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« C’est parce que nous buvons du bouillon que les pauvres n’ont pas de viande. » J.J ROUSSEAU
« Il faut dire aux premiers de cordée de ne pas oublier les derniers de cordée. Il y a toujours des gens pour ouvrir
la voie, plus véloces, avec plus de chances, mais qu’ils aillent plus vite n’aidera pas celui qui reste en bas. Il faut
que celui qui monte le plus vite se souvienne qu’il a une corde qui l’assure. Cette corde, c’est la cohésion d’un
pays c’est nous. » Emmanuel MACRON
La préoccupation pour les pauvres apparait avec la massification du problème dès le XVIe/XVIIe siècle. Ainsi le
nombre de pauvre passe de 2000/4000 à Paris à 18 000 en 1627 ; à Lyon on passe de 8000 en 1531 à 16 000 à la
même période. Aux Pays Bas on estime que les pauvres représentent, 40 % de la population et 47% en Angleterre.
Dans ce contexte la « charité » traditionnelle est dépassée et les solutions traditionnelles d’assistance ne suffisent
plus.
La pensée mercantiliste compte comme « bons ou « vrais » pauvres ceux qui sont incapables de travailler pour
des raisons physiques, intellectuelles… Les autres doivent subvenir à leurs propres besoins et donc travailler. Le
travail est pris comme solution au problème de la pauvreté. Si les « pauvres » ne travaillent pas de leur propre
initiative… alors ils seront « mis » au travail au sein de « maisons de travail ».
Par exemple, en 1611, Marie de Médicis ordonne l’enfermement des mendiants dans les hôpitaux de Paris. Le
règlement de ces hôpitaux stipule que les hommes valides brasseraient de la bière, scieraient du bois, battraient
du ciment, tandis que les femmes feraient des bas de laine et des boutons. En été, le travail devait durer de 5
heures du matin à 7 heures du soir, le dimanche étant réservé à l’office religieux et à la prédication.
Pour les mercantilistes, par exemple Antoine de Montchrétien (1615), l’objectif est l’enrichissement de la nation.
Il faut donc s’intéresser aux catégories sociales délaissées par les pouvoirs afin d’en faire des sources de richesse
par le travail. Le travail apparaît donc comme la seule alternative à offrir : du pain contre du travail. Les « maisons
de travail » ou de « labeur » vont donc essaimer dans l’Europe entière : Bridewels ou Workhouses en Angleterre,
Tuchthuis en Belgique…
Les maisons de travail ont pour objet dès le XVIIème de rentabiliser la pauvreté : l’assistance doit avoir une
contrepartie. De plus, il s’agit d’éduquer, de discipliner, les pauvres, de leur apprendre la vertu, l’oisiveté étant
mère de tous les vices. L’austérité, la frugalité, sont censé affaiblir les « passions » et élever l’esprit. Cependant
les relations de nourriture (du pain et des pois !) semblent relativement correctent pour l’époque. La forve de
travail doit en effet être entretenue et reproduite.
Au cours de la seconde moitié du XVIIème la définition de la pauvreté va s’élargir : aux mendiants oisifs, aux
vagabonds et aux invalides on va ajouter les « travailleurs pauvres » : ceux qui travaillent mais dont les revenus
suffisent à peine à survivre. La considération vis-à-vis des pauvres va aussi évoluer. La volonté d’éradiquer la
pauvreté va être remplacée par l’usage économique de cette pauvreté.
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William Petty (1623-1687) propose donc de maintenir les pauvres au travail à un niveau de salaire minimum pour
les inciter à l’effort et à l’allongement de la durée du travail.
Bernard Mandeville (1670-1733) affirme que la seule chose qui rend les individus travailleurs est un salaire
modéré : trop peu d’argent les abattra et trop d’argent les rendra « insolents et paresseux » (1714).
Ainsi l’objectif d’enrichissement de la nation implique que les pauvres doivent rester pauvres… toute idée de
justice est abandonnée au profit de l’efficacité économique.
Cependant (très tôt également), d’autres perspectives sont apparues. Ainsi une première formulation du « revenu
universel » remontre à l’Utopie de Thomas More (1516). L’idéal d’une répartition égalitaire de la richesse :
« En Utopie, les lois sont en petit nombre ; l’administration répand ses bienfaits sur toutes les classes de citoyens.
Le mérite y reçoit sa récompense ; et, en même temps, la richesse nationale est si également répartie que chacun
y jouit en abondance de toutes les commodités de la vie. » Thomas More
La propriété (et son inégale répartition) apparaît comme une source de l’inégalité et de la pauvreté :
« […] l’égalité est, je crois, impossible, dans un État où la possession est solitaire et absolue ; car chacun s’y autorise
de divers titres et droits pour attirer à soi autant qu’il peut, et la richesse nationale, quelque grande qu’elle soit,
finit par tomber en « la possession d’un petit nombre d’individus qui ne laissent aux autres qu’indigence et
misère.» Thomas More
On le voit : tourment, disette et désespoir ne sont pas imputables à l’oisiveté ou au handicap… mais à l’institution
de la propriété et à son inégale répartition.
La finalité de la société est l’émancipation et le bonheur et non l’accumulation de richesses comme chez les
mercantilistes.
« Le but des institutions sociales en Utopie est de fournir d'abord aux besoins de la consommation publique et
individuelle, puis de laisser à chacun le plus de temps possible pour s'affranchir de la servitude du corps, cultiver
librement son esprit, développer ses facultés intellectuelles par l'étude des sciences et des lettres. C'est dans ce
développement complet qu'ils font consister le vrai bonheur. »
Dans une large mesure la question posée est celle du sort des pauvrs qui est laissé à la charité, à la compassion…
Un proche de Thomas More, Johannes Ludovicus Vives publie en 1526 De subventione pauperum. Il y présente un
plan pour instaurer un revenu minimum garanti pris en charge au niveau municipal. La contribution aux pauvres
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est laissée à l’obligation religieuse de charité mais elle est organisée publiquement en associant paroisse et
municipalité. Cependant chez Vivès l’assistance est assortie d’une obligation de travail en contrepartie : « A nul
pauvre, qui par son âge et santé, peut travailer on ne doit permettre de rester oisif ».
Divers systèmes d’assistance aux pauvres seront ainsi instaurés en Europe, par exemple aux Pays-Bas, Charles
Quint généralise en 1531 les mesures prises au niveau local. En GB, les « poor laws » sont instaurées
progressivement entre 1579 et 1601. Ces lois obligent les municipalités à porter assistance aux pauvres en
échange de travail si ceux – ci sont en état de la fournir. On crée également des « work houses » pour contrôler
et surveiller le travail des pauvres.
En 1795 est instauré, initialement par la municipalité de Speen, le système de Speenhamland. Ce système institue
un droit à un revenu minimum pour tous les individus nécessiteux résidant sur un territoire. De plus face à des
révoltes frumentaires récurrentes des mesures obligent les paroisses à verser un complément de revenu aux
ouvriers en plus de leur salaire pour atteindre un seuil minimal indexé sur le prix du blé
Au cours des XVIe et XVIIe siècles la pauvreté s’institutionnalise progressivement et des « lois sur les pauvres »
matérialisent ce fait. La langue anglaise distingue aussi « poors » de « paupers »: les premiers sont ceux qui sont
incapables de travailler, les seconds ceux qui ont du mal à vivre de leur travail... ...c’est sur cette base aussi que
Marx parlera de « paupérisation » de la classe ouvrière au XIXe.
