Vous êtes sur la page 1sur 15

DU MOYEN-ÂGE AU 21ÈME SIÈCLE

La pauvreté est située historiquement


Elle prend des formes variables selon l’époque et le type de société :
● Taille et complexité de la société
● Degré de développement, type d’économie
● Représentations sociales des inégalités sociales et de la pauvreté
● Réponses institutionnelles / traitement social des pauvres

MOYEN-ÂGE : LA RICHESSE NE PROTÈGE NI DE LA FAIM NI DE LA PESTE


La richesse ne protège…
● Ni de la faim : Aléas climatiques, guerres et poussées démographiques déterminent la
nourriture disponible
● Ni de la peste ou des maladies infantiles

Un ordre social basé sur un ordre divin Ordre divin :


● Le changement social est impensable
● Argent et travail ne sont pas en odeur de sainteté : la pauvreté comme valeur morale
● Aumône et pauvres de l’église : devoir de charité

● Époque avec moins de richesse matériel (argent) mais plus de biens échangeables.
● On ne lutte pas contre la pauvreté car elle a un rôle, il y a un devoir de charité.
● Argent et travail ont des valeurs négatives, plutôt être un bon chrétien
● Pauvres = oppos. aux forts vieux, malades, veufs, orphelins, prisonniers, étrangers…
● Aide aux pauvres = Eglise en première ligne, lieu d’accueil

Conception de la pauvreté :
Manques matériels mais surtout immatériels :
● On groupait sous le terme de "pauvres" tous ceux qui, par opposition aux "forts", n'avaient ni
vaillance physique ni influence sociale, étaient juridiquement désavantagés et dans
l'incapacité de se défendre avec une arme : vieillards/malades/invalides/
veuves/orphelins/prisonniers/étrangers/pèlerins [DHS]
● Aussi des nobles et bourgeois n'ayant pas les moyens de mener une existence conforme à
leur rang

La pauvreté est une situation, et non un statut


● On n’est pas « un pauvre » [sauf ceux de l’Eglise]

Rapports pluriels envers les pauvres :


Stigmatisation et mépris des indigents (hérités de la tradition antique)
● Considérés comme des faibles, inutiles, sans valeur ni intérêt

Pauvreté comme valeur morale suprême


● Valorisation de celles et ceux qui font vœu de pauvreté pour suivre l’exemple du Christ
● Critique de la richesse

Le système a besoin de pauvres


● Aumône comme devoir chrétien

Argent et travail : des valeurs très relatives


La richesse est dévalorisée et décriée, de même que l’avarice et la cupidité :
● Économie peu monétarisée, argent peu répandu
● Interdiction de l’usure
● La notion même de propriété est critiquée Thomas d’Aquin : l’homme n’est que le gérant de
ce qu’il détient
● La vraie richesse, c’est de pouvoir assurer sa survie biologique (donc des terres fertiles et un
protecteur puissant), sa descendance et le salut de son âme

Le travail n’a rien d’attirant :


● Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front : le travail comme punition divine et engin de
torture
● Désir de réduire le temps de travail, de diriger les travaux agricoles sans se salir les mains,
d’être bon voisin et bon villageois plutôt que bon paysan
● Travail = quand on n’a rien d’autre pour subsister que vendre sa force de travail, comme ceux
qui ne possèdent ni terre ni outils
● A distinguer de l’exercice d’un art (=> ‘artisans’) ou de l’ouvrage (=> œuvrer/ouvrier)

L’aide aux pauvres :


L’Église en première ligne
● Accueil, hospices, pauvres de l’Église et aumône
● A la fin du moyen-âge : aussi les communes (pouvoir civil – surtout les villes => assistance
publique) et de riches donateurs (hospices de Baumes en France)

Entraide et solidarités de proximité en amont et en complément du système de la charité et de


l’aumône
● Des formes d’entraide individuelles existent aussi, principalement au sein des familles, des
villages, ou plus tard, des corporations de métiers
L’église
Tradition d’accueil et de protection
● Les abbés offrent protection (et gîte et couvert) à celles et ceux qui la demandent – pauvres
ou non

