froid cryogénique............................................................................... — 3
2. Effet de la température sur la matière inerte ou vivante ............. — 4
2.1 Influence de la température sur les propriétés physiques des solides... — 4
2.2 Influence de la température sur l’état thermodynamique d’un corps .... — 4
2.3 Influence de la température sur les transformations chimiques et
physico-chimiques des substances............................................................ — 7
2.3.1 Réaction chimique .............................................................................. — 7
2.3.2 Adsorption........................................................................................... — 8
2.3.3 Cristallisation ...................................................................................... — 9
2.3.4 Congélation des solutions aqueuses ................................................ — 11
2.3.5 Lyophilisation...................................................................................... — 11
2.4 Influence de la température sur les processus de transformation des
produits alimentaires .................................................................................. — 13
2.4.1 Traitements frigorifiques préalables à la conservation des
produits alimentaires (fonction froid-maintien)............................... — 13
2.4.2 Froid mécanique et maîtrise de la fermentation.............................. — 14
Références bibliographiques ......................................................................... — 15

n définit le terme « réfrigération d’un corps, d’un procédé... » comme le


O processus d’abaissement de température de ce produit ou de ce procédé
au-dessous de la température ambiante.
Ainsi, par définition, la réfrigération d’un produit ou d’un procédé implique :
— un processus d’absorption de la chaleur fourni par le produit ou le pro-
cédé à refroidir. Ce processus endothermique peut mettre en œuvre des
dispositifs technologiques variés ainsi que des fluides d’une grande diversité
aussi bien pour la production de froid que pour le transport du « froid » entre
le lieu de production et le lieu d’utilisation ;
— un niveau de température du procédé compris entre le zéro absolu et la
température ambiante : pour prendre en compte cette large gamme de
conditions d’utilisation et de production du « froid » associée à ces tempéra-
tures, on distinguera dans la suite de cet article, deux modes de réfrigération :
• le froid mécanique qui est généralement produit grâce aux machines
frigorifiques traditionnelles à cycle à compression dont le domaine habituel
de température se situe entre – 50 oC et 10 oC ou à cycle à absorption ou à
adsorption dont les domaines de température sont proches mais dont
l’usage reste beaucoup plus restreint en France,

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• le froid cryogénique obtenu grâce à des fluides industriels tels que


l’azote liquide, l’hélium ou le dioxyde de carbone suivant le niveau de tem-
pérature requis et dont le domaine habituel d’utilisation se situe au-dessous
de – 70 oC.
Le tableau A résume les domaines traditionnels d’emploi de la réfrigération
et le mode de production de froid associé avec le fluide frigorigène impliqué
dans la production du froid.
(0)

Tableau A – Exemples d’application du froid mécanique et cryogénique


Mode Fluides utilisés
Niveaux escomptés
de Applications industrielles pour la production
de température
réfrigération de froid
Conditionnement de l’air pour
le confort des êtres vivants et le Entre la température Fluide HCFC (R22)
b o n f o n c t i o n n e m e n t d e s ambiante et 0 o ou HFC (R134a ou
équipements industriels C R407C)
sophistiqués
Génie agroalimentaire : trans-
formation, entreposage et
Froid transport de produits alimen-
taires et de boissons pour limi- De 7 oC à – 40 oC Fluide HFC (R404A) ou
mécanique NH3
ter le développement de
produits chimiques ou bio-
chimiques indésirables
Génie de l’environnement :
c a p t a t i o n d e s v a p e u r s d e Entre la température
solvants, déshydratation des ambiante et – 40 oC Fluides HFC ou NH3
boues, séparation sel-solution
aqueuse...
Génie agroalimentaire : trans-
formation, entreposage et
transport de produits alimen- Azote liquide
taires et de boissons pour De 7 oC à – 40 oC ou neige carbonique
limiter le développement de (CO2 en phase solide)
produits chimiques ou bio-
chimiques indésirables
Génie civil : congélation et Entre la température
solidification des sols ambiante et – 45 oC Azote liquide
Génie de l’environnement :
cryocondensation de vapeurs Entre la température Azote liquide
de solvants, cryoconcentration ambiante et 77 K
de solutions aqueuses
Froid Génie chimique : liquéfaction Entre la température N
cryogénique et séparation des gaz ambiante et 20 K 2 , O2 , hydrocarbures

Génie des matériaux : cryo- Entre la température


b r o y a g e d e s c a o u t c h o u c s , ambiante et 77 K Azote liquide
ébarbage de pièces plastiques
Génie médical et biologique : Entre la température
conservation des cellules, du Azote liquide
sang, cryochirurgie ambiante et 77 K

Entre la température
Matériaux supraconducteurs ambiante et 0 K Hélium liquide

Physique basse température


pour les chambres à bulles, les Entre la température Hélium liquide
aimants supraconducteurs, les ambiante et 0 K
cryopompes...

Cette étude sur les applications industrielles du froid se compose de deux articles :
[BE 9 755] Applications industrielles du froid. Généralités ;
[BE 9 756] Applications industrielles du froid. Industries utilisatrices.
Pour de plus amples renseignements, le lecteur pourra aussi consulter, dans ce traité, tous
les articles de la rubrique « Froid » (vol. BE4 et vol. BE5).

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1. Différentes fonctions
Industrie : Autres
de la réfrigération dans confort et maintien

les procédés industriels Industrie :


procédé

Tertiaire : Résidentiel :
maintien
1.1 Fonctions de la réfrigération confort

dans le domaine industriel


Les fonctions du froid dans le monde industriel et, plus large-
ment, dans le monde actuel peuvent être identifiées sous quatre Tertiaire :
aspects. maintien Résidentiel :
confort
■ Froid-procédé
Il constitue le froid nécessaire au traitement de la matière (inerte
Figure 1 – Répartition par secteur et par fonction des applications
ou vivante). Cette notion recouvre un large domaine industriel ; par
du froid
exemple :
— dans l’industrie agroalimentaire, le refroidissement en fin de
cuisson, la production de glace alimentaire ou la congélation
rapide de produits alimentaires ; En France, la consommation d’électricité pour la production de
— dans l’industrie chimique, la liquéfaction ou la purification de froid peut être évaluée à 9 % de la consommation globale (32 TWh
gaz industriels, la trempe en sortie de réacteur, la séparation de pour une consommation globale de 349 TWh en 1990).
solides par cristallisation ou la concentration de solutions par ■ Le secteur résidentiel (réfrigérateurs et congélateurs ménagers,
congélation ; climatisation de petite puissance...) représente plus de la moitié
— dans l’industrie mécanique, la transformation des polymères ; (52 %) de la consommation totale. La fonction froid-maintien
— dans le génie civil, la congélation des sols ; (réfrigérateur-congélateur) est la fonction de loin la plus importante
— dans le génie médical, le traitement des tumeurs ou la cryo- dans ce secteur (82 % de la consommation résidentielle).
chirurgie...
■ Le secteur tertiaire, dans lequel on regroupe les locaux d’entre-
■ Froid-maintien
prise, les commerces et les entrepôts, représente 25 % de la
Il constitue le froid nécessaire à la stabilité des caractéristiques consommation globale. La fonction froid-maintien (entrepôts
physiques, biologiques ou chimiques des produits. Cette fonction frigorifiques, meubles frigorifiques de vente) représente 52 % des
peut être déclinée sous trois formes : usages. La fonction froid-confort (climatisation) constitue l’autre
— le maintien-stockage (par exemple, la conservation en grande application du froid dans ce secteur.
entrepôt frigorifique de produits alimentaires) ;
— le maintien-vente (associé essentiellement à la vente de ■ L’industrie ne représente que 14 % de la consommation
produits alimentaires) ; d’électricité pour le froid avec, par contre, une part très importante
— le maintien-mobile associé au transport de produits sous de la fonction froid-procédé (> 75 %). Les fonctions confort, sécu-
température contrôlée. rité et maintien ont une contribution modeste à l’ensemble.