Au XVIIIe siècle l’émergence de l’économie politique classique va amener à envisager différemment la question
de la pauvreté... ...et à la séparer de tout considérant d’ordre moral qui irrigue les conceptions évoquées jusqu’ici
(mais la morale a la vie dure !)
Les approches qui se développent au XVIIIe font confiance au marché « libre » pour régler le problème de la
pauvreté. On retrouve alors chez beaucoup d’auteurs la logique mise en avant par Mandeville dans la « fable des
abeilles »: la thèse du ruissellement. Si certains s’enrichissent, alors cela finira par profiter à tous, y compris les
plus pauvres par « ruissellement ».
Less physiocrates, et notamment François Quesnay, raisonnent en termes de circuit économique: les pauvres
dépendent des riches. Les riches consomment et ce faisant ils donnent du travail et donc du revenu aux pauvres
qui à leur tout pourront consommer... Les riches doivent engager des dépenses en produits agricoles et
embaucher des salariés.
Pour Quesnay, il vaut donc mieux créer des emplois productifs plutôt que de recourir aux dons ou aux emplois
dans des ateliers d’Etat. Travail et salaire doivent permettre aux pauvres de sortir de leur condition. Les revenus
trop faibles sont en effet la véritable cause de la « paresse du paysan opprimé » (Quesnay, 1767).
On retrouve cette même thèse développées chez Adam Smith. Dans la Théorie des sentiments moraux (1759) il
écrit: « Sans en avoir l’intention, sans même le savoir, le riche sert l’intérêt social et la multiplication de l’espèce
humaine ».
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« L’estomac du riche n’est pas en proportion avec ses désirs, et il ne contient pas plus que celui du villageois
grossier. Il est forcé de distribuer ce qu’il ne consomme pas [à ceux qui travaillent pour lui] ; et tous ceux qui
satisfont à ses plaisirs et à son luxe, tirent de lui cette portion des choses nécessaires à la vie, qu’ils auraient en
vain attendu de son humanité ou de sa justice.
[...] Ils [les riches] ne consomment guère plus que le pauvre ; et en dépit de leur avidité et de leur égoïsme (quoiqu’ils
ne cherchent que leur intérêt, quoiqu’ils ne songent qu’à satisfaire leurs vains et insatiables désirs en employant
des milliers de bras), ils partagent avec le dernier manœuvre le produit des travaux qu’ils font faire » A. SMITH
De plus Smith – au-delà de l’action de la main invisible qui gouverne ce ruissellement – use d’un autre argument :
Finalement est-ce l’argent qui fait le bonheur ? Si ce n’est pas le cas, alors la « redistribution » est en elle-même
dévalorisée.
« La Providence, en partageant la terre entre un petit nombre d’hommes riches, n’a pas abandonné́ ceux à qui elle
paraît avoir oublié́ d’assigner un lot, et ils ont leur part de tout ce qu’elle produit. Pour tout ce qui constitue le
véritable bonheur, ils ne sont en rien inférieurs à ceux qui paraissent placés au-dessus d’eux. Tous les rangs de
la société sont au même niveau, quant au bien-être du corps et à la sérénité de l’âme, et le mendiant qui se chauffe
au soleil le long d’une haie, possède ordinairement cette paix et cette tranquillité de l’âme que les rois
poursuivent toujours. »
Etre pauvre ou riche n’influerait donc pas sur le bonheur : le soleil est le même pour tous ! On voit bien le caractère
absurde d’une telle considération et le mépris pour les pauvres qu’elle véhicule: d’une certaine façon elle fait
peser sur eux une autre responsabilité que la responsabilité purement économique, la responsabilité d’être
heureux !
Dans la richesse des nations (1776) Smith va abandonner ces considérations sur le bonheur pour venir sur le seul
terrain de l’efficacité économique. Le « capital » apparaît alors comme un élément central.
Chez Smith, la richesse matérielle qui est le but de l’activité économique est augmentée par l’accumulation du
capital qui est par définition illimitée : plus le capital augmente, plus l’emploi augmente et plus cela profite aux
pauvres, à ceux qui travaillent pour vivre. C’est ce qui explique qu’il vaut mieux être « pauvre » dans une société
riche que « pauvre » dans une société primiticve qui ne connaît pas cette accumulation du capital. L’accumulation
du capital profite à tous au final !
« (...) l’ouvrier, même de la classe la plus basse et la plus pauvre, s’il est sobre et laborieux, peut jouir, en choses
propres aux besoins et aisances de la vie, d’une part bien plus grande que celle qu’aucun sauvage ne pourrait
jamais se procurer » A. SMITH
Avant lui, John Locke avait avancé un argumentaire similaire : « Un roi en Amérique, qui possède de très amples et
très fertiles districts, est plus mal nourri, plus mal logé, et plus mal vêtu que n’est en Angleterre et ailleurs un ouvrier
à la journée ». Locke, second Traité du gouvernement civil, 1689
A bas l’assistanat !
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David Ricardo va compléter le tableau d’une conception libérale de la pauvreté. Seule l’économie est
« compétente » pour traiter le problème de la pauvreté et toute référence extra-économique (comme le bonheur
chez Smith) est abandonnée. Ricardo propose ainsi de supprimer les lois sur les pauvres, les systèmes assistanciels
pour deux raisons :
- Une raison démographique
- Une raison économique
Ricardo reprend ici l’argumentaire de Malthus dans son « Essai sur le principe de population » 1798. Les lois sur
les pauvres accordant des revenus aux pauvres en fonction du nombre d’enfants encouragent leur reproduction.
Ainsi la population des pauvres augmentera sans limites, et tout le revenu sera, à terme, absorbé par les aides aux
pauvres. Le mécanisme de ruissellement trouverait ici une limite.
« En s’engageant à nourrir tous ceux qui demandent à manger, vous créez dans une certaine mesure une demande
illimitée [...] ; la population et les taux d’imposition croitront selon une progression régulière jusqu’à ce que les
riches soient réduits à la pauvreté et qu’il n’y ait plus de distinction de conditions [entre riche et pauvres]. »
Les lois sur les pauvres apparaissent comme des obstacles au bon fonctionnement du marché du travail. On
retrouve l’argument classique des libéraux contre toute forme de réglementation.
Ricardo reprend ici l’argumentaire de Malthus dans son « Essai sur le principe de population » 1798. Les lois sur
les pauvres accordant des revenus aux pauvres en fonction du nombre d’enfants encouragent leur reproduction.
Ainsi la population des pauvres augmentera sans limites, et tout le revenu sera, à terme, absorbé par les aides aux
pauvres. Le mécanisme de ruissellement trouverait ici une limite.
« En s’engageant à nourrir tous ceux qui demandent à manger, vous créez dans une certaine mesure une demande
illimitée [...] ; la population et les taux d’imposition croitront selon une progression régulière jusqu’à ce que les
riches soient réduits à la pauvreté et qu’il n’y ait plus de distinction de conditions [entre riche et pauvres]. »
Les lois sur les pauvres apparaissent comme des obstacles au bon fonctionnement du marché du travail. On
retrouve l’argument classique des libéraux contre toute forme de réglementation.