Les hospices et maladreries => malades et nécessiteux


● Apparaissent vers le XIIe siècle pour répondre à l’afflux grandissant de pauvres, en particulier
dans les villes
● Progressivement, certains sont fondés par des riches ou par des bourgeoisies => l’assistance
sort du giron de l’Eglise (à Genève, l’Hospice général distribue l’assistance publique depuis
1535)

Les pauvres de l’Eglise


● du Ve au XIIe siècle, la maison de l'Evêque devient la maison des pauvres: à sa porte, ils
reçoivent de sa main vêtements et vivres
● Selon les époques, l’évêque consacre une part fixe de son budget à l’assistance aux pauvres
● Aide régulière / durable
● L’église n’aide pas tous les pauvres => registre des bénéficiaires (le matricule, géré par un
clerc, le marguiller – Cathédrale de Lausanne : depuis 1337)

L’aumône :
● N’a pas pour but d’aider le pauvre mais le salut du riche => pas question que la pauvre sorte
de la pauvreté (Dieu l’a voulu ainsi et il est utile ainsi – justifie aussi la condamnation du vol)

« Dieu aurait pu faire tous les hommes riches, mais il voulut qu’il y ait des pauvres en ce
monde, afin que les riches aient une occasion de racheter leurs péchés » (Vie de saint Éloi)

● Au départ, l’aumône n’est pas individuelle : l’Église collecte des dons (aumônes, indulgences)
et en redistribue une partie (aide aux pauvres, hospices). Elle acquiert ainsi une puissance
économique considérable
● Plus tard, l’aumône sera mise en scène pour avoir des témoins (de la générosité et donc de la
richesse du riche) => directe + espace public

Systèmes similaires dans d’autres religions : Islam

A la fin du moyen-âge :
Transformations sociales importantes :
● Revalorisation de la richesse et du travail (réforme), place des femmes, persécution des juifs,
etc. => touche la conception de la pauvreté
● La vision de la pauvreté change, trop de pauvres, ils ne peuvent pas aider tout le monde.
● On distingue désormais entre ‘bons pauvres’ (dignes d’être aidés) et ‘mauvais pauvres’ (à qui
l’assistance sera refusée, et qui seront chassés) → vagabonds et gueux
○ Pauvre considéré comme responsable de sa situation est exclu de l’assistance
○ Pauvre tombé dans le besoin sans faute de sa part, à condition d’une conduite
honorable et un domicile stable
● Les gueux (bandes de mendiants qui sillonnent le pays et se concentrent dans les villes,
perçues comme contre-société dangereuse et des escrocs)
● Lutte contre les pauvres et travail obligatoire
● Lutte contre les pauvres au lieu de faire la lutte contre la pauvreté. Mise en place de travail
obligatoire, interdiction de mariage si pas suffisamment d’argent.
● En Suisse, les mendiants étrangers sont renvoyés, conditions d’accès à la bourgeoisie durcies,
interdiction du mariage aux pauvres pour éviter qu’il n’y ait plus de pauvre

TEMPS MODERNES : BONS PAUVRES ET MAUVAIS PAUVRES


« On se mit à classer les démunis en catégories : ceux qui étaient dignes d'être aidés et ceux qui ne
l'étaient pas (bons et mauvais pauvres), les détenteurs d'un droit de bourgeoisie et les étrangers
(aubains). Un pauvre considéré comme responsable de sa situation était exclu de l'assistance
officielle Seul méritait l'aumône celui qui était tombé dans le besoin sans faute de sa part et à
condition qu'il eût une conduite honorable et un domicile stable »

Bons pauvres et mauvais pauvres :


Deux figures classiques associées à la pauvreté
● L’abuseur (abuse de la solidarité de la communauté et vole les bons citoyens qui, eux,
remplissent leurs devoirs de travail et de charité)
● Le fauteur de troubles (remet en cause l’ordre social, ne serait-ce que parce qu’il affiche un
mode de vie différent)

