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Histoire des institutions sociales

Comment va-t-on construire une protection des plus fragiles ?


La protection sociale est très ancienne, elle trouve des fondements qui vont évoluer au gré des
circonstances, des contextes. La protection sociale consiste à engager des pratiques qui doivent
améliorer la condition de vie des bénéficiaires : absence de travail, pauvreté, accompagner en cas de
maladie, de vieillesse, de jeune âge, etc. Cette protection sociale doit protéger la vie, la santé et
l’indépendance. Si la protection sociale doit d’abord améliorer les conditions de vie de ses
bénéficiaires, c’est un instrument qui protège en vérité de différentes manières ses initiateurs.
Cette protection sociale est mise en œuvre dans le cadre d’institutions. Une institution est quelque
chose qui permet de « tenir debout » une pratique. La protection des plus faibles n’est jamais le fait de
l’altruisme, mais le fait d’un objet bien particulier.
Il y a des sociétés primitives qui ne connaissent aucune organisation sociale. Dans ces sociétés, il n’y a
pas d’organisation collective, et donc d’organisation de la protection. En cas d’incident, ce sont ceux
qui sont les plus proches qui interviennent pour protéger. On constate plusieurs degrés :
- Protection immédiate individuelle : Des orphelins vont trouver une protection auprès d’un
environnement proche.
- Protection rapprochée individuelle : Si cet environnement proche est atteint, la protection va
être élargie.
- Protection sociale : Si dans ce petit groupe plein d’individus sont touchés, la protection
individuelle ne peut pas s’enclencher car il y a trop de personnes à protéger, et les personnes
susceptibles de protéger sont atteintes. Le groupe est en péril. Il faut que les survivants
s’organisent dans le cadre d’une protection qui ne sera plus individuelle, mais sociale. Ceux
qui sont toujours le moins touché par les catastrophes sont les plus forts.
La protection est organisée par les plus forts. Il est urgent de protéger le groupe parce que les plus forts
seront en péril à leur tour, ce n’est pas par altruisme. Cet instinct de survie politique est aussi un
instinct de survie physique, spirituel (accéder au paradis).
Au niveau politique, l’Empire romain, en 500 avant Jésus Christ, se constitue progressivement au
niveau géographique. Le problème est que cet Empire romain va aller toujours plus loin dans les
conquêtes. La vie à Rome se passe assez confortablement. Les incidents sont individuels, gérés par la
protection individuelle, comme les sociétés sans social. Mais, pendant les conquêtes, il y a des
ambitions romaines telles qu’il faut remplir les légions romaines : il faut des légionnaires, des soldats.
L’Empire romain va relever des troupes auprès de la population la plus nombreuse : les paysans. Ces
paysans vont être entraînés dans les campagnes militaires. La durée d’un engagement est d’une
trentaine d’années. La paysannerie romaine va être littéralement broyée pendant un temps pendant ces
campagnes militaires. Toutes les terres vont se retrouver inexploitable faute de main d’œuvre. Il ne
reste que des femmes et des vieux. Ces familles vont vendre leurs terres aux plus riches de Rome. Les
romains viennent d’inventer le capitalisme. Avec cet investissement pour un capitalisme agricole, on
voit apparaître deux groupes : ceux qui s’enrichissent et ceux qui tombent dans la pauvreté (fracture
sociale). Il faut une protection sociale.
En 112 avant Jésus-Christ (2ème siècle avant Jésus-Christ), le premier à en prendre conscience est un
tribun de la plèbe : Tiberius Gracchus. Il va exiger du Sénat et de Rome que Rome prenne ses
responsabilités face à cette pauvreté romaine. Il propose une redistribution de terres. Les investisseurs
vont l’assassiner. Ils n’ont pas l’instinct de survie des plus forts qui doivent protéger les plus faibles
car ils ont un grand nombre d’esclaves. Tiberius Gracchus vient d’initier une mesure sociale à
caractère économique. C’est la première tentative d’organisation sociale. Dix ans plus tard, le frère de
Tiberius : Caius Gracchus. Il retente l’expérience et est assassiné.
Arrive un Empereur romain en 50 avant Jésus-Christ (1er siècle avant Jésus-Christ) : Jules César
(Consul de la plaine) est consul avec un partenaire qui s’appelle Pompée (Consul des aristocrates).

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Jules César va faire un coup d’Etat. Il est indispensable pour Jules César que la plaine le soutienne
envers et contre tout. Jules César va engager des mesures sociales à caractère économique :
- Redistribuer des terres.
- Engager des grands travaux (routes, temples, etc.). Le but est d’employer cette population,
rémunérée par l’Empire, pour qu’elle sorte du désespoir de la misère.
- Engager un plan colonial. Les plus démunis vont être envoyés dans les colonies pour qu’ils s’y
installent et développent une activité économique.
 L’objectif est politique : Jules-César veut pérenniser son coup d’Etat.
Il va créer un système de distribution pour les plus fragiles qui ne peuvent pas travailler et organiser
des distributions de vivres. Jules César est assassiné.
Octave Auguste lui succède et instaure un régime absolutiste (détient tous les pouvoirs). Il s’inspire
des œuvres de son oncle et ne peut se permettre une révolte sociale. Il va rationnaliser ce qu’a mis en
place Jules César. Il va créer une nouvelle catégorie sociale : celle de l’indigence/des pauvres. Ceux
appartenant à ce groupe et identifiés comme tels peuvent bénéficier de ce régime. C’est une catégorie
sociale identifiée par la situation économique du moment.
L’Empire romain va continuer à connaître des moments de douleurs. A la toute fin du 3ème siècle
après Jésus-Christ, l’Empereur s’appelle Dioclétien. Il est confronté à un désastre : l’Empire romain
est gigantesque, a arrêté les conquêtes et n’a plus d’apports de richesse. Dioclétien va initier une
politique qui est l’interventionnisme. Cet interventionnisme va faire que cet Empire va être découpé,
administré de manière très proche. Dioclétien instaure un maillage administratif sur toute l’Empire,
avec une hiérarchie administrative. Ce maillage administratif va avoir aussi pour vocation l’économie.
Dioclétien va inventer l’interventionnisme économique : services de transports d’Etat de
marchandises, par exemple. Dans cet interventionnisme économique, il n’oublie pas les pauvres et
crée des mesures sociales à caractère économique. Il va employer, dans les manufactures d’Etat, sur
les chantiers, les populations les plus fragiles.
Après Dioclétien, Constantin, Empereur, va se convertir au christianisme. Tout d’abord, la religion
catholique chrétienne devient libre puisque la liberté de culte est programmée. Mais, très vite, la
religion chrétienne devient religion officielle de l’Empire (4ème siècle après Jésus-Christ). L’église, en
position de force, va se mouler dans les institutions romaines. Elle va savoir installer une institution
religieuse très performante avec des circonscriptions définies (paroisses, par exemple), avec une
hiérarchie et une justice ecclésiastique, une organisation des dons et des legs faits à l’église.
L’évangélisation commence sur tous les territoires de l’Empire. Egalement, les dogmes religieux
chrétiens se diffusent dans tout l’Empire.
Cet Empire va être confronté à des difficultés économiques et à des invasions barbares. L’Empire va
chuter au 5ème siècle après Jésus-Christ.

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Partie 1 : La pratique de la charité (5ème siècle après Jésus-Christ/1789)
A mesure que l’Empire romain décline, les zones se réorganisaient en très grandes fermes. Les Francs
voient la province Gallo-Romaine comme la possibilité de s’alimenter à moindres frais : ils vont piller
et s’emparer du territoire. Les lieux de culte vont être également pillés. Chez ce peuple Francs, un
homme s’impose comme un seul et unique chef de tribu : Clovis. Clovis se convertit au christianisme.
Une alliance politique essentielle se construit entre le royaume des Francs et l’église catholique. Parmi
les préceptes catholiques, il y en a un qui s’appelle le précepte catholique en faveur de la charité.