Si l’aide aux pauvres peut servir de complément de revenu permettant aux salariés insuffisamment payés
d’atteindre le minimum de subsistance… alors le salaire ne peut plus jouer son rôle de régulateur sur le marché
du travail en ajustant l’offre et la demande. De plus, compte tenu de ces revenus complémentaires, les capitalises
sont incités à sous-payer les salariés. Le fonctionnement des « poor laws » serait donc finalement pervers et tout
le monde y perdrait.
« Aucun projet d’amendement des lois sur les pauvres ne mérite la moindre attention s’il ne vise, à terme, leur
abolition »
Pour Ricardo, le jeu des lois naturelles de l’économie, doit conduire à ne laisser aux travailleurs qu’un
« salaire naturel ».
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Salaire naturel : « est celui qui est nécessaire pour permettre globalement aux travailleurs de subsister et perpétuer
leur espèce sans variation de leur nombre ».
Ricardo abandonne ainsi toute référence morale de façon définitive: la question de la justice n’est pas pertinente,
seule compte le résultat, l’efficience. L’économie est gouvernée par des lois naturelles, les lois du marché, et il n’y
a pas d’autre choix que de s’y soumettre. Il faut donc « libérer » le marché de toute entrave et
«désinstitutionaliser » la pauvreté.
La « fabrique du diable »
L’abolition des « poor laws » en 1834 et notamment du système de Speenhamland permet ainsi l’instauration
d’un véritable « marché du travail ». On est alors dans la logique de l’extension du marché prophétisée par Smith
puisque les hommes eux-mêmes sont transformés en marchandise. Karl Polanyi (1886-1964) y voyait l’origine du
« désencastrement » de l’économie.
« [...] C’est, en fin de compte, la raison pour laquelle la maîtrise du système économique par le marché a des effets
irrésistibles sur l’organisation tout entière de la société : elle signifie tout bonnement que la société est gérée en
tant qu’auxiliaire du marché. Au lieu que l’économie soit encastrée dans les relations sociales, ce sont les relations
sociales qui sont encastrées dans le système économique. » Polanyi, 1944
« Permettre au mécanisme du marché de diriger seul le sort des êtres humains et de leur milieu naturel, et même,
en fait, du montant et de l’utilisation du pouvoir d’achat, cela aurait pour résultat de détruire la société. Car la
prétendue marchandise qui a nom “force de travail ” ne peut être bousculée, employée à tort et à travers, ou même
laissée inutilisée, sans que soit également affecté l’individu humain qui se trouve être le porteur de cette
marchandise particulière. En disposant de la force de travail d’un homme, le système disposerait d’ailleurs de
l’entité physique, psychologique et morale « homme » qui s’attache à cette force. Dépouillés de la couverture
protectrice des institutions culturelles, les êtres humains périraient, ainsi exposés à la société ; ils mourraient,
victimes d’une désorganisation sociale aiguë, tués par le vice, la perversion, le crime et l’inanition. La nature serait
réduite à ses éléments, l’environnement naturel et les paysages souillés, les rivières polluées, la sécurité militaire
compromise, le pouvoir de produire de la nourriture et des matières premières détruit. Et pour finir, l’administration
du pouvoir d’achat par le marché soumettrait les entreprises commerciales à des liquidations périodiques, car
l’alternance de la pénurie et de la surabondance de monnaie se révélerait aussi désastreuse pour le commerce que
les inondations et les périodes de sécheresse l’ont été pour la société primitive. Les marchés du travail, de la terre
et de la monnaie sont sans aucun doute essentiels pour l’économie de marché, mais aucune société ne pourrait
supporter, ne fût ce que pendant le temps le plus bref, les effets d’un pareil système fondé sur des fictions
grossières, si sa substance humaine et naturelle comme son organisation commerciale n’étaient pas protégées
contre les ravages de cette fabrique du diable.»
III. Conclusion
On voit ainsi que la prise en compte de la pauvreté est un raccourci pour comprendre la façon dont encore
aujourd’hui on considère les pauvres, les chômeurs, les assistés… mais aussi les « riches », les premiers de cordée
etc. De plus, même si on a voulu comme Ricardo évacuer les considérations morales… celles-ci ne sont jamais loin
et la manipulation de la culpabilité est toujours un instrument utilisé de façon récurrente par les gouvernants.
Pour le dire autrement, il faut aussi « moraliser » les pauvres.
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« Il est bon qu’il y ait dans la société des lieux inférieurs où soient exposées à tomber les familles qui se conduisent
mal, et d’où elles ne puissent se relever qu’à force de se bien conduire. La misère est ce redoutable enfer. [...]
Il ne sera peut-être donné qu’à la misère et aux salutaires horreurs dont elle marche escortée, de nous conduire à
l’intelligence et à la pratique des vertus les plus vraiment nécessaires aux progrès de notre espèce et à son
développement régulier ». C. Dunoyer (1786-1862),1846
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« De manière générale, on peut penser que la globalisation mène à la paix. Il est certain que de plus grands
contacts peuvent réduire les différences entre les peuples et permettre une meilleure compréhension des
autres ». Kenneth Arrow (1921-2017, prix en mémoire d’Alfred Nobel d’économie 1972).
à L’enrichissement
Définition du mercantilisme :
- La pensée mercantiliste se développe en réaction aux conceptions du Moyen-Age durant lequel la
réflexion a été conditionnée par des impératifs moraux imposés par les Pères de l’Eglise.
- On trouve donc une logique d’émancipation
La pensée mercantiliste est assez pauvre analytiquement. Elle se concentre autour d’une problématique
centrale : celle de l’enrichissement. Il s’agira de trouver des moyens, des « recettes » pour enrichir le prince.
La pensée mercantiliste a eu une durée de vie assez longue, pour simplifier du XVème jusqu’au XVIIIème siècle.
Cela implique donc une certaine diversité et des différences nationales importantes.
Le Mercantilisme est le produit de deux mouvements : la renaissance sur le plan profane et la réforme sur le
plan religieux. Le mercantilisme est un produit de son temps.
a) La Renaissance
Le papier et l’imprimerie (empruntés au monde Arabe) vont permettre la diffusion et l’échange des savoirs
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L’économie elle aussi va s’émanciper de la Religion : « SOUVENEZ-VOUS TOUJOURS QUE L’EGLISE EST EN L’ETAT
NON L’ETAT EN L’EGLISE. » Antoine de Monchrestien
b) La réforme
Initiée au XIVème siècle elle trouve son aboutissement avec Luther en Allemagne et Calvin en Suisse. La
« prédestination » apparaît comme un élément central.
- Les pratiques autrefois condamnées deviennent beaucoup plus tolérées : profit commercial, prêt à
intérêt…
- L’enrichissement est pris comme un « signe d’élection ».
Max Weber dans « L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme », montre l’importance du protestantisme pour
l’économie.
« Travaillez donc à être riches pour Dieu non pour la chair et le péché »
« Exhortons tous les chrétiens à gagner et à épargner tout leur saoul, autrement dit, à s’enrichir ».
Il ne s’agit pas de s’enrichir pour le plaisir, mais pour Dieu (et le prince !) : c’est une morale ascétique
- L’accumulation des richesses devient un but
- Cette « accumulation du capital » permettra l’essor du capitalisme
Il faut voir aussi que le travail, et le travail bien fait, deviennent aussi Valorisés :
- Cela permettra le développement de la « conscience professionnelle » essentielle également pour le
développement économique
La richesse et le pouvoir vont donc ensemble, cela est symbolisé par l’invention du terme d’économie politique
par Antoine de Montchretien (dans son Traité d’Economie Politique en 1615).