Ces figures sont en partie construites pour légitimer la restriction de l’aide et la mise au travail forcée
● Apparaissent régulièrement quand la communauté considère que la charge d’aide devient
excessive ou refuse d’aider certains pauvres « non méritants »

Lutter contre les pauvres :


Mesures de contraintes et travail obligatoire :
● En France dès 1532, les mendiants valides doivent nettoyer les rues et les égouts
● En 1611, Marie de Médicis ordonne l’enfermement des mendiants dans les hôpitaux à Paris,
où ils sont astreints au travail
● Prison et répression armée contre les pauvres jugés dangereux ou indignes d’aide et ceux qui
se révoltent, les mendiants récidivistes sont envoyés aux galères
En Suisse (DHS) :
Une Diète de 1551 prévoit que désormais, les indigents seront à charge de leur lieu d’origine :
● Les mendiants « étrangers » sont renvoyés par convois dans leur lieu d'origine
● Les conditions d’accès à la bourgeoisie (et donc aux subsides de la commune) pour les
simples habitants sont durcies : on exige une fortune minimale ou une finance d’entrée
● On interdit le mariage à des couples dépourvus de moyens matériels suffisants pour
empêcher la prolifération des pauvres

19ÈME SIÈCLE : OUVRIERS ET PAUPÉRISME


Première moitié du 19ème :
Pauvreté endémique des campagnes
- Aléas climatiques et explosion démographique (baisse de la mortalité, surtout infantile) =>
famines et exodes rural ni de la peste ou des maladies infantiles.

L’industrie se développe mais


● Elle peine à absorber tout l’exode rural
● Les conditions de travail et de rémunération sont encore misérables (absence de régulations)

Conséquence : misère reste vaste et profonde et paupérisme. Paupérisme : nouvelle forme de


pauvreté de masse, liée au monde ouvrier et à la société industrielle (mal payés et mauvaises
conditions de travail)

Le paupérisme :
Nouvelle forme de pauvreté de masse, liée au monde ouvrier et à la société industrielle
● Misère des ouvriers mal payés et soumis à des conditions de vie et de travail mettant leur vie
en danger
● Misère encore plus grande des surnuméraires des campagnes qui fuient la pauvreté
historique des campagnes (aggravée par la croissance démographique) et s’entassent dans les
faubourgs des villes sans trouver le travail espéré

En Suisse
Disettes dues au climat et surtout au manque d'emplois dans les campagnes
● En particulier : 1816-1817 et 1846-1847
● 10 à 20% de la population assistée

Débat public animé sur les origines du paupérisme et les moyens de le combattre
● Alimenté par les mutuelles et les œuvres d’entraide qui se développent
● Société suisse d'utilité publique (SSUP, 1810)
Rôle déterminant de ces œuvres privées
● Les masculines : débat, conception, financement
● Les féminines : bénévolat de terrain (tâches concrètes)

Moralisme et tendance à attribuer aux pauvres la responsabilité de leurs malheurs


● Position répressive à l'encontre des "pauvres indignes", tels les mendiants, les errants et les
sans-patrie (Heimatlos)

Intense activité légiférante des cantons, oscillant entre


● Répression (interdiction de mendier, enfermement dans des asiles, restrictions au mariage,
infamie)
● Tentatives de rationalisation de l'assistance (principe de la commune d'origine, impôt des
pauvres, contrôle administratif)
● Innovations sociales (devoir d'assistance de la commune de domicile, privatisation de
l'assistance, encouragement à l’émigration)

Seconde moitié du 19ème siècle :


La société s’organise pour limiter la pauvreté, des mesures seront mises en place pour lutter contre la
pauvreté.
● Société civile et Etat: atténuer les effets
● Premières organisations syndicales et mouvement socialiste : agir sur les causes
● Protection contre les travaux trop dangereux, travaux avec salaires trop faibles