Chapitre 1 : Le socle catholique de l’assistance, prémices de la protection sociale


Cette religion chrétienne s’implante sur la province Gallo-Romaine/le royaume des Francs. Elle a des
lieux de culte dispersés partout et compte un grand nombre de fidèles. De plus, elle très riche et a un
contact immédiat avec la population. C’est une force politique essentielle. Cette église prône la
charité, c’est-à-dire l’amour du prochain.

A) Les préceptes catholiques en faveur de la charité

1. La charité dans les actes des apôtres et les premières doctrines


Cette charité est signée dès les actes des apôtres :
- Saint Jacques explique très simplement que « la foi sans les œuvres est morte ». Le fait de
croire en Dieu et d’aimer Dieu ne peut exister si l’on n’aime pas son prochain, et donc si l’on
ne réalise pas des œuvres. Les œuvres sont en réalité la charité. D’après Saint Jacques, aucun
croyant n’est un véritable croyant s’il ne pratique pas la charité, ce qui veut dire que tous les
croyants doivent pratiquer la charité. La charité et la foi sont indissociables.
- Saint Luc va lui aussi dire que la charité est indissociable de la foi. Faire du bien à son
prochain, c’est être capable de partager ses biens. Ce sont les biens de Dieu, et une distribution
doit être faite. Tout le superflu doit revenir aux pauvres. Si ces commandements ne sont pas
respectés, un châtiment divin, qui est l’enfer, va être subi. En revanche, celui qui pratique la
charité, qui partage ses biens, peut accéder au paradis même s’il a commis des pêchés qui
supposent un châtiment divin. Cette pratique de la charité vient éteindre les pêchés. La société
va voir naître une conscience collective de la protection sociale parce que chaque individu va
trouver un intérêt personnel à protéger son prochain, c’est-à-dire éteindre ses pêchés. Saint
Luc explique aussi qui sont les pauvres. Protéger les pauvres, c’est protéger le Christ, qui était
un pauvre parmi les pauvres. Les pauvres vont être appelés les membres souffrant du Christ.
On assimile ces pauvres au Christ. Aider les pauvres, c’est un commandement de Dieu. Aider
les pauvres, c’est aimer le Christ. Le mépris du pauvre est considérablement diminué au sein
du groupe. Le pauvre a une place sociale, une utilité.

2. Les premiers docteurs de la pauvreté


Ce sont des penseurs théologiens qui vont faire écho aux apôtres :
- Saint Jean Chrysostome est un évêque de Constantinople du 4ème siècle. Il dit : « N’honorez
pas l’hostie (corps du Christ) avec des vêtements de soie. C’est se moquer de Dieu que
d’honorer l’église somptueuse en le méprisant dans les pauvres ».
- Saint Ambroise, évêque de Milan dit que « le mépris du pauvre est un assassinat ». Pour Saint
Ambroise, c’est un pêché capital.
- Pour Saint Jérôme, il faut suivre nu le Christ nu.
- Julien Pomère dit que Dieu est l’unique propriétaire des biens sur Terre et que la seule
vocation de ces biens est un usage commun. Il prône le collectivisme.
- Saint Césaire apporte une définition des pauvres. Il dit que les pauvres sont ceux dépourvus de
nourriture, de vêtements et de logement. Pour lui, c’est un devoir religieux que d’aider ces
pauvres parce que c’est un devoir de justice, donc un devoir de justice sociale.

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3. Hincmar de Reims
Il est archevêque de Reims au milieu du 9ème siècle après Jésus-Christ. Il va réfléchir lui aussi à la
question de la pauvreté. Il est à l’origine de la construction de la capitale de Reims. Cet archevêque
était également président de très nombreux conciles. Il était même le conseiller de Charles le Chauve.
Hincmar de Reims dit « Il faut pratiquer la charité pour répondre au commandement de Dieu. En effet,
cette charité ouvre les voies du ciel et elle permet d’éteindre les pêchés. Cela veut dire que les pauvres
ont en effet cette utilité sociale : ce sont des rédempteurs (permettent d’éteindre les pêchés). Attention,
si l’on répare la pauvreté, il est possible de supprimer la pauvreté. Où va-t-on trouver des
rédempteurs ? Il faut aider les pauvres, réparer les souffrances, mais surtout ne jamais supprimer la
pauvreté. Il importe pour la cohésion sociale de maintenir les inégalités sociales. La charité doit
permettre aux Hommes pauvres de suivre, mais ne doit jamais les sortir de leurs conditions. ».
Hincmar de Reims va citer Saint Eloi, qui disait : « Dieu aurait pu faire tous les Hommes riches, mais
il a voulu qu’il y ait en ce monde des pauvres afin que les riches puissent racheter leurs pêchés. ».
Hincmar de Reims venait de figer les pauvres dans une situation de dépendance.

B) Les modalités pratiques de la charité


Cette population est éduquée à la religion chrétienne par les messes. Dans cette éducation, de
nombreuses homélies traitent de la charité. Cela va passer parfois par le récit de la vie de certains
Saints pour que la population comprenne bien ce qu’est la charité. Par exemple, très tôt dans les
siècles chrétiens, on a raconté la vie de Saint-Martin. C’est un cavalier romain, garde de l’Empereur
qui, arrivant aux portes de la ville d’Amiens, va voir aux pieds de son cheval un pauvre nu. Il va
descendre de son cheval et couper son manteau en deux. Il conserve une part de son manteau parce
qu’elle appartient à l’Empereur, et va donner l’autre partie de son manteau, qui appartient à Dieu, au
pauvre. Cela permet à la population d’expliquer que la charité n’est pas un sacrifice.
Dans un monde et une civilisation brutale comme l’Antiquité et le Moyen-Age, on va s’intéresser aux
plus proches qui nous entourent, mais ne pas avoir conscience du fléau de la misère. A cette période, le
travail réalisé par les ecclésiastiques va faire naître une conscience collective qui réalise que la misère
existe. L’église appellera sans cesse à la charité et construira une culture. Les chrétiens vont
commencer à donner. Ils vont donner le plus aux enterrements. Comme l’église diffusait les préceptes,
elle va très vite devenir une institution intermédiaire entre le donateur et le pauvre. Pour bien signifier
qu’il est du devoir de l’église de pratiquer la charité, on va dire que l’évêque est le père des pauvres.
Au XVIème siècle, de nombreux conciles sont organisés, mais 41 d’entre eux vont porter sur le rôle de
l’église dans la pratique de la charité. Le concile d’Orléans va décider que tous les évêques, qui sont
les pères de pauvres, doivent réserver 1/4 de leurs revenus pour le distribuer aux pauvres. Quant aux
curés, ils doivent en distribuer 1/3. Dès que l’église se positionne comme institution intermédiaire, on
va pouvoir créer des dispositifs spécifiques.