Les « mercantilistes » seront donc avant tout des conseillers des princes et le mercantilisme une doctrine de la
richesse des nations.
« Le bonheur des hommes, pour en parler à notre mode, consiste principalement en la richesse, et la richesse dans
le Travail »
« On peut fort à propos maintenir contre l’opinion d’Aristote et de Xénophon que l’on ne saurait diviser l’économie
de la politique sans démembrer la partie principale du Tout, et que la science d’acquérir des biens qu’ils nomment
ainsi, est commune aux républiques aussi bien qu’aux familles »
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Le prince doit donc favoriser l’enrichissement des citoyens, non pour eux-mêmes mais pour la puissance de la
Nation. On commence à penser (comme le fera Colbert) que la guerre n’est plus l’unique moyen de puissance,
mais que l’économie s’y adjoint voire s’y substitue. Ainsi la question essentielle pour les mercantilistes est celles
des moyens à utiliser pour l’enrichissement (Comment s’enrichir et conserver cette richesse ?). Ils mettront donc
en avant les recettes pour que la nation s’enrichissement.
« Il [Dieu] a mis les diverses parties de la matière en mouvement de beaucoup de manières différentes quant il les
a crées. Depuis il les a maintenues dans le même comportement et les même lois qu’il leur a imposé en les créant.
Il conserve continuellement dans cette matière la même quantité de mouvement » Descartes
Il faut voir que le mercantilisme s’inscrit dans une vision « conservative » de la nature. Dieu a crée le monde, la
matière, le mouvement… et celui-ci ne peut donc qu’être éternel, se conserver
Ainsi, la quantité de richesse se conserve : on ne peut pas la créer, juste la faire circuler…
Cela implique une vision de l’économie comme un « jeu à somme nulle » : Si l’un a plus de richesse, il en reste
forcément moins pour les autres. L’enrichissement de l’un se fait donc toujours aux dépens d’un (ou de plusieurs)
autres. Il y a bien une « guerre économique ».
La richesse centrale pour le mercantiliste n’est pas clairement définie et n’est donc pas conceptualisée. Ainsi,
richesse réelle et richesse monétaire ne sont pas différenciées. : => Tout accroissement monétaire est donc
souhaité puisqu’il est assimilé à un enrichissement
La monnaie utilisée à l’époque une monnaie métallique dont le support matériel est un métal précieux. Sa valeur
intrinsèque, en fonction du poids des pièces et du métal, garantit la valeur d’échange. L’illusion monétaire
s’explique donc par cette confusion entre la monnaie et son « support » métallique.
Cependant on va s’apercevoir que la « valeur » de la monnaie peut décroitre… Les mouvements ascendants des prix
vont être assez vite repérés et on cherchera les causes.
Une des premières thèses sera celle de l’adultération des monnaies. Cette thèse considère que les monnaies
perdent de la valeur du fait de leur dégradation. Cette dégradation est parfois considérée comme « intrinsèque »,
mais elle est souvent due à l’adjonction de plus en plus grande de métaux « non précieux », du cuivre par exemple,
à l’argent ou à l’or.
Cette thèse sera soutenue par M. de Malestroit suite à une « enquête sur le renchérissement de toutes choses et
la dépréciation des monnaies » confiée par le roi (Charles IX) en 1566.
Sa conclusion est donc qu’il y a une « illusion » de hausse des prix due à une dégradation de la monnaie, c’est son
fameux « paradoxe » : « [...] l’on se plaint à tort en France de l’enchérissement de toutes choses, attendu que rien
ne s’y est enchéri depuis 300 ans » Jean de Malestroit (1566)
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Martin de Azpilcueta et surtout Jean Bodin vont établir un lien « causal » entre la quantité de monnaie et la hausse
des prix.
En 1568, Jean Bodin va essayer d’expliquer la « révolution des prix » qui frappe l’époque. Il établit ainsi une
relation de proportionnalité entre les prix et la quantité de monnaie. Il s’agit d’une première esquisse de la
« théorie quantitative de la monnaie » mais il ne passe pas à une généralisation.
Comme on distingue mal monnaie et richesse, on considère que la hausse des prix est liée à l’enrichissement.
Cherté et abondance seront donc liées.
« L’abondance d’or et d’argent qui est la richesse d’un pays, doit en partie excuser la cherté » (Jean Bodin)
Il y a cependant une esquisse chez Bodin d’une analyse « réelle» distinguée de l’analyse « monétaire »
En effet l’abondance monétaire n’est pas la seule cause de l’inflation : il y a aussi les « monopoles », les cartels,
les corporations d’un côté et l’imitation des puissants par les autres (les bourgeois) qui fait augmenter la demande.
[...] la chasse aux sorcières, ainsi que la traite des esclaves noirs et la conquête de l’Amérique, constituent des
éléments indispensables de l’instauration du système capitaliste moderne car ils ont changé de manière
décisive les rapports sociaux et les fondements de la reproduction sociale, à commencer par les rapports entre
les femmes et les hommes et entre les femmes et l’Etat. En premier lieu, la chasse aux sorcières a affaibli la
résistance de la population face aux transformations qui accompagnèrent l’apparition du capitalisme en Europe :
la destruction de la gestion communautaire de la terre ; l’appauvrissement massif et la famine, ainsi que la
création dans la population d’un prolétariat sans terre, à commencer par les femmes d’âge mûr qui, n’ayant
plus de terre à cultiver, dépendaient d’une aide étatique pour survivre.
On a également élargi le contrôle de l’Etat sur le corps des femmes, en criminalisant le contrôle que celles-ci
exerçaient sur leur capacité reproductive et sur leur sexualité (les sages-femmes et les anciennes furent les
premières accusées de sorcellerie). Le résultat de la chasse aux sorcières en Europe fut un nouveau modèle de
féminité et une nouvelle conception de la position sociale des femmes, qui a dévalué son travail en tant
qu’activité économique indépendante (processus qui avait déjà commencé graduellement) et les a placées dans
une position subordonnée aux hommes. Tel était la principale condition pour la réorganisation du travail
reproductif exigée par le système capitaliste
Dans les systèmes « bimétalliques » coexistent des monnaies Or et des monnaies Argent.
Comme l’or est considéré comme ayant « plus de valeur » il est thésaurisé par les individus. Seules les pièces en
argent restent en circulation
à La « mauvaise » monnaie chasse la « bonne »
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De la monnaie au « circuit »
L’intérêt porté à la monnaie montra que celle-ci « circule » via les échanges. L’un des premiers à avoir l’intuition
d’un « circuit économique » fut Johann Joachim Becker à Vienne.
Johan Joachim Becher, Alchimiste et chimiste, écrivit en 1668 un ouvrage intitulé « Discours politique ».
C’est surtout sur le plan de la politique économique que les mercantilistes auront une influence profonde.
Une doctrine simple : la richesse est constituée des métaux précieux qu’il faut accumuler, cad thésauriser. Pour
cela il faut :
Comme l’économie est conçue comme un jeu à somme nulle, s’enrichir implique un appauvrissement des autres.
La période mercantiliste sera donc une période de conflits entre les nations.
La « recette » espagnole pour s’enrichir est d’aller chercher l’or dans le nouveau monde et de l’accumuler. Cela
entraînera la colonisation d’une partie de l’Amérique du Sud et le pillage de ses richesses.