■ Froid-sécurité
Il constitue le froid obligatoire pour la protection des hommes et 1.2.2 Froid cryogénique
des biens. On peut citer comme exemple le conditionnement d’air
des salles d’ordinateurs ou des cabines de ponts roulants dans On se doit de distinguer dans ce domaine deux secteurs fort
l’industrie sidérurgique. différents :
■ Froid-confort — la séparation et la purification des gaz de l’air (N2 , O2 , CO2 ,
argon...) qui constitue une activité industrielle majeure utilisant des
Il constitue le froid nécessaire pour créer une ambiance
procédés cryogéniques. La production mondiale d’azote excède
satisfaisante pour les activités humaines qu’elles soient de loisir ou
20 Mt par an et celle d’oxygène est sensiblement plus faible ;
de travail. Le conditionnement d’air et la climatisation relèvent de
— la liquéfaction des gaz hydrocarbures : les procédés de liqué-
cette fonction.
faction du gaz naturel constituent une des applications industrielles
L’utilisation du froid dans les applications industrielles concerne majeures des techniques frigorifiques et représentent une capacité
généralement du froid-procédé. Certaines de ces fonctions peuvent de production industrielle mondiale supérieure à 3 Mt pour le gaz
jouer un rôle important comme, par exemple, le froid-confort dans naturel liquéfié.
le monde industriel mais ne se distinguent pas — ni par leur fina-
lité ni par leur technologie — des applications courantes et ne À ces secteurs de production (séparation et épuration) ou de
seront pas traitées dans cet article. conditionnement (liquéfaction) de gaz de l’air ou de gaz hydro-
carbures, il faut ajouter les domaines dans lesquels les fluides
cryogéniques sont utilisés lors de leur évaporation ou de leur subli-
mation comme source de froid à basses températures. Ce marché
1.2 Poids respectif des différents du froid cryogénique, c’est-à-dire de l’application des fluides indus-
secteurs dans l’application du froid triels et cryogéniques aux besoins en froid, qui correspond essen-
tiellement à la consommation d’azote et de glace carbonique
1.2.1 Froid mécanique comme le montre dans l’introduction le tableau A, est un marché
de « niches » très diverses et en forte évolution ces dernières
Une évaluation du poids respectif de ces différentes applications années. Par ailleurs, l’utilisation de gaz industriels (tels que N2 )
du froid dans l’économie (figure 1) — en particulier en France — et peut, pour un même atelier, être associée à des processus indus-
de l’importance de la réfrigération peut être faite à partir d’une triels très variés permettant une valorisation du gaz de l’état liquide
analyse de la puissance installée pour les machines frigorifiques à l’état gazeux : c’est le cas, par exemple, dans l’industrie de la
traditionnelles dans l’industrie, le tertiaire et le résidentiel. chimie fine où l’azote liquide est valorisé en tant que fluide de

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refroidissement d’un dispositif de captation de solvants et en tant (proche de 10 % par rapport à la température ambiante), de la
que gaz d’inertage des réacteurs de l’atelier. limite d’élasticité (de 30 % à 100 %) et de la contrainte de rupture
Il est donc difficile d’évaluer les consommations de gaz indus- (facteur d’accroissement de 2 à 3) ; ainsi :
triels associés à chacune des applications recensées : on relèvera — pour les aciers inoxydables, la limite d’élasticité, qui varie
toutefois que, sur la consommation mondiale de gaz industriels, de 20 à 100 daN/mm2 à la température ambiante suivant l’état
6 % sont associés aux industries agroalimentaires pour lesquels les métallurgique du métal, atteint des valeurs comprises entre
gaz industriels sont essentiellement utilisés comme fluides de 70 et 160 daN/mm2 à 4 K. Les limites de rupture pour ces aciers se
refroidissement. Par ailleurs, la consommation de glace carbo- situent dans une fourchette de 60 à 130 daN/mm2 à la température
nique est évaluée à 16 000 t /an en France et dépasse 400 000 t /an ambiante et entre 130 à 250 daN/mm2 à 4 K ;
au niveau mondial. — les alliages légers connaissent également des accroissements
significatifs de leurs propriétés mécaniques (accroissement de la
limite d’élasticité située entre 12 à 30 daN/mm2 à la température
ambiante jusqu’à une fourchette de 60 à 80 daN/mm2 à 4 K).
2. Effet de la température ■ Par ailleurs, les polymères peuvent présenter des états distincts
sur la matière inerte suivant leur niveau de température : à basse température, on
observe un état vitreux jusqu’à la température de vitrification ;
ou vivante à moyenne température, un état élastique jusqu’à la température
de fluidité, alors que, au-delà, on retrouve l’état plastique. Le
tableau 1 indique les températures de vitrification de quelques poly-
L’analyse des applications actuelles et potentielles de la réfri- mères courants. Ces températures sont approximatives puisqu’elles
gération à quelque niveau de température que ce soit dans les pro- dépendent de nombreux facteurs comme la vitesse du processus de
cédés industriels suppose qu’au préalable l’on décrive l’influence refroidissement du polymère ainsi que des contraintes mécaniques
de la température sur les propriétés physiques de la matière que celui-ci subit. (0)
qu’elle soit inerte (à l’état liquide, solide ou vapeur) sous la forme
d’un corps pur ou en mélange ou qu’elle soit vivante, comme cela
est le cas de certains produits alimentaires. Tableau 1 – Température de transition vitreuse
Par ailleurs, cette description ne serait pas complète si l’effet de pour différents polymères
la température sur certains procédés de transformation n’était
abordé : que ces transformations soient physiques (par exemple, Température
Type de polymère
condensation, solidification, adsorption, cristallisation...) ou bio- de transition vitreuse
logique (fermentation, développement de micro-organismes...), (oC)
l’importance du paramètre température est évident et explique le
rôle déterminant joué par la réfrigération dans un grand nombre Polyéthylène – 80
de procédés que l’on désignera de façon générale par procédés Caoutchouc naturel – 73
industriels.
Polyisobutène – 70
Polybutadiène – 60
2.1 Influence de la température sur les Poly(chlorure de vinylidène) – 17
propriétés physiques des solides Poly(acétate de vinyle) + 30

Nous nous intéresserons essentiellement aux matériaux à l’état Poly(chlorure de vinyle) + 70


solide car la plupart des processus mettant en jeu les applications Polystyrène + 80
frigorifiques ou cryogéniques (cryobroyage, ébarbage de pièces en
caoutchouc, frettage de pièces métalliques...) s’appliquent à cet
état. Nous n’aborderons pas dans notre propos les caractéristiques Les propriétés mécaniques des polymères peuvent varier
supraconductrices des matériaux à basse température [1]. brutalement lors de la transformation de vitrification comme le
présente la figure 3 pour le module de Coulomb du caoutchouc qui
■ L’influence de la température sur certaines propriétés thermo- se traduit par une déformabilité beaucoup plus faible à l’état
physiques des matériaux métalliques et non métalliques est bien vitreux atteint à basse température qu’à l’état élastique.
connue et est représentée figure 2 pour la capacité thermique
volumique à pression constante et la conductivité thermique. On y
relève :
— une dégradation forte de la capacité thermique volumique à 2.2 Influence de la température sur
basse température (< 100 K) pour les métaux ou les matériaux non l’état thermodynamique d’un corps
métalliques tels que les polymères (figure 2a ) ;
— des évolutions distinctes des conductivités thermiques La température conditionne l’état de la matière (liquide/ vapeur /
suivant la nature des matériaux : on observe, par exemple, sur la solide) comme le représente le diagramme d’équilibre de la
figure 2b, une décroissance marquée de cette propriété avec la figure 4 : le point triple détermine les conditions en deçà desquel-
diminution de la température pour les matériaux polymères et, sur les seules les phases vapeur et solide subsistent ; le point critique
la figure 2c, une décroissance également forte pour les alliages détermine les conditions au-delà desquelles les phases vapeur et
(acier inoxydable, par exemple). Par contre, on remarque une liquide se confondent. Ce diagramme est généralement complété
évolution particulière pour les métaux purs pour lesquels on par l’indication de la température d’ébullition à la pression atmo-
observe une croissance de la conductivité pour les métaux purs sphérique.
pour atteindre des valeurs maximales à des températures proches Les principales caractéristiques thermodynamiques à retenir
de 10 K. pour les fluides utilisés dans les procédés industriels sont alors :
■ Les propriétés mécaniques des métaux purs sont généralement — le point triple, qui caractérise l’équilibre thermodynamique
médiocres à basses températures. Les alliages, par contre, des trois phases. Ce point est particulièrement important à
présentent une augmentation sensible du module d’élasticité connaître dans certains procédés utilisant le froid cryogénique ;

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10
Capacité thermique volumique
à pression constante [J/(cm3 · K)]

10–2

Conductivité thermique [W/(cm · K)]


PE (0,971)
8 × 10–3 Quartz Verre
5 × 10–3 PE (0,956)

1 3 × 10–3 Téflon
2 × 10–3
Cu Silicone
Caoutchouc
Nylon naturel
10–3
Pb Plexiglass
8 × 10–4
10–1 5 × 10–4
PE (0,933)
(0,935)
3 × 10–4
res

Al Be
2 × 10–4

ly
Po

PE (0,914)
10–2 10–4
1 10 100 4 5 6 8 10 20 30 40 50 60 80 100 200 300
Température (K) Température (K)

À côté des PE (polyéthylènes) sont données différentes valeurs de masse


volumique en kg/m3

a capacité thermique volumique à pression constante pour quelques b conductivité thermique de quelques matériaux polymères
matériaux métalliques et polymères

103
Conductivité thermique [W/(cm · K)]

Ag
102
Cu
Al
Pb
10

Ag;Cu
Ni

1
Cu + 2 % Be

Acier
10–1 inoxydable

10–2

10–3
1 10 100 1 000
Température (K)

c conductivité thermique de quelques matériaux métalliques

Figure 2 – Propriétés thermophysiques des matériaux

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œuvre pour manipuler le fluide à la température ambiante : les gaz


104 industriels (N2 , O 2 ) ou les hydrocarbures légers (méthane...)