Essor industriel et émigration font baisser le chômage et augmenter les salaires réels
● En Suisse, forte hausse de l’emploi dès 1850 avec les grands chantiers ferroviaires, la
construction (logements, infrastructures urbaines, etc.) et l’industrie manufacturière
● Hausse de l’emploi avec les grands chantiers ferroviaires, la construction…
● Grand tournant en Suisse, révolution avec création de la Confédération 1848 → Acteur
supérieur, définit un socle de protection minimal et intervient sur conditions-cadres

En suisse
Constitution de 1848 :
● La Confédération change de statut et s’impose comme un acteur supérieur
● Elle définit un socle de protection minimale
● Loi sur les fabriques (1877)
● Article constitutionnel sur l'assurance maladie et accidents (1890, loi en 1912) et Caisse
nationale suisse d'assurance en cas d'accidents CNA (SUVA)
● Elle intervient sur les conditions-cadres ; l’assistance reste de la compétence du privé et des
cantons/communes

20ÈME SIÈCLE : LA MISÈRE DISPARAIT – LA PAUVRETÉ SE TRANSFORME


Première moitié du 20ème siècle :
Le progrès technique et économique et les luttes politiques entrainent le progrès social :
● Amélioration des conditions de travail (redistribution des profits + réglementation) =>
davantage de salaires et de protections
● Amélioration des rendements agricoles => davantage de nourriture
● Régulation démographique (saignée de 14-18 et début de contrôle des naissances)
● Extension de la protection sociale et des règlementations sur les conditions de travail

La grande crise des années 30


● Crash de la bourse de New-York un lundi de 1929
● Le système économique mondial s’écroule, jetant des milliers d’ouvriers et d’ouvrières au
chômage - mais aussi beaucoup de petits patrons
● La misère et la faim réapparaissent, et avec elles les distributions de nourriture
● En Angleterre, fleurissement des work houses qui accueillent les chômeurs sans aucun
soutien
● La crise socio-économique favorise la montée des nationalismes et la seconde guerre
mondiale
● La première guerre mondiale : plus (+) de richesse car moins de monde dû à la guerre.

Les 30 glorieuses (1945-1975)


● Croissance économique, politiques redistributives et protections sociales = plein emploi et
accroissement généralisé du niveau de vie
● Les leviers principaux : reconstruction aprèsguerre, progrès technique, investissements
publics, fiscalité et consommation des ménages
● La pauvreté de guerre (rationnement et logement de fortune) disparaît progressivement
● Accélération de l’exode rural vers les villes et des migrations des régions pauvres vers les plus
riches → expansion économique
● Les femmes recommencent à travailler et la jeunesse se transforme.
● Modernité et individualisation
● Baisse du temps de travail
● L’assistance sociale se transforme : il s’agit désormais d’accompagner plus que de distribuer
(accompagner à trouver du travail), assistés : quelques personnes âgées, marginaux, malades,
quelques migrants
● Transformation des normes d’aide sociale. Pratiquement plus personne ne vit en-dessous du
minimum vital, on ne calcule plus selon le salaire de subsistance et prise en compte des
besoins moins vitaux.
● Le minimum social remplace le minimum vital.
● Chocs pétroliers

Seconde moitié du 19ème siècle :


Modernité et individualisation :
● Émancipation économique face aux tutelles traditionnelles (famille) => jeunes, femmes,
aînés/cadets
● Sécurité offerte par l’Etat-providence
● Expansion de la formation
● Diversification des modèles familiaux / formes de foyers, affaiblissement des liens familiaux
● Baisse du temps de travail = temps libre

=> Pluralisation des situations et modes de vie

La misère disparaît… ou presque


● Les distributions alimentaires et de biens de première nécessité perdurent mais ne répondent
plus que rarement aux besoins prioritaires
● Des poches perdurent (abbé Pierre hivers 54/56)

L’assistance sociale se transforme


● Les assistés qui restent : quelques personnes âgées / marginaux / malades, quelques
migrants (+tox)
● Le travail d’assistance se modifie : il s’agit désormais d’accompagner plus que de distribuer

