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XIXe siècle:

VERS UNE COMPRÉHENSION SCIENTIFIQUE DE LA PAUVRETE


XIXE SIÈCLE: UNE TRIPLE RÉVOLUTION
● Sociale: Les droits de l’homme et du citoyen
○ La fin de l’ordre divin
○ Egalité des droits = égalité des conditions de vie?
● Industrielle
○ Ouvriers et paupérisme
● Scientifique
○ Développement des sciences humaines
○ Expliquer le monde: thèses scientifiques > religieuses

LA NAISSANCE D’UNE COMPRÉHENSIONSCIENTIFIQUE DE LA PAUVRETÉ


● Des sociologues (→ approches qualitatives)
○ Tocqueville, Marx et Simmel
○ Comprendre les relations entre la pauvreté etl’organisation sociale (normes et structure)
● Et des économistes (→ approches quantitatives)
○ Les travaux précurseurs: inégalités de revenu et consommation des ménages (Le Play)
○ L’école anglaise de la théorie du salaire desubsistance: Booth, Rowntree et Bowley
○ Calcul du « minimum vital » salaire minimum Pascale Gazareth, Milieux défavorisés

ALEXIS DE TOCQUEVILLE (1805-1859) :

● Les besoins sont socialement et historiquement construits


○ La pauvreté est à la fois relative et subjective
● Les pauvres augmenteront avec le progrès social
○ Il y aura toujours un socle d’individus qui auront besoin de l’aide des autres
● Être pauvre = être assisté
○ Assistance = rapport dépendance + déclassement
○ Charité publique à éviter / charité privée ne suffit pas
○ Mémoire sur le paupérisme (1835), Société académique de Cherbourg (France) (+ second
mémoire sur le paupérisme)
● Analyse de la pauvreté fondée sur trois comparaisons
○ Pauvreté des campagnes européenne (ESP et PT)
○ Paupérisme industriel (GB)
○ Dénuement des tribus amérindiennes (USA)
MÉMOIRE SUR LE PAUPÉRISME
● Les pays les plus misérables de l’Europe, l’Espagne et le Portugal, comptent une population « mal
nourrie, mal vêtue, ignorante et grossière, vivant au milieu de campagne à moitié inculte », mais
fort peu d’indigents (1/90 en Espagne, 1/25 au Portugal)
[indigent = qui manque des choses les plus nécessaires]
● Dans la florissante Grande-Bretagne, pays le plusriche du monde, un habitant sur six émarge
àl’assistance publique
● Pour lui, on voit que dans des pays des gens vivent avec très peu mais qu’il y a peu de gens avec
l’aide sociale. Tandis que dans les pays riches, il y a beaucoup d’aides sociales. Il y a aussi ce
paradoxe dans un même pays/entre même civilisation.

Même comparaison pour la France


● La moyenne des indigents en France {...} est d'un pauvre sur vingt habitants [1/20 = 5%]
○ Le département du Nord, à coup sûr le plus riche, le plus peuplé et le plus avancé, compte
près du sixième de sa population auquel les secours de la charité sont nécessaires
○ Dans la Creuse, le plus pauvre et le moins industrialisé de tous nos départements, il ne se
rencontre qu'un indigent sur 58 habitants; un sur 25 dans la Manche

ET ENTRE CIVILISATIONS
« J'ai vécu au milieu des peuplades barbares de l’Amérique du Nord ; j'ai plaint leur destinée, mais eux ne la
trouvaient point cruelle. Coulé au milieu de la fumée de sa hutte, couvert de grossiers vêtements, ouvrage
de ses mains ou produit de sa chasse, l'Indien regarde en pitié nos arts, considérant comme un
assujettissement fatigant et honteux les recherches de notre civilisation ; il ne nous envie que nos armes. »

LE RELATIVISME CULTUREL
● + la société devient riche, + il y a de gens qui n’arrivent pas à vivre ce niveau de richesse et donc se
trouvent dans une situation de pauvreté. Le développement économique est la cause de la
pauvreté. Synthèse : plus les gens sont riches, + les besoins augmentent et se diversifient → + de
pauvres. La pauvreté est relative et subjective.

