Texte 4« Même les chinoises n’ont plus les pieds bandés !

»
Le ramadan de la parole de Jeanne Benameur (2014)

1 « Même les chinoises n’ont plus les pieds bandés ! »

(…)
2 Vous m’avez menée à la cuisine. Vous m’avez dit : « ce sera ton royaume, ma fille ! C’est le
3 seul endroit où doit régner une femme de bien.
(…)
4 Vous m’avez dit : « Reste avec tes précieux livres, ma fille, jusqu’à demain, seule dans ta
5 chambre. Quand j’ouvrirai la porte, si tu n’es pas revenue à de meilleurs sentiments, tes livres,
6 tu pourras leur dire adieu. Je ne te laisserai que la sainte Bible offerte par ta grand-mère. »

7 Vous n’avez pas le droit, ma mère, pas le droit !

(…)
8 Vous ne m’obligerez pas.
9 Dans une heure maintenant, à la nuit, Louison, la fille de notre cuisinière, sera sous ma
10 fenêtre. (…) Louison, en plus d’être femme, est née pauvre, alors apprendre lui est
11 doublement interdit !
12 Et cela ne vous révolte pas, non, je sais. Vous trouvez que le monde est ainsi fait et qu’il va
13 bien. Il y a les hommes et les femmes, les riches et les pauvres comme il y a les malades et
14 les bien portants ! Eh bien non !
15 Je ne m’y ferai jamais à un tel monde ! Ce soir, je lui donnerai tous mes livres, tous, pour qu’ils
16 continuent à vivre, à respirer de sa lecture à elle. (…) Les livres sont mes bateaux, mon
17 équipage. Ils m’ont appris à être le capitaine de ma vie.
18 (…) Ils sont le souffle que je vous crache au visage. Je voudrais d’ici demain les faire entrer
19 sous ma peau. La connaissance tatouée à l’intérieur. Pour vivre. Les mains qui ont écrit ces
20 mots étaient des mains libres. Je les voudrais sur ma tête cette nuit pour une dernière
21 bénédiction.
(…)
22 Prenez bien garde, ma mère, même votre fille n’a plus le cœur bandé.

LL
1er mouvement l.1 à 6 : Le rejet de l’éducation traditionnelle de sa mère
 Phrase exclamative + Modalisateur « même » voc de la chine> Rejet des
valeurs tradi qui perdurent en Europe alors qu’en Asie les femmes sont libérées
, référence aux contraintes du corps qui signent l’absence de liberté
 Anaphore « Vs m’avez dit »l.2/4/ > mère autoritaire, tyranique, responsable de
l’éducation de sa fille.
 Métaphore hyperbolique + le futur de certitude et l’injonction« royaume »l.2> La
cuisine est le seul endroit où une femme respectable peut et doit régner, c’est
une tâche noble que la jeune-fille ne doit pas mépriser puisque c’est son seul
destin
 Répétition « tes »l.4/5+antiphrase « précieux » l.4> ton ironique montre le
mépris de la mère, qui met de la distance ac les caprices de sa fille.
 Négation restrictive « je ne te laisserai que la Ste Bible » > la religion est un
devoir pour les femmes, de plus le seul livre important dont la jeune fille hérite
 Voix passive, complément d’agent « par ta grand-mère »l.6> l’éducation
n’évolue pas elle reste une tradition transmise par les femmes elles-mêmes.
Les femmes sont responsables de ces habitudes qui perdurent.
 Apostrophe et parallélisme de construction « ma mère »> en reprenant la
même construction de phrase la jeune fille se hisse au même niveau que sa
mère, de femme à femme, cette attitude est provocante.

2ème mouvement l.7 à 14 : Rejet de la société inique

 Négation absolue + exclamative « vs n’avez pas le droit ! »l.7 > opposition
virulente, révolte face à une autorité qu’elle ne juge plus légitime.
 Négation absolue+ futur + phrase déclarative « Vs ne m’obligerez pas. »l.8> la
fille est déterminée, ne cèdera pas.> pas de dialogue possible.
  CCTemps « ds 1 heure (…) à la nuit »l.9 > la réaction est immédiate de la fille
qui n’hésite pas à contrer sa mère tt en protégeant Louison.
 Le CdN « de notre cuisinière » l.9 > cette jeune fille est pauvre, sa condition est
plus dure encore que celle de sa jeune maîtresse. Pourtant ttes les 2 st
destinées à la cuisine (cf l.2)
 Attributs « femme/ pauvre » > 2 caractéristiques qui sont des entraves à
l’émancipation.
 Exclamative + présent de vérité générale « apprendre(…)ai interdit ! »l.11 >
indignation face la société injuste pour les femmes.
 Termes antithétiques +Gradation+ comparaison « les hommes (…) bien
portants » l.13/14> la société est inique, puisqu’elle considère les inégalités
sociales comme une norme incontestable, un ordre établi.

3ème mouvement, l.15 à la fin : l’émancipation par le savoir

 Négation+ futur « ne jamais » l.15 > révolte catégorique, aucun dialogue
possible
 Personnification + métaphore filée du bateau « vivre, respirer, équipage » > les
livres ksont le moyen d’émancipation de libération, ils lui sont indispiensable .
 Métaphore « Le capitaine »l.17 > Elle souhaite être responsable d’elle-même,
ne dépendre de personne, faire ses propres choix
 Voc familier « que je vs crache au visage » >plus aucun respecte révolte
violente qui passe par les mots, les cris
 Phrase averbale « la connaissance(…) intérieur »l.19 > phrase percutant par sa
briéveté, la jeune fille dit l’essentiel. Elle n’enjolive pas ses propos .
 Phrase brève « pour vivre »l.19 > des mots présentés comme des coups.
 Métonymie « les mainsx2 libres »l.20 > les auteurs sont des personnes
affranchies, émancipées. Elle se met sous leur patronnage, leur protection.
 CCBut « pour une dernière bénédiction » > sa vie de jeune fille s’achève , elle
débute son existence d’adulte libre où seuls les livres et le savoir sont sacrés.
 Impératif « Prenez bien garde » > injonction menaçante qui lui annonce sa
liberté à venir, sa fuite.