1. La matricule
Entre le XVIème siècle et l’an 1 000, ces populations extrêmement fragiles qui ne sont pas absorbées
par l’économie agricole et isolées vont naturellement aller chercher un soutien auprès du curé. Elles
vont aller chercher secours dans ces villes qui s’écroulent, auprès du curé. Très rapidement, on va
organiser à l’intérieur de ces cités un système de distribution appelé la matricule. Tous les pauvres
doivent se présenter à l’autorité ecclésiastique et être inscrits sur une liste nominative. Dès lors, ils
peuvent bénéficier de distributions de blé, de vin, du lard, de l’huile et quelques racines. On va trouver
des matricules un peu partout qui, suivant la taille de ces anciennes cités, vont accueillir plusieurs
centaines de pauvres. A nouveau, ces pauvres sont secourus parce qu’incapables de subvenir seuls à
leurs besoins (maladie, vieillesse, extrême jeunesse…). La contrepartie est d’aller au paradis en retour.
Dans cette matricule, cette contrepartie va être introduite. Le curé organise ces distributions, mais le
curé doit faire tourner son « entreprise ». Il va attendre que ces pauvres participent à minima dans la
vie collective du curé, c’est-à dire qu’ils participent à la sécurité, qu’ils participent au service cultuel
en allumant les bougies. Ces villes étaient déjà en train de sombrer, et cela ne va pas aller en

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s’arrangeant. Ce système de matricule disparaît, mais les pauvres continuent d’exister. Ils vont se
disperser dans les campagnes et vont croiser sur leur route de grands bâtiments : des monastères.

2. L’accueil monastique
On est au Xème/Xième siècle et, sur le royaume, il y a des monastères partout. Ces monastères sont
les structures idéales pour développer la pratique de la charité à cette période. Les monastères sont
parfaits parce qu’ils :
- Ont installé dans les campagnes, là où les pauvres se sont dispersés.
- Sont extrêmement riches parce qu’ils bénéficient de dons et de legs, parce qu’ils produisent et
ne subissent pas les violences féodales.
- Sont politiquement très influents, très préservés.
- Sont destinés à recevoir les pauvres parce que le monastère est par définition une institution
religieuse.
Les moines vivent dans le renoncement et dans cette austérité de nourriture et de vêtements. Ce sont
des pauvres volontaires du Christ qui veulent acquérir la vertu. Le monastère coche toutes les cases.
On organise cet accueil dans les monastères suivant un cérémonial liturgique précis. Il fallait, dans ces
monastères, réconforter les pauvres (pauperes repare) de bon cœur (libente animo) avec gaité (cum
hilaritate) et largement (cum largitate). Soit les moines attendaient, soit ils allaient chercher les
pauvres. On apportait des soins corporels (vêtements, etc.) et des soins spirituels (confessions,
exercices de piété, etc.). Les moins organisaient une cérémonie « mandatun » qui signifiait
l’importance accordée aux pauvres. Cette cérémonie faisait que les pauvres étaient amenés dans une
grande salle dans laquelle se trouvaient les moines alignés. Chaque pauvre se plaçait devant un moine,
et, au signal, tous les moines s’agenouillaient, lui lavait les pieds et embrassait les pieds une fois lavés.
Cette place sociale privilégiée va laisser place à de la peur et des répressions, qui vont être canalisées
en indifférence se traduisant par une société individualiste.
A l’intérieur du monastère, une organisation va vite apparaître. Une institution va être créée à
l’intérieur du monastère pour gérer le budget et les distributions. Cette institution s’appelle
l’aumônerie. Des moines particuliers vont gérer l’aumônerie avec un trésorier. On institutionnalise.
Au XIIème siècle, un évènement majeur va permettre au roi de se rapprocher des populations. Pendant
un temps très long, la météo et le climat sont favorables aux bonnes récoltes. On se nourrit mieux. De
ce fait, les femmes enceintes et qui allaitent sont mieux nourries, les jeunes enfants sevrés le sont
également. Tous ces éléments font que le nombre d’enfants qui survivent augmente. La démographie
est multipliée par 2. Cette explosion démographique intervient dans la structuration agricole. Il va
falloir absorber cette main d’œuvre nouvelle, alors on va défricher, déboiser, assécher, étendre les
terres cultivables pour que cette population travaille dessus. On a plus de bras, mais aussi plus de
cerveaux, et on va réfléchir et améliorer les techniques agricoles. On multiplie la production agricole
par 3. Mais toute cette population ne va pas trouver les moyens de travailler dans les espaces agricoles.
Tous ces bras et ces cerveaux en trop dans les domaines agricoles vont chercher tous les moyens de
travailler hors des fermes. Cette population va s’installer dans ces si vieilles cités. Ce sont des
personnes jeunes, des bras et des cerveaux valides. Ils ne vont pas cultiver à l’intérieur des cités, ils
vont développer l’artisanat. Des villes vont être repeuplées avec une production artisanale et des
espaces agricoles qui ont tellement augmenté leur production qu’ils ont un surplus de production.
C’est la renaissance de l’économie de marché. L’échange renaît également. C’est ce que l’on appelle le
renouveau urbain. On va trouver dans ces cités renaissantes plein de pauvres.

Chapitre 2 : L’assistance urbaine médiévale


Des villes renaissent avec une population urbaine de plus en plus nombreuse. Une partie survient à ses
besoins, et une autre partie souffre de l’indigence et de la pauvreté. Cette population indigente va
bénéficier d’un certain nombre de protections.

A) L’assistance dans la vie associative médiévale

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On est au XIIème siècle et à cette période la papauté et l’église catholique connaissent quelques
difficultés. Il y a de très nombreuses critiques à l’encontre de l’église catholique qui dénoncent un
certain nombre de crimes commis par les ecclésiastiques. Par exemple, on les dénonce pour crime de
nicolaïsme, c’est-à-dire des prêtres qui vivent en concubinage. On les dénonce aussi pour crime de
simonie, c’est-à-dire la vente d’objets sacrés. Toutes ces dénonciations vont amener le Saint-Siège afin
d’engager une réforme. Cette réforme est ce que l’on appelle la réforme grégorienne. A cette période,
tout le monde n’a qu’une seule préoccupation et qu’un seul sujet de discussion : cette réforme. Cela va
provoquer une dynamique collective pour encourager/dynamiser la pratique de la piété. Cet élan de
spiritualité va amener à la constitution de groupes qui vont se réunir à l’intérieur des villes et qui vont
s’exercer à la pitié, organiser des professions pour manifester leur foi, leur spiritualité. Ces groupes
s’appellent des confréries de dévotion. Dans ces groupes, il faut répondre au commandement de Dieu.
Ces confréries vont lancer un processus de pratique de la charité. Jusqu’à présent, seule l’église
organisait l’assistance. Mais, dès à présent, des laïques organisent l’assistance, sur un fondement
religieux qui est de répondre au commandement de Dieu. Les villes étaient organisées par quartiers en
fonction des métiers pour l’engagement spirituel. Ces gens qui se réunissaient exerçaient le même
métier. Il a été décidé d’organiser une réunion spirituelle et une réunion pour échanger autour des
mêmes métiers. Cette deuxième réunion a fait naître les corps de métiers. Ces corporations vont
décider que tout membre doit payer une cotisation. Au sein de ces corporations, on va parler de la
règlementation des métiers, de la difficulté des métiers et des membres de ces corporations. Un
fonctionnement solidaire va se constituer. C’est un système d’entraide qui va permettre la survie de
l’ensemble des membres de la corporation. Ces corporations vont disparaître avec la loi Le Chapelier.
Elles vont renaître au XIXème siècle au travers des sociétés de recours mutuel, qui vont se fédérer et
faire naître la mutualité française et le syndicalisme.
A cette période médiévale, une étape est franchie dans la protection des laïques. Les laïques protègent
les membres des corps de métiers pour répondre à la charité et pour protéger la corporation en tant que
telle. C’est un pas de plus vers la sécularisation de l’assistance. On va voir également apparaître les
hôpitaux.