Module de Coulomb (N/mm2)


présentent des températures normales d’ébullition très inférieures
Polyisobutène (1,75 x 106 g/mol)
à la température ambiante et réclament des dispositifs sous
pression pour leur transfert et leur stockage alors que les solvants
organiques et, plus encore, l’eau peuvent être mis en œuvre
103 0%
aisément sans pressurisation des circuits dans lesquels ils sont
introduits ;
— le point critique qui est donné par la température critique (Tc )
10 % et la pression critique (p c ).
Compostion en soufre (30 %)
Nous présentons, dans le tableau 2, une liste de composés
102 chimiques divers susceptibles de changer de phase dans des
procédés industriels. On y relève une large diversité des tempé-
ratures du point triple qui s’établissent entre la valeur de – 270,98 oC
2% pour l’hélium à 0 oC pour l’eau, ainsi que les températures
5% d’ébullition à la pression atmosphérique dont les valeurs évoluent
10 entre – 268,93 oC pour l’hélium à 100 oC pour l’eau. (0)
Nombre de procédés industriels utilisent les transformations
thermodynamiques telles que la condensation, la solidification ou
la transition vapeur-solide. Comme ces transformations sont exo-
10 % thermiques et se produisent, pour certains composés, à des tempé-
1
ratures inférieures à la température ambiante, l’utilisation du froid
5%
est largement répandue dans l’industrie. Citons les applications les
0% plus courantes et les transformations associées.
2%
■ Transformation vapeur-liquide (condensation)
10–1
– 150 – 100 – 50 0 50 100 150 200 250 Cette transformation s’applique aux procédés de séparation et
de liquéfaction des gaz industriels et du gaz naturel (GNL). L’intérêt
Température (°C) majeur, dans ces deux cas, de la condensation de vapeur réside
Caoutchouc naturel ou vulcanisé dans la réduction brutale du volume spécifique du fluide et, en
conséquence, dans le gain réalisé dans les volumes de stockage,
Figure 3 – Module de Coulomb pour différents polymères dans les diamètres de conduite ainsi que dans les puissances de
en fonction de la température et de la nature du polymère pompage nécessaires à la circulation du gaz naturel sur des lon-
gues distances.
Cette transformation est également utilisée pour permettre la
séparation de vapeurs de composés organiques dans des effluents
gazeux ou la déshumidification de l’air. Dans ces procédés, une
Pression (bar)
très large variété de composés chimiques est mise en œuvre : des
gaz industriels (azote, oxygène...), des hydrocarbures (gaz naturels
Zone
à base de propane, butane, méthane...), des composés organiques
Solide supercritique volatils utilisés comme solvants (chlorure de méthylène, acétone...)
Liquide ou, bien entendu, l’eau.

■ Transformation liquide-solide [(solidification) ou congélation


pc pour l’eau)]
Point
critique Cette transformation s’applique aux processus de surgélation
1 des produits alimentaires, de déshydratation des boues, de pro-
duction de glace hydrique ou de neige artificielle, de concentration
Point d’eau résiduaire ou de jus de fruit... Dans ces différentes appli-
triple Vapeur
cations, l’eau ou les solutions aqueuses de natures diverses sont
concernées en premier lieu. Dans ce cas, la congélation de la solu-
tion s’effectue à une température inférieure à la température de
congélation de l’eau pure : cette opération est réalisée avec une
Tneb Tc Température température décroissante au fur et à mesure que la solution est
concentrée. Comme le montre la figure 5 pour une solution saline
Tneb température normale d'ébullition de chlorure de sodium, la température de congélation dépend
Tc température critique notablement de la composition de la solution.
pc pression critique
■ Transformation vapeur-solide
Ce mode de transformation admet un nombre plus limité
Figure 4 – Diagramme d’équilibre pression-température d’applications : piège à glace dans les dispositifs de lyophilisation
avec les trois états de la matière par exemple ou pièges cryogéniques pour les composés orga-
niques volatils (COV) dans les industries consommatrices de sol-
vants organiques, en particulier la chimie fine. Ces dispositifs
— le point d’ébullition à la pression atmosphérique qui est permettent la séparation de vapeur d’eau ou de vapeur organique
donné par la température normale d’ébullition (Tneb ) et l’enthalpie d’effluents gazeux à épurer. La sublimation, transformation inverse
de vaporisation. Cette donnée est d’une importance pratique puisqu’elle traduit l’évolution de la phase solide à la phase vapeur,
évidente puisqu’elle conditionne en partie les moyens à mettre en admet un domaine d’application à basse température important
qui est la lyophilisation.

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Tableau 2 – Composés chimiques divers susceptibles de changer de phase dans des procédés industriels
Point normal d’ébullition
Point triple Point critique
(p = 1,013 bar)
Composé Masse molaire
Enthalpie
Température Enthalpie de fusion Température Pression Température
de vaporisation
(g /mol) (oC) (J/mol) (oC) (J/mol) (bar) (oC)

Composés mis en œuvre dans des cycles de liquéfaction de gaz industriels et d’hydrocarbures
Hélium 4 – 270,98 14,1 – 268,93 83 2,29 – 267,95
Hydrogène 2,02 – 259,3 118 – 252,8 920 12,93 – 240,17
Air 28,96 – 213 – 191 5 710 37,7 – 140,7

Dioxyde de carbone 44 – 55,6 7 950 – 78,5 25 300 73,7 31


(sublimation)
Oxygène 32 – 218,8 442 – 183 6 830 50,8 – 118,4
Azote 28,01 – 210,5 720 – 195,9 5 550 33,94 – 140,7
Méthane 16,04 – 182,5 935 – 161,5 8 180 46,04 – 82,6
Éthane 30,07 – 183,3 2 850 – 88,6 14 800 48,8 32,3
Propane 44,10 – 187,8 3 000 – 42,1 18 800 96,6 42,5
n-Butane 58,12 – 138,3 4 600 – 0,5 22 400 37,97 152
Composés organiques volatils rencontrés dans les dispositifs de traitement des effluents gazeux
Dichlorométhane 84,93 – 95,95 4 620 + 39,85 27 940 60,8 + 60,8
Pentane 72,15 – 129,75 8 398 + 36,05 25 829 33,7 + 196,45
Isopropanol 60,1 – 88,45 5 360 + 82,25 40 267 47,6 + 235,15
Acétone 58,08 – 94,95 5 593 + 56,25 30 375 47 + 234,95
Eau et solutions salines eutectiques (congélation de produits alimentaires, concentration de solutions aqueuses)

Eau 0 333 J/g + 100 2 257 J/g 221 + 374,2


(6 000 J/mol) (40 626 J/mol)
Eau + chlorure de sodium
(5,9 % en masse) – 2,1 324 J/g

Eau + sulfate de magnésium – 3,9 244 J/g


(19 % en masse)
Eau + chlorure de potassium
(19,7 %) – 11,1 301 J/g

2.3 Influence de la température


sur les transformations chimiques
Température de congélation (°C)