● La pauvreté est donc relative et subjective


○ Relative: les besoins varient selon le degré de développement économique de la société
○ Subjective: la pauvreté découle des besoins que l’on éprouve => se sentir pauvre =>
différent pour chaque sujet et selon le contexte social
○ Les besoins croissent avec le développement, rendant plus nombreux ceux qui ne peuvent y
subvenir par leur travail => le développement économique, en portant la diversification des
besoins, est la cause de la pauvreté

RELATIVISME: AUSSI HISTORIQUE


● Société féodale versus industrielle
○ La grande majorité de la population vivait presque sans besoins et le reste n'en éprouvait
qu'un petit nombre. La terre suffisait pour ainsi dire à tous, l'aisance n'était nulle part ;
partout le vivre
○ Chaque année, les besoins se multiplient et se diversifient, et avec eux croît le nombre des
individus qui espèrent se créer une plus grande aisance en travaillant à satisfaire ces
besoins nouveaux qu'en restant occupés de l'agriculture

En conséquence...
● Avec le cercle de ses jouissances, il a agrandi le cercle de ses besoins et il offre une plus large place
aux coups de la fortune. De là vient que le pauvre d'Angleterre paraît presque riche au pauvre de
France; celui-ci à l'indigent espagnol. Ce qui manque à l'Anglais n'a jamais été en la possession du
Français
● Et il en est ainsi à mesure qu'on descend l'échelle sociale. Chez les peuples très civilisés, le manque
d'une multitude de choses cause la misère ; dans l’état sauvage, la pauvreté ne consiste qu'à ne pas
trouver de quoi manger
● L’être humain a agrandi le cercle de ses besoins.
● Peuples civilisés : le manque de plusieurs choses cause la misère.
● Plus les nations sont riches, plus il y a de pauvres.
● Les gens de la campagne vont se diriger vers les villes car les enfants vivent de + en + longtemps
donc les familles paysannes n’ont plus assez de terre. Il faut donc trouver du travail en usine.

Une croissance inéluctable :


« Si toutes ces réflexions sont justes, on concevra sans peine que plus les nations sont riches, plus le
nombre de ceux qui ont recours à la charité publique doit se multiplier, puisque deux causes très puissantes
tendent à ce résultat : chez ces nations, la classe la plus naturellement exposée aux besoins augmente sans
cesse, et d'un autre côté, les besoins s'augmentent et se diversifient eux-mêmes à l'infini… »

DÉVELOPPEMENT
SOCIO-ÉCONOMIQUEET CHARITÉ
PUBLIQUE

L’ASSISTANCE COMME MATÉRIALISATIONDE LA PAUVRETÉ


● « Relative, la pauvreté ne peut se définir selon un seuil de besoin [=minimum vital]»
○ Qu’est-ce qui la définit alors ? => l’assistance
○ Pauvres = assistés
● Ambiguïté du droit à l’assistance
○ Le droit consacre l’appartenance à la société
○ Mais l’assistance crée un rapport de dépendance
○ Le statut d’assisté ne peut être qu’inférieur
○ Faire valoir son droit induit un déclassement social
● Il rejette l’idée de minimum vital, il veut définir la pauvreté selon le niveau d’assistance. On accepte
d’aider que les personnes appartenant à la société, l’assistance crée un rapport de dépendance, ce
statut est inférieur et induit un déclassement social.

CRITIQUE DE LA CHARITÉ D’ETAT (‘LÉGALE’)


● La hausse des besoins pousse Tocqueville à faire une critique radicale de la charité d’Etat
○ Perte du lien social et moral tel qu’il s’établit entre donneur privé et assisté
○ Développement de la dépendance envers l’aide sociale, prétéritant la prise d’emploi ou
l’aide de la famille = danger de créer une classe oisive
○ Mise sous tutelle des pauvres les privant de l’exercice de leurs droits, stigmatisant leur
statut inférieur, ou les liant à leur paroisse [à l’époque, pas de séparation de l’Eglise et de
l’Etat]
● La hausse des besoins va générer de + en + de pauvres qui demanderont de l’aide pour suivre le
progrès social. Ça lui pose un problème s’il y a un vrai droit d’assistance car tout le monde peut
demander d’être aidé à la place d’essayer de travailler. Pour supprimer ce problème on doit rendre
l’assistance la plus désagréable possible

Gérer la croissance de l’assistance :


● Dès lors, il faut rendre la charité d’Etat aussidésagréable que possible

○ Eviter que les pauvres y recourent ou y restent durablement


● Et favoriser la charité individuelle
○ Moins d’effets indésirables en raison du contrôle social qui s’instaure via la relation directe
entreaidant et aidé
○ Conditionne encore aujourd’hui l’approche de l’aide aux pauvres aux USA