Transformation des normes d’aide sociale


● Pratiquement plus personne ne vit en-dessous du minimum vital => on arrête les calculs
selon le salaire de subsistance
● L’élévation générale du niveau de vie favorise la prise en compte de besoins moins vitaux
pour définir le seuil en-dessous duquel la société se sent un devoir d’agir
=> Le minimum social remplace le minimum vital

Fin du 20ème siècle :


1970s : La machine à croissance se grippe
● Chocs pétroliers mettent un terme à 30 années de croissance économique

1980-90s : Nouvelles pauvretés et retour de la grande pauvreté


● Chômage de longue durée et affaiblissement des liens sociaux => sdf, squats et
débrouillardise
● Politiques néolibérales et frein au développement de l’Etat social
● Retour des difficultés qu’on pensait avoir vaincu grâce aux progrès
● Apparition des notions de précarité sociale et d’exclusion sociale
▪ Précarité : personnes à la limite de la pauvreté. Ils ont encore leur salaire
comme source de revenu mais sont à risque de pauvreté.
▪ Exclusion : processus et état qui va amener une personne à se désinsérer de
la société même si elle y vit encore (liens sociaux cassés).
● Certains vont aller à l’aide sociale d’autres vont vivre avec le peu
d’argent qu’ils ont.
● Durablement confrontés à la pauvreté

20ème siècle : Nouvelles pauvretés


La fin du plein-emploi
● Chômeurs de longue durée dans les régions dévastées par la désindustrialisation
● Socle de chômage ‘incompressible’

Travailler n’offre plus la sécurité matérielle


● Pauvreté laborieuse / Working poors
● Dérégulation et désyndicalisation
● Emploi précaire (CDD, intérim, sous-traitance)
● Transitions technologiques + éco. = déqualification

La crise des banlieues


● Crise des conditions de logement
● Crise de l’intégration et des perspectives d’avenir

Nouvelles fragilités familiales et relationnelles


● Hausse de la divortialité => un salaire ne suffit plus à faire vivre deux ménages
● Mobilité résidentielle => perte des solidarités du milieu originel, recréer un réseau social et
les ressources liées à la connaissance de son lieu de vie
● (On hérite à la retraite)

En Suisse
La crise est moins visible
● L’économie marche mieux qu’ailleurs
● Le chômage est exporté (renvoi des permis saisonniers et B) ou caché (femmes qui
retournent élever les enfants)

Mais les cantons les plus exposés (frontaliers/ industriels) commencent à la sentir
● Les services d’aide sociale ‘sentent’ qu’il se passe quelque chose, le taux franchit la barre des
1%
● TI puis d’autres cantons : avons-nous des pauvres ?

CH : L’étude nationale sur la pauvreté :

Une intense activité de recherche :


Et le développement de nouveaux concepts qui s’imposent dans l’espace public
● Exclusion sociale
● Disqualification sociale
● Précarité
● Vulnérabilité
● Nouvelles pauvretés
● Société à deux vitesses
● Etc.
Confusions, termes employés dans tous les sens

L’EXCLUSION SOCIALE

Le contraire de l’inclusion ou de l’insertion


● Être exclus, c’est être en-dehors
● Un état mais aussi un processus
● Les exclus ne font donc plus vraiment partie de la société : ils existent, sont parmi nous, mais
ils ne participent plus à la société, qui les ignore
● On peut aussi s’exclure soi-même (façon ‘fuck le système’, décroissance, etc.)
● Différent d’être ‘marginal’, donc à la marge (encore dedans même si plus tout à fait)
● (Intégration : vient des études sur la migration)
A l’origine :
● Le concept apparaît dans les années 1960, sous ce terme ou à travers d’autres (underclass
p.ex.)
● Il renvoie à la situation de personnes qui ne profitent pas de l’amélioration socio-économique
de l’époque (Raymond Aron, 1969, Les désillusions du progrès)
● S’impose progressivement pour parler de cette nouvelle pauvreté qui n’est pas la misère [et
que certains ne veulent donc pas appeler pauvreté]
● Entre dans le langage institutionnel (RMI, FR 1988; Union Européenne dès les 1990)

