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Introduction

Dès ses origines, la Bible fut aussi un livre africain. Le témoignage biblique lui-même
enracine les histoires patristique et mosaïque dans cette terre africaine, l’Égypte (Gn
12,10-20 ; Ex 1-13)1. Plus tard, cette même Égypte a pu jouer un rôle de
premier plan dans l’histoire de la transmission textuelle, qu’ils’agisse de l’Ancien
Testament ou du Nouveau. La Septante, version grecque de la bible juive, est une bible
entièrement égyptienne réalisée par et pour les juifs égyptianisés et hellénisés. Bien
plus, elle reflète une évolution textuelle égyptienne du texte hébreu, à côté des familles
textuelles babylonienne et palestinienne. On peut ajouter à cela les manuscrits
découverts ou conservés en Égypte : le Codex du Caire, les fragments de lagenizah du
Caire, les manuscrits araméens et grecs d’Éléphantine pour l’Ancien Testament et les
traditions juives, les codex Alexandrinus et Sinaïticus qui contiennent le texte plus
ou moins complet de la Bible en grec ainsi que les vieilles versions coptes et
éthiopiennes des deux testaments. Il ne fait donc guère de doute que la Bible est bien chez
elle en Afrique2, dès le début de son histoire.
Mais les avaries de l’histoire ont fait disparaître le christianisme, avec sa Bible, de la
quasi-totalité de ses terres1

Même si l’histoire de l’exode en a fait par la suite un peuple ennemi.2


Point n’est besoin d’entrer ici dans la polémique sur l’identité africaine de cette Égypte
antique à l’époque hellénistique. Il existe une littérature de plus en plus abondante sur
cette question et des questions connexes. Voir la synthèse de G. Mokhtar (dir., 1980),
Histoire générale de l’Afrique, vol. 2:

L’Afrique ancienne, Paris, Unesco

africaines, à savoir l’Afrique berbère et l’Égypte, à partir du 7 e siècle, et ce, jusqu’à l’ère
des explorations européennes au 15e siècle, puis des missions chrétiennes et coloniales
quelques siècles plus tard. Il y eut des enclaves qui ont survécu à l’anéantissement,
notamment au sein de la population copte d’Égypte et dans les communautés
monophysites de la corne de l’Afrique, mais elles sont restées prisonnières des régimes
musulmans et isolées de la suite de l’évolution du christianisme et de la transmission de
la Bible. Elles ont néanmoins gardé la flamme du christianisme et développé des
traditions exégétiques et herméneutiques propres qui leur ont permis de survivre,
jusqu’à l’arrivée des missions occidentales.

Depuis le 15e siècle donc, avec le christianisme européen (portugais en l’occurrence), la


Bible a fait son retour en terre africaine après s’en être absentée pendant près d’un
millénaire. Mais en revenant, elle a servi, au début, par le type d’herméneutique qui a été
colporté avec elle, les causes de l’esclavage et de la domination européenne. L’herméneutique
de cette époque l’a utilisée d’abord pour fonder la thèse de l’infériorité raciale des Noirs
et l’esclavagisme, soutenant ainsi le génocide qu’a été la déportation des esclaves des côtes
ouest-africaines dans la traite atlantique. Elle a ensuite été utilisée pour justifier
les impérialismes, la domination coloniale et les politiques civilisatrices qui l’ont
accompagnée. Enfin, ce fut pour maintenir les peuples soumis dans la précarité
en prêchant le désintérêt face à la richesse, de manière à mieuxexploiter et à se rendre
maîtres de leurs ressources. Les histoires à ce sujet, devenues souvent anecdotiques, sont
nombreuses. Voilà pour le volet politique. En dépit des connivences avérées des
missions chrétiennes avec le colonialisme à plusieurs endroits de l’Afrique, il faut
cependant se garder de toute généralisation et de tout amalgame. Les missionnaires
arrivés en terre africaine dans la vague des mouvements de réveil en Europe et en Amérique
du Nord y venaient, de bonne foi, avec la conviction d’une noble vocation, et elle l’était en
effet, pour un grand nombre, la majorité sans doute, d’entre eux. Leur lecture de la Bible
était animée, de ce point de vue, par le souffle de ce réveil et le sentiment de cette vocation,
ainsi que, souvent, parle piétisme et le fondamentalisme qui y est associé.

Les missionnaires, qui n’étaient pas toujours des théologiens, encore moins des
exégètes formés à cet effet, ont cependant souvent entrepris assez tôt des traductions des
portions de la Bible et rédigé des fascicules d’enseignement qui reflétaient leur lecture
de cette Bible, et les premiers collaborateurs locaux (traducteurs, catéchistes, même
cuisiniers) ont été alphabétisés, formés et entraînés dans
la perspective de cette interprétation souvent littérale et spiritualiste. Voir par exemple
le fameux discours adressé aux missionnaires du Congo-Zaïre par le ministre belge des
colonies, Jules Renquin, en 1920. Cf. J.Koulagna (2007), Le christianisme
dans l’histoire de l’Afrique, doc. 22, p.166-168.

Ibid., p. 106-116, 155-169 ; Id. (2010),


Le christianisme moderne (XVe- XXe siècle) : Promesses et contradictions
, p. 112-116

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