Liquide
Domaine de concentrations et physico-chimiques des substances
courantes de l'eau de mer
0
et des saumures 2.3.1 Réaction chimique
– 1,7
– 4,4 Les réactions chimiques présentent une cinétique qui est
fortement conditionnée par la température des milieux réactifs. La
– 8,9 Solide loi d’Arrhenius [relation (1)] traduit la dépendance entre la
constante de vitesse k de la réaction, la température T du milieu
– 13,3 Valeur typique réactionnel et l’énergie d’activation E :
de concentration
1 2
E
de l'eau de mer k = A o exp – ---------- (1)
– 17,8 RT
0 2 4 6 8 10 12 14 L’utilisation de fluide à température inférieure à la température
Salinité (%) ambiante pour le refroidissement des réacteurs est fréquente.
La salinité est exprimée en fraction massique de sel NaCl
L’utilisation du froid et, plus généralement, du refroidissement
permet :
— un contrôle du processus chimique et de sa cinétique ;
Figure 5 – Température de congélation d’une solution aqueuse — une évacuation de l’enthalpie de réaction lorsque le pro-
de chlorure de sodium cessus est exothermique ;

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— une maîtrise des risques d’accident en cas d’emballement


thermique des réactifs.
H2SO4 1 T : 20 °C → 15 °C
Exemple : réaction de nitration mettant en jeu deux acides : l’acide
nitrique et l’acide sulfurique en présence d’un réactif.
Cette réaction est réalisée dans un processus semi-continu par
coulée du réactif sur le mélange sulfonitrique. La température du HNO3 2 T < 20 °C agitation maximale
milieu réactionnel est maintenue entre 20 et 25 oC grâce à la circulation
d’une eau glycolée à –15 oC circulant dans la double enveloppe du
réacteur. Réactif 3 20 °C < T < 25 °C

Les contraintes de refroidissement sont particulièrement impor-


tantes dans cet exemple puisque la réaction est fortement exother- 1 heure sous agitation
4
mique (270 kJ/kg) et que la température de décomposition du en fin de coulée
milieu réactionnel est basse puisque égale à 50 oC. En l’absence de
refroidissement, en cas d’emballement thermique, le processus de a
décomposition induit une température de 600 oC.
La figure 6a illustre les opérations à réaliser pour la mise en

Température
œuvre de cette réaction : les quatre étapes successives sont le
refroidissement de l’acide sulfurique dans le réacteur (1),
l’introduction de l’acide nitrique avec mélange des deux espèces et Explosion
refroidissement contrôlé (2), l’injection du réactif avec contrôle de
la température (3), la cinétique de la réaction qui nécessite un Emballement
maintien de 1 h à la température retenue (4). Cette figure est
complétée par la représentation (figure 6b ) d’un scénario inciden-
tel qui aboutit à un emballement thermique et à l’explosion du
réacteur. Cet accident est généré à l’étape 3 par une mauvaise
injection du réactif (une coulée trop rapide qui génère une éléva-
tion brusque de température suivie d’une coulée trop lente qui
amène à un risque de gel et finalement à une augmentation très 1re coulée 2e coulée Augmentation du débit
brutale du débit de réactif qui entraîne en définitive l’emballement trop rapide trop lente trop forte
thermique de la réaction que le dispositif de refroidissement ne Temps
peut stopper.
b

2.3.2 Adsorption Figure 6 – Mode opératoire de la réaction de nitration


et profil de température lors de l’emballement de la réaction
L’adsorption est un mécanisme de fixation de molécules sur
la surface d’un solide. Ce phénomène de surface inclut le
mécanisme de transport d’un gaz vers une paroi solide et sa bois...). Ils peuvent se présenter sous forme de granulats, de fibres
fixation par des interactions physiques ou chimiques. de feutre ou de tissus ;
— des zéolithes hydrophobes ;
— des adsorbants de synthèse présentant une matrice orga-
■ La représentation schématique des phénomènes mis en jeu
nique.
peut se décomposer en sept processus élémentaires :
— approche de la molécule gazeuse vers le matériau poreux Parmi les caractéristiques importantes de ces matériaux, on
(passage d’un gaz au travers d’un lit granulaire, par exemple) ; retiendra les surfaces spécifiques exprimées en m2 /g qui sont
— transfert de masse au travers de la couche limite entourant le reliées à la capacité d’absorption du milieu et au rayon des pores.
matériau ; Quelques exemples de matériaux avec les valeurs de ces caracté-
ristiques sont donnés dans le tableau 3. (0)
— diffusion dans le volume gazeux contenu dans les pores de
l’absorbant qui est constitué d’un milieu poreux pour permettre
une grande surface d’adsorption ; Tableau 3 – Caractéristiques de quelques milieux utilisés
— adsorption en surface : ce phénomène, de nature physique ou pour l’adsorption de vapeurs organiques
chimique, est généralement exothermique et peut générer un
dégagement de chaleur pouvant atteindre 40 kJ/mol adsorbée Surface spécifique Rayon des pores
suivant la nature du couple adsorbat-adsorbant. Les liaisons de Matériau
nature physique sont associées à des forces électrostatiques ou de (m2/g) (Å)
Van der Waals et présentent des énergies faibles : la chaleur Charbon activé
d’adsorption n’excède pas 40 kJ/mol. Les liaisons chimiques 1 200 100 à 500
(noix de coco)
(liaison de type covalent entre surface et adsorbat) présentent des
énergies plus importantes, supérieures à 40 kJ/mol ; Tissu de carbone activé 1 300 à 2 000 7à8
— diffusion éventuelle de l’adsorbat en surface de l’adsorbant ;
— conduction thermique dans la particule poreuse pour évacuer Zéolithes commerciales 500 à 800 60 à 80
une partie de la chaleur d’adsorption ; Adsorbants synthétiques 140 à 700 90 à 250
— conduction thermique dans la couche limite puis dans le
fluide pour évacuer une partie de la chaleur d’adsorption.
Le mécanisme d’adsorption d’un adsorbat sur une paroi solide
■ Les matériaux absorbants peuvent être : (absorbant) peut être décrit de la façon suivante : le nombre de
— des charbons actifs obtenus à partir de la carbonisation et de molécules adsorbées sur une surface dépend du nombre de
l’activation de produits naturels organiques ou minéraux (charbon, molécules qui atteignent cette paroi et du temps de résidence de

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celles-ci sur cette paroi. Cela se traduit par l’expression suivante


reliant le nombre de molécules adsorbées par unité de surface σ au

Taux de chargement (g/100 g)


nombre de molécules n par unité de temps et de surface qui
atteignent cette surface au temps moyen t de résidence :
σ = nt (2) 100
0 °C
Le nombre n est directement relié à la vitesse d’agitation thermi- 20 °C
que des molécules gazeuses dans le système et s’exprime par : 40 °C
10 60 °C
p
n = 3,52 × 10 22 ----------------- (3)
MT
avec n nombre de molécules qui atteignent la paroi
[molécules/(cm2 · s)], 1
p pression partielle de l’absorbat dans le milieu gazeux
(mm Hg),
M masse molaire de l’adsorbat (g),
0,1
T température absolue (K). 0,01 0,1 1 10
Concentration (g/m3)
Le temps moyen de résidence est donné par l’expression de
Frenkel où la température du milieu T et la chaleur d’adsorption Q a charbon actif et acétate d'éthyle
apparaissent comme les paramètres influents :
Q
1
t = t o exp ---------- 2 (4) 20

Taux de chargement (g/100 g)


