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2022-

2023

Droit de la sécurité sociale

SEREMET LENUTA
France Lambinet

MASTER 1
Partie I. Introduction générale au droit de la sécurité
sociale
Chapitre 1 – La formation du système belge de sécurité sociale
Le système de sécurité sociale est pétri par sa genèse et ses luttes. Si on essaie d’inscrire la
genèse dans une perspective diachronique on peut dire que le point de départ c’est la grande
révolution économique qui a totalement révolutionné nos sociétés à la fin du XVIIIème siècle.

Section 1 – De la révolution industrielle à la fin du 19ème siècle : le


paupérisme et le dogme de la non-intervention de l’Etat
La révolution industrielle a fait naître l’économie de marché, le capitalisme. Tout de suite à
partir de ce moment-là, on va voir apparaître un fil rouge durant deux siècles. C’est la dimension
profondément conflictuelle de tout le processus de création de la sécurité sociale.
La sécurité sociale qui parait comme une évidence qui existe depuis longtemps, n’a rien eu de
spontané. C’est le fruit d’une très longue lutte de la classe ouvrière contre les classes
possédantes. Elle a vraiment été arrachée par les classes ouvrières aux classes possédantes. Elle
ne vient pas de nulle part.
A ce moment-là, on est dans le contexte d’un exode massif des populations rurales vers les
villes. Les campagnes se vident au profit des zones urbaines qui vont s’étendre très rapidement
en très peu de temps. A ce moment-là, on voit toute une population nouvelle qui afflue. Cette
population qui a besoin d’avoir de quoi vivre va fournir aux capitaines d’industrie la main
d’œuvre nécessaire pour faire tourner les usines. Tout est réuni pour que le capitalisme prenne
son envol.

Dans ce contexte d’émergence du capitalisme, on voit très vite apparaître un mal nouveau qu’est
le paupérisme. Le paupérisme est l’expression qui a été forgée pour rendre compte de l’état de
privation extrême dans lequel se trouvait la classe ouvrière. A l’époque le rapport entre l’ouvrier
et le patron est totalement déséquilibré. Dans les faits, on sait que même si l’ouvrier consent un
contrat, il est contraint de mettre sa force de travail en location au plus vite et pour un prix
souvent extrêmement faible. On sait qu’à l’époque les salaires sont d’une moyenne
extrêmement basse.

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Ce que désigne le paupérisme c’est le fait que tout au long du XIXème siècle tous les ouvriers
vivent dans un état de pauvreté totale et permanente. La pauvreté est même épidémique et se
reproduit de générations en générations. L’ouvrier trainera sa pauvreté tout au long de sa
carrière et la transmettra à la génération suivante. L’abbé Sieyès a eu cette formule pour
désigner les ouvriers : « une foule immense d’instruments bipèdes sans liberté. »
Le capitalisme génère pour une part très significative de la population, une profonde insécurité
d’existence. C’est dans ce contexte que l’on voit apparaître des risques nouveaux. Avoir un
travail permet en général de survivre et de subsister tout juste à ses besoins. Ne pas avoir de
travail c’est bien pire car cela entraîne la perte totale de tout revenu. Avec la révolution
industrielle on voit donc apparaître deux risques nouveaux. Deux phénomènes grandissent
rapidement :

- Les accidents du travail explosent avec le machinisme et la révolution industrielle. La


gravité de ces accidents s’est accrue en peu de temps. Quand l’ouvrier est confronté à
cet aléa nouveau, il est privé, dans la plupart des cas de toute protection. Le droit n’offre
à l’époque à l’ouvrier que l’article 1382 du Code Civil. Pour obtenir réparation,
indemnisation ou intervention, il faut donc prouver une faute, un dommage ainsi qu’un
lien de causalité entre ceux-ci. Dans le cas des accidents de travail, il y a toujours au
moins un des éléments qui manquent. Souvent il s’agit de la faute. Les ouvriers
n’obtiennent donc jamais réparation.
- Le chômage dont le terme n’existait même pas auparavant. Lorsque la conjoncture
économique est mauvaise, lorsqu’il y a un excédent de main d’œuvre par rapport à la
production on met les ouvriers surnuméraires à pieds. Dans ce cas-là l’ouvrier est à
nouveau dépourvu de toute protection, il n’est plus en mesure d’assurer sa subsistance
ni celle de sa famille.
L’industrialisation secrète, les nouvelles structures économiques produisent ces deux nouveaux
risques qui impactent la vie des ouvriers.
A côté de ces deux nouveaux risques, on a aussi des aléas préexistants qui prennent une
dimension nouvelle, une incidence autre à partir du moment où on entre en économie
capitaliste :
- La maladie
- La vieillesse
- La charge d’enfant
Ce qui change dans le contexte de l’industrialisation c’est que lorsque ces évènements se
produisent, on ne peut plus compter sur les solidarités de proximité. Dans le contexte d’une
population qui a quitté ses lieux de vie originaires, c’est beaucoup plus compliqué
qu’auparavant de compter sur des solidarités proches. La maladie, la vieillesse et la charge
d’enfants ne sont plus de simples aléas de la vie mais des évènements qui empêchent la
subsistance.

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En résumé, au XIXème siècle, la population ouvrière est confrontée à cinq grands risques de
l’existence : les accidents de travail, le chômage, la maladie, la vieillesse et la charge d’enfant.
Aujourd’hui, la sécurité sociale cherche à protéger la population contre ces cinq risques.
A cette époque, un ouvrier qui est confronté à l’un de ces risques d’existence peut faire deux
choses, ils disposent de deux moyens qui sont autant d’impasses :
- La bienfaisance, la charité existe et occupe une place certaine au XIXème siècle. Mais
la limite de la charité c’est qu’elle ne confère aucun droit subjectif à l’aide ou au soutien
de quelqu’un. Elle repose donc sur le bon-vouloir du généreux donateur.
- La prévoyance : il faut bien se dire que dans la philosophie du code civil, dans l’esprit
de la société bourgeoise, le bonus pater familias est l’être autonome et responsable qui
pourvoit seul à ses besoins et à ceux de la famille. C’est un devoir moral pour lui d’être
donc prévoyant et de se prémunir des éventuels coups du sort. Pour la population
laborieuse c’est une blague. A partir du moment où les salaires permettent tout juste de
survivre, il est matériellement impossible d’épargner et de dégager un surplus pour se
réserver une épargne.
Tout au long du XIXème siècle, les pouvoirs publics ne font rien car ils sont soumis au dogme
de la non-intervention. Au début, lorsque la révolution industrielle a fait son apparition, on n’a
pas pris la mesure de l’ampleur du paupérisme. Mais on a quand même fini par savoir très vite.
A partir du milieu du 19ème, on a eu les premières grandes enquêtes sur la condition ouvrière. A
partir de ce moment-là, des rapports consécutifs aux grandes enquêtes ont été diffusés, publiés
et ont révélé des résultats interpellant.

Les élites politiques ont donc très vite su mais pourtant n’ont rien fait. On peut expliquer cette
inaction par deux grandes raisons. La première raison, assez évidente, tient au mode de
suffrage, au droit électoral. Jusqu’à la fin du 19ème, seuls les hommes riches votaient (suffrage
censitaire). L’ensemble de la classe ouvrière était donc privée d’accès à la représentation
politique.

Tout au long du 19ème, en Belgique, on a vu une alternance de gouvernements catholiques et


libéraux. Un point sur lequel ces deux mouvements étaient d’accord était la question socio-
économique. On ne pouvait pas remettre en cause les avantages de la classe bourgeoise. Il
n’était pas question d’intervenir pour mettre de l’ordre dans le problème économique.

Souvent on ne met en avance que le problème politique pour expliquer le dogme de la non-
intervention. C’est vrai et pas vrai à la fois. A côté du blocage politique, on peut également
pointer un blocage de nature philosophique, qui tient à la représentation de la société, la vision
du monde qui était dominante à l’époque chez les élites (qu’ils soient libéraux ou catholiques).
La personne qui a montré ça de manière magistrale c’est François Ewald, juriste et philosophe
français. Dans son livre L’Etat de Providence que lorsqu’on essaie de reconstituer la mentalité
des élites de l’époque, on voit que ces acteurs avaient en réalité une conscience certaine de la
gravité de la situation.
A partir de la seconde moitié du 19ème siècle, le gouvernement savait mais considérait que faire
de la charité était un devoir moral de premier plan. Le bourgeois doit secourir le malheureux.

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Mais ce qui était proprement impensable, c’est de convertir ce devoir moral en obligation
juridique. On sort de la révolution française durant laquelle on s’est débarrassé du système
féodal et on a proclamé les grandes libertés civiles et avant tout, le droit de propriété. Avec ce
contexte, ce que craignent les libéraux, c’est qu’on entre dans un processus liberticide. Si on
remplace le devoir moral par une obligation juridique, on va porter atteinte au droit de propriété
et le droit va envahir tout l’ordre social. Or on vient de déclarer les libertés.
C’est pour cela que l’on s’est tenu longtemps à 1382. Il ne peut y avoir d’obligation d’intervenir
que si à la base il y a une faute. La victime d’un mauvais coup du sort est imprévoyante dans la
lecture du code civil de l’époque. Les gouvernants savent bien que sociologiquement, la
pauvreté n’incombe pas à l’ouvrier mais juridiquement, on ne peut pas faire autrement. Les
élites politiques ne voient pas quelle réponse apporter à ce problème sans remettre en cause les
acquis de la révolution.
Cette période nous renseigne sur ce qu’il s’est passé lorsque l’on est rentré dans une économie
capitaliste sans redistribution sociale.
Le processus de changement a duré presque un siècle. Le verrou du dogme du non-
interventionniste a sauté en 1886 bien que la naissance de la sécurité sociale soit restée
conflictuelle. Ce qui a permis que finalement, les pouvoirs publics interviennent c’est un double
processus, un double déblocage politique et philosophique. Le grand tournant politique se fait
en 1886.

Section 2 – De 1886 à la seconde guerre mondiale : de la liberté


« subsidiée » aux assurances sociales obligatoires
En 1886, la conjoncture économique est mauvaise et il y a un retournement. Les grands patrons
décident de diminutions des salaires de manière drastique pour augmenter leurs profits. S’ajoute
à cela, un chômage important. La conjonction de cette diminution salariale et de ce chômage
provoque des manifestations. On a alors un peu partout dans le pays, des grèves à caractère
insurrectionnel éclatent. Des usines sont saccagées, les ouvriers descendent dans les rues. La
gendarmerie et l’armée répriment ces grèves. En 1886 on a eu en Belgique des morts à ces
occasions. On a assisté à une répression brutale.
Dès novembre 1886, Léopold II, prononce son discours du trône. Il ouvrait les travaux de la
chambre en indiquant une série de priorités à suivre selon lui. Il prononce ces mots
célèbres : « La situation des classes laborieuses est hautement digne d’intérêt et ce sera le
devoir de la législature de chercher à l’améliorer. Peut-être a-t-on trop compté sur le seul effet
des principes de liberté. Il est juste que la loi entoure d’une protection plus spéciale les faibles
et les malheureux. » Dès 1887, la chambre, sur proposition du gouvernement catholique adopte
les deux premières législations en matière sociale. C’est le droit du travail qui naît en premier.
On a vraiment ici un tournant et dans la foulée, on revoit les règles électorales. On passe dans
un premier temps du suffrage censitaire au suffrage universel masculin tempéré par le vote
plural. Ceux qui payent plus d’impôts ont une voix qui compte plus. La classe ouvrière accède
directement au parlement. Les premiers élus du POB relayent des revendications de la classe
ouvrière, auparavant inaudibles.

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En 1919, on passe au suffrage universel masculin. Le POB accède alors au gouvernement et les
représentants de la classe ouvrière commencent à peser sur la classe politique. On assiste donc
à un déblocage politique.
Parallèlement à ce déblocage politique, on assiste à un déblocage de nature philosophique qui
renvoie de nouveau à la représentation de la société et du monde. D’une certaine manière
l’évidence sociologique finit par s’imposer. Quand le paupérisme est devenu à ce point massif,
il n’a plus été possible de se dire que le pauvre ne peut s’en prendre qu’à lui-même. La
représentation alternative qui va se substituer, c’est que la responsabilité du problème, la cause
du paupérisme ne se trouve pas dans les membres de la classe ouvrière. La responsabilité
première de cette situation incombe à la société.
La responsabilité des accidents du travail c’est le mode économique, c’est le machinisme. A
partir de ce moment-là, il faut substituer à 1382 des mécanismes de prise en charge,
d’indemnisation de nature collective.
De la fin du 19ème siècle à la deuxième guerre mondiale, on peut distinguer deux moments. Le
premier est celui que l’on appelle le moment de la liberté subsidiée.

1. La politique dite de liberté subsidiée


Au cours du 19ème siècle, le mouvement ouvrier a créé les caisses de secours mutuel aussi
appelées les sociétés de prévoyance. Ceux qui le pouvaient s’assemblaient et versaient des
cotisations pour former un pot commun. Lorsqu’un ouvrier était malade ou subissait un
accident, la caisse de secours ou la société de prévoyance dont il était membre pouvait intervenir
et offrir un soutien. Ces caisses étaient auto-organisées par le mouvement ouvrier. Finalement,
le phénomène était resté d’ampleur limitée car peu d’ouvriers pouvaient épargner.
La politique de liberté subsidiée désigne le fait que le gouvernement catholique a commencé,
au cours du 19ème siècle, à subventionner ces caisses et certaines de ces sociétés de prévoyance.
Ce qu’il se passait c’est que lorsque l’on était membre d’une société de prévoyance et que l’on
était confronté à la maladie, on bénéficiait d’une prise en charge à partir des cotisations des
membres et grâce au soutien financier des pouvoirs publics. C’est ce que l’on appelait les
assurances libres subsidiées. On n’était pas obligé d’être affilié. On est donc au niveau des
incidences des politiques publiques.
Cette évolution a eu pour effet d’accroître l’attractivité des caisses de secours mutuel. Mais il
fallait quand même pouvoir être capable de verser une cotisation. Tout cela demeurait dans des
proportions modestes car la limite était la capacité à verser de l’argent.
Encore aujourd’hui en Belgique, les corps intermédiaires (les caisses d’allocations familiales,
les mutuelles, etc) occupent une grande place.

2. Vers les assurances sociales obligatoires


Vu que cette politique promettait des résultats limités, le mouvement ouvrier est revenu à la
charge en disant qu’il fallait que les assurances sociales deviennent obligatoires. C’était la
grande revendication du POB allié avec la gauche du parti catholique et du parti socialiste. Il
fallait que tous les travailleurs soient protégés.

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Le processus était à nouveau très long, très lent et très conflictuel. Obliger tous les travailleurs
à être couverts, pour les conservateurs c’était renoncer au grand rêve de la révolution française,
c’était impensable.
Le grand tournant pour la sécurité sociale c’est le 24 décembre 1903 lorsque la loi fondatrice
du système de sécurité sociale est adoptée. Il s’agit de la loi sur la réparation des dommages
résultant des accidents de travail. Depuis cette loi, tous les travailleurs victimes ont
automatiquement accès à une réparation. Dès lors que le risque social se produit, il y a
indemnisation, on ne discute plus pour savoir s’il y a faute ou pas. Elle est la première loi à
traduire l’évolution sur le plan des idées.
Le mouvement d’extension de la couverture obligatoire progresse lors de l’entre-deux guerres
dans un contexte favorable. Nos pays voisins sont confrontés aux mêmes problèmes et
cherchent des réponses. Le modèle qui influence le plus la France et la Belgique est le modèle
allemand du Bismarck, le chancelier de l’époque. Dès les années 80, Bismarck fait voter des
assurances sociales obligatoires en Allemagne. Au cours de l’entre-deux guerres, on importe le
modèle Bismarckien de l’assurance sociale. Face à un risque déterminé, on est couvert par une
assurance sociale cofinancée par les travailleurs, les employeurs et les pouvoirs publics. Il fallait
que les ouvriers soir affiliés à ces assurances.
En Belgique, le pas est franchi pour les retraites en 1924-25. Tous les travailleurs à partir de là,
doivent bénéficier d’un régime de pension, qu’ils soient affiliés ou non. En 1930, le même pas
est franchi pour les allocations familiales. Tous les travailleurs doivent bénéficier des
allocations familiales financées par les employeurs. Ces allocations familiales obligatoires ont
été étendues aux indépendants en 1937. Jusque dans les années 50-60, les indépendants sont
restés en dehors de la sécurité sociale.
Au moment où la guerre éclate en 1940, on a deux branches dans lesquelles le blocage existe :
le chômage et la maladie-invalidité. Les travailleurs ne sont pas tous protégés face à ces deux
risques lorsque la guerre éclate. Ce n’est pas tellement parce que le patronat et les conservateurs
étaient réticents à passer à l’assurance obligatoire mais bien à cause de problèmes au sein du
mouvement ouvrier. Au sein du mouvement ouvrier, on avait les socialistes et les mouvements
chrétiens entre lesquels il y avait des divergences de point de vue sur la manière de s’y prendre.
En conclusion, on est parti de la fin du 18ème siècle où il n’existait rien pour arriver à la veille
de la seconde guerre mondiale avec une indemnisation automatique en cas d’accidents de travail
et des assurances sociales obligatoires en matière de pension et d’allocations familiales. Enfin,
on a des assurances libres mais subventionnées en matière de chômage et de maladie-invalidité.
Le système est loin d’être achevé mais tous les ingrédients constitutifs du système actuel
commencent à être mis en place.
Parallèlement, on voit bien que les représentations et conceptions sont en train de radicalement
changer. On passe de la responsabilité individuelle à un modèle basé sur la responsabilité
collective. Notre modèle économique génère de l’insécurité d’existence, sécrète des aléas. Il
appartient à la sécurité tout entière de répondre à ces situations.

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Ce que nous devons retenir c’est que la sécurité sociale est la réponse collective au phénomène
majeur du paupérisme.
Tout ce processus que l’on retrace est un processus qui a été énormément conflictuel car la
sécurité sociale n’a pas été concédée gracieusement par les élus politiques. C’est un mouvement
qui a été arraché par les classes ouvrières à la classe possédante.

Section 3 : L’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité


sociale des travailleurs
La période qui va de la Seconde guerre mondiale jusqu’à aujourd’hui est la période la plus
importante. Aujourd’hui, la sécurité sociale est sous tension et elle ne fait plus l’unanimité.
L’année 1944 est vraiment le moment marquant pour la sécurité sociale. On dit souvent que
c’est le moment où la sécurité sociale a été fondée. C’est faux dans le sens où la sécu n’est pas
apparue subitement en 1944 mais puise ses racines dans des évènements bien plus anciens,
essentiellement tout au long du 18ème siècle, la création par la classe ouvrière des caisses
d’assurances mutuelles. C’est cela l’origine de la sécurité sociale car ces caisses existent
toujours. Néanmoins, il est vrai que 1944 représente un tournant.
Pendant la guerre, en pleine Belgique occupée, des représentants du mouvement ouvrier et du
patronat se sont rencontrés à plusieurs reprises dans la clandestinité pour négocier entre eux,
discuter au sujet de la forme qu’allaient devoir prendre les structures socio-économiques à la
sortie de la guerre. A partir de 1942, quelques représentants syndicaux et quelques représentants
du mouvement patronal se disent que cette guerre va se terminer un jour et qu’on ne peut pas
rester dans cette lutte entre forces du capital et forces du travail.
Les membres du comité ouvrier patronal ont accouché d’un texte appelé le « Projet d’accord
pour la solidarité sociale ». Dans ce projet, également appelé Pacte Social, les membres du
comité ont conclu ensemble une forme de grand compromis entre les attentes du monde du
travail et les attentes du monde du capital. Les représentants du mouvement ouvrier et socialiste
et chrétiens, acceptent le principe de l’autorité patronale, de subordination. Ce n’était pas
acquis à l’époque. En acceptant formellement le rapport d’autorité, le mouvement ouvrier
renonce à ce qui figurait dans son cahier de revendication, à la demande d’une appropriation
collective des moyens de production. Au sein du comité ouvrier patronal, les représentants des
employeurs acceptent enfin le principe de la redistribution des richesses. Le mouvement
patronal reconnaît que dès lors, la classe ouvrière a droit à une part du fruit de la croissance.
è On maintient la propriété privée mais d’un autre côté on accepte que les richesses
doivent être redistribuées. Ces richesses ne peuvent être maintenue exclusivement entre
les mains des patrons.
Dans ce cadre global de pacte social, il y a une part de l’accord réservée à la sécurité sociale,
au futur des assurances sociales et des assurances libres subventionnées. Ce qui est très frappant,
c’est que ce volet du projet d’accord a directement inspiré le gouvernement qui revient d’exil
de Londres. La libération n’a pas encore eu lieu mais le 28 décembre 1944 le gouvernement
adopte l’arrêté loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs. Cet
arrêté-loi existe toujours.

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Le rapport au régent s’ouvre par ces lignes qui résument l’intention des autorités de l’époque :
« Dans le mouvement général qui porte les nations démocratiques à répartir plus justement les
fruits du travail commun, la Belgique tient à garder une place de premier rang. Le mot d’ordre
de cette époque est de développer la sécurité sociale, de soustraire aussi complètement que
possible aux craintes de la misère les hommes et les femmes laborieux. »
On veut affranchir, libérer de la misère les classes laborieuses en bâtissant la sécurité sociale.
Les autorités gouvernementales ont emprunté le concept de sécurité sociale à Lord William
Beveridge (1942), un économiste considéré comme le père de la sécurité sociale au Royaume
Uni. Beveridge s’était vu commandité par le Royaume Uni de faire un rapport dans lequel il
propose de construire une sécurité sociale pour tout le monde. Les autorités reviennent de
Londres en important ce concept.

L’arrêté-loi est une loi-cadre qui se contente de rassembler dans un même cadre de pensée et
organisationnel, les différentes assurances qui préexistaient. En 1944, on n’a donc pas inventé
la sécurité sociale mais on a consolidé ce qui préexistait en chapeautant le tout par le concept
de sécurité sociale. On se dit à ce moment-là que toutes les différentes assurances relèvent du
même concept alors qu’avant elles étaient vues comme autant de choses distinctes les unes des
autres. Sur le plan juridique, il y a deux avancées importantes dans cet arrêté-loi :
1) Le texte a enfin généralisé le principe de l’affiliation obligatoire. Ce principe était une
grande demande du mouvement ouvrier et n’était pas encore acquis dans toutes les
branches de la sécurité sociale. Or, on était encore dans l’assurance libre subventionnée
en ce qui concerne le chômage et la maladie. Il faut bien voir la portée symbolique de
la chose. Désormais tous les travailleurs salariés sont assurés contre tous les risques de
l’existence signifie que définitivement, on sort de l’état libéral pour entrer dans le
régime de l’état providence, l’état social. Le but de la politique sociale est de sécuriser
les conditions d’existence de toute la population laborieuse.
2) La création de l’Office national de sécurité sociale (ONSS), établissement public qui
surplombe l’ensemble du régime, l’ensemble des branches du régime de sécurité sociale
des travailleurs salariés. Sa fonction c’est d’être la caisse de financement du système.
Elle récolte les cotisations sociales pour toutes les branches de la sécurité et elle
redistribue l’argent là où il doit l’être. De nouveau, la mise en place de l’ONSS
consolide la sécurité sociale qui a une identité et qui forme un ensemble cohérent.
Cette législation était explicitement présentée par les autorités comme étant provisoire. Il fallait
aller très vite pour réparer les dommages créés par la guerre. On a consolidé ce qui existait déjà
mais l’idée était de remettre l’ouvrage sur le métier et de créer un système définitif plus tard
lorsque tout se serait apaisé. Mais ce système définitif n’a jamais vu le jour et l’arrêté-loi du 28
décembre 1944 est toujours d’actualité aujourd’hui.
Pendant longtemps, la sécurité sociale ne concernait que les travailleurs salariés et tout le reste
était exclu de ce système. L’arrêté-loi du 28 décembre 1944 est limité aux travailleurs salariés,
à l’exclusion des travailleurs indépendants et des fonctionnaires statutaires. Pourtant, le régent
parlait de « tout le monde ». Les indépendants sont restés en dehors de la sécurité sociale jusque
dans les années 50-60, à l’exception du bénéfice des allocations familiales (d’un montant

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moindre que celui des salariés). Pour les fonctionnaires, il y a depuis très longtemps des
législations propres à la fonction publique. Ces législations sont restées inchangées.
On a donc, en 1944, trois régimes de sécurité sociale :
- Le régime des fonctionnaires statutaires, le plus ancien,
- Le régime des travailleurs salariés,
- Celui des travailleurs indépendants. A l’époque on ne parle pas de « sécurité sociale »
des indépendants.
Ensuite, l’histoire se poursuit et le système va prendre sa forme définitive. Ce qui est important
c’est de distinguer deux périodes au long du 20ème siècle : on a d’abord les trois décennies
suivant la seconde guerre mondiale appelées les Trente glorieuses. Ensuite, la Crise de l’état
providence dans laquelle on est encore aujourd’hui.

Section 4 – De 1944 à 1974 : les Trente Glorieuses, âge d’or de la


sécurité sociale
Ce sont des années vues comme extrêmement fastes, des années de très forte croissance
économique et cette prospérité va de pair avec trois décennies de progrès social continu. Le
contexte économique et social est particulièrement favorable à l’expansion de la sécurité
sociale. Les trente glorieuses représentent l’âge d’or de la sécurité sociale.
Dans l’esprit du gouvernement et des interlocuteurs sociaux, ce qu’on avait mis en place avant
la libération, c’était du provisoire. Après la guerre, on voulait donner au système une forme
définitive. Pour notre information et notre culture, il y a eu des tentatives de réforme globale de
la sécurité sociale. On a eu deux grandes tentatives mais ces deux tentatives ont échoué. De ce
double échec il y des enseignements importants qui s’en dégagent.

1. L’échec des tentatives de réforme globale


Le provisoire est devenu le définitif

a) Première tentative : en 1949, le gouvernement entend tenir sa promesse. On assiste à la


nomination de deux commissaires d’Etat à la sécurité sociale auxquels le
gouvernement donne pour mission de remettre un rapport proposant une sécurité sociale
définitive afin de régler le problème. On a un flamand et un francophone. Le
francophone est socialiste et le flamand est social-chrétien. Après un an de palabre en
tant que commissaires sociaux, ils ne sont d’accord sur rien. On a donc bien un rapport
sur la réforme de la sécurité sociale à l’issue du processus mais ce rapport ne contient
pas le projet attendu, le modèle final de sécurité sociale.
Le Rapport sur la réforme de la sécurité sociale de 1950
b) Deuxième tentative : en 1980, on assiste à une nouvelle tentative. Le gouvernement
nomme une commission royale chargée de préparer la codification, l’harmonisation
et la simplification de la législation relative à la sécurité sociale. Elle est composée de
parlementaires, de représentants des interlocuteurs sociaux et elle est placée sous la
présidence de deux professeurs d’université, Roger Dillemans (KU Leuven) et Pierre

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Van der Vorst (ULB). Le francophone est à nouveau socialiste et le flamand est libéral
chrétien. Cette commission va travailler pendant 5 ans. C’est la réflexion menée sur
notre système sociale la plus aboutie à ce jour. Les travaux ont failli aboutir mais en fin
de parcours, le parti libéral flamand se retire du projet. Le parti pensait qu’il fallait
réduire la sécurité sociale et la remplacer par des assurances privées. Le président et le
vice-président ont publié un avant-projet de code de la sécurité sociale en leurs deux
noms, sous leur seule responsabilité, en 1985. Il a été publié dans les documents
parlementaires. Ce projet est toujours là. Une grosse part du travail était faite et tout
était là mais le gouvernement n’en n’a rien fait comme tel.
En réalité, il y a toute une série d’aspect de cet avant-projet qui ont été repris en projet de loi et
qui ont abouti. Par exemple, le code pénal social est un héritier de ce projet. Il n’y a pas de code
de la sécurité sociale en Belgique.
Il y a un enseignement qui se dégage de ces deux tentatives. Au fond, il y a une forme de
paradoxe dans le droit de la sécurité. C’est un droit qui bouge tout le temps, qui est sans cesse
amendé et réécrit, mais c’est un droit dont les fondamentaux sont lourds et très difficiles à
remettre en cause. Notre système de sécurité sociale est assorti d’une force de pesanteur très
marquante. Les réformes se font à la marge. Il n’y a jamais de grande remise en ordre ou à plat.
Plus la réflexion est approfondie, prend la peine de se distancier de l’histoire, plus il y a de
chances que ça n’aboutisse à rien. C’est comme ça que notre système social évolue et que sur
le plan légistique, ce droit a une texture particulière.
Puisque ces grands projets n’ont pas marché, notre système a évolué de manière très éclatée.

2. Un système dominé par les trois grands clivages idéologiques de la société


belge
Toutes les branches de la sécurité sociale évoluent séparément et sont très différentes. De
manière globale, on peut dire que notre système de sécurité sociale a été largement modelé,
pétri, par les trois grands clivages qui ont longtemps dominé (en tout cas pour les deux premiers
d’entre eux) la vie politique belge. Chacun de ces trois clivages a laissé une trace très nette dans
la physionomie de notre système, a été traduit juridiquement. Aujourd’hui c’est surtout le
troisième qui est important.
a) Un clivage socio-économique : le conflit entre le capital et le travail, entre les ouvriers
et les patrons
C’est le clivage le plus fort, le plus violent. Il existe encore aujourd’hui mais cela étant, l’acuité
du conflit est devenue beaucoup moins radicale à partir de 1944 car ce clivage a laissé une trace
très nette appelée la gestion paritaire. Le paritarisme désigne le fait que toutes les institutions
publiques de sécurité sociale qui existent dans le système sont administrées par un comité de
gestion. Ce comité de gestion est composé, en règle générale, de manière paritaire (autant de
représentants syndicaux que patronaux). En effet, les assurances sociales sont co-financées par
les employeurs et les travailleurs et qui paient contrôle. Les principaux financeurs de la sécurité
sociale sont aussi ceux qui l’administrent, qui la gèrent au quotidien.

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La gestion paritaire c’est la traduction directe du premier clivage. Cette traduction juridique a
été un moyen d’atténuer les tensions entre patrons et travailleurs.
b) Un clivage philosophique, confessionnel : le conflit entre catholiques et laïcs
Il faut bien voir que dans notre Belgique, ce clivage, est devenu largement dominant après la
seconde guerre mondiale. Il a joué un rôle encore plus important dans la société que le
précédent. Ce clivage est interne au mouvement ouvrier au sein duquel on a les socialistes et
les démocrates-chrétiens. C’est à cause de divergences de vues au sein du mouvement ouvrier
qu’on n’est jamais arrivé à une solution.
Du côté socialiste, on a majoritairement défendu le fait que les prestations sociales devaient
être universelles. On a dès lors ensuite défendu que ces prestations sociales à caractère universel
devaient être financées essentiellement par l’impôt. Puisque toute la population a vocation à
être couverte par cette sécurité, il fallait que toute la population contribue. Enfin, on a
majoritairement défendu que ces prestations universelles et financées par l’impôt devaient être
administrées par un service public centralisé et unique créé uniquement dans ce but.
Du côté des démocrates-chrétiens, on a toujours privilégié le format des assurances sociales
fondées sur le travail. C’est le travail qui donne accès une couverture sociale. Dès lors, on a
toujours défendu de ce côté l’idée que ces assurances devaient continuer à être financées
majoritairement, si pas exclusivement, par des cotisations sociales des travailleurs et des
employeurs. Enfin, ils ont toujours défendu le maintien dans le système des organismes
intermédiaires privés créés par le mouvement ouvrier. On ne voulait pas d’une administration
centrale, il fallait absolument laisser un rôle aux mutuelles, aux caisses d’assurances sociales,
corps intermédiaires entre les individus et l’état.
On a donc fait un compromis dans lequel les démocrates-chrétiens sont finalement plus en
force. La physionomie dominante est encore aujourd’hui le modèle de l’assurance sociale qui
trouve son origine dans un travail. Ce schéma est encore l’élément de référence. Deuxièmement,
ces assurances sont majoritairement financées par des cotisations sociales. Enfin, au niveau de
la structure administrative, on n’a jamais en Belgique, à part en matière de pension et de
maladies professionnelles, fait table rase des corps intermédiaires, des organismes
intermédiaires privés issus du mouvement ouvrier ou patronal. Les caisses d’allocations
familiales, de chômage syndical, les mutuelles sont toujours là. Donc on a maintenu tout ça
mais le compromis a consisté, dans les principales branches, à créer des caisses publiques
résiduaires. On maintient le pluralisme institutionnel, càd qu’on peut s’adresser à la caisse
privée de notre choix mais si on ne le désire pas on peut s’adresser aux caisses publiques par
défaut.
Traduction juridique : le pluralisme institutionnel, c’est-à-dire le maintien dans le système des
organismes intermédiaires privés couplé à la création de caisses publiques auxiliaires.
c) Un clivage linguistique : le conflit communautaire

Pendant très longtemps, ce clivage ne s’est pas traduit en sécurité sociale. Il n’y a pas eu
d’incidence directe sur le système de la sécurité sociale. Une majorité des partis flamands
demandent une très large, totale ou partielle, selon les partis, défédéralisation de la sécurité

11
sociale. Lors de la sixième réforme de l’Etat (2014), on a, pour la première fois, défédéralisé
certaines branches de la sécurité sociale pour que chacune des entités fédérées deviennent
compétentes.
Ces trois grands clivages sont des clefs de lecture pour comprendre les grands débats qui
animent notre société.

3. Aperçu de l’évolution générale dans chacun des régimes


L’évolution globale du système a été marquée par les trois grands clivages. On regarde d’un
peu plus près ce qui s’est passé dans chacun des différents régimes qui comprend différentes
branches.
a) Le régime de sécurité sociale des travailleurs salariés

Le principal régime est celui de sécurité sociale des travailleurs salariés. Tout au long des 30
glorieuses, on a assisté à un mouvement d’expansion continue. L’idée qui domine c’est une
marche en direction du progrès social car il fallait réparer les injustices du passé. Ce mouvement
d’expansion s’est manifesté sur le plan matériel comme personnel. Un double mouvement :
• Elargissements du champ d’application personnel
Sur le plan personnel, cela signifie que le cercle des catégories de personnes protégées par la
sécurité sociale n’a pas cessé de s’étendre. On avait déjà les personnes engagées dans un contrat
de travail mais on a étendu, durant les 30 glorieuses à d’autres catégories de personne qui sont
factuellement dans une situation de dépendance de fait sur le plan socio-économique.
Juridiquement, on n’a pas de contrat de travail mais on a une situation de dépendance de fait.
Toutes ces personnes ont été protégées par la sécurité sociale. Aujourd’hui, le cercle des
bénéficiaires va bien plus loin que les personnes parties à un contrat de travail.
• Améliorations de la couverture matérielle

Cela signifie une expansion de ce à quoi la sécurité sociale donne droit. On a eu de très
nombreux mouvements d’expansion. Ce sont des montants qui ont été réhaussés, des conditions
d’octroi plus généreuses, des méthodes de calcul plus généreuses, des risques sociaux qui ont
été définis de manière plus ample. On a voulu rendre plus généreuses la couverture à laquelle
les travailleurs salariés et ceux qui y sont assimilés ont droit.
Donc, il y a eu deux évolutions parallèles sur le plan personnel et matériel. Tout cela ne s’est
pas passé facilement. Mais globalement, l’image générale des trente glorieuses est l’image de
l’expansion de la sécurité sociale.
b) Le régime de sécurité sociale des agents des services publics (pour mémoire)
Renvoi au cours de Droit social de la fonction publique
A côté du système de la sécurité sociale, on a et depuis longtemps, un régime de sécurité sociale
des agents des services publics, à savoir le régime de protection dont bénéficient les
fonctionnaires statutaires. Cela concerne un pourcentage important de personnes en Belgique.
Gardons en mémoire que ce système est mixte. Dans certaines branches, les fonctionnaires sont

12
rattachés au régime salarié tandis que pour d’autres branches, ils bénéficient de leur propre
système.
c) Le régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants
Pendant longtemps, ce système n’existait pas. Les indépendants avaient seulement droit aux
allocations familiales. A partir des années 50, la sécurité sociale s’étend aux travailleurs
indépendants qui ne voulaient pas spécialement d’elle. Dans les années 50, tous les
indépendants bénéficient obligatoirement d’une pension de retraite moins avantageuse que les
travailleurs salariés (1954). En 1964, assurance obligatoire pour la maladie et au début des
années 70, assurance obligatoire pour l’invalidité. Sous réserve de nuances, c’est tout ce que
les indépendants ont. Il manque aux indépendant l’assurance chômage, les accidents de travail
et les risques professionnels. C’est encore le cas aujourd’hui.
Dans les branches qui existent pour les indépendants, pendant très longtemps, les écarts sont
restés très significatifs. La couverture était beaucoup moins avantageuse pour les indépendants
que pour les salariés. Depuis les années 2000, il y a une nette tendance au rapprochement entre
les deux systèmes. La sécurité sociale des travailleurs salariés stagne alors que la sécurité
sociale des indépendants a fait des bons de géants à tel point que l’on a atteint l’égalité totale
en matière de soins de santé et d’allocations familiales. Au contraire, en matière de pension et
de maladie-invalidité, les écarts restent importants mais se résorbent.
A la fin des trente glorieuses, un nouveau régime fait son apparition.
d) L’aide sociale

L’aide sociale, appelée assistance sociale auparavant, ont commencé à être mises en place à la
fin des années 60, début 70. Dans ce contexte, après la consolidation de la sécurité sociale, on
a fait un bilan et on s’est aperçu que les assurances sociales, au regard des objectifs qu’elle
poursuivait, n’ont pas atteint l’objectif central qui était de faire disparaître le paupérisme.

On a réalisé que les inégalités ont été réduites mais certains groupes de la population ne
bénéificiaient toujours pas de la période de progrès économique et prospérité sociale dans
laquelle on était. Les exclus étaient restés en marge et ne pouvaient pas bénéficier de cette
période. Il y a donc, fin des années 60, la prise de conscience que la grande pauvreté n’a pas été
résolue.
C’est pour pallier ce problème, aux limites des assurances sociales que l’on a crée l’aide sociale.
Ces prestations sont non-contributives au contraire des assurances sociales. En général il faut
travailler et cotiser pour ouvrir des droits à la sécurité sociale. Puisqu’on réalise que des
personnes n’ont pas accès aux assurances sociales, on décide qu’il ne faut pas avoir travaillé
pour en bénéficier. Le but c’est d’offrir une aide minimum aux personnes non intégrées dans
les grandes couvertures sociales. C’est donc la raison d’être de la création des revenus minima,
des minimas sociaux.

Raison d’être : pallier les limites des assurances sociales en garantissant des minimas sociaux
Caractéristique : des prestations non contributives

13
Consécration successive de cinq prestations à la fin des années 1960 et au début des années
1970 :
– Le revenu garanti aux personnes âgées (1969)
La première prestation assistancielle, on crée en 1969, un minimex pour les personnes âgées
qui n’ont pas accès à une pension de retraite. Ces personnes ont droit à une pension de plancher.
– Les allocations pour (personnes) handicapés (1969)
Ces prestations comprennent un revenu minimum auquel doivent avoir accès les personnes qui
sont en situation de pauvreté et qui ne peuvent travailler en raison d’un handicap.
– Les prestations familiales garanties (1971)
C’est à nouveau un complément non contributif aux allocations familiales. Percevoir des
allocations familiales nécessitait de travailler.
– Le droit à un minimum de moyens d’existence (1974)
Le minimex c’est le droit à l’intégrité sociale d’aujourd’hui. C’est la prestation ultime lorsque
l’on est dans une situation de pauvreté sans être une personne âgée, handicapée ou un enfant.
– L’aide sociale au sens strict (1976)
On consacre enfin le droit à l’aide social au sens strict qui permet au CPAS de venir
éventuellement compléter le Minimex (repas chauds, médicaments, etc) pour ceux qui n’ont
pas une vie conforme à la dignité humaine. La seule condition est de ne pas vivre une vie
conforme à la dignité humaine.
Les trente glorieuses sont trente années durant lesquelles la sécurité sociale n’a pas cessé de
grandir, c’est devenu un pilier de la société. Ce pilier a très fort grandi, pas par la mise en place
d’une sécurité sociale universelle mais en tâtonnant, en bricolant, par le biais de la juxtaposition
de quatre régimes parallèles. Ces régimes sont toujours là aujourd’hui :
- Régime des travailleurs salariés
- Régime des travailleurs indépendants
- Régime des fonctionnaires publics
- Régime de l’aide social

Section 5 – Depuis 1975 : la crise de l’Etat-providence


= la sécurité sociale face à l’austérité permanente
Depuis les années 70, le système de la sécurité sociale a encore beaucoup évolué mais dans un
contexte social qui est très différent du contexte général des trente glorieuses.
A partir du milieu des années 1970, un changement de contexte global
• Un changement économique : la fin du plein emploi

14
Il faut bien voir que l’année 1974 est une date pivot. C’est à la fois l’année de mise en place du
Minimex vu à l’époque comme l’aboutissement du système social, et l’année du « début de la
déglingue » car en 1973-74 commence la désindustrialisation qui a profondément impacté la
sécurité sociale et bouleversé nos structures économiques. Du jour au lendemain, le plein
emploi a cessé. Avec ça, on a des pans entiers de l’économie, des branches entières d’activité
qui ont sombré en l’espace de quelques années et le chômage explose. On avait durant les
trente glorieuses un contingent de chômeurs qui était en moyenne de 50 à 100 000 et là on arrive
à un nombre de plus de 500 000. Le basculement était colossal.
A Bruxelles et en Wallonie on est toujours loin du plein-emploi. Le plein-emploi était la
condition de l’état de providence. C’est la condition des transferts sociaux. A partir du moment
où la masse de chômage explose, tout est fragilisé.
• Un changement démographique : le vieillissement de la population
Nous vivons également dans des populations vieillissantes donc en même temps que la base
des actifs qui travaillent et cotisent se rétrécit, la base des inactifs qui ne travaillent pas mais
qui ont besoin de la sécurité sociale grandit. La rencontre des deux phénomènes entraîne la mise
sous pression de la sécurité sociale.
• Un changement idéologique : la diffusion (limitée, en Belgique) des idées
néolibérales
S’y ajoute encore une troisième dimension, au début des années 80, c’est le moment où les idées
néolibérales commencent à percoler. Elles percolent surtout dans les milieux anglo-saxons. Les
deux figures qui ont incarné le néo-libéralisme sont Tatcher, au Royaume Uni et Reagan aux
USA. On n’a jamais eu de figure pareille en Belgique mais dans les années 80, les idées
néolibérales ont connu un certain succès en Belgique et ont eu une occasion de s’illustrer, lors
de la commission royale chargée de la codification et simplification de la sécurité sociale en
1980. A la fin des travaux, le parti libéral flamand s’est retiré. Pour eux, conforter la sécurité
sociale c’était aussi la légitimer.
Après cela, les socialistes ont repris le pouvoir. La diffusion fut donc limitée mais existait quand
même.
Quel impact sur la sécurité sociale ? Depuis les années 80, la sécurité sociale est confrontée à
une politique d’austérité budgétaire permanente. Globalement, on évolue dans un contexte
d’austérité donc on a fondamentalement changé de logique dans le sens où auparavant, on
adaptait les dépenses en fonction de l’évolution des besoins. Désormais, on a d’abord des
masses financières disponibles et on répartit ensuite ces enveloppes budgétaires entre les
différentes branches. On arbitre selon ce qui est disponible. La croissance des dépenses est
beaucoup moins rapide qu’auparavant.
Beaucoup de mesures ont été prises pour réduire les dépenses. La mesure la plus frappante est
la réduction des moyens disponibles au regard des besoins sociaux.
Ce qui est frappant, toutes ces mesures d’austérité, d’économie, ont eu pour effet de réduire de
manière significative le niveau moyen des allocations sociales par rapport au niveau social des

15
salaires. On a vu un décalage se crée entre les deux. Notre système de sécurité sociale joue
moins bien qu’auparavant son rôle d’assureur contre les grands risques de l’existence.
La conséquence la plus importante a donc été la dégradation du niveau moyen des allocations
sociales par rapport aux salaires, et l’affaiblissement de la qualité de la protection sociale.
Malgré tout, on a connu des avancées. En même temps que la prise de mesure d’austérité, il y
a eu aussi de nouveaux progrès qui ont pu être opérés.
• Exemple 1 : le statut social des travailleurs indépendants
Ce statut est vraiment la grande priorité des gouvernements successifs depuis les années 2000
et surtout depuis 2010.

• Exemple 2 : l’informatisation de la sécurité sociale et la loi du 11 avril 1995


visant à instituer la charte de l’assuré social
Dans les années 90, alors que le contexte n’était pas favorable (accès à l’euro), on a
considérablement amélioré le fonctionnement de la sécurité sociale. Ça s’est traduit par
l’adoption de la loi du 11 avril 1995 consacrant la Charte de la sécurité sociale. C’est une loi
qui régit les relations entre les institutions de sécurité social et les assurés sociaux en prévoyant
tout une série de garanties au profit des assurés sociaux.

Epilogue – L’Etat social « actif »


= vers un nouveau paradigme ?
Depuis les années 2000, il est beaucoup question de changer de modèle, de paradigme. Il y a
beaucoup de discours et les nouvelles réformes ne sont pas aussi efficaces que souhaité. Le
changement de discours c’est l’idée de dire qu’on serait dans un Etat-providence passif, un état
dans lequel les assurés sociaux subissent les risques sociaux et dans lequel l’Etat providence
intervient en octroyant des allocations sociales. Il faudrait passer à un état social actif qui
responsabilisent les assurés sociaux, qui les enjoint de faire des efforts, de se reprendre en
mains.
Juridiquement, ce tournant de responsabilisation se matérialise par la consécration d’exigences
de contrepartie ou de renforcement des contreparties. Un chômeur bénéficie d’allocations de
chômage, il ne peut pas être simplement un demandeur d’emploi mais il doit être un chercheur
d’emploi.
Depuis les années 2000, on est dans cette période charnière. L’idée est que l’Etat social actif
serait une réponse à la crise de l’état-providence. Certains considèrent que ce changement est
nécessaire pour mettre fin à l’assistanat tandis que d’autres estiment que ce changement est
dangereux. C’est d’abord aux personnes qu’il appartient de se bouger, de faire des efforts pour
faire face aux risques sociaux.

16
Chapitre 2 – La notion de sécurité sociale
Section 1 – Définir la sécurité sociale ?
On va clarifier une série de questions conceptuelles et terminologiques. Une manière de
procéder (pas celle que l’on va suivre) qui est assez fréquente consiste à partir de la finalité,
l’objectif de la protection sociale. Quand on part de là, on fait le constat que ce que cherche à
faire la sécurité sociale c’est assurer la sécurité d’existence. On a alors tendance à définir la
sécurité sociale comme étant le système mis en place par une collectivité publique donnée dans
le but d’assurer la sécurité d’existence de s citoyens. Ne retenons pas cette définition.

Elle part d’un constat vrai mais cette définition est extrêmement et trop large et donc avec ce
critère, on ne peut pas identifier ce qui fait le propre de la sécurité sociale. Réfléchissons aux
différentes politiques sociales et économiques développées par les pouvoirs publics (logement,
enseignement, etc.) Toutes ces politiques ont pour but d’assurer la sécurité d’existence. Toutes
les grandes politiques publiques caractéristiques de l’état de providence visent à assurer la
sécurité d’existence. Ce critère est trop souple et on devrait englober toutes les grandes
politiques socio-économiques. Cela ne nous permet pas d’identifier le propre de la sécurité
sociale.

Pour cette raison, définissons la sécurité sociale autrement. Ce que l’on va voir, c’est un essai
de définition pragmatique. On part du principe que dans le contexte belge, il y a toute une série
de législations sociales qu’on a pris pour habitude de rassembler sous le label de sécurité
sociale. Notre définition vise à rendre compte de cela, de définir sous le label de « sécurité
sociale » uniquement les législations sociales.
On peut donc dire que la sécurité sociale est l’ensemble complexe, le système, qui, au moyen
d’une certaine redistribution financière, garantit à tout ou partie de la population différents
revenus de trois types :
- Des revenus de remplacement destinés à compenser la perte des revenus que l’on tire
normalement de notre activité professionnelle,
- Des revenus de complément qui vise à permettre de faire face aux surcouts (dépenses
additionnelles) liés par un certain nombre de charges qui affectent le niveau de vie, et
enfin,
- Les revenus minimums résiduaires qui visent à procurer un socle de ressources, un
minimum vital lorsque l’on n’a pas de ressources propres ni la possibilité d’accéder à
d’autres revenus.
Ce que fait la sécurité sociale c’est faire circuler du cash dans notre société. C’est une
« machine » à redistribuer les richesses pour protéger contre les principaux aléas de l’existence.
Ces trois types de revenus permettent de faire face à un certain nombre de risques, d’aléas,
d’éventualités socialisés.

17
1. Les revenus de remplacement
Ce sont les revenus qui permettent de faire face aux évènements qui affectent la stabilité, la
continuité du revenu professionnel. Il y a deux grands risques mutualisés par notre sécurité
sociale :
- Le manque involontaire d’emploi (il y a beaucoup de conditions à satisfaire pour en
bénéficier) et
- L’incapacité physique de continuer à travailler. Ces deux risques affectent le maintien Camelia
2021-10-06
du revenu professionnel. 12:24:25
--------------------
Dans notre système, les prestations sociales correspondant à ces revenus sont nombreuses : --------------------
----
- Les allocations de chômage qui visent à permettre à une partie de la population de faire Chômage ou
droit paserelepour les
face à l’aléa d’absence involontaire d’emploi. indépendants
- Les pensions de retraite et de survie, les indemnités d’incapacité de travail, les
indemnités de maternité, les indemnités d’accident du travail et les indemnités de
maladie professionnelle qui visent à faire face à l’aléa d’impossibilité physique de
continuer à travailler.
Pension de survie : pension qui est octroyée dans certaines circonstances lorsqu’au sein d’un
ménage, un travailleur décède. Ces prestations ne vont plus exister très longtemps.
Pension de retraite : pension qui vise à octroyer un revenu de remplacement lorsqu’à la fin de
notre carrière on atteint l’âge de la retraite.
En bref,
Risques sociaux couverts : le manque involontaire d’emploi et l’impossibilité physique de
continuer à travailler

Prestations sociales correspondantes : les allocations de chômage, les pensions de retraite et


de survie, les indemnités d’incapacité de travail, les indemnités de maternité, les indemnités
d’accident du travail et les indemnités de maladie professionnelle

2. Les revenus de complément


Les revenus de complément ne visent pas à remplacer un revenu qui serait perdu ou altéré. Ils
Camelia
visent à permettre de faire face à un certain nombre de charges qui affectent, à niveau de revenu 2021-10-06
inchangé, le niveau de vie. Des charges additionnelles s’ajoutent au revenu qui reste le même 14:27:53
--------------------
mais ces charges altèrent le niveau de vie. Sans compensation, il pourrait y avoir une diminution --------------------
du niveau de vie. ----
Le niveau de
Les risques sociaux couverts sont au nombre de deux : revenuestinchangé
mais survient
- Les frais pour problèmes de santé un aléa
(enfants) et
- La survenance d’enfants. On parle de moins en moins de « risque social » aujourd’hui. des besoins
On parle d’avantage d’éventualité ou d’évènement pour la charge liée à l’éducation des médicaux..
enfants. Une petite partie des conséquences doivent être mutualisées.

18
Dans notre système, les allocations concrètes qui permettent de faire face à ces risques sont :
- Les allocations familiales po ur la charge d’enfants et
- L’assurance soins de santé (le secteur maladie de l’assurance maladie-invalidité).
Aujourd’hui on parle de soin de santé-indemnité. La maladie vise à prendre en charge
les soins de santé tandis que l’incapacité vise à prendre en charge les incapacités de
travail et la maternité.

En bref,
Risques sociaux couverts : l’éducation d’enfants et les frais médicaux

Prestations sociales correspondantes : les allocations familiales et les soins de santé

3. Les revenus minimums résiduaires (ou minimas sociaux)


Ici, il ne s’agit pas de remplacer un revenu professionnel perdu, ni d’ajouter un soutien à un
revenu insuffisant. Il s’agit de garantir un minimum vital, un socle vital, lorsqu’on est confronté
à la pauvreté, au manque de ressource et à l’impossibilité de bénéficier d’un autre revenu de
sécurité sociale, d’accéder à d’autres prestations de sécurité sociale.
Les prestations sociales correspondantes sont :

- La garantie de revenus aux personnes âgées qui est une sorte de minimex pour les
seniors de notre société.
- Les allocations aux personnes handicapées,
- Les prestations familiales garanties,
- Le droit à l’intégration sociale (ex-minimex) et
- Le droit à l’aide sociale.
Notre droit de sécurité sociale est l’ensemble des normes juridiques qui organise le système de
sécurité sociale ainsi compris, càd ce système qui par redistribution, garantit à une certaine part
de la population des revenus de remplacement, de complément et des revenus minimums
résiduaires.
Dans le paysage international, en droit social international, on a un grand instrument de
référence. C’est une convention qui a été conclue sous l’égide de l’Organisation Internationale
du Travail (Nations Unies), la convention n°102 du 28 juin 1952 concernant la sécurité sociale.
Cette convention énumère les différentes branches et prestations que doivent contenir les
systèmes de sécurité sociale nationaux. On y trouve une énumération des grandes branches de
la sécurité sociale :
- Prestations soin de santé,
- Vieillesse,
- Décès,
- Maternité,
- Incapacité de travail,
- Maladies professionnelles,
- Accidents de travail,

19
- Les allocations familiales,
- Le chômage.
En Belgique toutes ces branches sont couvertes en tout cas pour les salariés. Les indépendants
ne bénéficient pas de toutes ces prestations.
Cette convention ne contient pas l’aide sociale, le risque de pauvreté et d’exclusion sociale. En
1952, à l’échelle nationale l’aide sociale est quasi-inexistante. Ca rend ce système un peu vieilli
car dans la plupart des pays européens et nord-américains on a un système d’aide sociale, un
volet assistantiel. Mais ça reste le seul instrument que l’on a à l’échelle internationale. Et la
définition de la sécurité sociale qui se trouve dans cette convention a été reprises dans de
nombreux instruments à l’échelle européenne.
En Belgique, les prestations de vieillesse et de décès sont rassemblées par les pensions de
retraite et de survie. Les soins de santé, d’indemnité d’incapacité travail et de maternité sont
rassemblés par la branche soins de santé-invalidité.
En bref,
Risque social couvert : la pauvreté

Prestations sociales correspondantes : la garantie de revenus aux personnes âgées, les


allocations aux personnes handicapées, les prestations familiales garanties, le droit à
l’intégration sociale (ex-minimex) et le droit à l’aide sociale

Section 2 – Deux distinctions cardinales


1. Sécurité sociale (assurances sociales) vs assurances privées
Rappelons la définition de la sécurité sociale. C’est le système qui, au moyen d’une
redistribution financière, garantit un certain nombre de revenus à tout ou partie de la
population.

Il y a beaucoup de discussions au sujet de l’avenir de la sécurité sociale. Certains disent que la


sécurité sociale doit rétrécir pour des raisons politiques ou financières. On entend dire que la
sécurité sociale pourrait être remplacées par des assurances privées. C’est un débat complexe
et chargé idéologiquement mais nous devons garder en tête les différences entre les deux. Ce
ne sont pas deux manières de faire la même chose.
a) Une différence de finalité
Les assurances privées ont un objectif de lucre. Elles ont pour finalité sociale de faire de
l’argent. Une société a pour but de ramener de l’argent à ses actionnaires.
Les assurances sociales poursuivent l’objectif de faire tourner et de mettre en place un système
de redistribution. Le but d’une caisse de chômage syndicale, de l’office nationale de l’emploi,
des mutuelles, etc, est de mettre en place des systèmes de solidarité entre malades et bien
portant, travailleurs actifs et travailleurs privés involontairement de travail, etc.
On a donc une différence d’objectifs fondamentale entre les deux assurances. Cette différence
de finalité se traduit par un certain nombre de différences plus techniques.

20
b) Des différences techniques
Il y a deux grandes différences dans le design des dispositifs. D’abord, en ce qui concerne le
mode de financement des deux systèmes ainsi qu’une différence sévère entre les différents
modes de calcul.

• Au niveau du mode de financement des prestations


Dans une assurance privée classique, le montant que l’on doit payer auprès de la société
d’assurance dépend fondamentalement de notre profil de risque. C’est ce que l’on appelle la Camelia
2021-10-06
segmentation tarifaire, on segmente le marché en différents profils. C’est pour cela que quand 14:45:48
on souscrit à une assurance on doit répondre à une série de questions afin de permettre à --------------------
--------------------
l’assureur de savoir quel est notre profil de risque. Notre assurance voiture ne sera pas le même ----
selon que l’on est un conducteur exemplaire ou que l’on a déjà eu beaucoup de carambolages. On calcule en
Notre assurance santé ne sera pas la même selon que l’on est jeune et en bonne santé ou que focapacité
nctionde la

l’on est âgé, bien portant et gros fumeur. contributive

Du côté de la sécurité sociale, le financement se fait sur des bases toutes autres. On ne doit pas
contribuer d’une façon plus ou moins importante selon que l’on a une probabilité ou pas à se
confronter aux risques couverts. On ne fait pas de distinction selon notre état de santé par
exemple. La segmentation tarifaire est totalement incompatible avec les objectifs de la sécurité
sociale, elle est prohibée. Objectivement, si nos conditions d’emploi sont précaires, on a plus
de chances de finir au chômage, mais comme le but de la sécurité sociale est la redistribution
des richesses, on ne tient pas compte de cela.
On contribue selon notre niveau de revenus. La sécurité sociale est financée par d’une part les
cotisations sociales et d’autre part par l’impôt. Les cotisations sociales et l’impôt sont financés
selon les revenus. Le financement se fait donc sur base de notre capacité contributive.

• Au niveau des modes de calculs


Le risque se réalise. Comment est-ce qu’on établit le montant de la prestation ?
Dans les assurances privées, l’intervention est étroitement liée au montant des primes dont on
s’est acquitté. Tout dépendra de l’ampleur de la couverture souscrite. Plus l’ampleur était
importante plus on sera couvert.
Dans le système de sécurité sociale, l’intervention est calculée en fonction du besoin de
l’intervention. On a un certain découpage entre le niveau de l’intervention et la contribution
personnelle. Les allocations familiales représentent un certain montant que la sécurité juge
nécessaire pour la survenance d’une éventualité prise en charge par la sécu. Ce n’est pas
fonction de l’importance des cotisations antérieures.
Il y a beaucoup de correctifs sociaux. Par exemple, on peut gommer des périodes durant
lesquelles on n’a pas travaillé pour pouvoir percevoir des allocations de chômage.
Dans le cas des prestations d’aide sociale, on cherche à prendre en charge les grands besoins de
l’existence. On a un découplage total entre l’importance des contributions antérieures et la

21
prestation. Ce sont des prestations non contributives. Même si l’on n’a pas ou peu travaillé, on
aura droit à des revenus car on cherche à prendre en charge les grands besoins d’existence.
Il y a bien quelque chose de commun entre les assurances privées et les assurances sociales qui
visent à amortir un certain nombre d’aléas. Au-delà de cette origine commune, les différences Camelia
2021-10-06
sont considérables. 14:50:35
--------------------
On procède d’un côté à une mutualisation des risques dans une perspective marchande tandis --------------------
----
que dans l’autre c’est dans une perspective redistributive. On calcule donc, dans la sécurité Répartir le
sociale, les prestations en fonction de nos capacités contributives. On n’établit pas le montant poids d'unaléa sur
en fonction de nos prestations antérieures mais en fonction de ce que la société juge nécessaire. des personnes

On pourrait dire que ce qui caractérise la sécurité sociale ce sont les mots suivants : « de chacun
selon ses moyens, à chacun selon ses besoins. » On prélève des ressources en fonction de nos
moyens et on attribue à chacun en fonction de ses besoins et non de l’importance des
contributions.
Cette différence fondamentale entre les assurances sociales et privées a été débattue devant la Camelia
Cour de Justice de l’Union Européenne. Elle a été interpellée à ce sujet par des questions 2021-10-06
14:52:56
préjudicielles. L’arrêt fondateur est l’arrêt Poucet et Pistre du 17 février 1993. Cette --------------------
jurisprudence a été confirmée depuis lors. --------------------
----
Les faits montrent bien quel était l’enjeux à l’époque. Deux français, messieurs Poucet et Pistre Différence
travailleurs indépendants. Ils n’aiment pas la sécurité sociale et donc un jour, alors qu’ils foen ndamentalereconnue
droit
Camelia
reçoivent une demande de payer leurs cotisations sociales, ils ne veulent pas le faire car cette 2021-10-06
européen
obligation d’être affilié à une caisse de sécurité sociale, en situation de monopole, la sécurité 14:53:36
--------------------
Camelia
sociale française des indépendants est contraire au droit de la concurrence européen. Ils disent 2021-10-06
--------------------
qu’il y a un abus de position dominante. ----
14:54:54
--------------------
La question : le
La Cour de justice a fermé la porte en disant que les organismes de gestion de la sécurité sociale --------------------
droiteuropéen va-
----
til mettre en
obligatoire ne sont pas des entreprises et ne sont dès lors pas soumises au droit européen de la Ils
périlvoulaient
cette
concurrence. En effet, ces institutions qui gèrent la sécurité sociale n’ont pas d’activité pdistinction?
ouvoirchoisirentre la
économique, ces institutions ont des activités à caractère exclusivement sociales. « Dans le cotisation
(cfr. arrêt)
sociale ou une
contexte du droit de la concurrence, la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une couverture
activité économique. En sont exclus les organismes de gestion de la sécurité sociale : ils privé / droit de
la concurrence
remplissent une fonction de caractère exclusivement social, dans la mesure où ils exercent une
activité fondée sur le principe de la solidarité. »
C’est la première fois que la CJUE a sorti le principe de solidarité. Ce principe de solidarité
dont parle la Cour ici est la redistribution des actifs par la sécurité sociale. La Cour parle de la
différence fondamentale entre assurances privées et assurances sociales.

2. Assurances sociales vs aide sociale


= la summa divisio interne au droit de la sécurité sociale
a) Les assurances sociales (ou sécurité sociale au sens strict)

22
Les assurances sociales englobent deux des trois catégories des revenus alloués par la sécurité
sociale càd les revenus de remplacement et les revenus de complément. C’est également ce
que l’on appelle la sécurité sociale au sens strict.
Les prestations d’aide sociale présentent des caractéristiques en miroir.
Trois caractéristiques :
- Prestations contributives : en règle générale (il existe des aménagements et des
exceptions), il faut travailler et cotiser voire avoir travaillé et cotisé pendant un certain
temps pour se constituer une pension de retraite, etc.
- Financement (principalement) par voie de cotisations : cotisations des travailleurs et
cotisations des employeurs, par exemple. Traditionnellement, la source de financement
première ce sont les cotisations de sécurité sociale.
- Le bénéfice des assurances sociales n’est lié à aucune exigence en termes de niveau de
vie, de niveau de revenus. On n’est pas considéré en tant que simple individu, personne
pauvre plus spécifiquement. On fait l’objet d’une protection en tant que l’on est un
travailleur, ou un ancien travailleur. Donc, arrivé à l’âge légal de départ à la retraite, on
aura ou non accès à une pension de retraite selon que l’on entre ou pas dans les
conditions d’octroi. On ne fait dont pas de référence à l’état de besoin, on ne fait pas
de ciblage. On ne réserve pas les prestations à ceux qui en auraient le plus besoin. On
est dans une logique assurantielle et donc on ne cherche pas à couvrir des besoins mais
maintenir dans une certaine mesure le niveau de vie.

b) L’aide sociale (ou assistance)

On est dans l’ensemble qui couvre les revenus minimums résiduaires qui ont été mis en place
à la fin des années 60 pour pallier les limites des assistances sociales. On réalise qu’il y a des
oubliés de la croissance économique, du progrès social. Dès lors, compte tenu de cet objectif,
les prestations assistancielles ont des caractéristiques contraires à celle assurantielles.
Comprend les revenus minimums résiduaires, mis en place pour pallier les limites des
assurances sociales
Trois caractéristiques :
- Prestations non contributives : il ne faut pas avoir travaillé et cotiser pour s’offrir des
prestations assistancielles. C’est logique car ces prestations s’adressent à des personnes
qui n’ont pas pu travailler ou cotiser suffisamment.
- Financement par l’impôt, par la fiscalité.
- On fait des enquêtes sur les ressources puisque l’aide sociale est résiduaire, elle
intervient lorsqu’il n’y a rien d’autre. C’est seulement si on se trouve en dessous d’un
certain seuil que l’on aura droit à la prestation assistancielle que l’on demande. On tient
donc compte de l’état de besoin puisqu’on fait explicitement du ciblage.
Cette distinction est un point de départ. Chaque branche de la sécurité sociale présente des
particularités. A ce stade, il existe des prestations hybrides, que l’on ne peut pas classer d’un

23
côté ou de l’autre de la summa divisio. Il y a des prestations qui présentent des caractéristiques
assistancielles et d’autres assurantielles.
Le cas de figure hybride le plus emblématique est représenté par les allocations d’insertion (ex-
allocations d’attente) : on se trouve en fait dans le secteur de l’assurance chômage. C’est une
prestation non contributive, financée principalement par cotisations et déconnectée de l’état de
besoin. Ce sont des allocations de chômage accessibles aux jeunes qui ont terminé ou réussi des
études et qui ont moins de 25 ans. Alors que l’on est dans une prestation financée principalement
par cotisations qui ne prend pas en compte l’état de besoin, on rencontre un caractère non
contributif qui relève des prestations assistancielles. On a donc un cas de dispositif assurantiel
qui ne reprend pas une des caractéristiques de ce dispositif.