B) L’assistance hospitalière
C’est un endroit qui pratique l’hospitalité. Cette hospitalité est offerte dans un lieu/dans un bâtiment
aux pauvres, aux malheureux, aux malades, aux enfants, etc. C’est-à-dire tout ceux qui n’ont aucune
ressource leur permettant de subvenir à leurs besoins. L’hôpital est donc un lieu d’accueil qui permet
d’éviter que certains ne meurent. On apporte aussi un soutien spirituel à ces pauvres, en offrant des
prières par exemple. Dès le VIème/VIIème, on voit apparaître des petites baraques à côté des églises.
Au XIIème siècle, avec les villes, on va assister à une évolution de cette question. Dans les villes, on
est confronté à une difficulté majeure qui devient un véritable fléau. D’abord, les villes accueillent et
attirent la pauvreté. Mais, évidemment, c’est aussi un espace où il y a beaucoup de populations réunies
au même endroit. Les villes attirent la misère et vont être un espace de propagation de la maladie. Les
villes vont prendre conscience que si elle ne peuvent pas lutter contre la peste il faut au moins qu’elles
luttent contre la lèpre. Elles vont utiliser ce modèle d’hospitalité pour gérer la lèpre.

1. Les léproseries
L’idée est de mettre les personnes malades dans un même espace. Ces espaces s’appellent les
léproseries. L’objectif de ces léproseries est double. Le premier objectif est la spiritualité, c’est-à-dire
répondre au commandement de Dieu. Le deuxième objectif est un objectif sanitaire, c’est-à-dire qu’on
écarte les malades du reste de la société. Il n’y a pas uniquement une destination spirituelle et
religieuse, il y a une destination sanitaire et d’ordre public. Ces léproseries étaient construites à
l’extérieur de la ville et étaient peintes en rouge. D’abord, il fallait diagnostiquer la lèpre. Pour vérifier
qu’une personne était porteuse ou non de la lèpre on constituait une commission d’experts composée
de lépreux. Les premiers symptômes étaient des taches sous la peau, puis des morceaux qui tombaient.
Ceux qui étaient atteints de la lèpre étaient conduits jusqu’à la léproserie. Il était primordial qu’il ne

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ressortent pas de la léproserie. Une tombe était creusée, les lépreux étaient accompagnés de personnes
saines, de leur famille et devaient descendre dans la tombe. Ils en sortaient grâce aux lépreux. Cela
permettait de faire comprendre aux lépreux qui n’en sortiraient jamais, et de faire comprendre aux
proches que s’ils n’étaient pas morts tout de suite ils allaient mourir. Les léproseries sont des petites
maisons avec des jardins. Ces lépreux s’organisent comme une microsociété et on est à nouveau dans
un processus de charité. Des personnes investies dans leur foi qui ne sont pas atteintes de la lèpre
viennent donner leur vie aux lépreux pour les accompagner avec leur spiritualité (chanoines). C’est un
don de soi. On est dans de la sécularisation de la protection sociale. C’est un objet laïque, mais qui
concerne bien sûr sa part de religieux.

2. Les Maisons-Dieu et les hospices


Dans les villes, les associations pratiquent la protection et les léproseries ont une destination
spécifique. On va voir apparaître une hospitalité. Ces maisons vont être construites dans les villes à
grande échelle parce qu’il y a beaucoup de pauvres. C’est à l’initiative de congrégations religieuses. A
nouveau, ces créations de maisons sont pour répondre au commandement de Dieu et pratiquer la
charité. Il se trouve que ces religieux ont cette vocation de pratiquer la charité, et des laïques vont
construire des hôpitaux, des lieux d’hospitalité pour répondre au commandement de Dieu et accéder
au paradis en protégeant un grand nombre de pauvres. Les Seigneurs vont se dire que quand on
construit un hôpital pour plein de pauvres on peut éteindre des pêchés.
Ces hôpitaux peuvent accueillir toutes formes de pauvreté : invalides, enfants, malades… Il y a des
hôpitaux généralisés, mais aussi des hôpitaux spécialisés, notamment des hôpitaux pour aveugles, pour
les enfants abandonnés, pour les femmes repenties et pour les femmes victimes d’adultère. Ces
hôpitaux ouvraient leurs portes à 6 heures du matin et fermaient à 18 heures. Les visites étaient
possibles. Les pieds et les mains étaient lavés, les cheveux coupés. On enlevait tous les vêtements de
l’indigent et on lui attachait une écorce autour du bras avec son nom écrit dessus dans le cas où il
viendrait à mourir. Dès qu’un indigent entrait à l’hôpital, il devait se confesser. Toute une vie était
organisée en fonction des offices religieux, des prières, etc. L’hôpital avait un cimetière spécialisé. Cet
hôpital est d’abord un lieu où l’on prie, où l’on peut dormir et où l’on a un bol de soupe. Les indigents
dorment sur des paillasses changées 3 fois par an. Quelques petits soins pouvaient être apportés,
comme des fumigations, essences de térébenthine ou des saignées. Il se trouve que ces hôpitaux, qui
sont des lieux d’accueil, vont concentrer les malades. Le public va être identifié comme des malades.
A la fin de la période médiévale, Isabelle la Catholique ou Isabelle la Folle (reine d’Espagne), réussit à
s’emparer du territoire. On va découvrir des traités de médecine qui vont arriver dans nos hôpitaux. On
va identifier des maladies qui se propagent et des maladies qui ne se propagent pas. On va organiser
les hôpitaux en différentes salles : des salles pour les fiévreux, des salles pour les invalides… La
question du soin entre dans les hôpitaux grâce à une concentration de malade et grâce à ces traités qui
vont entrer dans les facultés de médecine et dans les hôpitaux. On va introduire un personnel soignant.
Les villes et les autorités municipales observent ces hôpitaux comme quelque chose qui aide la ville et
vont prendre l’administration de ces hôpitaux. On va apporter du soin parce qu’on rentre dans des
problématiques sanitaires.
On peut déjà voir que ceux qui initient la protection sociale ce sont toujours les autorités les plus
puissantes, qui exercent une autorité effective sur la population. La protection sociale raconte toujours
ce qui nous fait le plus peur. A la période romaine, ce qui fait le plus peur c’est la fracture sociale, la
révolte sociale, et les Empereurs font en sorte de contenir la population. A la période médiévale, ce qui
fait le plus peur sont l’enfer et la maladie. La protection sociale raconte toujours qui est le plus
puissant, c’est-à-dire son organisateur, et ce qui fait le plus peur. On est entré dans une face de
sécularisation parce qu’on a des nouvelles peurs, des nouvelles autorités, des laïques qui s’intéressent
à la protection sociale, la question sanitaire qui devient une destination de la protection sociale.

Chapitre 3 : L’encadrement de l’assistance par l’Etat

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A) L’interventionnisme royal en matière hospitalière : l’hôpital au service de l’Etat
L’objectif de la monarchie est cette reconquête d’autorité. Dans ce processus, le roi va utiliser tout ce
qu’il peut pour reconquérir son autorité, notamment les hôpitaux.