RT Zéolithe A
16
avec to donnée caractéristique du couple adsorbat-adsorbant.
12
Les courbes isothermes d’adsorption pour un couple défini d’un Zéolithe B
absorbat et d’une substance adsorbante traduisent, à température 8
donnée, le rapport de masse d’adsorbat fixé sur le milieu à la
masse de ce milieu adsorbant en fonction de la pression partielle 4
relative (par rapport à la pression de vapeur saturante) de l’adsor- 0
bat ou de sa concentration dans l’effluent. 0,1 1 10 100
Ces courbes se déduisent directement des expressions précé- Concentration (g/m3)
dentes et de la surface spécifique S (surface par unité de masse)
du milieu adsorbant. La masse adsorbée par unité de masse Température : 20 °C
d’adsorbant est évaluée par une expression simplifiée :
b zéolithes et méthyléthylcétone
kop Q
T 1
C ( % ) = S ------------- exp ----------
RT 2 (5)
Figure 7 – Isothermes d’adsorption pour un charbon actif
Cette expression met en évidence pour un adsorbat donné et des zéolithes
(caractérisé par le paramètre k o ) l’influence déterminante des para-
mètres température et pression partielle. La figure 7a illustre cette
dépendance pour un charbon actif avec l’acétate d’éthyle. Pour
certains couples adsorbant-adsorbat, la forme des isothermes
d’adsorption s’éloigne notablement de la loi exprimée par la Une solution est un mélange de deux ou plusieurs espèces qui
relation (5) et présente une allure en S comme représenté pour une forment une phase unique homogène. On parle généralement de
zéolithe figure 7b. solutions pour les phases liquides et éventuellement solides.
Le point important qui justifie l’utilisation de froid dans certains ■ Une solution contient un soluté, qui peut être initialement en
procédés d’adsorption est l’accroissement très significatif de la phase solide, et un solvant sous forme liquide. Pour une tempéra-
quantité relative de gaz adsorbé lorsque la température du milieu ture donnée, la quantité de soluté qu’il est possible de mettre en
décroît. Ce résultat peut être exploité, lors de la séparation des solution est limitée. Cette quantité maximale est appelée solubilité
vapeurs de composés organiques contenues dans un effluent et s’exprime en masse de soluté pour une masse connue de sol-
gazeux faiblement chargé, par le refroidissement à basse tempéra- vant.
ture du milieu adsorbant par échange direct avec un gaz (azote, par
exemple) ou indirect à travers une paroi d’échange. Le refroidisse- Dans l’eau, la solubilité des espèces inorganiques telles que les
ment du milieu absorbant permet, grâce à l’accroissement des per- sels varie fortement suivant les espèces même lorsque les solutés
formances de l’adsorbant, une réduction des masses d’absorbant semblent chimiquement proches. Le tableau 4 donne un aperçu
nécessaires au traitement des gaz et, en corollaire, une minimisa- des valeurs de solubilité de différents sels à 25 oC. Ainsi, on note
tion des équipements. que, à 25 oC, la solubilité d’un hydroxyde de calcium est de 0,16 g /
100 g d’eau alors que, pour la même température, l’iodure de cal-
cium a une solubilité de 204 g /100 g d’eau. (0)
2.3.3 Cristallisation La solubilité d’une espèce peut être fortement dépendante de la
température :
La cristallisation est un procédé de séparation et de concen- — dans un grand nombre de cas, la solubilité croît avec la tem-
tration utilisé dans un large domaine d’applications industrielles. pérature comme on peut le voir pour le sulfate de cuivre (CuSO4 )
et, tout particulièrement, pour le nitrate de potassium (KNO3 ) sur
la figure 8 : en effet, on observe une variation de solubilité de 12,5
Elle est définie comme un processus de changement de phase à 78,1 g /100 g eau pour le sulfate de cuivre soit 65,6 g pour 100 oC
au cours duquel un cristal est formé à partir d’une solution. de variation de température alors que pour le nitrate de potassium

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Tableau 4 – Solubilité de différents sels inorganiques


dans l’eau à 25 oC 300

Concentration (g/100 g H2O)


Solubilité 250
Formule
Composé (g soluté
chimique 200
anhydre/100 g d’eau)
KNO3
Chlorure de calcium CaCl2 74,5 150
Iodure de calcium CaI 204
100
Nitrate de calcium Ca(NO3 )2 129 CuSO4
50
Hydroxyde de calcium Ca(OH)2 0,16
NaCl
Sulfate de calcium CaSO4 36,2 0
0 20 40 60 80 100
Sulfate d’aluminium Al2(SO4 )3 36,2
Température (°C)
Sulfate de cuivre CuSO4 20,7
Sulfate de magnésium MgSO4 35,5
Figure 8 – Solubilité des sels KNO3 , CuSO4 et NaCl
Sulfate d’argent Ag2SO4 0,7 dans une solution aqueuse

cette variation atteint 250 g /100 g pour une variation identique de


température ; 100

Température (°C)
— dans certains cas, comme pour le chlorure de sodium, la f
solubilité est indépendante de la température comme on peut le

4 · H2 O
constater sur cette même figure 8 ; Solution
— enfin, certains sels sont dits à solubilité inverse car celle-ci +
MgSO44·H
MgSO H22O
O
décroît lorsque la température de la solution croît. C’est le cas en

MgSO
particulier du sulfate de calcium sous sa forme anhydre (CaSO4 ) et
sous ses formes hydratées (CaSO4 . 2H2O et CaSO4 . 1/2H2O). Ce MgSO
MgSO44· H2O
cas est particulièrement intéressant puisque ces sels sont dissous 75
0,87
dans l’eau de mer et qu’il conditionne les températures de traite- e
ment de celle-ci dans les procédés de dessalement pour éviter tout

O
4 · 6H O

6H22O

6H22OO
2
dépôt de tartre sur les parois d’échange. Liquide

MgSo4 ·6H

MgSO44·6H

MgSO4
Les courbes de solubilité des sels sont donc des données

+
Solution

MgSO
MgSO

MgSO
essentielles pour évaluer l’intérêt du processus de cristallisation +

0,527
par refroidissement à basse température de la solution en MgSO
MgSO44 ·SH
6H22O
O
comparaison de processus concurrents comme : 50 d 0,527
— l’évaporation ; ,
— les réactions chimiques (précipitation).

MgSO4 .7H2O
A
La courbe de solubilité d’un soluté dans un solvant, comme nous
l’avons représenté figure 8, ne constitue généralement qu’une par-

22 O
4 ·77HH O
tie du diagramme de phase du sel en présence d’eau comme le
représente la figure 9 pour le mélange eau-sulfate de magnésium. B
25 Solution

O
Ce diagramme de phase permet de mettre en évidence un point

MgS
+ MgSO
MgSO44·7H
7H22O
O
important pour les solutions aqueuses avec composés inorga- MgSO
MgSO44·7H
7H22O
O +
niques : la formation d’hydrates salins dans certaines conditions MgSO4
de concentration et de température de la solution. Ces hydrates C D
sont des solides obtenus par cristallisation, constitués de molécu-

0,488
les d’eau et de soluté. La formule chimique de l’hydrate indique le
nombre de moles d’eau associées à chaque mole du soluté. La MgSO4 ·12H
12H22OO
c i j

0,165

0,358
figure 9 nous montre que le sulfate de magnésium peut former dif- a Glace
0
férents hydrates stables d’une structure constituée d’une mole de MgSO
MgSO44·12H
12H22O
O ++ MgSO
MgSO44
sel pour 12 moles d’eau à une structure constituée d’une mole de b
–5
sel pour une mole d’eau. Par ailleurs, sur cette même figure, nous 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6
pouvons relever la ligne de saturation (abcdef) de la solution Fraction massique du MgSO4 en solution
aqueuse. La ligne ab correspond à la ligne de saturation du solvant Glace + solution
(l’eau en l’occurrence) lorsque la solution est refroidie, la glace
d’eau formée est alors en équilibre avec la solution enrichie en
Figure 9 – Diagramme de phase de la solution MgSO4.H2O
soluté. Le point b correspond au point eutectique : une solution à
la composition eutectique (de fraction massique de 0,165) qui est
refroidie jusqu’au point b est alors séparée en deux phases (MgSO4 + 7 H2O) débute. Au point D, après refroidissement de la
solides : une phase constituée exclusivement de glace d’eau, une solution, la phase liquide appauvrie en sel et présentant la
seconde du soluté MgSO4 . Ce diagramme de phase nous permet concentration définie par le point C (24 % en MgSO4 ) est en équi-
d’apprécier, lors du refroidissement de la solution (transformation libre avec la phase constituée de l’hydrate précédent.
du point A au point D pour une concentration de 27 % en MgSO4 ),
les conditions de formation et le type des phases solides formées : La saturation d’une solution aqueuse par refroidissement (et,
au point B, la solution devient saturée et la formation de l’hydrate dans certains cas, au-dessous de la température ambiante), procédé