Chapitre III – La diversité des systèmes de sécurité sociale


Grande contingence des solutions nationales
Les solutions qui se sont mises en place chez nous et dans nos pays voisins sont des solutions
qui sont éminemment relatives. En matière de sécurité sociale, on a des diversités considérables
d’un pays à l’autre. La sécurité sociale est partout la réponse de la société au désastre du
paupérisme mais elle n’est pas pour autant une même solution clef sur porte, prête à l’emploi
dans tous les pays qui auraient connu une révolution industrielle.
Au sein du monde industrialisé, on a des manières différentes de penser, de coceptualiser et
d’organiser la sécurité sociale. Nous allons voir la typologie classique des systèmes de sécurité
sociale qui oppose deux grands idéotypes. Les différents systèmes nationaux se rapprochent
tous plus ou moins de l’un de ces deux pôles. On a d’un côté les systèmes Bismarckiens et de
l’autre les systèmes Beveridgiens.

Section 1 – Systèmes bismarckiens vs systèmes beveridgiens


= la typologie duale classique : oppose deux idéaux-types

1. Les systèmes bismarckiens


Ces systèmes sont inspirés de Bismarck, le chancelier allemand qui a mis en place le tout
premier système d’assurance sociale obligatoire à la fin du 19ème siècle. Dans ce premier grand
modèle, la technique de référence est le schéma de l’assurance sociale. Tous les travailleurs
salariés doivent obligatoirement être assujettis à une couverture sociale.
Dans l’ensemble des systèmes Bismarckiens, la philosophie de base consiste à garantir le
maintien de niveau de vie des travailleurs qui sont confrontés à des risques sociaux.
Trois caractéristiques importantes :
- Au niveau de l’étendue de la couverture, la couverture est limitée aux travailleurs
salariés. La solidarité est organisée au sein du monde du travail, elle est de type
professionnel.
- Financement par le biais de cotisations des travailleurs et des employeurs. La solidarité
est organisée au sein du monde du travail, c’est le monde du travail qui finance.

24
- Les prestations sont en règle générale proportionnelles au salaire perdu. Elles sont
exprimées en général sous la forme d’un pourcentage du salaire perdu. C’est conforme
au but de ces systèmes, le but étant de maintenir le niveau de vie.
Cette tradition est dominante en Europe continentale, y compris en Belgique.

Figure historique de référence : Otto von Bismarck (homme politique conservateur,


Allemagne, fin du 19ème siècle)

Figure juridique de référence : assurances sociales

Philosophie générale : garantir le maintien du niveau de vie des travailleurs confrontés à un


risque social
Ce n’est pas la seule manière de penser la sécurité sociale. On en connaît au moins une autre.

2. Les systèmes beveridgiens


William Beveridge est un économiste Keynésien britannique. En 1942, alors que les bombes
pleuvent, Beveridge publie un rapport sous la demande du gouvernement britannique, dans
lequel il propose une autre façon de penser, d’organiser la sécurité sociale. C’est lui qui dit que
la sécurité doit être socialisée.
Le schéma est différent du système précédent. Ici, la figure juridique référente est l’idée d’un
service public national de la sécurité nationale. C’est quelque chose qui est bâti bien
d’avantage à l’échelle universelle au sein d’un pays.
La philosophie chez Beveridge va beaucoup plus loin que chez Bismarck. L’idée n’est pas
d’assurer le maintien des acquis au sein du monde du travail. L’idée c’est de libérer toute la
population du besoin et garantir symétriquement à cette même population, des niveaux de vie
comparables. L’idée était d’englober toute la population et de réduire les écarts, les oppositions
relatives entre les individus.
Trois caractéristiques :
- Le cercle des bénéficiaires : ouverture à l’ensemble de la population. L’idée est que
l’ensemble de la population doit être intégré dans ce système structuré par un service
public national. La solidarité ne doit pas être seulement professionnelle, elle doit être
universelle.
- Dès lors, le financement se fait par l’impôt. La solidarité est universelle et donc c’est
par la voie fiscale que le système doit être financé.
- Les prestations sont forfaitaires. La couverture du risque doit donner lieu au même
montant pour tout le monde.

Figure historique de référence : William Beveridge (économiste keynésien, Grande-


Bretagne, milieu du 20ème siècle)

Figure juridique de référence : service public national de la sécurité sociale

25
Philosophie générale : affranchir du besoin et égaliser les conditions de vie de la population

Cette tradition est dominante dans les pays anglo-saxons et surtout dans les pays scandinaves.
Ceux qui se sont le plus inspirés des idées de Beveridge sont les Scandinaves.

Section 2 – Les quatre Europes sociales


= une typologie quadripartite alternative : classification plus fine
Cette typologie duale (Bismarckiens vs Beveridgiens) est très rudimentaire et aujourd’hui on
a des classifications beaucoup plus abouties de la diversité des systèmes de protection sociale.
Mais ça reste le point de départ de toute classification.
Renvoi au cours de Droit social comparé

Chapitre IV – La sécurité sociale et le droit constitutionnel


Examen de deux questions distinctes :
- La sécurité sociale est-elle un droit de l’Homme ? Existe-t-il un droit fondamental à la
sécurité sociale ?
- Dans notre pays, qui est compétent pour faire évoluer la sécurité sociale ?

Section 1 – La sécurité sociale, un droit fondamental ?


La question se pose car on a dans notre Constitution, l’article 23 qui consacre un droit à la
sécurité sociale. Cela figure dans le texte au sommet de la hiérarchie des normes.

1. L’article 23 de la Constitution
« Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.
Camelia
A cette fin, la loi, le décret ou [l’ordonnance] garantissent, en tenant compte
2021-10-13 des obligations
14:14:04
--------------------------------------------
correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de
un droit à la securité sociale
leur exercice.
Ces droits comprennent notamment :
1° le droit au travail (…) ;
2° le droit à la sécurité sociale (…) ;
3° le droit à un logement décent ;

4° le droit à la protection d’un environnement sain ;


5° le droit à l’épanouissement culturel et social ;
6° le droit aux prestations familiales. »

2. La portée juridique de l’article 23, alinéa 3, 2° de la Constitution


a) L’absence d’effet direct

26
La question qui se pose est celle de savoir quelle est la portée juridique de cet article ? Pour
répondre à cette question, il faut bien se souvenir de ce que sont les droits économiques et
sociaux.
On différencie deux grandes générations de droits fondamentaux. La première génération
comprend les droits civils et politiques (droit de vote, liberté d’expression, d’association, …)
Juridiquement, la mise en œuvre de ces libertés civiles et politiques implique que les pouvoirs
publics s’abstiennent d’agir. La meilleure façon de protéger notre liberté d’expression est de ne
pas nous empêcher de parler.
La seconde génération de droit de l’Homme ce sont les droits économiques et sociaux (le droit
au logement, à l’éducation, à l’emploi et à la sécurité sociale). Ici, la logique est très différente
car les pouvoirs publics doivent agir pour garantir les droits économiques et sociaux. Si les
pouvoirs publics s’abstiennent d’agir cela n’a aucun sens.
Est-ce que ce droit à la sécurité sociale dispose d’un effet direct ? L’effet direct est l’aptitude
d’une norme à être invoquée en justice pour qu’en soient tirés des droits, des prérogatives. Pour
que la disposition ait un effet direct, il faut que la disposition soit claire, précise et qu’elle soit
complète, càd qu’elle ne nécessite pas de mesure de mise en œuvre. Cette disposition n’a pas
d’effet direct, c’est-à-dire qu’elle ne présente pas les qualités qui permettent que la disposition
soit invoquée en justice pour en tirer directement des droits subjectifs.

L’article 23, alinéa 3, 2° de la Constitution n’a pas d’effet direct. C’est en réalité le législateur
qui doit dire ce que signifie le droit à la sécurité sociale, quelles sont les notions, quels sont les
budgets, quelles sont les branches.

è Absence d’effet direct conforme à la volonté du constituant de 1994

S’il n’y a pas d’effet direct, quelle est son utilité ? C’est essentiellement l’effet de standstill.
b) Deux palliatifs à l’absence d’effet direct
• Le premier palliatif à l’absence d’effet direct est l’effet de standstill (ou effet
« cliquet », ou encore principe de non-rétrogression).
Pendant longtemps ce principe était un principe doctrinal. Aujourd’hui, c’est quelque chose qui
est reconnu par la jurisprudence.
Cet effet est déduit a contrario du texte de l’article 23 de la Constitution. L’article 23 de la
Constitution proclame un droit à la sécurité sociale. En réalité, ce sont les législateurs qui ont
reçu pour mission de fournir un contenu au droit de la sécurité sociale. Ce contenu de la sécurité
sociale comprend toutes les réglementations propres aux différentes branches qui constituent le
système. Le législateur jouit d’une très large marge d’appréciation.
Puisque les législateurs ont pour tâche de réaliser, d’effectuer le droit à la sécurité sociale, alors,
à tout le moins, ils ne peuvent pas défaire les mises en œuvre déjà existantes du droit à la sécurité Camelia
sociale. Ils ne peuvent pas amoindrir le niveau de protection sociale préexistant. 2021-10-13
14:18:21
L’effet de standstill interdit au législateur de légiférer à rebours des acquis sociaux. Ce principe --------------------
--------------------
désigne une forme de constitutionnalisation de s acquis sociaux. Ces acquis sociaux sont clichés. ----
Il ne peut pas
revenirsur ces
27 acquis sociaux
; d'amoindrir le
niveau de mis
en oeuvre déjà
acquis
Il faut aller plus loin. S’il existait en Belgique, une interdiction totale de porter atteinte au niveau
de protection sociale, ça se saurait. On vit dans un contexte d’austérité et des mesures de
réductions des dépenses sont souvent prises.
L’obligation de standstill est relative et non absolue. Le législateur n’a pas d’interdiction totale
de diminuer le niveau de protection sociale. On s’accorde à dire qu’une telle interdiction serait
problématique au regard de la séparation des pouvoirs. Il n’appartient pas à un juge d’interdire
totalement aux élus de la nation de prendre des mesures d’intérêt général.
Le principe est donc l’interdiction de diminuer les acquis sociaux. Mais par exception, il est
possible de déroger au principe de non-rétrogression, de diminuer le niveau de protection à un
droit déterminé. C’est ce que l’on appelle l’irréversibilité (relative) des acquis sociaux. Ces
diminutions doivent obéir à certaines conditions. Ces conditions sont très importantes et bien
précises. Ces conditions sont de nature substantielle, ce sont des conditions de fond. Mais ce
sont aussi des conditions de forme, des conditions procédurales.
Il y a trois exigences de fond :
- Le recul opéré doit obéir à un motif d’intérêt général. On ne diminue pas un acquis
social uniquement parce qu’on en a envie. C’est très largement admis. Préserver la
stabilité des finances publics est un motif d’intérêt général, tout comme lutter contre la
pauvreté, améliorer le taux d’emploi, soutenir la croissance, …
- Le recul, la mesure régressive prise, doit être approprié et même nécessaire au regard Camelia
de l’objectif d’intérêt général poursuivi. La mesure appropriée, càd qu’elle doit être apte 2021-10-13
14:23:43
14:24:29
à atteindre son objectif. Le caractère nécessaire veut dire que parmi les différentes --------------------
mesures qui sont de nature à atteindre l’objectif poursuivi, le législateur doit retenir la --------------------
mesure la moins attentatoire au droit social impacté. Parmi les différents scénarios qui ----
Pertinent
Parmi les différents
sont possibles, le législateur doit choisir celui qui porte le moins atteinte au droit scénaoirs
protégé. envisageables,
- Enfin, à supposer que les deux conditions précédentes sont remplies, il faut que la le leg. a opté
pour la voie la
mesure n’ait pas d’effet disproportionné. Le recul ne doit pas emporter des moins
conséquences disproportionnées pour les intéressés. Il ne faut pas que la balance entre attentatoire
Camelia
pour l'acquis
les avantages pour les pouvoirs publics et les inconvénients pour les bénéficiaires soit 2021-10-13
social.
14:27:35
disproportionnée. Si on réduit à très peu de chose la substance du droit social impacté. --------------------
--------------------
A ces exigences substantielles s’ajoute une exigence procédurale ou formelle. Le législateur ----
qui porte atteinte à un droit social est tenu d’argumenter ses choix pour permettre au juge de Mettre en balance
lesavantages du
contrôler le respect des exigences de fond. Le législateur a donc une obligation de motivation. Camelia
législateur et
2021-10-13
Le législateur doit : les incidences
14:28:36
négatives pour
--------------------
- D’abord préciser quel est le but d’intérêt général poursuivi. les assurés
--------------------
sociaux
- Ensuite montrer qu’il sait assurer, qu’il a réfléchi à la pertinence de la mesure, à son ----
concernés
Tenu de s'expliquer,
adéquation au regard de l’objectif. ese justifier
d
- Il doit aussi montrer qu’il a sous-pesé plusieurs voies susceptibles d’atteindre son pour assurer le
objectif et il a retenu celle qui était la moins attentatoire au droit social en question. contrôle
- Enfin, il doit montrer qu’il a essayé d’anticiper l’impact, l’incidence de la mesure pour
les personnes les plus impactées, càd les assurés sociaux.

28
On a eu toute une série de décisions des hautes juridictions du pays parce que le législateur
n’avait pas respecté l’effet de standstill. Ce principe est donc aujourd’hui communément admis.
Exemple : C.C., 21 juin 2018, n° 77/2018 Camelia
2021-10-13
En matière d’aide juridique, on n’est pas à strictement parler dans la sécurité sociale mais le 14:40:32
14:36:27

régime juridique est le même car le droit à l’aide juridique est également prévu dans l’article --------------------
--------------------
23 de la Constitution. L’aide juridique est la possibilité pour les justiciables dont les ressources ----
sont inférieures à un certain seuil, de faire appel à un avocat prodeo. On n'a pas
Standstill okvu+
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combinée
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le
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IS!!!! C.C,
En 2017, le gouvernement a voulu renforcer les conditions d’accès à l’aide juridique. Les 12
avec mars,l'article.
2020,
10,
n°41/2020 11 et 23; deà
bénéficiaires de l’aide juridique vont trop facilement devant les tribunaux, ils surconsomment la lireConst.
la justice et introduisent trop facilement des recours dans des causes perdues ou dilatoires. Pour (discrimination
lutter contre l’engorgement des cours et tribunaux, le législateur avait fort resserré les et différence
de traitement)
conditions d’accès à l’aide juridique. Le législateur avait donc prévu que tout justiciable qui
bénéficie de l’aide juridique doit s’acquitter d’une contribution financière, appelée ticket
modérateur. Pour bénéficier de l’assistance d’un avocat prodeo il fallait s’acquitter d’une
somme d’argent. Le but était de responsabiliser le justiciable et donc de freiner l’accès à la
justice.
La mesure a été attaquée devant la Cour constitutionnelle sur base de l’effet de standstill.
L’argument était que la mesure porte atteinte au droit à la sécurité sociale et à l’aide juridique.
On assiste à une diminution significative de la protection accordée par un droit social garanti
par l’article 23 de la Constitution.
La Cour Constit a annulé la mesure litigieuse pour violation de l’effet de standstill. La cour a
raisonné de manière systématique. Le législateur avait pour but d’intérêt général d’assurer la
pérennité judiciaire parce que les avocats prodeo engorgent la justice. Il faut respecter la
séparation des pouvoirs. Du point de vue juridique c’est un objectif d’intérêt général.
Maintenant il faut poursuivre l’examen.
Est-ce que la mesure prise, à savoir conditionner l’accès à un avocat prodeo au paiement d’une
somme d’argent, était apte à atteindre l’objectif poursuivi ? Oui, la mesure est adéquate à
l’objectif poursuivi. Si l’objectif est d’éviter les abus, l’objectif sera atteint en faisant payer les
gens.
Est-ce que la mesure était la seule susceptible d’être prise pour atteindre l’objectif, est-ce qu’elle
était nécessaire ? La Cour regarde alors comment le législateur a argumenté sa réforme. A ce
niveau-là, dans les travaux préparatoires il n’y avait rien. La mesure n’a donc pas paru
nécessaire aux yeux de la Cour car il n’y avait presque pas de motivation.
« L’objectif du législateur peut être atteint par des mesures moins attentatoires aux droits des
justiciables. » C’est donc bien sous l’angle du test de nécessité que la Cour Constitutionnelle a
recalé la mesure litigieuse. A aucun moment, le législateur n’a argumenté, n’a produit des
chiffres pour expliquer qu’il y a bien des abus, que les justiciables qui ont peu de moyen abusent
de la justice. Dans ces conditions-là, puisqu’on porte atteinte à un droit garanti par la
constitution, la Cour constitutionnelle est fondée à se montrer suspicieuse. Faute d’arguments
convaincants dans les travaux préparatoires et puis à l’audience, la Cour Constitutionnelle

29
recale la mesure. Si elle poursuit un but d’intérêt général, si elle est apte à atteindre cet objectif,
sa nécessité n’a pas été démontrée par le législateur.
Cet effet de standstill a gagné en force ces dernières années. Cette mesure qui n’avait à l’époque
pas d’impact concret a désormais une grande place dans la jurisprudence.

• Le second palliatif (pas matière) de l’absence d’effet direct est la lecture combinée de
l’article 23 de la Constitution et des principes d’égalité et de non-discrimination (articles
10 et 11)

Deux domaines d’application privilégiés :


- L’égalité entre hommes et femmes (ex. des pensions)
- L’égalité entre nationaux et étrangers en séjour régulier (ex. de l’aide sociale)

è Existe-t-il un droit fondamental à la sécurité sociale ? Est-ce un droit de l’Homme ?


Il faut répondre de manière nuancée. Non, le droit à la sécurité sociale n’est pas doté de l’effet
direct, il ne confère pas de droits subjectifs et de ce point de vue-là, on n’a pas affaire à un droit
de l’Homme au sens strict et classique du terme. En revanche, la consécration dans la
constitution du droit de chacun à la sécurité sociale emporte des conséquences juridiques. La
principale conséquence est un effet de standstill. Le législateur n’a pas d’obligation d’aller de
l’avant, il n’a pas d’autre obligation d’élever le niveau de protection des droits sociaux. En
revanche, il ne peut pas, sauf exception, réduire significativement le niveau de ces droits
sociaux. Les exceptions à ce principe imposent au législateur de bien plaider sa cause.
C’est cet équilibre que les juges doivent respecter. On flirte avec la séparation des pouvoirs.
Les juges regardent comment formellement le législateur argumente sa cause. Plus il défend sa
cause, plus le juge se mettra en retrait au nom de la séparation des pouvoirs. Mais si le
législateur a cochonné le travail et ne s’est pas soucié de défendre la constitutionnalité de la
mesure, alors, le juge est fondé à exercer un contrôle beaucoup plus exigeant.

Section 2 – La sécurité sociale, une compétence exclusivement


fédérale ?
1. La sécurité sociale, une compétence a priori fédérale…
En Belgique, on a souvent pu éviter le chapitre répartition des compétences en sécurité sociale
car le clivage linguistique n’a pas marqué juridiquement la sécurité sociale pendant longtemps.
Il y avait une demande de défédéralisation de la sécurité sociale par les flamands mais on n’en
a jamais fait suite. Mais ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, depuis la sixième réforme de l’Etat,
les compétences ont été éclatées. Il y aura probablement une septième réforme de l’Etat avec la
sécurité sociale sur la table.
La sixième réforme de l’Etat a remodelé en profondeur le paysage institutionnel belge au cours
de la législature 2011-2014. Son leitmotiv a été de « déplacer le centre de gravité » de la maison
Belgique, de l’Etat fédéral vers les communautés et les régions. A cet effet, ont été transférées
à celles-ci des compétences additionnelles pour un montant total d’à peu près 20 milliards
d’euros, de manière à ce que le budget cumulé des entités fédérées soit désormais supérieur à

30
celui de l’autorité fédérale. Ce basculement du centre de gravité de la fédération belge n’a pas
été opéré par le transfert intégral d’une ou plusieurs politiques majeures, comme ça avait été le
cas lors des réformes de l’Etat antérieures (la culture, l’enseignement, l’aménagement du
territoire, l’environnement, le logement, etc). Il procède plutôt de l’addition de nombreux
transferts, souvent partiels, dans les domaines les plus divers.
Ce constat occulte le fait que, sur le plan budgétaire, ce sont en réalité la sécurité sociale et le
marché du travail qui sont au cœur des transferts réalisés. Même si ces deux matières continuent
de demeurer principalement fédérales, non moins de 15 des 20 milliards transférés, soit les
trois-quarts de la masse financière attachée aux diverses compétences défédéralisées,
concernent des composantes de la protection sociale, et non des moindres : approximativement
6 milliards pour les allocations familiales, entièrement scindées, 5 milliards pour les aspects des
soins de santé transférés et 4 milliards pour les morceaux de l’assurance chômage et de la
politique de l’emploi défédéralisés, auxquels il faut encore adjoindre quelques dizaines de
millions d’euros en matière d’allocations et d’aides aux personnes handicapées.
Le point de départ, c’est que la sécurité sociale est une compétence fédérale. Il y a beaucoup
de nuances à apporter désormais. C’est le point de départ car les régions et les communautés
disposent des compétences qui leur ont été explicitement confiées tandis que l’autorité fédérale
est compétente pour toutes les matières qui lui ont été attribuées mais également pour les
matières résiduaires. Les matières résiduaires sont celles qui n’ont été attribuées à personne.
C’est à ce titre-là que, lorsque l’on a créé les communautés et les régions, la sécurité sociale
s’est retrouvée dans le giron de l’Etat fédéral.
En 1988, lors de la troisième réforme de l’Etat, on a confirmé cela en inscrivant dans la lsri du
8 août 1980 (art. 6, §1er, VI, al. 5, 12°) que la sécurité sociale, par exception à la compétence
des régions en matière économique, reste parmi les compétences de l’Etat fédéral. On a confié
aux régions les politiques économiques mais on en a sorti la sécurité sociale et le droit du travail.
Maintenant, cette compétence résiduaire est devenue une compétence expresse. On a fait cela
en présentant toute la sécu comme étant une exception à la compétence des régions et des
communautés.
Ce point de départ doit être complété par deux nuances importantes mais aussi par une série
d’exceptions.

2. … assortie de deux tempéraments importants…


Depuis la sixième réforme de l’Etat, il est définitivement fini le temps où l’on pouvait encore
se contenter d’écrire, comme dans les années 1980 et 1990, qu’en matière de sécurité sociale,
les entités fédérées n’ont aucune compétence et que la matière est demeurée entièrement «
nationale », sur le plan des assurances sociales comme des prestations d’aide sociale2. Mais en
réalité, ce principe faisait d’ores et déjà l’objet de deux tempéraments importants, l’un voulu
par les architectes de la deuxième réforme de l’Etat en 1980 (a), le second, plus controversé et
aux contours moins nets, résultant de la volonté de la Communauté flamande d’utiliser de la
manière la plus extensive possible ses compétences et de la jurisprudence de la Cour
constitutionnelle (b).

31
a. Premier tempérament : la défédéralisation de politiques connexes à la sécurité
sociale
Lors de leur création, les communautés et les régions ont été dotées de compétences importantes
en matière sociale. Détaillées dans la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles,
ces compétences ont été rangées tantôt sous les labels de « matières culturelles » ou « matières
personnalisables », qui ressortissent aux communautés, tantôt de « politique de l’emploi »,
laquelle relève, elle, des régions.
Le cœur de la sécurité sociale relève de la compétence de l’état fédéral mais toute une série de
matières très proche de la sécurité sociale ont été sortie des compétences de l’état fédéral pour
être confiée aux régions et aux communautés. C’est ce que l’on appelle les politiques connexes.
Les politiques connexes sont des matières très proches de la sécurité sociale mais qui ne
relèvent pas de la sécurité sociale proprement dites. On veut dire par là que, sans toucher à la
sécurité sociale proprement dite, diverses politiques étroitement liées à celle-ci ont été
soustraites à la compétence de l’autorité fédérale – encore dite nationale, à l’époque – pour être
confiées aux entités fédérées nouvellement instituées.
Quelles sont ces politiques connexes ? Cfr la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes
institutionnelles. Il s’agit de la politique de santé (gezondheidsbeleid) 8 , la politique familiale
(gezinsbeleid)9, la politique d’aide sociale (beleid inzake maatschappelijk welzijn)10, la
politique des personnes handicapées (beleid inzake minder-validen)11, la politique du troisième
âge (bejaardenbeleid)12, la formation professionnelle (beroepsopleiding)13 et le placement
(arbeidsbemiddeling) et les programmes de remise au travail (programma’s voor
wedertewerkstelling) des demandeurs d’emploi 14 . De toute évidence, ces politiques ont partie
liée avec, respectivement, l’assurance soins de santé, les allocations familiales, le droit à
l’intégration sociale et l’aide sociale au sens strict, les allocations aux personnes handicapées,
les pensions de retraite et l’assurance chômage.
Reste que ces diverses « politiques » avaient toutes été circonscrites, soit dans la loi spéciale
elle-même soit dans ses travaux préparatoires, de manière à exclure expressément la
détermination du montant, des conditions d’octroi et du financement des différentes allocations
constitutives du système de sécurité sociale : les revenus de remplacement, les revenus de
complément et les revenus minimums résiduaires garantis à la population en cas de survenance
d’un risque social échappaient aux attributions des communautés et des régions.
Les régions sont compétentes (notamment) pour :
- La politique de l’emploi (art. 6, §1er, IX). A ce titre-là, tout ce que l’on appelle « le
placement des chômeurs » relève de la compétence des Régions. Le placement des
chômeurs est très proche de l’assurance chômage. La branche de la sécurité sociale qui
alloue des allocations de chômage est fédérale en tant que partie de la sécurité sociale.
Mais le placement des demandeurs d’emploi relève de la compétence des régions. On
n’est pas dans la sécurité sociale mais elle est concernée de très près.
Les communautés sont compétentes (notamment) pour :
- Les matières culturelles (art. 4)

32
- L’enseignement
- Les matières personnalisables qui sont étroitement liées à la vie de l’individu dans la
vie de sa communauté. Sont concernées la politique de santé et l’aide aux personnes
(art. 5).
Toute une série de tâches qui relevaient de l’Etat fédéral a été transférée aux communautés.
à A ce titre, communautarisation de :
- La formation professionnelle qui est une matière culturelle dans la lsri. La formation
professionnelle est proche de l’assurance-chômage. De nouveau, la branche qui alloue
des allocations aux travailleurs involontairement privés d’emploi est fédérale. Mais la
formation professionnelle, càd les mesures par lesquelles ont forme mieux les
demandeurs d’emploi au marché du travail, relève de la compétence des communautés.
- La politique de santé proche de la branche assurance soins de santé.
- La politique familiale proche des allocations familiales.
- La politique d’aide sociale
- La politique des personnes handicapées proche des allocations aux personnes
handicapées.
- La politique du troisième âge proche de la branche des pensions.
Chacune de ces attributions communautaires jouxte une branche de la sécurité sociale.
L’assurance soins de santé par exemple, reste fédéral. C’est la mutuelle. Mais le reste, la
politique de santé, càd les mesures prises par les communautés pour prévenir et aider la
population à avoir une meilleure santé, relève des communautés.
Les allocations aux personnes handicapées relèvent du fédéral. Le reste, c’est par exemple, les
aides à la mobilité, tout le soutien qui peut être apporté aux personnes handicapées dans les
lieux publics, relève des communautés.
Il ne faut pas perdre de vue le cas particulier de la Communauté française. Elle est désargentée
depuis toujours, son budget est quelque chose de compliqué. Dès lors, tout de suite après que
ces matières aient été communautarisées, la Communauté française a transféré ses compétences
en matière sociale à la Région wallonne, d’une part, et à la COCOF, d’autre part. Les différentes
attributions que l’on vient d’énumérer, ne sont pas exercées par la Communauté française mais
par la Région Wallonne pour ce qui concerne le territoire de la langue française et par le COCOF
en ce qui concerne le territoire bilingue de Bruxelles. /!\ Examen : la Communauté française
n’exerce pas ces compétences. Par contre, la Communauté flamande et la communauté
germanophone exercent bien leurs compétences en ces matières.
Notre point de départ souffre donc de deux tempéraments. D’abord, une série de matières
proches de la sécurité sociale ont été basculées vers les communautés et vers les régions et
attention à la communauté française.
Si la logique de notre système de répartition des compétences étaient respectées, on ne devrait
rien ajouter, ceci ne devrait pas exister. En effet, les compétences en Belgique sont des
compétences exclusives. Lorsqu’une matière est attribuée à un niveau de pouvoir, ce niveau de
pouvoir en a la maîtrise totale et exclusive. Ce principe est fondamental.

33
Par exemple, entre l’Union Européenne et les états membres, il y a des compétences
concurrentes. Ce sont des compétences pour lesquelles deux niveaux de pouvoir peuvent
intervenir. Dans ces systèmes, il y a des règles qui existent pour trancher le conflit. Par exemple,
en droit européen, si un état membre fait quelque chose en matière sociale et que l’UE a fait
autre chose dans cette même matière mais que le droit national n’est pas compatible avec le
droit européen, ce dernier prime. En Allemagne, il y a également toute une série de compétences
concurrentes. Et la République et les landers peuvent agir. En cas de conflit, le droit de la
république fédérale l’emporte sur celui des entités fédérées.
b. Deuxième tempérament : « momification » par la Cour constitutionnelle de la
compétence fédérale en matière de sécurité sociale ?
Ce deuxième tempérament découle d’une évolution jurisprudentielle, d’une controverse. Le
déclencheur concerne l’adoption, en 1999, d’un décret par la Communauté flamande.
En principe, en Belgique, on n’a pas de compétences concurrentes. Mais on ne peut pas s’arrêter
là parce que la Cour Constitutionnelle a développé une jurisprudence qui institue le doute. Cette
jurisprudence s’est développée sur une initiative de la communauté flamande. Cette dernière a
toujours voulu utiliser de manière extensive ses compétences.
En 1999, la Communauté flamande a pris une initiative marquante qui est l’adoption d’un décret
créant la zorgverzekering. La zorgverzekering est l’assurance dépendance flamande. Depuis le
décret de 1999, toutes les personnes domiciliées en Région de langue néerlandaise doivent
s’affilier et cotiser auprès d’organismes (vorgkas) qui relèvent de la communauté flamande. Le
jour où ils se retrouvent en situation de dépendance, de perte d’autonomie, ils peuvent
bénéficier d’une intervention de la zorgkas. Ils perçoivent de l’argent pour aider à prendre en
charge des frais liés à la perte d’autonomie, pour manger, s’habiller s’occuper de son hygiène.
Sont pris en charge les frais non médicaux liés à la dépendance.
La Communauté flamande a donc pris une mesure importante pour compléter l’assurance soins
de santé de la sécurité sociale fédérale. Le contexte est celui de vieillissement de la population.
Beaucoup de pays proches ont inséré une nouvelle branche, la branche dépendance. Dans une
population vieillissante, le risque d’être en perte d’autonomie est un nouveau risque social que
doit contrer la sécurité sociale. Cette initiative a donc été prise pour contrer le risque de
dépendance.
Juridiquement, la question se pose de savoir pourquoi ce système a été mis en place par une
entité fédérée et pas au niveau de la sécurité sociale ?

Cfr C.A., 13 mars 2001, n° 33/2001


Il y avait, à ce moment-là, des débats au fédéral pour instaurer une nouvelle branche de la
sécurité sociale.
La communauté française a sollicité l’annulation du décret de la Communauté flamande. Son
argument était que la Communauté Flamande ne pouvait pas adopter cette mesure car la
sécurité sociale était une matière fédérale.
Contre toute attente, dans cet arrêt, la Cour constitutionnelle a validé le décret flamand en
disant que la Communauté Flamande était parfaitement fondée à adopter ce décret dans le
cadre de ses compétences. La Cour a ajouté que c’est d’autant plus que le cas que la

34
Communauté flamande n’est pas venue réécrire des dispositions fédérales. Ce qui aurait posé
problèmes, c’est que la Communauté Flamande ait adopté un décret contraire à des normes
fédérales préexistantes. Or, à cette époque, il n’existait pas de dispositions fédérales à ce sujet
puisque la réflexion était en cours.

Cela a surpris à l’époque parce qu’en principe, notre système est un système de compétences
exclusives et la sécu sociale est fédérale. Les matières relèvent d’un niveau de pouvoir ou d’un
autre. Donc, sur quelle base la communauté flamande a été jugée compétente alors que l’article
5 de la lsri 8/8/80 ne reprend pas la politique d’aide aux personnes en situation de dépendance
dans la liste des matières personnalisables ? En principe, ce qui n’est pas confié à un niveau de
pouvoir revient à l’état fédéral.
La formule « momification » a été employée par de nombreux commentateurs qui se sont
demandés si, par son arrêt 33/2001, la Cour n’a pas figé (momifié) le périmètre de la sécurité
sociale fédérale. Ce qui est déjà consacré par l’état fédéral est maintenu, mais, ce qui découle
de cet arrêt, n’est-ce pas que les nouvelles initiatives visant à compléter la sécu relèveraient des
compétences des communautés au titre des matières personnalisables ? Si c’est le cas, si on a
figé la sécurité sociale fédérale, cela veut dire que l’état fédéral n’est plus en mesure de faire
évoluer la sécu pour répondre à nos nouveaux besoins.
D’ailleurs, peu de temps après cet arrêt, des discussions ont repris au sein de l’état fédéral pour
mettre en place une assistance dépendance au sein de la sécurité sociale. Il y a une proposition
de loi qui a été adoptée. La section de législation du C.E. a été saisie pour donner son avis. Le
C.E. a dit que l’état fédéral n’est pas compétent puisque la Cour Constitutionnelle a décrété que
la communauté flamande pouvait le faire. Dès lors, comme les compétences sont exclusives,
cette compétence appartient aux communautés.
En 2009, la Cour Constitutionnelle a été amenée à rendre un second arrêt au sujet de la
zorgverzekering.

Mais cfr aussi C.C., 21 janvier 2009, n° 11/2009


La Cour a dit que rien n’empêche l’état fédéral, s’il le souhaite, de prendre des mesures à
l’égard des personnes en situation de dépendance sur la base de ses compétences en matière
de sécurité sociale. La Cour a dit en quelques sortes qu’on ne l’avait pas bien comprise. Elle
ne veut pas figer la sécurité sociale fédérale. La Cour nous dit que les deux niveaux de
pouvoir sont chacun compétents sur la base de leurs attributions respectives. L’état fédéral
est habilité à mettre en place une assurance dépendance sur base de ses compétences en
matière de sécurité sociale. Mais les communautés sont également habilitées à mettre en place
cette assurance dépendance sur base de leurs compétences en matière d’aide aux personnes.
Chacun est compétent pour agir sur base de ses attributions propres.
Concrètement, on fait comment ? Si demain l’état fédéral veut créer cette nouvelle branche de
sécurité sociale, les flamands vont-ils cotiser deux fois ? Ou bien une prestation l’emporte sur
l’autre ? On n’a aucune réponse à ces questions.
Ce qui montre que la situation a été obscurcie, que la ligne de démarcation entre sécurité sociale
fédérale et compétences communautaires d’aide aux personnes a été obscurcie, c’est que dans
un avis ultérieur, le Conseil d’Etat a conclu en disant qu’il n’était plus en mesure de dire qui

35
était compétent pour cette matière au regard des deux arrêts successifs de la Cour
Constitutionnelle.
Le problème pour l’instant est géré car politiquement il n’y a plus de grands projets de réformes
au niveau fédéral pour créer une nouvelle branche de la sécurité sociale.
Comment réconcilier ce second arrêt avec le principe d’exclusivité ?

3. … et désormais d’exceptions
La sixième réforme de l’Etat, en 2014, est vraiment un tournant pour la sécurité sociale. Pour
la première fois, on a décidé, en parfaite connaissance de cause, d’extraire du giron de l’état
fédéral des morceaux de la sécurité sociale qui existaient de longue date. Elles ont été
entièrement défédéralisées et confiées aux communautés. La principale mesure a été la
communautarisation complète des allocations familiales. Désormais, les prestations familiales
se trouvent dans l’article 5 de la lsri du 8/8/80 (Nouvel art. 5, §1er, IV de la loi spéciale du 8
août 1980 introduit en 2014).
De nouveau, la Communauté française s’est débarrassée de sa compétence dès qu’elle l’a reçue.
La Communauté française se concentre sur l’enseignement et la culture et n’investit pas les
politiques sociales. Elle retransfère ses compétences vers, ici, la Région Wallonne.

Attention au cas particulier de Bruxelles. En 2014, on a ressorti la COCOM que tout le monde
avait oublié. On a donc confié les prestations familiales à Bruxelles à la COCOM plutôt qu’à la
COCOF et la VG. On a fait ça pour respecter l’interdiction fondamentale des sous-nationalités
à Bruxelles. On est bruxellois et on n’est pas obligé de choisir son camp et son système.
Au total, on a donc bien 4 entités compétentes pour les allocations familiales :
- La Communauté flamande dans la région de langue néerlandaise
- La Région wallonne qui l’a reçue de la communauté française dans la région de langue
française
- La Communauté germanophone dans la région de langue allemande
- La COCOM dans la région de Bruxelles-capitale.
Jusqu’ici la sécurité sociale avait été préservée. La sécurité sociale était un dernier petit ciment
de notre petit pays. On est en train d’extraire des morceaux de sécurité sociale pour les faire
tomber dans les compétences des entités fédérées.
En outre, des morceaux d’autres branches de la sécurité sociale ont été défédéralisés : certains
aspects de la parafiscalité, des soins de santé, de l’assurance chômage et des allocations aux
personnes handicapées. C’est beaucoup plus restreint, ce sont seulement des petits morceaux
qui ont été défédéralisés. Cela annonce que certainement, lors de la septième réforme de l’état,
de gros morceaux seront défédéralisés.

36
Partie II – L’assujettissement, le financement et
l’organisation administrative du système belge de
sécurité sociale
L’assujettissement, le financement et l’organisation administrative de la sécurité sociale
sont trois problématiques étroitement liées dans les régimes de sécurité sociale contributifs,
avec des différences majeures entre les travailleurs salariés et les travailleurs indépendants.
Il est question de savoir :
- Qui paie ?
- Comment la sécurité sociale est financée ? Comment établit-on les cotisations sociales ?
- Qui fait quoi dans le vaste système de la sécurité sociale ?

En Belgique, il n’y a pas un service public unique de sécurité sociale mais bien des organismes
divers et nombreux.

Chapitre I – L’assujettissement à la sécurité sociale


Section 1 – Les principes généraux relatifs à l’assujettissement
Dans cette partie du cours, on va uniquement parler de la sécurité sociale au sens strict. Celle-
ci ne concerne pas l’aide sociale mais uniquement les prestations contributives. Les prestations
d’aide sociale sont non-contributives.
Avant de voir comment l’assujettissement est organisé pour les travailleurs salariés et puis pour
les travailleurs indépendants, pointons quelques principes généraux et transversaux qui
surplombent l’ensemble de la problématique de l’assujetissement.

1. Premier principe : toute personne exerçant une activité professionnelle en


Belgique doit être assujettie à un régime de sécurité sociale (contributif)
Il y a différents éléments à rechercher dans ce principe :
« Toute personne exerçant une activité professionnelle… » : l’exercice d’une activité
professionnelle comme condition nécessaire et suffisante pour être assujetti parce qu’on est
dans un système de type bismarckiens. C’est l’activité professionnelle qui ouvre des droits.

« … doit être assujettie… » : il faut avoir une activité professionnelle pour être assujetti. Mais
lorsque l’on a une activité professionnelle, on n’a pas le choix d’être assujetti. L’exercice d’une
activité professionnelle est donc une condition suffisante pour être assujetti. L’assujettissement
est un ensemble de droits et de devoirs qui nous tombent dessus et qui ne se négocie pas.
« … à un régime de sécurité sociale (contributif) » : il y a différents régimes de sécurité sociale
qui sont juxtaposés. On est assujetti ou bien au régime des salariés ou bien au régime des
indépendants.
è Toute personne exerçant une activité professionnelle en Belgique doit être assujettie à
un régime de sécurité sociale.

37
2. Deuxième principe : les dispositions légales relatives à l’assujettissement
à la sécurité sociale sont d’ordre public
Toutes les dispositions qui régissent l’assujettissement à la sécurité sociale sont d’ordre public.

Les dispositions d’ordre public sont les dispositions qui concernent les intérêts fondamentaux
de notre société. La qualification d’ordre public a une conséquence. Une norme d’ordre public
ne peut pas être aménagée par la liberté contractuelle.
En matière d’assujettissement, toutes les normes sont d’ordre public et ne peuvent donc pas être
négociées. On ne choisit pas, on est assujettis à un régime en vertu de l’application des règles
que l’on verra plus tard.

3. Troisième principe : pour une même activité professionnelle, une personne


ne peut pas être assujettie à plusieurs régimes de sécurité sociale
L’assujettissement à un régime, pour une activité professionnelle déterminée, est exclusif de
l’assujettissement à un autre pour cette même activité. Pour une même activité professionnelle, Camelia
une personne ne peut pas être assujettie à plusieurs régimes de sécurité sociale. 2021-10-13
15:44:17
--------------------
4. Quatrième principe : si une personne exerce deux activités professionnelles --------------------
distinctes, cette personne peut être assujettie à deux régimes de sécurité ----
sociale Par exemple :
C’est l’hypothèse du double assujettissement. Il faut bien qu’on ait affaire à deux professions soitonest salariés
soit
différentes. Par exemple, un journaliste travaille au journal le Soir trois jours par semaine. Dans indépendants.
un certain nombre de conditions précisées dans son contrat, il peut également être un journaliste
freelance. Dans ce cas-là, ce journaliste sera assujetti à deux régimes distincts.

Section 2 – L’assujettissement au régime de sécurité sociale des


travailleurs salariés
On entre maintenant dans le détail des règles régissant l’assujettissement dans le premier grand
régime de sécurité sociale, le régime des travailleurs salariés. Cela concerne 4 millions de
personnes à la grosse louche.
L’assujettissement à ce premier grand régime est organisé par la loi du 27 juin 1969 révisant
l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs (loi ONSS).
C’est la loi qui détermine les conditions dans lesquelles on est assujetti à la sécurité sociale et
les conditions dans lesquelles on doit cotiser.

1. Le principe : un contrat de travail (ou un contrat d’apprentissage)


Article 1er, §1er, alinéa 1er de la loi ONSS : sont assujettis à la sécurité sociale des travailleurs
salariés, les travailleurs salariés et les employeurs liés par un contrat de travail (louage de
travail).
Ce sont les travailleurs salariés et leurs employeurs qui bénéficient de la sécurité sociale. Les
cotisations de sécurité sociale sont donc à charge à la fois des travailleurs et des employeurs.
La charge est répartie entre les deux têtes. On verra dans le chapitre sur le financement comment
la charge fiscale est répartie entre les deux têtes.

38
Quand un contrat de travail est établ i, l’employeur a l’obligation (c’est une de ses premières
obligations) de déclarer ce contrat de travail à l’ONSS. C’est sur cette base-là que le montant
des cotisations sociales va être établi. Concrètement, cela se passe par voie électronique par la
DIMONA (Déclaration Immédiate d’Emploi).
Quand on lit cette disposition, il ne faut pas oublier d’y lire ce qui n’y est pas explicitement dit.
Il ne faut pas oublier d’y voir ce qui n’est pas expressément rappelé.
Deux commentaires :
- La situation des fonctionnaires contractuels
Le texte ne fait pas de distinction selon la nature juridique de l’employeur. Il n’y a pas de
distinction selon que l’employeur relève du secteur privé ou du secteur public. En conséquence,
tous les agents des services publics qui sont contractuels et pas statutaires, relèvent de la sécurité
sociale des salariés et pas de celle des fonctionnaires statutaires.
- Les présomptions (simples et irréfragables) de contrat de travail
Il existe dans la loi du 3 juillet 1978, un certain nombre de présomptions de contrat de travail.
Ces présomptions sont tantôt simples (qu’on peut renverser), tantôt irréfragables.
Exemples de présomptions simples du contrat de travail dans la loi du 3 juillet 1978 :
- L’emploi étudiant. A priori, si un étudiant est engagé par un employeur, il est dans une
relation de travail salarié.
- Les représentants de commerce, en règle générale, à moins qu’ils prouvent qu’ils sont
indépendants.
- Les pharmaciens qui ne sont pas propriétaires de leur officine.
Exemples de présomptions irréfragables :
- Les sportifs rémunérés
- Les intérimaires
- Les prestations complémentaires pour un employeur. Camelia
2021-10-13
Attention, quand on est au stade de l’assujettissement, à ne pas perdre de vue ces présomptions 15:57:26

établies par le contrat de travail. --------------------


--------------------
Article 1 , §1 , alinéa 2 de la loi ONSS : pour les besoins de la présente loi, sont assimilés à ----
er er
Déjà un
des travailleurs les apprentis et sont assimilés à des employeurs les personnes qui emploient des contrat detravail
apprentis. Ces personnes sont liées par un contrat d’apprentissage. Mais sous l’angle de la et activité de
même type.
sécurité sociale, ces personnes sont considérées comme étant des travailleurs salariés et
bénéficient du même régime que les travailleurs salariés.
C’est le principe posé par la loi. Ensuite, on va retrouver le même mode de fonctionnement tout
le temps en droit social. On a d’abord une disposition légale qui consacre un principe de base
très simple et puis on a une disposition qui suit qui habilite le Roi à faire toute autre chose que
ce qui est prévu par le principe.
Article 2 : habilitation du Roi à

39
- Etendre la sécurité sociale des salariés à des travailleurs qui ne sont pas salariés,
- Limiter : extraire un travailleur salarié de certaines branches de la sécurité sociale des
travailleurs salariés et
- Soustraire : alors même que le travailleur salarié a un contrat de travail, il échappe à la
couverture sociale.
Rappel : Chaque branche de la sécurité sociale définit d’une manière qui lui est propre, son
champ d’application. Chacune des législations des différentes branches part toujours de
l’assujettissement. L’assujettissement est donc le pivot qui va nous permettre de savoir quel est
le cercle des bénéficiaires. Le point de départ est toujours « sont bénéficiaires les personnes
assujetties à ce régime. »
On va donc voir ce que le Roi a fait de cette possibilité. Il a activé cette possibilité dans l’arrêté
royal du 27 novembre 1969 exécutant la loi du 27 juin 1944, dit arrêté ONSS.

2. Les extensions
Le Roi a d’abord décidé d’étendre l’assujettissement, càd faire rentrer dans le champ
d’application de la loi ONSS des travailleurs qui n’étaient pas visé à la base.
Deux sous-hypothèses à distinguer :
a) Les extensions aux personnes qui, sans être liées par un contrat de travail, fournissent
contre rémunération des prestations de travail sous l’autorité d’une autre personne
Cela concerne des personnes qui ne sont pas liées par un contrat de travail mais qui fournissent
des prestations de travail sous l’autorité d’une personne contre rémunération.
C’est le cas des fonctionnaires sous statut (art. 9 à 15), essentiellement pour ce qui concerne
l’assurance soins de santé. Ils ne sont pas engagés dans le cadre d’un contrat de travail mais
bénéficient d’une nomination unilatérale par l’autorité publique qui les engage.
Dans l’arrêté d’exécution de la loi ONSS, on a prévu que, dans toute une série de cas de figure,
les fonctionnaires statutaires – alors même qu’ils n’ont pas de contrat de travail – bénéficient,
en tout ou partie, de la sécurité sociale des travailleurs salariés.
Pourtant il existe un régime de sécurité sociale des agents des services publics. Ce régime est
un régime hybride et est propre aux fonctionnaires statutaires. Le caractère hybride signifie que
pour certaines branches de la sécu, les fonctionnaires statutaires bénéficient de leur propre
protection mais pour d’autres branches, ils sont couverts par le régime des travailleurs salariés.
C’est essentiellement en matière de soins de santé que ce rapprochement est fait. Les
fonctionnaires statutaires ne bénéficient pas d’un régime propre mais bénéficient du régime
général des travailleurs salariés en matière de soins de santé.
b) Les extensions aux personnes qui, sans être liées par un contrat de travail, exécutent un
travail selon des modalités similaires à celles d’un contrat de travail
On a étendu l’assujettissement à des personnes qui n’ont pas de contrat de travail mais qui
exécutent un travail selon des modalités similaires à celles d’un contrat de travail. C’est ici que
l’on va voir comment a été concrétisée le mouvement d’expansion du régime de sécurité sociale

40
des travailleurs salariés. Au cours des trente glorieuses, on a vu que la sécurité sociale des
travailleurs salariés a connu un mouvement d’expansion matérielle et personnelle.
Toute une série de catégories de personnes qui n’ont pas de contrat de travail mais qui travaillent
dans des conditions proches a été assimilée à des travailleurs salariés.
On vise ici diverses situations de dépendance socio-économique (art. 3, 3bis et 15bis) : sur le
plan du droit du travail il n’y a pas de rapport de subordination, pas de lien d’autorité, mais dans
les faits, il y a dépendance du travailleur à l’égard d’un ou plusieurs pourvoyeurs de travail
privilégié.
C’est ce que mettent en œuvre les articles 3 et 3bis de l’arrêté ONSS. Beaucoup de cas de figure
sont visés.
• Exemple 1 : les mandataires d’associations (art. 3, 1°)
• Exemple 2 : les artistes (L., art. 1erbis)
Les artistes, bien souvent, n’ont pas de contrat de travail. S’ils ont un contrat, on applique
l’article 1er de la loi ONSS. On s’intéresse ici aux articles sans contrat de travail. ATTENTION :
cette situation est prévue par la loi ONSS elle-même et non par l’arrêté d’exécution.
L’article 1er bis de la loi ONSS étend le régime de sécurité sociale général aux personnes qui
fournissent des prestations de nature artistique ou lorsqu’ils produisent des œuvres de nature
artistique contre paiement et en dehors du cercle familial.
Il existe, au sein du SPF sécurité sociale une commission administrative, la « commission
artiste » qui est composée de fonctionnaires des institutions de sécurité sociale d’une part, et
de représentants des interlocuteurs sociaux d’autre part. Cette commission apprécie, au cas par
cas, si les prestations fournies ou les œuvres produites sont de nature artistique. Lorsque cette
commission décide que c’est de l’art, l’artiste reçoit un document appelé le visa artiste qui
atteste, pour une période de 5 ans, que les œuvres et prestations sont de nature artistique. A
partir de ce moment-là, ils sont assujettis au régime général de sécurité sociale, ils bénéficient
de la protection sociale des travailleurs salariés. Et ceci alors même qu’ils n’ont aucun contrat
de travail.
Dans l’assujettissement au régime général on a toujours deux parties assujetties. Ici, puisqu’il
n’y a pas d’employeur, fictivement, le donneur d’ordre (la personne qui passe commande) va
être considéré, pour le besoin de l’assujettissement, comme étant l’employeur.
Le système mis en place est un système de présomption d’assujettissement. On présume que
dans ces situations-là, les artistes doivent être considérés comme des travailleurs salariés. Mais
les artistes peuvent renverser la présomption en montrant qu’ils ne travaillent pas dans des
conditions socio-économiques similaires à celles d’un travailleur salarié. Là, la commission
donnera une déclaration d’activité indépendante. Pour rappel, toute activité professionnelle doit
donner lieu à assujettissement.
C’est le donneur d’ordre de la prestation qui paie la cotisation. Par exemple, vous êtes une
institution culturelle qui commande une prestation, il se peut que, pour diverses raisons, on ne

41
se trouve pas dans un contrat de travail. On va regarder les conditions socio-économiques dans
lesquelles la prestation est effectuée. Il se peut que l’artiste soit dans une situation de
dépendance et alors il sera assimilé à un travailleur salarié. Mais il se peut que l’artiste soit tout
à fait indépendant.
• Exemple 3 : les chauffeurs de taxi (art. 3, 5°ter)
Cela concerne quelques milliers de personnes. Un chauffeur de taxi pourrait avoir un contrat de
travail. S’il n’en n’a pas, le chauffeur sera considéré comme un indépendant. La sécurité sociale,
pour protéger les chauffeurs de taxi, leur étend l’assujettissement à la sécurité sociale des
salariés, sauf si le chauffeur de taxi est titulaire d’une licence d’exploitation et est propriétaire
de son véhicule. Ce sont des éléments qui permettent de savoir que les chauffeurs ne sont pas
dans une situation de dépendance. A nouveau, la présomption est réfragable.
Si ces deux conditions ne sont pas remplies -> Assujettissement au régime général.
• Exemple 4 : les gardien(ne)s d’enfants (art. 3, 9°)
Si la gardienne d’enfant n’a pas de contrat de travail, si elle opère dans le cercle familial, chez
elle, dans un local propre et qu’elle est liée avec un service d’accueil agréé par une
communauté, elle doit être assujettie au régime de sécurité sociale des travailleurs salariés.
A chaque fois, l’enjeu est important. A chaque fois, même sans contrat de travail, ces personnes
bénéficient d’une protection qui est la même que les travailleurs qui travaillent sous contrat.
• Exemple 5 : les bénéficiaires d’une bourse de doctorat (art. 3bis)
Ces personnes travaillent dans un système de bourse défiscalisé (pas d’impôts et pas de
cotisations sociales). Ce serait ennuyeux qu’un doctorant, parce qu’il bénéficie d’une telle
bourse, n’ait aucune couverture sociale.
L’arrêté d’exécution prévoit que les personnes qui réalisent une thèse en bénéficiant d’une
bourse sont assujetties à la sécurité sociale des travailleurs salariés.
• Exemple 6 : les activités de nettoyage (L., art. 2/2)
Le législateur a encore mis ça dans la loi et non dans l’arrêté. On considère que les personnes
qui effectuent des activités de nettoyage, qui relèvent de la commission paritaire nettoyage, sont
assujetties au régime de sécurité sociale des salariés même si elles n’ont pas de contrat de
travail. On présume que ce sont de faux indépendants.
La présomption peut toujours être renversée. La personne peut montrer qu’elle n’est pas en
situation de dépendance socio-économique si elle ne travaille pas pour un seul donneur d’ordre,
elle emploie son propre matériel et elle facture elle-même ses prestations.
Le législateur cherche à faire rentrer dans ce régime, des situations dans lesquelles il n’y a pas
de contrat de travail mais il y a des indices de dépendance économique.

3. Les limitations
Le Roi est habilité à aller en sens inverse et à limiter le champ d’application de
l’assujettissement dans des situations dans lesquelles il y a un contrat de travail. En sens

42
inverse, il y a eu des limitations et exclusions de l’assujettissement au régime de sécurité sociale
des travailleurs salariés en dépit de la présence d’un contrat de travail. Le Roi peut dire que
l’assujettissement est partiel ou bien qu’il n’y en n’a pas du tout.
On a des situations dans lesquelles on a réduit l’étendue de l’assujettissement à certaines des
branches du régime (art. 4 à 8ter). Le Roi vient dire dans tel profession il y a accès aux soins
de santé mais pas au reste, par exemple. On avait auparavant des limitations importantes par
exemple pour les travailleuses domestiques. Avec un contrat de travail, elles devaient être
assujetties à la loi ONSS mais certaines des branches ne leur étaient pas applicables, notamment
les allocations familiales. C’est du passé depuis 2014.
Réduction à due concurrence des cotisations de sécurité sociale.
Exemples (pour mémoire)
- Coureur cycliste pro
- Personnel académique
- Travailleur occasionnel de l’horticulture
Lorsqu’on est confronté à une situation concrète, il faut savoir faire le jeu de piste entre les
textes. On doit vérifier dans les textes que malgré le contrat de travail, on n’est pas sujet à une
limitation.
L’assujettissement coûte alors moins cher à l’employeur car on ne paie qu’à concurrence des
branches pour lesquelles on est assujettie. On ne paie pas de cotisations pour les branches
auxquelles on n’est pas assujettis.

4. Les exclusions
Alors même que l’on a un contrat de travail qui doit entraîner un assujettissement plein et entier,
il n’y a pas d’assujettissement. C’est une hypothèse à manier avec prudence car il n’y a aucune
couverture sociale. On a différents cas de figure visés par les textes.
Le Roi est autorisé à décider des exclusions uniquement dans le cadre d’emploi accessoire ou
de très courte durée. (art. 16 à 17sexies)
Pas de cotisations (en tout cas ordinaires) de sécurité sociale :
- Exemple des étudiants jobistes (art. 17bis) :
Dans certaines limites, les étudiants jobistes sont exclus de l’assujettissement à la sécurité
sociale.
Le législateur, dans son article 2 de la loi ONSS, a encadré cette faculté d’exclure. On ne peut
pas faire ça dans n’importe quelles conditions. La loi elle-même prévoit que le Roi est autorisé
à décider des exclusions uniquement dans le cadre d’emploi accessoire ou de très courte durée.
Un étudiant qui est a priori engagé dans le cadre d’un contrat d’occupation étudiant,
normalement bénéficie d’un assujettissement plein et entier. L’arrêté d’exécution de la loi
ONSS prévoit qu’il n’y a pas d’assujettissement lorsque le travail d’étudiant ne dépasse pas
certaines limites. Ces limites ont été très fort assouplies depuis quelques années. Le système en

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vigueur aujourd’hui c’est qu’il n’y a pas d’assujettissement lorsque l’occupation ne dépasse pas
475 heures sur une année civile. Il n’y a pas de cotisations ordinaires mais l’employeur paie
quand même une petite cotisation spéciale. Un étudiant ne coûte pas cher.
Si on dépasse les 475 heures, on bascule sur l’article 1er de la loi ONSS. Il y a alors
assujettissement.
Conclusion :
On a un article de base très simple, ensuite un article qui donne au Roi la faculté d’étendre, de
limiter ou d’exclure certains travailleurs de l’assujettissement au régime des travailleurs
salariés. Ces extensions, restrictions ou exclusions se trouvent dans l’arrêté royale ONSS.

Section 3 – L’assujettissement au régime de sécurité sociale des


travailleurs indépendants
4 millions de personnes sont concernées par le régime précédents et 1 million par ce régime-ci.
Il faut identifier les textes. Ici, le texte de base à prendre en compte est l’arrêté royal n° 38
(arrêté de pouvoirs spéciaux) du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs
indépendants. Cet arrêté royal a été adopté lorsque l’on a créé le statut social des travailleurs
indépendants.
A ce moment-là, les indépendants disposent des allocations familiales, des pensions et d’une
couverture soins de santé très rudimentaire. En 1967, on est venu chapeauter ces trois secteurs
d’origine par des règles communes.
Article 2 : sont assujettis au statut social des indépendants les travailleurs indépendants et les
aidants.
On a donc deux types d’indépendant. L’indépendant au sens strict et l’aidant. Ce qui est
important de noter ici, c’est qu’il n’y a pas d’employeur. Il n’y a personne pour payer les
cotisations. Tout le poids des cotisations, toute la charge parafiscale pèse sur l’indépendant.

1. Les travailleurs indépendants


a) Le principe : l’exercice d’une activité professionnelle en dehors d’un contrat de travail
ou d’un statut
95% des indépendants sont des travailleurs indépendants au sens strict.
Article 3, §1er, alinéa 1er : un travailleur indépendant est toute personne physique qui exerce en
Belgique une activité professionnelle en raison de laquelle elle n’est pas engagée dans les liens
d’un contrat de travail ou d’un statut.
C’est comme cela qu’on a concrétisé le principe général selon lequel toute personne qui exerce
une activité professionnelle dans notre pays doit être assujettie à un régime de sécurité sociale.
Notre système qui repose sur la juxtaposition de différents régimes, le régime de sécurité sociale
des indépendants est le régime résiduaire. C’est le régime le moins protecteur et le moins
avantageux car il coûte cher aux indépendants. Si vous avez une activité professionnelle, bien
souvent il y a contrat de travail ou une fonction statutaire.

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è S’il n’y a pas d’assujettissement au régime des travailleurs salariés ni au régime des
agents statutaires, alors il y a assujettissement au régime des indépendants.
On doit donc encore déterminer ce qui est une activité professionnelle. C’est la jurisprudence
qui a clarifié des critères permettant de définir le « professionnel » par contraste au non-
professionnel. On a deux critères – interprété de manière très extensive – qui se dégagent :
- Activité habituelle >< Occasionnelle
Une activité est habituelle à partir du moment et dès qu’elle repose sur la réitération régulière,
l’accomplissement régulier, d’un ensemble d’activités qui sont liées entre elles. Ces activités
ont une certaine cohérence, elles forment un ensemble, elles poursuivent un même but.
A la fois en jurisprudence et en matière administrative, une activité est très vite considérée
comme étant habituelle. Par exemple, pour un chauffeur Uber, même si le nombre d’heures
prestées est peu important, on va considérer qu’on à affaire à une activité habituelle. Il a sa
voiture, il est connecté à une application et il se rend disponible pour les clients potentiels.
Même si le nombre d’heures prestées est limité on va considérer qu’on a à faire avec une activité
habituelle.
- Activité habituelle qui poursuit un but de lucre
De nouveau, on comprend cela de manière assez extensive. L’objectif poursuivi doit être de
générer du profit. Peu importe que dans les faits cela ne nous permet pas d’en vivre, ce qui
compte c’est l’objectif.
L’activité est comprise comme ayant un but de lucre de manière assez rapide.
La tendance du système, de la jurisprudence et des institutions est à considérer que beaucoup
d’activités sont des activités professionnelles. La finalité est protectrice. L’idée c’est que toute
activité professionnelle en Belgique doit donner lieu à un régime d’assujettissement. Pour les
travailleurs sous contrat ou sous statut, on ne doit pas se poser la question de l’activité
professionnelle. Par contre, pour les indépendants, on doit dégager les critères.
La principale difficulté est d’assumer la conséquence de l’assujettissement, càd payer les
cotisations. Pendant longtemps, la réponse du législateur à cette difficulté, a été de moduler le
montant des cotisations. Le but était de faciliter la vie des indépendants qui se lancent. Pour
éviter que ça les mette en difficulté, on a modulé le montant des cotisations.
Depuis la dernière législation, la réponse a été beaucoup plus de jouer au niveau de
l’assujettissement. L’attitude du législateur a été beaucoup plus de lever l’assujettissement. On
a donc toute une série de nouvelles exclusions depuis peu qui suscitent beaucoup de débat.