Le mercantilisme espagnol : le bullionisme è « Nous autres espagnols souffronds d’un mal que seul l’or peut
guérir » Herman Cortès
• Interdiction aux navires étrangers d’entrer dans les ports espagnols et, plus généralement, interdiction
aux commerçants étrangers d’exporter vers l’Amérique du sud.
• Instauration d’une « division du travail » entre l’Espagne et les colonies d’Amérique du sud, au profit de
la métropole. La production de certains biens était interdite dans les colonies, afin de permettre à la
métropole de les exporte
• Les flux commerciaux devaient passer par un seul port : celui de Séville jusqu’en 1720 ; puis celui de Cadix.
Ce n’est qu’à partir de 1765 que le commerce international pu être étendu aux autres ports espagnols.
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- Le mercantilisme français est qualifié généralement d’industrialiste et étatise car Colbert notamment
tente de développer l’industrie française par le biais de l’Etat.
- avant Colbert, le mercantilisme français fut agraire / sous le règne d’Henri IV
- son conseiller Sully tenta, avec Olivier de Serres, d’améliorer la situation financière de la France en
développant le commerce des produits agricoles, et en améliorant pour cela les voies de communication
et la qualité de la production agricole.
- Colbert encourage la création de manufactures d’Etat (Gobelins, Beauvais, la Savonnerie) mais aussi de
manufactures privées (Saint-Gobain).
- Des mesures protectionnistes sont prises, consistant à taxer les importations (sauf les matières
premières) et à faciliter les exportations en aidant le développement du transport maritime et la création
de compagnies à monopole (Compagnie des Indes).
La volonté d’exporter des produits manufacturés implique de les rendre compétitifs et donc de baisser les coûts
de production. Cela implique un bas coût de la main d’œuvre. Pour cela il faut mener une politique
« populationniste » (abondance de main d’œuvre).. Et abaisser les prix des denrées alimentaires (salaire de
« reproduction »). Les prix agricoles seront ainsi réglementés et maintenus bas, ce qui ruine l’agriculture. Cette
politique n’aura pas un véritable essor économique… et les physiocrates s’éléveront contre les réglemetnations.
On en revient ainsi à la méthode traditionnelle : la guerre (en 1672 par exemple, la France envahit la Hollande).
Le mercantilisme anglais est dit "commercial" car c’est l’activité marchande qui est utilisée pour drainer les métaux
précieux, en s’appuyant sur la puissance de la flotte anglaise.
Cromwell promulgue l’Acte de navigation de 1651 (suivi de celui de 1660) qui vise à réserver à la flotte anglaise le
transport des marchandises entrant et sortant des ports britanniques et le commerce avec ses colonies.
« Although a Kingdom may be enriched by gifts received, or by purchase taken from some other Nations, yet these
are things uncertain and of small consideration when they happen. The ordinary means therefore to increase our
wealth and treasure is by Forraign Trade, wherein wee must ever observe this rule; to sell more to strangers
yearly than wee consume of theirs in value. »
les importations de céréales sont taxées, afin de protéger les producteurs anglais (premières corn laws) Cromwell
développe les voies de communication, cherche à accentuer, la mainmise anglaise sur l’Ecosse et l’Irlande, engage
le combat contre ses rivaux hollandais. Cette politique agressive à l’égard de l’extérieur sera poursuivie à la fin du
siècle et au début du suivant
Pour Mun le commerce extérieur, principalement maritime est le moyen essentiel d'enrichir le Trésor anglais. Il
préconise de:
• Limiter la consommation à l’intérieur du pays pour augmenter le volume de biens disponibles pour
l'exportation
• Développer l’agriculture et la production de ressources naturelles afin de diminuer le niveau des
importations
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UE1- Économie M.RENAULT Histoire de l’analyse économique
Thomas Mun fut l’un des auteurs qui développa cette doctrine dans son ouvrage « England’s Treasure bu Foreign
Trade » (L’enrichissement de l’Angleterre par le commerce extérieur) publié en 1664.
Réduire les droits de douane sur certaines consommations intermédiaires utilisées dans la production de biens
destinés à l’exportation sur les biens produits avec des matériaux étrangers et exportés. Spécialiser l’Angleterre
dans la production et l’exportation de bien peu sujets à d’importantes variations de prix (bien donc la demande
est inélastique), pour maximiser les recettes d’exportation.
Josiah Child fut un autre auteur mercantiliste Anglais qui défendit le monopole du commerce anglais avec les
colonies.
Ce nom fait référence à la « Kammer », qui peut être assimilé au « trésor public » royal. Les auteurs caméralistes
prôneront une réforme de l’Etat pour aider à son enrichissment. Outre J.J. Becher, Philipp Wilhelm von Hornick
(1640-1712), fut un auteur important. Il est l’auteur de l’ « Alphabet d’un marchand ou d’un caméraliste », qui
contient les neuf règles suivantes :
1 – Les terres et les ressources naturelles doivent être exploitées complètement (en particulier les mines d’or et
d’argent)
2 – Les matières premières domestiques doivent être transformées sur place
3 – L’accroissement de la population doit être encouragé, ainsi que l’emploi et la formation de la main d’œuvre
4 – L’exportation de l’or et de l’argent est prohibée ; mais le métal précieux ne doit pas être thésaurisé et doit
rester en circulation dans le pays
5 – La consommation des produits domestiques doit être encouragée au détriment des produits de luxe étrangers
6 – Quand l’importation de produits étrangers s’avère nécessaire, il faut la réaliser en échange de l’exportation de
produits nationaux et non par des sorties
7 – Les produits étrangers importés doivent être des matières premières transformables dans le pays
8 – Il faut exporter le maximum de produits manufacturés contre de l’or et de l’argent
9 – Il faut prohiber toute importation de marchandises que l’on peut produire en quantité suffisante.
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UE1- Économie M.RENAULT Histoire de l’analyse économique
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« Ayez foi dans les hommes et les femmes libres qui répondent à la main invisible. Cette foi sera fortifiée. » L.READ
« La soumission de l’homme aux forces impersonnelles du marché́ qui dans le passé, a rendu possible le
développement d’une civilisation qui sans cela n’aurait pu se développer ; c’est par cette soumission quotidienne
que nous contribuons à construire quelque chose qui est plus grand que nous ne pouvons le comprendre... » F. VON
HAYEK
La disparition de l’ISF, remplacé par l’impôt sur la fortune immobilière peut-elle permettre de financer l’économie,
comme le dit le président ?
C’est un mythe. Il est juste d’appliquer une fiscalité plus faible à des placements risqués et de longue durée,
comme c’est déjà le cas. Les bénéficiaires seront, pour citer François Mitterrand, «ceux qui s’enrichissent en
dormant». Le seul effet à attendre serait celui décrit par la théorie du ruissellement dans les années 70 : quand
les riches ont plus d’argent, ils en dépensent davantage et cela profite aux plus modestes. Mais les inégalités
s’accroissent et les gouttelettes ne descendent pas jusqu’en bas. Il y aura un choc d’inégalités.
En 1714 Bernard Mandeville (parfois qualifié de Bernard de Mandeville) publie un petit ouvrage « La fable des
abeilles, ou les vices privés font le bien public ». On y trouve un résumé de la pensée libérale qui sera repris par
A.Smith et d’autres.
On y trouve aussi en filigrane une analyse de la division du travail.
Né en Hollande, en 1670, Bernard Mandeville fait ses études en philosophie et en médecine à Rotterdam. Il se
spécialise dans les maladies nerveuses que l’on appelle, à l’époque, les « passions ». Il fait paraître, en 1711, son
Traité des passions hypocondriaques et hystériques.