(Modération de son propos)


● Dans le Second mémoire sur le paupérisme [jamais publié] Tocqueville concède que la charité
privée ne peut palier seule aux besoins des pauvres
○ Il attribue la pauvreté à l’imprévoyance des pauvres [prolétaires ruraux ou urbains] soumis
aux crises économiques
○ Il propose le partage des terres (et des usines) car la propriété, même d’un petit lopin (ou
d’une part sociale de l’usine), baisse l’imprévoyance
○ Il suggère d’autres mesures en faveur de l’épargne des prolétaires et du crédit sur gage

KARL MARX (1818-1883) ET F. ENGELS


« Le Capital » (1867)
● Pauvreté comme conséquence des rapports de force socio-économiques entre classes sociales
○ Les causes sont sociales et pas naturelles ou divines
○ Pauvres car inégalités, inégalités car rapport de force entre groupes sociaux.
○ Réduire au maximum les coûts de main-d’œuvre pour accroître la rémunération du capital
○ Rôle des autres classes sociales: armée(s) de réserve (flottante, latente, stagnante) et
Lumpenprolétariat(Les classes sont inégales car les gens qui possèdent les usines cherchent
à tirer un profit maximum donc ils réduisent les salaires. Lumpenprolétariat, cycle
économique.)
○ Cycles économiques et théorie de la paupérisation: la pauvreté augmentera et cela ne peut
changer qu’avec une révolution (Chaque fois qu’il y a une récession il y a une pression sur
les salaires et quand l’économie marche bien, on n’arrive pas à réguler cette pression →
pauvreté augmente.)
○ Il y a toujours des personnes qui sont d’accord de travailler pour moins.

LA SITUATION DE LA CLASSE LABORIEUSE* EN ANGLETERRE (1845) (*=qui travaille)


● A la base du Capital:
○ Enquête de Friederich Engels sur les ouvriers d’usine (Allemagne)
○ Voyage d’étude la même année avec Marx en GB
● En plus de décrire le paupérisme, Engels démontre:
○ L’exploitation de la classe ouvrière par lespropriétaires des moyens de production (usines,
outils)
○ La production d’une surpopulation qu’il nomme «l’armée industrielle de réserve»

LA «LUTTE DES CLASSES»


● Société capitaliste organisée autour de deuxclasses principales qui s’affrontent:
○ Capitalistes d’un côté (possèdent les outils de production: terres, usines, machines =>
bourgeois)
○ Prolétaires de l’autres (ne possèdent que leur force de travail => ouvriers d’usine ou
agricoles, chômeurs, etc. => la «classe ouvrière»)
○ Tous veulent améliorer leurs conditions de vie respectives mais la lutte est inégale (rapport
de force déséquilibré) => la classe ouvrière se trouve exploitée et condamnée à la pauvreté

L’ORIGINE DU DÉSÉQUILIBRE
● Les capitalistes veulent augmenter la valeur de leur capital fixe [rendement des investissements]
○ Vendre plus cher? non (concurrence) => réduire les coûts de production (matières
premières, machines, salaires) => le plus facile: salaires => obtenir le plus de travail possible
(capital variable) au prix min.
■ Augmenter les prix : non (concurrence) => réduire les coûts de production
■ Le plus facile : salaires => obtenir le plus de travail possible (capital variable) au prix
min.
● Ouvriers: vendre au mieux leur force de travail
● Les autres classes déséquilibrent le rapport de force
○ La ‘petite bourgeoisie’ (petits artisans, petitspaysans) soutient les capitalistes
○ Les ‘armées de réserve’ sabotent la lutte ouvrière (AR=pauvres hors de la classe ouvrière)

(Trois formes de l’armée de réserve)


● Forme flottante: ouvriers en recherche d’emploi => jeunes hommes et femmes très mobiles attirés
par les industries en croissance (rêvent d’une vie meilleure, en bonne santé et disposés à faire les
tâches les plus rudes), chômeurs et ouvriers usés/âgés cherchant des emplois moins exigeants
● Forme latente: population qui fuie la pauvreté des campagnes: fermiers privés de terre, paysans
ruinés par les taux hypothécaires, artisans désœuvrés par l'évolution technique, cadets des grandes
fratries, etc.
● Forme stagnante: travailleurs irréguliers, employés avec des salaires nettement inférieurs à la
moyenne (à domicile, branches industrielles en déclin, entreprises non rentables)