1° L’absence d’un contrat de travail ou d’une nomination statutaire


Le régime des travailleurs indépendants comme régime subsidiaire
2° L’exercice d’une activité à caractère professionnel
Activité professionnelle = activité :
• Habituelle (par opposition à occasionnelle)
• Et à but de lucre (par opposition à titre gratuit)
Finalité protectrice des interprétations extensives

45
C’est le principe général posé par l’arrêté royal n°38.
b) Les extensions
On a une extension qui est très importante et qui forme une présomption. Le texte prévoit que
les mandataires de sociétés commerciales, sont présumés exercer leurs activités
professionnelles en tant que travailleurs indépendants (art. 3, §1er, al. 4). Dès lors que l’on est
mandataire d’une société commerciale, il doit y avoir assujettissement sans que l’on se pose la
question de savoir si l’activité est une activité professionnelle, etc.
Présomption irréfragable ou simple ? Pendant longtemps il s’agissait d’une présomption
irréfragable. C’était prévu par le législateur car en pratique, un nombre important de
mandataires échappait à l’assujettissement. Finalement, le caractère irréfragable de cette
présomption a été condamné par la Cour Constitutionnelle (Cfr C.A., 3 novembre 2004, n°
176/2004). La finalité de lutter contre des situations qui prospèrent hors assujettissement est
légitime mais le caractère irréfragable est disproportionné.
Récemment, le législateur s’est enfin conformé à l’arrêt de la Cour et a changé le texte. Avant
il fallait lire le texte avec l’arrêt de la Cour dans l’esprit et donc c’était tendu.
Sous la législature qui vient de se terminer, toute une série d’exclusions a été introduite dans le
texte.
c) Les exclusions
L’idée est de promouvoir l’entreprenariat. C’est assez controversé. D’un côté certains appuient
ce genre de réforme en se disant que c’est bien de pouvoir entreprendre sans obligations de
sécurité sociale mais d’autres sont assez critiques sur ces exclusions car elles ont pour effet de
créer des situations dans lesquelles les personnes travaillent sans sécurité sociale. Ces personnes
offrent donc des prestations bien moins chères.

Le législateur a instauré plusieurs exclusions successives et c’est devenu un peu compliqué.


Ces différentes exclusions vont être refondues lorsqu’il y aura un nouveau gouvernement. On
ne doit pas savoir jongler avec toutes ces exclusions.

- L’économie collaborative

L’économie collaborative est l’économie de plateforme, toutes ces situations où un particulier


est en mesure de prester des services à un autre particulier par le biais d’une plateforme en ligne.
Personne n’arrive à comprendre qui entre dans cette exclusion.
Le gouvernement a prévu que la personne active dans l’économie collaborative – qui fournit
ses services à un autre particulier par le biais d’une application en ligne – n’est pas assujettie
au statut social des indépendants lorsque les revenus qu’elle tire de cette activité sont inférieurs
à un certain seuil (art. 5ter).
En vertu des critères normalement applicables, lorsqu’un particulier s’inscrit sur une plateforme
et se rend disponible pour le reste du monde, c’est qu’il s’agit d’une activité à but de lucre et
dès qu’il y a une petite répétition, il s’agit d’une activité habituelle.

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Si les revenus sont inférieurs à un certain seuil, il n’y a pas de couverture sociale. On a à faire
avec une activité sans sécurité sociale qui va avec. Cela ennuie les syndicats qui considèrent
qu’on précarise les travailleurs et les organisations patronales disent que ça crée de la
concurrence déloyale.
- Les étudiants-entrepreneurs
En vertu d’une présomption simple dans la loi du 3 juillet 1978, l’étudiant a priori opère dans
le cadre d’un contrat de travail. Mais il est possible de renverser cette présomption. Jusqu’ici,
si un étudiant indépendant lançait son business, il aurait dû être assujetti à l’arrêté royal n°38.
Aujourd’hui, le législateur est venu insérer dans l’arrêté royal n°38 une nouvelle exclusion.
Désormais, l’étudiant qui opère comme indépendant échappe à la sécurité sociale des
indépendants si les revenus qu’il gagne sont inférieurs à un certain seuil (art. 5quater). Si le
montant se trouve à un montant intermédiaire entre un plafond et un plancher, il y aura
assujettissement partiel mais si le montant est supérieur au plafond, il y aura assujettissement
au régime de sécurité sociale des indépendants.
- Travail dit associatif et services dits occasionnels (loi De Croo)
Dans une loi-programme votée en fin de législature, le législateur a prévu que dans plusieurs
cas de figure, conformément à la même logique l’économie collaborative, il n’y a pas
d’assujettissement en dessous d’un certain seuil de revenus (art. 5quinquies). Ces situations
sont un peu floues et définies de manière très énigmatique.
Ce qui est important, c’est ce phénomène récent d’exclusion. Jusqu’à présent, on avait toujours
essayé de faire rentrer un maximum de personnes du régime de sécurité sociale des
indépendants quitte à ensuite essayer de leur faciliter la vie. Le mouvement nouveau est de faire
sortir des personnes de la sécurité sociale alors même qu’ils ont une activité professionnelle.

2. Les aidants
Un aidant est toute personne qui assiste ou supplée un travailleur indépendant dans l’exercice
de sa profession sans être engagée envers lui par un contrat de travail (art. 6).
En général, un employé d’un indépendant est un travailleur salarié.
Le principal cas de figure d’aidants est celui des conjoints aidants (art. 7bis). C’est par exemple
la femme du notaire, la femme du médecin. C’est la situation dans laquelle on est marié ou en
cohabitation légale avec quelqu’un mais on n’exerce pas d’activité professionnelle nous ouvrant
des droits propres, que ce soit comme salarié, indépendant ou fonctionnaire. Dans ce cas-là, il
y a une présomption simple que l’on est aidant de notre conjoint. On peut donc renverser cette
présomption en faisant une déclaration sur l’honneur disant que l’on ne vient pas en aide à notre
conjoint.
La mesure a été prise pour répondre à un constat qui est que les conjoints aidants sont très
vulnérables sur le plan de la sécurité sociale. Si vous ne travaillez pas et que vous ne cotisez
pas, vous ne vous ouvrez pas des droits propres à la sécurité sociale. Le jour où il y a séparation,
ce conjoint n’a plus rien. Pour éviter ces situations-là, on a mis en place ce système de
présomption.

47
Chapitre II – Le financement de la sécurité sociale
Dans la mesure où notre système de sécurité sociale est un système de type principalement
bismarckien, les problématiques de l’assujettissement et du financement (financiering) sont
étroitement liées, dans le sens où les principaux financeurs du système sont les assujettis1.
Comme on le verra dans le chapitre suivant, consacré à l’organisation administrative, cet
adossement de la question du financement à celle de l’assujettissement se traduit par le fait que
les institutions de sécurité sociales sont administrées par des organes au sein desquels les
représentants des milieux concernés – travailleurs et employeurs dans le régime des travailleurs
salariés, classes moyennes dans le statut social des travailleurs indépendants – sont largement
majoritaires, quand ils ne sont pas les seuls à siéger. Il en résulte aussi que le financement des
prestations d’aide sociale non contributive obéit à des règles tout autres, que nous ne verrons
pas ici.

Section 1 – Mise en perspective de la problématique


Sur le plan budgétaire, les montants en jeu sont considérables2. Le budget cumulé du régime
de sécurité sociale général, du statut social des travailleurs indépendants et des pensions du
secteur public atteint ainsi approximativement 100 milliards d’euros. Depuis la sixième réforme
de l’Etat, ce budget total est amputé d’une part significative – près d’une quinzaine de milliards
–, puisqu’il appartient dorénavant aux communautés et aux régions de financer elles-mêmes les
dépenses liées aux compétences qui leur ont été transférées en matière de prestations familiales,
de soins de santé, d’emploi et d’aide aux personnes handicapées. L’ordre de grandeur global
donné résulte de l’addition du budget de la sécurité sociale restée fédérale – aide sociale non
comprise –, d’un côté, et des parts des budgets des entités fédérées consacrées aux prestations
qui relevaient de la sécurité sociale fédérale avant la sixième réforme de l’Etat, de l’autre.
Comment finance-t-on ce paquebot qui absorbe un quart de la richesse nationale chaque année ?
Cela soulève beaucoup de questions importantes. Commençons par quelques éléments de mise
en contexte.
Le budget total de la sécurité sociale (aide sociale non comprise mais y compris, par contre, les
prestations défédéralisées lors de la sixième réforme de l’Etat) en 2018 était de +/- 100 milliards
d’euros, soit 28% du PIB belge. Il y a plus d’un quart de la richesse nationale qui est socialisé,
mutualisé et redistribué par les différents canaux de la sécurité sociale. La quasi-totalité de cette
masse est affectée au financement des prestations de sécurité sociale proprement dites. A elles
seules, les dépenses en matière de pensions et de soins de santé représentent approximativement
70 milliards, soit plus des deux tiers des dépenses totales, l’incapacité de travail puis le chômage
venant loin derrière. Les frais de fonctionnement des institutions de sécurité sociale – personnel,
bâtiments, informatique,… – représentent moins de 3% des dépenses, soit une part
significativement moindre que dans les assurances privées. Cela étant, les dépenses de sécurité
sociale sont loin d’être seulement un poids à assumer : elles contribuent directement à la
prospérité économique en maintenant le pouvoir d’achat de la population, et donc en soutenant
la consommation.

Comme en matière d’assujettissement, les deux grands régimes doivent être nettement
distingués sous l’angle du financement : chacun dispose de son budget propre et est soumis à

48
des règlementations distinctes. Avant d’y venir, quelques traits communs peuvent toutefois être
soulignés. Le principal est que l’un et l’autre régimes connaissent un système de financement
mixte, car ils sont financés au moyen de deux sources distinctes : les cotisations sociales, d’une
part, et l’intervention de l’Etat, de l’autre, soit ce que l’on appelle aussi, respectivement, la
parafiscalité et la fiscalité.
Quant à leur nature juridique, les cotisations sociales sont en effet habituellement considérées
comme de la « parafiscalité ». Cette qualification repose sur le constat que les cotisations
présentent de nombreuses similarités avec l’impôt, en particulier leur statut de contribution
obligatoire prélevée par voie d’autorité pour financer un service public. Elles s’en différencient
toutefois – d’où le terme de parafiscalité – en n’étant pas soumises à l’exigence de l’universalité
de l’impôt : là où les ressources fiscales sont versées dans le budget général de l’autorité
publique compétente, qui est libre d’en faire l’usage qu’elle souhaite, les cotisations, elles, sont
directement perçues par une institution de sécurité sociale et exclusivement affectées au
financement des prestations de sécurité sociale. Par ailleurs, elles font naître des droits auxdites
prestations. C’est pourquoi les cotisations sont classiquement considérées comme une forme de
« salaire différé » : il s’agit d’une part de la rémunération que le travailleur ne perçoit pas
directement mais par laquelle il s’assure contre un certain nombre de risques sociaux.
Entre les deux sources de financement, la tendance générale de long terme, dans l’un comme
dans l’autre régime, est à l’augmentation de la part relative occupée par l’intervention de l’Etat,
même si les cotisations sociales continuent de représenter, et de loin, la principale source de
financement. Cette montée en puissance de la fiscalité s’explique, surtout dans le régime
général, par deux raisons. Autrement dit, la part relative qu’occupent dans le budget les
cotisations sociales recule au profit de la fiscalité. Pourquoi ?
Deux facteurs explicatifs :
• La déconnexion croissante de l’octroi des prestations sociales par rapport à
l’assujettissement (en particulier en matière de soins de santé et d’allocations
familiales)
La première est que, au fil de son expansion, la sécurité sociale en est venue à bénéficier à toute
une série de personnes qui n’y sont pas assujetties. Une part significative de la population est
susceptible de percevoir des prestations sociales sans être redevables de cotisations. Cette
déconnexion s’observe tout particulièrement dans les branches des soins de santé et des
allocations familiales, où les prestations ont été de facto universalisées. Dans pareille
configuration, il n’y a pas de raison que seuls les travailleurs et les employeurs financent la
sécurité sociale et il paraît légitime de recourir au financement de type beveridgien, c’est-à-dire
fiscal, dont l’assiette est beaucoup plus large.
On n’est plus dans un schéma Bismarckiens pur dans lequel les seuls financeurs sont ceux qui
travaillent et cotisent. Certains secteurs sont en train d’être universalisés. Pratiquement tout le
monde a accès à une couverture soins de santé. Ce que l’on voit, c’est une déconnexion entre
l’accès à la protection sociale et le fait de payer des cotisations. Dans ce schéma-là, il se justifie
de moins en moins que les seuls financeurs soient les travailleurs. On va donc chercher des
ressources par la voie fiscale.

49
• Le financement par voie de cotisations sociales aurait tendance à pénaliser
l’emploi
On a beaucoup dit que le financement par voie de cotisations pénalise l’emploi car on concentre
les charges de la parafiscalité sur le facteur travail. Cela dissuade l’emploi.
La concentration des charges sociales sur les salaires est vue comme défavorable à l’embauche,
parce qu’elle a pour effet d’alourdir fortement le coût du travail. Plus encore, elle inciterait au
remplacement de la main-d’œuvre par des machines, dans la mesure où les cotisations ne
frappent que le facteur travail et pas le capital.
C’est sur la base de ces deux types de considérations – surtout la seconde – qu’on a vu se
multiplier, depuis les années 1980 et plus encore 1990, les mesures de réduction des cotisations
sociales dans le régime général. Principalement justifiées par la nécessité de diminuer le coût
du travail, ces mesures successives ont été contrebalancées par un accroissement marqué du
financement alternatif de la sécurité sociale par le biais de la fiscalité, afin d’élargir l’assiette
des prélèvements au-delà des seuls salaires.
Peut-être, demain, ira-t-on plus loin, en opérant une scission nette à l’intérieur de la sécurité
sociale entre les revenus de remplacement, d’un côté, qui resteraient financés principalement
par voie de cotisations, en raison de l’articulation de leur champ d’application sur l’étendue de
l’assujettissement, et les revenus de complément, de l’autre, qui seraient, quant à eux,
entièrement financés par l’impôt en raison de leur caractère universel. Le pas n’a pas été franchi
à ce jour. Il faut dire que l’histoire du système belge de sécurité sociale est peu coutumière des
grandes réformes procédant d’une réflexion conceptuelle sur les fondements de la sécurité
sociale, et bien plus familière des évolutions tâtonnantes voire du bricolage. Cela étant, le
mouvement de défédéralisation de la sécurité sociale tend indirectement à accélérer le processus
de fiscalisation des revenus de complément, parce que les allocations familiales et les aspects
des soins de santé qui ont été communautarisés à l’occasion de la sixième réforme de l’Etat sont
désormais financés par des dotations fiscales, et plus par voie de cotisations.
• Facteur additionnel
Enfin, on signalera que, dans le système européen des comptes nationaux et régionaux, connu
dans le jargon sous le nom de système SEC2010, qui permet la comparaison et le monitoring
de l’économie des Etats membres de l’Union européenne, la sécurité sociale fait partie du «
secteur des administrations publiques ». Il en découle que dans la comptabilité nationale, la
dette et le déficit éventuels de la sécurité sociale sont intégrés dans ceux du secteur public au
sens large : du point de vue de l’Union européenne, la sécurité sociale fait partie intégrante du
périmètre du secteur public belge. Pour cette raison, ses finances sont soumises à des règles
budgétaires et comptables bien précises.
Depuis la sixième réforme de l’Etat, un facteur explicatif additionnel : le mode de financement
des prestations défédéralisées. Partant, les institutions publiques de sécurité sociale ne font pas
d’emprunts pour couvrir leurs dépenses, sinon de manière très ponctuelle et limitée, pour faire
face à un besoin de trésorerie temporaire. Si les recettes s’avèrent insuffisantes au regard des
dépenses, c’est l’Etat fédéral qui comble le « trou » dans le budget, qu’il s’agisse du régime

50
général ou de celui des indépendants, par exemple par le biais d’un relèvement de sa dotation.
Politiquement, le consensus est donc grand pour que la sécurité sociale soit toujours à
l’équilibre. Cela étant, comme l’Etat fédéral lui-même doit surveiller sa dette, la tendance est
très clairement, plus en amont, à la limitation des dépenses de la sécurité sociale, surtout depuis
le gouvernement Michel (2014-2019). Cette limitation est actuellement la principale variable
d’ajustement dans la confection du budget de la sécurité sociale.
Les 100 milliards d’euros représentent beaucoup d’argent. La sécurité sociale a aussi une
efficacité sur le plan économique. Cette masse d’argent en redistribution permanente soutient
la consommation et le pouvoir d’achat. C’est donc un élément de prospérité.
On a donc deux sources de financement : les cotisations sociales et les impôts. Les premières
représentent aujourd’hui à peu près les deux tiers des recettes, tandis qu’un tiers provient du
trésor public.

Section 2 – Le financement du régime des travailleurs salariés


1. Les cotisations sociales
Malgré leur tassement continu, en termes relatifs, depuis plus de deux décennies, les cotisations
sociales (socialezekerheidsbijdragen) demeurent, et de loin, la source de financement la plus
importante.
A l’origine consigné dans la loi ONSS, leur régime juridique est aussi en partie réglé par la loi
du 29 juin 1981 établissant les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés,
également connue sous les noms de « loi de principes » ou encore loi Dhoore, du nom du
ministre démocrate-chrétien de la Prévoyance sociale qui l’a portée. Adoptée par une coalition
rouge-romaine, la dernière avant l’entrée en piste des gouvernements Martens-Gol des années
1980 associant sociaux-chrétiens et libéraux, cette loi a eu pour ambition, au moment où la
sécurité sociale commençait à être de plus en plus bousculée par l’entrée en crise de l’Etat-
providence, de consacrer une série de droits de base au bénéfice des assurés sociaux ainsi qu’un
certain nombre de principes transversaux. Toutefois, tout comme les travaux de la commission
royale de codification de la sécurité sociale, lancés dans le même mouvement, sont restés sans
suite, la plupart des dispositions de la loi de principes ne sont jamais entrées en vigueur, à
l’exception, précisément, des articles relatifs au financement, pour la plupart logés dans le
chapitre de la loi contenant des dispositions dites finales et transitoires. Très régulièrement
modifiées, au gré des conclaves budgétaires, les lois du 27 juin 1969 et du 29 juin 1981 doivent
en outre être complétées par divers lois-programmes et arrêtés d’exécution. Faut-il le dire, cette
dispersion des bases légales ne facilite pas la lisibilité de la matière, dont les modifications
incessantes ne manquent pas d’alimenter un contentieux relativement abondant.
a) Définition et base de calcul
Une cotisation sociale est un pourcentage, une proportion de la rémunération salariale.
L’enjeu est de préciser quelle est l’assiette de la rémunération, la base de calcul.
On va voir la loi ONSS pour connaître la notion de rémunération. Là, le législateur entame un
jeu de piste.
Notion de rémunération (art. 14, §2 de la loi du 27 juin 1969) :

51
- La loi ne définit pas elle-même la notion de rémunération. La loi renvoie à l’article 2 de
la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs.

C’est une loi de droit du travail. Pour les besoins du financement de la sécurité sociale, la loi
ONSS s’approprie cette définition. La rémunération englobe donc toutes les sommes d’argent
et tous les avantages que le travailleur reçoit de son employeur « en raison de son
engagement. » Cela veut dire que le salaire mensuel de base entre dans la notion de
rémunération. Mais cette notion englobe tous les flux financiers, transfert d’argent et de
valeurs entre l’employeur et le travailleur.

D’un arrêt de principe rendu par la Cour de cassation dans les années 1970, il découle que la
rémunération englobe tout ce qui est payé ou donné par l’employeur en contrepartie des
prestations de travail. Une somme payée unilatéralement par l’employeur est constitutive de
rémunération, même si elle n’est prévue ni par contrat ni par convention collective ni même par
le simple usage, et même si aucun droit n’est créé pour l’avenir, dès lors qu’elle est la
contrepartie de l’exécution du travail. En revanche, une telle somme ne peut être qualifiée de
rémunération si elle est accordée à un travailleur à l’occasion de la survenance d’un événement
dans sa vie privée ou en signe de marque de sympathie personnelle, car elle ne trouve alors pas
sa cause dans l’exécution du travail. Dans ce cas, il s’agit d’une libéralité.

Compte tenu de cette définition très large, les cotisations sociales sont dues, sous réserve des
précisions qui suivent, sur tous les éléments de la rémunération, soit le salaire brut, bien sûr,
mais aussi, le cas échéant, le sursalaire pour heures supplémentaires, les primes, les
commissions, les gratifications, les remboursements de frais excédant les dépenses réellement
exposées, la valeur en argent d’un avantage tel que la mise à disposition d’un logement, etc. En
principe, tout ce qui est octroyé par l’employeur en contrepartie du travail est donc débiteur de
cotisations sociales : tout flux financier lié à l’exécution du contrat de travail entre dans
l’assiette des cotisations.

- La loi habilite ensuite le Roi à étendre ou limiter la notion de rémunération (cfr articles
19 à 20 de l’arrêté royal du 28 novembre 1969) pour les besoins du calcul des
cotisations. Le Roi peut donc dire que tel ou tel élément qui est visé par la loi du 27 juin
1969 comme étant de la rémunération, ne le sont pas.
La loi du 27 juin 1969 et la loi du 29 juin 1981 habilitent l’une et l’autre le Roi à élargir ou, à
l’inverse, restreindre la notion de rémunération pour les besoins du calcul des cotisations. Sur
cette base, l’arrêté d’exécution de la loi ONSS contient, comme en matière d’assujettissement,
une série d’extensions et d’exclusions par rapport à la définition générique de la rémunération
posée par la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération. Avant d’y venir,
les deux lois précisent elles-mêmes que le « flexisalaire » institué en 2015 dans le secteur de
l’horeca, et étendu depuis au commerce de détail, est exclu de la notion de rémunération, et
donc exempté de cotisations sociales.

52
L’arrêté royal du 27 juin 1969 contient de nombreuses précisions. Il expose notamment
comment évaluer en argent les avantages en nature, tels que la nourriture, le logement ou
l’utilisation à des fins personnelles d’un ordinateur et d’une connexion à internet mis à
disposition par l’employeur.
Pour éviter les discussions, l’arrêté inclut dans la notion de rémunération qui sert de base au
calcul des cotisations sociales un certain nombre de sommes payées par l’employeur qui
n’entrent pas dans le concept de rémunération tel que celui-ci est défini par la loi sur la
protection de la rémunération, ou au sujet de la qualification desquelles des doutes existaient.
Parmi ces sommes légalement définies comme rémunératoires pour les besoins de la sécurité
sociale, on trouve en particulier le pécule de vacance, c’est-à-dire la rémunération des congés
payés, ainsi qu’un certain nombre d’indemnités de rupture : les indemnités compensatoires de
préavis, les indemnités dues en cas de licenciement d’un délégué du personnel au Conseil
d’entreprise ou au CPPT ou d’un délégué syndical, et les indemnités payées à l’occasion d’une
rupture du contrat de travail de commun accord. Cela paraît logique, dans la mesure où ces
différentes sommes sont dues en raison de l’engagement du travailleur, même si elles ne sont
pas la contrepartie directe du travail effectué.
En sens inverse, l’arrêté royal du 27 juin 1969 exclut de la base de calcul des cotisations toute
une série de sommes et avantages qui entrent, eux, dans la définition générique de la
rémunération salariale posée par la loi sur la protection de la rémunération. La multiplication
de ces exclusions, qui sont régulièrement modifiées, a d’ailleurs eu pour effet d’encourager
fortement le développement des rémunérations dites alternatives, c’est-à-dire prenant une forme
autre que le salaire de base. Un nombre croissant de travailleurs perçoivent ainsi aujourd’hui
un package salarial comprenant toute une panoplie d’avantages extralégaux. Il en va d’une
politique de gestion des ressources humaines destinée à permettre aux employeurs d’« optimiser
» leurs coûts mais aussi de « fidéliser » leurs travailleurs – étant entendu qu’en pratique, les
travailleurs bénéficiant d’avantages complémentaires sont massivement ceux qui perçoivent par
ailleurs un salaire déjà élevé.
Exemples :

• Les chèques-repas (art. 19bis)


Ces chèques permettent d’acheter des denrées alimentaires avec réduction ou à prix nul. Vu la
définition très large de la rémunération par la loi du 27 juin 1969, en principe, il s’agit d’une
rémunération sur laquelle on vient prélever les cotisations sociales. L’arrêté d’exécution de la
loi ONSS prévoit que dans certaines conditions, les chèques-repas sont exemptés du
prélèvement de cotisations de sécurité sociale. Cette exonération est toutefois subordonnée au
respect d’un certain nombre d’exigences bien précises. :
- Cela doit être prévu par une CCL et
- L’octroi de ces chèques ne peut pas venir en remplacement pur et simple du salaire.
Sans ces conditions remplies, ils sont considérés comme de la rémunération et donc soumis au
paiement de cotisations. L’exonération des titres-repas a été suivie, là aussi moyennant le

53
respect d’un certain nombre de conditions, similaires, par celle des chèques sport-culture29,
puis des écochèques.

• Les voitures de société (art. 19, §2, 15°)


En Belgique, une voiture sur deux en circulation est une voiture de société. A certaines
conditions, les voitures de société sont exemptées de cotisations sociales ordinaires. Cette
cotisation varie en fonction du taux d’émission de CO2 de la voiture. Cela représente un manque
à gagner colossal pour la sécurité sociale car beaucoup de travailleurs bénéficient d’une voiture
de société.
Comme on le verra plus loin, une cotisation dite spéciale est toutefois due sur les voitures de
société, qui est fonction de leur caractère plus ou moins polluant, de sorte que l’exonération est
en réalité seulement partielle. L’avantage n’en reste pas moins particulièrement significatif.
C’est du reste là l’une des principales explications de la proportion extrêmement élevée de
voitures de société en circulation en Belgique. Certains y voient jusqu’à un « acquis social ».
D’autres dénoncent au contraire un manque à gagner important pour la sécurité sociale, de
surcroît injuste sur le plan social et dommageable sur le plan environnemental, dans la mesure
où le système bénéficie principalement aux revenus supérieurs tout en contribuant
substantiellement à encombrer les routes.
A ces sommes et avantages exonérés, on ajoutera encore, mais parmi bien d’autres, les
indemnités pour licenciement manifestement déraisonnable – elles ne rémunèrent pas une
prestation mais réparent un préjudice –, les outils et vêtements de travail, le remboursement des
cotisations d’affiliation à une organisation syndicale, les cadeaux ne dépassant pas une certaine
valeur, les indemnités kilométriques pour les déplacements à bicyclette entre le domicile et le
lieu de travail, les versements effectués par un employeur en vue d’allouer aux membres de son
personnel des avantages complémentaires en matière de vieillesse ou de santé, etc.
Les cotisations sont de deux types.
b) Cotisations ordinaires vs cotisations spéciales
1) Les cotisations ordinaires
Ce sont de loin les plus importantes, celles dont on va parler essentiellement. Une cotisation
ordinaire est une cotisation prélevée sur la rémunération de tous les travailleurs assujettis à la
sécurité sociale des salariés et servent à alimenter les différentes branches de sécurité sociale.
En matière d’assujettissement, on a vu que tous les travailleurs et employeurs liés par un contrat
de travail sont assujettis. On a donc deux parties :
- Les cotisations personnelles, à charge des travailleurs

- Les cotisations patronales, à charge des employeurs


Le taux des cotisations personnelles s’élève à 13,07% de la rémunération brute, tandis que celui
des cotisations patronales s’élève à 24,92%. Au total, le taux des cotisations ordinaires est donc
de 37,99%. Comme on le verra plus loin, il existe cependant de nombreuses mesures de

54
réductions des cotisations, en raison desquelles le taux effectif des cotisations est largement
inférieur à ce taux nominal.
Le salaire brut (brutoloon) diminué des cotisations personnelles est le revenu imposable
(belastbaar inkomen), c’est-à-dire celui qui va être soumis à l’impôt Camelia sur le revenu par
2021-10-27 14:25:12
l’administration fiscale. Après le prélèvement de l’impôt des personnes physiques par le fisc,
--------------------------------------------
le travailleur disposera de son revenu net, ou salaire-poche. Dans Exemple
l’autre direction,
: - parmi lesle salaire
exceptions au principe
brut augmenté des cotisations patronales est le coût salarial (loonkost), soit la somme totale àjobistes). Mais
e
dl'assujettisement ( étudiants
les étudiants ont un plafonds et tant qu'ils ne
charge de l’employeur. Partant, on notera que le salaire brut, qui constitue toujourspas
le dépassement le point
= pas de
référence en sécurité sociale, est en réalité une notion théoriqued'assujetissement.
: c’est un montant Mais ilque,
existe par contre
une cotisation
concrètement, personne ne perçoit et que personne ne paie. Le travailleur touche son revenuspéciale qui est la cotisation
de solidarité même s'il reste en dessous du
net, tandis que l’employeur, lui, doit s’acquitter du coût salarial total.
plafond. En partie à charge du jobiste et en
partie à charge de l'employeur. - Les
La législation contient toujours des taux de cotisation propres à chacune dessociétés
voitures de branches
fontde la de l'assiette
parti
de cotisation
sécurité sociale. C’est un héritage du fait que jusqu’au milieu des années 1990,ordinaire maisle
ainsi qu’on il y a tout de
même une partie de cotisation spéciale
verra dans le chapitre consacré à l’organisation administrative prélevée
de la sécurité
dessus sociale,
(varie en les
fonction du
ressources parafiscales étaient affectées à chaque branche en fonction du taux
caractère sectoriel
polluant inscrit
du véhicule).
dans la loi : tel pourcentage allait au secteur chômage, tel autre au secteur des pensions, etc.
Aujourd’hui, ces taux spécifiques à chaque secteur n’importent plus, dans la mesure où les
cotisations sont dites globalisées, sauf dans le cas des assujettissements partiels à la sécurité
sociale, car dans ces hypothèses il y a lieu de soustraire du taux total des cotisations ordinaires
normalement dues le pourcentage propre aux différentes branches qui ne sont pas d’application.
Il convient encore de préciser que pour les travailleurs qui ont le statut d’ouvrier, les cotisations
sont calculées sur la rémunération brute majorée de 8%, en raison de ce qu’à la différence des
employés, les ouvriers reçoivent leur pécule de vacance non pas directement de leur employeur
mais de l’Office national des vacances annuelles, qui est une institution publique de sécurité
sociale. Au lieu d’être versé directement par l’employeur, le pécule est donc financé par la
perception des cotisations sur une base égale à 108% de la rémunération brute. On notera que
ce système est vraisemblablement appelé à disparaître à terme, dans le cadre de l’harmonisation
des statuts ouvrier et employé.
2) Les cotisations spéciales
Contrairement aux cotisations ordinaires, les cotisations spéciales (bijzondere bijdragen), dont
le poids est beaucoup moins significatif, ne frappent que certaines catégories de travailleurs ou
d’employeurs, ou sont affectées au financement d’un dispositif bien précis, ne relevant du reste
pas nécessairement de la sécurité sociale. Ces cotisations sont nombreuses, mais il est
simplement important de savoir que ça existe.
C’est en raison de ce qu’elles ne visent que certaines catégories d’assujettis ou de ce qu’elles
sont pré-affectées que ces cotisations sont dites spéciales.
Les cotisations spéciales sont nombreuses, assez hétéroclites et régulièrement modifiées. En
outre, leurs bases légales sont dispersées à différents endroits de la législation. Parmi bien
d’autres, on peut mentionner les cotisations suivantes à titre exemplatif :

55
- Une cotisation de solidarité de 8,13%, répartie entre l’employeur (5,42%) et le
travailleur (2,71%), est due pour l’occupation d’étudiants non assujettis à la
sécurité sociale, c’est-à-dire qui n’excède pas 475 heures de travail par année
civile ;
- Une cotisation de solidarité forfaitaire est due par l’employeur qui met à la
disposition de ses travailleurs une voiture de société pour un usage autre que
strictement professionnel, dont le montant varie en fonction du taux d’émission
de CO2 du véhicule et du type de carburant utilisé ;
- Une cotisation, dite DECAVA, dont le pourcentage, régulièrement augmenté,
varie en fonction de l’âge du travailleur, est due par l’employeur sur les
indemnités complémentaires versées à ses travailleurs licenciés dans le cadre du
régime de chômage avec complément d’entreprise (ex-prépension) ;
- Une cotisation de 8,86% est due par l’employeur sur tous les versements
effectués en vue d’allouer aux membres de son personnel ou à leurs ayants droit
des avantages extra-légaux en matière de retraite ou de décès prématuré ;
- Une cotisation de sécurité d’existence, dont le taux varie selon les secteurs
d’activité, est due par l’employeur qui relève d’une commission paritaire au sein
de laquelle un fonds de sécurité d’existence a été institué, afin de financer les
primes et avantages octroyés par ce fonds ;
- Une cotisation de 0,01% est due par l’employeur sur la rémunération de ses
travailleurs assujettis pour financer le Fonds d’indemnisation des victimes de
l’amiante.
Même si, par leur taux et leur assiette, les cotisations spéciales relèvent d’ordres de grandeur
nettement inférieurs à ceux des cotisations ordinaires, il importe de ne pas les négliger, dans la
mesure où, cumulées, elles pèsent sur le coût du travail d’une manière qui n’est pas négligeable.
Cumulées aux cotisations ordinaires patronales, elles portent les charges patronales à un taux
nominal total – nominal, et non effectif, encore une fois – d’approximativement 33%. Le coût
salarial total s’élève donc, théoriquement en tout cas, à 133% à peu près du salaire brut.
c) Perception des cotisations
C’est l’Office national de sécurité sociale qui est chargé de la perception (inning) des cotisations
– ordinaires et spéciales – dans le régime des salariés.
Camelia
Le système en vigueur en Belgique depuis 1944 est un système
2021-10-27 12:26:22de retenue à la source par
--------------------------------------------
l’employeur et versement à l’ONSS (loi du 27 juin 1969, art. 23, §1er). En tant que travailleur,
1944 : création de l'ONSS
on ne doit pas verser de l’argent dans chaque branche de la sécurité sociale. Cela signifie que
la part des cotisations à charge du travailleur doit être retenue sur le salaire brut par l’employeur,
Camelia
qui doit ensuite y ajouter la part des cotisations dont
2021-10-27 il est redevable, puis verser le tout à
14:27:18
--------------------------------------------
l’ONSS. Partant, le travailleur n’a aucune responsabilité dans le prélèvement et le versement
"dont il est redevable" = cotisation
des cotisations : c’est l’employeur qui en estpatronales
l’unique débiteur et c’est auprès de lui seul que
l’Office est susceptible d’opérer un recouvrement, quelle que soit la part des cotisations en
cause. De tout ceci, il découle que, concrètement, le travailleur ne touche jamais son salaire
brut mais seulement son revenu imposable, c’est-à-dire son salaire brut déjà diminué de toutes
les cotisations dues. Le revenu imposable est celui qui va être soumis par le fisc à l’impôt sur

56
les revenus. Et encore faut-il nuancer, dans la mesure où, sur le plan fiscal, un précompte
professionnel est également retenu à la source. Si ce précompte est égal à ou du moins proche
de l’impôt qui sera finalement dû, le montant perçu par le travailleur sera (quasiment) son
revenu net, ou salaire-poche.
Les employeurs sont tenus de respecter différentes obligations, afin de permettre à l’ONSS
d’accomplir efficacement sa mission de collecter et centraliser toutes les cotisations dues.
La première obligation impartie aux employeurs est de s’immatriculer après de l’Office. Tous
les employeurs assujettis au régime des salariés doivent donc disposer d’un numéro
d’immatriculation.
La seconde est de déclarer toute entrée en service d’un travailleur assujetti à la sécurité sociale
des salariés, et toute sortie de service. Cette déclaration s’appelle la DIMONA (déclaration
immédiate de l’emploi/onmiddellijke aangifte van tewerkstelling). Elle se fait par voie
informatique, par le biais d’une application en ligne. Grâce à elle, l’ONSS est théoriquement
informé de l’existence de toutes les relations de travail assujetties au régime de sécurité sociale
des travailleurs salariés – y compris celles qui ne font pas l’objet d’un contrat de travail mais
qui bénéficient, sous l’angle de l’assujettissement, d’une assimilation. Si l’employeur a omis
d’effectuer la DIMONA, et donc n’a pas déclaré un travailleur, l’ONSS prélève d’office une
cotisation spéciale égale à trois fois le montant des cotisations ordinaires dues sur une base
forfaitaire fixée au niveau du revenu minimum mensuel moyen.
Ensuite, tous les trimestres, l’employeur doit envoyer une déclaration contenant le nombre
d’heures de travail et la rémunération. Cette déclaration est la DmfA, Déclaration
multifonctionnelle/multifunctionele Aangifte (loi du 27 juin 1969, art. 21). A la fin de chaque
Camelia
trimestre, les cotisations doivent être payées (loi du 27 juin 1969, art. 23, §2).14:29:53
2021-10-27
--------------------------------------------
Cette déclaration est elle aussi transmise à l’Office par voie électronique,
EN fonction pardelecebiais d’une
qui est délcarée dans la
Dmfa
application en ligne. Conformément à un modèle arrêté par l’ONSS lui-même, elle contient
l’identité des travailleurs occupés durant le trimestre échu, le nombre de journées de travail qui
Camelia
ont été prestées, les rémunérations versées, etc. C’est sur la 2021-10-27
base de 14:30:37
cette déclaration
--------------------------------------------
trimestrielle que le montant précis des cotisations à payer est établi. La déclaration est dite «
Employeur peut faire appel à un secrétariat
multifonctionnelle », car c’est aussi à partir des informations il quiqu’elle
soca contient que,
sera l'intermédiaire entre lui et l'ONSS
ultérieurement, les institutions de sécurité sociale pourront vérifier l’admissibilité d’un
travailleur à une prestation sociale ou calculer le montant de cette prestation. En l’absence de
déclaration trimestrielle, ou en cas de déclaration incomplète ou inexacte, l’ONSS établit
d’office le montant des cotisations, sur la base des éléments d’information dont il dispose ou
qu’il recueille.
Enfin, les cotisations proprement dites doivent être payées à l’ONSS au plus tard le dernier jour
du mois qui suit le trimestre échu. Le non-paiement des cotisations sociales est constitutif d’une
infraction pénale dans le chef de l’employeur.
Il faut noter que les employeurs peuvent confier à un secrétariat social la mission d’établir les
différentes déclarations et formalités requises et de verser les cotisations en leur nom et pour
leur compte. Les secrétariats sociaux sont des ASBL constituées par les organisations

57
patronales. Ils doivent être agréés par le ministre des Affaires sociales. Il en existe une trentaine.
En pratique, beaucoup d’employeurs font appel à leurs services. Les secrétariats sociaux
disposent de délais supplémentaires pour accomplir les formalités requises et procéder au
paiement des cotisations.
d) Le déplafonnement des salaires et son enjeu
On a vu que les cotisations
Camelia
sociales sont prélevées sur la rémunération salariale. Il est important
de préciser que la rémunération
2021-10-27 14:31:39 servant de base au calcul des cotisations n’est pas plafonnée,
--------------------------------------------
ce qui signifie que les salaires sont soumis à cotisations dans leur intégralité. Il n’en a pas
Plus le salaire est élevée, plus la cotisation
toujours été ainsi.socaielYest
revenir
élevéepermet de mieux comprendre le type d’imposition qui prévaut dans
le régime général et, par contraste, celui qui est en vigueur dans le régime des travailleurs
indépendants. Dans ce second régime, le revenu pris en compte pour le calcul des cotisations
est en effet toujours plafonné. Il s’agit d’un enjeu majeur en termes de justice redistributive.
Chez les indépendants, il y a d’ailleurs toujours un plafond. Les critiques que suscitaient le
plafond dans le système des travailleurs salariés subsistent pour les indépendants. Jusqu’au
début des années 1980, le salaire qui servait de base au calcul des cotisations sociales n’était
pris en considération, dans le régime des travailleurs salariés, que dans les limites de plafonds
fixés par la loi. Autrement dit, la partie de la rémunération salariale qui dépassait un certain
montant, propre à chaque branche, était exonérée de toute cotisation. Ce plafonnement de la
rémunération prise en compte s’expliquait par la volonté de respecter une certaine symétrie
entre l’assiette des cotisations et la base de calcul des prestations. Mais il a fini par être critiqué,
parce qu’il avait pour effet de rendre la parafiscalité dégressive.
La fiscalité des revenus professionnels (impôt des personnes physiques – IPP) est une
imposition progressive. Cela veut dire qu’au fur et à mesure qu’on s’élève dans les tranches
Camelia
d’imposition, on a un taux qui grandit. Plus le revenu est important2021-10-27
plus le 14:35:45
taux d’imposition
--------------------------------------------
est élevé. Le pourcentage de l’impôt croît ainsi de 25 à 50%, en passant par les taux
Ne pas oublier !! c'est une imposition sur
intermédiaires de 40 et 45%, chaque taux s’appliquant à une tranchechaqud’imposition,
etranche! c’est-à-dire
à la partie du revenu annuel imposable qui se situe entre deux montants déterminés. Sur la
tranche du revenu total qui se situe en-dessous d’un premier seuil, le barème d’imposition est
de 25% ; sur la tranche qui se situe entre ce premier seuil et le second, le barème grimpe à 40%
; et ainsi de suite, jusqu’à parvenir au taux maximal de 50%, qui frappe la partie du revenu
annuel excédant le dernier seuil – et jamais l’ensemble du revenu, contrairement à ce que l’on
entend parfois dire. Autrement dit, plus les revenus sont élevés, plus le contribuable est mis à
contribution. C’est en cela que l’impôt des personnes physiques est un impôt progressif. Cette
progressivité est justifiée par le fait que plus le revenu élevé, plus une part importante de celui-
ci peut être affectée à des fins autres que la satisfaction des besoins vitaux.
La parafiscalité des revenus professionnels (cotisations sociales) est une imposition linéaire,
depuis le début des années 1980, dans la mesure où le taux des cotisations sociales est constant.
Il s’agit en effet d’un pourcentage fixe, qui ne varie pas en fonction de l’importance du revenu
– de la rémunération salariale, dans le régime général. Quelle que soit l’importance du revenu
on est toujours imposé à x %.

58
Mais lorsque les salaires pris en considération pour le calcul des cotisations sociales étaient
plafonnés, la parafiscalité n’était en réalité pas tout à fait linéaire. Pour les travailleurs dont la
rémunération était supérieure au plafond, cette parafiscalité était en fait dégressive, c’est-à-dire
entraînait une charge qui diminuait en proportion des revenus, puisqu’au-delà d’un certain seuil,
plus aucune cotisation n’était prélevée. Pour une personne dont la rémunération dépassait le
plafond, le taux d’imposition réel était donc nécessairement moindre que le taux théorique,
puisque ce taux théorique, ou nominal, ne s’appliquait que sur la partie de la rémunération
inférieure au plafond. Partant, plus le montant excédant le plafond, et à ce titre exonéré de
cotisations sociales, était important, plus le taux réel des cotisations diminuait. Il en découle
qu’en termes relatifs, plus le salaire était élevé, moins on était mis à contribution. Il en résultait
un élargissement de l’éventail des salaires nets par rapport à celui des salaires bruts, et donc
une accentuation des inégalités entre catégories de salariés. Pour cette raison, les cotisations
sociales étaient taxées par certains de cotisations « a-sociales », ou « anti-sociales ».
C’est à partir de la fin des années 1970 que le plafonnement a fini par être progressivement
démantelé, du moins dans le régime général, jusqu’à être totalement supprimé en 1982, par le
biais d’une modification par arrêté royal de pouvoirs spéciaux de la loi établissant les principes
généraux. A l’époque, ce déplafonnement a été réalisé pas tellement sur la base de
considérations de justice redistributive mais pour accroître les recettes de la sécurité sociale,
dans le contexte de l’entrée en crise de l’Etat-providence, et en particulier de la
désindustrialisation et de l’explosion des dépenses qui s’en était suivie. Depuis, les cotisations
sociales, à défaut d’être progressives53, ont à tout le moins cessé d’être dégressives, en tout cas
dans le régime général : elles sont dues sur l’ensemble de la rémunération salariale. Au même
moment, de nombreuses mesures ont commencé à être prises pour réduire de manière sélective
les cotisations de sécurité sociale.
Avant d’y venir, on soulignera que des plafonds subsistent en revanche pour le calcul des
prestations : le taux qui permet de calculer les revenus de remplacement est toujours appliqué
sur la rémunération perdue jusqu’à concurrence d’un certain niveau. Le couplage entre le
déplafonnement des salaires pour ce qui a trait au prélèvement des cotisations, d’une part, et le
maintien de plafonds sous l’angle du mode de calcul des prestations, d’autre part, est un vecteur
de redistribution important : on contribue au financement de la sécurité sociale en fonction de
ses moyens, tandis qu’on reçoit de celle-ci non pas en proportion des cotisations versées mais
en fonction de standards déterminés.
e) Taux (nominal) des cotisations ordinaires
Cotisations personnelles : 13,07% du salaire brut + Cotisations patronales : 24,92% du salaire
brut = Taux (théorique) global : 37,99% du salaire brut
Les cotisations personnelles d’élèvent à 13,07% du salaire brut. C’est l’employeur qui enlève
les 13 ?07 du salaire et qui verse le salaire net.
La part patronale des cotisations est de 24, 92%.
Ce taux est purement nominal. En pratique, personne ne paie 38% de cotisation.
Le coût salarial s’élève à 124, 92% du salaire brut. Si on ajoute les cotisations spéciales, on
arrive à quelque chose comme 130 à 133% qui est le coût salarial total (2200E).

59
Pour le travailleur on part de la barre 100 et on enlève 13,7% ce qui amène à +/- 87%.
Attention, ceci est un exemple théorique. Les taux nominaux mentionnés doivent être complétés
par les nombreuses mesures de réduction des cotisations, de réduction de charges.
f) Les mesures de réduction des cotisations sociales
Du taux nominal au taux réel d’imposition.

Pour avoir une image correcte du jeu de la parafiscalité dans le régime général, il est essentiel
d’avoir égard aux nombreuses mesures de réduction des cotisations sociales, dites aussi mesures
de réduction des charges. C’est que si le taux nominal des cotisations, du moins des cotisations
ordinaires, n’a plus guère bougé, sinon de manière marginale, depuis longtemps, le taux réel
des cotisations lui, est devenu largement inférieur, et tend à l’être de plus en plus, en raison de
la multiplication des mesures de réduction, en particulier depuis les années 1990. La grande
majorité d’entre elles portent sur la part patronale des cotisations, théoriquement fixée à 24,92%
du salaire brut. Ces mesures relèvent d’une politique de soutien à la compétitivité.

Beaucoup de mesures ont été développées pour faire en sorte que le taux réel d’imposition soit
moindre que le taux nominal. Il existe, chez les salariés deux grands types de réduction :
- Réduction structurelle : bénéficie à tous les employeurs. Cette réduction a été
fort augmentée dans le cadre de la politique de tax-shift
Camelia du gouvernement
2021-10-27 14:53:23
Michel. La part patronale aujourd’hui ne dépasse plus jamais les 20%.
--------------------------------------------
- Réductions groupes-ciblés. Les réductions ciblées Taxsont
shift nombreuses.
: politique miseElles
en place par le
go
uv
en
reme
ntMi
c
h e
l
. Il s'agt d'un
visent certaines catégories de travailleurs ou certains secteurs d’activités. Parfoisbasculement fiscal :
diminuer le coût du travail au profit de
elles ont pour effet de gommer l’écart entre le brut d'autres
et le net.sourcesIl y end'imposition.
a plein. A De manière à
travers la liste des réductions ciblées, on voit quelles sont les catégories
ce que dans toutes lesdont le l'employeur
situations
ne paie jamais plus de 20%
législateur veut faciliter l’embauche car elle est compliquée. Ça vise les jeunes,
les travailleurs âgés, peu qualifiés et les chômeurs de longue durée.
Lors de la sixième réforme de l’état, la branche des prestations familiales a été scindées.
D’autres aspects ont également été divisées, notamment une partie des réductions ciblées de
cotisations. Il faut donc aller chercher des financements ailleurs. On va donc voir du côté de la
fiscalité, c’est ce que l’on appelle l’intervention de l’état.
1) La réduction structurelle de cotisations
La réduction structurelle (structurele vermindering) de cotisation consiste en un montant
forfaitaire par trimestre qui varie en fonction de l’importance de la rémunération du travailleur.
Fixé à un niveau de base déterminé, l’allègement est majoré à la fois pour les plus bas et les
plus hauts salaires, conformément à la double idée que les premiers sont les plus exposés au
chômage en raison de leur faible qualification moyenne, tandis que les seconds devraient être
protégés contre la concurrence internationale. En raison de l’existence de cette réduction
structurelle, qui est permanente, aucun employeur ne paie réellement 24,92% de cotisations
patronales : le taux effectif est toujours nettement moindre, en particulier aux deux extrémités
de l’échelle salariale.

60
De manière générale, il semble que, parmi les différents outils de modulation du coût du travail,
les réductions structurelles de cotisations constituent la mesure la plus efficace en termes de
création d’emplois, mais à la condition – cruciale – d’être concentrées sur les bas et les très bas
salaires, car c’est généralement pour ces travailleurs, habituellement peu qualifiés, que le coût
salarial influe le plus dans la stratégie d’embauche des employeurs. Accessoirement, pareille
concentration sur le bas de l’échelle des rémunérations a pour effet de rendre l’imposition de
facto progressive. Sous cet angle, la réduction structurelle telle qu’elle est actuellement
configurée a été critiquée pour son caractère beaucoup trop peu ciblé : réduire de manière
linéaire les cotisations de tous les travailleurs est extrêmement coûteux, tout en n’ayant
généralement pas d’impact majeur en termes de création emploi.
Dans le cadre de la politique dite de tax shift portée par le gouvernement Michel, qui entend
diminuer l’imposition du facteur travail, le législateur a progressivement accru la réduction
structurelle, de manière à ramener le taux réel des cotisations ordinaires patronales sous la barre
des 20% à partir de 2018. A nouveau, la mesure a d’ores et déjà été critiquée pour son caractère
insuffisamment sélectif : une réduction purement linéaire s’appliquant à tous les travailleurs
salariés, telle que celle opérée, aurait un effet positif sur l’emploi bien moindre qu’une réduction
concentrée sur le bas de l’échelle salariale, par ailleurs beaucoup plus à même de s’auto-
financer, grâce à son impact en termes de création d’emplois et donc de rentrées additionnelles.
De surcroît, les modalités de financement sur le long terme du tax shift ne sont pas encore
parfaitement claires.
2) Les réductions groupes-cibles de cotisations
Au contraire de la réduction structurelle, les réductions groupes-cibles
(doelgroepverminderingen) ont pour objet de faire diminuer le coût de l’embauche de
catégories déterminées de travailleurs ou de l’embauche dans un certain nombre de secteurs
d’activité ou de situations, habituellement pour une durée déterminée. En général, ces
catégories sont définies de manière à essayer d’atteindre les demandeurs d’emploi qui
éprouvent le plus de difficultés à intégrer le marché du travail, soit principalement les
demandeurs d’emploi âgés, de longue durée, jeunes ou peu qualifiés. De même, les secteurs et
les situations retenus sont ceux qui, à l’estime des autorités, justifient un soutien particulier, tels
l’horeca, la mise en place par l’employeur d’une réduction collective du temps de travail ou
l’embauche de premiers travailleurs. Les réductions ciblées de la part patronale des cotisations
de sécurité sociale permettent donc aux employeurs d’engager des travailleurs relevant des
catégories, des secteurs ou des situations bénéficiaires moyennant un coût net moindre, grâce à
une diminution des cotisations à leur charge.
Comme l’ensemble des mécanismes qui ont trait au financement de la sécurité sociale et au
coût du travail, les dispositifs constitutifs de la politique des groupes-cibles étaient réputés
former un volet de la législation sociale particulièrement touffu et disparate, en raison de
l’empilement des mesures venues se superposer les unes aux autres depuis l’éclatement de la
crise de l’emploi au début des années 1980, sans grande cohérence. Pour tenter de mettre un
semblant d’ordre dans un ensemble devenu pour le moins anarchique, une loi-programme de
2002 a fondu la plupart des dispositions instituant une réduction groupes-cibles dans un seul
texte et, par la même occasion, substantiellement réduit le nombre de réductions distinctes.

61
Jusqu’à la sixième réforme de l’Etat, toutes les mesures de réduction de cotisations étaient
intégralement fédérales. Cela s’explique par le fait que ces mesures influent directement sur le
coût du travail et que celui-ci, dans le cadre de l’union économique et monétaire interne à la
Belgique, est, ou plus exactement était, du ressort exclusif de l’autorité fédérale, seule
compétente en matière de parafiscalité. Depuis 2014, la politique des groupes-cibles est du
ressort des régions, au titre de leur compétence générale en matière d’emploi. Désormais, les
régions sont donc libres de faire ce qu’elles veulent avec les dispositifs et les enveloppes
budgétaires attenantes qui leur ont été transférés par l’autorité fédérale : elles peuvent les
maintenir en l’état comme les redéfinir, les élargir, les fusionner ou purement et simplement les
supprimer. Toutefois, toutes les réductions ciblées n’ont pas été transférées aux régions. La loi
spéciale précise en effet que les réductions de cotisations patronales régionalisées sont celles «
qui sont établies en fonction des caractéristiques propres des travailleurs », par opposition aux
réductions établies en fonction des caractéristiques propres de l’employeur ou d’un secteur
d’activités, lesquelles continuent de relever de la compétence de l’autorité fédérale.
En vertu de ce partage, dont les raisons ne sont guère explicitées dans les travaux
parlementaires, les régions ont désormais la maîtrise des budgets affectés aux réductions
relatives, notamment, aux demandeurs d’emploi de longue durée, aux jeunes faiblement
qualifiés, aux travailleurs licenciés dans le cadre d’une restructuration, aux personnes engagées
dans le statut d’agent contractuel subventionné, aux bénéficiaires de l’aide sociale mis au travail
par un CPAS dans le cadre du statut dit « article 60 », etc. En revanche, sont restées de la
compétence de l’Etat fédéral les réductions de cotisations liées, par exemple, aux premiers
engagements de travailleurs, à une réduction par l’employeur du temps de travail ou encore à
une embauche dans le secteur de l’horeca, dans la mesure où ces réductions dépendent des
caractéristiques de l’employeur ou du secteur d’activités et non du travailleur. Par exception à
cette réserve de compétence, et là aussi sans que l’on sache très bien ce qui la fonde, la loi
spéciale confie toutefois aux régions quelques réductions propres à un secteur d’activités
déterminé – principalement l’économie sociale, l’accueil d’enfants, le personnel domestique et
les artistes.
A quelle logique de fond a obéi la décision de régionaliser les réductions de cotisations établies
en fonction des caractéristiques des travailleurs mais pas celles établies en fonction des
caractéristiques de l’employeur ou d’un secteur d’activités, sauf, par exception, pour ce qui
concerne certains secteurs limitativement énumérés ? On imagine que l’issue de la négociation
n’a pas été influencée seulement par des considérations de cohérence, mais aussi par le poids
budgétaire des mesures en discussion, les uns tentant d’arracher le plus grand morceau possible,
les autres essayant de préserver un maximum les compétences fédérales. Toujours est-il que les
régions peuvent désormais moduler une part importante des réductions groupes-cibles en
fonction des réalités de leur marché de l’emploi respectif, ce qu’elles n’ont pas manqué de faire.
On notera encore qu’en vertu de la loi spéciale, l’ONSS demeure l’opérateur technique et
administratif des réductions de cotisations régionalisées : c’est lui qui continue de les mettre
concrètement en œuvre, sur la base de la réglementation propre à chaque région.
Si les mesures de réduction des cotisations ont pour effet de diminuer, et parfois très
substantiellement, les coûts salariaux, ces mesures ne réduisent en revanche pas, sauf

62
éventuellement en matière de chômage, les dépenses de la sécurité sociale. C’est pourquoi
l’intervention de l’Etat dans le financement de la sécurité sociale n’a pas cessé d’augmenter à
mesure que croissait le manque-à-gagner causé par la multiplication des exonérations de
charges.

2. L’intervention de l’Etat
L’intervention de l’Etat (overheidstussenkomst) complète le financement par voie de cotisations
sociales. Sa part relative est en croissance continue depuis le début des années 1990. A mesure
qu’elle augmente, le financement de la sécurité sociale poursuit son mouvement de fiscalisation,
et donc d’élargissement de sa base.
Ce que l’on qualifie de manière générique d’intervention de l’Etat amalgame en réalité des
ressources fiscales très diverses. Il s’agit du reste d’un mode de financement qui est plus ou
moins redistributif selon le type de prélèvement concerné : toutes les ressources fiscales ne
présentent pas le même degré de redistributivité, loin de là. Plus précisément, on distingue au
sein de l’intervention de l’Etat deux grand volets : d’une part, la subvention annuelle de l’Etat
fédéral à la sécurité sociale (a) ; de l’autre, ce que l’on appelle le financement alternatif de la
sécurité sociale (b). C’est surtout ce second poste qui occupe une place de plus en plus
significative.
a) La subvention annuelle de l’Etat fédéral = dotation à charge du budget général de l’Etat
fédéral
La subvention de l’Etat proprement dite consiste en une dotation annuelle à charge du budget
général des dépenses de l’Etat fédéral. Il s’agit d’une enveloppe versée chaque année au régime
de sécurité sociale des salariés. C’est donc une forme de solidarité nationale.
Théoriquement, le montant de cette subvention devait être établi en fonction de critères fixés
par la loi du 29 juin 1981 établissant les principes généraux de la sécurité sociale. Ces critères
devaient permettre de neutraliser le déficit causé par l’explosion des dépenses consécutive à
l’entrée dans la crise et l’insuffisance des recettes provenant des cotisations. Mais ils ont été
très vite abandonnés, des dispositions ponctuelles y dérogeant presque chaque année afin de
limiter la croissance de la subvention, jugée intenable. Il faut dire qu’entre le début des années
1970 et le début des années 1980, la part de la subvention dans le financement de la sécurité
sociale était passée de 20 à plus de 40%. Finalement, les critères ont été remplacés, au début
des années 1990, par un montant fixe, qui est indexé mais a été raboté à de nombreuses reprises.
Aujourd’hui, la subvention annuelle ne représente plus qu’à peu près 10% des recettes de la
sécurité sociale des travailleurs salariés.
Dans la mesure où les impôts directs constituent la principale source de financement du budget
général de l’Etat fédéral, la subvention annuelle à la sécurité sociale est globalement financée
de manière progressive.
b) Le financement alternatif = recettes fiscales prélevées principalement sur la
consommation, qui sont spécifiquement affectées au financement de la sécurité sociale
Le financement dit alternatif (alternatieve financiering) de la sécurité sociale est venu
compenser la multiplication des exonérations d’avantages extra-légaux et des réductions de
cotisations sociales, lesquelles ont été encore accrues à l’occasion du tax shift, ainsi que les

63
baisses répétées de la dotation annuelle de l’Etat. Il est constitué par l’addition de différentes
recettes fiscales, qui ont en commun, du moins pour les plus significatives d’entre elles, de ne
pas frapper les rémunérations mais la consommation. Devenu particulièrement complexe au fil
du temps, il a été fortement simplifié en 2017.
Sur le plan des masses financières, le financement alternatif comprend principalement une
partie du produit de la TVA, des accises et du précompte mobilier. Il s’agit donc
essentiellement, à l’exception de ce dernier, de fiscalité indirecte. Apparu au début des années
1980, le financement alternatif représentait à la veille de la sixième réforme de l’État près de
25% des ressources du régime général. Depuis, cette part a diminué, mais il s’agit là d’une
évolution en trompe l’œil, dans la mesure où il faut en réalité ajouter au financement alternatif
actuel les dotations fiscales transférées par l’État fédéral aux communautés et aux régions pour
leur permettre de financer les dispositifs de protection sociale défédéralisés si l’on veut disposer
d’une vue complète de la situation.
La montée en puissance du financement alternatif permet d’alléger l’imposition du facteur
travail, en reportant une partie de la charge vers la consommation et l’épargne, et d’ainsi élargir
la base de financement de la sécurité sociale, puisque toute la population consomme – et, dans
une moindre mesure, épargne – et pas uniquement les travailleurs et les employeurs. Mais en
contrepartie, la fiscalité indirecte, singulièrement la TVA, est réputée être moins juste que la
fiscalité des revenus professionnels, dans la mesure où elle frappe tous les contribuables de la
même manière, y compris pour l’acquisition de biens de première nécessité comme l’énergie
ou l’alimentation. Pour sa part, le précompte mobilier est linéaire.
C’est ça qui s’est très fort développé ces dernières années. On impose lourdement dans notre
pays le facteur travail alors que la sécurité sociale bénéficie à l’entièreté de la population.
Presque tout le monde est consommateur. Le principal poste dans le financement alternatif c’est
la TVA.
Exemples : TVA, accises

Section 3 – Le financement du régime des travailleurs indépendants


Tout comme le régime général, le régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants est
financé au moyen de deux sources distinctes : les cotisations sociales, d’une part (1), et
l’intervention de l’Etat, de l’autre (2). Dans ce régime aussi, la parafiscalité représente à peu
près les deux tiers des recettes, pour un tiers provenant de la fiscalité. Mais au-delà de cette
apparente proximité, les différences entre les deux régimes sur le plan du mode de financement
sont en réalité considérables. Il en résulte que globalement, le statut social des indépendants est
marqué par une solidarité entre travailleurs beaucoup moins grande que le régime de sécurité
sociale général.

1. Les cotisations sociales


C’est au niveau du mode de calcul des cotisations sociales que les différences entre les deux
régimes sont les plus marquées, à commencer par le fait que les cotisations sont ici prises en
charge par le travailleur seul, puisque, par hypothèse, il n’a pas d’employeur. De manière
générale, ce mode de calcul est assez peu favorable aux « petits » indépendants, tandis que, à
l’inverse, il avantage nettement les « gros » indépendants.

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La matière est réglée par l’arrêté royal n° 38 organisant le statut social des travailleurs
indépendants.
a) Définition et base de calcul
Dans le statut social des indépendants, les cotisations consistent en un pourcentage des revenus
professionnels.
Le texte de base ici est l’arrêté royal n°38. L’article 11, §2, alinéa 1er de l’arrêté-royal n° 38 du
27 juillet 1967 renvoie à la législation fiscale. De ce jeu de piste, il découle que le revenu
professionnel représente tous les bénéfices et tous les profits réalisés par un indépendant dans
le cadre d’une activité professionnelle assujettie.

Les revenus servant de base au calcul du prélèvement sont les revenus professionnels bruts,
diminués des frais professionnels et des éventuelles pertes professionnelles, dont l’intéressé a
bénéficié en tant que travailleur assujetti au régime de sécurité sociale des indépendants. Ces
revenus, frais et pertes sont définis par renvoi à la législation fiscale : il s’agit donc des revenus
que le Code des impôts sur les revenus qualifie de revenus professionnels, le même code réglant
par ailleurs les modalités de comptabilisation des frais et des pertes professionnels. De ce
renvoi, il résulte que les revenus professionnels englobent principalement les bénéfices réalisés
dans le cadre d’une entreprise commerciale ou agricole, les profits réalisés dans le cadre d’une
profession libérale et les rémunérations d’administrateur ou de gérant de sociétés. Tous les
bénéfices, profits et rémunérations perçus pour une activité assujettie au statut social des
travailleurs indépendants sont donc soumis, après déduction des frais professionnels, et des
éventuelles pertes, à cotisation.
Le renvoi à la législation fiscale conduit aussi à ce que, s’agissant des travailleurs indépendants
assujettis en tant que conjoint aidant, les revenus professionnels pris en compte pour le calcul
des cotisations sont ceux qui sont fiscalement attribués à celui-ci, l’indépendant aidé déduisant,
quant à lui, cette quote-part de son revenu professionnel propre.
La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que l’Institut national d’assurances sociales
pour travailleurs indépendants (INASTI) – qui est un peu l’équivalent, dans le régime des
indépendants, de l’ONSS –, les caisses d’assurances sociales pour travailleurs indépendants et
les juridictions du travail sont liées par les décisions prises par l’administration fiscale quant à
la qualification et au montant des revenus professionnels retenus. En cas de doute ou de litige
concernant le calcul des cotisations dues par le travailleur indépendant, ni les institutions de
sécurité sociale ni le juge du travail ne peuvent donc remettre en cause la base de calcul telle
que celle-ci a été arrêtée par le fisc. A la suite des arrêts en ce sens rendus par la Cour de
cassation, la législation a été complétée de manière à prévoir expressément que les revenus
professionnels sur la base desquels les cotisations sont établies sont ceux communiqués par
l’Administration de la fiscalité des entreprises et des revenus (AFER) du SPF Finances, qui a
pour tâche de fournir à l’INASTI tous les renseignements nécessaires pour permettre le calcul
des cotisations.