Il faut rappeler que la Hollande fut un des premiers pays convertis au libéralisme économique en particulier sous
l’influence de Johann de Witt.
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Il émigre en Angleterre au début du XVIIIe siècle afin d’y pratiquer la médecine. C’est en 1714 qu’il publiera la
Fable Philosophique des Abeilles qui le rendra célèbre dans toute l’Europe. Il meurt en 1733 dans son pays
d’adoption.
La Fable des Abeilles met donc en scène certains aspects du libéralisme économique qui seront
repris et continuent à alimenter encore aujourd’hui cette pensée :
à Une morale conséquentialiste: peu importent les moyens, seule la fin compte
à la thèse du « ruissellement »
iii. Ruissellement
« Tous vos mots sont un bien dans les lois générales » VOLTAIRE
n La « fabrique » de notre monde économique repose également sur une lutte sémantique
n La fable des abeille évoque ainsi la notion de « vaine utopie » critiquant le texte de Thomas More de 1516
n Pour Thomas More la fiction utopique est l’occasion d’un examen critique du monde tel qu’il est pour le
changer, notamment par l’action politique
n La « fabrique » de notre monde économique repose également sur une lutte sémantique
n La fable des abeille évoque ainsi la notion de « vaine utopie » critiquant le texte de Thomas More de 1516
n Pour Thomas More la fiction utopique est l’occasion d’un examen critique du monde tel qu’il est pour le
changer, notamment par l’action politique
n A cette philosophie de l’action s’oppose l’optimisme dont le prosélyte le plus fameux est Leibniz à travers
ses « Essais de Théodicée » de 1710
n Malgré des interprétations erronées, due à « Candide ou l’optimisme », Voltaire sera en fait un allié de
cet optimisme
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Condorcet affirmera, en commentant le Poème sur le désastre de Lisbonne (1756), qu’il importe peu que le monde
soit bon ou mauvais, mais qu’il faut l’améliorer : développer les sciences pour prévoir les séismes, ou utiliser le
hasard contre le hasard (ou la fatalité contre la fatalité) : connaître les probabilités d’accident, de maladie, de
décès, et créer un système de sécurité sociale, pour la maladie et la vieillesse...
L’économie en devenant une « science de l’optimum » devient en même temps le support idéologique de ce
fatalisme qu’est l’optimisme…
II. Ruissellement ?
« La variété de rose “American Beauty” ne peut être produite dans la splendeur et le parfum qui enthousiasment
celui qui la contemple qu’en sacrifiant les premiers bourgeons poussant autour d’elle. Il en va de même dans la vie
économique. Ce n’est là que l’application d’une loi de la nature et d’une loi de Dieu. » J.D. Rockfeller
« La seule conséquence de toute nouvelle augmentation (des impôts) serait de conduire de façon croissante les
possesseurs de ces hauts revenus à placer leur richesse en milliards de dollars de titres entièrement exonérés. »
« Ce processus ne détruit pas seulement une source de revenus pour le Gouvernement fédéral, mais a tendance à
décourager des hommes très riches d’investir leur capital dans la création de nouvelles entreprises pour le mettre
à la disposition de l'Etat et des administrations municipales, et cela sans effort de leur part [...] cela contribue ainsi
à stimuler les dépenses inutiles et improductives par l'État et les gouvernements municipaux ». Carter Glass (1858-
1946), secrétaire au trésor du président Woodrow Wilson (Ma traduction), 1919.
Apparté : Carter Glass (1858-1946) était un démocrate « conservateur » qui fut opposé au New Deal de Roosevelt
suite à la crise de 1929.
Il participa à la mise en place de la réserve fédérale américaine (la « FED »).
Il a été récemment réévoqué (sans le savoir !) lors du débat sur la séparation des banques de dépots et des
banques d’affaires suite à la crise de 2008/2009, Il est en effet l’un des auteurs du
« Glass-Steagal act » (1933) séparant ces deux activités aux Etats-Unis, Cette législation a été abrogée en 1999.
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UE1- Économie M.RENAULT Histoire de l’analyse économique
Il y a un seuil au delà duquel, en temps de paix des taux élevés d’impôts sur les revenu et les bénéfices découragent
l'énergie, suppriment l'incitation à créer de nouvelles entreprises, encouragent les dépenses extravagantes, et
produisent la stagnation industrielle avec le chômage et d'autres maux qui en découlent ». Woodrow Wilson
(1856-1924- Président des Etats-Unis de 1913 à 1921).
Comme beaucoup des éléments analytiques (ou pseudo-analytiques) de la théorie économique la courbe de Laffer
apparaît plus comme un instrument de rhétorique idéologique que comme la conséquence d’un raisonnement
réellement scientifique validé par des faits... elle a ainsi suscité de nombreuses controverses.
« La courbe de Laffer nous montre comment les recettes fiscales varient en fonction du taux d’imposition. Puisque
personne ne voudrait travailler si le taux d’imposition était de 100 %, c’est une courbe en forme de "U" inversé, et
le sommet de ce "U" inversé détermine le taux d’imposition qui maximise les recettes fiscales. Ce taux d’imposition
dépend évidemment de la façon dont les agents ajustent leur activité économique en fonction de l’impôt. En
pratique, l’activité économique ne réagit qu’assez faiblement aux changements de taux d’imposition.
Néanmoins, si le système d’impôt offre d’abondantes possibilités d’évasion fiscale (niches fiscales), le taux
d’imposition qui maximise les recettes fiscales sera faible. La leçon est donc qu’il faut mettre en place un système
d’impôt qui minimise les possibilités de niches fiscales. A partir de là, il devient possible d’augmenter les taux
d’imposition très fortement sans compromettre les recettes. » Emmanuel Saez
« En 1932, quand Roosevelt arrive au pouvoir, le taux de l’impôt fédéral sur le revenu applicable aux plus riches
était de 25 % aux Etats-Unis. Le nouveau président décide de le porter immédiatement à 63 %, puis 79 % en 1936,
91 % en 1941, niveau qui s’appliqua jusqu’en 1964, avant d’être réduit à 77 %, puis 70 % en 1970. Pendant près de
cinquante ans, des années 30 jusqu’en 1980, jamais le taux supérieur ne descendit au-dessous de 70 %, et il fut en
moyenne de plus de 80 %. Cela n’a pas tué le capitalisme et n’a pas empêché l’économie américaine de
fonctionner ».
Thomas Piketty
La courbe de Laffer n’est donc – dans une large mesure – qu’une reprise de ce que Mandeville mettait en scène
dans la Fable des Abeilles en 1714 : Si on les taxes sous pretexte de justice sociale, de « vertu », les riches partent
et les « multitudes qui vivaient d’eux » se retrouvent dans la misère.
La thèse du ruissellement est l’exact pendant de cela : Si on abaisse l’impôt sur les plus riches, on les incite à
investir, à créer des entreprises et donc « des richesses », de l’emploi etc. finalement la richesse ruissellera des
plus riches vers les plus pauvres et tout le monde sera pour le mieux dans le meilleur des mondes...
Depuis les années 1980 première heure de gloire des « politiques de l’offre », des réductions d’impôts » des « Flat
Taxes », en particulier aux Etats Unis et en Grande Bretagne, puis progressivement dans la plupart des pays que
s’est-il passé ? La richesse a-t- elle ruisselée ?