MÉCANISME DU DÉSÉQUILIBRE
● Petite bourgeoisie
○ Votent des lois favorables aux capitalistes
● Armées de réserve
○ Prêtes à tout accepter pour avoir de quoi manger
○ Concurrence sur salaires (dumping), conditions de travail (plus difficiles/dangereuses),
horaires
○ Freinent l’efficacité des luttes ouvrières (délation, remplacent les ouvriers en grève, etc.)
○ Reconstruites en permanence par la forte natalité, l’appauvrissement des campagnes et les
licenciements (faillites ou renvoi des grévistes)

COMME LE RÉSUME ENGELS...


● « Voilà quelle est la concurrence des prolétaires entre eux. Si tous les prolétaires affirmaient
seulement leur volonté de mourir de faim plutôt que de travailler pour la bourgeoisie, celle-ci serait
bien contrainte d'abandonner son monopole ; Mais ce n'est pas le cas; c'est même une éventualité
quasiment impossible et voilà pourquoi la bourgeoisie continue d'être de bonne humeur.
● Il n'y a qu'une seule limite à cette concurrence des travailleurs entre eux : aucun d'eux n'acceptera
de travailler pour un salaire inférieur à celui qu'exige sa propre existence; s'il doit un jour mourir de
faim, il préférera mourir sans rien faire plutôt qu'en travaillant »

UNE SOUS-CATÉGORIE AMBIGÜE: LE LUMPENPROLETARIAT


● Les plus pauvres d’entre les pauvres
○ Lumpen = guenilles [vêtements usés et déchirés]
○ Vagabonds, prostituées, voleurs de rue, indigents
○ Certains sont aptes au travail: veuves, orphelins,enfants d’ouvriers, anciens galériens,
assistés
○ D’autres non: malades, invalides, inaptes, déchus
● Attitude ambivalente de Marx à leur égard
○ Victimes du système
○ Mais parfois prêts à tout pour un sou (trahison)
■ briseur de grève, informateur de la police

■ mettent des bâtons dans les roues pour les luttes ouvrières.

(Théorie des cycles économiques)


● Marx émet lui aussi l’hypothèse que la pauvreté va augmenter dans le temps car:
○ En période de crise: chômage = concurrence accrue des armées de réserve = salaires
baissent
○ En période de croissance: même si le besoin de main d’œuvre est grand, il reste des
ouvriers de réserve prêts à accepter de moins bonnes conditions de travail => salaires
augmentent peu
○ La théorie de Marx voudrait que le revenu ouvrier diminue dans le temps mais en réalité le
revenu ouvrier s’élève grâce au développement économiques, les progrès techniques et les
luttes sociales.

● Prolétaires de tous les pays, unissez-vous!


○ Appel à l’union et à la révolution pour casser le mécanisme et modifier les rapports de force

EVOLUTION RÉELLE DURANT LE XIXE SIÈCLE (Le nombre des pauvres au 19ème siècle )
● Contrairement à ce que pensaient Tocqueville et Marx, le nombre des pauvres fluctue mais
n’augmente pas sur le long terme (statistiques de l’assistance sociale)
○ Augmente durant les crises économiques (l’assistance publique et la charité privée en
réduisent l’impact mais ne l’éliminent pas)
○ Diminue durant les périodes de croissance (mais ce sont souvent les conditions de travail
qui se dégradent: pour assurer la production, les patrons augmentent les cadences et
réduisent la sécurité)
○ Les cycles naturels influencent tjs les récoltes

● La théorie de Marx voudrait que le revenu ouvrier diminue dans le temps. En réalité, il augmente:
○ Développement économique et social
■ Comme le prédisait Tocqueville, le minimum social augmente – et donc les salaires
aussi
○ Progrès technique
■ Augmente la productivité du capital fixe => la pression sur les salaires se relâche
■ Besoin en main-d’œuvre plus qualifiée
○ Luttes sociales (syndicats, politique) font effet
TOCQUEVILLE
● Différences entre sociétés => pauvreté relative
● Pauvreté créée par le développement; pauvres = assistés
● Pauvreté croissante avec le développement éco et les besoins nouveaux
● Solution: abolition des aides d’Etat, charité privée et propriété privée (terres, outils, épargne)