65
On n’opère pas de distinction entre cotisations ordinaires et personnelles. On n’a pas deux
personnes assujetties. L’indépendant est le seul à être assujetti à la sécurité sociale des
indépendants. Il est le seul à porter le poids des cotisations.
b) Perception des cotisations
Il n’y a pas ici de retenue à la source puisqu’il n’y a pas d’employeur qui pourrait retirer,
prélever une partie du revenu professionnel brut de l’indépendant. C’est l’indépendant qui doit
relever ses cotisations sociales sur son propre salaire.
Les cotisations sont dues par le travailleur indépendant lui-même. Par hypothèse, on ne
distingue pas entre cotisations patronales et cotisations personnelles, puisque la charge
parafiscale pèse sur les épaules de l’indépendant seul. Par ailleurs et surtout, il n’existe pas,
dans le statut social des travailleurs indépendants, de retenue à la source. Partant, les cotisations
sociales doivent être payées par l’assujetti après coup, sur la base de ses revenus professionnels
bruts – diminués des frais et pertes. C’est une différence majeure par rapport à la situation qui
prévaut dans le régime de sécurité sociale générale. Il en découle que l’indépendant ressent
beaucoup plus que le salarié le poids de la parafiscalité, puisqu’il touche d’abord l’entièreté de
son revenu brut avant de devoir en soustraire lui-même les cotisations sociales, là où le second
perçoit en revanche directement un revenu pratiquement égal à son salaire-poche.
Tous les trimestres (AR n° 38, art. 15, §1er, al. 1er), les indépendants doivent procéder au
versement des cotisations aux caisses d’assurances sociales pour travailleurs indépendants (AR
n° 38, art. 15, §1 er, al. 1er), qui les transfèrent à l’INASTI. Les cotisations sont perçues par la
caisse d’assurances sociales pour travailleurs indépendants à laquelle l’assujetti est affilié.
Comme on le verra dans le chapitre suivant, tout travailleur assujetti au régime de sécurité
sociale des indépendants est tenu de s’affilier, avant le début de son activité professionnelle, à
une caisse d’assurances sociales pour travailleurs indépendant, celle de son choix. Les caisses
sont chargées de transférer les cotisations perçues à l’INASTI.
Comme dans le régime de sécurité sociale général, les cotisations (provisoires) sont dues tous
les trimestres. Elles sont donc payées par quart, puisqu’elles sont établies sur une base annuelle.
Elles doivent être versées à la caisse d’assurances sociales, qui doit envoyer à l’assujetti un avis
d’échéance, au plus tard le dernier jour du trimestre auquel elles se rapportent. A la suite de la
régularisation, la caisse établit un décompte et, selon le cas, réclame un complément de
cotisation ou rembourse le trop-perçu.
On notera qu’en plus de leurs cotisations sociales, les travailleurs indépendants sont redevables
d’une participation aux frais de gestion de la caisse d’assurances sociales à laquelle ils sont
affiliés. Cette participation est destinée à couvrir les frais de fonctionnement de la caisse. Le
taux de la cotisation est fixé chaque année par arrêté ministériel, sur proposition de chaque
caisse pour ce qui la concerne. En pratique, ce taux varie dans une fourchette qui va grosso
modo de 3 à 4,5%, prélevé sur les cotisations sociales légales.
c) Année de référence
Les revenus des indépendants sont très souvent fluctuants et irréguliers. Le calcul se fait sur la
base des revenus gagnés sur l’ensemble d’une année civile. La question ici est de savoir quelle

66
est l’année qui sert de référence ? Le système a connu une évolution très importante sous le
gouvernement Di Rupo.
Cela étant, les revenus professionnels annuels de l’indépendant ne sont pas immédiatement
connus. Dans l’absolu, on pourrait imaginer qu’ils le soient, ou du moins rapidement, par la
mise en place d’un système de déclaration périodique, calqué sur celui en vigueur dans le
régime des travailleurs salariés, par lequel l’indépendant déclarerait à la sécurité sociale, par
exemple au terme de chaque trimestre, les revenus gagnés au cours de la période écoulée. Lors
de la mise en place du statut social des indépendants, dans les années 1960, les organisations
représentatives des travailleurs indépendants se sont opposées à la mise en place d’une charge
administrative additionnelle de ce type. Par conséquent, la sécurité sociale utilise comme base
de référence, on vient de le voir, le revenu professionnel annuel tel que celui-ci est fixé par
l’administration fiscale en vue du calcul de l’impôt sur les revenus. C’est en effet le seul point
de référence utilisable, et qui présente l’avantage d’être définitif.
Les données fiscales ne sont cependant connues qu’avec un certain retard par rapport à l’année
en cours. Le décalage est de deux ans au moins : la déclaration d’impôt doit être rentrée dans
l’année qui suit une année déterminée, et une année supplémentaire est nécessaire pour que
toutes les données puissent être vérifiées et le montant de l’impôt établi, après quoi ce dernier
doit encore être communiqué par le fisc à l’INATI. En raison de la mobilisation de l’assiette
fiscale comme point de référence, les cotisations sont déterminées sur la base de revenus qui ne
correspondent plus nécessairement aux revenus gagnés au moment du paiement. Ce décalage
peut être à l’origine de difficultés importantes, particulièrement pour les travailleurs
indépendants dont les revenus ont entretemps sensiblement diminué. A l’occasion d’une
importante réforme adoptée en 2013, le législateur a tenté de remédier à ce problème, bien
connu des indépendants, en réduisant l’écart entre l’année dite de référence (referentiejaar),
c’est-à-dire celle sur la base des revenus de laquelle les cotisations sont calculées, et l’année en
cours, ou année de cotisation, soit celle durant laquelle les cotisations doivent être payées.
Toutefois, cet effort est entravé par la persistance de la référence aux données fiscales, en raison
de laquelle un certain décalage va toujours demeurer.
Jusqu’à cette réforme, les cotisations sociales étaient calculées sur les revenus professionnels
perçus au cours de la troisième année précédant celle pour laquelle les cotisations étaient dues.
On remontait donc trois années en arrière, parce que ce n’est qu’à ce moment-là que l’INASTI
et les caisses d’assurances sociales disposent d’une base de calcul certaine, celle définitivement
établie par l’administration fiscale.

Ancien système : calcul des cotisations = sur la base des revenus professionnels afférents à
l’exercice d’imposition dont le millésime désigne la deuxième année civile précédant
immédiatement celle au cours de laquelle les cotisations sont dues (année N-3).
On est en 2019, il fallait payer des cotisations calculées sur la base de l’année 2016. On
remontait trois ans en arrière car c’est seulement à ce moment-là qu’on connait les données
fiscales avec certitude. Cela posait problème pour les indépendants dont les revenus avaient
connu une variation importante.
Depuis le 1er janvier 2015 et l’entrée en vigueur de la réforme évoquée, l’année de référence
est, théoriquement en tout cas, l’année en cours. En vue d’établir un rapport plus étroit entre le

67
montant des cotisations dues et la réalité économique de l’indépendant, les cotisations sociales
sont calculées sur la base des revenus perçus au cours de l’année à laquelle elles se rapportent.
La réglementation dispose en effet que « le calcul des cotisations dues pour une année
déterminée (…) se fait sur la base des revenus professionnels (…) afférents à l’exercice
d’imposition dont le millésime désigne l’année civile suivant immédiatement celle pour
laquelle les cotisations sont dues ». L’année 2019, par exemple, correspond à l’exercice
d’imposition 2020 sur le plan de la fiscalité. Cet exercice d’imposition est bien celui « dont le
millésime désigne l’année civile suivant immédiatement » 2019, désormais à la fois année de
cotisation et année de référence.

L’alignement de principe de l’année de référence sur l’année en cours n’a toutefois pas fait
disparaître la difficulté technique que l’assiette des cotisations n’est pas encore connue avec
certitude au moment du paiement. Partant, le travailleur indépendant doit payer des cotisations
provisoires, qui feront ultérieurement l’objet d’une régularisation. Par défaut, le montant des
cotisations provisoires est établi par la caisse d’assurance sociale en fonction des revenus
professionnels perçus au cours de la troisième année antérieure (année N-3)81. Mais puisque
l’objectif de la réglementation est de faire en sorte que les cotisations soient le plus en phase
possible avec la situation actuelle de l’indépendant, celui-ci peut demander que le montant de
sa cotisation provisoire soit augmenté ou, à l’inverse, diminué.
Pratiquement, le travailleur indépendant dispose de trois possibilités, ce dont sa caisse doit
l’informer.
- Soit il paie le montant de la cotisation provisoire qui lui est proposé par sa caisse,
établi sur la base des revenus relatifs à la troisième année antérieure. C’est le
choix qui s’impose a priori lorsque ses revenus n’ont pas connu de variation
significative.
- Soit le travailleur indépendant, à condition qu’il n’ait pas de dettes de
cotisations, paie volontairement des cotisations provisoires d’un montant plus
élevé que celui qui lui est proposé par défaut. Cette possibilité est destinée à
permettre à l’indépendant dont les revenus sont en nette augmentation de se
prémunir d’une régularisation à la hausse trop marquée au moment du calcul du
montant définitif.
- Soit, enfin, l’indépendant demande à sa caisse, et obtient d’elle l’autorisation,
de payer des cotisations d’un montant moins élevé que celui qui lui est proposé.
Cette possibilité est toutefois soumise à des conditions relativement strictes. La
caisse d’assurance sociale ne peut en effet délivrer l’autorisation de verser une
cotisation provisoire réduite que « sur la base d’éléments objectifs » démontrant
que les revenus de l’année en cours seront inférieurs à certains seuils. Les
éléments objectifs évoqués ne sont pas définis par la réglementation, si ce n’est
qu’il doit s’agir d’éléments « qui ont un impact direct sur le niveau des revenus
professionnels». Du formulaire de demande qui a été établi par arrêté ministériel,
il ressort seulement que la demande doit faire l’objet d’une motivation et être
accompagnée de pièces justificatives dont il peut être déduit que les revenus
seront inférieurs aux seuils.

68
Dès que l’administration fiscale communique les revenus professionnels, la caisse d’assurances
sociales calcule le montant des cotisations définitives. Un décompte est établi et, sur cette base,
une régularisation opérée. Selon le cas, le travailleur indépendant sera redevable de la différence
entre les cotisations définitives et les cotisations provisoires qu’il avait payées ou, à l’inverse,
se verra rembourser l’excédent versé. Dans un cas comme dans l’autre, aucune majoration ni
bonification n’est due, sauf dans l’hypothèse où l’indépendant avait demandé et obtenu de sa
caisse de pouvoir payer des cotisations provisoires d’un montant moins élevé que celui proposé.
Dans ce cas, une majoration de 3% est appliquée sur la différence entre la cotisation provisoire
réduite et la cotisation provisoire qui avait été initialement proposée – ou la cotisation définitive
si celle-ci est inférieure.
Reste encore à dire un mot du cas des indépendants qui entament leur activité professionnelle.
Par hypothèse, le montant des cotisations provisoire ne peut pas, pour ces indépendants, être
établi sur la base des revenus relatifs à la troisième année antérieure. C’est pourquoi, pendant
les trois premières années d’activité, les cotisations sont fixées par défaut à un niveau forfaitaire,
qui correspond aux cotisations minimums applicables dans le statut social des travailleurs
indépendants. On verra plus loin comment ces cotisations minimums sont établies. Bien
entendu, l’indépendant qui le souhaite peut demander à payer une cotisation plus élevée.
Lorsque les revenus professionnels de la première année d’activité sont connus, dans le courant
de la quatrième année d’activité, on bascule dans le mode de calcul normal. Autrement dit, les
cotisations définitives sont établies et la régularisation opérée.

On le voit, si le principe est (désormais) simple, le chemin emprunté pour le mettre en œuvre
l’est moins, et il ne peut l’être que moins. Les cotisations sont, en règle, calculées sur la base
des revenus perçus durant l’année en cours. Mais faute de pouvoir connaître ceux-ci avec
certitude avant plusieurs années, ce sont des cotisations provisoires qui sont dues dans un
premier temps, ultérieurement régularisées, à la hausse ou à la baisse, en fonction des revenus
annuels réellement perçus, et étant entendu que l’indépendant peut d’initiative augmenter ou
demander à ce que soit réduit le montant provisoire.

Nouveau système depuis le 1er janvier 2015 : calcul des cotisations sur la base des revenus
professionnels afférents à l’exercice d’imposition dont le millésime désigne l’année civile
suivant immédiatement celle au cours de laquelle les cotisations sont dues (année en cours)
(AR n° 38, art. 11, §2). Pour les revenus de l’année 2019, on se réfère aux revenus de l’année
2019. L’année 2019 correspond à l’exercice d’imposition 2020. Cet exercice fiscal 2020 est
bien l’année dont le millésime suit immédiatement l’année 2019.
è Pour calculer les revenus de l’année 2019, on se réfère aux revenus de 2019.
De manière provisoire, vous continuez à payer des cotisations calculées sur la base de l’année
N-3. Un système de cotisations provisoires établies par défaut en fonction des revenus de
l’année N-3 mais révisables à la hausse ou à la baisse, et régularisées après trois ans (AR n°
38, art. 11, §3).
Hypothèse du début d’activité : durant les trois premières années, cotisations provisoires fixées
au niveau du forfait minimum, puis régularisation (A R n° 38, art. 13bis)
Camelia
2021-10-27 15:37:55
d) Taux des cotisations, plafonds et plancher --------------------------------------------
On sait que la fiscalité des revenus du travail frappe ceux-ci de manière progressive,
On peut demandertandis à payer que
+ pour être sur de
la parafiscalité est, en règle, linéaire, ou proportionnelle. Dans le régime des travailleurs3 ans. Mais on
e
npas être prélevé au bout de
ne peut pas demander de payer moins.

69
indépendants, le taux, ou plus exactement les taux des cotisations sociales conduisent à ce que
l’imposition ne soit même pas de nature proportionnelle mais dégressive : plus les revenus sont
élevés, moins ils sont, en termes relatifs, grevés de cotisations. On a, dans le statut social des
indépendants, trois taux successifs (AR n° 38, art. 12, §1er) :
• La cotisation est d’abord de 20,50% (contre 22% avant le tax shift 2016-2018)
sur la partie des revenus professionnels qui s’élève jusqu’à un premier plafond
(plafond), usuellement dénommé plafond intermédiaire. Dans le cadre de la
politique de tax shift promue par le gouvernement Michel, ce premier taux a été
progressivement réduit de 22 à 20,5% entre 2016 et 2018.
• 14,16% sur la partie des revenus professionnels située entre le plafond
intermédiaire et le second plafond.

• 0% sur la partie des revenus professionnels qui dépasse le second plafond


(plafond supérieur). Cela signifie que plus aucune cotisation n’est prélevée sur
la partie du revenu professionnel annuel qui dépasse un certain seuil.
Indexés, les deux plafonds s’élevaient à approximativement 60 000 et 88 000 euros au 1er
janvier 2019. Par conséquent, les cotisations ne pourront jamais dépasser un montant maximum
d’à peu près 4 000 euros par trimestre.
En sus des deux plafonds, le statut social des indépendants connaît aussi un plancher
(minimumdrempel), dans la mesure où pour l’application du premier taux de cotisation, le
revenu professionnel imposé est présumé atteindre un montant minimum – qui, indexé, était
égal à un peu plus de 13 500 euros au 1er janvier 2019. Pour marquer le caractère irréfragable
de cette présomption, la réglementation précise que les cotisations ainsi établies sont dues même
si aucun bénéfice n’a été réalisé au cours de l’année de référence. Autrement dit, quel que soit
le montant réel des revenus professionnels, ce montant sera fictivement considéré comme étant
toujours au moins égal au niveau du plancher. Pour les travailleurs indépendants dont le revenu
professionnel est inférieur à un millier d’euros par mois, les cotisations seront donc calculées
sur un montant par hypothèse supérieur à leur revenu réel.
Pour cette raison, le statut social des indépendants connaît des cotisations minimums, qui
s’élèvent à à peu près 700 euros par trimestre. Ce montant est aussi celui des cotisations
provisoires dues en début d’activité, c’est-à-dire durant les trois premières années. Par
hypothèse, il ne pourra pas être régularisé à la baisse au moment de l’entrée dans la quatrième
année d’activité. En revanche, il pourra bien l’être à la hausse.

Depuis 2018, les indépendants qui débutent leur activité – que l’on tend désormais à qualifier,
un peu curieusement, de « primostarters » – peuvent, durant les quatre premiers trimestres,
solliciter de leur caisse d’assurances sociales le paiement d’une cotisation provisoire d’un
montant inférieur à celui des cotisations minimums. Le forfait est en effet réduit de moitié
approximativement, soit à peu près 350 euros par trimestre, lorsque l’indépendant est en mesure
d’établir, sur la base d’éléments objectifs et au moyen de pièces justificatives, que le revenu
professionnel estimé de l’année de cotisation ne dépassera pas un certain seuil, nettement
inférieur au revenu plancher. Sur le plan de la couverture sociale, l’indépendant qui a été

70
autorisé à payer pareilles cotisations réduites est présumé s’être acquitté de cotisations fixées
au niveau du forfait « normal », calculé sur le revenu plancher. Autrement dit, ces cotisations
réduites accessibles la première année d’activité aux indépendants à très faibles revenus ouvrent
les mêmes droits que les cotisations minimums, en particulier au niveau de la pension.
Il est important d’ajouter que les indépendants sont dispensés de cotisations pour les trimestres
durant lesquels ils ont dû interrompre leur activité professionnelle pour cause d’incapacité de
travail, de soins à un proche, de raisons indépendantes de leur volonté (calamité naturelle,
incendie, destruction, allergie) ou encore, et depuis 2017 seulement, de maternité. Ces périodes
sont couvertes par, respectivement, les indemnités d’incapacité, l’allocation pour aidant proche,
le droit-passerelle et les indemnités de maternité. Par ailleurs, elles sont, à l’exception de
l’interruption de l’activité professionnelle indemnisée par le droit passerelle, assimilées à des
périodes d’activité dans le secteur des pensions.
S’agissant du calcul des cotisations, la réglementation contient quelques règles particulières
pour les travailleurs assujettis comme conjoint aidant, comme indépendant à titre
complémentaire – c’est-à-dire, en règle, exerçant une activité salariée correspondant à au moins
un mi-temps – ou comme indépendant ayant atteint l’âge de la retraite (ou bénéficiaire d’une
pension de retraite anticipée). Dans les trois cas de figure, les taux des cotisations sont
identiques à ceux applicables aux travailleurs assujettis comme indépendant à titre principal.
Pour ce qui concerne les conjoints aidants, la seule particularité est la prise en compte d’un
revenu plancher plus faible. S’agissant des indépendants à titre complémentaire et des
indépendants admis à la retraite, aucune cotisation n’est due lorsque les revenus professionnels
de l’année de référence sont inférieurs à un montant qui, indexé, est fixé, pour les premiers, aux
alentours de 1 500 et, pour les seconds, 3000 euros. Par ailleurs, il n’existe pas de plancher :
au-delà du montant forfaitaire exonéré, les cotisations sont donc calculées sur le montant
réellement gagné. Par ailleurs, dans les trois cas de figure, les cotisations trimestrielles
provisoires sont fixées à un niveau plus bas que pour les indépendants à titre principal.
De la succession des trois taux de cotisations décroissants, combinés avec l’existence d’un
revenu plancher, il résulte que l’imposition parafiscale est, dans le statut social des travailleurs
indépendants, de nature régressive. En proportion des revenus professionnels gagnés, les « gros
» indépendants sont nettement moins imposés que les « petits » indépendants. Un travailleur
indépendant dont le revenu annuel ne dépasse pas le plafond intermédiaire paye en effet 20,5%
de cotisations sociales sur l’intégralité de son revenu. Par contraste, l’indépendant dont le
revenu annuel dépasse ce plafond et, bien plus encore, celui dont le revenu dépasse le plafond
supérieur voient, eux, leurs cotisations établies en fonction d’un taux réel qui est toujours
moindre, puisque le taux d’imposition de la seconde tranche des revenus est moindre que celui
de la première tranche et qu’il est même nul pour ce qui concerne la troisième tranche, soit celle
située au-delà du plafond supérieur. Partant, plus le revenu d’un indépendant excède le second
plafond, plus son taux d’imposition effectif diminue. Pour un revenu annuel brut égal au double
du plafond supérieur, le taux d’imposition effectif, c’est-à-dire réparti sur l’ensemble du revenu
perçu, est ainsi d’à peu près 10%.
Par ses modalités de financement, le statut social des travailleurs indépendants est
incontestablement moins redistributif que le régime de sécurité sociale général : la solidarité

71
entre indépendants est bien plus limitée que la solidarité à l’intérieur du monde du travail
subordonné. De fait, beaucoup de petits indépendants ont le sentiment de devoir assumer des
charges très significatives tout en bénéficiant d’une couverture sociale assez incomplète. Cette
couverture n’est pas plus étendue pour les indépendants à hauts revenus, mais son coût est
proportionnellement bien moindre pour eux, ce qui leur laisse toute latitude pour souscrire à
d’éventuelles assurances complémentaires. Il est toutefois frappant de constater que ce hiatus
est totalement absent de l’agenda politique, et même des cahiers de revendication des
organisations représentatives des travailleurs indépendants : personne ne propose de financer
une réduction du premier taux des cotisations ou une amélioration de la couverture par un
relèvement voire une suppression des plafonds.
e) Le mécanisme de dispense temporaire du paiement des cotisations
Le statut social des travailleurs indépendants n’a pas connu la prolifération des mesures de
réductions ciblées des charges qui marque le régime général. Il existe, en revanche, un
mécanisme de dispense (vrijstelling) temporaire du paiement des cotisations sociales. Il s’agit
d’une forme de correctif, mais assez limité, à l’écart qui, dans le régime des indépendants, peut
séparer les revenus en cours de ceux sur la base desquels le montant des cotisations est établi et
à l’existence, dans ce même régime, d’un plancher pour le calcul des cotisations dues. Le
mécanisme s’adresse, plus généralement, aux travailleurs indépendants qui rencontrent
d’importantes difficultés pour payer leurs cotisations. Il a été entièrement refondu en 2018.
Depuis le 1er janvier 2019 et l’entrée en vigueur de la réforme évoquée, peuvent demander à
être dispensés de cotisations les travailleurs indépendants qui estiment se trouver
temporairement dans une « situation financière ou économique difficile » (moeilijke financiële
of economische situatie), en raison de laquelle ils ne sont pas en mesure de payer leurs
cotisations. Cette faculté est réservée aux travailleurs qui exercent une activité d’indépendant à
titre principal depuis au moins un an, et n’est pas ouverte aux indépendants à titre
complémentaire. Elle porte sur les cotisations provisoires qui sont dues, et peut être étendue
aux éventuels suppléments de cotisations qui résulteraient d’une régularisation à la hausse. Elle
s’ajoute à la possibilité, vue plus haut, de demander une réduction du montant des cotisations
provisoires.
Autrefois traitées par une commission administrative instituée au sein du SPF Sécurité sociale,
dénommée Commission des dispenses de cotisations, les demandes de dispense sont désormais
examinées par l’INASTI, au sein duquel ont été relocalisés la quasi-totalité des services qui
étaient autrefois assurés par l’ancienne direction générale Indépendants du SPF, à présent
disparue. La demande, qui doit être introduite par l’indépendant soit par le biais d’une
application en ligne de l’INASTI, soit auprès de sa caisse d’assurances sociales, doit être
introduite dans un délai de douze mois suivant le trimestre pour lequel une dispense des
cotisations provisoires est sollicitée, ou suivant le trimestre au cours duquel une régularisation
a été opérée qui entraîne un supplément de cotisations.
La dispense était auparavant octroyée aux indépendants dans un état de besoin ou dans une
situation voisine de l’état de besoin. Il s’agissait là d’un critère assez vague, qui faisait penser
à l’aide sociale. Par ailleurs, la réglementation antérieure était étonnamment laconique à propos
des critères à prendre en considération pour établir l’existence d’un état de besoin ou d’une

72
situation voisine de celui-ci. La réforme opérée en 2018 a principalement visé à faire évoluer
et à clarifier les conditions dans lesquelles une dispense peut être accordée. Le nouveau critère
retenu, celui d’être confronté temporairement à une situation financière ou économique
difficile, renvoie moins à un état personnel d’indigence qu’au rapport entre les cotisations
demandées et l’évolution des affaires de l’indépendant. La dispense ne vise ainsi pas tant
l’indépendant qui vivrait avec des ressources inférieures à un seuil de revenus prédéterminé que
celui qui, temporairement, ne s’avère plus en mesure de payer les cotisations qui lui sont
demandées en raison d’une diminution ponctuelle de ses revenus professionnels – ou de son
chiffre d’affaires s’il est en société – ou d’une augmentation ponctuelle de ses frais, diminution
ou augmentation elle-même due à des circonstances exceptionnelles. Pour tenter d’objectiver
l’appréciation des difficultés, la réglementation énumère dorénavant un certain nombre
d’éléments dont l’INASTI doit tenir compte. Il en découle que les circonstances exceptionnelles
peuvent être, notamment, des problèmes de santé ayant entraîné une incapacité de travail, des
investissements exceptionnels, des clients qui ne paient par leur dû, des dépenses
professionnelles imprévues et nécessaires, ou encore une crise dans le secteur d’activités. Il
n’est donc plus requis que les revenus professionnels aient été réduits à ce point que
l’indépendant est confronté au besoin ; ce qui est dorénavant exigé est plutôt que leur fluctuation
temporaire à la suite d’un aléa rende provisoirement impossible le paiement des cotisations
demandées.
Comme il incombe à l’indépendant de prouver qu’il se trouve temporairement dans une
situation financière ou économique difficile en raison de laquelle il n’est pas en mesure de payer
ses cotisations, il lui appartient d’étayer sa demande de dispense au moyen de pièces
justificatives, à la fois en ce qui concerne l’évolution des revenus et frais professionnels et en
ce qui concerne les circonstances exceptionnelles survenues. Le cas échéant, l’INASTI peut
prendre des renseignements auprès du SPF Finances ou charger son service d’inspection d’une
enquête.
La dispense est modulable : si elle est accordée, elle peut être totale mais aussi seulement
partielle. Elle peut porter non seulement sur les cotisations proprement dites, mais aussi sur les
éventuelles majorations, la participation aux frais de gestion de la caisse d’assurances sociales,
voire les frais de rappel et de justice.
L’octroi d’une dispense a un impact limité mais tout de même non négligeable sur le droit aux
prestations sociales. En règle, les cotisations pour lesquelles l’INASTI a accordé dispense sont
réputées avoir été payées, de sorte que la dispense est sans effet sur les prestations sociales, sauf
en matière de pensions de retraite et de survie. Il en découle que l’octroi de la dispense est sans
incidence sur les allocations familiales, l’assurance soins de santé et indemnités, le droit-
passerelle et les prestations favorisant la conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée,
ce qui est un élément de solidarité important. En revanche, il crée un « trou » dans la branche
vieillesse : les trimestres assortis d’une dispense n’alimentent pas le compteur de la carrière
professionnelle à partir duquel le montant de la pension est établi.

La décision de l’INASTI est susceptible de recours. La manière dont celui-ci est organisé et sa
portée constituent l’autre innovation principale de la réforme de 2018. Auparavant, seule la
légalité des décisions de refus total ou partiel des dispenses pouvait être contestée : dans la

73
mesure où ces décisions étaient considérées comme de nature discrétionnaire, les juridictions
du travail ne pouvaient pas substituer leur appréciation de fond à celle de l’ancienne
Commission des dispenses de cotisations. Il n’existait donc pas d’instance d’appel à laquelle le
travailleur indépendant pouvait demander d’apprécier à nouveau sa situation financière et, sur
cette base, de revoir la décision attaquée. Le tribunal du travail devait se limiter à contrôler la
conformité à la loi de la décision prise, et donc pouvait seulement vérifier que l’appréciation de
la Commission n’était pas manifestement erronée ou déraisonnable.
Afin de conférer à l’indépendant un véritable droit au réexamen de sa demande, une
Commission de recours en matière de dispense de cotisations a été créée auprès de l’INASTI,
qui dispose d’une compétence dite de pleine juridiction, c’est-à-dire est pleinement autorisée à
substituer son appréciation de fond à celle de l’administration. La Commission de recours est
constituée de (seulement) deux membres, désignés par le ministre en charge du statut social des
travailleurs indépendants : un président, qui doit être ou avoir été magistrat, et un fonctionnaire
de l’INASTI. La Commission se prononce par décision motivée et statue sur le fond en se basant
sur les éléments invoqués par l’indépendant lors de l’introduction de sa demande, et donc sans
tenir compte, même si le réclamant doit être auditionné, d’autres éléments ou d’éventuels
éléments nouveaux intervenus entretemps. Là où il est habituellement prévu, dans le
fonctionnement des juridictions administratives, que la voix du président est prépondérante en
cas de partage des voix, la solution originale ici retenue a consisté àCamelia
prévoir qu’en cas d’égalité
2021-10-27 15:54:36
des votes, la décision est prise en faveur de l’indépendant. On soulignera qu’il n’est pas prévu
--------------------------------------------
que la jurisprudence de la Commission de recours soit publiée, de sorteTribunal quedul’on ne devrait
travail pour une pasappréciation sur
en connaître les contours. a
l é
l g

t
i
l ,pas le fond

Comme auparavant, il reste possible d’introduire un recours devant le tribunal du travail, mais
limité à la contestation de la légalité de la décision prise par l’INASTI. Cela montre que le
travailleur indépendant n’est pas titulaire d’un droit subjectif à se voir accorder la dispense. Ce
recours n’est pas conditionné à l’introduction d’un appel préalable sur le fond auprès de la
juridiction administrative. Dans l’absolu, on aurait parfaitement pu imaginer que le tribunal du
travail soit habilité à connaître du fond des demandes, afin que se développe une jurisprudence
en matière de dispense de cotisations dans le cadre du contentieux judiciaire, avec les garanties
attachées à celui-ci. Le choix a été fait de mettre en place une juridiction administrative qui ne
présente pas toutes ces garanties mais qui est aisément accessible, en raison de sa localisation
au sein de l’administration de référence pour les indépendants, et qui statue dans des délais
fortement réduits.
Dans la première moitié des années 2010, approximativement 30 000 demandes de dispense,
très majoritairement francophones, étaient introduites chaque année, contre une moyenne de 15
000 à 20 000 auparavant. Cette augmentation significative a suivi de près la crise économique
de la fin des années 2000 causée par l’instabilité du système bancaire et financier. Les demandes
de dispense émanent principalement d’agriculteurs, d’artisans et de transporteurs, dont les
revenus sont souvent sujets à des variations importantes d’une année à l’autre. Le nombre de
demandes annuelles est maintenant redescendu aux alentours de la barre des 15 000.
On le voit, la dispense du paiement de cotisations est un mécanisme non négligeable pour les
travailleurs indépendants en grande difficulté, mais il ne s’agit que d’un correctif somme toute

74
assez limité, dans la mesure où la dispense doit être sollicitée, que ses conditions d’octroi sont
restrictives, que le ballon d’oxygène qu’elle procure est par définition limité dans le temps et,
enfin et surtout, que les périodes pour lesquelles un indépendant est exonéré du paiement des
cotisations n’entrent pas en ligne de compte pour le calcul de sa pension. En pratique, ce ne
peut donc être davantage qu’une solution de secours très temporaire permettant de faire face à
une difficulté conjoncturelle.

2. L’intervention de l’Etat
(Renvoi)

Comme dans le régime général, les cotisations sociales sont complétées par une intervention de
l’Etat. Celle-ci occupe également dans le budget du statut social des travailleurs indépendants
une part relative qui tend à croître. Toutefois, cette croissance n’est ici pas due à la
multiplication de mesures de réduction des charges, mais découle de l’amélioration continue de
la couverture sociale des indépendants depuis le début des années 2000. Autrement dit, ces
améliorations, qui ont eu pour effet d’accroître significativement les dépenses, ont globalement
été financées par la solidarité nationale, et non par un renforcement de la solidarité entre
travailleurs indépendants. Aujourd’hui, la part du financement public dans le budget du statut
social des travailleurs indépendants est nettement plus importante que dans celui du régime
général.
Comme dans le régime des travailleurs salariés, l’intervention de l’Etat est composée de deux
volets : d’une part, la subvention de l’Etat (a) ; de l’autre, le financement alternatif (b). Mais à
l’inverse de l’évolution observée dans le régime principal, la subvention de l’Etat demeure
beaucoup plus importante que le financement alternatif.
a) La subvention annuelle de l’Etat fédéral
L’Etat participe au financement du statut social des travailleurs indépendants par le biais d’une
subvention annuelle. Celle-ci consiste, comme dans le régime général, en un montant fixe, qui
est indexé. La subvention couvre à peu près 20% du budget de la sécurité sociale des
indépendants.
b) Le financement alternatif
Le financement alternatif de la sécurité sociale est commun aux deux régimes. Il s’agit donc
des mêmes recettes : TVA, accises et précompte mobilier. S’agissant du régime des
indépendants, ces recettes sont versées au Fonds pour l’équilibre financier du statut social des
travailleurs indépendants institué au sein de l’INASTI.

On signalera toutefois une recette fiscale propre au régime des travailleurs indépendants : il
s’agit de la « cotisation » annuelle à charge des sociétés. C’est un prélèvement forfaitaire, de
nature fiscale, qui frappe toutes les sociétés assujetties à l’impôt des sociétés, dont le montant
varie en fonction du bilan de la société. Afin de le régler, toutes les sociétés visées doivent
s’affilier à une caisse d’assurances sociales.
Pris dans son ensemble, le financement alternatif procure approximativement 10% des
ressources du statut social des indépendants.

75
Chapitre III – L’organisation administrative du système de
sécurité sociale
Section 1 – L’organisation administrative du régime des travailleurs
salariés
Un mixte d’organismes publics et privés, agencés de manière distincte dans chaque branche.
Pourquoi est-ce qu’il n’y a pas de cohérence ? Parce que la sécu a émergé à partir du chacune
de ces branches mais elle n’est pas née d’un ensemble. Chacune des branches a évolué de
manière propre.
Si on essaie d’identifier une sorte de logique, on peut dire qu’on a un régime structuré en trois
étages.

1. Vue d’ensemble du régime


a) Trois étages
1° Perception des cotisations sociales et répartition de l’ensemble des ressources financières
entre les différentes branches
Un établissement public coupole : l’Office national de sécurité sociale (ONSS)
2° Gestion et contrôle des secteurs
Un établissement public à la tête de chaque branche
3° Paiement des prestations aux ayants droit
• Pluralisme institutionnel dans la plupart des branches (héritier du clivage
philosophique) : coexistence de différents organismes, privés et publics, entre
lesquels il faut opérer un choix
• Centralisation du contrôle et du paiement dans le secteur des pensions et dans le
secteur des maladies professionnelles : un seul établissement public
• + le cas particulier des accidents du travail : des entreprises d’assurance
Tout en haut, on a l’étage de la collecte des ressources financières (parafiscale et fiscale) et
également la rerépartition de ces différentes ressources entre les différentes branches. C’est
l’ONSS qui s’en occupe.
En dessous de l’ONSS, c’est le niveau de la gestion des prestations, le contrôle de chaque
secteur. On a, à la tête de chaque branche, un établissement de droit public. Il y a un organisme
par branche.
Enfin, l’étage le plus proche des assurés sociaux est celui du paiement, du versement concret
des prestations. Dans la majorité des branches, la situation que l’on a est celle du pluralisme
institutionnel. On a différents organismes entre lesquels il faut faire un choix. Ils sont tantôt de
droit privé, tantôt de droit public. Ce pluralisme institutionnel est l’héritier direct du clivage
confessionnel. Dans la branche des pensions et celle des maladies professionnelles, un seul
organisme se charge à la fois du contrôle et du versement des cotisations. Il n’y a pas
d’organismes intermédiaires de paiement qui jouent un rôle tampon entre les citoyens et les
organismes.
b) Principes communs aux institutions publiques de sécurité sociale
Toutes les institutions publiques de sécurité sociale présentent une caractéristique commune
prévue par une loi de 1963. Tous ces organismes répondent au principe de la gestion paritaire.
Ca veut dire que toutes ces institutions sont administrées par un organe appelé comité de

76
gestion. Ce dernier est composé de manière paritaire, càd moitié pour les organisations
représentatives des travailleurs et moitié pour les organisations représentatives des employeurs.
Toutes les IPSS sont cogérées par les partenaires sociaux car ce sont eux qui la cofinancent.
Concrètement, ces comités de gestion ont un double rôle :
- Comité de gestion : instance décisionnelle de l’IPSS.
- Rôle d’avis : tous les avants projet de modification de la réglementation qui est
du ressort de la branche concernée sont soumis au comité de gestion concerné
pour avis préalable.
Toutes ces institutions ont toujours joué un rôle clef dans la procédure normative. Ils jouent
donc un rôle capital dans le fonctionnement quotidien de la sécurité sociale.
Si maintenant on reprend chacun des étages, on s’intéresse d’abord à l’Office nationale de
sécurité sociale.

2. L’Office national de sécurité sociale (ONSS)


L’ONSS collecte toutes les ressources financières qui servent à financer la sécurité sociale et
ensuite il les répartit entre les différentes branches du régime. Lors du cinquantième
anniversaire la sécurité sociale, on a très fort changé la manière dont les moyens sont gérés par
l’ONSS. En 1944, la gestion s’opérait au niveau de chacune des branches. L’ONSS collectait
effectivement les ressources et les répartissait entre les différentes branches en fonction d’une
clef de partage fixée dans la réglementation. C’est de ce système là que l’on est sorti en 1994.
A ce moment-là, on sait qu’on est dans un contexte de crise depuis les années 80. On a vu que
les dépenses se sont mises à varier d’une dépense à l’autre. En 1994, on a mis en place la gestion
globale de la sécurité sociale qui désigne le fait que les moyens sont aujourd’hui globalisés.
L’ONSS reçoit tout et aujourd’hui c’est lui qui décide comment il va gérer les moyens. Au sein
de l’ONSS, c’est le comité de gestion de la sécurité sociale qui décide de l’allocation de moyen
entre les différentes branches. Ce comité n’est pas composé de manière paritaire mais tripartite :
on a un ban syndical, un banc patronal et une représentation du gouvernement.
Puisqu’on a une fiscalisation croissante du financement, le tour de table est désormais tripartite.

3. Aperçu par branche


Six branches
a) L’assurance chômage
A la tête on a l’ONEm. En dessous on a des O.P. (organisme de paiement qui vont verser les
allocations de chômage sur notre compte).
Contrôle : l’Office national de l’emploi (ONEm)
Paiement : organismes de paiement (O.P.), c’est-à-dire caisses syndicales + Caisse auxiliaire
de paiement des allocations de chômage (CAPAC) qui est la caisse publique résiduaire. On a
une illustration du pluralisme institutionnel.

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b) L’assurance soins de santé et indemnités (anciennement assurance maladie-invalidité)
Contrôle : l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (INAMI) à la tête de la branche (en
dessous de l’ONSS donc).
Paiement : organismes assureurs (O.A.), c’est-à-dire mutualités + Caisse auxiliaire d’assurance
maladie-invalidité (CAAMI) -> En dessous de l’INAMI, les organismes avec lesquels les
citoyens ont le contact. On a des mutualités privées qui couvrent 98% de la population et une
caisse assurance résiduaire publique.
c) Les allocations familiales (jusque fin 2019 au plus tard)
Contrôle : Agence fédérale pour les allocations familiales (FAMIFED) (anciennement Office
national d’allocations familiales pour travailleurs salariés [ONAFTS])
Paiement : caisses d’allocations familiales (ou FAMIFED lui-même)
Chaque entité compétente est en train de mettre en place son propre système mais avant c’était
le système ci-dessus.
d) Les pensions
Contrôle et paiement : le Service fédéral des pensions (SFP) (anciennement Office national des
pensions [ONP])
On a en fait, non pas trois mais deux étages. En dessous de l’ONSS a simplement une institution
publique qui exerce toutes les compétences.
e) Les maladies professionnelles
Contrôle et paiement : l’Agence fédérale des risques professionnels (Fedris) (anciennement le
Fonds des maladies professionnelles [FMP])
On a en fait, non pas trois mais deux étages. En dessous de l’ONSS a simplement une institution
publique qui exerce toutes les compétences.
f) Les accidents du travail
Contrôle : l’Agence fédérale des risques professionnels (Fedris) (anciennement le Fonds des
accidents du travail [FAT])
Paiement : entreprises d’assurance
C’est la branche qui ressemble le moins aux autres. On a bien une institution publique à la tête
de la branche mais celle-ci intervient très peu souvent. L’essentiel du travail est fait par des
entreprises d’assurances qui sont des entreprises commerciales. D’ailleurs, les entreprises
d’assurance ne se chargent pas seulement de payer les prestations dues mais elles sont aussi en
charge de la gestion.
g) Les vacances annuelles des ouvriers
(pour mémoire)
Il y a bien en règle générale 6 branches dans la sécurité sociale des travailleurs salariés. C’est
en fait une question de droit du travail la question des vacances annuelles. Techniquement c’est
la rémunération. En 1944, on est venu mettre dans la sécurité sociale les vacances annuelles des
ouvriers et non des employés. En effet, les ouvriers reçoivent leur pécule de vacance d’une

78
institution spécifique. Ça n’a rien à faire dans la sécurité sociale et ça va probablement
disparaître.

Section 2 – L’organisation administrative du régime des travailleurs


indépendants
1. L’Institut national d’assurances sociales pour travailleurs indépendants
(INASTI)
On a aussi une institution publique de sécurité sociale de référence. Que fait l’INASTI ? Le
rôle unique (là où l’ONSS a un rôle double) de l’INASTI consiste à répartir les moyens et
ressources fiscales et parafiscales entre les différentes branches de la sécurité sociale. Mais il
n’a pas pour tâche de collecter les ressources. C’est à la caisse d’assurance sociale que l’on paie
les cotisations lorsque l’on est indépendant.

2. Les caisses d’assurances sociales pour travailleurs indépendants


L’organisme avec lequel l’indépendant a le plus de contact c’est la caisse à laquelle il est affilié.
Dans le régime des salariés, l’employeur doit faire la démarche pour faire bénéficier de la
sécurité sociale aux travailleurs salariés.
Ces caisses ont le rôle central car elles ont trois missions :
- Perception des cotisations sociales
- Information des indépendants : c’est le guichet d’information privilégié. C’est
à la caisse qu’il faut s’adresser pour avoir la plupart des démarches.
- Octroi de certaines prestations de sécurité sociale

3. Les branches
Il y a trois branches principales :
- Les allocations familiales
- Les pensions
- L’assurance soins de santé et indemnités

Partie III – Le régime de sécurité sociale des travailleurs


salariés
Chapitre I – L’assurance contre les accidents du travail
Classiquement, les accidents du travail (arbeidsongevallen) sont, en Belgique, la première
branche de la sécurité sociale à être étudiée au moment d’entrer dans la présentation des
différents secteurs constitutifs du régime des travailleurs salariés1. Cette préséance tient sans
doute à ce que les accidents du travail constituent historiquement la branche pionnière, la
première dans laquelle l’application des mécanismes du droit de la responsabilité civile a été
écartée au profit d’un système inédit d’indemnisation automatique fondée sur la notion de
risque. Il n’empêche que les accidents du travail occupent aussi, dans le même temps, une place
un peu à part dans le système de sécurité sociale, dans la mesure où il s’agit de la branche dont

79
les techniques continuent d’emprunter le plus aux assurances privées. Elle ne présente en effet
pas toutes les caractéristiques partagées par les autres assurances sociales.
Grâce à l’amélioration des mesures de prévention des risques, le nombre d’accidents du travail
n’a pas cessé de diminuer au fil du temps. Mais on continue d’enregistrer encore, en s’en tenant
au secteur privé, quelque 140 000 accidents du travail par an, dont plusieurs dizaines
d’accidents mortels.
De manière générale, la matière des accidents du travail fait l’objet d’un contentieux important.
La Cour de cassation, tout particulièrement, a joué un rôle clé dans la construction des concepts
centraux. Ce rôle est davantage marqué que dans les autres branches de la sécurité sociale, dont
la réglementation est comparativement beaucoup plus détaillée.

Avant d’entrer dans l’étude de la loi qui organise la réparation des accidents du travail dans le
secteur privé, un certain nombre de traits généraux propres à cette branche peuvent être
soulignés, qui permettent de mieux en comprendre la philosophie de base (1) et de pointer
quelques spécificités relatives à l’organisation du secteur (2). De ces deux aspects, il ressort que
les accidents du travail ont à la fois un pied dans et un pied hors de la sécurité sociale.

Section 1 – Vue d’ensemble


1. Philosophie générale
C’est une branche pionnière car la réparation des accidents du travail est le tout premier
domaine de la future sécurité sociale à avoir fait l’objet, à l’entame du 20ème siècle, d’une
réglementation spécifique. Le contexte est connu : en raison de l’extrême insécurité des
conditions de travail, le nombre et la gravité des accidents dans les usines avaient connu une
augmentation spectaculaire depuis le déclenchement de la révolution industrielle. Malgré cela,
l’ouvrier accidenté demeurait bien souvent privé de toute forme d’indemnisation, en raison de
la grande difficulté, pour lui ou ses ayants droit (en cas de décès), de parvenir à prouver à la
fois une faute et un lien de causalité entre cette faute et le dommage subi. C’est la loi du 24
décembre 1903 sur la réparation des dommages résultant des accidents du travail, largement
modelée sur la loi équivalente adoptée en France quelques années plus tôt, qui a permis de sortir
de l’impasse, en établissant un régime de responsabilité sans faute dérogeant au droit commun
de la responsabilité civile. Dans une large mesure, la philosophie du système institué en 1903
est encore toujours celle en vigueur aujourd’hui, plus d’un siècle plus tard.
L’article 1382 du Code civil ne marchait pas dans une majorité de cas. Très souvent, l’ouvrier
accidenté ou ses ayants-droit n’avaient aucune indemnisation.
La loi du 24 décembre 1903 sur la réparation des dommages résultant des accidents du travail,
a mis en place un régime de responsabilité sans faute fondé sur un compromis. La loi a mis
en place un mécanisme de réparation automatique des accidents du travail fondé sur la notion
de « risque professionnel ». Cette notion repose sur l’idée que l’employeur qui expose à un
risque une personne travaillant à son service doit supporter les conséquences de la réalisation
du risque qu’il lui fait courir, d’autant qu’il tire un profit du travail fourni7. C’est dans cette
perspective qu’a été instauré un système de responsabilité sans faute, ou responsabilité
objective, faisant peser sur l’employeur une obligation de réparer le dommage résultant d’un

80
accident du travail, sans que soient plus relevantes les questions de savoir si une faute a été
commise et si un rapport de causalité peut être établi entre cette faute et le dommage subi.
Mais en contrepartie du caractère automatique de la responsabilité patronale en cas de
survenance d’un accident du travail, l’étendue de la réparation du dommage a été limitée par la
loi à sa dimension matérielle, soit en l’espèce la réduction de la capacité de travail, à l’exclusion
de sa dimension morale, ou extra-patrimoniale. Et surtout, la prise en charge dudit dommage
matériel est elle-même limitée à un forfait. Seule est donc indemnisée la diminution de la
capacité de gain et cette indemnisation est de surcroît plafonnée à un niveau prédéterminé. La
réparation garantie s’écarte ainsi des principes classiques du droit commun de la responsabilité
civile. Dans le régime juridique de l’article 1382 du Code civil, c’est en effet la totalité du
dommage réellement subi qui doit être réparée, au sens où la réparation doit porter sur toutes
les dimensions du préjudice, matérielles et morales, et que, pour toutes ces dimensions, la
réparation doit être intégrale.
Tel est le grand compromis de 1903 : indemnisation automatique des victimes d’un accident du
travail contre réparation limitée au seul dommage matériel et réduite à un forfait. Ce régime
juridique – porté par une loi promulguée un jour de Noël… – repose évidemment sur un
compromis entre les attentes respectives des travailleurs et des employeurs : il garantit aux
premiers la certitude que tout événement qualifiable d’accident du travail donne droit à une
réparation, tandis qu’il permet aux seconds, sur qui pèse la charge de la réparation, de savoir
par avance à quoi s’en tenir.
En d’autres mots, d’un côté, le monde ouvrier obtient la certitude qu’en cas d’accidents du
travail, il aura une indemnisation. Mais, la réparation du préjudice, du dommage est pré-tarifée
par la législation, elle est forfaitaire. Donc on a la certitude d’une intervention mais l’employeur
sait à l’avance ce qu’il devra payer en cas d’accident du travail et donc tout le dommage ne sera
pas réparé.
Le principal élargissement de la couverture contre les accidents du travail a été opéré dans
l’immédiat après-guerre, par l’extension du système de responsabilité objective institué par la
loi du 24 décembre 1903 aux accidents survenus sur le chemin du travail. Depuis 1945, ceux-
ci bénéficient du même régime protecteur que les accidents du travail.
Dans le secteur privé, le siège actuel de la matière est la loi du 10 avril 1971 sur les accidents
du travail8. En plus d’avoir rassemblé en un seul lieu différents textes et d’avoir réécrit la
réglementation antérieure de manière à tenir compte d’un certain nombre d’évolutions
jurisprudentielles, le principal changement à mettre au crédit de cette loi est d’avoir imposé aux
employeurs une obligation de souscrire à une assurance contre les accidents (sur le chemin) du
travail. La Belgique a été le dernier pays de la Communauté économique européenne à instaurer
cette obligation. Depuis, tout employeur est tenu de contracter une assurance au bénéfice des
membres de son personnel1. Dès l’instant où il occupe au moins une personne assujettie au
régime de sécurité sociale des travailleurs salariés, il doit souscrire à une assurance. A défaut
de se soumettre à cette obligation, l’employeur encourt des sanctions pénales11, et s’expose
donc à des poursuites. Auparavant, les employeurs n’étaient pas juridiquement tenus d’assurer
leur responsabilité – même si beaucoup le faisaient. L’obligation à charge des employeurs de

81
s’assurer au profit des membres de leur personnel a poursuivi l’objectif de garantir à ceux-ci
une meilleure protection.
Cette évolution législative a entraîné une conséquence pratique importante. Depuis, c’est
l’assureur et non plus l’employeur qui est débiteur de la réparation en cas de survenance d’un
accident (sur le chemin) du travail. L’employeur ne joue plus aucun rôle dans l’indemnisation,
sauf dans l’hypothèse où il aurait causé intentionnellement l’accident. Hormis ce cas de figure
marginal, c’est à l’assureur que la victime doit s’adresser en cas de survenance d’un différend.
Ainsi que l’a souligné la section de législation du Conseil d’Etat dans son avis sur l’avant-projet
à l’origine de la loi du 10 avril 1971, cette évolution a eu pour effet de rapprocher fortement la
couverture garantie en cas d’accident du travail des autres assurances sociales, avec lesquelles
ladite couverture présentait en réalité peu de traits communs jusque-là. Comme dans les autres
branches de la sécurité sociale, l’assurance accidents du travail est depuis une assurance
obligatoire dont la loi prédétermine les prestations. Celles-ci ne sont donc pas calculées en
fonction du montant des cotisations, contrairement à la logique actuarielle propre aux
assurances privées classiques.
è La philosophie générale est toujours la même mais le mécanisme juridique a changé du
tout au tout. L’employeur a l’obligation de s’affilier à une assurance et c’est celle-ci qui
va intervenir au profit du travailleur accidenté (art. 49 et 73). Le travailleur ou ses ayant-
droits n’ont pas de contact avec l’employeur qui est hors-jeu, c’est l’assureur-loi auquel
on doit s’adresser. Le débiteur de la réparation est l’« assureur-loi » et lui seul.

2. Les spécificités de l’organisation du secteur : la place centrale des


entreprises d’assurances commerciales
En dépit de leur caractère pionnier, les accidents du travail ont toujours occupé une place un
peu à part, en Belgique, dans le paysage de la sécurité sociale, en particulier sous l’angle de
l’organisation administrative. C’est un secteur à part et structuré différemment car l’acteur
central est des entreprises d’assurances. Dans toutes les autres branches, on a toujours à faire à
des organismes non marchands.
En tant qu’assurance obligatoire procurant une couverture déconnectée du montant des
contributions versées antérieurement, les accidents du travail font indéniablement partie de la
sécurité sociale. Du reste, le secteur est supervisé par une institution publique de sécurité
sociale, l’Agence fédérale des risques professionnels (Federaal agentschap voor
beroepsrisico’s), en abrégé Fedris, qui est gérée de manière paritaire par les interlocuteurs
sociaux.
Fedris est issu de la fusion, au 1er janvier 2017, du Fonds des accidents du travail (FAT) (Fonds
voor Arbeidsongevallen – FAO) et du Fonds des maladies professionnelles. On soulignera au
passage que si les assurances contre les accidents du travail et contre les maladies
professionnelles sont ainsi désormais surplombées par une seule institution publique de sécurité
sociale, elles n’en demeurent pas moins totalement distinctes sur le plan de la réglementation,
ce qui se traduit par la coexistence, au sein de Fedris, de deux comités de gestion distincts, celui
des accidents du travail et celui des maladies professionnelles – auxquels il faut ajouter un
comité général de gestion, en charge essentiellement de la gestion du personnel de l’Agence.

82
Dans le même temps, les accidents du travail conservent un pied en dehors du système de
sécurité sociale, en raison du rôle central qu’y jouent les sociétés d’assurances commerciales.
En matière de couverture de son personnel contre les accidents du travail, l’employeur ne se
fait en effet pas membre d’une caisse à proprement parler, comme il le fait par exemple dans le
secteur des allocations familiales. L’employeur conclut avec l’organisme assureur de son choix
un véritable contrat d’assurance et lui paie des primes. Là où dans les autres branches de la
sécurité sociale, les cotisations sociales sont fixées par la loi et consistent en un pourcentage de
la rémunération, indépendant du profil de risque de l’assuré, le montant des primes, lui, est
arrêté conventionnellement dans la police d’assurance et est modulé en fonction de la
prévalence du risque couvert, c’est-à-dire, concrètement, en fonction de la dangerosité des
activités de l’entreprise. La Belgique est l’un des seuls pays au monde, avec les Etats-Unis, où
les accidents du travail sont ainsi principalement gérés par le secteur commercial.
En 1944, lorsqu’on a adopté l’arrêté-loi du 28 décembre, les autorités entendaient faire entrer
les accidents du travail dans les mêmes systèmes que les autres branches de la sécurité sociale.
Le gouvernement avait initialement prévu d’intégrer entièrement ce secteur dans le système de
sécurité sociale en construction. L’intention du gouvernement était de saisir l’occasion pour
sortir le secteur des mains des compagnies d’assurances et en confier la gestion, comme c’est
le cas dans les autres branches et dans la plupart des autres pays, à un organisme public. Ce
projet s’est heurté à la vive opposition du lobby des assurances, désireux de pouvoir continuer
à développer le marché des accidents du travail. Grâce à ses relais au sein du patronat, ce dernier
s’est opposé au projet du gouvernement. Comme les autorités, tout juste rentrées d’exil de
Londres, voulaient aller de l’avant rapidement, compte tenu de l’urgence sociale, et comme
elles pensaient de toute façon ne faire qu’œuvre provisoire, elles ont fait marche arrière afin
d’éviter d’entrer en conflit ouvert avec le patronat. Dans la mesure où la sécurité sociale «
définitive » n’a jamais vu le jour, la situation est demeurée inchangée depuis : encore
aujourd’hui, les compagnies d’assurance sont les principaux acteurs du système.

Ceci a pour conséquence concrète que l’employeur souscrit une police d’assurance
commerciale. Puisqu’on est dans le modèle des assurances commerciales, ce qui est facturé, le
montant de la prime varie en fonction de la dangerosité. On fait donc de la segmentation
tarifaire.

Du reste, c’est parce que tous les textes en préparation avaient été rédigés, en 1944, dans
l’optique que la sécurité sociale des salariés compte six branches administrées chacune par un
établissement public que, in extremis, le gouvernement a substitué aux accidents du travail les
vacances annuelles des ouvriers. Conceptuellement étrangères à la sécurité sociale, celles-ci
n’ont été confiées à un parastatal social, lui-même placé sous la coupole de l’ONSS, que pour
combler l’espace laissé vacant par les accidents du travail. C’est aussi pour cette raison que la
couverture des accidents du travail et des maladies professionnelles n’a pu être intégrée dans
une seule et même branche, qui aurait été consacrée aux deux facettes du risque professionnel.
Traditionnellement dénommés « assureurs-loi », les assureurs accidents du travail sont des
sociétés de droit privé, soumises aux dispositions applicables à toutes les entreprises qui font
des opérations d’assurance. A ce titre, elles doivent notamment être agréées, respecter des règles
comptables bien précises et disposer de réserves d’un certain niveau.

83
Par le passé, les compagnies d’assurance actives dans le domaine des accidents du travail étaient
soumises à un système de contrôle distinct, plus strict, de celui des autres assureurs. Ce
traitement particulier était justifié par le fait qu’à la différence de ceux-ci, elles ressortissent au
champ de la sécurité sociale légale et qu’une protection renforcée doit être garantie aux victimes
d’accidents du travail. La Cour de justice de l’Union européenne a considéré en 2000 que dans
la mesure où, en Belgique, les assureurs accidents du travail sont des entreprises privées
poursuivant un but lucratif, ils poursuivent une activité à caractère économique qui n’est pas
susceptible d’être régulée de manière spécifique, au nom de son appartenance à la sécurité
sociale obligatoire. Dans la foulée, la Cour a condamné l’Etat belge à soumettre les assureurs-
loi aux mêmes dispositions que celles qui, en vertu des directives européennes régissant la
matière, sont applicables aux entreprises d’assurance. Autrement dit, rien en droit européen
n’oblige les Etats membres à confier l’indemnisation des accidents du travail au secteur
commercial, mais s’ils le font, alors toutes les règles applicables aux acteurs à but de lucre du
marché des assurances, en ce compris l’ouverture à la concurrence, doivent être respectées, afin
d’assurer l’égalité entre ces acteurs.
Dans ce contexte, quel est alors le rôle exact de l’Agence fédérale des risques professionnels ?

- Le principal rôle est d’être un assureur de substitution. Les employeurs ont l’obligation
de souscrire à une police d’assurance pour couvrir leur personnel contre les accidents
du travail. Mais malgré la sanction, des employeurs ne respectent pas leur obligation. Si
l’employeur ne le fait pas, c’est Fedris qui va le faire. Lorsqu’un accident survient et
qu’il apparait que l’employeur n’a pas respecté son obligation légale de souscrire à une
assurance, l’Agence paie les indemnités dues au travailleur accidenté en vertu de la loi
et se retourne ensuite contre l’employeur défaillant. Autrement dit, Fedris joue un rôle
de fonds de garantie, afin d’éviter que les victimes puissent se trouver privées de toute
couverture en raison des manquements de leur employeur.
- Contrôle des décisions des assureurs (voy. infra).

C’est en raison de ce premier rôle, important mais somme toute assez limité, que la part des
cotisations sociales prélevées sur les salaires qui est affectée par l’ONSS à la branche des
accidents du travail est relativement réduite. Puisque les prestations en tant que telles sont
financées par les primes versées par les employeurs à leur assureur respectif, la proportion des
cotisations sociales qui est allouée au secteur des accidents du travail se limite, pour l’essentiel,
à couvrir les frais de fonctionnement de Fedris.

Section 2 – Le champ d’application personnel : largement calqué sur


l’assujettissement à la sécurité social
Comment fonctionne la protection sociale contre les accidents du travail ? Pour le savoir, il
importe de commencer par déterminer le champ d’application personnel de la réglementation
applicable, en l’espèce la loi du 10 avril 1971. Qui est couvert ? Autrement dit, qui est
susceptible de percevoir une prestation en cas de réalisation du risque pris en charge ?
On se limite ici au secteur privé, sachant que la réparation des dommages résultant des accidents
du travail subis par les agents des services publics est organisée par une loi distincte21. Son
régime est largement calqué sur celui mis en place par la loi du 10 avril 1971, à la différence

84
près qu’il n’impose pas aux autorités publiques de souscrire à une assurance. Dans le secteur
public, le débiteur de l’indemnisation est donc l’autorité dont relève l’agent. Cette autorité en
assume le coût sur son budget propre. Et il en va ainsi également lorsque l’autorité a recouru à
la faculté de contracter une assurance pour couvrir sa responsabilité. En pareille hypothèse, il
n’existe, comme c’était le cas dans le secteur privé jusqu’à la loi du 10 avril 1971, aucune
relation juridique directe entre l’assureur et la victime de l’accident. L’assurance couvre, en
tout ou en partie, la responsabilité de l’autorité, mais celle-ci demeure seule titulaire
d’obligations à l’égard de l’agent.
Pour ce qui concerne le secteur privé, le champ d’application personnel de la loi du 10 avril
1971 est relativement aisé à identifier, dans la mesure où il correspond presque exactement à
l’étendue de l’assujettissement au régime de sécurité sociale des travailleurs salariés.

Article 1er : sont couverts tous les travailleurs assujettis au régime de sécurité sociale des
travailleurs salariés.

Conformément à la logique qui est celle d’un revenu de remplacement adossé à l’exercice d’un
travail subordonné, la loi sur les accidents du travail est applicable à toutes les personnes
assujetties à la loi du 27 juin 1969, c’est à dire au régime de sécurité sociale général. A ce titre,
doivent donc obligatoirement être assurés par leur employeur contre le risque de subir un
accident (sur le chemin) du travail tous les travailleurs engagés dans les liens d’un contrat de
travail, mais aussi toutes les catégories de personnes qui ne disposent pas d’un contrat de travail
mais qui, pour ce qui concerne la sécurité sociale, sont assimilées à des travailleurs salariés.
Sont ici visées les différentes catégories de travailleurs indépendants en situation de dépendance
socio-économique auxquelles l’assujettissement au régime des salariés a été étendu par l’arrêté
d’exécution de la loi ONSS.
Pour toutes ces catégories, la personne ou l’organisation désignée, pour les besoins de
l’assujettissement, comme devant être considérée comme l’employeur sera également
considérée comme telle pour les besoins de la protection contre les accidents du travail. Toute
extension opérée au niveau de l’assujettissement à la sécurité sociale entraîne donc
mécaniquement dans son sillage un élargissement du champ d’application de la couverture
contre les accidents du travail.
Après avoir posé le principe, une disposition habilite toujours le roi à modifier la couverture.

Article 3, 1° : habilitation du Roi à étendre le bénéfice de la couverture

Dès 1971, compte du caractère vital de la protection contre les atteintes à l’intégrité physique,
le Roi Baudouin a pris l’arrêté royal du 25 octobre 1971 étendant le champ d’application de la
loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail aux travailleurs qui ont un contrat de travail
mais qui ne sont pas assujettis à la sécurité sociale en raison du caractère accessoire ou de courte
durée de leur travail. C’est ainsi que, notamment, doivent bénéficier de la couverture contre les
accidents du travail, alors qu’ils ne sont pas assujettis à la sécurité sociale, les étudiants jobistes
dont l’occupation ne dépasse pas 475 heures par année civile : leur employeur ne doit pas

85
s’acquitter des cotisations sociales ordinaires mais a l’obligation de prendre une assurance pour
couvrir le risque d’accident du travail.
Ont également été inclus, par le même arrêté royal, dans le champ de la loi du 10 avril 1971
alors qu’ils ne sont pas assujettis à la sécurité sociale, et alors qu’ils n’ont pas non plus de
contrat de travail, les stagiaires qui effectuent un travail en vue d’acquérir une expérience
professionnelle dans le cadre d’un programme organisé par un établissement d’enseignement.
Pour ces stagiaires, dont l’établissement d’enseignement est fictivement considéré comme
l’employeur, la protection se limite toutefois aux accidents du travail entraînant une incapacité
permanente, à l’exclusion des accidents sur le chemin du travail et à l’exclusion des accidents
du travail entraînant une incapacité seulement temporaire.
On notera que les stagiaires, principalement demandeurs d’emploi, qui effectuent une formation
professionnelle au sein des services publics de l’emploi et de la formation des entités fédérées
bénéficient, quant à eux, également d’une couverture contre les accidents du travail. Toutefois,
celle-ci n’est pas prévue par la législation (fédérale) sur les accidents du travail mais par les
différentes règlementations (communautaires) relatives à la formation professionnelle. Ces
différentes réglementations disposent en général que les services publics concernés (VDAB,
FOREm, Bruxelles Formation et ADG) doivent conclure auprès d’une société d’assurances une
police garantissant à leurs stagiaires une couverture équivalente à celle instituée par la loi du 10
avril 1971. En réalité, cette couverture fournit, et ne peut que fournir, une protection moindre à
celle assurée aux travailleurs salariés, dans la mesure où Fedris, dont les missions sont définies
par le législateur fédéral, n’y joue aucun rôle, ni comme organe de contrôle des décisions prises
par les assureurs ni comme fonds de garantie. Si l’on voulait assurer aux dizaines de milliers de
demandeurs d’emploi qui suivent une formation professionnelle le bénéfice de la protection
standard contre les accidents du travail, il « suffirait » de les intégrer dans l’arrêté royal étendant
le champ d’application de la loi du 10 avril 1971.