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qui permet la cristallisation de sels ou d’hydrate salins, est utilisée ■ Les mécanismes de formation des cristaux de glace sont
dans différents procédés industriels pour obtenir, après séparation identiques aux mécanismes de cristallisation précédemment
mécanique : décrits. Ils se décomposent en plusieurs phases.
— une solution appauvrie en sels qui est susceptible d’être ● Phase de nucléation
valorisée : c’est le cas des boissons comme le vin pour lequel
l’abaissement de température permet de cristalliser le bitartrate de Cette phase, qui correspond à la génération de germes
potassium et d’éliminer les sources de dépôts solides peu appré- submicroniques, suppose une forte valeur de surfusion en
ciés par le consommateur ; l’absence de particules ou de sites dans la solution. Avec de l’eau
— une solution appauvrie en sels pour pouvoir, en conformité de mer, des valeurs de surfusion de – 20 oC à – 25 oC ont été rele-
avec les réglementations, être rejetée à l’égout ou subir un traite- vées avant formation de germes et de cristaux de glace. Dans un
ment d’épuration complémentaire ; processus de congélation en continu, la présence de petits cristaux
— une phase solide susceptible d’être valorisée : cette fonction en circulation permet de maintenir, à de faibles valeurs, les écarts
est particulièrement utile dans de nombreux procédés chimiques de température entre température de congélation et température
où le cristallisoir est inséré en fin de processus et permet la pro- réelle du milieu. Pour l’eau de mer, on relève les valeurs suivantes :
duction des matières solides recherchées. — eau de mer brute (3,5 % en masse de sel en solution) : tempé-
rature de congélation – 1,9 oC et température de la solution en
■ La cristallisation est un mécanisme physique complexe qui met début de congélation – 3,4 oC ;
en jeu plusieurs mécanismes de base. — eau de mer concentrée (7 % de sel) : température de congé-
● La nucléation ou germination correspond à l’apparition, au lation – 4 oC et température effective de congélation – 5,5 oC.
sein de la solution sursaturée, de cristaux de très petite taille que
l’on désigne par germes ou nucléus. La formation de ces germes ● Croissance des cristaux
de dimension submicronique peut nécessiter des niveaux élevés Dans les solutions aqueuses, il est bien connu que le champ de
de sursaturation si la solution ne présente pas de particules (pous- vitesse de l’écoulement affecte les mécanismes de transfert de
sières, impuretés...). Dans les équipements industriels, la formation masse et de chaleur à proximité des germes et induit des hétéro-
de germes se réalise généralement par nucléation hétérogène à généités fortes des cristaux. Dans le cas de solutions salines, la
proximité de particules et des parois qui constituent un catalyseur croissance des cristaux de glace n’est pas isotrope et donne lieu à
et, grâce à cela, appelle des niveaux relativement faibles de sur- des formes de cristaux variables suivant les niveaux de tempéra-
saturation. ture du milieu : entre 0 et – 3 oC, fines lamelles hexagonales ; de –
● La croissance cristalline correspond au grossissement du 5 à – 10 oC, prismes hexagonaux ; en deçà de – 10 oC, plaques
cristal et résulte de mécanismes successifs qui sont le transfert du hexagonales épaisses. La formation de cristaux de glace dans des
soluté vers le germe par un phénomène de diffusion, l’intégration solutions eau-alcool à l’intérieur d’un tube refroidi est réalisée sous
du soluté dans le réseau cristallin et, enfin, la dissipation de la forme de dendrites au sein de l’écoulement et de couches annu-
l’enthalpie de cristallisation. Les deux premiers mécanismes sont laires à la paroi.
généralement les mécanismes limitant la cinétique de croissance ● Entraînement de la solution dans la structure cristalline
du cristal.
Avec des solutions salines, il a été constaté la présence d’une
● L’agglomération et la brisure correspondent à la fragmenta-
quantité importante de solution saline (20 à 40 % en masse par
tion d’un cristal formé ou à l’agglomération de deux cristaux initia-
rapport au sel anhydre) incluse dans les cristaux de glace. Cette
lement distincts.
présence s’explique par la forme des cristaux (minces et plats) qui
La conception des cristallisoirs doit prendre en compte la diver- induit un rapport élevé entre la surface de cristal en contact avec
sité et la complexité de ces mécanismes pour atteindre des effica- la solution et son volume : cela amplifie l’effet des nombreux
cités satisfaisantes. interstices présents en surface du cristal qui piègent et retiennent
la solution aqueuse à tension superficielle élevée.

2.3.4 Congélation des solutions aqueuses ■ La congélation des solutions aqueuses peut donc reposer sur
des équipements qui intègrent une fonction de refroidissement de
la solution au-dessous de la température de congélation, une fonc-
Le procédé de congélation partielle d’une solution aqueuse tion de séparation des cristaux de la solution aqueuse mais égale-
présente certaines similitude avec le procédé de cristallisation. ment une fonction de lavage des cristaux de glace pour éliminer
Ces transformations visent toutes deux à la formation de une fraction importante de la solution incluse dans la phase solide.
cristaux : pour la cristallisation, à des cristaux du soluté, pour la Par ailleurs, des dispositifs analogues ont été mis en œuvre pour
congélation à des cristaux du solvant, en l’occurrence l’eau. la congélation de l’eau contenue dans des boues dans le but de
déshydrater ces boues. Des processus analogues de congélation
puis de séparation sont alors mis en œuvre.
■ La différence notable entre ces deux processus réside dans un
point important :
— la cristallisation vise à amener la solution au point de 2.3.5 Lyophilisation
saturation à partir duquel le soluté est cristallisé sous forme anhy-
dre ou hydraté ;
— la congélation concerne des solutions loin de la valeur de La lyophilisation est un procédé de séchage dont le principe
solubilité à saturation et vise à transformer une fraction de solvant consiste à sublimer la glace d’un produit initialement congelé :
(l’eau en l’occurrence) de la phase liquide à la phase solide. ainsi, l’eau incluse dans le produit passe directement de l’état
solide à l’état gazeux. Ce mode de séchage particulier trouve des
■ La congélation peut avoir pour objectif de : applications dans le domaine agroalimentaire ou pharma-
— concentrer la solution pour sa valorisation ultérieure (cas des ceutique pour des produits fragiles [4].
jus de fruits) [2] ou, au contraire, pour son rejet dans les égouts
après traitement d’épuration (concentration d’eaux résiduaires) ;
— former des cristaux d’eau pour une valorisation ultérieure de Deux phases peuvent être identifiées lors du processus de
cette phase solide comme cela est le cas pour le dessalement de séchage par lyophilisation :
l’eau de mer ou pour les sorbets de glace utilisés comme fluides — une phase de sublimation ou dessication primaire qui permet
frigoporteurs [3]. l’élimination de 85 à 90 % de l’eau d’un produit ;

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— une phase de désorption ou dessication secondaire qui


permet l’élimination des 10 % d’eau liée restants et, en fin de pro-

Pression (Pa)
cessus, l’obtention d’un produit contenant moins de 2 % d’humi-
Solide Liquide
dité. glace eau
■ Le processus de lyophilisation est une succession d’opérations,
comme le représente la figure 10, qui sont : le prétraitement du B A
produit qui se traduit par un abaissement de sa température, une
congélation et un préséchage (transformation AB), une mise sous
vide de l’enceinte (BC), une dessication primaire puis secondaire
(CD). 610
Point triple
L’influence des paramètres opératoires et de la géométrie des C
produits à traiter sur le temps de lyophilisation peut être évaluée à
partir d’un modèle simple. Si l’on considère un échantillon de pro- D Gaz
duit à lyophiliser présentant la forme d’une plaque immergée dans vapeur
un gaz qui fournit la chaleur nécessaire au processus et en suppo-
sant le mécanisme de transfert monodirectionnel (perpendiculaire
à la plaque), la couche sèche progresse au détriment de la couche
congelée : le front de sublimation qui délimite ces deux couches
0,01 Température (°C)
progresse au cours du temps jusqu’à atteindre la limite du produit.
Les mécanismes de transfert sont couplés : Cycle de lyophilisation :
— un transfert de chaleur par conduction dans le produit entre AB congélation
la paroi externe du produit et le front de sublimation qui obéit à la BC mise sous vide
loi de Fourier dont on peut déduire une relation entre la chaleur CD sublimation
transférée, le débit de vapeur formée et l’écart de température
entre milieu environnant et température de sublimation ainsi que
la caractéristique thermique du matériau : Figure 10 – Processus de lyophilisation : les différentes phases