1. L’hôpital, instrument d’affermissement de la tutelle royale


Le roi est confronté à de multiples obstacles pour imposer son pouvoir de commandement sur une
population. Pour réussir à lever ces obstacles, le roi va pousser ses autorités intermédiaires (églises,
seigneurs, villes) et proposer quelque chose qui intéresse la population. L’hôpital peut être un
instrument intéressant parce que c’est une institution qui répond aux besoins de la population. Cela
permet au roi d’envoyer un signal fort, d’apporter quelque chose. L’hôpital est aussi intéressant parce
que, jusqu’à présent, il reste sous le contrôle des villes, des seigneurs ou des religieux.

a. Les premiers textes d’interventionnisme royal en matière hospitalière


Le premier roi qui comprend que l’hôpital est intéressant est François Ier, qui, en 1519, va créer un
grand aumônier de France qui va devoir remettre en bon ordre les hôpitaux du royaume et exercer un
contrôle administratif sur ces hôpitaux. L’objectif est que le pouvoir royal ait un œil sur les seigneurs,
les villes, les églises, les ecclésiastiques qui gèrent ces hôpitaux. Il faut informer ces gestionnaires que
le roi contrôle et qu’il souhaite que les hôpitaux fonctionnement correctement pour leur bien.
En 1543, un édit organise un contrôle réel des hôpitaux de Paris. Il donne une réalité à la grande
annonce de 1519. Il est indiqué que ce sont les juges du roi qui vont contrôler les livres de comptes de
ces hôpitaux. Une mauvaise administration d’un hôpital provoque immédiatement la destitution de
l’administrateur de l’hôpital. L’année suivante, François Ier ouvre ce contrôle à l’ensemble du
royaume. Le roi passe même une étape supplémentaire : les juges royaux contrôlent les hôpitaux et, en
cas de destitution, nomment des commissaires gestionnaires pour les remplacer. L’objectif est de
permettre au roi de s’emparer de ces institutions, sous couvert d’incompétence ou de détournement de
fonds. A la mort de François Ier, son fils Henri II continue et va rendre des édits qui va venir
contraindre les administrateurs. Les administrateurs doivent résider sur le lieu de l’hôpital. Henri II
meurt assez vite et l’un de ses fils, Charles IX, va continuer. Il va exiger que les administrateurs ne
puissent être nommés que pour 3 ans. La contrainte monte d’un cran et les administrateurs des
hôpitaux ne peuvent être que des bourgeois, des marchands ou des laboureurs. Le roi est en train de
définir une grille qui permette de devenir administrateur. Il élimine de ce fait les seigneurs, les villes et
les ecclésiastiques du pouvoir des hôpitaux.

b. Le fondement spirituel de l’interventionnisme royal


Le ministerium regis est de répondre au commandement de Dieu, de réaliser le bien commun et
d’assurer la piété, la justice et la charité. Cela a toute légitimité à détenir du pouvoir sur ces hôpitaux.
De plus, le roi a une vocation de guérisseur par la volonté de Dieu. Le roi a donc une parfaite
légitimité à intervenir dans la question hospitalière.

c. La contre-offensive de l’Eglise
Le roi contrarie une Eglise qui se considère comme seule détentrice de cette mission. Ce combat mène
dans le cadre d’une vaste réflexion engagée par les catholiques. Au XVIème siècle, un évènement
majeur est organisé par la papauté : le concile de Trente. Cette énorme réunion va durer plusieurs
années. Ce concile va ouvrir une énorme session qui va concerner la question hospitalière.
L’Eglise catholique va se repositionner. Pour marquer que c’est l’Eglise catholique qui contrôle la
mission hospitalière, elle va marquer un point en expliquant que si les structures hospitalières ne sont
pas remplies par leurs destinataires, les salles peuvent être ouvertes à d’autres bénéficiaires.
Pendant ce concile, l’Eglise va dire aussi que le roi a bien fait de relever les dysfonctionnements dans
les hôpitaux, ces dysfonctionnements existent et elle va les censurer. Elle va aussi dire qu’un mandat
de 3 ans c’est bien pour un administrateur. A la fin, le concile de Trente explique que le roi a raison sur
tout, mais que la seule autorité pour exercer ce contrôle, c’est l’évêque.

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La monarchie fait deux pas en arrière à cause du concile de Trente, mais pour mieux avancer par la
suite.
2. L’hôpital au service des politiques royales
Les catholiques vont gagner la guerre de religion grâce à Henri IV, protestant qui renie sa confession et
qui va signer l’édit de Nantes. Henri IV ramène la paix et va être plébiscité par beaucoup de puissants
du royaume. Lorsqu’Henri IV signe l’édit de Nantes, il apparaît comme le seul comme capable de
ramener la paix. Une très importante doctrine va naître de ce contexte. Henri IV apparaît comme un
homme providentiel, et il importe qu’un homme providentiel détienne la totalité des pouvoirs : c’est
l’absolutisme. Henri IV, alors qu’il exerce le pouvoir absolu, va se rappeler de la question hospitalière.
En effet, il n’est pas question qu’il souffre des pouvoirs intermédiaires. Il va faire en sorte de maîtriser
toutes les institutions pour éliminer ces pouvoirs intermédiaires. Parmi ces institutions, il y a l’hôpital.
Il va créer, pour le contrôle des hôpitaux, une chambre de la charité chrétienne. Après des guerres de
religion, les hôpitaux sont dans un piteux état. Il y a notamment 2 types d’hôpitaux qui ne fonctionnent
pas du tout. Une structure hospitalière n’est plus du tout adaptée à la situation au début du XVIIème
siècle : ce sont les léproseries. Henri IV considère que des structures hospitalières sont désaffectées. Il
importe pour Henri IV de trouver une utilité à ces structures. Pendant les guerres de religion, la
monarchie s’est dotée d’une armée royale qui compte 150 000 soldats. Cette armée royale a été créée à
la fin du XVIème siècle. Mais, ces hommes vieillissent, sont blessés, invalides de guerre. Henri IV
rencontre donc un problème : il ne peut pas abandonner ces hommes, sinon son armée se retourne
contre lui. Henri IV va décider que l’hôpital est là pour répondre au commandement de Dieu, répandre
la charité, apporter des soins, répondre au problème militaire du roi. Henri IV va inventer un hôpital au
service des besoins de l’Etat. Il va attribuer ces structures hospitalières aux besoins des militaires. Il va
accompagner ces soldats et l’hôpital entre au service de l’Etat. L’hôpital est d’abord récupéré par la
monarchie et devient un instrument qui répond aux besoins de l’Etat.
Henri IV est assassiné en 1610 par Ravaillac et Louis XIII lui succède. Il ne va rien faire en matière
hospitalière. Louis XIV, quant à lui, a des projets pour la France. Son maître mot c’est l’ordre. Il est
voué à l’ordre et entend que son royaume ne subisse plus les atteintes des désordres. Il a pour objectif
de restaurer l’ordre et va employer de nombreux instruments, créer un code de procédure criminelle,
recruter des magistrats… Parmi les instruments pour assurer l’ordre public, Louis XIV va utiliser
l’hôpital.

3. L’hôpital au service de l’ordre public


Lorsque Louis XIV commence son règne, le royaume de France est confronté à quelques années de
météo incroyables. Les femmes enceintes, les femmes qui allaitent et les enfants sevrés sont mieux
nourris. La population va considérablement augmenter au début du XVIème siècle. Mais cette
croissance démographique/population n’est pas absorbée par l’économie du pays, en tout cas pas tout
de suite. Comment cette population va-t-elle survivre ? Cette population en surnombre va faire
exploser la mendicité. Les villes vont être envahies de mendiants. Certaines villes comptent entre 15 et
20% de population qui mendient. Le mendiant est appréhendé comme quelqu’un de potentiellement
dangereux et comme un homme qui, éventuellement, triche. On va dénoncer la mendicité
professionnelle. On est inquiets, on les soupçonne d’exagérer. On les soupçonne de dissimuler leur
validité, d’exhiber de fausses infirmités. L’appréhension du pauvre va être transformée, la société ne
va plus voir le pauvre comme un rédempteur, mais comme un individu susceptible d’être dangereux.
L’archevêque de Tours, lorsqu’il parle des pauvres, dit qu’ils sont « comme la lie et le rebu de la
société, et ce, non pas tant par leur misère corporelle dont on doit avoir compassion, que par leurs
misères spirituelles qui font horreur ». Un homme va dire quelque chose de très significatif. Jean
Bodin dit qu’il faut « chasser les mouches qui mangent le miel des abeilles ». Le problème est que
Louis XIV ne peut admettre tous ces désordres, ces potentiels dangereux. Mais, cette lie de la société,
ces mouches, sont membres souffrants du Christ. Louis XIV veut remettre de l’ordre dans les ruches,
chasser ces mouches et répondre aux attentes de la population qui craint les indigents, tout en
protégeant les membres souffrants du Christ. Louis XIV va inventer un système très intéressant. Tout