Section 3 – Le risque couvert


Après le champ d’application, viennent les conditions d’octroi de l’intervention de la sécurité
sociale. Deux éventualités sont prises en charge par cette branche : l’accident du travail et
l’accident sur le chemin du travail. En pratique, c’est à ce propos que surgissent la plupart des
litiges.
Le risque social couvert par l’assurance contre les accidents du travail est double. Sont en effet
pris en charge les accidents du travail proprement dits, mais aussi, depuis la fin de la seconde
guerre mondiale, les accidents sur le chemin du travail. Pour cerner les contours exacts de ces
deux risques, il importe de définir d’abord la notion qui leur est commune, soit la notion centrale
d’accident (1). Il faut ensuite apporter les précisions complémentaires nécessaires pour
délimiter le périmètre de chacun des deux risques pris en charge, les accidents du travail au sens
strict (2) et les accidents sur le chemin du travail (3). Comme on le verra, la matière est assez
casuistique.

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1. La notion-pivot : l’accident
a) Notion
On a à faire avec des concepts qui ont évolué au fil du temps et qui ont été modelé par la
jurisprudence. Dans d’autres branches, c’est souvent le législateur lui-même qui donne les
précisions. Ici, c’est la jurisprudence qui fait vivre les concepts-clefs. Pour sa part, la loi a mis
en place un mécanisme qui allège substantiellement la charge de la preuve pesant sur la victime.
La notion centrale est la notion d’accident. Dans tous les acas il faut un accident. Le législateur
ne s’est pas occupé à définir ce concept. Une définition a toutefois été élaborée par la doctrine
et la jurisprudence à partir de la combinaison de plusieurs dispositions de la loi – principalement
ses articles 7 et 9. Cette définition fait aujourd’hui l’unanimité. De l’économie de la loi, il se
déduit que l’accident est un événement soudain qui cause une lésion.
La notion n’a pas toujours été définie ainsi. Son évolution mérite le détour, car un enseignement
important s’en dégage, qui est toujours d’une grande actualité. Pendant longtemps, la
jurisprudence a conceptualisé l’accident comme « un événement soudain et anormal résultant
de l’action d’une force extérieure ». Cette définition prétorienne a fait l’objet de vives critiques
par Lucien François au début des années 1960, qui ont conduit la Cour de cassation à opérer un
revirement de jurisprudence quelques années plus tard. La portée de ce revirement a été
consolidée par la loi du 10 avril 1971.
L’exigence antérieure que se soit produit un événement susceptible d’être considéré comme «
anormal » par rapport aux tâches habituellement effectuées par le travailleur conduisait au
paradoxe que plus le travail habituel était un travail dangereux, moins les risques qu’il faisait
courir au travailleur étaient susceptibles de donner droit à une réparation, puisque moins
l’événement pouvait être considéré comme anormal au regard du travail habituel.

La référence au critère d’anormalité mettait donc singulièrement à mal l’objectif de protéger le


travailleur contre les risques auxquels l’expose son activité professionnelle, en particulier
lorsque celle-ci lui fait objectivement courir des dangers importants : plus il était « normal »
d’être blessé ou tué au travail, moins un accident du travail était susceptible d’être reconnu et
de donner lieu à réparation.
Dans un arrêt de principe rendu en 1967 sur conclusions conformes de l’avocat général Ganshof
van der Meersch, la Cour de cassation a abandonné toute référence à l’anormalité. Cette
solution a été entérinée par le législateur : à dessein, la loi du 10 avril 1971 ne contient aucune
exigence d’anormalité. Il en résulte, on y reviendra, que même un geste parfaitement banal ou
totalement anodin peut être à l’origine d’un accident. Il n’est plus exigé que l’événement se
distingue d’une quelconque façon de l’exercice normal et habituel de son travail.

Aujourd’hui, deux éléments-clés sont requis pour que l’on puisse parler d’un accident : on doit
être en présence d’un événement soudain, d’une part (1°), et d’une ou plusieurs lésions, d’autre
part (2°).

87
1) Un événement soudain
Il faut, en premier lieu, que survienne un événement et que celui-ci puisse être considéré comme
soudain. Globalement, la notion est définie par la jurisprudence de manière assez extensive,
beaucoup plus largement en tout cas que dans le langage courant.

• L’évènement
Cet événement quelconque ne doit pas revêtir de nature particulière. Il doit s’agir de « quelque
chose » – un élément, un fait, une circonstance, une action, un état, un mouvement – qui soit
identifiable dans le temps et dans l’espace. Des conditions atmosphériques difficiles, par
exemple, peuvent constituer un événement au sens de la loi.

• L’évènement soudain

Cet évènement doit être soudain (≠ instantané). Cette exigence ne pose pas de difficultés
particulières lorsqu’on peut déceler un événement très localisé dans le temps et dans l’espace,
tel une chute, un coup, un heurt, une agression, un effort brutal, etc. Mais ce que la jurisprudence
entend par événement soudain va bien au-delà de ces cas de figure tranchés, dans la mesure où
soudain ne signifie pas nécessairement instantané. L’événement peut, tout en restant qualifiable
de soudain, s’être prolongé pendant un certain temps, à condition d’être identifiable sur une
période précise. La durée maximale de cette prolongation n’est pas prédéterminée, dans le sens
où il n’existe pas de limite intrinsèque exprimée en minutes ou en heures. L’exigence de
principe posée par la Cour de cassation est celle d’une certaine brièveté.
A ce jour, on n’a pas un arrêt de la Cour de Cassation qui donne une limite de temps au terme
« soudain. » Dans la jurisprudence des juridictions de fond, on tire parfois l’évènement soudain
jusqu’à une journée. En général ce que l’on va considérer comme soudain ce sera un effort
intense.
Ce concept est défini de manière très souple. Evidemment si c’est instantané c’est soudain, mais
l’inverse n’est pas toujours le cas.
Du reste, le fait que l’événement soit soudain, et qu’à ce titre une certaine brièveté soit requise,
est le principal élément qui permet de distinguer l’accident du travail de la maladie
professionnelle, laquelle est prise en charge par un autre secteur de la sécurité sociale. Au
contraire de l’accident du travail, la maladie professionnelle résulte de l’exposition prolongée
à un risque professionnel, tel le travail pendant plusieurs années à proximité de substances
dangereuses pour la santé.
Où fixe-t-on la limite ? Si, encore une fois, il n’y a pas de critère absolu, les juridictions de fond
refusent en général de qualifier d’événement soudain un événement qui dépasse la durée d’une
journée de travail.
Dès lors, manipuler des charges lourdes pendant toute une semaine ne peut a priori pas
constituer un événement soudain. En revanche, accumuler des efforts d’une grande intensité
pendant plusieurs heures au cours d’une même journée peut l’être, tout comme, par exemple,
l’accomplissement d’un travail dans des conditions climatiques particulièrement froides

88
entraînant le gel d’un membre ou le fait d’être impliqué dans une attaque à main armée sur le
lieu de travail.
A condition de pouvoir épingler un fait déterminé d’une durée relativement brève, l’existence
d’un événement soudain au sens de la loi pourra être rapportée. La notion présente une plasticité
certaine.
Il n’est pas exigé, et il ne peut pas être exigé, que l’événement soudain se distingue de
l’exécution normale du contrat de travail, pour les raisons qui ont été rapportées. Depuis qu’a
été écartée toute référence à l’anormalité, l’exercice habituel de ses tâches quotidiennes peut
être à l’origine d’un accident dès lors que « quelque chose », un événement quelconque, peut
être décelé dans le cours de cet exercice habituel, ainsi que la Cour de cassation l’a rappelé à
de nombreuses reprises. C’est pourquoi un geste ou une action accomplie quotidiennement peut
parfaitement être constitutif d’un événement soudain, même en l’absence de circonstances
particulières ou spéciales, contrairement à ce que certains assureurs continuent encore
régulièrement à exiger.
Pour la même raison, peuvent aussi être retenus comme événements soudains des gestes ou
actions aussi courants que gravir les marches d’un escalier, rouler à vélo, se tordre le pied en
marchant ou s’accroupir pour ramasser un objet, malgré que ces gestes ou actions n’ont rien de
spécifique à l’exercice de l’activité professionnelle.
Ainsi, le fait pour une infirmière ou une aide soignante de faire un lit dans une position penchée
peut être un événement soudain à l’origine d’une lésion, tel un lumbago, alors même que
l’élément décelé, soit le fait de faire un lit, constitue l’accomplissement d’une tâche récurrente
et banale.
On a souvent en tête des métiers manuels quand on pense aux accidents de travail. Mais ces
accidents peuvent toucher tous les travailleurs. Fait en revanche l’objet de davantage de
discussions la question de savoir si un même geste ou une même situation répété(e) pendant
une longue période qui, finalement, produit une lésion peut être qualifié d’événement soudain.
Cette question est d’une grande importance notamment pour déterminer si les incidents
psychosociaux, du type stress, harcèlement, conflits et burn-out, peuvent être considérés comme
des accidents du travail.
Selon une première lecture, la lésion, dans ce type de cas de figure, résulte d’une évolution
progressive et d’une accumulation complexe d’éléments distincts, et ne peut donc pas être
considérée comme produite par un événement soudain. Mais selon une autre lecture, le dernier
geste, ou la dernière phase d’une succession de moments de forte tension, peut être épinglé, le
cas échéant, comme l’événement particulier à l’origine de la lésion. C’est la théorie dite du «
geste de trop » ou de la « goutte d’eau qui fait déborder le vase » : à l’intérieur d’une situation
globalement nocive, un moment de rupture, par exemple un ultime incident déclencheur, peut
être pointé. Cette seconde lecture est sans doute plus conforme à la jurisprudence de la Cour de
cassation et à la relative plasticité conférée par celle-ci à la notion d’événement soudain,
permettant de pointer a priori n’importe quelle circonstance déterminée de la prestation de
travail.

89
2) Une lésion
En second lieu, l’événement soudain, pour être constitutif d’un accident, doit causer une lésion
(letsel). La preuve d’une lésion, quelle qu’elle soit, doit donc être rapportée par le travailleur.
Une lésion est toute forme d’atteinte à l’intégrité physique ou mentale. Un stress ou un choc
émotionnel peut parfaitement être constitutif d’une lésion au même titre qu’une blessure.
Concrètement, les conséquences d’une lésion peuvent se manifester de trois manières
différentes, qui correspondent, sur le versant de la réparation des accidents du travail, à autant
de prestations distinctes. La lésion peut se traduire par :
- Une incapacité de travail, mais aussi par
- Des frais médicaux – qu’il y ait ou non incapacité de travail par ailleurs – ou par
- Le décès.
Symétriquement, la loi du 10 avril 1971 prévoit en faveur des victimes d’accidents du travail,
on va le voir : le versement d’indemnités d’incapacité de travail, le remboursement des dépenses
médicales et l’octroi d’une rente au bénéfice de certains membres de la famille du travailleur
dans l’hypothèse du décès.
Il est important de ne pas plaquer l’exigence de soudaineté dans la lésion. S’il faut pouvoir
épingler la survenance d’un événement particulier présentant une certaine brièveté, les
conséquences de ce fait déterminé, elles, ne doivent pas nécessairement se manifester
concomitamment : elles peuvent apparaître ultérieurement. Ainsi, les conséquences d’un choc
émotionnel peuvent commencer à se manifester plusieurs jours ou même plusieurs semaines
après l’événement déclencheur, et donc se révéler progressivement. En sens inverse, ce n’est
pas parce qu’une lésion survient soudainement que, nécessairement, un événement soudain
s’est produit : l’existence de celui-ci doit être établie par le travailleur. Le fait par exemple
qu’un travailleur pousse soudainement un cri de douleur sur le lieu de travail ne démontre pas
par lui-même la survenance d’un événement soudain.
b) Preuve
Article 9 : présomption du lien de causalité entre l’événement soudain et la lésion

Un accident est un événement soudain qui cause une lésion. Un rapport de causalité doit donc
être établi : la lésion doit trouver son origine dans l’événement soudain. Mais compte tenu de
la difficulté de réussir à le prouver, la loi présume l’existence de ce rapport de causalité43. Elle
dispose en effet que lorsque la victime, ou ses ayantsdroit, établissent l’existence d’un
événement soudain et d’une lésion, « la lésion est présumée, jusqu’à preuve du contraire,
trouver son origine dans un accident »44. Dans la rigueur des principes, il aurait fallu écrire : «
est présumée, jusqu’à preuve du contraire, avoir été causée par l’événement soudain », et non
l’accident, puisque l’accident proprement dit résulte de la réunion d’un événement soudain et
d’une lésion, ainsi que d’un lien de causalité entre le premier et la seconde. Ce mécanisme vise
à alléger la charge de la preuve pesant sur la victime, conformément à l’objectif de la loi :
protéger le travailleur contre les risques professionnels, en sortant de l’impasse du recours au
droit de la responsabilité civile.

90
Toutefois, la présomption mise en place par la loi est une présomption simple (« jusqu’à preuve
du contraire »). L’assureur peut donc chercher à la renverser, en démontrant qu’il n’existe en
réalité pas de rapport de causalité entre l’événement soudain et la lésion dont l’existence a été
rapportée par le travailleur. Si l’assureur y parvient, on a alors affaire à une éventualité qui ne
répond pas à la définition de l’accident. Mais la charge de la preuve repose sur l’assureur, de
sorte que le doute doit bénéficier à la victime si une incertitude persiste quant au rôle exact joué
par l’événement dans la survenance de la lésion.

Le but de la législation c’est de faciliter la reconnaissance des accidents du travail. La loi met
en place un système de présomption. Lorsque l’on a à faire avec un évènement soudain d’une
part, et une lésion de l’autre, le lien de causal entre les deux est présumé. C’est une présomption
simple et il appartient à l’employeur de la renverser.

2. L’accident du travail
Afin que l’assurance contre les accidents du travail intervienne, l’accident tel qu’il vient d’être
défini doit s’être produit soit au travail, soit sur le chemin du travail. La notion d’accident du
travail proprement dit (arbeidsongeval sensu stricto) est définie par la loi (a), qui institue au
bénéfice de la victime un second mécanisme d’allègement de la charge de la preuve (b).
a) Notion

Article 7, alinéa 1er : accident du travail est tout accident qui survient à un travailleur dans le
cours et par le fait de l’exécution du contrat de travail.

En pratique, de manière probatoire c’est le premier élément qui est le plus important.
1) Un accident qui survient dans le cours de l’exécution du contrat de travail
C’est un accident qui présente une certaine concordance temporelle par rapport à l’exécution
de contrat de travail. Le point clef ici est compris de manière très lâche et très extensive. Ce qui
compte ce n’est pas uniquement d’être en train d’effectuer son travail mais c’est se trouver sous
l’autorité de l’employeur. On sait que le lien de subordination est un lien assez extensif. Il ne
faut pas être à un moment déterminé là où l’employeur est en train de donner un ordre.
Cette exigence s’explique par le fait que l’assurance contre les accidents du travail n’a pas
vocation à couvrir tous les accidents susceptibles de survenir à un moment quelconque : son
objet est de couvrir le risque professionnel. Pour montrer que l’accident s’est produit dans le
cadre professionnel, il faut établir que l’accident s’est produit à un moment où la victime se
trouvait sous l’autorité de son employeur.
Cette exigence de se trouver sous l’autorité patronale au moment de la survenance de l’accident
est interprétée de manière assez large par la jurisprudence. On sait que, en droit du travail, il ne
faut pas nécessairement que l’autorité soit exercée de manière effective par l’employeur pour
que l’on puisse parler de subordination. Ce qui importe, sur le plan juridique, c’est que le double
pouvoir de direction et de surveillance constitutif du rapport d’autorité puisse être exercé. De
la même manière, on considère, en matière d’accidents du travail, que l’accident a eu lieu dans
le cours de l’exécution du contrat de travail dès qu’il s’est produit à un moment où l’employeur

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était susceptible d’exercer son autorité. Il en découle que le risque professionnel ne se réduit
pas à celui qu’encourt le travailleur pendant l’exécution des prestations de travail proprement
dites mais englobe aussi celui qui survient à un moment où la liberté personnelle de l’intéressé
est limitée en raison de l’exécution du contrat.
Ainsi, l’accident qui se produit au cours de la journée de travail mais pendant une période de
repos et dans l’entreprise ou ses environs immédiats survient dans le cours de l’exécution du
contrat. Certes, le travailleur en période de repos n’est pas en train d’exécuter les prestations
convenues, mais il ne dispose pas de sa liberté pleine et entière : il est là pour les besoins du
travail.
Il en va de même pour le représentant de commerce qui fait un malaise cardiaque après avoir
dansé lors d’une soirée organisée par un client ou le travailleur victime d’un accident alors qu’il
est en mission à l’étranger pour le compte de son employeur.
S’inscrit également dans l’exécution du contrat de travail l’accident qui se produit à l’occasion
d’une activité extraprofessionnelle organisée par l’employeur lui-même, telle la journée
sportive annuelle de l’entreprise.
Ce n’est pas prévu dans le contrat de travail mais si on est là c’est parce qu’on a un contrat de
travail et un employeur.
En revanche, l’accident qui survient pendant une soirée organisée à titre privé entre collègues
n’a pas lieu dans le cours de l’exécution du contrat de travail.
Depuis 2009, la loi contient une disposition particulière à propos du cas du télétravail. Dans ce
cas de figure, la frontière entre prestations de travail et activités privées est en effet plus
particulièrement poreuse. C'est pourquoi la loi institue au bénéfice du télétravailleur une
présomption, toutefois susceptible d’être renversée. En vertu de la loi, l’accident qui survient
au télétravailleur est présumé, jusqu’à preuve du contraire, être survenu dans le cours de
l’exécution du contrat de travail si, d’une part, il s’est produit dans le lieu que le travailleur a
choisi par écrit comme lieu d’exécution du travail – son domicile par exemple – et si, d’autre
part, il s’est produit durant les heures de travail convenues par écrit ou, à défaut de mention
à ce sujet dans la convention écrite, durant les heures de travail que l’intéressé devrait prester
s’il était occupé dans les locaux de l’employeur
2) Un accident qui survient par le fait de l’exécution du contrat de travail
Cela signifie que l’accident doit avoir été causé par l’accomplissement des prestations de
travail.
Autrement dit, l’accident ne doit pas seulement s’être produit pendant le travail, ou pendant des
activités liées à l’existence du contrat de travail : il doit également être survenu en raison de
l’exécution de ce même contrat ou d’activités qui y sont liées. Une simple concordance
temporelle entre l’accident et l’exécution du contrat ou des activités connexes ne suffit pas.
Cela étant, l’exécution du contrat de travail est comprise largement. La couverture contre les
accidents du travail ne se limite pas à la prise en charge des risques liés à l’exécution correcte
du travail. Il y a accident du travail dès que le travailleur est sous l’autorité de son employeur

92
et que l’accident est dû à des circonstances en rapport avec le milieu professionnel, même en
cas de faute de la victime ou de désobéissance à des instructions.
Par exemple, le travailleur victime de coups donnés par un collègue à l’occasion d’une dispute
sur le lieu de travail subit un accident du travail. Certes, se battre avec ses collègues ne fait pas
partie des tâches prévues par le contrat de travail, mais l’accident, survenu au cours du travail,
n’en reste pas moins sécrété par le milieu professionnel, et donc dû à celui-ci.
b) Preuve
Comme pour ce qui concerne l’établissement de l’accident proprement dit, la loi a mis en place
un régime particulier pour faciliter la preuve de l’accident du travail. Elle dispose en effet que
l’accident survenu dans le cours de l’exécution du contrat de travail est présumé, jusqu’à preuve
du contraire, être survenu par le fait de l’exécution de ce contrat. Une fois rapportée l’existence
d’un accident et d’une concordance temporelle entre cet accident et l’exécution du contrat de
travail, le rapport de causalité entre l’accident et le milieu professionnel est donc présumé
établi. Il ne s’agit toutefois que d’une présomption simple.
Comme à propos de la relation entre l’événement soudain et la lésion, l’assureur peut chercher
à renverser la présomption, en démontrant que l’accident qui s’est produit dans le cours de
l’exécution du contrat résulte en réalité de raisons totalement étrangères à l’exécution dudit
contrat, et n’est donc pas survenu par le fait de celle-ci. C’est toute la problématique dite de la
« cause interne » ou de l’« état antérieur ». On sort du périmètre du risque professionnel si
l’assureur parvient à montrer que l’accident qui s’est produit sur le lieu de travail est sans
rapport aucun avec l’exécution du travail et trouve sa cause exclusive dans l’état de santé
préexistant de la victime. Dans ce cas, la survenance de l’accident et la présence sur le lieu de
travail sont le fruit d’une pure coïncidence : l’accident ne peut en rien être attribué à l’exécution
du contrat de travail. Pour exclure le risque professionnel, il faut établir que le milieu
professionnel et l’accident n’ont rien à voir et ça c’est un standard de preuve difficile à avoir.
Toutefois, le standard de preuve à atteindre pour faire échec au jeu de la présomption légale est
assez exigeant. L’état antérieur de la victime est en effet sans incidence lorsque les lésions sont
dues à la fois à cet état et à l’événement soudain survenu dans le cours de l’exécution du contrat
de travail. Dès que les lésions ont été provoquées au moins en partie par l’événement soudain,
l’accident du travail doit être reconnu. Ainsi, un accident qui aggrave des blessures déjà
existantes ou accélère l’évolution d’une pathologie déjà présente est bien un accident du travail.
Dans ce cas de figure, le milieu professionnel a en effet contribué à produire les lésions.

1) L’accident sur le chemin du travail


Article 8, §1er, alinéa 1er : est également considéré comme accident du travail l’accident
survenu sur le chemin du travail

Article 8, §1er, alinéa 2 : chemin du travail = trajet normal que le travailleur doit parcourir
pour se rendre de sa résidence au lieu de l’exécution du travail, et inversement

Depuis 1945, les accidents sur le chemin du travail sont considérés comme s’ils étaient des
accidents de travail. Tout événement soudain causant une lésion qui survient sur le chemin du

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travail donne donc lieu à réparation. Il n’est pas nécessaire d’établir un lien de causalité entre
l’accident et le milieu professionnel. Partant, l’accident survenu sur le chemin du travail ne perd
pas ce caractère parce qu’il aurait été causé uniquement par une défaillance de l’organisme de
la victime et serait sans rapport avec l’exécution du contrat de travail. Autrement dit, la victime
d’un accident sur le chemin du travail connaît une situation plus confortable que la victime d’un
accident du travail proprement dit.
La seule question qui se pose véritablement est donc celle de savoir ce qu’il faut entendre par
« chemin du travail ». La notion est définie par la loi (a), mais n’en suscite pas moins,
inévitablement, une certaine casuistique (b).
a) La notion de chemin du travail et ses extensions
La loi définit le chemin du travail comme le « trajet normal que le travailleur doit parcourir
pour se rendre de sa résidence au lieu de l’exécution du travail, et inversement ». On considère
que le chemin du travail commence dès que le travailleur franchit le seuil de sa résidence et se
termine à son arrivée sur le lieu où il doit effectuer ses prestations. La notion de résidence est
une notion de fait, qui ne se confond pas nécessairement avec le domicile légal.
La loi étend elle-même la notion de chemin du travail à différents trajets justifiés par l’exercice
du travail ou par des activités accessoires au travail. Il en va ainsi, notamment, du trajet parcouru
pour participer à une réunion du conseil d’entreprise ou du CPPT, pour se présenter à une
consultation auprès du médecin du travail, pour prendre son repas, pour suivre une formation
ou encore pour se rendre chez un autre employeur.
b) La problématique des détours et des interruptions
En pratique, le point qui suscite le plus de discussions est celui de savoir ce qu’est un trajet «
normal » entre sa résidence et le lieu d’exécution de son travail. Peut-on considérer que le
travailleur reste dans les limites d’un trajet normal lorsqu’il effectue un détour (omweg) ou une
interruption (onderbreking) alors qu’il est en route vers son lieu de travail ou vers son habitation
?
La loi règle elle-même le sort de deux hypothèses fréquentes. Pour mettre fin à des controverses
qui étaient nées dans la jurisprudence, la loi précise depuis 1991 que le trajet reste normal
lorsque le travailleur effectue les détours « nécessaires et raisonnablement justifiables » pour
embarquer ou débarquer des collègues dans le cadre :
- D’un covoiturage, d’une part, et
- Pour conduire ou reprendre les enfants à la garderie ou à l’école, d’autre part.
Qu’en est-il des autres cas de figure envisageables ? De la jurisprudence de la Cour de cassation,
se dégage la double ligne directrice suivante : restent dans les limites du chemin du travail les
détours et les interruptions peu importants justifiés par des motifs légitimes. Sont également
admissibles les détours et les interruptions importants, mais à la condition alors d’être justifiés
par la survenance d’un événement de force majeure. L’importance du détour ou de
l’interruption s’apprécie par rapport à la longueur et à la durée du trajet habituel, mais aussi par
rapport à toutes les circonstances de fait de l’espèce. En tout état de cause, le trajet normal n’est
pas nécessairement le trajet le plus direct ni le plus court.

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Opérer un léger détour pour s’arrêter dans une boulangerie, prendre un café en cours de route
ou faire quelques courses de nourriture sont a priori des interruptions peu importantes et
justifiées. Il en va de même d’un détour justifié par la nécessité de reconduire un collègue en
difficulté à son domicile. En raison de leur caractère raisonnable, ces détours n’excèdent pas
les limites d’un trajet dit « normal ».
Faire un détour de plusieurs kilomètres par rapport à son trajet habituel parce qu’on a été appelé
en urgence par sa mère pour des raisons de santé est un détour important mais susceptible d’être
justifié par une circonstance de force majeure. Une halte prolongée dans un débit de boissons
est, elle aussi, une interruption importante, mais qui, en règle générale, n’apparaît pas justifiée
par un cas de force majeure.

Section 4 – L’indemnisation : une prise en charge de nature forfaitaire


Après avoir identifié les bénéficiaires de la couverture contre les accidents du travail et défini
les risques pris en charge par ladite couverture, il reste à voir à quelles prestations cette
couverture donne droit en cas de réalisation du risque. Comment, autrement dit, les accidents
(sur le chemin) du travail sont-ils indemnisés ?
On retrouve le compromis originaire du 24 décembre 1903. Dès lors que la matérialité de
l’accident est établie, le droit à une réparation est automatiquement ouvert. Hormis dans
l’hypothèse où l’accident aurait été causé intentionnellement, on ne se préoccupe donc pas de
savoir qui ni ce qui a causé l’accident. En contrepartie, les formes et l’étendue de la réparation
sont entièrement prédéterminées par la loi. Contrairement à ce qui est prévu en droit de la
responsabilité civile, la victime ne bénéficie en effet pas d’une réparation couvrant la totalité
du préjudice réellement subi : l’indemnisation accordée ne porte que sur la dimension matérielle
du dommage et est de nature forfaitaire.
Plus précisément, la loi du 10 avril 1971 prévoit trois types de réparation, à charge de l’assureur-
loi, qui correspondent aux différentes natures possibles des lésions. La loi prévoit d’abord, et
principalement, un revenu de remplacement pour indemniser l’incapacité de travail résultant de
l’accident (2). Mais elle prévoit aussi une prise en charge des éventuels frais médicaux (3), ainsi
qu’une intervention pécuniaire au bénéfice de certains membres de la famille en cas de décès
du travailleur (4). Les indemnités d’incapacité comme la rente au bénéfice des ayants droit en
cas de décès sont calculées à partir de la rémunération du travailleur : cette dernière est donc le
point de départ à partir duquel la loi fixe la part du dommage prise en charge (1).

1. La notion de rémunération de base


La notion de rémunération, dite rémunération de base (basisloon), est définie d’une manière
assez semblable que dans la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération
des travailleurs, dont la définition de la rémunération est celle habituellement retenue en
sécurité sociale. Pour le calcul des prestations dues en matière d’accidents du travail, on se base
sur toutes les sommes et tous les avantages octroyés par l’employeur au travailleur en raison
des relations de travail existant entre eux.
Comme en matière de calcul des cotisations, la loi sur les accidents du travail ménage toutefois
diverses exceptions : elle prévoit expressément qu’un certain nombre de sommes payées par
l’employeur en contrepartie du travail ne sont pas constitutives, pour les besoins de la réparation

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des accidents du travail, de rémunération. Il en va ainsi, notamment, des remboursements de
frais de transport, des outils et vêtements de travail, des indemnités de rupture du contrat de
travail en cas de faute de l’employeur ou encore des chèques-repas. Ces diverses sommes, dont
on sait qu’elles sont pour la plupart exonérées de cotisations sociales, ne sont pas non plus prises
en compte pour le calcul des prestations.
Par ailleurs, la rémunération prise en considération est plafonnée à un montant maximal,
exprimé en base annuelle. C’est là une première manifestation du caractère seulement
forfaitaire de la réparation, puisqu’on ne tient pas compte de l’intégralité de la rémunération
perdue, du moins pour les victimes dont la rémunération excède le plafond. Mais celui-ci est
assez bas. Le montant maximum susceptible de servir de base de calcul est régulièrement
adapté. Indexé, il s’élevait à approximativement 43 500 euros au 1er janvier 2018.

2. Les indemnités en cas d’incapacité de travail


Ici, on va passer plus de temps sur l’incapacité de travail car c’est le cœur de l’assurance
accident du travail. Le principal objet de l’assurance contre les accidents du travail est de
procurer un revenu de remplacement aux travailleurs en incapacité de travail
(arbeidsongeschiktheid). La loi distingue deux périodes d’incapacité : l’incapacité temporaire
(a) et l’incapacité permanente (b). Les modalités de calcul de l’indemnisation due diffèrent
substantiellement entre l’une et l’autre période. Dans les deux cas, la réparation est forfaitaire,
mais c’est surtout en période d’incapacité permanente que la déconnexion entre l’indemnisation
octroyée et le préjudice réellement subi est manifeste.
a) L’incapacité temporaire de travail
De l’économie de la loi, il se déduit que la période d’incapacité temporaire de travail (tijdelijke
arbeidsongeschiktheid) est celle durant laquelle les lésions, qu’elles soient physiques ou
mentales, évoluent, ou du moins sont encore susceptibles d’évoluer. Une incapacité
temporaire n’est donc pas une incapacité qui, nécessairement, disparaît après un certain temps.
L’incapacité est dite temporaire tant et aussi longtemps que l’état de santé de la victime n’est
pas stabilisé et que les séquelles sont sujettes à évolutions. Cela ne signifie pas que l’on à faire
avec une incapacité qui va disparaître, mais bien qu’elle n’est pas stabilisée.
Pour organiser l’indemnisation, la loi distingue, à l’intérieur de cette première période, deux
hypothèses : soit l’incapacité est totale (1°), soit l’incapacité est partielle (2°). La définition de
ces deux notions se déduit également de l’économie de la loi.
1) Incapacité temporaire totale (ITT)
L’incapacité est totale lorsque le travailleur n’est pas en mesure de reprendre le travail.
Dans ce cas de figure, l’intéressé a droit à une indemnité s’élevant à 90% de sa rémunération
de base plafonnée (art. 22). La réparation du préjudice matérielle (perte de revenus
professionnels habituels) n’est pas intégrale puisque, outre que seule est prise en compte la perte
de revenu professionnel découlant de l’accident, la rémunération de base est plafonnée et le
taux de remplacement n’est pas de 100%. Mais on s’assure tout de même d’une certaine
proximité entre l’indemnité octroyée et le dommage réellement subi, dans la mesure où, d’une
part, l’on se réfère, par le biais de la rémunération, à la situation professionnelle effective de

96
l’intéressé au moment de l’accident et que, d’autre part, la proportion de la rémunération de
base qui est remplacée est relativement élevée. Le taux de remplacement est appliqué sur une
rémunération plafonnée. La réparation n’est pas totale mais elle est assez proche du préjudice
subi.
2) Incapacité temporaire partielle (ITP)
L’incapacité est partielle lorsque le travailleur qui a subi l’accident peut reprendre le travail,
le cas échéant à un poste adapté, dans une certaine mesure. Soit le même poste qu’il occupait
auparavant, soit le même poste à mi-temps, soit à un emploi adapté. « Une profession appropriée
qui peut lui être confiée à titre provisoire », dit la loi.
L’assureur-loi, qui souhaite généralement limiter ses dépenses, peut demander à l’employeur
d’examiner la possibilité d’une remise au travail. Celle-ci ne peut avoir lieu qu’après avis
favorable du médecin du travail, c’est-à-dire le médecin du service pour la prévention et la
protection au travail organisé en vertu de la législation sur le bien-être au travail, si la victime
s’estime inapte à reprendre le travail.
Si jamais il y a remise au travail, le travailleur en ITP va toucher une indemnité égale à la
différence entre l’ancienne et la nouvelle rémunération (art. 23). En cas de remise au travail, le
travailleur en incapacité temporaire partielle perçoit un montant total équivalent à son
ancienne rémunération : il a en effet droit à une rémunération, payée par son employeur, pour
le travail qu’il accomplit – qu’il s’agisse du poste de travail qu’il occupait avant l’accident ou
d’un emploi adapté –, à laquelle s’ajoute une indemnité, à charge cette fois de l’assureur, égale
à l’éventuelle différence entre la rémunération qu’il percevait avant l’accident et celle qu’il
perçoit dans le cadre de sa remise au travail.
Le but ainsi poursuivi est d’encourager financièrement la reprise du travail lorsqu’elle est
possible. Si le travailleur refuse la mise au travail proposée sans raisons valables, il n’aura alors
droit qu’à une indemnité couvrant son degré d’incapacité de travail partielle. Si l’incapacité est
ou devient partielle mais qu’aucune remise au travail n’est proposée à l’intéressé, ou que la
remise au travail proposée est refusée pour un motif valable, c’est alors l’indemnité pour
incapacité temporaire totale qui est due, soit 90% de la rémunération plafonnée.
A ce stade, la réparation est forfaitaire et barémisée mais elle est très proche du préjudice
matériel réel subi.
b) L’incapacité permanente de travail
A partir d’un certain moment, les séquelles cessent d’évoluer. C’est le moment dit de la «
consolidation » (consolidatie) des lésions. Soit les séquelles ont totalement disparu, auquel cas
le travailleur cesse de bénéficier de l’assurance contre les accidents du travail. Soit des séquelles
persistent, stabilisées à un certain niveau, auquel cas l’incapacité temporaire devient une
incapacité permanente (blijvende arbeidsongeschiktheid) : la capacité de travail de la victime
est définitivement diminuée.
Inévitablement, la détermination d’une date précise de consolidation des lésions présente une
part d’arbitraire. En réalité, toute lésion est toujours susceptible d’évoluer. Mais la fixation
d’une date de consolidation est une fiction indispensable pour organiser l’indemnisation du

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travailleur dont la force de travail semble irrémédiablement altérée. Par ailleurs, le taux
d’incapacité permanente est susceptible de faire l’objet d’une révision endéans un certain délai,
comme on le verra plus loin dans l’analyse des aspects procéduraux.
Lorsque les séquelles n’évoluent plus, ou du moins si faiblement que, selon toute
vraisemblance, plus aucune amélioration ou détérioration significative n’est à prévoir, un degré
d’incapacité permanente est établi. La victime a alors droit, à charge de l’assureur, à une
indemnité égale à sa rémunération de base multipliée par le taux d’incapacité permanente
qui a été reconnu, lequel est exprimé sous la forme d’un pourcentage. Le travailleur aura droit
à charge de l’assureur à 20% par exemple, si 20% est le taux d’incapacité permanente, de sa
rémunération.
C’est l’assureur-loi qui, à un certain moment, lorsqu’on considère que les lésions sont
consolidées, qui va faire une proposition. Au vu des examens réalisés, des séquelles qui sont
les suivantes, on propose de vous reconnaître x% d’incapacité permanente. Si on refuse, on
transmet la proposition de l’assureur à Fedris. Fedris peut entériner les propositions de
reconnaissance d’incapacité de travail des assureurs-loi. C’est le second rôle que joue Fedris.
Comment ce taux est-il établi ? Il est important de bien voir que l’indemnisation change en
réalité d’objet à partir du basculement de l’incapacité temporaire dans l’incapacité permanente.
A partir de la consolidation, l’indemnité versée à la victime pour le restant de sa carrière ne vise
en effet plus à couvrir (une part de) la perte effective de rémunération, même plafonnée, comme
c’est le cas en incapacité temporaire. Cette indemnité, ainsi que l’a établi la Cour de cassation,
prend en charge la diminution de la valeur économique de la victime sur le marché de l’emploi.
Ce qu’exprime le taux d’incapacité permanente est donc la perte de capacité du travailleur à
encore exercer une activité professionnelle. Il ne s’agit pas d’indemniser l’atteinte à
l’intégrité physique ou psychique en tant que telle, mais bien l’altération de la capacité
concurrentielle de la victime sur le marché du travail qui découle de cette atteinte.
Concrètement, le taux est calculé en fonction de différents critères, dégagés par la
jurisprudence. Ces critères sont principalement l’importance des séquelles, d’abord et avant
tout, mais aussi l’âge de la victime, ses aptitudes professionnelles et ses facultés
d’adaptation et de reconversion. En fonction de ces différents éléments, on cherche à mesurer
l’amoindrissement de la faculté du travailleur à exercer encore une profession quelconque parmi
les différents métiers qui lui sont accessibles. Le degré d’incapacité n’est donc pas apprécié au
regard du poste de travail concret que la victime occupait à la date de l’accident, mais par
rapport au marché de l’emploi général. On ne se demande pas dans quelle mesure est diminuée
sa capacité à exercer encore son ancien métier mais une activité professionnelle quelle qu’elle
soit.

C'est en cela que l'indemnité pour incapacité permanente ne vise pas à compenser le préjudice
réellement subi, soit, pour s’en tenir au dommage matériel, la perte de salaire effective. Par
hypothèse, cette perte peut être plus comme moins élevée que l’indemnité forfaitaire octroyée.
Il est possible que le travailleur, par exemple dans le cas de figure où il s’avère en mesure de
conserver ou reprendre son ancien poste malgré l’incapacité permanente, perçoive un revenu
total plus élevé qu’à la veille de l’accident, puisqu’il cumulera alors son ancienne rémunération,

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inchangée, et l’indemnité pour altération irrémédiable de sa capacité concurrentielle. Mais il se
peut très bien aussi que, à l’inverse, comme c’est souvent le cas pour les accidents d’une
certaine gravité, il gagne moins bien sa vie qu’avant l’accident, parce que l’indemnité octroyée
s’avérerait in casu moindre, voire bien moindre, que la différence entre l’ancienne et la nouvelle
rémunération – a fortiori s’il ne retrouve pas de travail. Tout cela est sans incidence
juridiquement, puisque l’indemnisation n’a pas pour objet la perte réelle de rémunération mais
la diminution de capacité économique générale. C’est du reste ce qui explique pourquoi le
cumul entre l’indemnité pour accident du travail et une autre allocation sociale, de chômage par
exemple, est, en règle générale, interdit en période d’incapacité temporaire mais autorisé en
période d’incapacité permanente.
Il est à noter qu’à la suite d’une mesure d’économie budgétaire prise dans les années 1980 par
arrêté royal de pouvoirs spéciaux, les indemnités sont fortement réduites lorsque le taux
d’incapacité permanente est inférieur à 10%. La réduction est de 50% lorsque le taux s’élève à
moins de 5%, tandis qu’elle est de 25% lorsque le taux se situe entre 5 et moins de 10%75.
Quand le taux d’incapacité se situe en dessous de la barre des 10%, l’indemnité due est donc
réduite à concurrence de moitié ou d’un quart.
Enfin, une indemnité complémentaire aux indemnités d’incapacité est due lorsque l’état de la
victime nécessite absolument l’aide régulière d’une autre personne, c’est à dire une aide en
nature. Cette indemnité complémentaire pour aide d’une tierce personne est calculée, prévoit la
loi, en fonction du degré de nécessité de l’assistance. Elle est toutefois forfaitaire, dans la
mesure où elle est exprimée en proportion du salaire minimum. Elle ne se base donc pas sur le
coût réel de l’assistance.
L’indemnisation change en réalité de philosophie, d’objet, à partir de la consolidation des
séquelles. Pendant l’incapacité temporaire, les indemnités sont exprimées en fonction de la
rémunération réelle antérieure. Après celle-ci, l’indemnité versée à la victime pendant le reste
de la carrière, ne cherche plus directement à couvrir, compenser la perte du salaire réel. Ce que
cherche l’indemnité est couvrir la perte de potentiel économique, de capacité concurrentielle,
sur le marché de l’emploi en général. On essaie de mesurer l’amoindrissement de la faculté du
travailleur d’exercer une profession sur le marché de l’emploi. On calcule cette différence à
partir de différents critères.
C’est ici qu’on a des débats autour de l’opportunité de confier une branche de sécurité sociale
à des entreprises commerciales. Ces entreprises ne manifestent pas d’un enthousiasme fou
d’indemniser.

3) Les prestations en cas de décès


Si le travailleur décède des suites de l’accident du travail, ce qui se produit encore plusieurs
dizaines de fois par an en Belgique, le dommage à réparer n’est pas l’incapacité de travail mais
l’insécurité économique résultant du décès (overlijden) pour les membres de la famille de la
victime. En réalité, le dommage subi par ceux-ci est aussi, voire d’abord, moral, mais, encore
une fois, et aspect est ignoré par la loi. La loi octroie une rente à certains membres de la famille
de la victime (art. 10 à 21).

99
Dans l’hypothèse de l’accident du travail mortel, la loi prévoit, outre une prise en charge
forfaitaire des frais funéraires, l’octroi d’une rente au bénéfice de certains des membres de la
famille du défunt. Pour identifier les ayants droit, la loi opère une distinction entre, d’une part,
le conjoint ou le cohabitant légal et les enfants de la victime et, d’autre part, ses parents, petits-
enfants, frères et sœurs. Les seconds n’ont droit à une rente que s’ils établissent qu’ils
profitaient directement de la rémunération du travailleur décédé.
a) Le conjoint, le cohabitant légal et les enfants
• P.ex. rente viagère s’élevant à 30% de la rémunération de la victime pour le conjoint ou
le cohabitant légal survivant : c’est une compensation forfaitaire du préjudice
économique réel. Ce dernier peut être supérieur ou inférieur.
Le conjoint, le cohabitant légal et les enfants ne doivent pas établir la preuve de leur dépendance
économique à l’égard de la victime. Cette dépendance est en quelque sorte présumée.
Le conjoint ou le cohabitant légal survivant a droit à une rente s’élevant à 30% de la
rémunération de base de la victime. Cette rente est due sans limite dans le temps. Il s’agit donc
d’une rente viagère. On notera que la loi ne prévoit pas l’octroi d’une telle rente en cas de
cohabitation de fait. La Cour constitutionnelle n’y a pas vu de discrimination.

• P.ex. rente s’élevant à 15% de la rémunération de la victime pour chaque enfant


percevant des allocations familiales, tant qu’il perçoit celles-ci (jusqu’à 18 à 25 ans)
Quant aux enfants, ils ont chacun droit à une rente égale à 15% de la rémunération de base,
sachant que cette rente est portée à 20% s’ils sont orphelins de père et de mère – sans toutefois
que le total des rentes puisse dépasser, respectivement, 45 ou 60% de la rémunération de base.
Cette rente est due tant que les enfants ont droit à des allocations familiales, c’est-à-dire, en
l’état de la réglementation – à présent communautarisée – applicable à Bruxelles, en tout cas
jusqu’à l’âge de 18 ans et jusqu’à 25 ans maximum en cas de poursuite d’études au-delà de la
majorité.
b) Les autres membres de la famille
Les parents, petits-enfants, frères et sœurs du travailleur décédé ont droit à une rente seulement
dans des conditions assez restrictives. Ils sont susceptibles de bénéficier d’une rente seulement
si, pour les premiers, le travailleur ne laisse pas d’enfants bénéficiaires, si, pour les seconds,
leur père ou mère est déjà décédé et si, pour les derniers, le travailleur ne laisse aucun autre
bénéficiaire. Par ailleurs et surtout, les ascendants, petits-enfants et frères et sœurs dans cette
situation ne perçoivent la rente que si, dit la loi, « ils profitaient directement de la rémunération
de la victime ».
Autrement dit, ils doivent établir la preuve d’une forme de dépendance économique à l’égard
de celle-ci. Cette dépendance est toutefois présumée s’ils vivaient sous le même toit que le
défunt. Il s’agit d’une présomption irréfragable.

3. La prise en charge des soins de santé


Articles 28 à 33 : remboursement intégral des frais médicaux (pas de ticket modérateur)

100
A côté de l’octroi des indemnités pour incapacité de travail, la loi du 10 avril 1971 prévoit aussi
la prise en charge par l’assureur-loi des dépenses médicales (geneeskundige verzorging)
exposées par le travailleur victime d’un accident. Ces dépenses comprennent les soins
médicaux, chirurgicaux et hospitaliers, mais aussi les frais pharmaceutiques et l’éventuelle
acquisition d’appareils de prothèse ou d’orthopédie. Peu importe que les lésions entraînent une
incapacité de travail et des dépenses médicales ou seulement la première ou les secondes : la
prise en charge de l’une et des autres est indépendante.

S’agissant des modalités et de l’étendue de la prise en charge des dépenses médicales, deux
hypothèses doivent être distinguées. Si l’employeur a institué ou s’est affilié à un service
médical agréé, le travailleur est tenu de s’adresser à ce service. Il ne dispose alors donc pas du
libre choix du dispensateur de soins. En contrepartie, tous les frais sont pris en charge par
l’assureur. Si, par contre, l’employeur n’a pas institué ou ne s’est pas affilié à un tel service –
et, en pratique, telle est la situation la plus fréquente –, la victime peut s’adresser au dispensateur
de son choix. Mais les frais lui seront remboursés sur la base d’un « tarif » fixant des limites,
lesquelles sont toutefois assez élevées, le surplus éventuel étant à la charge du travailleur79.
Dans les deux hypothèses, la victime ne doit pas s’acquitter du ticket modérateur, c'est-à-dire
de la part des dépenses qui, dans le cadre de l’assurance soins de santé, n’est pas remboursée
par la mutuelle et reste à charge du patient : le remboursement est intégral, sous la seule réserve
des limites fixées par le tarif des soins médicaux applicable aux victimes qui disposent du libre
choix du prestataire.
Dit en cours : la garantie est très extensive car l’ensemble des frais médicaux sont remboursés.

Section 5 – Aspects procéduraux 1


La loi règle encore une série de questions procédurales, qui sont d’une grande importance
pratique. Il s’agit principalement des modalités de déclaration de l’accident du travail et des
suites réservées à cette déclaration (1), du processus de détermination du taux de
l’indemnisation en incapacité permanente (2) et de la possibilité d’obtenir la révision de la
situation médicale après la date de consolidation (3).

1. La déclaration d’accident du travail


L’employeur a l’obligation de déclarer à son entreprise d’assurances tout accident susceptible
d’être reconnu comme accident (sur le chemin) du travail. La déclaration peut être faite
également par la victime ou ses ayants droit. Cette déclaration doit être envoyée dans les dix
jours ouvrables à compter du jour qui suit l’accident, par le biais d’un formulaire établi par le
comité de gestion des accidents du travail de Fedris.
Il incombe alors à l’assureur de statuer sur la reconnaissance ou non de l’accident comme
accident (sur le chemin) du travail. Si l’assureur admet l’existence d’un accident (sur le chemin)
du travail au sens de la loi, il entame immédiatement le paiement des prestations dues en vertu
de celle-ci. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que, pendant le premier mois qui suit le début
de l’incapacité, l’employeur doit continuer à payer au travailleur sa rémunération normale, sur
la base de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail et des conventions collectives

1
Partie mentionnée très brièvement en cours.

101
conclues au sein du Conseil national du travail qui la complètent. C’est pourquoi c’est à lui,
pendant cette période, que l’assureur-loi versera les indemnités d’incapacité pour accident du
travail. Le versement à la victime des indemnités d’incapacité ne commencera donc en réalité
qu’à partir du trente et unième jour.
Si l’assureur refuse la prise en charge, il doit en informer, dans les trente jours qui suivent la
réception de la déclaration d’accident, l’Agence fédérale des risques professionnels,
l’organisme assureur auquel le travailleur est affilié dans le cadre de l’assurance soins de santé
et indemnités – c’est-à-dire sa mutuelle – et le travailleur lui-même. L’information de Fedris a
pour but de permettre à celui-ci de procéder éventuellement à une enquête sur les circonstances
de l’accident et de contester l’appréciation de l’assureur. Dans cette dernière hypothèse, le litige
est porté en justice. Quant à l’information de la mutuelle, elle est particulièrement importante,
dans la mesure où elle vaut déclaration d’incapacité de travail dans le cadre de l’assurance soins
de santé et indemnités et dispense le travailleur de procéder lui-même à cette déclaration. La
notification oblige la mutuelle à examiner si, malgré l’absence d’un accident (sur le chemin) du
travail au sens de la loi du 10 avril 1971, le travailleur n’entre pas dans les conditions pour
percevoir des indemnités d’incapacité dans le cadre du secteur indemnités de l’assurance soins
de santé et indemnités. Faute de notification dans le délai prescrit, l’entreprise d’assurances est
redevable des indemnités d’incapacité de travail normalement à charge de la mutuelle, jusqu’à
ce qu’elle procède à la déclaration.

2. La détermination du taux d’incapacité permanente


Si l’assureur reconnaît que l’accident déclaré est constitutif d’un accident (sur le chemin) du
travail, les prestations prévues par celle-ci sont dues : indemnités d’incapacité de travail,
remboursement des éventuelles dépenses médicales ou rentes aux ayants droit dans l’hypothèse
du décès. La détermination du taux de l’indemnisation au moment du passage de l’incapacité
temporaire à l’incapacité permanente appelle quelques précisions : qui, en effet, décide du
moment où l’incapacité est consolidée et fixe le taux d’incapacité permanente ?

C’est à l’assureur, lorsqu’il estime que les lésions sont consolidées, qu’il appartient de faire une
proposition à la victime. En pratique, les assureurs font bien sûr appel à des médecins. La
proposition transmise à la victime, dite « projet d’accord », doit contenir un « rapport de
consolidation » comportant, en particulier, une description des lésions initiales et permanentes,
la date de consolidation retenue et le taux d’incapacité permanente proposé.
Si le travailleur marque son accord sur le projet d’accord, il le retourne signé à l’assureur,
accompagné d’une approbation par son propre médecin des éléments repris dans le rapport de
consolidation. Lorsque le taux d’incapacité permanente proposé s’élève à 10% ou plus, le
rapport de consolidation est envoyé directement par l’assureur au médecin-conseil de la
mutuelle du travailleur et l’accord de ce médecin est sollicité. En cas d’accord du travailleur et
du médecin – soit le médecin traitant, soit le médecin-conseil de la mutuelle, selon la hauteur
du taux –, l’accord est soumis par l’assureur à l’Agence fédérale des risques professionnels pour
entérinement. L’entérinement de tous les accords conclus entre assureurs et victimes constitue
la seconde mission majeure dévolue à Fedris, aux côtés de son rôle de fonds de garantie à
l’égard des victimes dont l’employeur n’a pas souscrit d’assurance contre les accidents du
travail.

102
Si le travailleur rejette le projet d’accord qui lui est soumis par l’assureur, ou s’il l’accepte mais
que Fedris refuse d’entériner l’accord, l’affaire est portée devant le tribunal du travail. Quand
la contestation porte sur des éléments d’ordre médical, le tribunal sollicite généralement l’avis
d’un médecin-expert.
Enfin, dans l’éventualité où, à l’issue de la période d’incapacité temporaire, l’assureur estime
que la victime est guérie sans aucune séquelle, et donc sans incapacité permanente, il statue en
ce sens et l’indemnisation prend fin. Cette décision doit être justifiée par un certificat médical
si la période d’incapacité temporaire a été supérieure à trente jours. Elle peut également être
contestée en justice par le travailleur.
C’est sans doute par rapport à la détermination du taux d’incapacité permanente que la manière
dont le secteur est organisé entraîne les conséquences pratiques les plus importantes. On se
souvient en effet que le terrain est occupé par des entreprises d’assurances commerciales en
concurrence, et non, comme dans toutes les autres branches de la sécurité sociale, par un
parastatal et, éventuellement, des caisses de paiement privées mais non marchandes. Selon
certains, le système belge d’indemnisation des accidents du travail constituerait « un modèle ».
D’autres observateurs sont moins enthousiastes en relevant que les assureurs ont parfois
tendance à se montrer près de leurs sous lorsqu’il s’agit d’indemniser un accident. Cet aspect
ne doit pas être exagéré, dans la mesure où l’intervention des assureurs est étroitement encadrée
par la loi. Par ailleurs, les institutions publiques de sécurité sociale ne s’illustrent pas toujours
par leur fonctionnement parfaitement vertueux. Reste qu’on observe, s’agissant des accidents
du travail, que si les compagnies se montrent généralement assez indulgentes avec les sinistres
bénins ou relativement bénins, lesquels sont largement majoritaires, elles n’hésitent en revanche
parfois pas, en cas de sinistres graves, à se montrer beaucoup plus tatillonnes, voire à se lancer
dans de longues et coûteuses procédures judiciaires, pour limiter au maximum leur intervention.
C’est là sans doute une pièce à verser au débat sur l’opportunité de confier au secteur marchand
la gestion d’une branche de la sécurité sociale.

3. La révision après consolidation


Même si la date de la consolidation est, en principe, celle à laquelle, définitivement, les lésions
cessent d’évoluer ou ont disparu, une aggravation comme une amélioration restent toujours
possible. Les pronostics médicaux peuvent en effet être déjoués. C’est pourquoi la loi permet
au travailleur en incapacité permanente ou qui a fait l’objet d’une décision de guérison sans
séquelle, ou à ses ayants droit, de demander la révision (herziening) de sa situation.
Cette demande en révision doit être introduite dans un délai de trois ans. Selon que la révision
sollicitée porte sur un taux d’incapacité permanente ou sur une décision de guérison sans
incapacité, le point de départ du délai est la date de l’entérinement de l’accord par Fedris – ou
la date de la décision judiciaire définitive si les juridictions du travail ont été saisies – ou la
notification de la décision de guérison prise par l’assureur.
La demande de révision doit être fondée sur une modification de la capacité de travail de la
victime, ou son décès, dû à l’accident. La perte de capacité de travail doit résulter d’une
modification de l’état physiologique de la victime. Celle-ci ne peut donc se contenter
d’invoquer une altération de sa capacité concurrentielle en raison des transformations du

103
marché du travail. Par contre, si l’on est en présence d’une modification de son état
physiologique, son taux d’incapacité sera fixé au regard de sa valeur économique sur le marché
de l’emploi, conformément à la méthode qui a été exposée plus haut. Par ailleurs, la
modification de la capacité de travail ou le décès doit être en rapport avec l’accident : un lien
de causalité doit être établi.
Après l’expiration du délai de révision de trois ans, il reste encore possible de solliciter de
l’assureur une allocation spéciale, dite allocation d’aggravation, à condition toutefois que le
taux d’incapacité permanente, après aggravation, soit de 10% au moins.

Chapitre II – L’assurance chômage


La branche mal aimée ? Elle suscite les appréciations les plus contrastées. La particularité de
l’assurance chômage c’est que statistiquement, on observe la surconcentration du risque social
pris en charge sur le bas de la classe moyenne. On sait que le risque de chômage est surconcentré
sur le bas de la classe moyenne. D’où peut-être l’hypothèse que c’est une branche qui suscite
l’adhésion moins forte dans la population. On s’identifie moins au chômeur qu’aux pensionnés
ou aux malades.
Cette branche est modelée par son histoire. Notre assurance chômage puise directement dans
son histoire une série de traits saillants, de particularités dont on pense ce que l’on veut.

Section 1 – Vue d’ensemble


1. Des spécificités héritées de l’histoire
a) Les origines du système
Qui est à l’origine du système ? Ce sont les syndicats, à la fin du 19ème siècle, qui ont
entièrement mis en place les prémisses de l’assurance chômage. On a une époque où les
pouvoirs publics étaient totalement absents de la matière. Le marché de l’emploi était
totalement non régulé et donc celui qui perdait son travail ne bénéficiait d’aucune protection.
Ce sont les organisations syndicales/ouvrières qui ont mis en place, à leur initiative, malgré les
oppositions des patrons et de l’Etat, les principales caisses de paiement des allocations. On tire
donc une première caractéristique importante qui est le rôle des caisses de chômage syndicale
pour le paiement des allocations de chômage. Aujourd’hui encore, l’organisme de paiement
c’est le syndicat auquel le travailleur est affilié, soit la caisse sociale, la caisse libérale ou la
caisse chrétienne.
Pourquoi ? Protéger les chômeurs… et les travailleurs
Dès le départ, il était très clair dans l’esprit des mouvements ouvriers que l’assurance chômage
poursuivait en même temps une autre finalité, pas seulement celle de protéger les chômeurs
mais aussi celle de protéger les travailleurs, ceux qui ont un travail. L’existence d’allocations
de chômage joue un rôle de frein, de plancher à la dévaluation des salaires. Apd moment où
vous avez des allocations de chômages d’un certain niveau, économiquement, il est difficile
que les salaires se fixent à un niveau encore inférieur que celui des allocations de chômage. La
structure, le fonctionnement et l’ampleur de notre assurance chômage est un lieu de dispute

104
majeur de notre société. C’est là que le conflit entre mouvements ouvrier et patronal a été le
plus fort.
Le contrôle de l’assurance chômage, un enjeu de pouvoir majeur. De l’organisation de
l’ampleur de l’organisation du chômage vont dépendre beaucoup de choses sur le marché de
l’emploi en général, pas seulement la situation des chômeurs, mais également la situation des
travailleurs. Le niveau des allocations va avoir une influence sur le niveau des salaires. De
même, puisque les caisses syndicales jouent un rôle de paiement des allocations, ça a une
influence sur le taux de syndicalisation. En Belgique, le taux de syndicalisation est plus élevé
que dans nos pays voisins selon les branches. 2/3 de l’ensemble des travailleurs salariés sont
syndiqués. Cela influence la concertation sociale. Négocier des CCL dans un pays où les
syndicats représentent 10% ou 2/3 des travailleurs, ça n’a pas le même impact.
b) La refondation du système après la seconde guerre mondiale
En 1945, deux modifications essentielles sont apportées à la réglementation en place, au sortir
de la guerre :
1) L’illimitation dans le temps des allocations de chômage
C’est tout à fait singulier. Dans tous les pays qui nous entourent, les allocations de chômage
s’arrêtent après un certain temps. En Belgique, le simple écoulement du temps à lui-seul ne peut
pas entraîner l’éjection hors de l’assurance chômage. Il y a des raisons de se faire sanctionner,
les conditions d’octroi de l’assurance chômage sont très strictes, mais pas par l’écoulement du
temps.
2) L’admissibilité des jeunes sur la base des études
On a ouvert le système aux jeunes qui ont terminé des études d’un certain niveau. On a assimilé
à des travailleurs ayant travaillé et cotisé, des étudiants sortant de certaines études. De là, notre
système tire une seconde caractéristique clef : jusqu’à il y a peu, on pouvait entrer dans le
système d’assurance chômage de manière plus souple que dans d’autres pays. Jusqu’au milieu
des années 2000, notre système était marqué par ces deux caractéristiques.
Comparativement, par rapport à ce qu’il se passe dans d’autre pays, le système belge était un
système dans lequel on pouvait un peu plus facilement entrer et dans lequel on pouvait plus
facilement rester en raison de l’admissibilité des jeunes et de l’illimitation dans le temps des
allocations. Il y avait une contrepartie majeure, un prix à payer pour l’équilibre du système qui
est que les conditions d’indemnisation, le montant des allocations n’ont jamais été très élevées.
Cela a été l’équilibre de base de notre système. Cet équilibre est en train d’éclater depuis le
début des années 2000. La tendance c’est un très fort resserrement des conditions d’accès (on
entre plus difficilement dans le système), durcissement des conditions d’octroi (on reste moins
facilement à l’assurance chômage), couplé à un contexte d’une dégradation des montants revus
à la baisse. On tourne tous les boulons du système et on rend le système beaucoup plus sévère.
Concrètement, le budget est en nette diminution et le nombre de chômeurs indemnisé n’a pas
cessé de baisser ces dernières années, pas parce que le taux d’emploi explose. Le nombre de
chômeur qui reçoivent des indemnisations a baissé.

105
c) Une législation de nature exclusivement réglementaire
La réglementation du chômage est une législation, encore aujourd’hui, de nature exclusivement
réglementaire. Le texte de base qui régit la matière est un simple arrêté royal de 1991 portant
la réglementation du chômage, arrêté-royal que l’on appelle souvent le Code du chômage. Ce
n’est pas une loi. Du coup, la pyramide des normes est décalée d’un cran. La norme d’exécution
du code du chômage est un arrêté ministériel.
La conséquence de ceci c’est que le parlement n’a pas le moindre mot à dire en matière
d’assurance chômage. Elle est entièrement entre les mains du pouvoir exécutif. Les choix
fondamentaux en cette matière sont entièrement réglés par le gouvernement seul, le parlement
est complétement hors-jeu. Il y a des prérogatives importantes qui sont réglées par le ministre
de l’emploi seul. Juridiquement, c’est le gouvernement seul qui décide, mais il y a des contre-
pouvoirs qui opèrent dans l’ombre.
Tous les avant-projets sont soumis pour avis au comité de gestion de l’Onem. Le comité de
gestion est composé de manière paritaire. Par ce biais, les organisations syndicales et patronales
ont pu exercer un rôle d’influence mais ces dernières années ce rôle d’influence a été réduit.
Quand on regarde des modifications de la législation, il n’y a pas de travaux parlementaires,
d’amendements, d’exposé des motifs, d’audition d’expert, etc. Le processus normatif est
entièrement confiné dans l’ombre des cabinets ministériels.
Il y a une vague base légale qui traine dans la législation, c’est l’arrêté loi du 28 décembre 1944.
C’est ce texte qui a refondé la sécurité sociale des travailleurs salariés à la veille de la libération.
Dans toutes les autres branches de la sécurité sociale, on a adopté des lois en bonne et due
forme. La trace législative est l’article 7 de cet arrêté-loi.

2. Le paysage institutionnel de l’emploi et du chômage


a) L’indemnisation des chômeurs (= assurance chômage)
Si on regarde notre système aujourd’hui, le paysage institutionnel doit être réglé. Il faut bien
voir que l’assurance-chômage dans sa philosophie n’a pas été crée pour nous libérer tous de la
valeur travail. L’assurance-chômage a été crée pour venir en aide aux travailleurs
involontairement privés d’emploi et par ailleurs, l’idée a toujours été que l’indemnisation est
résiduaire par rapport au retour à court terme à l’emploi. En même temps qu’on indemnise, on
a toujours des mesures de soutien. Le but est de faire en sorte que les travailleurs puissent
réintégrer le marché de l’emploi. On ne parle pas de chômeurs mais de travailleurs
(involontairement privés d’emploi). On a toujours eu la sécurité sociale couplée à une politique
de soutien de retour au travail.
L’indemnisation en tant que telle, l’assurance chômage, aujourd’hui est une matière restée
fédérale en tant que partie de la sécurité sociale. Au niveau fédéral, on a une institution publique
de sécurité sociale qui s’appelle l’ONEM et en dessous, on a des organismes de paiement qui
sont ou bien l’une des trois caisses de chômage syndicale ou bien la caisse publique, la caisse
auxiliaire de paiement des allocations de chômage (la CAPAC). On a une répartition des rôles
importante. L’ONEm en tant qu’institution publique de sécu statue sur les droits (est-ce qu’on
a droit à l’assurance chômage), il prononce aussi des sanctions. L’organisme de paiement (les
caisses de chômage syndicales en général) est l’endroit où l’on introduit la demande. C’est là

106
que l’on doit compléter notre dossier. L’OP joue un rôle important de tampon pour les
interactions entre les travailleurs et l’institution publique de sécurité sociale.
b) L’accompagnement des demandeurs d’emploi
Toute les politiques de soutien, d’aide de retour à l’emploi ont été fédéralisées. Depuis 1980,
on a confié le placement (coaching, soutien, aides pour postuler) aux régions en tant que
composante de la politique de l’emploi et la formation professionnelle a été confiée aux
communautés. On a eu des transferts de compétences entre entités fédérées, intra collectivités
fédérées.
Par le biais des transferts de compétences entre entités fédérées, on a restauré le lien entre
placement et formation professionnelle partout, dans toutes les régions linguistiques du pays
sauf à Bruxelles.

