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Annales de Géographie

Origine des eaux qui servent à l'irrigation de Laghouat


Philippe-Gaspard Gauckler

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Gauckler Philippe-Gaspard. Origine des eaux qui servent à l'irrigation de Laghouat. In: Annales de Géographie, t. 17, n°91,
1908. pp. 83-84;

https://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1908_num_17_91_18211

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IRRIGATION DE LAGHOUAT. 83

déplacements ont contribué à son éducation de voyageur et aident à


comprendre comment se laissent entraîner vers l'Amérique ces troupes d'émi-
grants, dont pas un, au départ, ne considère l'exil comme définitif et n'a
perdu l'espoir du retour.

Pierre Denis.

ORIGINE DES EAUX QUI SERVENT A L'IRRIGATION


DE LAGHOUAT

On sait que, depuis un temps immémorial, l'oasis de Laghouat est


arrosée par des eaux captées dans le lit de l'Oued Mzi, à l'aide de barrages
volants qui détournent la presque totalité de leur cours apparent au profit
des canaux d'irrigations. On s'était préoccupé d'augmenter le débit des
eaux et, à cet effet, on avait projeté, il y a une trentaine d'années, la
construction d'un barrage placé en avant de la région d'émergence des eaux à
l'endroit où le lit rocheux est le plus étroit. On supposait qu'il existait un
cours souterrain s'infîltrant dans le sable de l'Oued Mzi et apparaissant au
jour par suite d'un rétrécissement de la roche imperméable qui entoure le
massif sableux. Dans cette hypothèse, l'eau proviendrait d'un bassin situé
en amont de Laghouat.
En 1905, après une grande sécheresse, le débit des eaux avait
considérablement diminué à Laghouat; la question de la construction du barrage
semblait prendre un certain caractère d'urgence. A cette occasion, on a
voulu calculer le débit de la rivière d'après la pente du lit souterrain. Pour
connaître celle-ci, on a fait une série de sondages dans le sable en amont
et en aval de Laghouat et on les a poussés jusqu'au niveau de l'eau. Un
nivellement a montré que la nappe souterraine n'avait pas de pente sensible
en amont des prises d'eau de Laghouat et présentait au contraire une
chute brusque en aval. On en a conclu que le lit de la rivière n'amenait
pas d'eau par l'amont et absorbait le liquide à l'aval. Dès lors on ne pouvait
expliquer la présence d'un cours superficiel près de Laghouat que par
l'existence, dans le voisinage, de sources importantes émergeant sous le
sable, dans le lit même de la rivière.
Une reconnaissance géologique faite par Mr G.-B.-M. Flamand,
professeur à l'École supérieure des Sciences d'Alger, a montré que cette
explication était confirmée par les indications que donnait l'étude des terrains.
Les eaux de Laghouat proviennent des couches supérieures du Turonien,
situées dans la région du Dakhla1 au Nord de l'Oued Mzi (rive gauche de la
rivière) et des couches analogues situées à l'Ouest de Ras el Aioun sur la
rive droite de la même rivière. Des recherches directes, faites à l'aide de

1. Le Dakhla est une cuvette entourée de montagnes dont les terrains supérieurs
appartiennent au Turonien. Celui-ci vient plonger dans la cuvette, où il est partiellement recouvert de
Miocène, de Pliocène et de Quaternaire ancien.
84 NOTES ET CORRESPONDANCE.
Tastes tranchées, ont permis de trouver sur la rive gauche de l'Oued Mži
■des sources importantes (plus de 100 litres à la seconde), à un niveau plus
élevé que celui de la rivière. Elles étaient séparées du lit par des couches
imperméables de Quaternaire ancien; ce Quaternaire doit disparaître vers
l'axe de la vallée, là où se trouvent les sources qui alimentent LaghouaL
L'ensemble des études faites à la fin de 4905 et au commencement de
1906 bouleverse complètement la théorie de l'augmentation du débit des
eaux que l'on avait établie en vertu des hypothèses primitives. Il est
démontré aujourd'hui que Laghouat doit ses eaux à des sources, et qu'aucun
barrage construit dans la rivière ne saurait modifier leur importance. Il
n'y a point de cours souterrain sensible, par conséquent il n'y a pas lieu
de chercher en profondeur l'augmentation du débit de la rivière
superficielle. Le seul problème qui se pose aujourd'hui serait d'essayer de
régulariser celui-ci, en le réduisant pendant la période d'abondance et en
l'augmentant pendant la période sèche. Le problème est très délicat et il n'est
pas sûr qu'on puisse trouver une solution pratique.
Les explorations de Mr Flamand ont encore montré que les eaux de
Tadjemout ne proviennent pas non plus, comme on le supposait, du cours
souterrain de l'Oued Mzi, mais qu'elles ont une origine analogue à celle
des eaux de Laghouat. Ce sont des sources émergeant sous les sables de
l'Oued Mzi qui donnent naissance au cours apparent dérivé au bénéfice dû
l'oasis de Tadjemout. De même, une reconnaissance rapide du côté de
Messad, qu'on croyait alimenté par le cours souterrain de l'Oued Messad,
resserré aux environs de cette ville par des terrains imperméables, a révélé,
là aussi, la présence de sources abondantes qui surgissent au fond de
l'oued sur une assez grande longueur. "
.
On voit que, dans son ensemble, la théorie ancienne des cours d'eau
souterrains que' le rétrécissement de leur lit contraint à couler au jour,
paraît devoir être écartée dans la région de Laghouat. Il conviendra, dans
chaque cas particulier, de rechercher avec soin si la disposition des couches
géologiques voisines des points d'eau ne doit pas faire admettre
l'existence de sources, et non d'un courant invisible qui suivrait le thalweg en
circulant entre les matériaux (sable, gravier, roche) qui en tapissent le
fond. On évitera ainsi de se lancer dans des entreprises onéreuses et
décevantes de barrages souterrains.

Philippe Gauckler.

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