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d’abord, il va émettre une législation qui interdit la mendicité et le vagabondage. Et si ces individus ne
respectent pas cette interdiction et mendient, Louis XIV va les réprimer, les enfermer (répression,
ordre public). Attention, comme il doit aussi respecter la charité et les membres souffrant du Christ, il
va les enfermer dans des hôpitaux, où ces mendiants seront logés et nourris. Louis XIV invente une
politique hybride de répression et d’assistance. Cette politique s’appelle la politique du grand
renfermement. Les hôpitaux qui vont être destinés à cette politique vont être appelés les hôpitaux
généraux. On enferme les pauvres, tout en leur apportant secours. Louis XIV va créer 180 hôpitaux
généraux sur le royaume. Ces hôpitaux généraux sont financés par des dons et par des legs et par une
taxe. Louis XIV participe au financement. Toute l’administration est sous le contrôle du roi. Les
administrateurs doivent gérer l’hôpital, les revenus, les arrestations, la libération et l’ordre au sein de
ces hôpitaux généraux. Bien évidemment, aucuns soins médicaux ne sont apportés dans ces hôpitaux.
Il n’y a pas de soignants, hormis un chirurgien qui rasait la tête des individus pour éviter les parasites.
Louis XIV est très attaché à l’ordre public, mais il est aussi très attaché au développement économique
du royaume.

4. L’hôpital au service des ambitions économiques royales


Louis XIV a un meilleur ami (Colbert) qui va répondre aux besoins de Louis XIV en mettant en place
une politique économique appelée le colbertisme. Cet interventionnisme prend plusieurs formes : la
voirie pour favoriser les échanges, l’accord de subvention à des manufactures pour encourager la
production, les exemptions fiscales, la politique économique… L’objectif est que la France soit
productive, s’enrichisse, que son économie se développe. Dans un tel contexte, la condamnation de
l’oisiveté est sévère. Louis XIV ne peut admettre l’oisiveté. Etre oisif, c’est attendre de Dieu. Sous
Louis XIV, tous les oisifs sont réunis dans les hôpitaux généraux. Louis XIV va les mettre au travail et
va installer des manufactures à l’intérieur des hôpitaux généraux. Ils proposait à des entrepreneurs des
exemptions fiscales, des aides, tandis que l’entrepreneur amenait des hommes qualifiés pour faire
tourner les ateliers. Louis XIV offrait des bâtiments, des exemptions fiscales, des aides, mais surtout la
main d’œuvre. Les pauvres n’étaient pas payés lorsqu’ils étaient mis au travail. L’entrepreneur pouvait
développer son activité à moindres frais et participer à l’économie de son pays. En revanche, il était
obligatoire de former les pauvres « sans en rien cacher ». Cela veut dire que les indigents enfermés et
mis au travail devaient apprendre des professionnels qui intervenaient dans les ateliers. Donc, ils
apprenaient un métier. Après quelques temps dans l’hôpital, ainsi formés à un métier, ils pouvaient
obtenir une autorisation de sortie et rentrer dans la société. Cela s’appelle la réhabilitation sociale par
le travail. Ces pauvres qui pouvaient prétendre à un travail, une fois formés, sortaient de l’assistance et
donc de la dépendance. Louis XIV venait proposer un chemin qui offrait l’indépendance et donc peut-
être une porte de sortie de l’indigence. Il offre une nouvelle utilité aux pauvres : ils ne sont plus
seulement rédempteurs, ils peuvent devenir productifs. Le pauvre n’est plus uniquement utile parce
qu’il permet d’atteindre les voix du ciel.
On va développer l’utilitarisme du pauvre. D’après Mandeville : « Dans une nation libre où il n’est pas
permis d’avoir des esclaves, la plus sûre des richesses consiste à pouvoir disposer d’une multitude de
pauvres ». Louis XIV ouvre une nouvelle étape dans la question de la protection sociale. Lorsque
Louis XIV met cette protection sociale au service de l’ordre public, financée en partie par des taxes, on
ouvre une phase de la sécularisation.

B) Ebauche d’un service public de santé

1. L’encadrement royal des hôpitaux des malades


A la fin du XVIIème siècle, on s’aperçoit que tous ces petits hôpitaux ne sont pas bien organisés. Sur
l’ensemble du royaume, les revenus ne sont pas exploités correctement. Un ministre de la Guerre,
Louvois, se retrouve avec des centaines de soldats invalides à cause des combats, des centaines de
soldats vieillissants et toute une armée qui conteste l’abandon de ces soldats invalides ou de ces
soldats vieillissants. Ce ministre de la Guerre cherche des solutions pour réussir à s’occuper de ces

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soldats. Il va avoir connaissance de ces milliers de petits hôpitaux, où il ne se passe rien, mais qui ont
des terres et des revenus. Il faut 20 ans à Louvois pour réussir à constituer un dossier avec tous les
livres de recettes de tous ces petits hôpitaux. Une fois qu’il réussit ça, l’objectif est que cette somme
serve à créer un hôtel des invalides pour les soldats. Or, ces dons et ces legs étaient alloués aux
pauvres et à l’accueil des pauvres. Ils n’étaient pas alloués aux soldats. Louvois va utiliser un petit
stratagème juridique et va dire que ces dons et legs sont alloués aux pauvres et que pour les gérer il va
les attribuer à un ordre qui est l’ordre de Saint-Lazare. Cet ordre a pour mission l’hospitalité. En même
temps, il va fondre dans cet ordre de Saint-Lazare un ordre dédié au soldat (ordre du Mont-Carmel).
Ces ordres ont donc un budget et une double destination : l’hospitalité et les soldats. Louvois peut
créer son hôtel des invalides, mais il va mourir. Louis XIV va observer la réalisation de Louvois et va
dire qu’il faut régler le problème des soldats, débloquer des fonds, mais réalise que ce travail
considérable créé par Louvois va permettre pour créer une politique de santé indispensable au
développement économique du pays. Plutôt que de donner ces sommes aux soldats, il va les donner
aux gros hôpitaux des villes. En échange, ces gros hôpitaux s’engagent à accueillir les malades de tous
ces petits villages. Louis XIV a engagé un processus de structuration de la santé. Il va créer une
administration hospitalière uniforme. Chaque hôpital va disposer d’une même forme d’administration.
Cela est nécessaire parce que Louis XIV a besoin de contrôler à minima. Il est possible dès lors de
vérifier que la santé publique est réalisée correctement.

2. La médicalisation des hôpitaux


Au XVIIIème siècle, on pense que l’on peut parfois guérir des gens. Il faut soigner pour l’économie,
mais le soin ne doit pas être un accompagnement vers la mort, le soin doit garder en vie. Un état
d’esprit veut qu’on ne cède plus face à la mort et qu’on tente de guérir. La monarchie va commencer à
contrôler les professionnels de santé. La médecine est totalement accaparée par les guérisseurs au
XVIIIème siècle. La monarchie va contrôler ces guérisseurs pour savoir qui fait quoi. Le problème est
que le taux de mortalité est effroyable, notamment la mortalité en couche. On appelle cela le massacre
des innocents. Les matrones, par exemple, ne savaient pas qu’il fallait se laver les mains. La
monarchie va intervenir afin d’arrêter ce massacre des innocents. Elle va identifier les femmes
accoucheuses et va les amener à l’université. Les premières femmes à entrer à l’université sont ces
accoucheuses. On développe ainsi au XVIIIème siècle une politique de santé. Une société royale de
médecine va être créée pour contrôler les médecins, par exemple. De même, une politique sanitaire va
être lancée et on va placer à l’intérieur des villes des fosses d’immondice, créer des égouts, des
routes… L’hôpital va devenir le cœur de cette politique avec plus de médecins, plus d’apothicaires,
des services qui se spécialisent, etc. On entre effectivement dans la direction d’un service public de
santé. Puis, arrive la Révolution française.