– En région de langue néerlandaise : les demandeurs d’emploi s’adressent VDAB. Ils font du
placement, du soutien de retour à l’emploi et de la formation professionnelle.
– En région de langue française : le Forem est le service public de l’emploi. Mais la
Communauté française s’est défaite de toutes ses compétences en matière sociale y compris la
formation professionnelle. Dès lors, le Forem s’occupe et du placement et de la formation
professionnelle.
– En région de langue allemande : l’ADG car la communauté a crée son organisme propre de
formation professionnelle et la région wallonne lui a confié la compétence du placement sur le
territoire de la région de langue allemande. Le résultat c’est que l’ADG s’occupe et du
placement et de la formation professionnelle.
– En région bilingue de Bruxelles-Capitale : on n’a pas reconstitué le lien entre placement et
formation. On a Actiris (Région bruxelloise) pour le placement et non de la formation. Pour la
formation professionnelle, on a un sort différent selon que l’on est francophone ou
néerlandophone. Les néerlandophones s’adressent au VDAB (Communauté flamande) et les
francophones, eux relèvent de Bruxelles Formation (COCOF) pour la formation
professionnelle. En effet, la Communauté française s’est défaite de ses compétences sociales
au profit de la région wallonne d’un côté et de la COCOF de l’autre.
Ce qui apporte, ce sont les résultats. Ici ils sont lisibles. En région néerlandaise, on a un
organisme, idem pour les régions wallonnes et germanophones. A Bruxelles il y a deux
organismes.

Section 2 – Les conditions d’admissibilité à l’assurance chômage


Article 27, 7° : conditions d’admissibilité = conditions de stage qu’un chômeur doit remplir
pour pouvoir bénéficier de l’assurance chômage
On suit toujours la même structure. La première étape à franchir c’est l’admissibilité. Qui est
couvert contre le risque de chômage ? C’est ce que l’on appelle l’admissibilité. On est dans
l’étape d’entrée du cercle des bénéficiaires. Les conditions d’admissibilité sont les conditions
de stage qu’un chômeur doit remplir pour pouvoir bénéficier de l’allocation de chômage.

107
Une grande particularité de notre système est que l’on a en Belgique non pas une mais deux
bases d’admissibilité. Il y a le travail mais il y a aussi les études. C’est une grande particularité
qui vient de 1945.

1. Admission sur la base du travail salarié


Articles 30 à 33 : admission aux allocations de chômage des travailleurs qui ont presté un
certain nombre de journées de travail au cours d’une période de référence

Il faut avoir presté un certain nombre de journées de travail au cours d’une certaine période.
C’est ce que l’on appelle la période de référence. Le nombre de journées de travail que l’on doit
avoir accompli au cours de la période de référence grandit avec l’âge. Plus l’âge est important,
plus le passé contributif requis augmente.

Quel type de travail ? On est dans le régime des travailleurs salariés donc uniquement du travail
assujetti au régime de sécurité sociale des travailleurs salariés. Le travail indépendant n’ouvre
pas de droit à l’assurance chômage.
On distingue trois catégories d’âge. La durée du stage augmente au fur et à mesure qu’on s’élève
dans les catégories d’âge sur la base d’une présupposée selon laquelle plus on est âgé plus on
est en mesure d’avoir derrière nous un passé de carrière significatif.

Age Nombre de journées Période de référence

Moins de 36 ans 312 = 1 an 21 mois

De 36 à 49 ans 468 33 mois

50 ans et plus 624 42 mois

Pour les moins de 26 ans, au moment de la demande de chômage, on remonte 21 mois en arrière
et on vérifie si les 312 jours de travail ont été accomplis, l’équivalent d’un an de travail salarié.
Pour les 36 à 49 ans, ce sera 1 an et demi de travail au cours d’une période de référence de 33
mois.
Pour les 50 ans et plus, on requiert deux ans de travail au cours d’une période de 42 mois.
On a un revenu de remplacement, une prestation contributive, il faut avoir travaillé et cotisé
pendant un certain temps. La grande particularité c’est qu’à côté de cette admissibilité on a une
autre porte d’entrée sur le système qui est l’admissibilité sur la base des études.

2. Admission sur la base des études


Article 36 : admission aux allocations d’insertion des jeunes âgés de moins de 25 ans, au
moment de la demande, qui ont terminé (et réussi, s’ils ont moins de 21 ans) des études

108
Comment ça fonctionne pour l’instant ? Les jeunes âgés de moins de 25 ans – voilà un exemple
de durcissement de l’entrée dans le système – sont admissibles à l’assurance chômage même
s’ils n’ont pas assez travaillé et cotisé voire pas du tout travaillé à condition d’avoir suivi une
certaine formation, des études d’un certain niveau.
Le champ d’application de la couverture, le cercle des bénéficiaires potentiels de la branche est
plus large que l’assujettissement. C’est souvent àpd l’assujettissement qui permet de définir le
socle du champ d’application personnel.
Jusqu’à il y a peu, il fallait avoir terminé des études d’un certain niveau qui était soit le cycle
supérieur de l’enseignement secondaire général soit le cycle inférieur de l’enseignement
secondaire technique professionnel. Terminé signifie qu’on n’exige pas qu’ils aient réussi le
cycle supérieur de l’enseignement général ou le cycle inférieur de l’enseignement secondaire
technique professionnel. Terminé signifie avoir présenté toutes les épreuves, avoir présenté tous
les examens.
Depuis peu, pour les jeunes parmi les moins de 25 ans, ceux qui ont moins de 21 ans doivent
avoir réussi le cycle supérieur des études secondaires générales sans distinction entre général
et spécial. C’est un nouvel exemple du durcissement des conditions d’accès. Il faut avoir obtenu
son diplôme. C’est typiquement une réforme qui fait débat. L’idée c’est qu’il ne faut pas donner
accès trop facilement à l’assurance chômage. C’était l’argumentaire du gouvernement. D’un
autre côté, les syndicats disent que l’assurance chômage vise à offrir une protection à ceux qui
ne sont pas parvenus à finir des études, sans nécessairement être installés au chômage. Si vous
n’avez pas obtenu votre diplôme secondaire supérieur et que vous avez moins de 21 ans, vous
n’avez plus accès au chômage.
Lorsqu’on entre par ce système dans le système, il y a un stage requis, le stage dit d’insertion
professionnelle d’une durée de 310 jours. 310 journées comptées en semaines de six jours, càd
un an. Pendant ce stage, ce qui compte ce sont les journées durant lesquelles on travaille, sans
encore avoir atteint le quota de jours de travail pour bénéficier de l’admissibilité sur la base du
travail, on travaille et on cotise et les journées durant lesquelles on est inscrit comme demandeur
d’emploi. Lorsqu’on introduit un dossier en tant que demandeur d’emploi, pendant un an il n’y
a pas un euro qui tombe.
On a donc deux grandes voies d’accès au chômage.

3. Maintien de l’admissibilité
Système de dispense de stage pendant les trois années qui suivent la fin de l’indemnisation
lorsque l’admissibilité avait été établie (art. 42)
Le code du chômage organise un système de maintien de l’admissibilité. Une fois que l’on a
établi l’admissibilité, quelle que soit la base, si on est amené à quitter le chômage et puis à y
retomber, on ne doit pas recommencer pendant trois ans. Pendant trois ans on bénéficie du
système de la dispense de stage. Sans ce système, après être retombé au chômage il faudrait
recommencer tout le processus du stage, etc.

109
Section 3 – Les conditions d’octroi des allocations de chômage
Article 27, 8° : conditions d’octroi = conditions qu’un chômeur admissible au bénéfice des
allocations doit remplir pour pouvoir les obtenir effectivement
En chômage, le plat de résistance c’est les conditions d’octroi, les conditions qui permettent de
circonscrire, d’identifier le risque social couvert. Ce n’est pas parce qu’on a franchi les
conditions d’admissibilité qu’on a droit au chômage. Dans la réglementation, après les
conditions d’admissibilité qui font entrer dans la couverture, il faut encore, pour toucher les
indemnités, que le risque contre lequel on est assuré se réalise. Le risque social pris en charge,
en matière de chômage, est le chômage involontaire. Tout ce que font les conditions d’octroi
c’est tracer une ligne de démarcation, une forme de frontière entre le chômage volontaire et
involontaire, entre le chômage dont les conséquences sont mutualisées et celles qui ne le sont
pas et relèvent de notre responsabilité individuelle. Quand on regarde les textes et leur
physionomie, on voit que les conditions sont plutôt sévères.

Un chômeur involontaire est quelqu’un qui est privé de travail et de rémunération par suite
de circonstances indépendantes de sa volonté, il est disponible sur le marché de l’emploi,
apte au travail et qui est en âge de travailleur. Un chômeur involontaire, à la différence des
autres, n’est pas confronté à l’inactivité professionnelle. L’assurance chômage prend en charge
les personnes qui n’ont ni travail ni rémunération mais qui veulent et peuvent travailler.

1. Etre privé de travail et de rémunération


Article 44 : pour pouvoir bénéficier d’allocations, le chômeur doit être privé de travail et de
rémunération.
C’est l’exigence la plus évidente. Le Code du chômage détaille ceci. Les allocations de
chômage remplacent le travail que l’on n’a pas ou plus mais il faut bien déterminer ce que c’est
du travail. C’est beaucoup de choses. La définition du travail par le code du chômage est très
large. On opère une distinction entre les activités que l’on effectue pour nous-mêmes et les
activités effectuées pour un tiers.
a) La privation de travail
On opère une distinction entre les activités effectuées pour notre propre compte et les activités
effectuées pour un tiers.
Article 45, alinéa 1er est considérée comme travail :
1) L’activité effectuée pour son propre compte qui n’est pas limitée à la gestion normale
des biens propres (art. 45, al. 1er, 1°)
Cette activité n’est pas acceptable si elle ne se limite pas à la gestion normale des biens propres.
Beaucoup d’activités sont donc incompatibles avec la perception d’allocations de chômage. Le
critère c’est le but de lucre. Dès qu’on a à faire avec un but de lucre, on a à faire à du travail et
on perd les allocations de chômage. Par exemple, quelqu’un qui n’a pas d’emploi qui décide de
faire des travaux tout seul toute la journée de sa maison, dans le but de faire un appartement et
d’en faire de la location, il sortira de ce que la jurisprudence considère comme gestion normale
de ses biens propres. Bien sûr le chômeur a le droit d’entretenir sa maison, mais s’il y a un but
de lucre, ce n’est pas compatible avec la perception des allocations de chômage. L’idée est

110
d’indemniser les personnes privées involontairement de travail mais qui peuvent et veulent
travailler. Ce sont les syndicats qui ont gravé cela dans la réglementation.
2) L’activité effectuée pour un tiers qui procure une rémunération ou un avantage
matériel (art. 45, al. 1er, 2°)
Ce n’est pas acceptable dès qu’il y a rémunération ou avantage matériel. Ici la réglementation
est très sévère car il existe une présomption que si on fournit une activité pour un tiers, cela
veut dire qu’il y a rémunération ou avantage matériel (art. 45, al.2). La présomption peut être
renversée. C’est typiquement un nœud récurrent dans la législation. Il y a la volonté de lutter
contre le travail au noir mais on peut condamner le chômeur à ne rien faire au risque de se faire
suspecter de travail au noir.
On ne mesure pas nécessairement qu’en faisant quelque chose pour quelqu’un on encourt un
risque.
b) La privation de rémunération
Article 46 : est considérée comme rémunération (notamment) l’indemnité à laquelle le
travailleur peut prétendre du fait de la rupture du contrat de travail.
C’est assez large et comprend notamment les indemnités compensatoires pour rupture du
contrat de travail. C’est du salaire différé et ce n’est pas compatible avec la perception
d’allocations de chômage.

2. Être au chômage par suite de circonstances indépendantes de la volonté


Article 44 : pour pouvoir bénéficier d’allocations, le chômeur doit être privé de travail et de
rémunération par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.
On ne peut pas être chômeur volontaire. Ce que fait ici la réglementation, c’est énumérer les
comportements constitutifs de maintien et d’entrée dans le chômage par suite de circonstances
dépendants de notre volonté propre.
a) Les principaux comportements incriminés
Article 51, §1er, alinéa 2 : par chômage par suite de circonstances dépendant de la volonté, il
faut entendre :
1) L’abandon d’un emploi convenable sans motif légitime
Si on démissionne, on va considérer que l’entrée dans le chômage est volontaire, sauf motif
légitime. Mais cette notion de motif légitime n’est pas définie dans la législation c’est laissé
aux mains de l’ONEm et des juridictions du travail. On fait donc du cas par cas. Même des cas
aussi fréquents que le déménagement loin de son lieu de travail ne reçoivent pas de clarté quant
à la définition de motif légitime.
A priori, l’abandon d’emploi est suspect.
2) Le licenciement pour un motif équitable

111
C’est un licenciement à la suite d’une faute en raison de laquelle il était possible d’être licencié.
En règle générale, le licenciement donne lieu à la perception d’allocations de chômage. C’est
constitutif d’une entrée volontaire dans le chômage.
3) Le refus d’un emploi convenable
On se maintient volontairement dans le chômage par suite de circonstances dépendantes de
notre volonté.
Dans la structure du système, l’optique du retour au travail est omniprésente ici. Par exemple,
le défaut de présentation au service régional de l’emploi et de la formation, le fait de ne pas
répondre à une invitation, etc est assimilé à un refus d’emploi convenable. C’est comme si on
avait refusé une offre d’emploi convenable. De ce point de vue-là, la réglementation est sévère.
b) La notion d’emploi convenable
Article 51, §2, 1° : habilitation du ministre de l’Emploi
Cette notion revient souvent dans la réglementation.
Sur plein d’aspects, il peut parfois y avoir un écart significatif entre le sens que les mots peuvent
avoir pour la majorité de la population et celui qu’ils ont dans la réglementation. En Belgique,
la manière dont la norme « emploi convenable » est définie est globalement peu protectrice.
Un emploi est rapidement considéré comme étant convenable. La justification historique c’est
que le caractère assez restrictif de cette notion est le prix à payer de l’illimitation dans le temps
des allocations. En contrepartie, on demande de ne pas être trop regardant.
Principaux critères dans l’arrêté d’exécution du code du chômage, càd l’arrêté-ministériel :
- La formation ou la profession du chômeur : on cesse de regarder quelle est la
profession ou formation habituelle cinq mois après l’entrée dans le chômage.
Pendant les cinq premiers mois dans le chômage, on peut refuser une offre dans
un certain domaine en disant qu’on a une autre formation. Après cinq mois c’est
terminé, on doit accepter toutes les offres. Et encore, cette durée de 5 mois est
réduite à 3 mois pour les moins de 30 ans car les jeunes doivent ne pas être trop
regardants, ils doivent entrer rapidement sur le marché du travail.
- La rémunération : la protection est très minimaliste. En Belgique, on n’a pas de
droit à conserver le même niveau de salaire qu’auparavant. Si l’offre d’emploi
est formulée et qu’elle nous donne droit à 60% de ce que l’on gagnait
auparavant, c’est une offre d’emploi convenable. La seule balise fixée par la
réglementation c’est que l’on ne peut pas perdre de l’argent en sortant du
chômage pour aller travailler. On ne peut pas gagner moins en allant travailler
qu’en étant au chômage. Ceci peut se présenter uniquement en cas de travail à
temps partiel. C’est très rare.
- La distance avec le lieu de travail : l’emploi est non-convenable uniquement s’il
implique une absence de chez soi pendant plus de 12 heures par jour ou si la
durée des déplacements est supérieure à 4h par jour.

112
- Le dernier critère est un non-critère. C’est la non-prise en compte des
considérations d’ordre familial sauf si elles représentent un empêchement grave.
On n’a pourtant pas les mêmes disponibilités selon que l’on ait 4 enfants à charge
ou aucun. Un empêchement grave est un empêchement exceptionnel,
temporaire. Donc, le chômeur seul avec un ou plusieurs enfants à charge qui dit
qu’il ne peut pas travailler après 18h, ce n’est pas pris en compte.
Sur ce plan-ci, la réglementation est très restrictive.
c) La sanction du chômage volontaire
Articles 52 à 53bis : exclusion du bénéfice des allocations pendant 4 à 52 semaines (4 à 26
semaines en cas de licenciement pour motifs équitables).
Lorsque l’on se rend responsable d’une entrée ou d’un maintien volontaire dans le chômage, la
sanction est sévère. On encoure une exclusion des allocations pendant un certain nombre de
semaines. La sanction doit être prononcée par le bureau du chômage à partir de l’ONEm à
l’intérieur d’une fourchette de 4 à 52 semaines. On ne peut pas se mettre au chômage si l’on a
envie d’être au chômage. On peut mais on subira une sanction. Un seul refus d’une offre
d’emploi convenable, un seul défaut de réaction à une convocation de l’organisme régional
d’emploi, un abandon d’emploi sans motif légitime peut nous valoir une sanction d’exclusion
des allocations pouvant aller jusqu’à un an. La fourchette va de 4 à 26 semaines en cas de
licenciement pour motifs équitables, pour fautes.
Ce sont des sanctions tout à fait significatives.
Rappel : pour les conditions d’admissibilité, on se trouve dans le champ d’application
personnel de la branche. Ce sont les conditions qui nous permettent de savoir qui entre dans le
cercle des assurés. Dans notre système, on a vu qu’on a deux voies d’accès distincte, la première
c’est le travail et la seconde, ce sont les études. Les conditions d’octroi ne sont pas pareilles.
Une fois que l’on est admis, on ne touche rien. Pour toucher des allocations, il faut que le risque
couvert se réalise et le risque couvert ici, c’est le chômage involontaire. L’assurance-chômage,
à aucun moment, n’a pris en charge une personne, pour la simple absence de travail et de salaire.
Il faut plus que ça, il faut satisfaire aux différentes conditions d’octroi qui tournent autour de
l’idée qu’un chômeur est un travail privé d’emploi et de rémunération à la suite des
circonstances indépendantes de sa volonté.

3. Être disponible pour le marché de l’emploi


Un chômeur admis à l’assurance est un travailleur involontaire privé de travail et de
rémunération par suite de circonstances indépendantes de sa volonté et qui veut et peut
retravailler. Cela se traduit par différentes conditions d’octroi.
Il faut être disponible pour le marché de l’emploi, on ne doit pas simplement s’abstenir d’un
certain nombre de comportements. On ne doit pas s’abstenir de commettre un des actes qui
pourraient nous valoir une sanction pour chômage volontaire. En plus de cela, on doit témoigner
d’une certaine attitude vis-à-vis du marché de travail qui est qualifiée de disponibilité. Les
syndicats n’ont pas mis en place l’assurance chômage pour tous nous protéger du travail. Pour

113
rappel, l’assurance chômage a été mise en place pour assurer une protection temporaire en
attendant qu’on retrouve une place dans le marché du travail.
Dans la philosophie de la réglementation, pour s’assurer qu’on n’est pas indemnisé plus
longtemps que nécessaire avant de réintégrer le marché de l’emploi, on doit prouver qu’on est
disponible. Ici, on a à faire à une condition présente dans la réglementation depuis toujours mais
qui a été rendue plus sévère. Pendant longtemps, l’exigence de disponibilité avait une
signification essentiellement négative, passive. Être disponible c’était ne pas se priver, se
fermer la porte à l’égard d’offre d’emploi potentielle, du marché de l’emploi. Depuis 2004, avec
le tournant de l’Etat providence vers l’état social actif, avec le tournant de l’activation de la
responsabilisation, il ne faut pas seulement être disponible passivement vis-à-vis du marché de
l’emploi, il faut aussi être disponible activement.
a) La disponibilité passive
Juridiquement, cette disponibilité représente deux exigences :

• Article 58, §1er, alinéa 1er : pour bénéficier des allocations, le chômeur doit être et rester
inscrit comme demandeur d’emploi (auprès du service public régional de l’emploi)
pour prouver que le but est de réintégrer le marché du travail. On est prêt à être aidé à
réintégrer le marché de l’emploi. C’est la première démarche à faire lorsqu’on souhaite
bénéficier des allocations de chômage.
• Article 56, §1er, alinéa 2 : pour bénéficier des allocations et montrer qu’il est disponible,
le chômeur doit être disposé à accepter tout emploi convenable. Il doit être prêt à
accepter tout offre d’emploi convenable qui lui serait faite. La notion est hypothétique.
Il faut s’abstenir de refuser les offres d’emploi convenable qui sont faites mais en plus
de cela, il ne faut pas se fermer l’accès à des emplois potentiels. Il faut ne pas formuler
des réserves qui montrent ou laissent entendre qu’on n’est pas disponible de manière
générale. Il ne faut pas formuler des réserves qui montrent que, indépendamment d’une
offre d’emploi concrète, précise, si une offre était proposée, elle serait refusée. Formuler
des réserves c’est par exemple dire que les emplois à 10km de chez moi ne m’intéressent
pas. Ce n’est pas une réserve acceptable au vu de la définition de l’emploi convenable.
Si on dit à notre conseiller qu’on a des enfants à charge et donc des horaires qui
impliquent de travailler au-delà de 16h ce n’est pas possible. Ce n’est pas acceptable car
les considérations d’ordre familiale sont sans incidence.
C’est exigeant mais même indépendamment d’une offre précise, on peut encourir une
sanction et être radié des demandeurs d’emploi si on émet des réserves. C’est quelque
chose qui n’est pas acquis par les chômeurs. L’idée générale que l’on ne peut pas
travailler elle est bien assimilée, mais par contre que l’on ne puisse pas formuler de
bonne foi des réserves qui tiennent à la situation concrète car l’emploi convenable est
défini dans la loi, ce n’est pas acquis. Il y a beaucoup de sanctions en matière de
chômage. Il y a des sanctions pour des refus d’offres concrètes mais également parce
que les gens ne mesurent pas toujours tout ce qu’ils disent, souvent tout à fait de bonne
foi.

114
N’est pas disposé à accepter tout emploi convenable le chômeur qui soumet sa remise au travail
à des réserves qui, compte tenu des critères de l’emploi convenable, ne sont pas fondées.
è On ne ferme pas la porte à des offres d’emploi qui pourraient venir à nous.
b) La disponibilité active
Article 58, §1er, alinéa 1er : pour bénéficier des allocations, le chômeur doit rechercher
activement un emploi. Il doit chercher activement du travail. En 2004, on est venu inscrire une
nouvelle condition, une nouvelle exigence.
Depuis 2004, il ne faut pas seulement être disponible pour le marché de l’emploi, il faut en plus
chercher activement du travail par soi-même. En 2004, on est venu inscrire dans le code du
chômage une nouvelle condition pour bénéficier des allocations : le chômeur doit rechercher
activement du travail.
Le chômeur indemnisé doit être demandeur et chercheur d’emploi.
Cette obligation de déployer par soi-même de chercher un emploi est vérifiée par une procédure
de contrôle qui s’appelle le contrôle de la disponibilité active (Articles 58/1 à 58/12). Ceux
qui sont hostiles à cette procédure parlent de « chasse aux chômeurs ». C’est une procédure
assez complexe qui a été régionalisée. Dans le cadre de la sixième réforme de l’état, on a
régionalisé en partie le contrôle de la disponibilité. Les principales règles applicables restent
fixées par le code du chômage (article 58 et s.) mais chacune des quatre entités compétentes
complète le cadre normatif fédéral par des règles de mise en œuvre propre et la vérification
effective de la disponibilité active sur le marché de l’emploi n’est plus effectuée par l’ONEm
mais par les quatre organismes régionaux. On a concentré les compétences d’accompagnateur,
d’aide et de contrôleurs entre les mêmes mains. Les conseils de l’emploi se chargent d’aider et
de contrôler l’intensité des démarches de recherches d’emploi. Si ces dernières ne sont pas assez
actives, on sera évalués négativement. Il faut alors revenir quelques mois plus tard. Si
l’évaluation est encore négative, il y a une première sanction. A la troisième évaluation
négative, si on considère que l’on ne recherche pas de travail de façon active, on perd les
allocations de chômage.
(Principales étapes :
• Information sur les droits et les devoirs
• Elaboration d’un plan d’action individuel
• Evaluation au moins une fois par an
• Nouvelle évaluation au plus tard six mois après une évaluation négative
• Sanctions graduelles : avertissement, diminution ou suspension des allocations,
exclusion)
Depuis les années 2000, on a de plus en plus de sanctions. Le nombre de chômeurs indemnisés
et le nombre des dépenses pour l’assurance chômage ont très fort diminué ces dernières années
car en général, le tournant pris ces dernières années est assez coercitif.

115
(Il est possible d’obtenir une dispense de la condition de disponibilité pour reprise d’études, par
exemple. La procédure de contrôle est alors suspendue.) On a vu ces dernières années des
transferts des allocations de chômage vers l’aide sociale (le CPAS). Il y a un enjeu pour les
personnes car le montant d’intégration est généralement inférieur aux allocations de chômage.

4. Être apte au travail


Articles 60 à 62 : pour bénéficier des allocations, le chômeur doit être apte au travail au sens de
la législation relative à l’assurance maladie-invalidité (assurance soins de santé et indemnités).
Un chômeur indemnisable est un travailleur involontairement privé de travail et de
rémunération par suite de circonstances indépendantes de sa volonté, qui est disponible
activement et passivement pour le marché du travail et qui, enfin, fait partie de la population
active.

Faire partie de la population active signifie être en âge de travailler et être capable de
travailler. C’est conforme à la philosophie de l’assurance chômage qui indemnise les
travailleurs qui veulent et peuvent à court terme réintégrer le marché du travail. On n’indemnise
pas les personnes inaptes au travail.
Le critère est défini par renvoi à l’assurance soins de santé – indemnités. Lorsqu’un chômeur
entre dans les conditions de l’assurance indemnités, pour être considéré comme invalide, il n’a
plus accès au chômage. Quelqu’un qui est apte au travail du point de vue de l’assurance
chômage est quelqu’un qui n’est pas inapte du point de vue de l’assurance maladie –
invalidité. Si on est confronté à une impossibilité de travail de plus de 66%, on ne peut pas
bénéficier du chômage.

5. Être en âge de travailler


Articles 63, §1er : le chômeur ne peut bénéficier des allocations avant la fin de l’obligation
scolaire
Article 64 : le chômeur ne peut plus bénéficier des allocations à partir de son 65ème anniversaire
On est en âge de travailler à partir de la fin de l’obligation scolaire et on cesse d’être en âge de
travailler lorsqu’on atteint l’âge légal du départ à la retraite qui est de 65 ans pour l’instant. Ce
sera 67 ans à partir de 2030. Donc, quelqu’un qui a perdu son travail à 61 ans est indemnisé par
l’assurance chômage et bascule, à 65 ans dans l’assurance pension.

Section 4 – L’indemnisation
1. Evolution générale
L’indemnisation c’est la question de savoir combien on touche quand on est admis à l’assurance
chômage. Quel est le montant des allocations de chômage ? On a quelqu’un qui, grâce au travail
ou à ses études, a été admis à l’assurance chômage, et puis est indemnisé car il a franchi les
conditions d’octroi. Il bénéficie des allocations de chômage.
Dans l’introduction historique, on a vu que le système d’assurance chômage a toujours été
caractérisé par des conditions d’indemnisation plutôt médiocres, càd des montants moyens des
allocations pas particulièrement élevés et pendant longtemps, ça a été la contrepartie que les
voies d’accès au chômage et les possibilités de demeurer à l’assurance étaient plus lâches que

116
dans d’autres pays. A la fin des années 70, on assiste à un tournant de la désindustrialisation,
les chiffres du chômage explosent.
Tout au long des années 80 et 90 (crise de l’Etat Providence), on a vu des mesures très répétées
d’austérité dans la branche chômage. On voit dans l’histoire du système, c’est souvent dans
cette branche qu’on opère des coupes dans les dépenses. Les assurances de santé ou de pensions
concernent tout le monde, alors que l’assurance chômage ne concerne que les chômeurs. Les
premières sont des branches auxquelles on ne touche jamais. Beaucoup de mesures de réécriture
du mode de calcul des allocations ont été prises et ont eu pour effet de faire baisser les montants
de manière significative. A la fin des années 90, on parle d’un tournant assistanciel de
l’assurance chômage pour indiquer que le montant des allocations de chômage avait très fort
diminué et s’était rapproché à celles du CPAS et était même parfois inférieur au montant de
l’aide sociale.
Le mouvement de balancier est reparti dans l’autre sens au début des années 2000. Tout au long
des années 2000, avec une conjoncture économique un peu plus favorable, on a assisté – sans
jamais de grande refondation après réflexion aboutie – à beaucoup d’efforts en vue de restaurer
la dimension assurancielle de l’assurance chômage. Cela veut dire que l’assurance chômage n’a
pas vocation à nous octroyer un minimum vital permettant de vivre ou survivre. L’assurance
chômage octroie un revenu de remplacement. Le but du revenu de remplacement, c’est de
pallier au salaire perdu. Il faut que le taux de remplacement soit tout de même un peu
significatif, qu’il soit en rapport avec le niveau de vie antérieur.
La dernière étape, en 2012, sous le gouvernement Di Rupo on est reparti sur la pente de
l’austérité. Le mode de calcul a été réécrit de manière à faire diminuer de manière beaucoup
plus rapide le montant des allocations de chômage. C’est ce que l’on appelle la dégressivité
renforcée des allocations de chômage.
Cela concerne les allocations de travail accordée sur base d’un passé de travail. Mais
souvenons-nous qu’il y a deux voies d’admissibilité au système. Il y a aussi les études qui
donnent droit aux allocations d’insertion. Ces allocations d’insertion ont été limitées dans le
temps en 2012. C’est la première fois que l’on peut perdre une allocation pas simplement parce
qu’on refuse une offre d’emploi ou parce que l’on est rayé de la liste des demandeurs, mais
simplement parce que le temps s’écoule.

2. Les allocations de chômage ordinaires


Ce sont les allocations de chômage normales. Le montant de ces allocations varie en fonction
de deux grands paramètres qui sont :
- La situation familiale du chômeur et
- La durée du chômage.
a) Les catégories de bénéficiaires
On fait ce que l’on appelle de la modulation familiale. Le montant de l’allocation n’est pas le
même selon la composition du ménage, selon la situation de vie personnelle. Cela a été introduit
dans les années 80 pour faire des économies mais c’était contesté car dans la logique d’une
assurance on était indemnisé selon notre revenu, peu importe la situation familiale. Cependant,

117
maintenant on fait de la différenciation familiale, on différencie les montants selon la situation
familiale. ON distingue trois catégories depuis les années 80 :
1) Les travailleurs ayant charge de famille (chefs de ménage)
Article 110, §1er : chef de ménage = travailleur qui cohabite avec un partenaire (marié ou de
fait) ou avec un ou plusieurs enfants ne disposant ni de revenus professionnels, ni de revenus
de remplacement.
Le chef de ménage est un travailleur ayant charge de famille. C’est un chômeur qui :
- Cohabite avec un partenaire de vie ou avec un ou plusieurs enfants et
- Le partenaire de vie ou les enfants n’ont pas de revenus professionnels ni de
revenus de remplacement.
Si vous vivez en couple et que le conjoint est aussi au chômage, on n’est pas chef de ménage.
On a à faire à deux cohabitants. Le chef de ménage, le travailleur ayant charge de famille, est
celui qui assume seul la charge de l’ensemble du ménage. La portée de cette notion est beaucoup
plus étroite que celle du langage courant. Dans le langage courant, le chef de ménage est le père
de famille. Du point de vue de l’assurance chômage, on a à faire avec une notion plus restreinte.
2) Les travailleurs isolés
Article 110, §2 : isolé = travailleur qui habite seul.
3) Les travailleurs cohabitants
Article 110, §3 : cohabitant = travailleur qui n’est ni chef de ménage, ni isolé
C’est la catégorie résiduaire. Il s’agit de tous les autres. Il s’agit de toutes les personnes qui
vivent en ménage avec d’autres (mutualisent les revenus), étant entendu qu’il y a plusieurs
sources de revenus qui sont présentes, ou bien du travail, ou bien de la sécurité sociale.
b) Le taux des allocations
Depuis 2012, la dégressivité renforcée, on distingue trois périodes d’indemnisation, dont la
seconde varie en fonction de l’importance du passé professionnel (art. 114 à 119). On a cherché
à faire diminuer beaucoup plus vite qu’auparavant le montant des allocations et on a essayé de
valoriser le travail. L’importance, la durée du passé professionnel joue un rôle dans le mode de
calcul des allocations de chômage. Plus vous arrivez au chômage avec un passé professionnel
important, moins vite les allocations vont diminuer.
Pendant les deux premières périodes, l’indemnité est calculée en un pourcentage du salaire
perdu. Durant la troisième période, qui n’est pas limitée dans le temps, l’indemnisation est
forfaitaire. Le montant est une somme d’argent prédéterminée qui n’a aucun rapport avec le
salaire perdu.

118
§ Première période d’indemnisation (un an)
Cette période dure un an peu importe tout le reste.

- Durant les trois premiers mois : tous les chômeurs perçoivent 65% du salaire
perdu (plafond supérieur).
- Les trois mois suivants : l’indemnisation tombe à 60% (plafond supérieur).
- Les six mois restants l’indemnité reste à 60% (plafond moyen). Malgré tout, on
est une marche plus basse car le plafond salarial pris en compte diminue. Dans
toutes les branches de la sécurité sociale, il y a des plafonds. Il n’y a pas de
plafonds pour le calcul des cotisations, au niveau du financement. Mais au stade
des prestations, on a toujours droit à x% du salaire à concurrence d’un certain
niveau, sur une partie du salaire.

Pendant les trois premiers mois et puis les trois suivants, on applique un plafond appelé le
plafond supérieur. On applique le taux de remplacement sur toute la partie du salaire inférieure
au plafond (2700 euros brut). Si on a un salaire inférieur au plafond, on va bénéficier d’une
allocation calculée sur la base d’un taux de remplacement appliqué sur l’intégralité de notre
salaire. Si on a un salaire moyen qui dépasse le plafond, on va avoir doit à 65% de 2700 euros.

Pendant les six mois suivants, on applique le plafond moyen (2500 euros brut). Même si le
taux de remplacement est inchangé, on est toujours à 60%. On est un peu plus bas pour
beaucoup de chômeurs car le pourcentage est appliqué sur une part du salaire qui est plus faible.
C’est ce qu’il se passe durant la première année. Après un an, quelle que soit la catégorie
familiale et quelle que soit la durée du chômage, on bascule dans la deuxième période
d’indemnisation.
§ Deuxième période d’indemnisation (de 4 mois à 3 ans : part fixe de deux
mois + part variable de deux mois additionnels par année de passé
professionnel en tant que salarié)

119
C’est une période durant laquelle on continue à percevoir une allocation exprimée en
pourcentage du salaire antérieur mais la durée de cette seconde période, varie en fonction de
l’importance du passé professionnel. La deuxième période est constituée d’une part fixe, 2
mois, sur laquelle s’ajoute une part variable. Cette part variable est plus ou moins longue car
elle dure deux mois additionnels pour chaque année de passé professionnel. Donc, la seconde
période dure au minimum 4 mois (2 mois de partie fixe + une part variable de deux mois par
année de passé professionnel et pour être entré dans le système il faut avoir travaillé au
minimum 1 an). Donc, la seconde période d’indemnisation la plus courte est une période de
quatre mois.
Plus on a travaillé, plus on allonge la deuxième période et donc par hypothèse, on retarde le
basculement dans la troisième période. C’est celui qu’on cherche à éviter car on y touche un
forfait plancher qui n’a plus rien à voir avec le salaire.
C’est dans cette deuxième période que le taux de remplacement se met à varier en fonction de
la catégorie familiale :
- C’est 60% du salaire perdu pour les chefs de ménage. Ils assurent la charge
financière d’un ménage tout seul uniquement à partir de leur allocation de
chômage.
- 55% pour les isolés.
- 40% pour les habitants. En clair, les cohabitants, après un an de chômage font
déjà un plongeon vers le bas assez significatif. Il passe de 60% à 40%.
Par ailleurs, ces trois taux sont calculés sur le dernier plafond salarial, le plafond inférieur (+/-
2300 euros brut). Les chefs de ménage restent à 60% mais 60% appliqués à un plafond inférieur.
Pendant la première année de la seconde période, on est à 60, 55 et 40% calculés sur le plafond
inférieur. Si le passé de travail n’est pas important, la seconde période ne se poursuit pas et on
bascule en troisième période avant un an. Après, au plus tard, deux ans de chômage (après un
an de la deuxième période), il y a diminution de l’allocation, tous les six mois, d’un cinquième
de la différence entre le montant perçu et le montant plancher du forfait de la troisième période.
A partir de la fin de la première année de la seconde période, on fait moins un cinquième de la
différence entre montant que l’on touche en fin de première année de deuxième période et le
forfait de la troisième période, tous les six mois.
Lorsque l’on reproduit ce schéma un certain nombre de fois, de six mois en six mois, à la fin,
après trois ans de deuxième période au plus tard et donc quatre ans de chômage, on finit par
atterrir au forfait.
§ Troisième période d’indemnisation (illimitée dans le temps)
On touche un forfait qui n’a plus rien à voir avec la rémunération perdue. C’est une allocation
forfaitaire mensuelle :
- 1315,60 € pour les chefs de ménage,
- 1077,96 € pour les isolés et
- 561,34 € pour les cohabitants.

120
Ces montants sont légèrement supérieurs au revenu d’intégration du CPAS. Pour les cohabitants
c’est moins. Durant cette période, on touche une sorte de minima sociaux. C’est ici que le taux
de remplacement varie en fonction de la catégorie familiale.
C’est une évolution très importante qui représente, dans les faits, une sorte de limitation dans
le temps des allocations de chômage. Dans tous nos pays voisins, après un certain temps, les
chômeurs basculent dans des systèmes intermédiaires d’assurances chômage et d’aide sociale
qui s’appelle l’assistance chômage. Ces systèmes versent des montants d’un niveau
intermédiaire entre l’assurance chômage et l’aide sociale. On n’en est pas encore là en Belgique
mais on n’est pas loin. Les chômeurs restent pris en charge par un seul et même système,
l’assurance chômage. Mais après un certain temps, au maximum 4 ans de chômage si passé
professionnel très important, on bascule dans un système forfaitaire qui a un caractère
assistanciel.

3. Les allocations d’insertion


Les allocations d’insertions sont octroyées aux jeunes (-25 ans) ayant terminé ou réussi des
études d’un certain niveau. On peut donc être admis aux allocations de chômage sur base des
études mais au stade de l’indemnisation, on à droit à tout autre chose que les allocations de
chômage ordinaires. On n’est pas indemnisé à concurrence d’un pourcentage de salaire perdu
puisqu’il n’y a pas de salaire perdu. On va toucher des forfaits minimums. Ce sont des montants
forfaitaires différenciés en fonction de la situation familiale (art. 124). On a les chefs de
ménage, on a les isolés et on a les cohabitants.
Les montants auxquels on a droit sont rigoureusement identiques à ceux de l’aide sociale. Les
montants sont alignés sur le revenu d’intégration pour les chefs de ménage (1250 euros) et les
isolés (900 euros), le montant est inférieur au revenu d’intégration pour les cohabitants (450
euros). Ce sont des montants forfaitaires.
On a renforcé, depuis 2012, la dégressivité des allocations ordinaires. Pour ce qui concerne les
allocations d’insertion, il y a une limite dans le temps depuis 2012. On ne peut plus toucher
ces allocations sans limite temporaire. Après trois ans c’est terminé. Mais il y a une protection
pour les chefs de ménage et les isolés. Pour eux, le compteur des trois ans commence à tourner
seulement à partir de l’âge de trente ans. Pour les cohabitants, le compteur tourne à partir de la
première indemnisation (art. 63, §2). C’est un autre élément qui explique pourquoi les dépenses
en assurance chômage ont fort diminué ces dernières années et pourquoi beaucoup de
travailleurs ont perdu leurs allocations.

Chapitre III – Les pensions de retraite


Les pensions représentent le premier poste de dépenses. Les trois régimes contributifs
confondus, les pensions sont le premier poste de dépense, approximativement 10% du PIB.
Quand on cumule les trois régimes on arrive à 45 milliards d’euros de dépense par an.
C’est une branche qui va connaître des évolutions majeures. Les soins de santé ont beaucoup
bougé dans les années 90, la branche chômage était le centre de l’attention entre 2000 et 2010
donc les pensions sont sûrement le prochain chantier. On pense à changer la logique des
structures des pensions. Il y a des réflexions et politiquement, le sujet divise très fort compte

121
tenu de l’enjeu. Parallèlement, pendant que les discussions ont lieu, des tas de mesures
d’économie sont prises chez les salariés alors que des tas de mesures d’amélioration sont prises
chez les indépendants. Dans la situation dans laquelle on est, les dépenses augmentent, donc on
prend des mesures pour les limiter en essayant de définir le futur modèle. Pour l’instant la
méthode n’a pas fonctionné car les partenaires sociaux doivent réfléchir à l’avenir des pensions
mais ils sont également réquisitionnés pour donner des avis sur des petites réformes.
La réglementation des pensions relève de textes datés et illisibles.
On est dans un système qui est structuré en trois piliers.

Section 1 – Vue d’ensemble


1. Un système structuré en trois « piliers »
Premier pilier : les pensions obligatoires (ou légales), organisées par la sécurité sociale. C’est
ça qui représente 10% du PIB. S’ajoutent à cela les pensions des deuxièmes et troisièmes piliers,
les pensions complémentaires. Elles s’ajoutent aux pensions obligatoires.

Deuxième pilier : les pensions complémentaires (ou extralégales) organisées collectivement


par les entreprises. L’employeur souscrit à une police d’assurance dans le but de constituer une
pension extra-légale/extralégale pour son personnel ou une partie de son personnel. Souvent
c’est pour les hauts revenus et pas toujours pour le bas de l’échelle salariale.
Troisième pilier : les pensions complémentaires constituées individuellement par les
travailleurs. C’est le travailleur qui va dans une banque ou chez un assureur et qui négocie une
épargne pension. Il va verser à telle échéance, une prime d’un certain montant qui donnera droit,
le moment venu à une pension supplémentaire d’un certain niveau.

2. Capitalisation vs répartition
La différence majeure entre pension légale et pension extralégale doit être retenue. Elles
obéissent à une logique très différente.
Dans les pensions extralégales (deuxième et troisième piliers), on a des pensions dont le
financement se fait par capitalisation. A échéance régulière, on verse à une banque ou un
assureur une prime ou l’employeur (pour les salariés) verse une prime à échéance régulière de
manière à constituer un capital qui grandit peu à peu et qui est placé sur les marchés financiers.
Le but est que ce capital produise des intérêts, qu’il fructifie plus ou moins vite selon le type de
formule plus ou moins risquée pour laquelle on a opté. A l’âge de la retraite, on va toucher une
rente d’un certain montant, plus ou moins importante selon l’ampleur des primes que l’on a pu
mettre de côté. Ici, la pension par capitalisation est dans la logique de l’épargne individuelle.
La logique est la prévoyance individuelle. On épargne, ou l’employeur épargne pour nous-
même.
Dans les pensions légales (premier pilier), on est dans un financement par répartition.
Techniquement, ce ne sont pas nos propres cotisations que l’on va toucher une fois arrivé à
l’âge de la retraite. Le financement par répartition signifie que les cotisations versées par les
travailleurs en activité sont directement redistribuées. La logique est celle de la solidarité entre
les générations.

122
Ceci explique en grande partie pourquoi les vues sont tellement partagées au sujet de l’avenir
des pensions.

3. Quel avenir à long terme ?


Schématiquement, deux grands scénarios en concurrence pour l’avenir :
Premier scénario : Les pensions légales ne doivent plus nécessairement constituer le cœur ou la
composante exclusive du régime de la pension. Ces pensions deviendraient difficilement
finançables à cause du vieillissement de la population. On devrait réduire les pensions légales
à une protection sociale de base et soutenir (para)fiscalement les pensions par capitalisation. La
sécurité sociale doit se limiter à un socle, une base pour tous les travailleurs. Ces pensions
devraient être complétées par des pensions complémentaires. Il faudrait encourager les
travailleurs à compléter la base légale par des pensions complémentaires grâce à des incitants
fiscaux et parafiscaux. Ces incitants existent déjà depuis les années 2000. Il y a des incitants
fiscaux, càd que les primes que l’on verse peuvent être déduite de la base imposable. On vient
diminuer la masse de revenus que l’impôt vient frapper. Les incitants parafiscaux impliquent
que dans certaines conditions, les primes que l’employeur verse peuvent être exonérées de
cotisations sociales. C’est du revenu, du salaire mais dont une partie est exonérée de cotisations
sociales.
Plutôt du côté syndical, ce scénario est fort critiqué. Le premier scénario est fort critiqué car il
est très inégalitaire. En moyenne, ceux qui bénéficient de pensions complémentaires sont
majoritairement des cadres et des hommes. Selon le secteur d’activités, il y a des secteurs dans
lesquels c’est compris. Si on travaille dans une banque, par exemple, tous les cadres supérieurs
disposent d’une assurance salariale par groupe et toucheront une pension complémentaire
importante. Dans la petite économie de service, c’est rare voire presque inexistant. Sur la base
du genre, il y a beaucoup plus d’hommes en train de se constituer une assurance
complémentaire.
Deuxième scénario : Dans cette vision, l’idée c’est que la priorité est de stabiliser et revaloriser
les pensions légales. Pour cela, la voie mise en avant c’est de dire que ces incitants coutent très
cher et il n’y a pas de raison que ces moyens restent réservés aux personnes capables de se
constituer effectivement des pensions complémentaires.
Il y a des scénarios intermédiaires. Il y a toute une galaxie d’oppositions intermédiaires.

4. Les pensions légales des salariés


Siège de la matière :
Ø Arrêté royal de pouvoirs spéciaux n° 50 du 24 octobre 1967 relatif à la pension de
retraite et de survie des travailleurs salariés (AR n° 50)
Cet arrêté royal de base est complété par un arrêté d’exécution.

Ø Arrêté royal du 21 décembre 1967 portant règlement général du régime de pension de


retraite et de survie des travailleurs salariés (AR 1967)

123
Ø Arrêté royal du 23 décembre 1996 portant exécution des articles 15, 16 et 17 de la loi
du 26 juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des
régimes légaux des pensions (AR 1996) : moment de la course de l’entrée dans l’euro
Une série de réformes importantes a été opérée. Au lieu de modifier les instruments
intérieurs, le législateur a adopté un nouveau texte qui abroge en partie les textes
précédents.
Pour comprendre les pensions, on va voir dans des vieux arrêtés royaux. On est en train de se
demander si on ne doit pas remplacer tout le vieux système mais la difficulté c’est qu’il y a des
résistances et aucun accord.
En réalité, les pensions prennent en charge deux risques sociaux bien distincts qui sont la
vieillesse (pensions de retraite) et le veuvage (pensions de survie – en voie de démantèlement).
Pendant longtemps, dans une société où l’on était dans le modèle de « monsieur gagne-pain et
madame au foyer », la pension visait à couvrir le veuvage, la situation dans laquelle on perd
notre conjoint source de revenus. On touchait alors une pension de survie égale à une certaine
proportion de salaire du défunt. On n’en parle pas car ces pensions de survie sont en voie de
démantèlement, on ne cesse de reculer l’âge à partir duquel on peut en bénéficier. Ce sera 55
ans à partir de 2030.

Section 2 – Le champ d’application personnel


1. Le principe
Les pensions sont des pourcentages de salaires perdus. Donc, son champ d’application est très
étroitement calqué sur le périmètre de l’assujettissement, comme en matière d’accident de
travail. Sont couverts par l’assurance vieillesse, tous les travailleurs assujettis au régime de
sécurité sociale des travailleurs salariés (AR n° 50, art. 1er, al. 1er, 1° et al. 2) ainsi que les
personnes assimilées à des travailleurs salariés sous contrat de travail.

2. Les extensions
Il y a à nouveau une habilitation du Roi à étendre le bénéfice de la couverture (AR n° 50, art.
3, al. 1er, 2° et al. 2). Il peut prévoir des cas dans lesquels on n’est pas assujettis à la sécurité
sociale mais on entre quand même dans le champ d’application de l’assurance vieillesse.
On y trouve des extensions facultatives, càd des situations pour lesquelles il n’y a pas
d’assujettissement mais qui peuvent être prises en compte mais sont conditionnées au paiement
de cotisations de régularisation, càd des situations pour lesquelles il n’y a pas eu
assujettissement mais qui peuvent entrer en ligne de compte à condition d’avoir réalisé certaines
démarches et verser quelques sommes.
Principale application : la « bonification » des années d’étude sanctionnées par l’obtention d’un
diplôme (AR 1967, art. 7). Lorsqu’on fait des études, on aura une carrière incomplète puisque
la carrière complète est de 45 ans et l’âge de la retraite est fixé à 65. Du point de vue de l’un
des paramètres importants de la pension de retraite, faire des études ça fait un trou dans la
carrière. Si on fait des études, on va arriver à 65 ans avec une carrière incomplète.
Il y a un correctif qui existe, qui est la bonification des années d’étude. Quand on fait des
études, on n’est pas assujetti à la sécurité sociale. Sur le plan de la pension, il est possible de

124
régulariser les années d’étude, il est possible de les prendre en compte. Ce n’est pas
automatique, il faut faire une demande au service fédéral des pensions et on doit payer une
cotisation calculée sur un salaire fictif qui est le salaire minimum. Dans les 10 ans qui suivent
la fin des études, on doit introduire une demande pour faire comptabiliser telle ou telle année
d’étude et pour ces années-là on paie la cotisation fixée au niveau du salaire minimum. Ca coûte
à peu près 1500 euros pour faire bonifier une année d’étude afin de faire en sorte de ne pas
arriver à l’âge de la retraite avec une carrière incomplète.

Section 3 – Les conditions d’octroi de la pension de retraite


Il y a une condition essentielle pour bénéficier la pension de retraite. On a une ligne de fracture
qui est simplement l’âge. Une autre condition qui subsiste est qu’il faut réduire ses activités
professionnelles. Mais il ne reste plus grand-chose de cette condition.

1. Avoir atteint l’âge de la retraite


a) L’âge légal de la retraite
Cela a été inscrit dans l’AR 1996, art. 2, §1er. Depuis le 1er janvier 2009, l’âge de la retraite est,
pour l’instant, de 65 ans, pour les hommes comme pour les femmes. Avant, l’âge n’était pas le
même pour les hommes et pour les femmes mais la Belgique a été condamnée pour
discrimination. On a déjà prévu un report de l’âge légal à 66 ans en 2025 et 67 ans en 2030.
C’est l’âge normal, c’est l’âge auquel si on ne fait rien le service fédéral des pensions calcule
notre pension après s’être saisi de notre dossier et nous demande si on la prend.
b) La retraite anticipée
AR 1996, art. 4
Il y avait des possibilités de retraite anticipée qui ont été durcies progressivement dans les
années 2010. Les conditions moyennant lesquelles on peut partir à la retraite anticipée sans
atteindre l’âge légale ont été fort renforcées. Depuis 2019, l’âge légal à partir duquel on peut
prendre une retraite anticipée c’est 63 ans à condition d’avoir une carrière dite suffisante, càd
une carrière de 42 ans. C’est à ce sujet qu’il y a beaucoup de discussions. Les partenaires
sociaux disent qu’il faut que ceci reste équitable et acceptable sur le plan social et il est
important de pouvoir différencier les conditions de départ à la retraite anticipée selon que l’on
a un emploi pénible ou non. Ces discussions n’ont pas abouti et les conditions ont été durcies.
On n’a pas pris en compte la pénibilité et ce chantier reste ouvert pour le prochain
gouvernement.

125
Les conditions sont de deux ordres, on a essentiellement des conditions d’âge avec des
possibilités de retraite anticipée avec des conditions qui ont été resserrées au fil du temps.
c) Chômage avec complément d’entreprise (anciennement prépension)
La prépension ne relève pas des pensions, c’est d’ailleurs pour cela que le système s’appelle
désormais le régime du chômage avec complément d’entreprise. C’est quelqu’un qui relève de
l’assurance chômage. Lorsqu’on a parlé de l’âge, on a parlé de la thématique de l’allongement
des carrières, de l’âge de la pension. Ce qui est important c’est qu’une des raisons pour
lesquelles l’âge effectif de la sortie de l’emploi est relativement bas en Belgique, c’est en raison
de l’existence du système de prépension. Peu de gens vont jusque 65 ans, beaucoup de
travailleurs s’arrêtent avant.
Ce système a été créé dans les années 70, lors de la crise de la désinstrualisation. Il fallait faire
la place aux jeunes frappés par le chômage de masse tandis qu’au contraire, il faut encourager
la sortie des séniors hors du marché de l’emploi. Le système de prépension qui a été mis en
place c’est un système d’accompagnement social du licenciement. Le travailleur
prépensionné est un travailleur qui a été mis à la porte, mais qui bénéficie d’un statut plus
favorable qu’un chômeur ordinaire car il touche une allocation de chômage de l’ONEm et une
indemnité complémentaire à charge de l’employeur. Cette indemnité complémentaire s’élève à
la moitié de la différence entre l’ancien salaire net et l’allocation de chômage perçue à charge
de la sécurité sociale.
Ce système a été rebaptisé de chômage avec complément d’entreprise sous le gouvernement Di
Rupo. Par la même occasion, les conditions d’accès ont été durcies. On voit bien l’évolution
profonde dans laquelle nous sommes. Tout au long des années 70, 80, 90 on voulait laisser la
place aux jeunes et faciliter la sortie des seniors du marché de l’emploi. Désormais, la tendance
est à l’allongement des carrières.

2. Réduire ses activités professionnelles


Les conditions d’octroi sont de deux ordres : elles touchent à l’âge et à l’exercice d’une activité
professionnelle. Cette condition est en train de disparaître. Il a longtemps été requis, et il reste
encore requis sur papier que pour toucher la pension, on arrête de travailler, d’exercer une
activité professionnelle. C’est encore le principe que pose formellement la réglementation, l’AR
n°50. Une activité professionnelle qui fait obstacle à la perception de pension est toute activité
susceptible de produire de revenus. Techniquement, dans la rigueur du texte, on a une seule
condition d’octroi. Tandis que l’exigence de ne plus avoir d’activité professionnelle est une
condition de versement, de paiement à la pension. Si on ne respecte pas cette exigence, on n’est
pas déchu de notre droit à la pension mais, le versement effectif de la pension sera suspendu.
a) Le principe (?)
Sauf dans les conditions déterminées par le Roi, la pension n’est payable que si le bénéficiaire
n’exerce pas d’activité professionnelle (AR n° 50, art. 25, al. 1er).
Une activité professionnelle c’est toute activité susceptible de produire de revenus. On ne
demande pas simplement de ne plus avoir d’emploi, on demande d’arrêter de percevoir des

126
revenus (AR 1967, art. 64, §1er, al. 1er), que ce soit un nouveau salaire, une activité en tant
qu’indépendant.
b) L’activité autorisée
Il y a une exception qui devient en réalité le principe. Dans certains cas de figure, le bénéficiaire
peut cumuler sa pension avec une activité professionnelle à condition que les revenus tirés de
cette activité professionnelle ne dépassent pas un certain plafond (AR 1967, art. 64, §2 et 3).
Ces plafonds varient selon certains critères, selon qu’il s’agit d’une activité professionnelle que
l’on commence, reprend, selon la situation familiale, etc. On est à un maximum d’à peu près
30 000 euros brut par an, ce n’est pas élevé. La tendance a été, depuis les années 2010, de
relever régulièrement les plafonds. On les a même totalement supprimés sous le gouvernement
sortant. Il n’y a plus aucune limite de revenus, on peut cumuler sans limite les revenus d’un
travail et la pension de retraite lorsqu’on a atteint l’âge légal ou on a une carrière d’une durée
de 45 ans.
Cette exception est en train de devenir le principe. Lorsqu’on a une carrière complète ou qu’on
a atteint l’âge de 65 ans, on peut cumuler sans limite. La réglementation dit toujours qu’on ne
peut pas travailler. Il y a une exception qui fixe des plafonds et es plafonds sont déterminés
dans un arrêté royal de 2015. Ce système est en train d’être démantelé. Il y a un débat pour
savoir ce qu’il advient des personnes de moins de 65 ans. Mr Dumont a le sentiment que le
système sera complètement démantelé. C’est une opération rentable pour la sécurité sociale car
on cotise mais sans s’ouvrir de nouveaux droits. Quand vous continuez à travailler en même
temps qu’on touche une pension, on n’est pas en train de cotiser pour avoir une pension plus
grosse. La pension est acquise, on ne fait que se dégager un revenu du travail parallèlement.
Les montants des pensions n’étant pas très élevés en Belgique, les pensionnés qui le veulent et
le peuvent travaillent et cumulent travail et pension.
Le contre-argument de la part des syndicats était que premièrement, on doit laisser la place aux
jeunes dans un contexte de chômage de masse et deuxièmement, il est peut être dangereux de
relever les plafonds dans la mesure où il y a moins de raison de relever les pensions légales.
Certains diront que si on n’est pas content du montant de la pension, on aura qu’à travailler. Ce
n’est pas un problème pour certaines catégories de personnes qui en sont demandeurs. Mais
pour d’autres catégories de la population, pour lesquelles le travail est plus rude, ce sera plus
compliqué voire même impossible. C’est un débat qui est toujours en cours.
Un autre argument plus conceptuel en faveur du relèvement des plafonds c’est qu’on a à faire,
dans la structure, à des revenus de remplacement, contributif. On est ici dans la sécurité sociale
assurancielle, au sens strict. On est indemnisé en tant que travailleur qui s’est ouvert des droits
par son travail. Conceptuellement, un pensionné est quelqu’un qui a travaillé, cotisé et qui s’est
ouvert le droit à une pension. En principe, on se fiche de savoir s’il est riche ou pauvre. La
question de l’importance des moyens personnels est regardée au niveau de l’assistance, de l’aide
sociale.

Section 4 – Le calcul de la pension de retraite


Les conditions à satisfaire pour pouvoir toucher la pension sont simples. Le point central est de
déterminer le montant de la pension. Le principe général est le suivant : le type de pension

127
organisé par la sécurité sociale varie très fort essentiellement en fonction de la durée de la
carrière et de l’importance des cotisations. On est dans un système contributif. Plus vous avez
mis dans la balance, plus on va toucher. La pension légale de retraite est égale à un pourcentage
de la moyenne des rémunérations gagnées au cours de la carrière professionnelle.
On a trois variables qui entrent en ligne de compte : la carrière professionnelle, les
rémunérations, la situation familiale. Le taux de remplacement n’est pas le même selon la
configuration du ménage.

1. La carrière professionnelle
a) Les périodes de travail et les périodes assimilées
La carrière est l’élément clef, déterminant. Que prend-on en compte dans la carrière?
• Les périodes d’activité professionnelle en tant que travailleur salarié alimentent le
compteur de la carrière. Mais il n’y a pas que ça. On a également des périodes
assimilées.
• Les périodes d’inactivité assimilées à des périodes d’activité professionnelle (AR n° 50,
art. 8) : ce sont des périodes d’inactivité, durant lesquelles on n’était pas en train de
travailler et de cotiser, mais qui malgré tout vont être pris en compte pour le calcul de
la durée de la carrière. Ces périodes sont essentiellement toutes les périodes de notre
carrière durant lesquelles le travailleur a bénéficié d’un revenu de remplacement (AR
1967, art. 34) aux charges de la sécurité sociale.
Normalement, dans une logique assurancielle pure, par exemple, durant un congé
maternité, on ne s’ouvre pas de droit à la sécurité sociale. Quand on est en congé
maternité, on touche des allocations de maternité. Les périodes durant lesquelles on était
en congé maternité avec des allocations de la sécurité sociale est une période assimilée.
Lorsque l’on touche des allocations de chômage car on correspond aux conditions
d’octroi, la période sera assimilée.
L’incapacité de travail est une période assimilée.
Toutes les périodes durant lesquelles la sécurité sociale intervient sont des périodes
assimilées.
• + Rappel : la possibilité de faire bonifier ses années d’étude régularisées. Ce n’est pas
une période assimilée car ces années ne sont pas automatiquement comptabilisées
comme des périodes de carrières. Cela nécessite une démarche et le paiement de
cotisations de régularisation. Si la démarche a été effectuée, les années d’études vont
allonger la durée de la carrière.
b) La durée de la carrière
La durée de la carrière complète est de 45 ans. La réglementation compte en termes de jours =
14 040 jours. Le dénominateur de la fraction est toujours 45 (AR 1996, art. 5, §1er, al. 2). Des
textes viennent de paraître au sujet de l’unité de carrière pour les travailleurs qui veulent
travailler plus de 45 ans. Le législateur a modifié en partie la législation pour qu’on puisse faire
comptabiliser plus de 45 années de carrière.
à Une année de travail (ou d’inactivité assimilée) = 1/45ème d’une pension complète.

128
Ce qui est important, c’est qu’au-delà de ceux qui veulent faire plus de 45 ans, la carrière
complète est de 45 ans. Cela veut dire que si l’on a moins d’années de carrière, le dénominateur
sera toujours égal à 45. Au niveau du calcul cela aura des conséquences importantes. Si on a
une carrière très incomplète, on va quand même diviser ce que l’on a apporté dans la balance
par 45 pour obtenir une rémunération moyenne lissée sur une durée de 45 ans.
Une année de travail salarié ou une année d’inactivité assimilée à du travail salarié représente
1/45 d’une pension complète.
Cette partie n’est pas à jour – voir dernier cours.