Une étude du FMI en 2010 concluait contrairement à l’arbitrage équité/croissance soutenu par Arthur Okun que:
« la redistribution semble généralement exercer des effets bénins sur la croissance ». Dit autrement la
redistribution (qui s’exerce des riches vers les pauvres via l’impôt) ne nuit pas à la croissance. De plus: « une
moindre inégalité nette [après redistribution] est solidement corrélée avec une croissance plus rapide et plus
durable ».
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UE1- Économie M.RENAULT Histoire de l’analyse économique
Arthur Okun (1928-1980) a développé cet « arbitrage » dans « Equality and Efficiency: The Big Tradeoff »
(1975).L’idée d’Okun est que le marché est à la fois inégalitaire et efficace ; vouloir réduire les inégalités par
rapport à l’équilibre de marché a un coût en termes d’efficacité.
C’est la réduction des inégalités par l’intervention de l’État (et non l’égalité elle-même) qui est coûteuse en termes
d’efficacité.
Dans la « Théorie des sentiments moraux » (1759), Smith (1723- 1790) reprend l’analyse déjà développée par
Mandeville dans la Fable des abeilles (1714).
Mandeville justifie le goût du luxe et la prodigalité en soulignant que ces dépenses des riches donnent du travail
aux pauvres.
« L’estomac du riche n’est pas en proportion avec ses désirs, et il ne contient pas plus que celui du villageois
grossier. Il est forcé de distribuer ce qu’il ne consomme pas [à ceux qui travaillent pour lui] ; et tous ceux qui
satisfont à ses plaisirs et à son luxe, tirent de lui cette portion des choses nécessaires à la vie, qu’ils auraient en
vain attendu de son humanité ou de sa justice. [...] Ils [les riches] ne consomment guère plus que le pauvre ; et en
dépit de leur avidité et de leur égoïsme (quoiqu’ils ne cherchent que leur intérêt, quoiqu’ils ne songent qu’à
satisfaire leurs vains et insatiables désirs en employant des milliers de bras), ils partagent avec le dernier
manœuvre le produit des travaux qu’ils font faire » A.SMITH, la Théorie des sentiments moraux, 1759
« Une main invisible semble les forcer à concourir à la même distribution des choses nécessaires à la vie qui aurait
eu lieu si la terre eût été donnée en égale portion à chacun de ses habitants ; et ainsi, sans en avoir l’intention, sans
même le savoir, le riche sert l’intérêt social et la multiplication de l’espèce humaine. »
« La Providence, en partageant la terre entre un petit nombre d’hommes riches, n’a pas abandonné ceux à qui elle
paraît avoir oublié d’assigner un lot, et ils ont leur part de tout ce qu’elle produit. Pour tout ce qui constitue le
véritable bonheur, ils ne sont en rien inférieurs à ceux qui paraissent placés au-dessus d’eux. Tous les rangs de la
société sont au même niveau, quant au bien-être du corps et à la sérénité de l’âme, et le mendiant qui se chauffe
au soleil le long d’une haie, possède ordinairement cette paix et cette tranquillité de l’âme que les rois poursuivent
toujours ».
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UE1- Économie M.RENAULT Histoire de l’analyse économique
le capital suppose non pas la dépense mais l’épargne, non pas la consommation mais l’abstinence, non pas la
prodigalité mais la parcimonie. La richesse matérielle qui est le but de l’activité économique est augmentée par
l’accumulation du capital, et par définition, l’accumulation du capital est illimitée.
Par nature, plus le capital augmente, plus l’emploi augmente et plus cela profite aux pauvres, à ceux qui
travaillent pour vivre.
Au début de la « richesse des nations » Smith se demandait pourquoi, dans les pays avancés, où l’accumulation
du capital est ancienne et importante, les pauvres sont plus riches que les pauvres des sociétés primitives, dans
la situation qui précède l’appropriation du sol et l’accumulation des capitaux.
➔On trouve ici l’argument central du libéralisme économique : l’inégalité des fortunes profite finalement aussi
aux pauvres, dont la situation est meilleure que s’ils vivaient dans une société plus égalitaire, comme les sociétés
primitives.
Cet argument prend le contrepied de volontés réformistes portée notamment par certains révolutionnaires
comme Thomas Paine.
x Jean Baptiste SAY (1767-1832), plus tard, reprendra cette idée du ruissellement
Selon lui qui est le plus intéressé par la liberté de produire et le respect de la propriété:
« C’est le pauvre, parce qu’il n’a d’autres ressources que ses facultés industrielles, et qu’il n’a presque aucun moyen
d’en tirer parti là où les propriétés ne sont pas respectées. Dans ce dernier cas, il est rare qu’un riche ne sauve pas
quelques portions de ce qui lui appartient, et le plus grand nombre des pauvres ne recueille aucun profit de la
dépouille des riches : bien au contraire, les capitaux fuient ou se cachent, nul travail n’est demandé, les terres
restent en friche, et le pauvre meurt de faim. C’est un très-grand malheur que d’être pauvre ; mais ce malheur est
plus grand encore lorsqu’on n’est entouré que de pauvres comme soi ».
J.B. Say, Catéchisme d’économie politique, 1815
x David Ricardo (1772-1823) considérait quant à lui que les dispositifs d’assistances aux plus
pauvres (les « poor laws ») devaient être supprimées car portant atteinte au
ruissellement…
« En s’engageant à nourrir tous ceux qui demandent à manger, vous créez dans une certaine mesure
une demande illimitée [...] ; la population et les taux d’imposition croitront selon une progression
régulière jusqu’à ce que les riches soient réduits à la pauvreté et qu’il n’y ait plus de distinction de
conditions [entre riche et pauvres]. » David Ricardo
x Pour Ricardo, le jeu des lois naturelles de l’économie, doit conduire à ne laisser aux
travailleurs qu’un « salaire naturel
Le salaire naturel : « est celui qui est nécessaire pour permettre globalement aux travailleurs de substister et de
perpétuer leur espèce sans variation de leur nombre ».
x On reconnaît derrière tout cela une forme particulière du « fatalisme » lié à l’optimisme.
Comme Condorcet, certains pensent que la réponse n’est pas à attendre du «
ruissellement » mais des « institutions
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UE1- Économie M.RENAULT Histoire de l’analyse économique
« Il faut porter une main hardie sur cette plaie du paupérisme. (...) Je crois, comme vous, qu'il faut enfin s'occuper
du peuple, infiniment plus qu'on ne
l'a fait par le passé. Les plus chrétiens se sont trompés en se croyant quittes envers le prochain quand ils avaient
pris soin des indigents, comme s'il n'y avait pas une classe immense, non pas indigente, mais pauvre, qui ne veut
pas d'aumônes, mais des institutions. » Frédéric Ozanam (1813-1853) Ecrivain et historien catholique béatifité en
1997, 1848
x Ruissellement ?
Une autre pièce de la rhétorique « ruisselante », plus récente, mérite d’être évoqué: la théorie Rawlsienne de la
justice:
Le principe de justice de Rawls soutient en effet que les inégalités sont tolérables si cela améliore le sort des plus
pauvres. Dit autrement: mieux vaut une société dans laquelle les riches ont 5000 et les pauvres 100 qu’une société
dans laquelle les riches ont 200 et les pauvres 50.
Les néo-libéraux ont aussitôt intégré cet outil conceptuel pour soutenir la thèse du ruissellement: si on rend les
riches (beaucoup) plus riches cela n’a pas d’importance (pour les inégalités) si cela améliore (par ruissellement) le
sort des plus pauvres...