Partie 2 : Vers la pratique progressive de la solidarité


Cette pratique de la charité, cette protection sociale s’est progressivement sécularisée, et, en matière
d’encadrement, et en matière d’objectifs (protéger pour des besoins collectifs). La Révolution
française va hériter tout ça. Elle va faire quelque chose d’important au niveau théorique, et quelque
chose de très faible au niveau pratique. Elle va observer toutes ces réalisations précédentes et va poser
des principes. La protection sociale, en termes de réalisation, sera extrêmement faible.

Chapitre 1 :

§1. La Révolution française et l’affirmation du devoir d’assistance


Il y a une réflexion permanente, une pensée prolifique, parce que la pensée est libérée et les
intellectuels peuvent proposer des choses. Mais, il y a un désastre humain et matériel. Ainsi, en
matière de protection sociale, on va poser des bases théoriques.

A) Une affirmation théorique

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La question sociale est l’aboutissement d’une réflexion des lumières. Les penseurs des lumières ont
réfléchi à la question sociale et vont apporter leur réflexion aux révolutionnaires. Il y a notamment
Montesquieu, qui explique que l’Etat à ses citoyens la subsistance, le vêtement et un genre de vie qui
ne soit pas contraire à sa santé. Rousseau dit pareil et parle presque de responsabilité parentale. Il dit
que la patrie doit être la mère des citoyens. A côté de cette pensée des lumières, des acteurs de la vie
collective s’en emparent. Par exemple, deux contrôleurs généraux des finances (Turgot et Necker). Ces
deux contrôleurs des finances vont faire écho à la pensée des lumières sur la question sociale. Turgot
va dire que c’est un devoir des autorités que de s’occuper et de se préoccuper de ceux qui souffrent.
Necker va plus loin et dit que oui, l’Etat a cette responsabilité et doit s’occuper des hommes qui
souffrent, mais il doit aussi anticiper et tenter d’éviter que ces hommes tombent dans la souffrance.
Necker introduit un concept essentiel en matière de protection sociale. Il ne s’agit pas d’intervenir
lorsque le mal existe, mais le prévenir. Necker introduit l’idée même de la prévention de la souffrance.
Cette prévention doit permettre et est un enjeu majeur pour protéger l’indépendance des bénéficiaires.
Un homme a même conçu un plan de prévention et de prévoyance. C’est un philanthrope. Cet homme
va proposer les clés de la prévention : c’est Chamousset. Il imagine en matière de prévoyance et de
prévention des maisons d’associations. Il faut que les individus soient membres de ces maisons
d’associations, qu’il paient des cotisations en fonction de leurs revenus (principe de solidarité, et
également d’équité), et qu’en retour ces maisons d’associations les protège tous de la même manière
(principe de solidarité, et également d’égalité). On a une pensée, un modèle de mise en pratique qui va
permettre à la Révolution française, et aux députés des assemblées notamment de traduire cette pensée
en principe. Des députés s’emparent de cette réflexion et les transforme en principes de droit public. Il
importe que l’Etat assume et accompagne les populations. L’Etat est responsable de ces populations
qui souffrent parce qu’il doit assurer l’équilibre social, l’équilibre économique, et bien entendu l’ordre
public. Les députés souhaitent que cela soit inscrit dans la Constitution. Lambert, Malouet, Laroche-
Foucault sont des députés révolutionnaires qui veulent que la responsabilité de l’Etat vis-à-vis de sa
population, et donc que la protection sociale comme responsabilité de l’Etat soit inscrite dans la
Constitution. Les montagnards et Robespierre vont l’inscrire dans leur Constitution de 1794. La
Constitution porte un article 21 qui dit que la société et l’Etat doit subsistance aux citoyens
malheureux.

B) Mise en pratique très timide des préceptes révolutionnaires


Ce principe de droit public ne va pas trouver de mise en pratique. Les révolutionnaires vont créer un
comité de mendicité. Ce comité de mendicité va avoir une mission : catégoriser les pauvres. On va
identifier les bons pauvres et dire qu’il faut leur apporter des secours. De même, on va identifier les
mauvais pauvres, ceux qui troublent l’ordre public. Les critères appartiennent au comité de mendicité.
On va envoyer les mauvais pauvres dans les colonies ou les enfermer dans des maisons de réception,
appelées aussi dépôts de mendicité. Ce sont des maisons de force dans lesquelles on entasse les
mauvais pauvres (violence, promiscuité, absence totale d’hygiène, culture du crime). Les hôpitaux
sont ruinés et n’assument plus l’accueil. Egalement, on va créer un comité de secours public qui va
enjoindre les municipalités, sans contrôle et sans financement, de créer des bureaux de bienfaisance.
Chaque ville doit avoir un bureau de bienfaisance pour assurer des distributions. Le personnel de ces
maisons de bienfaisance sont des bénévoles. Les financements sont des dons et des legs. Ils
fonctionnent donc sur le modèle de la charité.

§2. Grande pauvreté et multiplication des doctrines sociales dans le monde nouveau du XIXème
siècle