2. La rémunération
a) Rémunération réelle ou rémunération fictive
• Pour les périodes d’activité professionnelle assujetties à la sécurité sociale, on se base
sur le salaire, la rémunération salariale brute (AR 1967, art. 22). L’enjeu important est
de savoir ce que l’on va faire des périodes assimilées. En moyenne, 20% de la pension
d’un salarié sont composés de périodes assimilées.
• Pour les périodes assimilées, on prend en compte, non pas de l’allocation sociale, mais
de la rémunération afférente à l’année civile précédente (AR 1967, art. 24bis, point 1,
al. 1er). Dans une logique assurancielle pure, on se baserait sur les indemnités de sécurité
sociale. On ne fait pas ça pour protéger les assurés sociaux qui ont été confrontés à des
risques qui ont été indemnisé par la sécurité sociale. On assimile les périodes pour
lesquelles la sécurité sociale dit que c’est légitime d’avoir bénéficié de la sécurité
sociale. On ne valorise pas ces périodes-là sur la base du montant de l’allocation de
sécurité sociale pour éviter qu’à la pension, la personne qui a donné naissance à
plusieurs enfants, qui a vécu plusieurs accidents du travail touchent des pensions
moindres. Donc comment on valorise ces périodes assimilées ? On les valorise sur la
base d’un salaire fictif fixé au niveau de la rémunération salariale réelle que l’on avait
durant l’année civile précédent celle durant laquelle est survenu le risque social.
Attention, on a des exceptions très importantes à ce dernier point. Ici, on a à faire avec des
mesures d’austérité très significatives qui s’inscrivent dans la philosophie de plus en plus
partagée au sein du gouvernement de valoriser le travail. Dans ce contexte-là, les mal aimés de
la sécurité sociale sont les chômeurs. Il y a toujours une suspicion qui pèse sur eux. Depuis
2012, on a dérogé au principe selon lequel les périodes assimilées sont valorisées sur base du
salaire antérieur plutôt que sur l’allocation.
En 2012, on a fait sauter cette protection pour les chômeurs arrivés en troisième période de
chômage, le forfait, (AR 1967, art. 24bis, point 6). Pour tous les chômeurs arrivés en troisième
période de chômage au moment de l’admission à la pension est valorisé sur la base d’un salaire
fictif – qui n’est plus le salaire dont on bénéficiait avant le chômage – qui est le salaire
minimum. Cela va faire diminuer la pension des chômeurs de longue durée.
Le gouvernement Michel a fort accentué ceci en prévoyant, depuis cette année, il en va de même
pour les deuxièmes périodes de chômage (AR 1967, art. 24bis, point 6°bis) et des périodes de
chômage avec complément d’entreprise (AR 1967, art. 24bis, point 7°bis). Donc, depuis cette

129
année-ci, dès qu’un chômeur dépasse un an de chômage, il y aura un impact sur sa pension qui
sera valorisée sur la base du salaire minimum et pas du salaire antérieur.
A l’intérieur du dispositif des périodes assimilées, on peut voir la brèche qui a été ouverte pour
valoriser le travail et encourager l’activité.
Voilà la rémunération qui sert de base, la rémunération réelle ou une rémunération fictive pour
les périodes assimilées. On a désormais deux types de périodes assimilées, les périodes
assimilées au sens strict et les périodes assimilées amoindries.
b) Plafond
Dans tous les cas de figure, qu’on se base sur une rémunération réelle ou fictive, il y a un
plafond. La réglementation fixe pour chaque année civile un plafond en disant que toute la
partie de la rémunération réelle ou fictive qui dépasse le plafond n’est pas prise en compte pour
le calcul de la pension.
Attention, en sécurité sociale, on n’a pas de plafond sous l’angle des cotisations. On cotise à
concurrence l’ensemble de nos revenus. Par contre, du côté du calcul des prestations, on
instaure des plafonds (AR n° 50, art. 7, al. 3). Pour cette année 2019, le plafond est fixé à 57 500
euros brut, ce qui s’élève un peu au-dessus du salaire moyen en Belgique.
Cela veut dire que pour toutes les personnes dont le salaire se situe au niveau ou en dessous du
salaire moyen, on va comptabiliser l’intégralité de la rémunération. Par contre, pour les grands
salaires, le taux de remplacement effectif sera moindre que le taux de remplacement nominal,
théorique. Une partie significative de la rémunération ne va pas être prise en compte dans le
calcul de la pension.
La dernière étape sous l’angle de la prise en compte de la rémunération, c’est la réévaluation.
c) Réévaluation

Toutes les périodes que l’on prend en ligne de compte feront l’objet d’une réévaluation. Toutes
les rémunérations (plafonnées) prises en compte, qu’elles soient réelles ou fictives, sont
réévaluées au moment de l’octroi sur la base de l’évolution de l’indice des prix à la
consommation (AR n° 50, art. 29bis, §1). Si on prend le revenu de l’année 1974, on applique
le plafond de l’année 1974. On fait ça pour chaque année et après avoir plafonné, on réévalue.
On observe l’évolution de l’indice des prix à la consommation depuis 1974 jusqu’à aujourd’hui.
Si on voit par exemple qu’en 40 ans, le coût de la vie a triplé, le revenu plafonné de l’année
1974 sera triplé car l’indice aurait triplé. Le revenu plafonné de l’année 1974 sera triplé.
Si on prend le revenu de l’année 1992, on applique le plafond de cette année-là, admettons
45000 euros brut. On regarde l’indice des prix à la consommation. Entre 1992 et aujourd’hui,
si le coût de la vie a fait fois 1,5 on appliquera un coefficient 1,5 à la rémunération plafonnée
de l’année 1992.
On fait ça pourquoi ? On gomme ainsi totalement les effets de l’inflation, on neutralise le risque
de l’érosion monétaire. La valeur de l’argent a évolué. Ce que l’on pouvait acheter avec un euro
à l’époque n’est pas la même chose qu’aujourd’hui. Du coup, puisqu’on est dans des

130
perspectives de long terme, on applique ce coefficient pour éviter qu’on nous calcule une
pension sur la base de salaires qui représentent aujourd’hui beaucoup moins que ce qu’ils
valaient à l’époque en matière de pouvoir d’achat. C’est une garantie importante, un atout
majeur de la répartition.
A l’origine, les pensions légales, lorsqu’elles ont été mises en place étaient financées par
capitalisation, de la même manière que le sont les pensions extra-légales aujourd’hui. Si on a
abandonné la technique après-guerre, c’est parce qu’on a réalisé que la capitalisation pouvait
amener à des résultats problématiques. Oui on a travaillé et cotisé, mais trente ans plus tard, la
rémunération originaire vaut beaucoup moins en matière de pouvoir d’achat. Donc on avait une
rémunération nominale qu’on s’était constituée sur la base de son travail passé mais cette
rémunération nominale pouvait représenter peu de chose en termes de pouvoir d’achat réel si
l’inflation avait été importante. D’où l’application du coefficient de rémunération.

3. La situation familiale
En matière de pension, on a simplement deux catégories de situations familiales, deux taux qui
sont pris en compte (AR 1996, art. 5, §1er, al. 1er). Les noms de ces catégories sont donnés par
l’administration et ne sont pas officiels.
a) Taux dit « ménage »
On aura un taux de remplacement plus élevé que le suivant. Ce taux s’applique à la situation du
bénéficiaire marié dont le conjoint a cessé toute activité professionnelle, sauf celle autorisée
par le roi, et ne jouit pas d’un revenu de remplacement. On a donc un couple marié à l’intérieur
duquel un conjoint n’a ni activité professionnelle ni revenu de remplacement. Donc, un couple
dans lesquels les deux conjoints ont travaillé, cotisé et bénéficient d’une pension ne sont pas un
taux « ménage ». Dans cette situation-là, significative en 1977 mais bien moins aujourd’hui, le
taux de remplacement est de 75%. Le couple perçoit une pension unique égale à 75% du
revenu moyen de celui qui a travaillé.
b) Taux dit « isolé »

Toutes les autres situations tombent dans le taux isolé. Toutes les catégories différentes de la
première bénéficient du taux « isolé ». Ce dernier s’applique aux personnes seules, aux couples
qui ne sont pas mariés, aux couples mariés à l’intérieur duquel on a deux sources de revenus.
Dans ce cas-là, on a un taux de remplacement de 60%
Compte tenu des évolutions socio-démographiques, le taux ménage est un peu en voie
d’extinction. La plupart des pensionnés vont toucher des taux isolés. On va donc vers une
individualisation de facto des montants la pension de retraite. La plupart des personnes vont
toucher une pension qui ne tiendra pas compte de la situation familiale puisque peux de gens
entrent dans la première catégorie.

131
4. Le mode de calcul
a) Le calcul

Etapes successives (AR n° 50, art. 7, al. 1er et AR 1996, art. 5, §1er) :
• Réévaluation de la rémunération – réelle ou fictive, mais toujours plafonnée – de
chaque année de la carrière professionnelle
• Addition des résultats de chaque année et division de la somme par 45, pour obtenir
la rémunération moyenne perçue au cours de l’ensemble de la carrière
• Multiplication de la rémunération moyenne par le taux de remplacement (60 ou 75%
selon la situation familiale)

1) On prend la rémunération réelle ou fictive de chacune des années de la carrière, et on la


plafonne. Ce qui est en dessous du plafond, on le réévalue en regardant l’évolution des
prix à la consommation.
2) On additionne les résultats de chaque année et on divise le tout par 45. On divise toujours
par 45, hormis l’hypothèse des très longues carrières. On cherche à obtenir la
rémunération moyenne perçue au cours de la totalité de la carrière. La carrière est
toujours lissée sur 45 années. C’est là que ça fait mal à celles et ceux qui ont une carrière
incomplète.
3) On multiplie le résultat par 75% lorsqu’on est dans la situation du taux ménage et 60%
pour les situations du taux isolé.
è Pension égale à un pourcentage de la moyenne des rémunérations gagnées au cours de
la carrière.

b) La pension minimum

C’est une forme de pension plancher. On considère que quand on a une carrière d’une durée
significative (au moins 30, maximum 45 ans), la pension ne peut pas être inférieure à un certain
résultat. Le service fédéral des pensions calcule la pension, on a un résultat sur la base de
l’ensemble des données du système. Si le résultat, lorsque la carrière est supérieure ou égale à
30 ans, est inférieur à un certain montant, on relève le montant de la pension jusqu’à la pension
minimum. La pension minimum pour une carrière complète s’élève à 1260 euros. On ne peut
pas toucher moins.
Si on a une carrière de 41 ans, on aura droit à 41/45ème de 1260 euros. On bénéficie de cela à
partir d’un minimum de trente ans de carrière.
Ce n’est pas énorme, mais il faut voir les points de repère, c’est nettement plus que le revenu
d’intégration et 150 euros au-dessus du seuil de pauvreté. On garantit aux personnes qui ont
une carrière complète une pension significativement supérieure au seuil de pauvreté.
On parle ici du taux isolé, au taux ménage on a +/- 1500 euros.

132
Conclusion
Il y a aujourd’hui un grand débat autour des pensions. Quelques éléments de synthèse pour
objectiver l’état actuel de notre système méritent d’être mentionnés. On entend souvent qu’en
Belgique, les pensions seraient d’un montant assez médiocre. Si on entend ça, il y a un appel à
compenser cette pension par des pensions complémentaires. Notre système est plus ou moins
performant selon la trajectoire professionnelle. La pension moyenne d’un salarié en Belgique
c’est 1000 euros. Mais cela ne veut presque rien dire car c’est une moyenne, ça comprend les
carrières complètes avec salaire élevé mais aussi des carrières incomplètes avec beaucoup de
mi-temps par exemple.
Les pensions sont-elles d’un montant suffisant pour vivre ? Un montant qui entretient un rapport
de proportionnalité raisonnable avec ce que l’on a gagné au cours de notre carrière, le niveau
de vie habituel ?
Le système reste relativement performant pour les travailleurs pour lesquels il a été pensé, il
garantit des revenus de remplacement qui entretiennent un rapport de proportionnalité
raisonnable avec le niveau de vie antérieur. Le système a été pensé en 1967. Il a été pensé pour
les travailleurs qui ont eu une carrière complète avec une rémunération relativement stable et
dont le montant s’élève à un niveau proche du salaire moyen. C’est la carrière typique d’un
ouvrier ou d’un « petit » employé, celui qui ne fait pas ou peu d’études supérieures, qui
commence tôt sa carrière avec un niveau de rémunération qui s’inscrit aux alentours du salaire
moyen en Belgique (2000 euros net +/-). Pour ces personnes-là, on a des pensions qui sont
relativement proches de ce à quoi ils ont été habitués dans leur carrière.
La difficulté c’est qu’il y a de plus en plus de travailleurs dont la trajectoire ne correspond pas
à la trajectoire de l’ouvrier qui commence tôt sa carrière, etc. Ca désigne plutôt deux groupes
qui se situent d’une extrême à l’autre sur le marché de l’emploi. Pour un premier groupe, le
système n’est pas très efficace, la pension n’est pas très élevée. Il s’agit des personnes ayant
une carrière incomplète avec du temps partiel voir beaucoup de temps partiel. Pour les
personnes ayant de carrière de 25 ans avec du 4/5 temps, au final, là le montant de la pension
peut s’élever à très peu de choses. Cela concerne principalement des femmes. C’est
problématique mais c’est normal dans la logique actuelle du système qui est un système
contributif. Par hypothèse, si on a une carrière incomplète et un salaire peu élevé, on va se
retrouver au point d’arrivée avec une pension d’un montant assez faible.
Le problème se pose aussi pour les cadres, les employés supérieurs, qui font de longues études.
Forcément, plus on étudie, plus on retarde notre entrée sur le marché de l’emploi et plus il y a
de chances qu’on ait une carrière incomplète à l’âge de 65 ans. Le problème va se résoudre un
peu avec l’allongement de l’âge légal de départ à la retraite. Les cadres ont souvent une
évolution salariale fortement ascendante qui n’est pas celle de l’ouvrier ou du petit employé.
On commence à un niveau pas forcément élevé. Par contre on progresse et on finit avec un
salaire très élevé. Pour toutes ces personnes-là, la pension sera calculée sur base du revenu
plafonné. En fin de parcours, il se peut que le salaire soit 3 fois plus élevé que la pension mais
peu importe car la pension sera toujours calculée sur base du revenu plafonné. Pour ces
personnes-là, on peut se retrouver avec une pension fortement déconnectée du train de vie
auquel elles étaient habituées.

133
La seule façon pour ces personnes de se constituer une pension totale plus proche du train de
vie antérieur est de se constituer une pension complémentaire à la pension légale.
Ces constats peuvent servir de base à des propositions dans des sens opposés.
Certains diront qu’il faut soutenir les pensions complémentaires, les pensions par capitalisation
sur le plan fiscal. Mais cette proposition est très inégalitaire.
Une autre possibilité est de considérer que la priorité est de reformer les pensions légales en
valorisant le temps partiel, en relevant le plafond pour faire en sorte que les cadres cotisent plus
mais perçoivent également plus.
Vers un système de pensions à points ?
La pension à point n’a pas vu le jour mais il était dans l’accord du gouvernement. En 2014, le
gouvernement voulait mettre en place un système de pension à points. Le gouvernement Di
Rupo avait mis en orbite une commission d’experts, la commission de réforme des pensions
qui a proposé en conclusions de son rapport de mettre en place un système de pension à point.
Beaucoup de variables ne sont pas définies, l’idée était de débattre à ce sujet, mais les
partenaires sociaux n’ont pas adhéré à la formule et le gouvernement n’est pas parven à faire
avancer le dossier. Dans ce système, la pension serait un certain nombre de points multiplié par
un coefficient de valorisation. Le schéma serait le suivant, même s’il n’est pas défini : une année
de travail à temps plein avec un salaire moyen équivaudrait par exemple à un point. Si le revenu
est un peu plus bas on aurait 0,5 point, par exemple, 1,2 si le salaire est plus élevé. Tout serait
à définir. On additionne ces points engrangés par les années de travail et au moment où l’on
doit calculer la pension, on convertit ces points accumulés en argent sur la base d’un coefficient
de valorisation. Le point clef est que ce coefficient de valorisation serait déterminé au moment
où l’on prend notre pension. Il serait déterminé en fonction du niveau moyen des revenus dans
la population active. On arrive à 67 ans, on regarde à ce moment le niveau de salaire moyen des
actifs. Sur la base de ce niveau moyen, on établit le coefficient de valorisation. Si le salaire est
élevé, le coefficient sera élevé et nos points vaudront beaucoup d’argent. On fait ça car la
population active pourra payer cela.
Si par contre, au moment où on arrive à la pension, la population active est beaucoup moins
nombreuse, le niveau des salaires a diminué ou stagné, le coefficient de valorisation sera
beaucoup plus bas.
L’avantage de cette formule c’est que ce système permet un pilotage budgétaire automatique
du système. On pourra financer les pensions par hypothèse car le coefficient est fixé en fonction
du niveau des revenus de la population active, mais on ne sait pas dire à quel niveau. On peut
faire des projections. Les pensions seront payées mais on saura à combien elles s’élèveront au
moment du départ à la retraite. C’est la raison pour laquelle les syndicats s’opposent à ce
système. C’est dangereux au niveau de la sécurité personnelle et juridique de ne pas connaître
à l’avance le montant de la pension. Le gouvernement dit que c’est nécessaire pour que le
système soit soutenable. Mais la stratégie du gouvernement était de laisser cela dans les mains
des partenaires sociaux mais le gouvernement n’a pas cessé de réformer le système, ce qui a
crispé les partenaires sociaux.

134
Chapitre IV – L’assurance soins de santé
Section 1 – Vue d’ensemble
1. L’assurance soins de santé et indemnités (ex-assurance maladie-invalidité)
Siège de la matière : loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités,
coordonnée le 14 juillet 1994 et arrêté royal du 3 juillet 1996 portant exécution de la loi relative
à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités
Notre système de santé c’est en réalité l’un des deux secteurs d’un ensemble plus vaste qui est
l’assurance soins de santé et indemnités. On a d’un côté la prise en charge de l’incapacité de
travail et de la maternité. Et l’autre morceau est l’assurance soins de santé, càd la prise en charge
des dépenses (paramédicales) liées à un problème de santé quelconque. Par rapport à ce dont
on a déjà parlé, on a à faire à un type de prestation sociale autre. Toutes les prestations
précédentes offrent un revenu de remplacement. Dans la matière de l’incapacité de travail, on
offre un revenu de remplacement également. Les prestations de santé, par contre, sont des
revenus de compléments. Ce sont des revenus qui compensent, amortissent, des dépenses
additionnelles. A niveau de revenus donné, on a un surcroît de dépense.
Autre exemple de revenus de remplacement : les allocations familiales.
On constate que le champ d’application de la branche est quasi universel. Il n’y a pas que les
travailleurs qui peuvent connaître des dépenses médicales. D’où le fait qu’on ait mis en place
un système unique qui couvre toute la population. Ici, en soins de santé, on ne fait pas de
tripartition entre les salariés, les indépendants et les fonctionnaires. Ici c’est le même régime
pour tout le monde.
On a une Institution Publique de Sécurité Sociale (INAMI) qui supervise l’ensemble du
système. En dessous, on trouve autre chose. Les patients traitent avec des organismes assureurs.
Entre l’INAMI et nous, il y a des organismes assureurs
Deux ensembles de prestations distincts : la prise en charge des dépenses de santé (revenus de
complément) et les indemnités d’incapacité de travail et de maternité (revenus de
remplacement).

2. L’universalité de la couverture santé


Un système unique englobant (quasiment) toute la population
Les organismes compétents
Une institution publique de sécurité sociale en charge de la supervision du secteur : l’INAMI
Des organismes assureurs (O.A.) en charge du remboursement des dépenses médicales : cinq
unions de mutualités privées + une caisse publique, la Caisse auxiliaire d’assurance maladie-
invalidité (CAAMI)
Toute les IPSS sont administrées par un comité de gestion paritaire. A l’INAMI, on a plusieurs
organes composés de manière quadripartite.

135
3. Médecine libérale vs maîtrise du coût des soins vs accessibilité
Notre système de santé doit arbitrer entre des attentes très différentes. Notre système est dit
libéral, càd que le système repose sur une double liberté inscrite dans la loi :

• Libre choix du prestataire de soins (art. 127, §1er) et


• Liberté d’appréciation, liberté thérapeutique des prestataires de soins (art. 73, §1er) : en
général ils soignent comme eux l’entendent conformément à leur déontologie.
Dans un système libéral, on va chez qui ont veut quand on veut, les dépenses sont plus difficiles
à monitorer que dans des systèmes dans lesquels tout est centralisé. L’INAMI a une commande
moins forte sur l’ensemble du système. Il y a des mesures qui ont été prises pour essayer de
monitorer les dépenses. La norme de croissance des soins de santé est exprimé en pourcentage
et prévu dans la loi.
Une troisième dimension apparaît qui est l’accessibilité des soins. Potentiellement, ce sera
problématique de payer plus vis-à-vis de l’accessibilité des soins alors que c’est fondamental.
On va voir dans le détail comment notre système est structuré.

Retenons cette tension entre la liberté de choix, le contrôle des dépenses et l’accessibilité des
soins.
L’augmentation continue du coût des soins de santé
Deux causes principales, outre le caractère libéral de l’organisation des soins : le vieillissement
de la population et les avancées technologiques
Le problème des reports de soins
à Comment maîtriser l’évolution du coût du système sans porter atteinte à la liberté de choix
et à l’accessibilité des soins ?

Section 2 – Les bénéficiaires


Qui est couvert par l’assurance soins de santé ? Qui est bénéficiaire (rechthebbend) du droit aux
prestations qu’elle prend en charge ?
A l’origine, l’assurance maladie était réservée aux seuls travailleurs et, conformément à la
technique des droits dérivés, aux membres de leur famille. Au fil du temps, en particulier à
partir des années 1960 et de la dissociation de l’assurance maladie et de l’assurance invalidité,
la première a été progressivement étendue à de nombreuses catégories additionnelles, de telle
sorte qu’elle couvre, depuis la fin des années 1990, approximativement 99%, dit-on, de la
population. La loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé n’a toutefois pas franchi le
pas, beveridgien, qui aurait consisté à définir son champ d’application personnel à partir d’une
simple condition de résidence ou de citoyenneté, ainsi que l’avait envisagé l’avant-projet de
Code de la sécurité sociale de 1985.
Quand on entre dans le détail, c’est toujours le foutoir. La loi consiste en l’énumération d’une
longue liste de catégorie de bénéficiaires – près d’une trentaine au total (art. 32). C’est de cette
énumération qu’il découle que, en pratique, la couverture santé présente aujourd’hui en
Belgique un caractère quasiment universel. C’est de l’addition de toutes ces catégories, il y a

136
98-99% de la population qui est couverte. On distingue deux grands ensembles : les titulaires
et les personnes à charge.
Pour rappel : ici, on a à faire avec des revenus de compléments. L’assurance intervient dans les
dépenses (para)médicales pour éviter les diminutions du niveau de vie en raison de dépenses
importantes.

1. Les titulaires
Le titulaire est bénéficiaire pour lui-même et pour les personnes à sa charge. Les titulaires
(gerechtigden) sont les personnes qui ouvrent le droit à l’assurance pour elles-mêmes et pour
les personnes à leur charge.
Certains d’entre eux ont droit aux soins de santé seulement moyennant le paiement d’une
cotisation personnelle. C’est le cas de titulaires qui ne paient pas ou plus, ou qui n’ont pas payé
par le passé, de cotisations sociales prélevées sur le revenu professionnel. Ce sont les mutualités
qui sont chargées de percevoir cette cotisation personnelle auprès de leurs membres.
Les principales catégories de titulaires sont les suivantes :
a) Les travailleurs
1) Les travailleurs salariés, plus précisément les travailleurs assujettis à la sécurité
sociale des travailleurs salariés.
2) Les agents des services publics : tout le monde est plongé dans le même
standard. Par le biais du raccord opéré par la matière assujettissement, les
fonctionnaires sont branchés sur le système de soins de santé que les salariés.
Parmi les titulaires, figurent bien entendu les travailleurs assujettis au régime de sécurité sociale
générale, soit les travailleurs salariés mais aussi, s’agissant spécifiquement des soins de santé,
les agents des services publics. On se souvient en effet que les fonctionnaires statutaires sont,
pour le secteur des soins de santé, intégrés dans le régime général en vertu des règles qui
gouvernent l’assujettissement. Une cotisation sociale, fixée au niveau du taux propre au secteur
des soins de santé, est d’ailleurs retenue sur leur traitement par l’autorité qui les emploie.
3) Les travailleurs indépendants
Jusqu’à il y a 10 ans, les indépendants avaient accès uniquement à la couverture contre les gros
risques (accouchements, hospitalisations et un certain nombre de maladies graves). Mais dans
le quotidien, on est plus souvent confronté aux « petits » risques. C’est seulement depuis 2008
que la distinction entre petits et gros risques a été abandonnée.
Ceux-ci bénéficient d’une couverture maladie obligatoire depuis les années 1960. Mais pendant
près d’un demi-siècle, cette couverture a été limitée à ce que l’on appelait usuellement les «
gros risques », soit, pour l’essentiel, les hospitalisations, les interventions chirurgicales lourdes,
les accouchements et le traitement de certaines maladies graves. Tout le reste, qualifié – de
manière du reste un peu abusive – de « petits risques », c’est-à-dire la grande majorité des
risques, n’était pas pris en charge par la sécurité sociale. Il appartenait à l’indépendant qui le
souhaitait, et qui le pouvait, de souscrire à une assurance complémentaire privée pour se
protéger contre ces risques. Ce n’est que depuis 2008 que les indépendants sont totalement

137
intégrés dans le régime général et bénéficient du même accès au remboursement des soins de
santé que le reste de la population couverte, sans plus de distinctions par rapport aux salariés et
aux fonctionnaires. Il a ainsi été mis fin à une différence de traitement particulièrement
marquée, dont les conséquences concrètes pour de nombreux petits indépendants pouvaient
s’avérer difficiles à supporter.
A l’occasion de cette uniformisation de la couverture en matière de soins de santé, le taux des
cotisations prélevées dans le statut social des travailleurs indépendants sur la première tranche
des revenus professionnels, soit la tranche située en dessous du plafond intermédiaire, a été
rehaussé de 19,65 à 22%. Mais, comme on le sait, celui-ci a été ensuite ramené, dix ans plus
tard, à 20,50%, dans le cadre du tax shift, ce qui signifie concrètement qu’une partie importante
du coût de la prise en charge des petits risques des indépendants par la sécurité sociale est
désormais financé par la fiscalité générale plutôt que par les cotisations sociales des
indépendants eux-mêmes.
Aujourd’hui, tous les travailleurs, qu’ils soient subordonnés ou non, qu’ils relèvent du secteur
privé ou du secteur public, sont donc englobés dans un seul et même système. Au sein de la
sécurité sociale, le secteur des soins de santé est le premier à avoir réalisé une telle intégration
complète des trois grandes catégories professionnelles.
On tend à avoir une couverture la plus universelle possible. C’est comme ça que parmi les
catégories de titulaires, on a les travailleurs salariés, les indépendants, etc.
b) Les bénéficiaires d’un revenu de remplacement
A côté des travailleurs, l’assurance maladie couvre aussi les assurés sociaux qui perçoivent un
revenu de remplacement. Sont en effet bénéficiaires du droit aux prestations de santé : les
travailleurs, salariés ou indépendants, pris en charge par l’assurance indemnités, que ce soit
pour cause d’incapacité de travail ou de maternité, les travailleurs salariés au chômage, les
travailleurs indépendants bénéficiant du droit passerelle et les travailleurs, salariés ou
indépendants, ayant droit à une pension de retraite.
On le voit, le bénéfice d’un revenu de remplacement ne se limite donc pas à la perception de
l’allocation sociale qui pallie la perte du revenu professionnel. Ce bénéfice ouvre aussi des
droits dans les secteurs de la sécurité sociale qui allouent des revenus de complément, soit les
soins de santé et les prestations familiales.
Dans l’énumération de l’article 32, ces personnes-là s’ouvrent des droits en touchant des droits
ouvrant la sécurité sociale. Les revenus de remplacement donnent un statut social. Les
bénéficiaires sont des titulaires de l’assurance soins de santé.
c) Les travailleurs en assurance continuée
Ont encore la qualité de titulaires les travailleurs, salariés ou indépendants, qui ont
momentanément interrompu leur activité professionnelle et cessé d’être assujettis à la sécurité
sociale, pendant une période de temps limitée qualifiée d’« assurance continuée ».

138
Pour pouvoir en bénéficier, les travailleurs salariés doivent se trouver dans certaines situations
dites « dignes d’intérêt » limitativement énumérées par la réglementation. Parmi les situations
permettant d’obtenir le bénéfice de l’assurance continuée, figurent notamment, sous réserve de
limites temporelles, les périodes de chômage non indemnisé qui n’ouvrent pas le droit à la
couverture, les congés sans solde ou encore les périodes d’allaitement. Le maintien de
l’assurabilité est toutefois conditionné au paiement d’une cotisation fixée à peu près 45 euros
par mois. La possibilité de bénéficier de l’assurance continuée est ouverte de manière bien plus
large aux travailleurs indépendants, mais cette faculté est conditionnée au paiement d’une
cotisation beaucoup plus significative, exprimée, à l’instar des cotisations sociales classiques,
en pourcentage de l’ancien revenu professionnel.
d) Les personnes handicapées

Parmi les non-travailleurs, sont titulaires ceux que la loi dénomme incapables d’exercer un
travail lucratif en raison de leur état de santé, c’est-à-dire, en clair, les personnes handicapées.
On entend par là principalement les personnes qui satisfont aux conditions d’octroi des
allocations aux personnes handicapées. Allouées par le SPF Sécurité sociale, ces allocations
relèvent de l’aide sociale non contributive.
e) Les étudiants de l’enseignement supérieur
Sont aussi titulaires les étudiants qui fréquent en cours du jour l’enseignement supérieur –
maladroitement qualifié par la loi d’enseignement « du troisième niveau ».
En pratique, l’immense majorité des étudiants de l’enseignement supérieur sont bénéficiaires
de l’assurance maladie en tant que personnes à charge d’un titulaire. En réalité, sont donc ici
visés les étudiants qui ne dépendent pas ou plus d’un titulaire. Ceux-là ouvrent eux-mêmes le
droit aux prestations de santé. Cette ouverture est toutefois subordonnée au paiement d’une
cotisation qui, indexée, s’élève à approximativement 65 euros par trimestre.
f) Les veufs et les veuves2
Sont également titulaires les veufs et les veuves de tous les titulaires susvisés. Pour être titulaire
en cette qualité, l’intéressé devait être toujours marié au défunt au moment du décès.
g) Les orphelins3
Sont encore titulaires les enfants des titulaires précités qui sont orphelins de père et de mère et
bénéficient des allocations familiales – c’est-à-dire ont moins de 18 ans, ou moins de 25 ans
s’ils poursuivent des études.
h) Les personnes inscrites au Registre national des personnes physiques
Une dernière catégorie de titulaires, particulièrement importante sous l’angle de
l’universalisation de la couverture, doit encore être pointée : il s’agit des personnes inscrites au

2
Pas été détaillé en cours
3
Ca non plus

139
Registre national des personnes physiques qui ne sont pas et ne peuvent pas être bénéficiaires
à un autre titre.
Jusqu’au milieu des années 1990, il existait un mécanisme résiduaire pour les personnes dites
« non encore protégées », c’est-à-dire qui ne pouvaient prétendre à la qualité de titulaire à aucun
titre. Ces personnes pouvaient bénéficier de l’assurance soins de santé à la double condition
d’accomplir un stage d’attente de six mois et de s’acquitter, y compris pendant ce stage, d’une
cotisation. Ce mécanisme obéissait donc à une logique assurancielle : il était nécessaire de
contribuer et de l’avoir fait pendant une période de carence initiale – durant laquelle on cotisait
sans encore pouvoir bénéficier de prestations en retour – pour devenir bénéficiaire de
l’assurance soins de santé.
Cette logique a été fortement critiquée par le Rapport général sur la pauvreté réalisé en 1994, à
l’occasion du cinquantième anniversaire de la (re)fondation de la sécurité sociale, par la
Fondation Roi Baudouin en partenariat avec le mouvement associatif ATD-Quart Monde et les
CPAS. Elaboré selon une démarche originale, qui a consisté à associer étroitement à la réflexion
les personnes directement confrontées à la pauvreté et aux processus d’exclusion, le Rapport
général a mis en évidence combien l’absence de couverture en matière de santé était un facteur
d’insécurité majeur. Le système d’accès aux soins de santé des personnes non encore protégées
a été considéré comme particulièrement inadéquat au regard de la situation de ses principaux
destinataires, soit les personnes confrontées à la grande précarité, en raison de la difficulté pour
nombre d’entre elles de faire face aux exigences de contribuer et de franchir une période de
carence.
Les recommandations du Rapport général ont été largement suivies par le législateur – par le
gouvernement, en réalité, qui a agi par le biais d’un arrêté royal de pouvoirs spéciaux. Depuis
1998, est bénéficiaire du droit aux prestations de santé tout qui est inscrit au Registre national
des personnes physiques et n’est pas et ne peut pas être bénéficiaire sur une base autre que celle-
là.
Le Registre national des personnes physiques est la base de données centrale dans laquelle sont
enregistrées toutes les personnes inscrites dans les registres tenus par les communes, soit le
registre de la population, le registre des étrangers et le registre d’attente. Dans le premier, sont
inscrits les Belges résidant en Belgique et les étrangers autorisés à s’établir dans le royaume –
c’est-à-dire autorisés à y demeurer de manière indéfinie ; dans le second, les étrangers autorisés
à séjourner plus de trois mois dans le royaume ; dans le troisième, les demandeurs d’asile, c’est-
à-dire les étrangers qui ont demandé à être reconnus comme réfugiés et dont la demande est en
cours d’examen.
Autrement dit, le seul fait de résider légalement en Belgique ouvre l’accès au remboursement
des dépenses de santé à toute personne qui n’y a pas déjà accès, sans plus aucune exigence de
stage comme on le verra ci-dessous. En revanche, il reste en principe requis de s’acquitter d’une
cotisation trimestrielle pour être bénéficiaire sur la base de ce mécanisme résiduaire. Le montant
de ladite cotisation varie toutefois en fonction du niveau de revenu du ménage de l’intéressé.
Fixée aux alentours de 750 euros, elle diminue de moitié lorsque le revenu annuel est inférieur

140
à un certain plafond et est nulle pour toutes les personnes dont le revenu du ménage est égal ou
inférieur au niveau du revenu d’intégration au taux famille à charge.
Au total, continuent encore de passer entre les mailles du filet, hormis les hypothétiques rentiers
ne souhaitant pas s’acquitter de la cotisation, les étrangers qui ne sont pas autorisés à séjourner
sur le territoire du royaume pendant plus de trois mois. Ceux-là ne peuvent en effet être inscrits
dans les registres des communes, et donc au Registre national des personnes physiques, en
raison de la durée trop brève de leur séjour autorisé : ils ne sont pas considérés comme des
résidents. Les étrangers en séjour irrégulier ne peuvent pas non plus avoir la qualité de
bénéficiaire de l’assurance soins de santé, compte tenu du caractère illégal de leur séjour, qui
les rend inéligibles à l’inscription dans les registres des communes. Telles sont les dernières
limites qui subsistent.
Par ailleurs, il est important de ne pas perdre de vue que ce régime est strictement résiduaire,
dans la mesure où il est réservé aux seules personnes qui ne sont pas susceptibles d’être
bénéficiaires sur une base autre. Partant, il ne pourra par exemple pas être utilisé par le
travailleur assujetti au statut social des indépendants qui ne parviendrait plus à payer ses
cotisations en raison de difficultés financières et dont la couverture sociale serait, pour cette
raison, suspendue – sauf à obtenir une dispense du paiement des cotisations –, dans la mesure
où, tant qu’il est indépendant, ce travailleur doit être bénéficiaire du droit aux prestations de
santé sur la base de l’assujettissement à l’arrêté royal n° 38.
En 1998, on a refondé le régime des personnes « non encore protégées ». On a créé une
catégorie résiduaire qui est un peu un camion-balai. Si on n’entre pas dans l’une des nombreuses
catégories énumérées, on sera titulaire de l’assurance en tant qu’on est inscrit dans le registre
national des personnes physiques. On est dans une logique Beveridgienne, un accès au droit
basé sur la résidence. C’est un réseau informatique qui reprend les données dans tous les
registres tenus par les communes. Il y a le registre de la population et le registre des étrangers.
Si on n’a pas accès aux soins de santé en tant que salarié, indépendant, personne à charge, on a
accès aux soins de santé simplement par l’inscription dans le registre national des personnes
physiques. C’est comme cela qu’on a quasi universalisé la couverture.
Si on est éligible à l’assurance par ce biais-là, on doit en principe payer une cotisation pour
compenser le fait qu’on n’est pas un travailleur ou un ancien travailleur. Cette cotisation est
dégressive selon le niveau de revenu. Cette catégorie est pensée pour ceux qui se trouvent en
bas de l’échelle sociale, càd les personnes relevant de l’aide sociale ou de rien du tout. Ces
personnes-là ont une couverture santé en tant qu’inscrite dans le registre de la population ou
des étrangers d’une commune.

2. Les personnes à charge d’un titulaire


Personne à charge = conjoint ou partenaire de vie, descendants âgés de moins de 25 ans et
ascendants (AR, art. 123)
Conditions (sauf pour les descendants) : ne pas disposer de revenus et partager la même
résidence (AR, art. 124, §1 et 2)

141
Les personnes à charge ne s’ouvrent pas le droit à la couverture santé par elles-mêmes : elles
ont accès aux soins de santé en tant qu’elles sont liées à un titulaire. Elles tirent donc un droit
dérivé de ce lien.
Sont à charge d’un titulaire, son conjoint ou son partenaire de vie – son « cohabitant », dit la
réglementation –, ses descendants âgés de moins de 25 ans et, enfin, ses ascendants, à la double
condition qu’ils ne perçoivent pas de revenus professionnels ou de revenus de remplacement
supérieurs à un plafond trimestriel – assez bas –, d’une part, et qu’ils fassent partie du ménage
du titulaire, c’est-à-dire partagent la même résidence principale que lui, d’autre part. Cette
double exigence ne s’applique toutefois pas aux descendants âgés de moins de 25 ans, lesquels
restent donc considérés comme à charge même lorsqu’ils perçoivent un revenu ou lorsqu’ils
n’ont plus la même résidence – sauf bien sûr s’ils deviennent eux-mêmes titulaires, par exemple
par leur travail.
Lorsqu’une personne à charge perd cette qualité, elle conserve malgré tout le droit aux
prestations de santé jusqu’au 31 décembre de l’année civile qui suit celle au cours de laquelle
elle a perdu ladite qualité. Le maintien de la couverture est donc relativement long.
En d’autres termes, il faut faire partie du ménage d’un titulaire, donc ne pas disposer de revenus
propres et partager la résidence. Pour les descendants âgés de -25 ans, il suffit d’être descendant
âgé de moins de 25 ans, on ne demande pas la preuve de la non-disposition de revenus propres
et de partage de résidence.
***
Grâce à toutes ces extensions, dans notre pays 99% de la population a une couverture contre le
risque de maladie, ou plus exactement contre les frais qui résultent de celle-ci.
C’est évidemment une différence majeure avec le secteur des indemnités, dont le bénéfice
demeure, lui, réservé aux travailleurs, parmi lesquels une distinction nette reste de surcroît
opérée entre les salariés, les indépendants et les fonctionnaires.
Qui n’a pas de couverture ? Les étrangers qui sont sur le territoire pour une durée de moins de
3 mois et les étrangers en séjour illégal. Ces derniers ont accès à uniquement l’aide médicale
urgente.

Section 3 – Les conditions d’octroi des prestations


Les conditions d’octroi sont (délibérément) très lâches, et à charge uniquement des titulaires.
Le but du législateur est de faciliter autant que possible l’accès aux soins. On concrétise le droit
à la vie. Les personnes à charge suivent le sort des titulaires. Ce qu’on ne retrouve pas ici c’est
une exigence de stage d’attente (art. 121, §2). C’est d’autant plus le cas que, depuis 1998, il n’y
a, en règle, plus d’exigence de stage d’attente qui est imposée aux titulaires redevables d’une
cotisation personnelle, y compris ceux qui sont admis sur la base de leur seule inscription dans
les registres de la population. Cette condition avait perdu de sens au fur et à mesure que la
couverture santé, à la différence du secteur des indemnités, était universalisée. Deux exigences
subsistent mais ne représentent presque rien.

142
1. Etre affilié à un organisme assureur
Les titulaires doivent être affiliés à une mutualité privée ou être inscrits à la Caisse auxiliaire
d’assurance maladie-invalidité, un organisme assureur (art. 118), la CAAMI, la caisse publique
résiduaire.
En pratique, les mutuelles affiliées à l’Alliance nationale des mutualités chrétiennes, largement
majoritaire en Flandre, ou à l’Union nationale des mutualités socialistes, majoritaire en
Wallonie, couvrent à elles seules 70% de la population, les trois autres unions nationales, en
particulier l’Union des mutualités libres, première à Bruxelles, se partageant le solde. Pour sa
part, la Caisse auxiliaire représente à peine 1% des bénéficiaires.
On ne prévoit pas une affiliation d’office à la CAMI pour les personnes qui n’effectuent pas un
choix. Le choix de l’organisme assureur est totalement libre pour les titulaires. En revanche,
l’affiliation des personnes à charge est déterminée par le choix posé par le titulaire dont elles
dépendent. C’est ainsi que les personnes âgées de moins de 25 ans qui ne sont pas encore
titulaires sont affiliées à la mutualité de leurs parents.
On notera que si la CAAMI est tenue d’inscrire tout bénéficiaire qui lui en fait la demande, les
bénéficiaires qui ne choisissent pas d’organisme assureur n’y sont pas affiliés d’office. De lege
ferenda, on pourrait imaginer qu’ils le soient, afin d’éviter que l’absence de démarche de la part
de l’assuré social ne prive celui-ci d’accès aux interventions de l’assurance soins de santé – de
la même manière que les travailleurs indépendants qui ne choisissent pas de caisse d’assurances
sociales sont affiliés automatiquement à la CNASTI, la caisse publique, ou que les chômeurs
qui ne sont pas syndiqués se voient attribuer comme organisme de paiement la CAPAC. En
l’état actuel des choses, il faut donc bien constater que l’intitulé de la loi relative à l’assurance
« obligatoire » soins de santé et indemnités est quelque peu trompeur.

2. Disposer d’un « document de cotisation »


Article 121, §1 : habilitation du Roi à régler le sort des travailleurs assujettis, des
bénéficiaires d’un revenu de remplacement, des étudiants et des personnes inscrites au
registre national des personnes physiques
Depuis l’informatisation, il y a des flux informatiques qui partent tout seul donc cela ne
représente plus rien. Ceci implique une démarche essentiellement pour les personnes titulaires
en tant qu’elles sont simplement résidentes dans ce pays.
La seconde exigence à satisfaire pour pouvoir bénéficier de remboursements est de disposer
d’un « document de cotisation » établissant la qualité de titulaire – soit ce que l’on appelle
l’assurabilité, dans le jargon du secteur. Cette exigence ne pèse, elle aussi, que sur les titulaires.
Le document de cotisation doit être remis à l’organisme assureur. Il atteste que les cotisations
sociales nécessaires au financement du secteur des soins de santé sont retenues, ou ont été
retenues, sur le revenu professionnel, ou que, à défaut, l’éventuelle cotisation spécifique requise
a bien été perçue par l’organisme assureur.
En pratique, la grande majorité des titulaires ne doit plus accomplir aucune démarche ni
remettre de documents en format papier depuis l’informatisation de la sécurité sociale dans les
années 1990. Les dispositions règlementaires qui règlent la problématique n’en restent pas
moins particulièrement complexes et peu lisibles.

143
Pour les travailleurs salariés, le document de cotisation prouvant la qualité de titulaire est
transmis directement, par voie électronique, à l’organisme assureur par l’ONSS. Ce document
mentionne les rémunérations versées au travailleur au cours de l’année écoulée. Ces
rémunérations doivent atteindre une valeur minimale. Cette dernière est fixée à quatre fois le
montant du revenu minimum mensuel moyen garanti (RMMMG), soit le salaire minimum
interprofessionnel. Si elles n’atteignent pas ce seuil, un complément de cotisation de 7,35%,
soit le taux propre au secteur des soins de santé, doit être payée par le travailleur sur le solde,
de manière à combler la différence avec le minimum requis. Dans les faits, ce cas de figure est
toutefois très marginal, dans la mesure où la rémunération plancher qui est exigée a été fixée à
un niveau équivalent à un tiers temps rémunéré au salaire minimum interprofessionnel, étant
entendu que, en droit du travail, le tiers temps est, sous réserve de dérogations sectorielles, la
durée minimale de travail.
Pour les travailleurs indépendants, les bénéficiaires d’un revenu de remplacement, les
personnes en assurance continuée, les orphelins, …, le document de cotisation prouve, pour
établir la qualité de titulaire, que l’intéressé s’est acquitté des cotisations dues auprès de sa
caisse d’assurance sociale, est au chômage, perçoit une pension, est en congé sans solde, n’a
plus père ni mère mais touche les allocations familiales, etc. Ce document est généralement lui
aussi directement transmis à l’organisme assureur, cette fois par l’institution de sécurité sociale
dont relève l’allocataire.
En définitive, seuls les étudiants de l’enseignement supérieur et les personnes inscrites au
Registre national des personnes physiques doivent concrètement faire parvenir à leur organisme
assureur un document établissant leur qualité de titulaire – une attestation délivrée par
l’établissement d’enseignement fréquenté dans le premier cas, un document d’identité dans le
second – , et s’acquitter de la cotisation personnelle dont ils sont redevables. Encore, on l’a vu,
cette cotisation est-elle généralement assez faible ou dégressive en fonction des revenus du
ménage. Il n’empêche que l’on peut s’interroger sur l’opportunité de son maintien, de même
que sur celui du système du document de cotisation de manière plus générale.

3. Maintien du droit
A partir du moment où le droit a été ouvert, par l’affiliation à un organisme assureur et la
transmission du document de cotisation, ce droit est maintenu jusqu’au 31 décembre de l’année
civile suivante. En cas d’ouverture d’un droit le 17 février 2019, celui-ci sera ainsi maintenu
jusqu’au 31 décembre 2020. Le droit sera ensuite conservé du 1er janvier au 31 décembre de
chaque année civile ultérieure pour autant que, au regard d’une année de référence située deux
ans avant l’année en cours, la qualité de titulaire soit bien maintenue et le document de
cotisation transmis. Dans le cas de figure envisagé, le droit sera ainsi maintenu du 1er janvier
au 31 décembre 2021 dès lors que les deux conditions évoquées auront été satisfaites en rapport
avec l’année 2019, et ainsi de suite. Les mécanismes de maintien du droit mis en place visent
donc à stabiliser autant que possible la couverture dans le temps.
Concrètement, l’assurabilité était auparavant prouvée par une carte d’identité sociale, dite carte
SIS, mise en place dans les années 1990 dans le contexte de l’informatisation de la sécurité
sociale. Depuis 2014, toutes les données nécessaires à cet effet sont reprises dans la carte
d’identité électronique elle-même – ou, pour certaines catégories d’étrangers, dans le document

144
de séjour électronique. Les bénéficiaires qui n’en disposent pas, essentiellement les enfants âgés
de moins de 12 ans, prouvent, quant à eux, leur assurabilité par le biais d’une carte dite ISI+,
remise par l’organisme assureur. C’est donc par le biais des documents d’identité électroniques
ou de la carte ISI+ que l’assurabilité est vérifiée, lorsqu’elle doit l’être, par les prestataires de
soins.

Au total, les exigences à satisfaire pour bénéficier des remboursements des dépenses de santé
se réduisent à fort peu de choses, surtout depuis que l’exigence de stage a été supprimée pour
les non-travailleurs. Pour la grande majorité de la population, ces exigences se réduisent
essentiellement au choix d’une mutualité. Seules certaines catégories très restreintes sont encore
redevables d’une cotisation spécifique. Les personnes à charge, elles, ne doivent rien faire – ni
choisir une mutualité, ni payer de cotisation. C’est une différence frappante par rapport aux
autres branches de la sécurité sociale, au sein desquelles les conditions d’octroi constituent
généralement le point central de la réglementation.

Section 4 – L’intervention dans le coût des prestations de santé


En matière de soins de santé, la principale problématique est celle des prestations couvertes par
l’assurance maladie. Aujourd’hui, c’est essentiellement à ce niveau que s’opèrent les choix les
plus significatifs. Ceux-ci sont largement modelés par l’arbitrage permanent à réaliser entre
garantir l’accès aux soins et maîtriser les dépenses.
Les règles relatives à l’intervention de l’assurance maladie dans le coût des dépenses de santé
peuvent être présentées en trois temps.

1. L’objet de l’intervention (quoi ?)


a) Les catégories de prestations de santé

Article 34 : liste des types de prestations et de fournitures donnant lieu à l’intervention de


l’assurance (soins courants, hospitalisations, …)
La loi relative à l’assurance maladie contient d’abord une longue énumération des différents
types de prestations de santé, tant préventives que curatives, qui donnent lieu à une intervention
de la sécurité sociale.
On y trouve en premier lieu les soins courants, qui recouvrent les visites et les consultations de
médecins, ainsi que les soins prodigués par les infirmiers, kinésithérapeutes et dentistes. Il s’agit
donc des honoraires des principaux prestataires de soins. La liste se poursuit avec les
accouchements, la fourniture de lunettes, appareils auditifs et prothèses orthopédiques, la
fourniture de médicaments, les hospitalisations, la rééducation fonctionnelle, les soins donnés
par les logopèdes, les soins à domicile, la fourniture de sang, les soins palliatifs, etc.
La loi précise que l’assurance soins de santé n’intervient pas dans les prestations accomplies
dans un but esthétique, sauf les exceptions édictées par arrêté royal. Les implants mammaires
et les liftings des lèvres ne sont donc, en règle générale, pas financés par la sécurité sociale.
On a d’abord dans la loi une énumération des grandes catégories de prestations de santé.
L’assurance n’intervient pas dans les prestations accomplies dans un but esthétique.
b) La nomenclature des prestations de santé

145
Article 35 : le Roi établit la nomenclature des prestations de santé

La nomenclature trouve son siège dans l’arrêté royal du 14 septembre 1984 établissant la
nomenclature des prestations de santé en matière d’assurance obligatoire soins de santé et
indemnités. Cet arrêté royal énumère, pour chacune des catégories visées par la loi, toutes les
prestations médicales et paramédicales prises en charge. C’est un catalogue exhaustif. On
détaille tous les gestes médicaux et paramédicaux.

Concrètement, elle consiste en une annexe à un arrêté royal, longue de plusieurs centaines de
pages. Chaque prestation est associée à un numéro à six chiffres, afin de faciliter son
identification. C’est ce code qui figure sur les attestations de soins remises aux patients par les
prestataires.

Ainsi que le prescrit la loi, la nomenclature fixe aussi la valeur relative de chacune des
prestations prises en charge. Pour pouvoir organiser l’intervention de l’assurance maladie dans
le coût des différents actes médicaux et paramédicaux couverts, il faut en effet connaître la
valeur qui leur est attribuée. Cette valeur est déterminée sur la base d’un code qui contient une
lettre, fonction du prestataire de soins ou de la nature de la prestation (N pour les consultations
de médecin, K pour la chirurgie, M pour les kinésithérapeutes, P pour les dentistes, R pour les
logopèdes, V pour les accouchements, W pour les infirmiers, …) et un coefficient, lequel
exprime l’importance relative attribuée à la prestation.

La consultation à son cabinet par un médecin généraliste est ainsi associé au numéro à six
chiffres 101032 et au code N 8 ; l’accouchement effectué par une accoucheuse à domicile durant
le week-end ou un jour férié, au numéro 423651 et au code W 210 ; la séance de bilan d’au
moins 30 minutes avant le début d’un traitement logopédique, au numéro 701013 et au code R
17,5 ; l’administration de médicaments par voie intramusculaire, sous-cutanée ou
hypodermique, au numéro 423076 et au code W 0,484 ; l’excision tangentielle au dermatome
de peau brûlée ou escarrectomie de tissus brûlés avec recouvrement par greffe dermo-
épidermique au cours de la même séance opératoire de 20% et plus de la surface corporelle, au
numéro 221130 et au code K 350.

Lorsqu’il y a lieu, la nomenclature précise également les conditions dans lesquelles une
prestation est remboursée et la qualification requise du prestataire de soins. Ainsi, tel acte
médical est remboursé à la condition que le bénéficiaire ait moins ou plus de tel âge, peut l’être
au maximum une fois par an, ne peut l’être que sur autorisation préalable du médecin-conseil
de l’organisme assureur, … Tel autre acte doit obligatoirement être posé par un médecin
disposant d’un degré de spécialisation déterminé, etc.
En pratique, la nomenclature est constamment modifiée et mise à jour, en fonction de
l’évolution des techniques et des connaissances scientifiques, d’une part, et des marges
budgétaires disponibles, de l’autre. Les propositions de modification émanent généralement des
conseils techniques institués au sein du service des Soins de santé de l’INAMI. Ces conseils
techniques (médical, dentaire, pharmaceutique, de la kinésithérapie, …) sont composés de
représentants des organismes assureurs et des organisations professionnelles concernées. Ils
font des propositions, ou rendent des avis lorsque l’initiative émane du ministre des Affaires

146
sociales. Formellement, toutes les décisions de modification sont toutefois prises par le
gouvernement, puisque la nomenclature trouve son siège dans un arrêté royal.

2. La hauteur de l’intervention (combien ?)


Lorsqu’une prestation de santé est assurée, parce qu’elle figure dans la nomenclature, quelle
part de son coût est prise en charge par la sécurité sociale ? Autrement dit, comment détermine-
t-on le montant de l’intervention de l’assurance maladie lorsqu’intervention il y a ? Pour le
savoir, il faut d’abord présenter le mécanisme par lequel le tarif des prestations est déterminé
(a), puis identifier la proportion de ce tarif qui est remboursée (b).
a) La détermination du tarif conventionnel des prestations de santé
L’assurance a mis en place un mécanisme important pour déterminer le tarif officiel des soins
de santé. Il est important de savoir combien va être la prestation, d’établir une sorte de sécurité
tarifaire avant de savoir quelle est la part de ce coût qui va être remboursé. La réalisation de cet
objectif nécessite que l’on s’assure d’une certaine maîtrise du prix des prestations.
L’accessibilité serait en effet sérieusement compromise si les tarifs appliqués par les
dispensateurs ne connaissaient aucune stabilité ni uniformité. Arrêter que tel acte (para)médical
fait l’objet d’un remboursement à concurrence des trois quarts de son coût total ne donne en
effet guère de garantie pour le patient si, en amont, la sécurité sociale n’a aucune prise sur
l’évolution de ce coût total. Ce ne serait du reste pas non plus tenable pour le budget de
l’assurance maladie. Il importe donc de déterminer un tarif de référence, au regard duquel la
hauteur de l’intervention de la sécurité sociale va être définie. C’est tout l’objet du mécanisme
par lequel sont régulés les honoraires des prestataires de soins : les médecins bien sûr, que nous
prendrons comme exemple privilégié dans les lignes qui suivent, mais aussi les dentistes, les
kinésithérapeutes, les logopèdes, les sages-femmes, …
Ce mécanisme s’inscrit dans le cadre général qui est le nôtre, à savoir celui d’une médecine
libérale. Les professions médicales, ou en tout cas la majorité de leurs représentants, sont très
soucieuses de préserver leur liberté – leurs privilèges, disent les détracteurs de l’organisation
libérale des soins. Même si, en soi, cela pourrait se concevoir, les barèmes ne sont donc, en
règle, pas imposés unilatéralement par l’Etat aux prestataires.
Le système de compromis qui a été mis en place lors de l’adoption de la loi Leburton en 1963,
au terme des événements que l’on sait, s’apparente à une forme de concertation sociale propre
au corps (para)médical. Un peu comme dans le monde du travail les interlocuteurs sociaux
négocient tous les deux ans un accord interprofessionnel balisant l’évolution des salaires au
cours des deux années à venir, les représentants des organisations professionnelles concernées
et ceux des organismes assureurs – qui sont la voix des patients – négocient, pour chaque
catégorie de prestataire, un accord biennal encadrant l’évolution de leurs honoraires. Là où la
nomenclature fixe la valeur relative des prestations, l’accord – ou la convention, selon les
professions et les catégories d’établissement – a pour objet, elle, d’en déterminer la valeur
réelle, c’est-à-dire le coût en argent, par l’application aux valeurs relatives de facteurs de
multiplication. C’est ce coût en argent qui sert de point de référence pour le calcul de
l’intervention de l’assurance maladie.

147
L’honoraire officiel d’un médecin généraliste pour une consultation à son cabinet s’élève ainsi
à 25 euros en vertu du dernier accord médico-mutualiste en date. Ce montant est le résultat de
l’application d’un facteur de multiplication 2,636089 à la valeur relative N 8 – qui, pour rappel,
est celle fixée par la nomenclature.
Il est toutefois possible pour un dispensateur de ne pas respecter l’accord ou la convention,
moyennant une démarche expresse de sa part. C’est le grand compromis de 1963. Les
dispensateurs qui demandent des honoraires plus élevés que ceux fixés dans les accords sont
dits « non conventionnés ». Mais il importe de bien percevoir que l’intervention de l’assurance
maladie est toujours déterminée au regard du tarif conventionnel, quel que soit celui pratiqué
par le prestataire. C’est pourquoi un certain nombre de dispositifs ont été mis en place, ainsi
qu’on va le voir, en vue d’inciter le plus grand nombre possible de prestataires à pratiquer les
tarifs conventionnels.
Les accords ou conventions fixant le prix des prestations de santé sont négociés tous les deux
ans par les parties concernées dans des commissions paritaires instituées au sein du service des
Soins de santé de l’INAMI. Il existe ainsi une commission nationale médico-mutualiste pour
les médecins et une commission nationale dento-mutualiste pour les praticiens de l’art dentaire,
ainsi que des commissions propres aux pharmaciens, aux praticiens de l’art infirmier, aux
logopèdes, aux sages-femmes, aux établissements hospitaliers, aux maisons de repos et de
soins, … Les deux premières concluent des accords, les autres des conventions. La différence
est uniquement terminologique. La représentativité des organisations professionnelles
(para)médicales est déterminée, au sein de chaque secteur, lors d’élections qui ont lieu tous les
quatre ans.
Avant la négociation de l’accord ou de la convention, le conseil général de l’assurance soins de
santé de l’INAMI établit l’enveloppe budgétaire dont disposent chaque profession et catégorie
d’établissement, à partir des demandes qui lui ont été communiquées au préalable par leurs
commissions paritaires respectives, et en tenant compte de la marge globale disponible en vertu
de la norme de croissance. Les accords et les conventions font aussi l’objet d’un contrôle
budgétaire a posteriori par l’INAMI.
L’accord fixant le coût des prestations des médecins pour une durée de deux ans est dénommé
accord médico-mutualiste (akkoord artsen-ziekenfondsen) – « accord médicomut’ », dans le
jargon du secteur médical. Cet accord, dont la négociation donne souvent lieu à une certaine
agitation politique et médiatique, en raison des divergences de vue fréquentes entre les
mutualités et les syndicats de médecins, doit bénéficier d’un soutien suffisant des prestataires –
les médecins, en l’occurrence – pour entrer en vigueur. La loi instaure toutefois un mécanisme
par lequel les médecins sont présumés d’office adhérer à l’accord, et donc s’engager à respecter
les tarifs convenus, sauf s’ils notifient leur refus d’être liés.
Le médecin qui ne souhaite pas être conventionné, afin de pouvoir pratiquer des tarifs dits
libres, doit notifier à l’INAMI, par le biais d’une application en ligne, son refus d’adhésion dans
les trente jours qui suivent la parution de l’accord médicomutualiste au Moniteur belge. Un
médecin peut indiquer qu’il n’adhère pas à l’accord pour une partie seulement de son activité,
c’est-à-dire celle qui a lieu à tel moment ou à tel endroit – à son cabinet privé mais pas à

148
l’hôpital, par exemple. Il sera dit partiellement conventionné. L’accord entre en vigueur 45
jours après sa publication, sauf si plus de 50% des médecins à l’échelle du pays ont notifié leur
refus d’y adhérer.
En l’absence d’accord ou de soutien suffisant à l’accord, ce qui est rare, et si un nouveau
processus de négociation échoue, le gouvernement peut fixer lui-même, par arrêté royal, le tarif
maximum des honoraires. S’il ne le fait pas, comme c’est généralement le cas, ce sont les
montants de l’accord antérieur qui vont continuer à servir de base pour le calcul de
l’intervention de l’assurance, les honoraires devenant par contre libres.
Un médecin conventionné est tenu d’appliquer à l’égard de ses patients les honoraires convenus
dans l’accord. Le non-respect du tarif officiel l’expose à des sanctions financières. S’adresser à
un prestataire conventionné donne donc au patient la garantie de ne pas se voir compter de
suppléments d’honoraires. Les médecins non conventionnés peuvent en revanche alourdir la
facture comme ils l’entendent, de telle sorte que le montant demandé peut s’avérer beaucoup
plus élevé que le tarif officiel. Et il ne faut pas perdre de vue que les suppléments demeurent
intégralement à charge du patient, puisque le remboursement de l’assurance maladie est
toujours calculé sur la base du tarif conventionnel et de celui-ci uniquement.
Les hôpitaux, où sont concentrés la majorité des spécialistes non conventionnés, sont obligés
d’informer expressément leurs patients sur le statut des prestataires qui y tiennent des
consultations. Le non-respect de cette obligation entraîne en principe l’application des tarifs
conventionnels. Force est toutefois de constater qu’en pratique, les hôpitaux sont loin de tous
montrer beaucoup de zèle à se conformer à cette obligation d’information : souvent, son respect
se réduit à l’affichage discret, dans les salles d’attentes, d’une liste reprenant le nom des
médecins du service concerné qui ne sont pas conventionnés. En théorie, les médecins qui
tiennent des consultations dans un cabinet privé, eux aussi, sont tenus de faire clairement
connaître leur statut à leur patientèle, au moyen, « au minimum », d’un « affichage clair et
visible », faute de quoi ils sont présumés avoir adhéré à l’accord, en plus de s’exposer à
l’infliction d’une amende administrative pour non-respect de l’obligation d’information. Dans
les faits, il apparaît toutefois rarissime qu’un dispensateur qui pratique des tarifs libres indique
explicitement dans ses locaux n’être pas conventionné. Sur ce plan, les protections légales
semblent donc demeurer bien peu effectives.
Outre que le conventionnement peut être pour le médecin un moyen de s’assurer une patientèle
plus large, l’adhésion à l’accord est financièrement encouragée par l’octroi d’un certain nombre
d’avantages sociaux, qualifiés de « statut social ». Ce statut social du médecin consiste en
l’intervention de l’INAMI dans les primes versées à une assurance complémentaire en vue de
garantir le paiement d’une rente en cas d’invalidité, de retraite ou de décès – étant entendu que
l’incapacité de travail et les pensions (de retraite et de survie) sont les deux secteurs du statut
social des indépendants dans lesquels les différences les plus significatives persistent par
rapport au régime général. Le montant de la participation financière de l’INAMI varie selon
que l’adhésion à l’accord médico-mutualiste est complète ou seulement partielle.
En moyenne nationale, un peu plus de quatre médecins sur cinq sont conventionnés. Ce ratio
global est relativement stable dans le temps. Mais il masque des disparités importantes entre

149
orientations, ainsi que le révèlent les chiffres régulièrement publiés par l’INAMI. C’est que si
le taux des médecins généralistes qui sont conventionnés est supérieur à cette moyenne, surtout
en Flandre, celui d’un certain nombre de spécialistes lui est, à l’inverse, nettement inférieur. Le
déconventionnement est ainsi particulièrement marqué chez les gynécologues, les
ophtalmologues, les chirurgiens plastiques et les dermatologues, chez lesquels il approche ou
dépasse le seuil des 50%. Le déconventionnement est aussi distribué de manière très inégale
entre les établissements hospitaliers, dans la mesure où s’il est minoritaire dans certains
hôpitaux publics ou universitaires, il est répandu voire presque systématique au sein de certains
grands groupes privés.
Pour les mutualités, il s’agit là d’un sujet de préoccupation récurrent, dans la mesure où le
phénomène du déconventionnement, lorsqu’il prend des proportions significatives, altère la
sécurité tarifaire et met à mal l’accessibilité des soins de santé, y compris celle de soins aussi
élémentaires que les soins gynécologiques. Par son comportement individuel en termes
d’habitudes de consommation (para)médicale, chaque patient peut toutefois exercer une
certaine influence sur cette évolution, en choisissant délibérément de privilégier des prestataires
conventionnés.
En bref (notes de cours) :
La préoccupation de l’accessibilité des soins (sécurité tarifaire) entre en tension avec le système
de la médecine libérale. Les médecins, les prestataires de soins tiennent fort à leurs prérogatives,
notamment de facturer librement leurs consultations. Le compromis qui a été mis en place en
1963 est le suivant : pour concilier la sécurité tarifaire et d’autre part le caractère libéral de notre
système, on a mis en place un système de négociation du coût, un système de système de co-
détermination, au sein d’une commission paritaire entre les organisations professionnelles
représentatives du corps médical et les organismes assureurs, de la valeur réelle des prestations
servant de base au calcul de l’intervention de l’assurance soins de santé. Pour chacune des
grandes professions (para)médicales on a mis en place une commission paritaire qui de deux
ans en deux ans négocient pour établir le montant réel des prestations de santé.
Exemple des médecins (art. 50)
On sait que la visite d’un médecin généraliste dans son cabinet vaut N6. De 2 ans en 2 ans, on
négocie au sein de la commission nationale médico-mutualiste un accord médico-mutualiste
qui va dire « Pour les deux ans à venir, le coefficient qui permet de convertir la valeur relative
en valeur réelle va s’élever à… ».
Le compromis de la loi de 1963 a consisté à prévoir que les médecins sont libres mais la sécurité
tarifaire est une sécurité importante et donc les prestataires de soins sont présumés adhérer à
l’accord. L’accord sera publié au moniteur belge et les médecins qui ne font rien sont présumés
adhérer à l’accord. Si un médecin veut ne pas être lié, il doit faire une démarche expresse. S’il
ne veut pas être couvert, il doit faire une déclaration à l’INAMI. Un médecin non-conventionné
pratique des tarifs libres. Plus on a une part élevée de prestataires conventionnés, plus on sait à
quoi s’attendre.