Lien fort avec le chômage et l’emploi précaire


● Les 30 glorieuses : un salaire doit permettre à une famille de vivre
● Les exclus sont d’abord des exclus du marché du travail : jeunes chômeurs et chômeurs de
longue durée
● Puis aussi les travailleurs précaires : salaire insuffisant/ instable = insécurité matérielle
● Rationalisations en termes de ‘surnuméraires/ inutiles/ inadaptés’ => suggère que le
problème vient de l’individu et non du système

Globalement aujourd’hui
● Majorité d’usages renvoie à l’idée de groupes ou personnes laissées de côté et qui ne
peuvent plus participer pleinement à la société actuelle, basée sur le travail régulier et
rémunérateur et sur la consommation, ni profiter du progrès qu’elle génère
● Idée d’un état amené à durer (quand on a plongé si bas, il faut du temps pour remonter) mais
pas irréversible
● S’accompagne d’une perte de statut (déclassement social)

PRÉCARITÉ, VULNÉRABILITÉ

La précarité :
Du latin precarius… qui s'obtient par la prière
● Synonyme : incertitude, instabilité
Se répand en France dès la fin des années 1970
● Terme politico-médiatique > sociologique
Difficile à traduire dans d’autres langues / contextes culturels
● GB/US: les mêmes préoccupations s’expriment plutôt sous le vocable de flexibility (l’homme
flexible, R. Sennet)
● DE: société du risque (Risikogesellschaft, U. Beck)
Élargit l’analyse de la pauvreté aux situations ‘à risque de pauvreté’
● Fragilité, vulnérabilités sociales
● S’étend à une partie des classes moyennes
Symbolise la fin d’une époque/vision du monde
● Fin du plein-emploi et des sécurités liées
● Fin de la confiance dans le progrès économique et social (lendemains meilleurs pour
soi/enfants)
● Fin des solidarités historiques => l’individu seul face au risque

Société du risque :
Ulrich Beck (1986), La société du risque
Individualisation comme caractéristique typique du processus de modernisation
● Nouvelles libertés
● Nouveaux risques, individualisés (chômage, divorce – et pauvreté)

Inégalités horizontales se superposent aux traditionnelles inégalités verticales (classes)


● Sexe, âge, nationalité, etc.
Agnès Pitrou :

1980/1990 : De la précarité des familles à la précarité de l’emploi :


Années 1980 : Schnapper et d’autres vont reprendre le terme et l’appliquer au monde du travail dans
le contexte de fin du plein emploi
● Emplois précaires (=emplois sans sécurité : protections légales et/ou garantie de durabilité)
● La pauvreté ne nait plus seulement de l’absence d’emploi – elle émerge déjà au cœur de
l’emploi
Déplacent l’analyse au-delà des classes populaires et de la pauvreté au sens strict pour montrer
comment cette « nouvelle pauvreté » moderne affectent toute la société et notamment les classes
moyennes

1990/2000 : Au-delà de l’emploi, la précarité généralisée :


Robert Castel (1995), Les métamorphoses de la question sociale
● Précarisation plus large, s’apparentant à « l’effritement de la condition salariale »
● Mettre l’accent sur la précarisation du travail permet de comprendre les processus qui
alimentent la vulnérabilité sociale et produisent, en fin de parcours, le chômage et la
désaffiliation
● Ce phénomène affecte également les travailleurs à statut stable

Précarité généralisée :
Pierre Bourdieu (1993), La misère du monde et (1998), « La précarité est aujourd’hui partout
● Bourdieu revendique une position politique, dénonçant la précarité comme un « mode de
domination », fondé « sur l’institution d’un état généralisé et permanent d’insécurité visant à
contraindre les travailleurs à la soumission, à l’acceptation de l’exploitation » (1998, p. 99)