λA
Q = ---------- ( T S – Tx ) (6)
x
— les produits compacts pour lesquels le transfert limitant est le
et Q = m ∆hsub transfert de masse et pour lesquels la durée de traitement t est cal-
culée en intégrant l’expression (7) et en supposant la température
avec Q puissance échangée (W), du milieu constante. On la calcule à partir de la masse volumique
m débit massique de vapeur sublimée (kg /s), du produit ρ, de la perméabilité du produit 3, de la différence des
pressions totales entre le point de sublimation et celle de l’enceinte
∆ hsub enthalpie de sublimation de l’eau (J/kg), (∆ p ), des humidités volumiques (exprimées en masse d’eau par
A aire d’échange de la plaque (m2), unité de volume) initiale et finale et de l’épaisseur du produit a :
λ conductivité thermique du produit asséché ρ ( w0 – w )
[J/(m · K )], t = -------------------------------- a 2 (8)
2 3 ∆p
x distance entre plaque et front de sublimation (m),
TS et Tx températures régnant à la surface de la plaque et avec w0 et w humidité relative du produit (kg /m3 ) à l’état initial
au niveau du front de sublimation. Cette dernière (indice 0) et final ;
température est imposée par la température du — les produits poreux pour lesquels le transfert limitant est le
piège à glace (K) ; transfert de chaleur et pour lesquels la durée du traitement est cal-
— un transfert de masse dans le milieu à assécher entre le front culée en intégrant l’expression (6). La durée de traitement
de sublimation et la face externe du produit qui obéit à la loi de s’exprime alors à partir de l’enthalpie de sublimation de la vapeur
Darcy dont on peut déduire le débit de vapeur formée en fonction d’eau (∆ hsub ), de l’écart de température entre le milieu environnant
de l’écart de pression totale entre le front de sublimation et le le produit à traiter et la température de sublimation (∆T ) :
milieu ambiant et d’une grandeur caractéristique du milieu, la
ρ ∆ h sub ( w 0 – w )
perméabilité : t = ------------------------------------------------- a 2 (9)
2 λ ∆T
3A
m = ----------- ( p S – p x ) (7)
x ■ L’incidence des paramètres caractérisant le produit et les
conditions de fonctionnement du procédé peuvent être analysées
avec 3 perméabilité du produit définie comme la pro-
de la façon suivante :
priété caractéristique d’un matériau quant à sa
capacité à permettre le transfert d’un gaz au tra- — quel que soit le mode de transfert limitant, on constate que la
vers de celui-ci par un mécanisme de diffusion(s), durée de sublimation dépend fortement de l’épaisseur du produit
et qu’il est évidemment recommandé de travailler avec des pro-
p S et px pression totale respectivement en surface du duits en couches minces ou des morceaux de taille réduite ;
produit, contrôlée par le dispositif de soutirage au — dans le cas d’un transfert de masse limitant, l’augmentation
vide, et au niveau du front de sublimation, de la taille des pores permet une augmentation de la perméabilité
contrôlée par la température du front (Pa). et de la vitesse de sublimation. Ainsi, pour un produit initialement
Généralement, conductivité thermique et perméabilité varient en liquide, une faible vitesse de congélation dans la phase préalable
sens inverse : un milieu poreux ou granuleux présentant une forte (transformation AB de la figure 10) ou une faible quantité d’extrait
perméabilité est caractérisé par une conductivité thermique sec dans le produit favorisent toutes deux la formation de cristaux
médiocre. À l’inverse, une pâte compacte présentant une bonne de glace de grande dimension (donc des pores de forte taille lors
conductivité thermique admet une faible perméabilité. On est donc du processus de sublimation) et, pour les raisons déjà évoquées
souvent amené à analyser le processus de lyophilisation à partir de précédemment, une faible durée du traitement de lyophilisation à
deux cas extrêmes : proprement parler ;

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— la durée de sublimation est également dépendante de la (bières, levures...) nécessitent non pas une destruction des micro-
pression qui règne dans l’enceinte. Une valeur optimale comprise organismes mais une maîtrise de leur activité par une optimisation
entre 150 et 1,5 Pa est généralement retenue. Une augmentation des cycles de température.
de cette pression dégrade le processus de lyophilisation du fait de
la réduction des transferts de masse comme expliqué précédem-
ment. Par ailleurs, la réduction de la pression à des niveaux très 2.4.1 Traitements frigorifiques préalables
faibles et inférieurs aux valeurs optimales peut induire des phéno- à la conservation des produits alimentaires
mènes de dégazage préjudiciables au processus. (fonction froid-maintien)
Le processus de lyophilisation nécessitant des pressions de
vapeur faibles dans l’environnement immédiat du produit à traiter, Les aliments peuvent être divisés en deux groupes :
il est nécessaire d’appliquer au processus des températures — les produits vivants comme les fruits et légumes après récolte
largement inférieures à 0 oC, typiquement de – 20 oC à – 100 oC consomment de l’oxygène et produisent de la chaleur, du dioxyde
qui correspondent à des pressions partielles de vapeur d’eau de carbone et de l’éthylène ;
respectivement de 103 Pa et 1,4 mPa. — les produits morts tels que viandes, produits de la pêche,
produits laitiers ne respirent pas.
■ Une grande variété de processus physico-chimiques et enzy-
2.4 Influence de la température matiques sont impliqués dans le développement de mauvaises
sur les processus de transformation odeurs, l’altération de la couleur et la dégradation de qualités
organoleptiques des aliments. Les problèmes microbiologiques
des produits alimentaires sont généralement plus importants pour les produits qui ne
respirent pas. On distingue deux types de micro-organismes :
L’utilisation du froid dans les industries agroalimentaires est
— les micro-organismes responsables d’altérations inaccepta-
d’une importance vitale pour cette activité. On peut identifier deux
bles du point de vue de la qualité sensorielle des aliments : les ali-
fonctions dans cette utilisation :
ments qui ne respirent pas contiennent souvent des protéines avec
— le froid-procédé : cette fonction traduit les opérations de un pH neutre et une humidité élevée, conditions permettant une
transformation du produit brut par le froid en vue d’obtenir un croissance rapide des micro-organismes. L’altération des aliments
produit final présentant les qualités nutritives et sensorielles est le fait des bactéries aérobies Gram négatif (Pseudomonas ) ou
recherchées. Les industries concernées sont très variées : ce sont des bactéries lactiques (Gram négatif) en emballage sous vide. Les
celles des boissons (en particulier vins et bières), des produits lai- levures et moisissures jouent un rôle important dans l’altération
tiers ou, pour les applications de la lyophilisation, des produits très des fruits et légumes ;
spécifiques comme le café et des produits à forte valeur ajoutée — les micro-organismes pathogènes rendant les aliments
(champignons...) ; dangereux, en particulier les aliments qui ne respirent pas : ils peu-
— le froid-maintien : cette fonction inclut également les vent être cause d’infection s’ils sont ingérés (Salmonella et Listeria
opérations de réfrigération ou de congélation, préalables à l’entre- monocytogenes ) ou générer des toxines (Staphylococus aureus,
posage des produits. Ce maintien en température des produits ali- Clostridium botulinum ). (0)
mentaires vise à préserver, pour une durée déterminée, les
qualités nutritives et sensorielles et, évidemment, à assurer la ■ Le niveau de température de l’aliment est déterminant sur le
sécurité alimentaire. Elle s’applique à la plupart des produits ali- développement des deux types de micro-organismes :
mentaires bruts (viandes, poissons, légumes et fruits) et aux pro- — les qualités sensorielles seront maintenues d’autant plus
duits préparés [5]. longtemps que la température de conservation est basse. Le
La transformation des produits alimentaires susceptibles de faire tableau 5 indique des durées de conservation recommandées pour
appel aux techniques frigorifiques pour le froid-procédé peut viser différentes valeurs de température de conservation et pour diffé-
trois objectifs distincts : rents types d’aliments pour des produits réfrigérés ou congelés.
— élimination de substances chimiques indésirables du produit On notera toutefois que de nombreux paramètres affectent les
final : c’est le cas de la précipitation de sels contenus dans certai- conditions de conservation : produit (espèces, période de la récolte
nes boissons par l’abaissement de température du produit. Ce pro- ou de la pêche, manutention...), emballage (perméabilité à la
cessus est comparable à celui présenté dans le paragraphe vapeur d’eau et aux gaz). Par ailleurs, le procédé de transformation
précédent sur les solutions aqueuses et les techniques de du produit et, en particulier, le moment du prérefroidissement et
cristallisation ; les cinétiques de refroidissement ou de congélation jouent un rôle
essentiel sur la qualité du produit ;
— élimination totale ou partielle de l’eau contenue dans les
aliments en vue de leur conservation ou de leur conditionnement — les bactéries pathogènes présentent des températures mini-
en volume réduit. On peut citer deux techniques distinctes : l’une males de croissance (tableau 6) dans des conditions optimales. On
vise à une élimination partielle de l’eau (en particulier dans les notera par ailleurs que, contrairement aux traitements thermiques
boissons) telle que la technique de concentration par congé- à haute température, la réfrigération ou la congélation d’un produit
lation [2]. L’autre vise à une élimination totale de l’eau : c’est le cas ne permettent pas la destruction des éléments pathogènes mais ne
de la technique de lyophilisation (ou cryoséchage) qui admet des font que stopper leur développement. (0)
applications spécifiques dans le domaine alimentaire [4] ; Dans la pratique, la température du produit évolue tout au long
— contrôle de l’activité des micro-organismes par un traitement de la chaîne du froid qui implique un ensemble de dispositifs, de
thermique adapté au cours du processus de fabrication qui éven- procédés et d’acteurs :
tuellement fait appel à des cycles chaud-froid pour obtenir un pro- — procédé de réfrigération ou de congélation : à la fin du pro-
duit présentant des qualités organoleptiques optimales. Ce cessus de réfrigération ou de congélation, la température moyenne
contrôle de l’activité des micro-organismes peut prendre différen- du produit ne doit pas dépasser la température d’entreposage dési-
tes formes : la plus courante est la destruction de l’activité micro- rée de plus de 1 ou 2 K ;
bienne par un traitement thermique (à température élevée) adapté — entreposage frigorifique : l’entreposage frigorifique des pro-
qui peut être un processus de pasteurisation ou d’appertisation. Un duits périssables implique des températures de l’air comprises
processus de réfrigération peut prendre place en amont ou en aval entre – 1 oC et 8 oC ;
de ces traitements thermiques à haute température pour éviter une — transport frigorifique : on applique les mêmes principes
dégradation du produit du fait de choc thermique ou pour préparer que ceux de l’entreposage ;
le produit à un entreposage à basse température. Par contre, les — meubles frigorifiques de ventes/réfrigérateur et congélateur
processus de vinification et, plus largement, de fermentation domestiques.