MARX & ENGELS


● Différences entre classes => exploitation
● Pauvreté créée par la domination des capitalistes; pauvres = ouvriers exploités et armées de réserve
utiles au rendement du capital
● Pauvreté varie selon les crises et tend à augmenter
● Solution: conscience de classe et prise de pouvoir par le prolétariat

TOCQUEVILLE VS MARX ET ENGELS

Tocqueville Marx et Engels


Différence entre les sociétés : pauvreté relative Différence entre les classes : rapport de force
La pauvreté créée par le développement Pauvreté créée par la domination des capitalistes
→ Pauvres = assistés → Pauvres = ouvriers exploités et armées de rése
utiles au rendement du capital
La pauvreté est croissante avec le développement La pauvreté varie selon les crises et tend à augme
économique et l’aide sociale
Solution : abolition des aides d’Etat, de la charité Solution : une conscience de classe et une prise de
privée et de la propriété privée (terres et épargne pouvoir par le prolétariat

GEORG SIMMEL (1858-1918)

« Les pauvres » (Der Arme, 1908)


● La société comme résultat des interactions entre les individus
○ les actions réciproques («Wechselwirkungen») existant entre les individus et les groupes
○ La société est constituée par un réseau de droits et d’obligations réciproques
● Pauvreté comme exemple => deux apports à la compréhension de la pauvreté
○ Droit du pauvre et limites du devoir d’assistance
○ Pauvreté individuelle versus pauvreté sociale

Simmel va s’intéresser aux interactions entre les pauvres et les riches, pour cela il va identifier trois formes
idéal-typiques de la relation droits-obligations :
● Droit du donneur domine (parce que le donneur décide de ce qu’il donne)
● Le droit du bénéficiaire domine
● Forme intermédiaire

SIMMEL – DROIT DU PAUVRE ET DEVOIR D'ASSISTANCE


Le droit du pauvre à être aidé fonde le devoird’assistance
● « Le mendiant croit plus ou moins naïvement, enparticulier dans les pays où mendier est d’usage,
qu’il a droit à la charité, et considère souvent qu’un refus équivaut au rejet d’un attribut qui lui est
dû » (Simmel, Les Pauvres, p. 41-42)
● « (....) les droits des défavorisés sont la base de toute notion d’assistance aux pauvres » (p. 42)
Le droit du pauvre est ambigu
● Le droit des pauvres (à être aider) devrait faciliter la demande et l’acceptation de l’aide par les
pauvres
● Mais en même temps: à chaque assistance, à chaque don est lié un sentiment de honte et de
déclassement des receveurs
● Pourquoi? => Simmel analyse théoriquement les interactions en jeu

3 formes théoriques (‘idéal-typiques’) de la relation droits-obligations


● Le droit du donneur domine (aumône)
● Le droit du bénéficiaire domine (qu’il soit ou non responsable de sa situation)
● Forme intermédiaire: l’assistance de l’Etat (il y a obligation de l’Etat à assister mais pas de droit
absolu/inconditionnel du pauvre à être aidé)

SIMMEL – PAUVRETÉ INDIVIDUELLE VS PAUVRETÉ SOCIALE


Pauvreté individuelle
● La pauvreté est une notion relative variant d’un individu à l’autre; la pauvreté absolue n’existe pas
● « Est pauvre celui dont les moyens ne suffisent pas à atteindre ses fins »
● « l’on ne peut déterminer avec certitude le niveau de ces besoins, un niveau qui serait valide
partout, en toutes circonstances et en dessous duquel, par conséquent, la pauvreté existe dans un
sens absolu »

Pauvreté sociale: le statut social de « pauvre »


● Elle naît quand les pauvres acceptent l’aide => l’assistance précède la pauvreté
● Les pauvres sont ceux qui reçoivent de l’aide pour assurer leur subsistance => l’assistance crée la
pauvreté sociale: je reçois l’aide, et c’est cela qui fait de moi «un pauvre»
● « Les pauvres, en tant que catégorie sociale, ne sont pas ceux qui souffrent de manques et de
privations spécifiques, mais ceux qui reçoivent assistance ou devraient la recevoir selon les normes
sociales. Par conséquent, la pauvreté ne peut, dans ce sens, être définie comme état quantitatif en
elle-même, mais seulement par rapport à la réaction sociale qui résulte d’une situation spécifique. »