150
Le dé-conventionnement interpelle beaucoup les mutuelles. Chez certaines catégories de
spécialistes le dé-conventionnement est très marqué.
b) L’intervention de l’assurance soins de santé dans le coût des prestations
En règle générale, les dépenses de santé ne sont pas intégralement prises en charge par la
collectivité. Autrement dit, l’intervention de la sécurité sociale dans le coût conventionnel des
prestations est, dans la plupart des cas, seulement partielle. Il en va ainsi depuis la fondation du
système, dans le but initialement de « responsabiliser » le patient et d’éviter ainsi l’incitation à
la surconsommation médicale.
La part du coût des soins de santé qui reste à charge du patient est dénommée par la
réglementation quote-part ou intervention personnelle. C’est ce que l’on appelle, dans le
langage courant, le « ticket modérateur ». Les suppléments d’honoraires, quant à eux, ne sont
jamais pris en charge par la sécurité sociale.
1) Le régime général
Un remboursement partiel est toujours calculé sur le tarif conventionnel des prestations. Une
quote-part personnelle est laissée à charge du patient (= ticket modérateur), à laquelle s’ajoutent
les éventuels suppléments d’honoraires. Les suppléments sont pour le bénéficiaire des soins.
La règle de base c’est que l’intervention est toujours partielle dans le but d’éviter la
surconsommation médicale. C’est pour responsabiliser le patient, pour qu’il prenne à sa charge
une partie des soins pour qu’il mesure que les soins ont un certain coût. Le reste, ce qui n’est
pas remboursé, c’est le ticket modérateur.
La hauteur de l’intervention de l’assurance soins de santé est exprimée en pourcentage du tarif
des prestations médicales et paramédicales tel que celui-ci est arrêté dans les accords et les
conventions bisannuels en vigueur. La réglementation précise, pour chaque catégorie de
prestations faisant l’objet d’une intervention, le pourcentage qui est pris en charge.
A titre d’exemple, l’assurance soins de santé rembourse en règle générale 75% des honoraires
dus pour la consultation d’un médecin généraliste, étant entendu, encore une fois, que
l’honoraire servant de base de calcul est celui fixé dans l’accord médicomutualiste. Le
pourcentage ne fait l’objet d’aucune adaptation selon que le dispensateur est conventionné ou
non. Les suppléments facturés par les prestataires qui pratiquent des tarifs libres sont donc
toujours entièrement à la charge du patient – à moins que celui-ci ne dispose d’une assurance
complémentaire privée couvrant, en général dans certaines limites, tout ou partie des tickets
modérateurs. Dans le régime général, une consultation par un médecin généraliste à son cabinet
est ainsi remboursée à concurrence d’une vingtaine d’euros.
2) Premier correctif : l’intervention majorée
Le relèvement des quotes-parts personnelles peut avoir pour effet de mettre en difficulté les
personnes en mauvaise santé, tout particulièrement lorsque leurs revenus sont modestes. Le
principal correctif à avoir été mis en place – dont le principe remonte à la loi Leburton – est
l’intervention majorée. Toute une série de catégories de personnes bénéficient de taux de

151
remboursement plus favorables que les taux d’intervention ordinaires, et donc de tickets
modérateurs réduits, en raison de ce qu’ils disposent de revenus modestes.
Un bénéficiaire d’intervention majorée dans le jargon c’est un BIM. Ce statut est accordé, par
l’organisme assureur, soit en raison de la situation sociale de l’intéressé, soit en raison de son
niveau de revenus. Dans la première hypothèse, le statut est accordé par la mutuelle de manière
automatique ; dans la seconde, il l’est après vérification des revenus. La liste des personnes
éligibles au statut BIM a été substantiellement allongée au fil du temps. Chez les BIM, le taux
de l’intervention, le pourcentage de l’intervention est réhaussé. Une fois reconnu à un
bénéficiaire, qu’il soit titulaire ou personne à charge, le statut BIM est étendu à tous les
membres de son ménage, au sens qui a été indiqué plus haut dans la présentation des
bénéficiaires de l’assurance soins de santé.
Qui sont les BIM ? Ce sont tous les bénéficiaires d’une prestation d’aide sociale (BIM
avantage), les veuves, veufs, invalides, pensionnés, les orphelins (VIPO). Cela a été élargie aux
personnes qui sont au chômage depuis plus d’un an et tous les ménages quelle que soit leur
situation dont le revenu est inférieur à un certain plafond (BIM revenus).
- BIM avantage
Se voient automatiquement reconnaître le bénéfice de l’intervention majorée, sans aucune
démarche de leur part, principalement les bénéficiaires d’une prestation d’aide sociale, soit les
bénéficiaires du revenu d’intégration ou de l’aide financière équivalente, de la garantie de
revenus aux personnes âgées (GRAPA) ou des allocations aux personnes handicapées. C’est
aussi le cas des enfants qui ont la qualité de titulaire en tant qu’orphelin. On parle parfois du «
BIM avantage ».
Pour eux, la reconnaissance peut être automatique puisque, par hypothèse, l’octroi de la
prestation d’aide sociale qui les rend éligible a, lui, déjà été subordonné à la réalisation d’une
enquête sur les ressources. Les organismes assureurs savent qui, parmi leurs affiliés, est
bénéficiaire d’une prestation d’aide sociale grâce aux informations partagées entre institutions
de sécurité sociale sur le réseau de la Banque-carrefour de la sécurité sociale.
- BIM revenus
Peuvent solliciter l’octroi du statut BIM certaines catégories de bénéficiaires dont les revenus
imposables sont modestes, c’est-à-dire inférieurs à un plafond annuel. Il s’agit du « BIM
revenus ». Cette reconnaissance implique l’introduction d’une demande auprès de son
organisme assureur, lequel va procéder à un examen des revenus.
Le statut est ouvert aux veufs et veuves d’une personne qui était titulaire au moment de son
décès, aux travailleurs en incapacité de travail entrés dans la période d’invalidité – c’est-à-dire
après un an d’incapacité – et aux bénéficiaires d’une pension de retraite ou de survie, à condition
donc que leurs revenus soient qualifiés de modestes. Ce sont les anciens « VIPO », pour veuves,
invalides, pensionnés ou orphelins – ces derniers bénéficiant désormais du BIM avantage –,
ancêtre du statut de bénéficiaire de l’intervention majorée. Depuis, y ont été ajoutés les
travailleurs au chômage depuis plus d’un an et les familles monoparentales, c’est-à-dire les
familles composées uniquement d’un titulaire et d’enfants inscrits à la charge de celui-ci,

152
toujours sous condition de ressources. Enfin, l’intervention majorée peut encore être accordée,
depuis 2007, aux ménages qui disposent de faibles revenus sans être dans l’une des situations
sociales ou familiales précédemment énumérées. On peut penser notamment aux personnes
admises comme titulaires sur la base de leur inscription au Registre national des personnes
physiques, mais aussi, plus généralement, à tous les travailleurs à bas revenus.
Lors de sa mise en place, cette dernière sous-catégorie – baptisée à l’époque OMNIO – était
destinée à être progressivement substituée aux autres, de manière à ouvrir le droit à
l’intervention majorée sur la seule base du niveau de revenus du ménage, sans plus de référence
à la situation sociale personnelle. L’objectif était, à la fois, d’élargir le droit au tarif préférentiel
aux personnes en situation de précarité économique n’entrant pas dans l’une des catégories
sociales préexistantes, tels les travailleurs à bas salaires, et de supprimer le « piège à l’emploi
» résultant de ce que la reprise d’un travail, même faiblement rémunéré, entraînait la perte
immédiate de l’avantage s’il avait pour conséquence que l’intéressé perdait la qualité
d’allocataire social. Le pas n’a finalement pas été franchi, de sorte que coexistent aujourd’hui
toutes les sous-catégories passées en revue. La seule différence entre elles a trait à la période
de référence prise en compte pour la comptabilisation des revenus du ménage : il s’agit de
l’année civile antérieure pour les anciens OMNIO, contre le seul mois précédant
immédiatement celui de l’introduction de la demande pour tous les autres, dans la mesure où,
étant pour la plupart allocataires sociaux, leurs revenus sont généralement stables.
Pour l’ensemble du ménage, le plafond maximum est fixé, en base annuelle, à
approximativement 19 500 euros de revenus avant impôt – soit un niveau légèrement supérieur
au salaire minimum interprofessionnel –, majorés d’à peu près 3 600 euros par personne à
charge. Les revenus doivent être prouvés par des pièces justificatives telles que l’avertissement-
extrait de rôle, accompagnées par une déclaration sur l’honneur. Une fois accordé, le droit à
l’intervention majorée est renouvelé d’année en année par les organismes assureurs après
analyse des informations fiscales transmises par le SPF Finances.
A titre illustratif, l’assurance soins de santé rembourse aux bénéficiaires de l’intervention
majorée, peu importe qu’ils soient BIM « avantage » ou BIM « revenus », non pas seulement
75 mais 90% des honoraires conventionnels dus pour la consultation d’un médecin généraliste.
Le ticket modérateur est donc fortement réduit.
Pour un bénéficiaire de l’intervention majorée, la consultation par un médecin généraliste à son
cabinet fait l’objet d’une intervention de l’assurance soins de santé qui s’élève à 24 euros. Cela
signifie que, pour ce bénéficiaire, la quote-part personnelle ne s’élève qu’à deux euros.
Il est notoire que, dans les faits, de nombreuses personnes éligibles au statut BIM « revenus »
n’en bénéficient pas, souvent par ignorance, mais aussi par réticence à dévoiler sa situation
personnelle et à entreprendre des démarches administratives à l’issue perçue comme incertaine,
compte tenu de la complexité du dispositif. Or, l’extension du statut devrait permettre de réduire
l’ampleur du report de soins pour cause de difficultés financières, qui est un sujet de
préoccupation. C’est la raison pour laquelle les mutualités réclament depuis longtemps que le
tarif préférentiel soit accordé de manière mécanique à tous ceux qui sont réglementairement en
droit d’en bénéficier, et pas uniquement aux bénéficiaires d’une allocation d’aide sociale. Ce

153
serait techniquement envisageable, puisque le SPF Finances a connaissance du revenu
imposable de tous les contribuables et que cette information pourrait être partagée par le biais
de la Banque-carrefour de la sécurité sociale. Cette demande étant toutefois restée sans suite à
ce jour, les mutualités doivent se contenter d’informer de manière proactive leurs affiliés, afin
de tenter de réduire l’ampleur de ce que l’on appelle en politique sociale le non take-up, c’est-
à-dire le non-recours aux droits sociaux.
Enfin, il faut noter qu’être bénéficiaire de l’intervention majorée donne droit à divers avantages
connexes octroyés par d’autres organismes, en particulier les CPAS, notamment en matière
d’énergie, mais aussi les sociétés de transport en commun et certaines communes.
La part de la population bénéficiaire du statut BIM est un indicateur souvent utilisé dans les
enquêtes sur l’évolution et la répartition géographique de la pauvreté. On sait ainsi que les
bénéficiaires de l’intervention majorée représentent à peu près 17% de l’ensemble de la
population belge, mais qu’ils constituent près de 30% de la population à Bruxelles – avec des
pics à plus de 50% dans les quartiers dits du croissant pauvre, situés en bordure du canal.
Plus il y a des complications administratives, plus il y a des démarches à faire, plus des
personnes ne bénéficient pas de ce à quoi elles ont droit.
3) Deuxième correctif : le maximum à facturer
En complément à l’intervention majorée, un second correctif a été développé pour adoucir la
facture des soins de santé, plus tardivement mais à destination cette fois de toute la population
: le maximum à facturer – « MàF », dans le jargon des acteurs du système de santé.

Là où l’intervention majorée rehausse la part du coût des prestations de santé qui est prise en
charge par l’assurance maladie, le mécanisme du maximum à facturer, lui, plafonne le montant
annuel total des quotes-parts personnelles susceptibles d’être laissées à la charge du patient.
Passé certains seuils, qui varient en fonction du niveau des revenus imposables du ménage,
l’assurance maladie prend intégralement en charge le coût conventionnel des dépenses de santé
de ce ménage qui viendraient encore s’ajouter. Tout ménage, pas seulement à revenus modestes,
pris dans son ensemble a ainsi la garantie de ne pas devoir dépenser plus qu’un montant
maximum par an, hors éventuels suppléments d’honoraires et médicaments non remboursés,
pour ses soins de santé.
Le maximum à facturer est l’héritier du système de « franchises sociales » développé dans les
années 1990, en même temps qu’ont été opérés les relèvements les plus significatifs des tickets
modérateurs.
Différentes tranches de revenus sont distinguées. Le revenu pris en compte est celui constaté
dans l’avertissement-extrait de rôle. Le plafond annuel des interventions personnelles à charge
d’un ménage au-delà duquel le remboursement des dépenses s’élève à 100% (du tarif officiel)
augmente au fur et à mesure que l’on grimpe dans les tranches. Ce plafond est ainsi fixé aux
alentours de 475 euros par an pour les bénéficiaires de l’intervention majorée – on parle du «
MàF social » – et pour les ménages dont le revenu imposable ne dépasse pas le seuil ouvrant le
droit au statut BIM. A l’autre bout de l’échelle, le plafond culmine à un peu moins de 1 900
euros pour les ménages plus aisés, définis comme ceux dont le revenu imposable annuel dépasse

154
la barre des 50 000 euros. Par ailleurs, le plafond applicable en vertu du niveau de revenus est
réduit de manière forfaitaire pour les malades chroniques.
A la différence du statut BIM, le maximum à facturer est toujours appliqué automatiquement
par les organismes assureurs, sur la base des informations communiquées par le SPF Finances
à l’INAMI pour ce qui concerne les revenus imposables. Dès que le plafond applicable est
atteint, la prise en charge des dépenses de santé de l’ensemble du ménage devient totale, dans
les limites bien sûr des tarifs conventionnels, de sorte que plus aucun ticket modérateur n’est
dû jusqu’à la fin de l’année civile en cours.

L’élargissement des bénéficiaires éligibles à l’intervention majorée et la mise en place conjointe


du maximum à facturer, dans les années 1990 et 2000, ont permis de contenir les effets les plus
problématiques sur l’accessibilité des soins induits par les augmentations répétées du ticket
modérateur. L’importante sous-utilisation du statut BIM continue toutefois d’interpeller : sur
ce plan, la marge de progression demeure importante, en dépit des démarches proactives déjà
accomplies par les mutuelles auprès de leurs affiliés. Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue
que, plus en amont, l’édifice est quelque peu fragilisé par le phénomène du
déconventionnement, qui permet l’application par les prestataires de tarifs libres échappant à
toute régulation, sur le plan du prix comme du remboursement, sans qu’en pratique le patient
en soit toujours correctement informé.
Ces difficultés sont attestées par le fait que, malgré les efforts indéniables accomplis pour
préserver autant que possible l’accessibilité des soins tout en maîtrisant les dépenses de la
sécurité sociale, approximativement 10% de la population indique, lors des enquêtes de santé
qui ont lieu à intervalles réguliers, avoir dû reporter des soins ou l’achat de médicaments au
cours des douze derniers mois pour des raisons financières.

3. Les modalités de l’intervention (quand et comment ?)


a) Un remboursement a posteriori et à l’acte
– A posteriori : on va chez le médecin, on paie même si la sécurité sociale intervient à
concurrence d’un certain montant. On paie l’entièreté de l’action et puis on se fait rembourser.
En règle générale, l’assurance soins de santé intervient a posteriori, c’est-à-dire sous la forme
d’un remboursement (terugbetaling) au patient de la part de ses dépenses (para)médicales qui
sont à charge de la sécurité sociale. Il appartient donc normalement au patient de payer d’abord
lui-même au dispensateur l’intégralité du coût de la prestation, après quoi il peut obtenir de son
organisme assureur le remboursement, sur son compte ou en liquide, de la partie du tarif
conventionnel indemnisée par l’assurance maladie. Le ticket modérateur reste à sa charge, de
même bien entendu que les éventuels suppléments d’honoraires.
Tous les dispensateurs de soins, plus exactement tous ceux dont les prestations donnent lieu à
une intervention, ont l’obligation de remettre au patient un document intitulé « attestation de
soins ». C’est ce document qui permet d’obtenir de la mutuelle le remboursement dû.
L’attestation indique l’identité et les coordonnées du dispensateur, le numéro de nomenclature
des prestations effectuées et le montant payé par le patient. La mention sur l’attestation d’un
montant inférieur à celui réellement demandé par le prestataire peut être l’indice de ce que celui-

155
ci, alors qu’il est conventionné, réclame des suppléments d’honoraires, ce qui est évidemment
illégal.
La digitalisation progressive des attestations de soins à partir de 2018 va permettre au patient
de ne plus devoir transmettre de documents en format papier à son organisme assureur pour être
remboursé : l’attestation sera directement transmise à la mutuelle par voie électronique et le
remboursement effectué sur cette base.
– A l’acte : Pour chacune des prestations, une facture est demandée.
b) Exception au principe du remboursement a posteriori : le système du tiers payant
Facturation de la part remboursée par l’assurance soins de santé directement à l’organisme
assureur, e.a. pour les hospitalisations et pour les BIM qui se rendent chez le médecin
généraliste (art. 53, §1er et arrêté royal du 18 septembre 2015 portant exécution de l’article 53,
§1er, alinéa 9 de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnité, relatif au
régime du tiers payant)
Si le système du remboursement permet au patient de prendre conscience du coût réel des
prestations de santé, ce qui est l’une de ses raisons d’être, son inconvénient majeur est
d’imposer à ce même patient d’avancer des fonds, parfois significatifs, dont la majeure partie
n’est pas à sa charge. Ce peut être un obstacle important pour l’accès aux soins, en particulier
lorsque le patient a des revenus faibles ou que le coût de la prestation est élevé. On a le système
de base qui obéit à une logique de soins de santé libérale mais il y a un correctif car pour certains
ce n’est pas évident d’avancer l’argent. Le correctif est un système où la mutuelle intervient
directement tandis que le prestataire de soins doit juste payer le ticket modérateur.
Lorsque le tiers payant est d’application, la part du coût de la prestation qui incombe à
l’organisme assureur est directement prise en charge par celui-ci : la mutuelle intervient comme
« tiers payant », tandis que le bénéficiaire, lui, doit régler au dispensateur de soins uniquement
le ticket modérateur. Le système du tiers payant permet ainsi au patient de ne débourser que le
montant qui est réellement à sa charge. Le tiers payant lui évite de devoir avancer l’entièreté de
la somme due pour la prestation puis de devoir entreprendre une démarche en vue d’être
partiellement remboursé.
Il importe de bien percevoir que le système du tiers payant demeure l’exception au principe : il
n’est appliqué que dans les cas de figure imposés ou permis par la réglementation. Toujours en
raison de la préoccupation de concilier les mesures de limitation des dépenses avec le maintien
de l’accessibilité des soins, les hypothèses visées ont toutefois été étendues ces dernières
années. Lorsque le tiers payant est obligatoire, il doit être appliqué par le prestataire même
lorsque celui-ci n’est pas conventionné : son statut est indifférent à cet égard.
Le tiers payant a été systématisé en premier lieu pour les hospitalisations, en raison du caractère
assez coûteux des prestations qui y sont dispensées, auxquelles vient de surcroît s’ajouter le
prix de la journée en établissement hospitalier. Dans ce cas de figure, l’établissement est obligé
d’appliquer le tiers payant et donc de facturer directement à l’organisme assureur du patient la
part des prestations qui sont indemnisées par la sécurité sociale. Un bénéficiaire hospitalisé ne
doit donc s’acquitter que de sa quote-part personnelle.

156
Après bien des péripéties, et malgré la forte opposition des syndicats de médecins, le tiers
payant est aussi obligatoire depuis 2015 pour les bénéficiaires de l’intervention majorée qui se
rendent chez le médecin généraliste – sauf dans le cas des visites à domicile, pour lesquelles le
tiers payant reste facultatif. C’est ce qu’on appelle le tiers payant social. En plus de voir leur
intervention personnelle réduite, les BIM ne doivent donc, chez le généraliste, avancer que
ladite intervention et plus l’entièreté du coût de la prestation. C’est une évolution qui était
demandée depuis longtemps par les mutualités, mais à laquelle les représentants des médecins
se sont fortement opposés, principalement parce qu’ils craignent, outre une surcharge
administrative, une dévalorisation de leur travail.
Là où l’application du tiers payant était interdite de manière générale dans tous les autres cas
de figure, sauf exceptions, le principe est inverse depuis 2015 : il peut à présent toujours être
appliqué, sauf dans les situations où la réglementation l’interdit. Encore ces interdictions
dérogatoires au principe font-elles elles-mêmes l’objet d’exceptions. Il en résulte que, en règle
générale, les dispensateurs sont aujourd’hui libres d’appliquer le tiers payant pour toutes les
prestations de santé, sans plus devoir satisfaire à des formalités préalables, telles l’accord de la
mutuelle, comme c’était le cas auparavant. En pratique, le tiers payant est surtout appliqué dans
des structures telles que les maisons médicales, les centres de santé mentale, les plannings
familiaux et les centres d’accueil pour toxicomanes, ainsi que, quelle que soit la structure, à
l’égard des catégories de patient les plus vulnérables : BIM, malades chroniques, patients en
soins palliatifs, etc. Dans les faits, tous les pharmaciens pratiquent le tiers payant, de sorte que
les médicaments qui font l’objet d’une intervention de l’assurance maladie sont en réalité
vendus au prix du ticket modérateur et non sur la base de leur coût réel.

Lorsqu’un dispensateur applique le tiers payant, que ce dernier soit obligatoire ou facultatif, il
communique alors l’attestation de soins directement à l’organisme assureur du patient, puisque
ce dernier ne doit pas solliciter de remboursement.
Aujourd’hui, le tiers payant est obligatoire pour les hospitalisations et depuis peu, pour les BIM
qui se rendent chez le médecin généraliste. Dans d’autres situations, le tiers payant est facultatif.
Il est pratiqué selon la philosophie de la structure. En règle générale les médecins non
conventionnés ne sont pas friands de tiers payant alors qu’on utilise ce système dans les
plannings familiaux, les centres pour toxicomanes, etc.
c) Exception au principe du remboursement à l’acte : les enveloppes forfaitaires (pour
mémoire)
L’exemple des maisons médicales au forfait (art. 52)

Partie IV – L’aide sociale


Chapitre I – Aperçu des différentes prestations non
contributives
Traits communs : non-contributivité et résiduarité

157
On n’est plus dans tout ce dont on a parlé lors de tous les cours précédents. On n’est plus dans
la sécurité sociale au sens strict, on est de l’autre côté de la summa divisio qui structure notre
système.
Les prestations assistancielles ne sont pas contributives. L’aide sociale est toujours
strictement subsidiaire, on recherche si la personne n’a pas de droits à d’autres prestations de
la sécurité sociale au sens strict et d’autre part, on regarde ses ressources propres. On regarde
ce qu’on a dans notre portefeuille et dans notre compte en banque. Si la personne a des
ressources propres et si les personnes avec lesquelles on vit ont des ressources suffisantes, on
sera dirigé vers cela.
Dans un premier temps, on va balayer sommairement les différentes branches de l’aide sociale
pour savoir ce qui existe en Belgique. Ensuite, on va zoomer sur le droit à l’intégration sociale,
qui concerne le plus de monde.

1. La garantie de revenus aux personnes âgées (GRAPA)


La prestation la plus ancienne est la GRAPA, la garantie de revenus aux personnes âgées. C’est
une forme de minimex, de revenu d’intégration pour les seniors de notre pays. C’est une sorte
de revenu minimum garanti pour les personnes âgées de plus de 65 ans qui sont sans
ressources. L’idée du législateur c’est qu’une personne âgée, une personne ayant atteint l’âge
légal du départ à la retraite puisse ne pas toucher une pension de retraite ou une pension de
retraite insuffisante et on ne peut pas les laisser sans rien. Ces personnes-là ne peuvent pas être
laissées sans rien. D’où la création de la GRAPA.
Attention, cette GRAPA peut être octroyée de façon pleine et entière parce que les personnes
n’ont rien mais elle peut aussi être octroyée en complément d’une pension contributive si le
montant de celle-ci est inférieur à la GRAPA. Il se peut que la pension de retraite soit d’un
montant faible. Alors, le service fédéral des pensions va verser la pension et la GRAPA.
Le siège de la matière est la loi du 22 mars 2001 instituant la garantie de revenus aux personnes
âgées et l’administration compétente est le Service fédéral des pensions.

2. Les allocations aux personnes handicapées


La même année en 1969, on a créé les allocations aux personnes handicapées. Ce sont aussi des
prestations assistancielles, sur condition de ressources. Il faut souffrir d’un handicap d’un
certain niveau, d’une certaine gravité, pour bénéficier des prestations et par ailleurs, ne pas
avoir de ressources suffisantes. Une personne en situation de handicap qui aura des revenus
d’un certain niveau ne bénéficiera pas de cette allocation. On fait du ciblage, on se concentre
sur le bas de l’échelle des revenus.
Deux grandes prestations distinctes :
• L’allocation de remplacement de revenus (ARR) que notre sécurité sociale
prévoit pour les personnes qui ne sont pas en mesure de gagner leur vie par le
travail. Pour les personnes dont la capacité de gain est réduite à moins d’1/3 de
celle d’une personne valide. C’est une forme de minimex d’un montant plancher
qui permet d’assurer la survie. C’est un minimum socio-vital.

158
• L’allocation d’intégration – AI (ou l’allocation pour l’aide aux personnes âgées,
si le handicap survient au-delà de 65 ans) est cumulable avec l’ARR vise un
autre aspect du handicap. Elle vise la perte d’autonomie, la dépendance, le fait
qu’en raison d’un handicap, la personne n’est pas en mesure de se déplacer seul,
de se nourrir, d’entretenir le ménage, de communiquer, etc. Sur base d’un
système de points on aura une AI plus ou moins importante. Plus la perte
d’autonomie est importante plus on a des points.
Le siège de la matière est la loi du 27 février 1987 relative aux allocations aux personnes
handicapées et l’administration compétente est la DG Personnes handicapées du SPF Sécurité
sociale, sauf pour l’allocation pour l’aide aux personnes âgées.
Il y avait en réalité trois allocations pour personnes handicapées. Pour les personnes qui sont
confrontés à un handicap au-delà de l’âge de 65 ans, ils perçoivent l’allocation pour l’aide aux
personnes âgées qui vient d’être communautarisée dans le cadre de la sixième réforme de l’état
comme toute la branche famille.

3. Les prestations familiales garanties


Tout cela a été transféré aux communautés ou régions. On ne s’y attarde pas.

4. Le droit à l’intégration sociale (ex-minimex)


- 1969 : GRAPA et allocations aux personnes handicapées
- 1971 : les prestations familiales garanties
- 1974 : le minimex
On est dans l’idée d’achever l’édifice, de boucler la boucle. Pour les personnes en difficultés
tout en étant pas une personne âgée, une personne handicapée ou n’ayant pas d’enfants à charge,
on prévoit un filet général appelé le minimex.

5. Le droit à l’aide sociale (ou aide sociale au sens strict)


Le siège de la matière est l’article 1er de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics
d’action sociale qui dit que chacun a le droit à l’aide sociale. L’aide sociale a pour but de
permettre à chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine. Sur cette base-là, les CPAS
ont développé des tas de prestations complémentaires au minimex, au droit à l’intégration
sociale. Ces prestations sont beaucoup plus individualisées, qui sont octroyées au cas par cas.
Ce peut être un complément financier, une intervention dans le loyer, la distribution de repas,
une guidance psychologique, une guidance pour gérer ses dépenses, … Ce droit est un peu
singulier là où partout ailleurs les prestations de sécurité sociale consistent en un revenu, du
cash, ici le droit à l’aide sociale octroyée sur pied de l’article 1er de la loi CPAS est beaucoup
plus ouvert quant à son but.
L’administration compétente sont les centres publics d’action sociale.

Chapitre II – Le droit à l’intégration sociale


Section 1 – Vue d’ensemble
C’est la prestation sociale la plus emblématique, la plus connue, celle que l’on appelle le dernier
filet de sécurité d’existence, ce après quoi il n’y a plus rien.

159
Le siège de la matière est la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale et
arrêté royal du 11 juillet 2002 portant règlement général en matière de droit à l’intégration
sociale.
Le caractère très décentralisé de la mise en œuvre de ce droit est particulier. La mise en œuvre
concrète de ce droit est très décentralisée. L’administration compétente sont les centres publics
d’action sociale (CPAS) des communes (art. 2, al. 2). La mise en œuvre de ce droit est mise
entre les mains des 589 CPAS de notre pays. Ce qui est très frappant depuis toujours, c’est le
caractère très variable, très disparate des politiques locales de l’aide sociale. A chaque fois en
sécurité sociale, on a une administration centralisée qui gère la matière et applique une
règlementation détaillée. Ici on a une législation très ouverte qui laisse beaucoup plus de marge
à l’administration. Cette administration représente 589 CPAS. Chacun des 589 CPAS ont
chacun leur politique d’aide sociale.
D’une part, la réglementation laisse beaucoup plus de marge de manœuvre. D’autre part,
l’organe décisionnel du CPAS est le conseil de l’action sociale. Ce conseil est composé de
mandataires politiques qui sont élus au second degré. Lors des élections communales on élit
des conseillers communaux et ces conseillers communaux choisissent ensuite les membres du
conseil de l’action sociale dont le nombre est plus ou moins important selon la taille de la
commune. C’est très particulier, très atypique et cela explique que d’une commune à l’autre on
a des variations très notoires de la politique sociale. Il y a des communes qui donnent certains
accents à leur mise en œuvre et d’autres donnent des accents tout autre. Cela peut relever du
contexte socio-économique de la commune et d’une volonté politique d’orienter la législation
dans un sens ou dans un autre.
Notre droit à l’intégration sociale qui s’est substituée au minimex en 2002 porte la marque du
paradigme de l’Etat social actif. La prestation est marquée du sceau de l’Etat social actif, càd
cette idée qu’il faut passer d’une sécurité sociale qui crée l’assistanat aller vers une sécurité
sociale plus active qui tente de faire en sorte que les personnes ne soient pas simplement
indemnisées mais parviennent à réintégrer le marché de l’emploi, la vie économique. C’est au
nom de ce motif-là qu’en 2002 on a changé le cadre légal et que nos centres publics d’aide
sociale sont devenus des centres publics d’action sociale.
Dernier élément d’actualité qui semble important. Nos CPAS opèrent dans un contexte marqué
par des transferts très importants depuis l’assurance chômage. Au niveau du chômage,
l’évolution générale tend, sur beaucoup de paramètres, vers un durcissement des conditions par
le biais notamment de l’activation du chômeur. Ce type de politique a suscité beaucoup de
transferts vers le CPAS. Certaines personnes réintègrent le marché de l’emploi, beaucoup de
personnes disparaissent et une part significative va frapper la porte du CPAS pour demander le
revenu d’intégration. Depuis 10 ans le nombre de bénéficiaires à l’intégration sociale a
fortement augmenté. En chômage, le nombre de bénéficiaires rétrécit et donc il y a des
basculements.

160
Section 2 – Le champ d’application personnel
1. La résidence
Article 3, 1° : pour pouvoir bénéficier du droit à l’intégration sociale, la personne doit avoir
sa résidence effective en Belgique
Est considéré comme ayant sa résidence effective en Belgique celui qui séjourne
habituellement et en permanence sur le territoire du royaume, même s’il ne dispose pas d’un
logement ou s’il n’est pas inscrit dans les registres de la population (AR, art. 2).
Ici, rien ne concerne de près ou de loin l’assujettissement, le fait d’avoir travaillé ou non. On a
un champ d’application qui repose sur l’idée qu’il y a entre les demandeurs au CPAS et la
Belgique un certain lien de rattachement pour bénéficier de la solidarité nationale. Comme
dans toutes les branches de l’aide sociale, on exige en général trois choses : une condition de
résidence, d’âge et de nationalité. Chacune de ces conditions est modulée selon la prestation.
L’idée c’est que la solidarité nationale va intervenir au bénéfice des personnes qui se trouvent
en Belgique, qui ont leur résidence effective en Belgique.
Qu’est-ce que cela veut dire ? L’arrêté d’exécution définit à dessein la résidence effective de
manière très extensive, ouverte. A sa résidence effective en Belgique celui ou celle qui séjourne
habituellement et en permanence sur le territoire du royaume même si cette personne ne
dispose pas d’un logement ou n’est pas inscrite dans les registres de la population. Le but tout
à fait assumé du législateur était d’envoyer au CPAS le message suivant : pour cette branche-
ci du droit à l’intégration sociale, la résidence doit être une notion de fait. Si on est dans une
roulotte, sur un banc public, on est résident en Belgique, on n’exige pas un logement en bonne
et due forme. C’est la théorie. En pratique, il y a beaucoup de difficultés pour les personnes
dont la situation personnelle n’est pas stable, n’est pas clair. Il n’est pas rare que le CPAS
remballe ces personnes en disant qu’il n’est pas compétent. Le CPAS territorialement
compétent est celui de la commune sur le territoire de laquelle on se trouve. Quand une personne
sans abri vit dans la gare du Midi, dans quelle commune vit-elle ? Parfois c’est difficile à
déterminer.

2. L’âge
Article 3, 2° : pour pouvoir bénéficier du droit à l’intégration sociale, la personne doit être
majeure ou assimilée à une personne majeure
Article 7 : est assimilée à une personne majeure la personne mineure d’âge qui, soit est
émancipée par mariage, soit a un ou plusieurs enfants à sa charge, soit prouve qu’elle est
enceinte
Il faut en règle générale être majeure ou assimilé à une personne majeure. Trois cas de figure
d’assimilation sont énoncés par le texte :
- Emancipation par mariage
- Mineur avec des enfants à charge
- Mineure enceinte
Dans ces situations, les personnes mineures sont assimilées à des personnes majeures.

161
3. La nationalité
La philosophie du champ d’application est qu’on ait un lien de rattachement entre soi et la
collectivité politique nationale qui vient en aide. Les critères de nationalité ont été étendus au
fil du temps. Avant il fallait uniquement être belge. Aujourd’hui on a une liste de personne qui
entrent dans le champ d’application. Les personnes qui n’entrent pas dans l’une de ces cases ne
sont pas éligibles au droit à l’intégration sociale.
Article 3, 3° : pour pouvoir bénéficier du droit à l’intégration sociale, la personne doit :
• Soit posséder la nationalité belge
• Soit bénéficier en tant que citoyen de l’Union européenne, ou en tant que
membre de sa famille, d’un droit de séjour de plus de trois mois (et cette
catégorie de personne ne peut bénéficier du droit à l’intégration sociale qu’après
les trois premiers mois du séjour). Toutes les personnes ressortissantes de l’UE
ont la citoyenneté européenne. Toutes ces personnes entrent dans le champ
d’application ratione personae mais à condition de disposer d’un titre de séjour
de plus de trois mois. Pour disposer d’un titre de séjour de plus de trois mois, il
faut avoir une couverture maladie et des moyens suffisants pour subvenir à ses
besoins. A ces conditions-là, on donne un titre de séjour moyen.
Moins de trois mois c’est un court séjour, plus de trois mois c’est un séjour
moyen et plus de 5 ans c’est l’établissement, l’installation à durée indéfinie sur
le territoire d’un état membre. Ce qui est important c’est de voir ce qu’il y a
derrière, càd deux conditions : la couverture soins de santé et l’exigence d’avoir
des moyens suffisants.
Ces dernières années on a vu se développer des croisements de plus en plus
marqués entre l’aide sociale et la politique migratoire. Avec l’informatisation de
la sécu, on peut faciliter l’accès au droit et aussi durcir les contrôles. Depuis le
milieu des années 2010, on a des flux électroniques qui ont été mis en place entre
les CPAS et l’office des étrangers. On va de plus en plus que quand un
ressortissant de l’UE vient dans un CPAS et entre dans les conditions du droit à
l’intégration sociale du point de vue de la sécu, il peut être amené à perdre sous
l’angle du droit des étrangers son titre de séjour.
Pour avoir un titre de plus de trois mois, il faut une couverture santé et des
moyens suffisants pour subvenir à ses besoins. Après quelques années, on n’a
plus de moyens suffisants à cause de l’une ou l’autre raison. On va au CPAS en
tant que citoyen de l’UE ayant un titre de séjour de plus de trois mois. On est
parfaitement éligible à l’intégration sociale. Mais du point de vue du droit des
étrangers, le fait de solliciter au bénéfice d’une prestation d’aide sociale peut
laisser penser qu’on n’est plus autosuffisant, qu’on n’a plus de moyens pour
subvenir à nos besoins que donc on devient une charge pour le système national
d’aide sociale.
Alors qu’on fait une démarche totalement admissible du point de vue de la
sécurité sociale, cette démarche peut entraîner la déchéance du titre de séjour

162
sous l’angle du droit des étrangers. On fait appel au CPAS et un flux électronique
part à l’office des étrangers qui en déduit qu’on n’est pas autosuffisant et nous
retire notre droit de séjour. Là, on perd notre titre de séjour et a fortiori notre
droit à l’aide sociale. On peut recevoir un OQT (Ordre de quitter le territoire).
Un ressortissant européen doit réfléchir à deux fois. Cette évolution a été très
peu débattue car elle est instaurée par voie de flux électroniques.
• Soit être inscrite comme étranger au registre de la population : cela concerne
les étrangers qui ont franchi le cap de l’établissement, càd qui peuvent demeurer
à durée indéfinie. Ils sont traités comme des belges. Au-delà de 5 ans de séjour
légal et ininterrompu en Belgique, on devient éligible et on bascule du registre
des étrangers vers le registre de la population.
• Soit être un apatride ou un réfugié : on parle bien des personnes qui ont satisfait
aux conditions requises (dans la Convention de Genève) pour être reconnu
comme réfugié. Donc, un candidat réfugié, un demandeur d’asile n’entre pas
dans les conditions du droit à l’intégration sociale tant qu’il n’est pas reconnu
comme réfugié.
• Soit bénéficier de la protection subsidiaire : il s’agit de la situation dans
laquelle une personne demande à être reconnue comme étranger. Elle ne peut
être reconnue comme étranger mais on reconnaît quand même que si les critères
strictes et étroits pour être considéré comme réfugié ne sont pas remplis, il
n’empêche qu’on a de sérieux motifs de croire que si la personne était renvoyée
dans son pays, elle risque de subir des atteintes graves à son intégrité physique.
Cette personne reçoit la protection subsidiaire.

163
Section 3 – Les conditions d’octroi du droit à l’intégration sociale
Le droit à l’intégration sociale est strictement résiduaire. La philosophie ici est de garantir une
aide de dernier ressort à ceux qui ne peuvent pas s’en sortir par eux-mêmes. Que se passe-t-il
si on ne satisfait pas aux différentes conditions d’octroi ? Le CPAS coupe le droit à l’aide
sociale. En aide sociale, la sanction du non-respect des conditions est le refus d’octroi. On peut
réintroduire une demande si on répond de nouveau aux conditions.
Comparaison avec l’assurance chômage : en chômage, en règle générale, quand on ne satisfait
pas aux conditions d’octroi, on subit un certain nombre de semaines d’exclusion des allocations
de chômage.

1. Ne pas disposer de ressources suffisantes


Pour bénéficier du droit à l’intégration sociale, la personne doit ne pas disposer de ressources
suffisantes (art. 3, 4°), càd disposer de ressources inférieures au montant du revenu
d’intégration.
Le principe est très large et extensif car sauf les exceptions prévues par le Roi, toutes les
ressources, quelle qu’en soit la nature ou l’origine, dont dispose le demandeur sont prises en
considération (art. 16). Toutes les sources de revenus sont prises en considération. Si on touche
une allocation de sécurité sociale, un revenu du droit, un revenu locatif, on en tient compte.
Cela se fait dans le cadre de l’enquête sociale (art. 19 et AR du 1er décembre 2013) par le CPAS.
Le CPAS, avant de traiter chaque demande d’aide sociale, poursuit une enquête sociale. On a
un entretien avec un assistant social du centre qui fait le point sur les ressources dont on
bénéficie, sur notre situation personnelle, sur ce qui nous amène à vouloir bénéficier du droit à
l’intégration sociale.
Les ressources sont prises en compte selon un certain nombre de modalités. Signalons qu’il y a
un certain nombre de ressources qui sont exonérées et donc sont donc cumulables avec le revenu
d’intégration. En principe, on opère une déduction des ressources. Si on a droit à un revenu
d’intégration sociale (RI) de 900 euros mais qu’on a des revenus de travail de 400 euros, on va
percevoir 900-400 euros. A l’exception, quelques ressources sont cumulables avec le RI. C’est
le cas des allocations familiales, les pensions alimentaires et les bourses d’études (AR, art. 22,
§1er, al. 1er, b, c et g). Ces revenus servent à couvrir des frais autres que ceux que vise à couvrir
le RI qui vise à procurer un minimum socio-vital.

2. Etre disposé à travailler


Pour bénéficier du droit à l’intégration sociale, la personne doit être disposé à travailler, à moins
que des raisons de santé ou d’équité l’en empêchent (art. 3, 5°). Dans l’opinion publique, ce
n’est pas toujours très mesuré. Certains ont une image selon laquelle le CPAS donne à tout le
monde. C’est faux, il faut être disposé à travailler parce que l’aide sociale est strictement
résiduaire. Résiduaire par rapport au compte en banque et par rapport aux efforts que l’on peut
fournir nous-mêmes. On demande, en règle générale, d’être disposé à travailler. Mais cela ne
va pas de soi. Parfois les demandeurs sont éloignés voir très éloignés du marché de l’emploi.

164
a) La disposition au travail (« La personne doit être disposée à travailler… »)
La réglementation ne dit rien de spécial. En aide sociale, on a beaucoup de variations d’un
centre à l’autre car les textes ne sont pas précis et également parce l’organe qui pilote le CPAS,
c’est le conseil d’action sociale et donc des mandataires politiques élus au second degré. Parfois,
des décisions sont prises parce qu’une majorité considère qu’il faut faire telle chose alors que
ce n’est pas conforme à la réglementation.
Exemple : le CPAS d’Uccle vient de se faire condamner par le tribunal du travail de Bruxelles.
Cela concernait la manière de vérifier l’absence de ressources suffisantes. Le CPAS avait décidé
qu’une fois tous les 6 mois, tous les bénéficiaires devaient venir au CPAS et produire tous les
extraits de compte des trois derniers mois pour vérifier que les demandeurs n’ont pas de
ressources suffisantes. On ne peut pas faire ça, le CPAS s’est donc fait condamné. Le CPAS a
des tas d’autres moyens de vérifier l’absence de revenus pour une personne, des moyens
proportionnés au droit à la vie privée.
Qu’est-ce que la disposition à travailler ? On ne sait pas car la législation ne dit rien. La
jurisprudence a établi deux balises, lâches et ouvertes mais existantes.
• Négativement, la disposition à travailler au sens de la loi du 26 mai 2002 est autonome
de la notion de disposition au travail par rapport aux critères de la disponibilité pour le
marché de l’emploi propres à la réglementation du chômage
La disposition à travailler en RI ne veut pas dire la même chose. Si un chômeur a perdu ses
allocations du côté chômage, il ne peut pas, pour cette seule raison-là, automatiquement être
considéré comme n’étant pas disposé à travailler au sens de la loi du 26 mai 2002 car les
exigences ne sont pas les mêmes. Le filet est là pour rattraper ceux qui sont exclus. Ca ne sert
à rien de remettre un dernier filet de sécurité si les personnes concernées passent au travers. Il
n’empêche qu’il arrive en pratique que des CPAS refuse le RI à des personnes qui ont été
sanctionné par l’assurance chômage mais ce n’est pas légal.
• Positivement, exigence d’une appréciation « raisonnable », c’est-à-dire contextualisée,
de la disposition au travail
La balise posée par la jurisprudence est très lâche. Il s’agit d’une invitation faite au centre à
apprécier de manière raisonnable la disposition à travailler. Cela veut dire de manière
individualisée. On évalue la disponibilité en tenant compte de la situation de la personne, de
son âge, de son parcours professionnel, de sa situation familiale et de logement, et d’autres
facteurs. On voit donc bien l’écart avec l’assurance chômage pour laquelle les prestations sont
beaucoup moins individualisées. En assurance chômage, les prestations sont beaucoup moins
individualisées. En règle générale, la situation familiale n’entre pas en ligne de compte pour
déterminer si un emploi est convenable ou pas. Le chômage entretient un lien beaucoup plus
fort avec le marché de l’emploi. En CPAS, on doit prendre en compte toute une série de
variables peu/pas prise en compte en chômage. C’est le dernier filet de sécurité.
La disposition à travailler doit s’apprécier de manière individualisée et par ailleurs, il est
possible d’être dispensé de la disponibilité au travail.

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b) Les motifs exonératoires (« … à moins que des raisons de santé ou d’équité l’en
empêchent »)
Dans la loi, depuis 1974, depuis toujours, il est écrit qu’il faut être disposé à travailler à moins
que des raisons de santé ou d’équité l’en empêchent. On peut donc être exempté.
1) Les raisons de santé
Les raisons de santé peuvent être d’ordre physique ou psychologique. On prend également en
compte les difficultés au point de vue de la santé mentale.
2) Les raisons d’équité
Ces raisons sont totalement non-définies par la réglementation, à dessein pour permettre au
CPAS de faire du sur-mesure, de faire du cas par cas, de tenir compte de toutes les circonstances
particulières qui peuvent être de nature à exempter une personne d’être disposée à travailler.
Dans la pratique, dans la jurisprudence, on a des cas qui reviennent très souvent. On peut
moduler la disponibilité à travailler compte tenu de ces circonstances.
Cas les plus fréquents :
- Analphabétisme : la priorité sera d’entrer dans un processus de
formation.
- Garde d’enfants
- Suivi ou reprise d’études

c) Les contrats contenant un projet individualisé d’intégration sociale


L’octroi et le maintien du revenu d’intégration peuvent être assortis d’un projet individualisé
d’intégration sociale (art. 11). Il existe ce que l’on appelle des projets individualisés
d’intégration sociale. Le CPAS et le demandeur peuvent conclure un contrat contenant ce
projet. Dans ce projet, le CPAS et le demandeur vont prendre des engagements réciproques. Le
CPAS va dire quelle intervention il fait à notre bénéfice et nous on dit quelles sont les démarches
spécifiques que l’on va mettre en œuvre pour répondre à l’exigence d’être disposé à travailler.
Quand on fait ça, l’exigence d’être disposé à travailler n’est plus posée de manière générique.
Être disposé à travailler consiste à faire ces choses qui sont déclinées dans le contrat. Le projet
individualisé porte soit sur l’insertion professionnelle (réintégrer le marché de l’emploi) soit
sur l’insertion sociale. On parle ici d’un public très éloigné du marché d’emploi et donc
l’intégration visée peut d’abord être sociale. Elle sera sociale lorsqu’il y a beaucoup d’obstacles
qui rendent assez hypothétique le retour à court terme sur le marché de l’emploi. Si on a une
situation familiale apocalyptique, si on est confronté à des problèmes de dettes, de santé très
importants, ce ne sera pas très efficaces de dire « aller à l’intérim », il y a des difficultés à régler
en amont.
En 2016, le législateur a dit que l’intégration doit prioritairement être professionnelle avant
d’être sociale. Ce changement est conforme à l’état social actif, à la variante plus dure. L’idée
c’est qu’il ne faut pas indemniser pour indemniser et il faut retourner sur le marché de l’emploi
de manière rapide.

166
Si un contrat portant projet individualisé d’intégration sociale a été établi, et que ce contrat n’est
pas respecté, la sanction est modalisée différemment : le paiement du revenu d’intégration peut
être suspendu partiellement ou totalement pour une période d’un mois au maximum (art. 30,
§2).

3. Faire valoir ses droits aux autres prestations sociales


Il faut faire valoir ses droits dans les autres branches de la sécurité sociale. La philosophie est
toujours la même, le droit à l’aide sociale est strictement résiduaire. Si on peut bénéficier
d’autres revenus de sécurité sociale, il faut en bénéficier en priorité. Le CPAS n’intervient que
lorsqu’il n’y a pas d’autres ressources possibles. Pour bénéficier du droit à l’intégration sociale,
la personne doit faire valoir ses droits aux prestations dont elle peut bénéficier en vertu de la
législation sociale belge et étrangère (art. 3, 6°). Si on détecte qu’il y a une possibilité de frapper
une autre branche de la sécu, le demandeur sera renvoyé vers cette autre branche de la sécu. Le
CPAS a pour mission d’accompagner la personne, de l’aider dans la réalisation des démarches
qui lui permettent de réaliser et concrétiser ses droits.

4. Faire valoir ses droits à l’égard des débiteurs d’aliments (le cas échéant)
Cette condition est facultative. On a en fait trois conditions plus une. Il peut être imposé par le
CPAS à l’intéressé de faire valoir ses droits à l’égard des personnes qui lui doivent des aliments,
ces dernières étant limitées à son conjoint, ou son ex-conjoint, ses parents et ses enfants (art. 4,
§1er). C’est une simple faculté dont dispose le CPAS. Le CPAS peut contraindre la personne de
faire d’abord appel à la solidarité familiale. Les débiteurs aliments sont énumérés
limitativement par la réglementation : le conjoint, les parents et les enfants. On ne peut pas être
renvoyé au-delà.
Concrètement, un cas fréquent c’est le cas des jeunes qui prennent leur autonomie. En général,
le CPAS va demander de d’abord solliciter ses parents. C’est une faculté car le CPAS est
malvenu de faire ça lorsqu’en réalité, la raison pour laquelle on a quitté le domicile familial à
cause d’une rupture au sein de la famille, ce ne serait pas conforme à la réglementation. Dans
ce cas-là, typiquement on peut faire un recours et le tribunal du travail va considérer les faits.

Section 4 – La notion de droit à l’intégration sociale


Depuis le passage du minimex au droit à l’intégration sociale, en 2002, c’est une prestation qui
ne se limite théoriquement plus à un revenu minimum. Jusqu’en 2002, le minimex était un
montant plancher permettant de vivre de manière minimalement décente. Depuis 2002, la
palette des moyens à la disposition du CPAS est théoriquement beaucoup plus large. En
pratique, cela n’a pas fondamentalement changé.
Le droit à l’intégration sociale peut prendre la forme d’un emploi et/ou d’un revenu
d’intégration, le cas échéant assortis ou non d’un projet individualisé d’intégration sociale (art.
2, al. 1er). Donc, on voit déjà ici que le projet individualisé d’intégration sociale a un statut
ambivalent. C’est à la fois une condition d’octroi et ça fait partie de la prestation elle-même.
C’est une condition d’octroi car quand un contrat est établi, il faut le respecter. Sinon, on risque
d’avoir une sanction. Mais quand il y a un tel contrat, c’est aussi un aspect de la prestation.
Dans le projet, le CPAS va dire ce qu’il fait pour nous. Ce qu’il fait pour nous ça peut être versé

167
le revenu d’intégration, nous payer des cours d’alphabétisation, nous payer le loyer, tout ce qui
peut nous aider à nous intégrer professionnellement ou socialement.
Pendant longtemps, ces deux grandes modalités ne se sont pas modalisées de la même manière
selon l’âge du bénéficiaire, selon qu’il avait plus ou moins de 25. Toute la réglementation a été
écrite en fonction de cet âge-pivot de 25 ans. Depuis 2016, cet âge joue un rôle moindre
qu’auparavant. Les deux régimes juridiques sont quasiment les mêmes. On suit quand même la
logique de la loi qui distingue les deux.

1. Le régime applicable aux demandeurs âgés de moins


de 25 ans
Sur le plan des principes, selon la loi pour les moins de 25 ans, cela doit être un emploi. On
donne la priorité à l’emploi. La loi du 26 mai 2002 dit qu’en priorité le droit à l’intégrité sociale
doit passer par l’emploi.
a) L’emploi
Toute personne âgée de moins de 25 ans a « droit » à l’intégration sociale par l’emploi (art. 6,
§1er). Il y a un très large accord en doctrine et en jurisprudence pour dire qu’ici on n’a pas à
faire à un droit subjectif. Le CPAS a ici une obligation de moyen, il doit faire ce qui est
possible, ce qu’il est en mesure de faire pour nous aider à entrer dans le marché du travail.
Concrètement, le principal moyen dont le CPAS dispose pour réaliser le droit à l’intégration
sociale par l’emploi ce sont les « emplois article 60 ». L’article 60 §16 de la loi organique des
CPAS organise ce dispositif. C’est une construction qui permet aux CPAS de jouer le rôle
d’employeur, de fournir un emploi et de rémunérer le demandeur. Soit on est mis au travail par
le CPAS lui-même soit il nous met à la disposition d’un tiers.
Le droit à l’intégration sociale par la forme de l’emploi n’est pas du tout la règle. En pratique,
ça reste une situation largement minoritaire au total. Par rapport au minimex, il y a beaucoup
plus de bénéficiaires du minimex par l’emploi mais ça reste minoritaire. Pour l’immense
majorité des bénéficiaires du RI, le droit à l’intégration sociale prend la forme du revenu
d’intégration sociale. Le revenu d’intégration c’est l’ancien minimex.
b) Le revenu d’intégration
Dans l’attente d’un emploi, ou si la personne ne peut travailler pour des raisons de santé ou
d’équité, elle a droit à un revenu d’intégration (art. 10). C’est une prestation minimum qui peut
nous aider à vivre ou à survivre. On est en aide sociale donc, par hypothèse, on n’a pas à faire
à un revenu de remplacement, des allocations calculées en proportion de notre salaire perdu. Il
s’agit de revenus forfaitaires simplement modulés en fonction de la situation familiale. Les
montants ne sont pas les mêmes selon la composition de notre ménage. En aide sociale,
conceptuellement, on n’est pas indemnisé en tant qu’ancien travailleur qui s’est ouvert des
droits d’un certain niveau par son travail et par ses cotisations. On garantit un minimum de
ressources financés par la solidarité nationale et locale. Il y a encore une majorité dans ce pays
pour considérer que le coût de la vie n’est pas le même que l’on vive seul ou en ménage et donc
le montant du revenu varie selon la catégorie familiale. On distingue trois catégories.

168
1) Les catégories de bénéficiaires
Les montants forfaitaires sont soumis à la modulation familiale. C’est clairement un enjeu de
se trouver dans une catégorie plutôt que dans une autre car on n’a pas à faire avec des montants
pharamineux. La catégorie la moins favorable est la catégorie cohabitant.
• Les personnes cohabitantes
Il faut entendre par cohabitation le fait que des personnes vivent sous le même toit (critère
géographique), d’une part, et règlent principalement en commun leurs questions ménagères
(critère économique), d’autre part (art. 14, §1er, 1°). Les cohabitants sont à nouveau la
catégorie la moins privilégiée.
On a deux éléments qui permettent d’identifier les cohabitants :
- Critère géographique : peu importe la relation avec les autres personnes,
on doit vivre sous le même toit.
- Critère économique : il faut former avec l’autre personne un ménage sur
le plan économique, mutualiser les principales ressources et les
principales dépenses. On parle bien uniquement d’un ménage
économique. Cette notion de cohabitant n’est pas liée à la situation
affective ou sexuelle.
On peut très bien avoir un partenaire de vie sans être cohabitant avec cette personne. Et à
l’inverse on peut être cohabitant même en vivant avec un frère, ou un cousin.
• Les personnes isolées
Les isolés ce sont les personnes qui vivent seules mais pas seulement. C’est là qu’on voit l’écart
du sens qu’ont les mots dans le sens courant et en sécurité sociale. Un isolé au sens de la loi du
CPAS peut être seul ou qui vit avec ces autres personnes mais sans former un ménage sur le
plan économique et donc sans pouvoir être considéré comme cohabitant (art. 14, §1er, 2°).
Plusieurs personnes habitent à la même adresse, ça peut donner lieu soit à une catégorie
cohabitant soit isolée. Souvent, quand on habite avec quelqu’un d’autre, le CPAS va considérer
qu’on forme un ménage économique mais on peut toujours prouver qu’il n’y a pas de
mutualisation des ressources et des dépenses. L’exemple classique est celui des étudiants
cokoteurs.
• Les personnes vivant avec une famille à charge
Ce droit s’ouvre dès qu’il y a présence d’au moins un enfant mineur ; il couvre également le
droit de l’éventuel conjoint ou partenaire de vie (art. 14, §1er, 3°). Ce taux est donc accordé aux
couples qui vivent avec un enfant et aux foyers monoparentales. Ce taux unique famille à
charge va être octroyé à l’ensemble du ménage.
2) Les montants
Les montants du revenu d’intégration au 1er juillet 2019, sur une base mensuelle : 619,15 € pour
les personnes cohabitantes, 928,73 € pour les personnes isolées, 1 254,82 € pour les personnes
vivant avec une famille à charge.

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Deux précisions importantes :
• Un revenu différentiel : le montant du revenu d’intégration est diminué des ressources
du demandeur (art. 14, §2). Le revenu d’intégration est dit différentiel, càd que le
montant que l’on voit là est le montant plein et entier s’il n’y a aucune autre source de
revenu. Une part importante des bénéficiaires du revenu d’intégration ont d’autres
sources de revenus. Dans ce cas-là, on va diminuer le montant du revenu d’intégration
à concurrence du revenu déjà perçu de manière qu’au total on atteigne le montant du
revenu d’intégration.

• Prise en considération des ressources des personnes avec lesquelles le demandeur


cohabite :

On tient compte de ce qu’il y a dans le portefeuille des personnes avec lesquelles on vit.
La prise en considération des ressources éventuelles des personnes autre que le
demandeur a lieu dans certains cas de figure : on regarde obligatoirement ce qu’il y a
dans le portefeuille du partenaire de vie. Si cette personne a un revenu important, on
n’aura pas droit au revenu d’intégration. On va réduire ce revenu du montant du RI. La
prise en compte est facultative pour les ascendants et descendants majeurs du premier
degré (AR art. 34). Dans tous les autres cas de figure, la prise en compte est interdite.
Régulièrement, un CPAS se fait condamner parce qu’on a regardé dans le portefeuille
d’un frère ou d’un cousin.
Les montants sont (largement) inférieurs au seuil de risque de pauvreté. On a des indicateurs
dont le principal est le seuil de risque de pauvreté. Le taux de pauvreté c’est, en Europe en
tout cas, moins de 60% du revenu national médian. Le revenu national médian c’est le niveau
de revenu qui partage la population d’un pays donné en deux moitiés exactement équivalentes.
50% de la population a plus et 50% de la population a moins que ce niveau de revenus médian.
Lorsqu’on se trouve avec moins de 60% du revenu national médian, on vit sous le seuil de
risque de pauvreté. On vit dans une situation de distance significative par rapport au niveau de
vie qui est celui qui est d’une majorité des concitoyens. Aujourd’hui, en Belgique, le risque du
seuil de pauvreté est à 1200 euros. Avec 1200 euros on est 60% du revenu national médian. Au
regard de l’indicateur officiel européen, on se trouve quasiment 300 euros en dessous du seuil
européen de pauvreté. En Belgique, 15% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.
Individualiser les montants viserait à cesser de faire des catégories et garantirait un même
montant de base pour tout le monde. C’est découpler le niveau de l’allocation sociale de la
situation du bénéficiaire. Maintenant, concrètement, quelqu’un qui vit seul va perdre de l’argent
et beaucoup d’argent en allant habiter avec quelqu’un pour mutualiser les maigres ressources
dont ils disposent. On dit souvent que la modulation familiale a pour effet de pénaliser les
bénéficiaires.

2. Le régime applicable aux demandeurs âgés de 25 ans ou plus


Jusqu’à 2016, le régime juridique du droit à l’intégration sociale des personnes âgées de 25 ans
ou plus était le même si ce n’est qu’il n’y avait pas d’égalité entre l’emploi et le revenu
d’intégration. C’était soit le revenu soit l’emploi.

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Le droit à l’intégration sociale peut être réalisé par un emploi (de préférence, depuis 2016) ou
par l’octroi d’un revenu d’intégration (art. 13, §1er).
Depuis 2016, la différence est atténuée grâce le droit à l’intégration sociale peut être atteint soit
par l’emploi soit par le revenu d’intégration mais avec priorité à l’emploi.

Table des matières


Partie I. Introduction générale au droit de la sécurité sociale .......................................................................... 1
Chapitre 1 – La formation du système belge de sécurité sociale ................................................................. 1
Section 1 – De la révolution industrielle à la fin du 19ème siècle : le paupérisme et le dogme de la non-
intervention de l’Etat ............................................................................................................................... 1
Section 2 – De 1886 à la seconde guerre mondiale : de la liberté « subsidiée » aux assurances sociales
obligatoires............................................................................................................................................... 4
Section 3 : L’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs ................ 7
Section 4 – De 1944 à 1974 : les Trente Glorieuses, âge d’or de la sécurité sociale ............................... 9
Section 5 – Depuis 1975 : la crise de l’Etat-providence ........................................................................ 14
Epilogue – L’Etat social « actif » .......................................................................................................... 16
Chapitre 2 – La notion de sécurité sociale ................................................................................................. 17
Section 1 – Définir la sécurité sociale ? ................................................................................................. 17
Section 2 – Deux distinctions cardinales ............................................................................................... 20
Chapitre III – La diversité des systèmes de sécurité sociale ...................................................................... 24
Section 1 – Systèmes bismarckiens vs systèmes beveridgiens .............................................................. 24
Section 2 – Les quatre Europes sociales ................................................................................................ 26
Chapitre IV – La sécurité sociale et le droit constitutionnel ...................................................................... 26
Section 1 – La sécurité sociale, un droit fondamental ? ........................................................................ 26
Section 2 – La sécurité sociale, une compétence exclusivement fédérale ? .......................................... 30
Partie II – L’assujettissement, le financement et l’organisation administrative du système belge de sécurité
sociale ............................................................................................................................................................ 37
Chapitre I – L’assujettissement à la sécurité sociale.................................................................................. 37
Section 1 – Les principes généraux relatifs à l’assujettissement ........................................................... 37
Section 2 – L’assujettissement au régime de sécurité sociale des travailleurs salariés ......................... 38
Section 3 – L’assujettissement au régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants ................ 44
Chapitre II – Le financement de la sécurité sociale ................................................................................... 48
Section 1 – Mise en perspective de la problématique ............................................................................ 48
Section 2 – Le financement du régime des travailleurs salariés ............................................................ 51
Section 3 – Le financement du régime des travailleurs indépendants ................................................... 64
Chapitre III – L’organisation administrative du système de sécurité sociale ............................................ 76
Section 1 – L’organisation administrative du régime des travailleurs salariés ...................................... 76

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Section 2 – L’organisation administrative du régime des travailleurs indépendants ............................. 79
Partie III – Le régime de sécurité sociale des travailleurs salariés ................................................................ 79
Chapitre I – L’assurance contre les accidents du travail ............................................................................ 79
Section 1 – Vue d’ensemble .................................................................................................................. 80
Section 2 – Le champ d’application personnel : largement calqué sur l’assujettissement à la sécurité
social ...................................................................................................................................................... 84
Section 3 – Le risque couvert................................................................................................................. 86
Section 4 – L’indemnisation : une prise en charge de nature forfaitaire ............................................... 95
Section 5 – Aspects procéduraux ......................................................................................................... 101
Chapitre II – L’assurance chômage ......................................................................................................... 104
Section 1 – Vue d’ensemble ................................................................................................................ 104
Section 2 – Les conditions d’admissibilité à l’assurance chômage ..................................................... 107
Section 3 – Les conditions d’octroi des allocations de chômage ......................................................... 110
Section 4 – L’indemnisation ................................................................................................................ 116
Chapitre III – Les pensions de retraite ..................................................................................................... 121
Section 1 – Vue d’ensemble ................................................................................................................ 122
Section 2 – Le champ d’application personnel .................................................................................... 124
Section 3 – Les conditions d’octroi de la pension de retraite .............................................................. 125
Section 4 – Le calcul de la pension de retraite..................................................................................... 127
Conclusion ........................................................................................................................................... 133
Chapitre IV – L’assurance soins de santé ................................................................................................ 135
Section 1 – Vue d’ensemble ................................................................................................................ 135
Section 2 – Les bénéficiaires ............................................................................................................... 136
Section 3 – Les conditions d’octroi des prestations ............................................................................. 142
Section 4 – L’intervention dans le coût des prestations de santé ......................................................... 145
Partie IV – L’aide sociale ............................................................................................................................ 157
Chapitre I – Aperçu des différentes prestations non contributives .......................................................... 157
Chapitre II – Le droit à l’intégration sociale ............................................................................................ 159
Section 1 – Vue d’ensemble ................................................................................................................ 159
Section 2 – Le champ d’application personnel .................................................................................... 161
Section 3 – Les conditions d’octroi du droit à l’intégration sociale .................................................... 164
Section 4 – La notion de droit à l’intégration sociale .......................................................................... 167

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