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Tableau 5 – Durée pratique de conservation de certains aliments réfrigérés ou congelés


Température Température
Denrées entreposées Durée d’entreposage Denrées entreposées Durée d’entreposage
(oC) (oC)

Viandes réfrigérées Légumes et fruits réfrigérés


Bœuf – 0,5/+ 0,5 2 à 4 semaines Carottes – 1/+ 1 4 mois
Porc – 2 /– 1 1 à 2 semaines Haricots verts +2 3 à 4 semaines
Mouton – 1/+ 1 1 à 3 semaines Oignons – 3/0 6 à 8 mois

Viandes congelées Tomates mûres 0/+ 1 10/14 jours


– 18 oC 12 mois Abricots 0/+ 1 4 à 6 semaines
Carcasses (bœuf) – 25 oC 18 mois Bananes + 11,5 3 semaines
– 30 oC 24 mois Cerises 0/+ 1 3 à 4 semaines
– 18 oC 12 mois Pêches 0/+ 1 4 à 6 semaines
Steaks emballés (bœuf) – 25 oC 18 mois Pommes – 1/+ 3 3 à 10 mois
– 30 oC 24 mois Légumes et fruits congelés
– 18 oC 10 mois – 18 oC 18 mois
Steaks hachés emballés – 25 oC
(bœuf) > 12 mois Carottes – 25 oC 24 mois
– 30 oC > 12 mois – 30 oC > 24 mois
– 18 oC 6 mois – 18 oC 15 mois
Carcasses (porc) – 25 oC 12 mois Haricots verts – 25 oC 24 mois
– 30 oC 15 mois – 30 oC > 24 mois

Poissons réfrigérés – 18 oC 18 mois


Frais en glace 0/+ 1 5/10 jours Petits pois – 25 oC > 24 mois
Morue salée + 2 /+ 4 12 mois – 30 oC > 24 mois

Poissons congelés – 18 oC 18 mois


– 18 oC 4 mois Framboises et fraises (sans – 25 oC > 24 mois
sucre)
Poissons gras – 25 oC 8 mois – 30 oC > 24 mois
– 30 oC 12 mois Produits laitiers
– 18 oC 8 mois Beurre – 1/+ 4 < 6 semaines
Poissons maigres – 25 oC 18 mois Beurre (longue durée) – 14 3 mois
– 30 oC 24 mois Fromage à pâte molle 0/+ 2 2 à 6 mois
Fromage à pâte pressée 0/+ 5 3 à 4 mois
Fromage à pâte dure + 10/+ 12 2 à 6 mois

2.4.2 Froid mécanique


Tableau 6 – Températures minimales de croissance et maîtrise de la fermentation
de certaines bactéries pathogènes
Température minimale Dans ce paragraphe, nous nous intéresserons essentiellement à
de croissance la vinification. Toutefois, d’autres boissons (en particulier, la bière)
Type de micro-organisme pathogène
sont le résultat d’un processus de fermentation complexe dont le
(oC)
contrôle nécessite également l’utilisation du froid.
Listeria monocytogenes 1
■ Le vin est le résultat d’une transformation qui met en jeu des
Salmonella 5à7 phénomènes de macération, de précipitation et de fermentation
Brochothrix thermosphacta – 0,8 d’un substrat hétérogène, le moût, dont les principaux constituants
sont des sucres (glucose, fructose), des acides (tartrique, malique),
Clostridium botulinum 3,3 des colorants et des précurseurs d’arômes.

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La vinification est un ensemble de transformations physiques,


chimiques et biologiques contrôlées par de nombreux paramètres :

Activité spécifique
température, pH, concentration en O2 ou SO2 , présence de levures I II III
et de bactéries.
La fermentation alcoolique, qui est la principale réaction que
subit le moût, est une succession de réactions :
— croissance de la population levurienne grâce aux sucres ;
— transformation des sucres (glucose) en alcool (éthanol)
suivant l’équation de Gay-Lussac :
C6 H12O6 → 2 C2H5OH + 2 CO 2 + ∆H
— utilisation du sucre pour le renouvellement des structures des Température

Minimale

Optimale

Maximale
Létale
cellules.
La transformation du glucose en éthanol est en fait le résultat
d’une série de réactions enzymatiques complexes (11 réactions
élémentaires spécifiques ont été identifiées) qui se traduit par la
transformation d’un composé en un produit grâce à une enzyme
qui joue le rôle de catalyseur biologique et qui se retrouve intacte Figure 11 – Effet de la température sur l’activité spécifique
en fin de réaction. L’enthalpie de réaction ∆H, par ailleurs, peut être des micro-organismes
évaluée à – 10 kJ/mol de glucose dégradée.
■ L’effet de la température dans le processus de fermentation
alcoolique est fondamental. En effet, ce paramètre influe sur — optimisation de l’activité microbienne en vue d’obtenir les
l’activité de croissance des micro-organismes suivant une courbe qualités organoleptiques recherchées ;
représentée figure 11 : au-dessous d’une température minimale,
— destruction des micro-organismes.
l’activité des micro-organismes est nulle sans pour autant que
l’organisme soit détruit ; puis il existe une valeur optimale de Ce contrôle de température est d’autant plus complexe que les
température pour laquelle l’activité microbienne est maximale ; micro-organismes rencontrés sont de différents types (psy-
enfin on atteint une température maximale au-delà de laquelle chrophiles, mésophiles et thermophiles) et présentent des tempé-
l’activité microbienne est nulle et où les micro-organismes peuvent ratures optimales d’activité différentes (25 oC pour les premiers,
être altérés de façon irréversible. de 25 à 40 oC pour les seconds et au-delà de 40 oC pour les der-
Le contrôle de la température lors de la vinification permet de niers).
réaliser une succession d’opérations :
La maîtrise de la fermentation alcoolique nécessite l’utilisation
— freinage de l’activité microbienne par abaissement de la
du froid afin de refroidir les vins en fermentation.
température : cette opération est traditionnellement réalisée pour
l’élaboration de certains vins comme la clairette de Die et les Exemple : pour les vins blancs, température comprise entre 18 et
champagnes ; 20 oC.

Références bibliographiques

Dans les Techniques de l’Ingénieur [3] DELBÈS (J.) et VADROT (A.). – Réseaux de [5] COMMERE (B.) et BILLIARD (F.). – La chaîne
froid urbain. Production et stockage du froid. du froid dans l’agroalimentaire. F 3 230.
[1] BRUNET (Y.). – Supraconducteurs. K 724. BE 9 321. Traité Génie énergétique, vol. BE5 Traité Agroalimentaire, vol. F2 (1999).
Traité Constantes physico-chimiques, vol. K4 (2000).
(1992).
[2] BENAICHE (J.). – Jus d’orange concentré : [4] MARIN (M.) et RENÉ (F.). – Lyophilisation.
extraction et conservation. F 6 280. Traité F 3 240. Traité Agroalimentaire, vol F2,
Agroalimentaire, vol. F2 (2001). (2000).

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