C’est ce qu’on appelle le « principe de différence » chez Rawls
Arhur Laffer déclarait ainsi : « Mon rêve a toujours été de rendre les pauvres plus riches, et non pas de rendre les
riches plus pauvres. Et, en fait, il c’est un bonus supplémentaire si les riches deviennent riches et les pauvres
deviennent plus riches [...] » (ma traduction)
De même Nathan Glazer un des prosélytes de l’économie de l’offre et éditeur avec Irving Christol de « The public
interest » déclarait: « Les avantages pour l'investissement, la productivité et la croissance économique [de la
réduction des impôts comme les théoriciens de l'offre recommandent] bénéficieraient à tous » (ma traduction)
La réduction des impôts serait donc à la fois compatible avec mais également requis par le principe Rawlsien de
différence.
x Ces argumentaires sur les impôts et le capital continuent d’alimenter les politiques
économiques
Renforcer le capital, pas les plus riches : « Je ne crois pas un instant à la théorie du ruissellement », a déclaré M.
Le Maire sur France Inter. « C’est une ânerie, ça n’existe pas », a ajouté le ministre, accusé d’avoir multiplié les «
cadeaux fiscaux » pour les contribuables aisés dans son projet de loi de finances pour 2018.
« Ce n’est pas du tout le choix que nous faisons. Le choix que nous faisons, c’est de réinjecter plus de capital dans
l’économie française, qui a besoin de mieux se financer », a défendu le locataire de Bercy.
« Depuis des années, on a surtaxé le capital, moyennant quoi nos entreprises n’ont pas pu innover et créer de
l’emploi. Nous nous voulons renverser cette situation-là », a-t-il poursuivi.
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UE1- Économie M.RENAULT Histoire de l’analyse économique
La politique de l’offre serait donc « même justifiée par le principe de Rawls » ce qui d’une certaine façon esrt
difficilement réfutable scientifiquement : Le fait que les inégalités aux Etats-Unis soient revenues au niveau des
années 1920, soit la situation la plus inégalitaire qu’ait connu la période « moderne », n’invalide pas le principe
Rawlsien : en effet si le sort des plus pauvres s’est « amélioré » (selon quel critères ?) tout va bien pour le principe
de différence…
IV. Conclusion
Pour Léon Walras (1834-1910), père fondateur de la théorie « néo- classique » (la microéconomie d’aujourd’hui)
l’origine de la pauvreté et des inégalités ne se trouve pas, dans la sphère de l’échange (dans l’économie pure),
mais dans la propriété initiale de la richesse sociale.
S’il y a des pauvres, c’est à cause d’une répartition initiale injuste des richesses sociales entre les individus, qui
contredit l’égalité des conditions. Si l’on modifie la répartition initiale de la richesse sociale pour que celle-ci
devienne conforme à la justice, alors l’égalité des chances sera effective, la pauvreté disparaitra et la question
sociale sera résolue.
La propriété étatique des terres et la propriété individuelle de chacun sur son travail définissent une répartition
initiale juste des richesses sociales, entre les individus. Cette situation correspond à l’égalité des conditions
initiales des individus.
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UE1- Économie M.RENAULT Histoire de l’analyse économique
Préliminaires :
- Il est devenu l’utopie de la campagne électorale : le revenu universel. La France s’enthousiasme pour ce
concept, défendu chez les libéraux par le philosophe Gaspard Koenig, à droite par Nathalie Kosciusko-
Morizet et à gauche par Benoît Hamon. Le projet a mille variantes, mais sa version la plus pure consiste à
verser à chaque individu majeur un revenu minimal fixe, inconditionnel, que l’on soit sans domicile fixe
ou que l’on s’appelle Liliane Bettencourt.
I. Les origines
L’idée d’un revenu universel est très ancienne. Une des premières formulations remonte à l’Utopie de Thomas
More (1516).
Sur l’île d’Utopie, les gens ne travaillent que 6 heures par jour, mais dans ce cas :
«six heures de travail par jour ne suffisent pas aux besoins de la consommation publique, et l'Utopie doit être un
pays très misérable.
Il s'en faut bien qu'il en soit ainsi. Au contraire, les six heures de travail produisent abondamment toutes les
nécessités et commodités de la vie, et en outre un superflu bien supérieur aux besoins de la consommation. »
Thomas More
En fait, dans le monde « réel », il y a beaucoup de gens qui ne travaillent pas, les mendiants, les « chômeurs »...
et de nombreuses personnes fabriquent des choses
« inutiles ».
« Supposez donc qu'on fasse travailler utilement ceux qui ne produisent que des objets de luxe et ceux qui ne
produisent rien, tout en mangeant chacun le travail et la part de deux bons ouvriers ; alors vous concevrez sans
peine qu'ils auront plus de temps qu'il n'en faut pour fournir aux nécessités, aux commodités et même aux plaisirs
de la vie, j'entends les plaisirs fondés sur la nature et la vérité. »
« En Utopie, au contraire, où tout appartient à tous, personne ne peut manquer de rien, une fois que les greniers
publics sont remplis. Car la fortune de l'État n'est jamais injustement distribuée en ce pays ; l'on n'y voit ni pauvre
ni mendiant, et quoique personne n'ait rien à soi, cependant tout le monde est riche. Est-il, en effet, de plus belle
richesse que de vivre joyeux et tranquille, sans inquiétude ni souci ? Est-il un sort plus heureux que celui de ne pas
trembler pour son existence, de ne pas être fatigué des demandes et des plaintes continuelles d'une épouse, de ne
pas craindre la pauvreté pour son fils, de ne pas s'inquiéter de la dot de sa fille ; mais d'être sûr et certain de
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UE1- Économie M.RENAULT Histoire de l’analyse économique
l'existence et du bien-être pour soi et pour tous les siens, femme, enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants,
jusqu'à la plus longue postérité dont un noble puisse s'enorgueillir ? »
Au-delà de ces prémices on attribue souvent la paternité du revenu universel à Thomas Paine (1737-1809). Paine
eut une vie « mouvementée » : il est né en Angleterre mais à la suite de la révolution américaine il devint citoyen
américain, il participa ensuite à la révolution française et devint citoyen français. Il fut à la fois banni d’Angleterre
et emprisonné en France sous la terreur…
En 1797, Thomas Paine publie : La justice agraire opposée à la loi et monopole agraire ou plan d’amélioration du
sort des hommes.
Il s’agit de créer :
« Un fonds national pour payer, à tout individu arrivant à la vingt et unième année, la somme de 15 livres sterling,
à titre d’indemnité, pour la perte de son héritage naturel, occasionnée par le système de la propriété territoriale ;
et en outre la somme de dix livres par année, jusqu’à leur mort, à toutes les personnes actuellement âgées de
quarante ans, et à toutes celles qui, à l’avenir, parviendront à cet âge »
Paine évoque donc l’idée d’un « revenu universel » : l’allocation proposée par Paine doit être prélevée dans un
fonds alimenté par une perception sur les héritages, cad au moment où la propriété change de main.
L’idée de Paine s’inscrit dans une conception de la justice sociale centrée sur l’idée de propriété. Paine distingue
la propriété commune originelle « de la terre elle-même » et la propriété individuelel des « améliorations faite à
la terre ». Ces deux types de propriété en sont venues à être confondues.
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