DÉBUT DU 3ÈME MILLÉNAIRE → XXIE SIÈCLE


● Les transformations en cours se poursuivent
● La métamorphose du travail
○ Flexibilité (moins de temps plein), nouveaux managements, rentabilité
○ Augmentation de la souffrance au travail, perte de sens, burn-out
○ Conditions objectives > subjectives, on délaisse la notion de bien-être au travail.
● Politiques néolibérales sans contre-pouvoirs
○ Protéger les riches pour alimenter la croissance
○ Responsabilité individuelle > Etat-providence
● Protection sociale en crise
○ Déphasage + critiques + difficulté à réformer
… et des phénomènes nouveaux qui changent les cartes
● Gagnants et perdants de la mondialisation :
○ Insécurité / mise en concurrence généralisée
○ Croissance des inégalités
● Sociétés globalisées et migrations mondiales
○ Structures sociales en déséquilibre et dérégulations
● Mass-médias, internet et réseaux sociaux
○ L’illusion de la réussite à portée de tous
○ Le standard de vie des stars comme référence
○ Nouveaux métiers, nouvelles sources de revenu

PAUVRETÉS ACTUELLES : SYNTHÈSE


Précarité/vulnérabilité générale
● Risque de pauvreté / pauvreté ponctuelle
Pauvretés ordinaires (min. social)
● Les bas salaires et les précaires
● Les exclus durablement assistés
Retour de la grande pauvreté (min. vital)
● Sdf et sans-abris (exclus non assistés)
● La mendicité
● Les personnes âgées/malades isolées
● L’accès scientifique et social à ces populations

La lutte contre la pauvreté émerge au 19ème siècle. Tâche publique d’aider les personnes qui ont
moins de moyens. Émergence de nouvelles réponses à la pauvreté réponses institutionnelles.
3 zones de pauvreté
❖ Grande pauvreté : la survie n’est plus garantie (bio-psycho-sociale) SDF, faim, grande
isolation social…
= pauvreté généralisée car c’est une pauvreté qui touche tous les domaines de conditions de
vie donc ça se rapproche de la grande pauvreté.
❖ Pauvreté ordinaire : la survie n’est plus mise en danger mais la pleine participation sociale
n’est plus possible.
❖ Précarité : niveau de vie un peu supérieur, on couvre l’entier de nos besoins et on est à peu
près intégré mais on n’arrive pas à gérer les imprévus qui arrivent et on peut basculer dans la
pauvreté.
Une personne à l’aide sociale en Suisse est en situation de précarité ou de pauvreté ?
Elle est en situation de pauvreté car quand on va à l’aide sociale, on a encore des choses pour vivre
décemment, mais on a moins que le reste de la population on a donc moins pour les loisirs,
transports… Les personnes à l’aide sociale sont en situation de pauvreté ordinaire car on couvre
l’essentiel des besoins mais pas assez pour avoir une vie totalement intégrée dans la société.
Donc si on est en précarité, on est un peu au-dessus de la pauvreté ordinaire, mais ces gens n’arrivent
pas forcément à gérer un imprévu financier et sont donc plus à risque de tomber dans la pauvreté
ordinaire voire en grande pauvreté.
Chômeur de longue durée ou travailleurs précaires
Facteur de risque d’être en situation de pauvreté, mais ça ne nous dit pas le niveau de vie de la
personne. En fonction des ressources et des autres risques, la personne peut avoir des niveaux de vie
complètement différents (SDF grande pauvreté, aide sociale pauvreté ordinaire ou pas pauvre
grâce au conjoint précarité).
Une personne qui gagnait 12'000.- par mois et qui soudainement ne peut plus travailler et passe à un
salaire de 2'300.- par mois, elle ne devient pas forcément pauvre. Même si son revenu est inférieur au
minimum social, elle n’aura pas forcément l’accès à l’aide sociale car on lui demandera d’abord
d’utiliser sa fortune, de vendre des biens…

Vous aimerez peut-être aussi