SIMMEL – PAUVRETÉ SOCIALE


Ne constitue pas toute la pauvreté tellequ’elle peut se manifester dans une société
● Mais c’est celle qui permet d’analyser comment la pauvreté est socialement construite, quel sens
une société lui donne et comment elle y répond
Les pauvres ne sont pas des hommes/femmes en trop placés hors de la société
● Ils sont dans la société et y occupent une position particulière
● C’est cette place qui a intéressé Simmel et amené la suite de ses enseignements

Pauvreté individuelle : Notion extrêmement individuelle, propre à chacun. Chacun a des besoins différents.
Une personne pauvre est une personne dont ses moyens ne suffisent pas à ses besoins, mener la vie qu’il
souhaite et cette notion varie d’un individu à un autre. Il n’y a pas de pauvreté absolue.
Pauvreté sociale : Le fait d’être assisté, le statut social qui découle du fait qu’on demande de l’assistance à
autrui. Les pauvres ne sont pas ceux qui souffrent de manque mais ceux qui reçoivent l’assistance ou
devraient recevoir selon les normes sociales peu importe le niveau réel des besoins et ressources.

Les pauvres ne sont pas des gens exclus de la société, ils font partie du système. Leur position dans ce
système sociale va être particulière.

STATUT SOCIAL DE L’ASSISTANCE

Déficit de droits, stigmatisation, isolement, sentiment d’humiliation et désindividualisation


● Déchéance des droits civiques (+ assistance = bcp de familles nombreuses ou monoparentales =>
desfemmes et des enfants => n’ont pas de moyensjuridiques de faire reconnaître leurs droits)
● Catégorie hétérogène et stigmatisante dans laquelle les pauvres ne peuvent se reconnaître =>
honte à demander l’aide, dévalorisation sociale et baisse d’estime de soi + impossibilité morale à se
montrer comme pauvre pour défendre ses droits

Déficit de droits, stigmatisation, isolement, sentiment d’humiliation et désindividualisation


● « Ce qu’il y a de plus terrible dans la pauvreté est le fait qu’il y a là des êtres humains qui, dans
leurposition sociale, sont pauvres et rien que pauvres »
● Les pauvres perdent leurs attributs d’individu:socialement, ce ne sont plus des hommes/femmes
/parents/vieux/menuisiers/couturières/chômeurs, juste «des pauvres» => toutes leurs identités
sociales disparaissent au profit de ce seul statut

FONCTIONS SOCIALES DE L’ASSISTANCE


L’assistance s’attache davantage à satisfaire ledonateur que le receveur
● Elle est octroyée dans l’intérêt de la collectivité,pour défendre sa réputation et éviter que l’individu
pauvre lui nuise (en se révoltant)
L’assistance constitue un facteur d’équilibrepermettant de conserver la cohésion de la société
● L’assistance assure la protection et la défense de la société bien plus que celle de l’individu
● Défense de la société = défense des rapports et inégalités actuels entre groupes/classes

« Si l’assistance devait se fonder sur les intérêts du pauvre, il n’y aurait, en principe, aucune limite quant à la
transmission de la propriété en faveur du pauvre, une transmission qui conduirait à l’égalité de tous. Mais
puisque le but est tout social, il n’y a aucune raison d’aider le pauvre plus que ne le demande le maintien du
statu quo social. »
Si l’assistance était construite dans l’intérêt du pauvre, le pauvre pourrait demander tout ce qu’il veut au
riche et deviendrait comme le riche mais ce n’est pas le cas. Le système se base sur ce qu’il faut donner au
pauvre et éviter qu’ils se manifestent. L’assistance chercher à servir au donateur.

OBJECTIFS - COMPRÉHENSION
Je peux expliquer les concepts suivants et les rattacher à leurs auteurs
● Pauvreté relative et subjective (Tocqueville)
● Pauvreté naturelle et sociale (Marx)
● Pauvreté individuelle et sociale (Simmel)
Je connais leurs théories sur l’aide sociale
● Tocqueville: rendre l’aide désagréable pour empêcher une classe d’oisifs toujours plus grande
● Simmel: assistance comme instrument de maintien des inégalités sociales fondamentales
● Statut social des pauvres: toujours dévalorisant
● Marx: lutte pol. pour éviter la pauvreté des ouvriers

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