A) L’apparition du paupérisme

1. La misère noire et solitaire

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La configuration sociale du pays va être modifiée. Il va y avoir des déplacements de populations qui
vont provoquer un certain nombre de ruptures. Pour cette raison, on va voir apparaître une nouvelle
pauvreté. On a une population à 95% rurale et on va découvrir une population urbaine. Cette nouvelle
population est dite ouvrière. Qui dit transformation de société dit transformation de pauvreté. On avait
une population rurale qui comptait une pauvreté rurale. Cette pauvreté rurale était très nombreuse. En
moyenne, 20% de la population rurale appartenait à la population indigente. Avec cette nouvelle
population qui arrive en périphérie des villes, il y a un accès au travail. Le nombre d’indigents par
rapport à la population rurale est moins nombreux, mais extrêmement au-dessous du seuil de pauvreté.
Il y a un certain nombre de raisons au fait que la pauvreté rurale n’était jamais le gouffre, tandis que la
pauvreté industrielle fait naître le paupérisme. Il y a tout d’abord des raisons attachées au
fonctionnement du monde rural. Il existait un certain nombre de chemins et de solutions qui permettait
de ne pas sombrer totalement dans la misère et qui étaient attachés à un mode de vie.
En premier lieu, ce qui permettait de ne pas sombrer dans la misère, c’étaient les méthodes d’emploi.
Les ouvriers agricoles étaient des journaliers employés la journée. Il y avait une population fragile qui
un jour travaillait et le lendemain ne travaillait pas. Un usage communautaire voulait qu’il y ait un
roulement dans l’emploi. Cela permettait de répartir cette pauvreté.
Ensuite, d’autres usages communautaires existaient pour que cette population fragile puisse avoir
quelques ressources. Le glanage consistait à toujours laisser au sol une petite partie des récoltes pour
que les plus pauvres viennent les récupérer. Il y avait la veine pâture, où des propriétaires de terres
autorisaient cette population fragile à avoir une chèvre, par exemple. Il y avait toute une organisation
ancienne, spontanée veillant à ce que toute une population ne sombre pas en même temps.
Dès lors qu’une population se déplace pour trouver un métier industriel, il n’y a plus ces usages
communautaires. Il y a la barrière de la langue. C’est une population analphabète. Cette population
doit trouver les moyens de s’en sortir, un emploi. Pour entrer dans une usine, il faut présenter un livret
de travail qui donne la preuve de ce que l’on sait faire. Or, on a des journaliers qui doivent entrer dans
une usine avec un livret de travail rempli par les employeurs précédents. Une partie de cette
population va traverser son isolement total, le fait qu’il soit analphabète et qu’il ne puisse pas
communiquer. Cependant, il y en a qui ne vont pas y parvenir. Ils n’ont aucun espace de secours,
aucun lieu de refuge, aucun interlocuteur. Cette population va entrer dans la petite débrouille, et va
pratiquer des petits métiers. Ils vont être porteurs d’eau, chiffonniers, ramasseurs de crottes. Il y avait
également des côtiers, qui étaient des hommes qui se mettaient en bas d’une rue pentue et
aidaient/poussaient les chariots. Cette population tombe dans le paupérisme. Ces petits boulots ne
permettent pas d’avoir un logement, de se nourrir. Ceux qui occupent ces petits boulots ne sont pas
absorbés dans l’industrie, par l’économie et ne possèdent rien. Ils n’ont pas de revenus, de maison, de
propriétés, et certains sont dans des conditions aggravées parce que père ou mère isolé, veuf ou veuve.
Les enfants sont très nombreux à vivre dans ce monde souterrain. A Paris, on compte 200 000 enfants
des rues à la fin du XIXème siècle. Ils logent dans la rue et on les appelle déjà SDF. Commence la
pratique de dormir sous les ponts. Ils vont trouver parfois une grange où ils vont se faire sortir au lever
du soleil par le propriétaire, parfois s’installer dans un café où ils vont être réveillés pour consommer
toutes les heures. Parfois, des marchands de sommeil vont créer une pièce pour une nuit où il vont
entasser des personnes (demandent tout ce que la personne a gagné le même jour) : ce sont les niches à
rats, garnis. Cette population est mal nourrie, totalement sous-alimentée. Ils mangent les arlos, qui sont
les poubelles payantes.

2. Sujet d’anthropologie criminelle ou prédisposition au crime


Cette population ne se lave pas, il y a un problème d’hygiène monstrueux. Ils sont vêtus de manière
crasseuse, n’ont jamais de vêtements adaptés à leur corpulences (trop grands) et la mauvaise odeur est
permanente. Leur allure physique est désastreuse. C’est une population qui est épuisée qui rentre sa
tête dans les épaules, souvent très maigres, de petite taille car sous-alimentés. Certains, pour survivre,
vont adopter des pratiques qui abîment encore davantage leur physique (vendent leurs dents, leurs
cheveux). La mort est omniprésente. Ces pauvres ont des déficiences physiques et mentales, des

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maladies pulmonaires, des fièvres, le typhus… Bien évidemment, avant qu’ils ne meurent, sont
profondément et définitivement exclus. On les assimile à des criminels. Même des penseurs socialistes
du XIXème lient et associent ce paupérisme à la criminalité. Pour eux, il est impossible qu’il y ait une
distinction entre ce monde et la criminalité. Cette population misérable vit dans la violence
quotidienne.
Pour résumer, au XIXème on a ces misérables. Comment la population l’appréhende-t-elle ? Elle
craint la contagion, les vols, pour notre propriété, pour notre moralité : ils ne peuvent développer
qu’un monde immoral, ils ont des mœurs immorales. On craint que leur seule vie soit attentatoire aux
bonnes mœurs, qu’ils se greffent aux socialistes. On leur reproche de ne pas participer à l’effort
collectif pour enrichir la France. On les nommes la végétation immonde.

B) Appréhension sociale du paupérisme


La politique sociale en France ne commence qu’à la toute fin du XIXème siècle. Elle commence par
une loi de 1898 sur les accidents du travail. Comment protéger les victimes d’accidents du travail ? Il
fallait prouver que l’accident n’était pas un accident du travail. Dès lors que c’est l’employeur qui doit
prouver, il rencontre des difficultés et prend donc une assurance par le biais de laquelle lui et son
salarié s’allient contre l’assurance finalement.
Il y a des doctrines sociales au XIXème siècle.

1. La solution par le droit de nature


Il s’agit d’une doctrine qui s’appelle le darwinisme social. Pour ces penseurs du darwinisme social, il
faut laisser faire la sélection naturelle. Deux auteurs : Gumplowicz ou Spencer considèrent qu’il ne
faut rien faire, laissons-les mourir.

2. La solution catholique
Les catholiques ont plusieurs options. Certains pensent que pour combattre le paupérisme il faut
pratiquer la charité traditionnelle. Pour d’autres, il faut que l’Etat organise la charité catholique. Un
autre pense préconise que l’Etat verse, par respect des préceptes catholiques, un salaire minimum.
D’autres considèrent que la charité doit s’imposer au patronat : c’est le patronat qui doit organiser la
charité traditionnelle en direction de ses salariés. Egalement, le Pape Léon XIII va considérer qu’il
faut généraliser et organiser la redistribution du superflu. Il préconise le collectivisme, c’est-à-dire que
tout le monde a la même chose.

3. La solution par le libéralisme


Il y a différentes options chez les libéraux.
On trouve le libéralisme social. Le libéralisme social considère qu’il faut développer l’économie
sociale, libéraliser l’Etat.
Les libéraux classiques considèrent que le meilleur moyen de lutter contre le paupérisme est la
croissance économique afin de sortir des mécanismes d’assistance. Enfin, les libéraux, pour certains
d’entre eux, optent pour la prévoyance pour sortir du paupérisme ou éviter d’y tomber, accumuler et
épargner.

4. La solution par le socialisme


Marx préconise, qui préconise la lutte des classes, ne peut intégrer le paupérisme. Pour Saint-Simon,
l’Etat doit gérer la nation comme une entreprise et donc l’Etat doit être responsable de la production,
qui intégrerait évidemment en termes de bénéficiaires les plus fragiles. Pour Buchez, la solution est
dans l’éthique. Il ajoute qu’il faut que l’économie soit entre les mains des associations ouvrières.

5. Le solidarisme = solution
Le solidarisme refuse le libéralisme excessif. Pour lui, cela ne peut pas être une solution parce qu’il
indique que c’est de l’individualisme égoïste. Le solidarisme rejette le catholicisme excessif comme

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unique solution parce que ce n’est qu’une impulsion donnée. Le solidarisme refuse aussi le socialisme
comme unique solution parce qu’il déresponsabiliserait les hommes en ne s’en remettant qu’à l’Etat.
Le solidarisme, en fait, c’est employer l’ensemble de ces solutions (hormis le droit de nature). Celui
qui porte cette idée est Durkheim. Pour lui, il faut que l’Etat coordonne la protection sociale et que des
associations professionnelles participent à la distribution. Pour le solidarisme, l’Etat coordonne et des
intermédiaires réalisent. Léon Bourgeois va venir graver ça dans le marbre. Il est immédiatement le
docteur de notre protection sociale actuelle. Il considère que cette protection sociale est une dette que
chaque individu doit aux autres et que le garant du paiement de cette dette doit être l’Etat. C’est une
dette parce que tous bénéficient de la vie collective et qu’il y a un dû qui responsabilise vis-à-vis des
autres. D’une certaine manière, il faut donner ce que l’on reçoit. Tout cela avec un garant qui est
l’Etat : c’est le principe sur lequel repose notre législation sociale. Il va falloir attendre 1898 pour une
première législation. Il va ensuite falloir attendre le modèle allemand sur les assurances sociales pour
qu’une loi sur les assurances sociales soit adoptée.

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